Enjeux et difficultés de l’affirmation d’un territoire du luxe : coconception d’un modèle de cluster dédié aux savoir‑faire d’exception
p. 199-222
Texte intégral
1L’âme du luxe réside dans l’histoire d’un territoire. Un cristal évoque Baccarat, un costume Milan, une montre la Suisse… Le produit de luxe établit une connexion immédiate entre la géographie, l’histoire, la culture d’un territoire (regional charisma en anglais) et l’ensemble des consommateurs de la planète ; ceux aux revenus élevés qui l’acquièrent pour profiter de son caractère unique en termes de qualité et/ou pour signaler une réussite sociale1, et les autres qui le reconnaissent comme étant ce marqueur2. Un produit de luxe concentre des savoir-faire locaux reconnus et désirés à l’échelle globale. Le luxe est, en général, le produit d’une histoire longue, comme le montrent les histoires de l’horlogerie suisse3, du parfum en France4, du cognac en val de Charente5, de la maroquinerie en France et en Italie6.
2Aux confins des départements de la Charente, de la Dordogne et de la Haute-Vienne, au cœur d’un territoire rural, plusieurs dizaines d’entreprises fabriquent des articles en cuir avec un positionnement très haut de gamme, voire ouvertement luxe. Weston, Hermès, Repetto, Agnelle, CWD… sont des acteurs importants du tissu économique de ce territoire, de renommée internationale et très tournés vers l’exportation. L’entièreté d’une chaîne de valeur est présente autour du cuir : de la fourniture de matière première jusqu’à la production artisanale et industrielle de luxe basée sur des savoir-faire reconnus, parfois anciens comme dans la ganterie et la chaussure, mais parfois d’émergence plus récente comme la maroquinerie et la sellerie. Des acteurs de la filière, soutenus par la région Nouvelle-Aquitaine, se sont d’abord rassemblés au sein du Pôle d’excellence des métiers du cuir et du luxe, dédié à la formation. En mars 2017, à l’initiative de certaines entreprises du secteur et toujours avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine, un cluster cuir a été créé sous la forme d’une association, Réso’Cuir Nouvelle-Aquitaine, afin de favoriser les échanges et les mises en réseaux entre acteurs de la filière. Deux questions d’intérêt stratégique pour cet écosystème émergent se posent : en quoi le positionnement luxe singularise-t-il les effets à attendre d’un cluster ? Quel type de processus de création de valeur prend place au sein d’un cluster du luxe ?
3La filière cuir/luxe n’a pas fait l’objet de nombreuses études académiques7. Notre travail vise à décrypter le processus de constitution d’un cluster dans ce domaine à l’aide d’une analyse par les flux de valeur. En sciences de gestion et du management, la plupart des chercheurs étudient les processus de création de valeur en mobilisant une approche par le business model (BM), ou « modèle d’affaires », qui explique comment une organisation crée et capture de la valeur au sein d’un écosystème ou réseau de valeurs8. L’approche appréhende la structuration de la valeur en examinant les différentes dimensions en présence et leurs interconnexions systémiques9. Les concepts de proposition de valeur, de création et de capture de la valeur, ainsi que de partage et de façonnement de la valeur10 sont parmi les flux les plus fréquemment cités par la littérature pour expliquer la création et le développement des organisations dans des écosystèmes plus larges (villages, communautés, régions, etc.). L’originalité de notre travail est de transposer cette analyse centrée sur les entreprises à celle de réseaux d’acteurs présents dans un cluster. L’enjeu est d’épouser une perspective plus large qui intègre les flux de valeur économiques mais aussi sociétaux et environnementaux11.
4Pour l’accès au terrain, l’étude de cas a été privilégiée. Méthode qualitative, celle-ci permet une investigation fondée sur une diversité de modalités d’accès au terrain permettant une multi-angulation des données ainsi recueillies12. L’approche retenue considère toute donnée comme porteuse de connaissance13. Ont ainsi été menés des entretiens semi-directifs, des discussions informelles, l’écoute de tables rondes lors de journées « Portes du cuir » ou « Rendez-vous des savoir-faire d’excellence » auprès d’une quarantaine d’acteurs à tous les niveaux de la filière (tanneries, artisans, institutionnels et collectifs). Ces entretiens se sont accompagnés de visites d’ateliers, show-rooms, puis ont été croisés avec des sources de presse locale, les sites Internet des différents acteurs et la littérature académique sur les clusters et l’économie du luxe. Lors des entretiens, un schéma représentant les flux de valeur échangés au sein du cluster a été progressivement alimenté, commenté, corrigé par les répondants (voir le schéma initial figure 1). Cette coconstruction a permis ensuite une analyse contextualisée de la façon dont l’écosystème étudié se développe. L’analyse conduite inclut ainsi une comparaison constante des données où les affirmations d’un groupe d’acteurs (les artisans, par exemple), les histoires relatées, les incidents rapportés sont comparés avec d’autres données de même nature émanant d’un autre groupe d’acteurs (les institutionnels).
5Le chapitre considère dans un premier temps les écrits qui permettent d’identifier les processus d’échanges de valeur au sein de clusters du luxe. Puis, le processus de constitution d’un cluster est analysé dans une perspective historique et institutionnelle à travers les étapes de la concentration d’activité autour du cuir/luxe, tout en mettant en perspective les flux de valeur à l’œuvre dans le secteur du luxe. Le modèle coconstruit avec les acteurs rencontrés est alors présenté ; plusieurs implications pour les acteurs économiques sont enfin proposées.
I. Des ressources appréhendées comme des flux de valeur caractéristiques des clusters
6De récents travaux portant sur les clusters et les écosystèmes mettent l’accent sur la création de valeur par un groupe d’acteurs14. Ron Adner qualifie ces systèmes de « compositions de création de valeur interdépendantes ». Dans un contexte d’interdépendance, la perspective des flux de valeur souligne la création de richesse opérée par des ressources matérielles, sociales, cognitives et relationnelles partagées et/ou reçues au sein de clusters réunissant de très petites entreprises (TPE) et de plus grandes entités. Michael Porter15 caractérise les clusters comme des concentrations géographiques d’organisations susceptibles concomitamment de coopérer ou de s’affronter et qui sont soutenues par différentes institutions. À travers les interactions d’une large variété d’acteurs, des flux de valeur matériaux, sociaux et culturels prennent place à travers les relations avec les fournisseurs locaux, les politiques régionales et nationales, l’union des travailleurs dotés d’une expertise partagée avec les instituts de formation, des infrastructures physiques et de service, et une demande locale16.
7Le concept de proximité spatiale, très travaillé par les chercheurs français, définit les flux de valeur principaux au bénéfice des entités, du fait de leur localisation mitoyenne d’autres acteurs économiques17. La proximité spatiale crée premièrement une proximité sociale en raison de rencontres accidentelles ou intentionnelles. Ces rencontres en face-à-face facilitent l’émergence d’une confiance entre des acteurs animés a priori par des objectifs et des attentes pluriels18. Peu à peu, la proximité sociale façonne des réseaux sociaux qui ingèrent une connaissance ancrée dans les réseaux personnels des acteurs, les pratiques d’un monde des affaires local, les routines millénaires, les institutions historiques et les acteurs en connexion régulière ou occasionnelle19. La connaissance ainsi façonnée est idiosyncrasique. Elle est non codifiée et tacite20. Elle est locale et bien plus progressivement transmise qu’une connaissance explicite, ce qui protège les partenaires innovants d’être copiés, voire rapidement spoliés21. Les réseaux sociaux se transforment alors en réseaux de valeur, facilitateurs de relations d’affaires avec de nouvelles parties prenantes : fournisseurs, clients, partenaires, institutionnels, juristes à l’origine de normes et de conventions…, autant d’acteurs qui vont accélérer le déploiement des ressources des entreprises en place22. Point d’importance, la proximité institutionnelle active la collaboration et la standardisation des pratiques. Les institutions nationales conçoivent des normes et des labels qui protègent l’innovation et la connaissance développées23. Les institutions locales encouragent les processus d’apprentissage collectifs, le partage de connaissance et la mobilité des entreprises24. Elles peuvent accélérer l’accès des entreprises à une connaissance de pointe à travers le financement d’infrastructures et de recherche et de développement, d’incubateurs, de programmes universitaires de formation à l’entrepreneuriat, d’instituts techniques et l’organisation d’événements fédérateurs des réseaux en place25.
8Dans un cercle vertueux, la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée et la présence de différents réseaux favorisent le transfert et l’échange de nouvelles idées entre les entreprises, encourageant l’innovation incrémentale et collective26. En partageant la technologie numérique, les entreprises peuvent également transmettre et créer des connaissances, car la présence de nombreux entrepreneurs dans une région contribue à la mise en place d’une culture de soutien et de solidarité27. Enfin, la proximité géographique favorise la proximité cognitive fondée sur une logique d’« appartenance » ou de « similitude » entre entreprises appartenant à la même industrie ou participant aux mêmes projets, partageant la même expertise ou ayant des valeurs personnelles similaires, respectivement28. Certes, la proximité cognitive fondée sur l’expertise peut également se développer entre des partenaires éloignés et la proximité cognitive fondée sur l’appartenance à la même industrie peut être risquée29. Elle est d’ailleurs souvent perçue comme telle par l’industrie du luxe.
II. Le processus singulier de création de valeur des clusters du luxe
9La proposition de valeur – qui repose sur les avantages promis que le client du luxe doit recevoir – est le fondement de l’industrie du luxe. Pour que la proposition de valeur se concrétise, les entreprises de luxe intègrent et coordonnent une grande variété de savoir-faire de TPE artisanales françaises. L’essence des marques de luxe est traditionnellement la haute qualité, une durabilité supérieure et des dimensions intangibles définies comme des « espaces de rêve »30. Parmi ces dimensions, l’excellence et l’unicité fondées sur la culture, la tradition régionale, le style de vie, l’« artification » et, plus récemment, la durabilité confèrent aux produits de luxe leur valeur unique. Pour garantir le contrôle de la qualité, il est nécessaire de fournir une qualité supérieure constante dans toute la gamme de produits et de contrôler l’entièreté de la chaîne de valeur, de l’achat des matières premières à la distribution des produits finis31. L’unicité repose également sur d’autres ressources matérielles et culturelles qui permettent une expérience exclusive. Elle passe par l’héritage, la tradition, l’utilisation de matériaux rares, des éditions limitées32, l’association à des clients de renom, à un style de vie rêvé et le développement d’un réseau de boutiques monomarques véhiculant l’image de marque et les valeurs de l’entreprise33. L’objectif est de rassembler le charisme par l’art et la magie34. Dans cette perspective, le luxe est l’ambassadeur de la tradition locale. Un autre facteur d’unicité est donc l’association avec un pays ou une région d’origine qui a une réputation singulière en tant que source d’excellence pour une certaine catégorie de produits (par exemple, le champagne ou le cognac de France). L’unicité et la qualité peuvent également être associées à des performances techniques supérieures lorsque la marque a un contenu technique (par exemple, des chaussures ou des montres). Posséder un produit aux meilleures performances techniques peut communiquer des émotions aux clients, mais une innovation continue est alors nécessaire pour maintenir le positionnement du produit. L’artification est un autre élément de la proposition de valeur qui fait plus que jamais aujourd’hui partie de l’univers du luxe via la conception du produit, l’influence du directeur créatif, la vente au détail de produits de luxe, l’association des marques de luxe avec les artistes et l’art contemporain. Mais l’artification prend du temps. Elle nécessite l’investissement personnel des dirigeants d’entreprise, des directeurs de marques et de leurs partenaires TPE, la coopération active des autorités artistiques et des acteurs connus, même si les médias et les réseaux sociaux peuvent accélérer la transformation des créateurs en icônes culturelles. En outre, dans le domaine du luxe durable, des éléments cruciaux sont exigés des entreprises en termes de performances sociales et environnementales. L’industrie du luxe doit se recentrer sur la durabilité, car les consommateurs de toutes les classes sociales associent souvent le luxe à la superficialité et au gaspillage35. Miguel Angel Gardetti et Ana Laura Torres36 expliquent également que le luxe durable exige le développement de nouvelles capacités à créer des solutions innovantes aux défis sociétaux et à collaborer avec les communautés locales. Il s’agit de combiner des compétences et des connaissances modernes immanentes à un patrimoine culturel rare.
10Un cluster du luxe nécessite une grande variété de ressources de haute qualité qui ne sont jamais déconnectées, mais plutôt qui interagissent et s’influencent mutuellement. Les recherches axées sur les stratégies de la chaîne d’approvisionnement du luxe montrent comment les entreprises de luxe développent une orchestration de réseau à plusieurs niveaux, fondée sur des chaînes d’approvisionnement agiles, des systèmes d’information performants, une logistique interne et une proximité avec le client du luxe37. Un certain nombre de flux économiques doivent avoir lieu pour que la proposition de valeur du luxe se concrétise. La complexité du produit nécessite un réseau étendu et profond en amont de PME spécialisées dans l’artisanat. Les entreprises de luxe peuvent bénéficier de la présence d’organismes de recherche spécialisés dans les technologies qu’elles utilisent ou se mettre en relation avec des TPE locales qui facilitent une distribution rapide et flexible de petits lots38. La présence des universités accélère les retombées de la connaissance, tandis que la formation de travailleurs hautement qualifiés par le biais de programmes éducatifs spécifiques favorise l’esprit d’entreprise. L’unicité signifie également la variété des produits et de faibles volumes pour chaque produit de luxe, et peut encourager la fabrication sur commande avec des détaillants flexibles et collaboratifs. Elle implique des stratégies de montée en gamme avec une augmentation continue des prix. D’autres flux de valeur se concentrent sur des attributs sociétaux et environnementaux. Par exemple, Nadine Hennings, Klaus-Peter Wiedmann, Christiane Klarmann et Stefan Behrens39 rappellent qu’une concentration régionale d’entreprises de luxe devrait créer des externalités positives en termes de qualité réelle, perçue et de durabilité. Les entreprises de luxe et leurs TPE partenaires locales peuvent recevoir des retours croissants des économies d’agglomération grâce à la garantie de la qualité des intrants, de l’histoire régionale et de la tradition dans « une image globale » de la production locale.
11Afin de mieux saisir le processus de création de valeur à l’œuvre au sein d’un cluster du luxe, nous avons choisi de mobiliser les enseignements de travaux sur la valeur et les BM, menés à l’échelle des organisations40, pour les adapter à l’échelle de l’écosystème de l’industrie du luxe. Appliquée aux clusters du luxe, la proposition de valeur est une combinaison d’avantages spécifiques que les entreprises de luxe offrent à leurs clients. Au sein du cluster du luxe, la proposition de valeur, tel un « essieu directeur » permet la capture de la valeur, spécifie sa génération, sous-tend son façonnement et en pilote le partage entre les acteurs de la filière au bénéfice de la région et des clients mondiaux. La capture de la valeur fait référence à la structure et aux processus permettant d’atteindre la performance41. Elle a trait à la rétention de la valeur par le cluster et ses acteurs. Elle inclut les performances financières des entreprises de luxe et des TPE artisanales ainsi que leur réputation, la satisfaction des employés et des clients. La génération de la valeur est rendue possible par les compétences humaines et les ressources organisationnelles dont les entreprises ont besoin pour fonctionner. Dans l’industrie du luxe, la génération de valeur se concentre sur la gouvernance des clusters et la façon dont les produits de luxe sont fabriqués grâce à l’assemblage du savoir-faire de différentes TPE en cohésion avec les attentes des marques de luxe mondiales. Le partage de la valeur considère le transfert de la valeur des acteurs économiques vers un environnement plus large, y compris les bénéfices pour les autres parties prenantes et la société en général42. Le façonnement de la valeur prend en compte les échanges de valeur entre les parties prenantes et les capitaux offerts par les activités du cluster, en améliorant les flux de valeur économique, sociétale et environnementale qui ont lieu au sein du cluster43 en lien avec la proposition de valeur des industriels du luxe. La figure 1 synthétise les flux de valeur en présence afin de faciliter une compréhension du processus de création de valeur au sein de clusters du luxe.
III. Un cluster cuir/luxe en Nouvelle‑Aquitaine, quelles réalités ?
12Avant d’être une institution, le cluster cuir/luxe renvoie à la réalité d’une filière en voie de structuration et d’une concentration d’activités autour du cuir.
A. Une concentration d’activités autour du cuir
13La filière cuir s’appuie sur l’existence de l’ensemble de la chaîne de valeur sur le territoire, de la fourniture d’une matière première de qualité (éleveurs bovins et ovins, coopératives, abattoirs, tanneries et mégisseries) jusqu’à la production artisanale et industrielle basée sur des savoir-faire parfois anciens, portés par des professionnels des métiers d’art et des entreprises dans la ganterie, la maroquinerie, la sellerie, la chaussure… Ainsi, à l’échelle de l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine, la filière est constituée de plus d’une centaine d’entreprises qui emploient près de 4 800 personnes. Les figures de proue en sont :
Hermès, avec ses trois unités de production à Nontron, Montbron et Saint-Junien ;
le chausseur Weston à Limoges ;
le gantier Agnelle à Saint-Junien ;
le fabricant de chaussures de danse Repetto à Saint-Médard-d’Excideuil ;
le sellier sportif de luxe CWD à Nontron.
14D’autres entreprises travaillant le cuir et attachées à l’excellence peuvent être signalées :
les maroquiniers Le Tanneur à Bort-les-Orgues et Daguet à Saint-Junien ;
le sellier Fleur de Lys à Pompadour ;
le tapissier décorateur Rubi Cuir à Boulazac ;
le bottier Chamberlan à Nontron ;
le malletier-maroquinier Franck Tioni à Saint-Sylvestre…
15Des artisans du cuir gravitent autour de ces firmes. Des tanneries sont présentes sur le territoire à Saint-Pardoux-la-Rivière, à Bellac, à Saint-Léonard-de-Noblat, alimentées pour partie par les abattoirs locaux (Ribérac, Thiviers, Limoges…) et un élevage qui se développe sur le territoire grâce à des filières de qualité comme le veau sous la mère. La mégisserie subsiste (entreprise Colombier à Saint-Junien…). Cette concentration d’activités peut être analysée comme un cluster au sens de Michael Porter44, c’est-à-dire une concentration géographique d’entreprises interdépendantes dans des secteurs industriels proches ; la figure 2 en propose une représentation stylisée.
16Le cuir constitue l’une des filières porteuses, identifiées comme prioritaires par la région. Depuis 2014, elle s’est fortement investie auprès du Pôle d’excellence des métiers du cuir et du luxe basé au lycée Porte-d’Aquitaine de Thiviers en Dordogne. Ce pôle, doté d’équipements modernes, offre aux entreprises la possibilité d’adapter et d’élever le niveau de compétences de leurs salariés. Il permet aussi aux organismes de formation de préparer des demandeurs d’emploi aux métiers du cuir. La région soutient également le projet de la Cité du cuir à Saint-Junien, capitale de la ganterie et de la mégisserie. Il s’inscrit dans une dynamique tant touristique et patrimoniale qu’économique de la filière cuir avec l’installation d’entreprises.
17En mars 2017, à l’initiative de certaines entreprises du secteur, un cluster cuir a été créé sous la forme d’une association soutenue par la région ; portant le nom de Cluster Réso’Cuir Nouvelle-Aquitaine, il est localisé à Thiviers. Cette structure a des objectifs classiques : elle vise à favoriser les échanges et les mises en réseau entre acteurs de la filière. Elle entend aussi établir des ponts avec les autres familles des métiers d’art. Le cluster entend ainsi renforcer l’innovation au sein du secteur et soutenir son développement à l’international. En matière de formation, les objectifs sont de conforter et transmettre les savoir-faire existants et de proposer des formations utiles à la montée en compétence des artisans, afin de maintenir et de créer des emplois pérennes sur le territoire (voir figure 3).
18Le budget du cluster (autour de 300 000 euros en 2018) est alimenté par la région Nouvelle-Aquitaine (à hauteur de 50 % au maximum), le département de la Dordogne et les cotisations des adhérents. Pour l’heure, l’association rassemble près d’une centaine d’acteurs, tels que :
des collectivités territoriales ;
des établissements d’enseignement : Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes Nouvelle-Aquitaine, Centre technique du cuir et deux lycées ;
des partenaires socio-économiques : Fédération française de la chaussure (FFC), Crédit agricole Charente-Périgord, Conseil national du cuir, chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Aquitaine… ;
trente-quatre entreprises représentatives de la filière. Elles sont sises plutôt en Nouvelle-Aquitaine, avec une forte représentation dans le Limousin et les Pyrénées-Atlantiques (tanneries, mégisseries, entreprises de découpe, négociants, selleries, maroquiniers, chausseurs tels LIM Group, Chamberlan, Rubi Cuir, très récemment Weston…). Sont absentes Agnelle, Repetto et Hermès. Ces grandes marques de luxe n’éprouvent pas encore le besoin de s’impliquer dans une telle initiative, mais sont présentes lors d’événements liés à la filière tels que les Portes du cuir qui se tiennent chaque année (à Saint-Junien en 2019 sur la thématique du développement durable).
B. Les flux de valeur en présence
19La proposition de valeur du cluster cuir/luxe est de fournir aux consommateurs une expérience produit unique associée à l’allure, au style de vie et à la transmission, fondée sur un subtil mélange d’histoire, de terroir et de savoir-faire ancestral qui constitue un facteur potentiel de « distinctivité » sociale. Le cluster regroupe des entreprises axées sur la production de biens manufacturés de haute qualité. La fabrication de ces articles de maroquinerie (chaussures, maroquinerie, gants, sellerie…) exige un travail long et intense. Elle mobilise des savoir-faire spécifiques basés sur la précision, la rigueur et la connaissance de la matière première. Il s’agit soit, comme chez Hermès, de laisser le temps aux artisans de l’atelier de fabrication d’atteindre l’excellence (dans ce cas, l’objet aura une très longue durée de vie, et sa qualité s’améliorera même avec le temps puisque le cuir se patinera et s’éclaircira ; la paire de chaussures sera transmise de père en fils – Weston capitalise sur cette transmission intergénérationnelle), soit l’objet est fabriqué sur mesure pour le client, comme c’est le cas des chaussures Chamberlan ou des selles de cheval chez CWD. Le client possède un produit unique créé grâce à un échange avec le fabricant.
20La génération de valeur repose sur toute une chaîne de valeur présente dans la région, mais avec des goulets d’étranglement, leur élargissement constitue un défi. Ainsi, en amont, la région, terre d’élevage, fournit des peaux par l’intermédiaire d’abattoirs, de tanneries et de mégisseries, mais celles-ci sont très insuffisantes en quantité. Les plus grands producteurs de maroquinerie (Hermès ou Weston) possèdent leurs tanneries (peu rentables mais garantes d’excellence) et cherchent à sécuriser la qualité de leur approvisionnement en matière première. La plupart des peaux proviennent d’autres pays européens, d’Amérique latine ou d’Afrique du Nord. En même temps, un problème de qualité de la peau se pose, car l’épaisseur diminue d’année en année pour des raisons climatiques et d’alimentation animale. Ainsi, en 2012, CWD a lancé l’expérimentation d’un Pôle d’excellence rurale cuir en Périgord, labellisé par l’État, dont l’ambition est d’augmenter encore la valeur de la matière première. Le pôle associe vingt-quatre éleveurs, qui répondent à un cahier des charges précis (absence de barbelés, lutte contre les poux, teigne…), la coopérative Univia et deux abattoirs locaux pour produire des peaux de meilleure qualité. La région garantit un savoir-faire mécanique pour la maintenance des machines-outils. En aval, la production manufacturière est basée sur l’apprentissage lent de techniques artisanales minutieuses. Chaque zone du cuir nécessite des approches spécifiques, comme la technique d’assemblage de la semelle inversée chez Repetto, qui sert à absorber les chocs pour les danseurs. Le travail est très diversifié, à la fois artisanal et industriel, basé sur un savoir-faire ancien et des innovations numériques. Dans l’industrie de la chaussure de luxe, chez Chamberlan, la combinaison d’une application mobile qui scanne les pieds du client, d’une impression en 3D pour la fabrication et de la possibilité de choisir les talons et les couleurs offre une personnalisation de la chaussure en harmonie avec le caractère unique du produit de luxe. Dans sa sellerie, CWD introduit des matériaux tels que le carbone, la fibre de verre et les élastomères. Ils ont conçu un système de numérisation du dos du cheval, évaluant la répartition du poids du cavalier sur ses chevaux, ce qui a révolutionné une activité de luxe qui était encore artisanale.
21La capture de la valeur est parfois problématique. Un défi pour le secteur réside dans la capacité à former une main-d’œuvre locale au chômage ou en réorientation professionnelle. En particulier, en raison du grand nombre d’heures de travail incorporées, la production d’articles de cuir de haute qualité est coûteuse. Les rares compétences techniques manuelles utilisées pour créer des objets de luxe made in France sont coûteuses. Elles demandent du temps pour la transmission et du temps pour la création de l’objet. « Les salaires plus les charges sociales représentent 76 % de mon chiffre d’affaires. Si je compare mon entreprise à celle de Madeleines Bijou, une marque très connue à Limoges, ces éléments représentent 27 % de leur chiffre d’affaires. Personne ne s’est jamais occupé de nous. » (dirigeant, marque blanche du luxe). Pour les entreprises de cuir de luxe, les performances non financières basées sur la réputation et la satisfaction des employés et des clients sont également en jeu. Les grandes et petites entreprises de luxe sont confrontées à la concurrence de produits contrefaits largement disponibles et investissent constamment dans l’excellence de la marque pour contrebalancer une certaine idée du luxe associée à la dépense et à la consommation somptuaire.
22La région Nouvelle-Aquitaine, qui soutient les initiatives personnelles et collectives des acteurs économiques, joue un rôle majeur dans le façonnement de la valeur du cluster. En mars 2017, à l’initiative de certaines entreprises du secteur et avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine, un Pôle de luxe du cuir a donc été créé. Le pôle Réso’Cuir vise à favoriser la mise en réseau des acteurs, à renforcer l’innovation au sein de la filière et à soutenir son développement international. Il complète l’activité de l’association Luxe & excellence, qui s’attache à rassembler les artisans de toutes les zones de luxe du Limousin notamment. Cependant, l’ancrage identitaire du cluster est faible même si le Limousin et la Dordogne du Nord sont des zones de production, avec des eaux pures, dont l’histoire est liée au cuir depuis le Moyen Âge. L’ensemble des initiatives se réalise en Nouvelle-Aquitaine et déborde sur la France entière. Par ailleurs, au xxe siècle, le déclin des industries du gant et de la chaussure a considérablement réduit la spécialisation du cuir dans la région. Saint-Junien est néanmoins restée la capitale française de la ganterie (Agnelle, Morand) ; les entreprises et les artisans s’efforcent sans cesse de maintenir la tradition d’excellence (comme Weston à Limoges). La création de nouvelles entreprises spécialisées dans le cuir haut de gamme (notamment Repetto dans les années 1960 et Hermès dans les années 1990) a donné un nouvel élan au secteur.
23Le partage de la valeur a des facettes à la fois sociétales et environnementales. L’industrie du cuir est très intensive en main-d’œuvre. À l’échelle de l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine, le secteur est composé de plus d’une centaine d’entreprises, qui emploient désormais plus de 4 800 personnes. Il s’agit, en grande majorité, de TPE caractérisées par un attachement aux valeurs de l’artisanat. Même les plus grandes unités de production, comme les trois ateliers Hermès, restent à taille humaine (moins de 200 personnes, même si en 2019 et début 2020 de nouvelles unités ont été créées, augmentant encore le nombre d’emplois offerts). La préservation des savoir-faire rares est une nécessité pour l’entreprise, qui identifie les savoir-faire rares et menacés (par exemple Franck Tioni et sa technique de collage). Parallèlement, la région Nouvelle-Aquitaine met l’accent sur la création d’emplois dans les territoires ruraux : « L’avenir de notre cluster luxe est lié à la présence de quelques grands comme Hermès et d’une myriade de petits acteurs […] les pouvoirs publics doivent accompagner la transformation de la chaîne amont (éleveurs et tanneries non rentables) pour mieux servir la chaîne aval » (institutionnel, région).
24Une approche sociétale de la recherche de l’excellence est le principe directeur de nombreuses entreprises de produits de luxe de la région. Chez Hermès, elles souhaitent conserver des unités de production de « haute qualité sociale », dans des lieux préservés, et capitaliser sur les notions d’ancrage régional, de savoir-faire d’excellence et de recherche de la perfection. Chez les artisans, si chacun est soucieux de protéger son savoir-faire spécifique, notamment par l’internalisation de la formation des travailleurs, un esprit de partage et de solidarité est perceptible. Plusieurs artisans du cuir sont des « compagnons de devoir », détenteurs du label national Entreprise du patrimoine vivant (EPV). Ils ont le sentiment de fabriquer de beaux objets, d’incarner le savoir-faire made in France, et d’exporter l’art de vivre français qui émane de la région.
25En matière de préservation de l’environnement, la création d’une AOC pour les peaux et les toisons permettrait à la région de répondre à un cahier des charges strict tout en produisant suffisamment pour réduire l’importation de peaux (95 %). La prise en compte du bien-être des animaux et la montée des mouvements végétaliens et « spécistes » constituent également des menaces pour le secteur et favorisent l’internalisation de la filière.
IV. Enjeux et défis de la structuration d’un cluster luxe
26Les enjeux de la structuration du cluster en voie d’émergence sont attachés à l’analyse de la proposition de valeur du luxe en lien avec les différents flux de valeur associés.
A. Proposition de valeur de luxe et capture de la valeur
27L’analyse du cluster cuir montre que la proposition de valeur Réso’Cuir se fonde sur une offre distincte qui s’enracine dans un savoir-faire local et exceptionnel donnant à l’industrie sa légitimité lorsqu’elle est déployée à l’international (voir figure 2). Son impact dépend de sa capacité à anticiper les bénéfices réels attendus par les clients en termes d’expérience unique du produit fondée sur l’excellence, l’intemporalité, l’héritage, le lieu d’origine, la haute qualité, la reconnaissance internationale et l’« artification ». Il s’agit également d’adapter son offre en fonction de l’évolution des attentes des clients et de l’apparition de nouveaux besoins45. Dans le même temps, chaque produit de luxe véhicule une proposition de valeur unique fortement axée sur l’émotion, ce qui complique les comparaisons entre concurrents46. Or, le cluster du cuir se concentre sur l’allure et la transmission à travers une large palette d’objets de luxe (chaussures, ceintures, sacs, selles…) qui ne sont pas exclusivement associés au luxe.
28Un autre résultat intéressant est que les acteurs des deux pôles perçoivent le rôle des PME artisanales locales comme essentiel à la légitimité de la proposition de valeur. Ils envisagent le modèle de cluster de luxe comme enraciné dans l’expertise de TPE artisanales locales qui appliquent un savoir-faire ancestral. Comme l’exprime un fabricant de chaussures de luxe :
« il y a une foultitude de petits artisans à leur compte. Ils ont un rôle essentiel à jouer dans le cluster […] si demain il n’y a que les gros, on est mort […] en termes d’enracinement. Nous les gros, on a une exigence de résultat économique qui est complètement différente de la microentreprise de M. Martin qui est dans son petit atelier et qui ne sait faire qu’un truc ; c’est un savoir-faire très précis, hyper haut de gamme, l’excellence du savoir-faire est détenue par ces petites entreprises. Ils captent les petites gens, des artisans qui vont asseoir sur un tabouret un jeune […]. Il y a un écosystème win-win à créer. »
29En outre, contrairement à d’autres industries, la plupart des emplois sont créés et/ou détenus par des TPE artisanales. La littérature sur le luxe met davantage l’accent sur les marques de luxe et les canaux de valeur intégrés47. Notre constat complète donc la littérature en donnant un aperçu de la manière dont les TPE artisanales participent à la compétitivité des entreprises de luxe.
30Un autre constat majeur rarement abordé dans la littérature concerne le temps. Le temps est à la fois essentiel à la réalisation de la proposition de valeur et une contrainte cruciale en matière de capture de valeur pour les entreprises de luxe, leurs partenaires TPE et la région. Le temps est lié aux pièces artisanales produites en France, qui génèrent des cotisations sociales et des salaires pour les employeurs français. Les TPE artisanales affirment leur incapacité à créer plus d’emplois et de meilleurs salaires en raison de ces coûts. La performance financière exige des coûts maîtrisés. Les TPE admettent l’avantage de travailler pour des marques de luxe qui n’imposent pas de contraintes drastiques sur le nombre d’heures nécessaires à la création des pièces, alors que les petites entreprises de luxe telles qu’Agnelle, Fleur de Lys ou Chamberlan sont confrontées à des contraintes de rentabilité défiantes.
31Dans le même temps, les TPE reconnaissent l’investissement nécessaire des marques de luxe dans des activités de soutien à la marque qui contribuent à la visibilité et au renouvellement continu de leur image de marque. Les différents acteurs économiques perçoivent la tarification des produits de luxe comme complexe puisque, comme le fait remarquer un expert, « la valeur émotionnelle est plus importante que la valeur fonctionnelle. La tarification du luxe tente de quantifier la valeur globale donnée aux consommateurs indépendamment des coûts […] mais attention, un consommateur de luxe connaît le prix et n’acceptera pas n’importe quel prix. » Par conséquent, si l’intemporalité est perçue comme un atout caractérisant l’offre distincte du produit de luxe, elle constitue un défi financier évident pour les entreprises qui choisissent de fabriquer leurs produits en petites quantités dans un pays développé. La capacité institutionnelle à prendre en compte ce défi pourrait être une clé pour l’avenir des clusters de luxe français. En outre, les efforts institutionnels visant à exiger la pleine conformité des entreprises de luxe avec le label made in France permettraient aux petites entreprises respectant ce label de survivre. Cela renforcerait également la performance non financière des clusters de luxe basée sur la réputation, le travail et la satisfaction des clients. Comme le mentionne Meric Gertler48, la labellisation contribue à la réputation régionale grâce à l’engagement des entreprises dans des processus de normalisation.
B. Une proposition de valeur de luxe en relation avec la création de valeur
32L’offre de luxe distincte est liée à la performance organisationnelle (génération de valeur). Notre étude confirme le type de réseau national français de Marie-Laure Djelic et Antti Ainamo49 dans l’industrie du luxe : la société « holding parapluie ». Les entreprises des deux pôles développent des marques globales qui exigent une maîtrise totale de la chaîne de valeur permettant l’excellence et la maîtrise des coûts, tout en concevant des éditions limitées originales et des services sur mesure. Pour le cuir, et à la différence d’autres filières de luxe, les activités de fabrication uniquement sont ancrées dans une région aux connaissances rares et reconnues, reliant les traditions locales à la mondialisation. La filière du cuir de luxe se regroupe grâce au soutien de la région Nouvelle-Aquitaine, qui favorise les interactions entre la filière cuir et les différents partenaires économiques.
33Un autre résultat intéressant de notre étude du cluster est que les fabricants de produits de luxe tirent leur performance organisationnelle de l’identification, du traitement et de la communication d’un savoir-faire rare, qui est apprécié dans des endroits très différents du monde où ils exportent presque toute leur production. Les marques de luxe de cuir mettent en avant l’héritage, la qualité et la réputation connotés par l’origine made in France. Un processus de « fabrication du sens » basé sur des associations avec des savoir-faire rares détenus dans des lieux spécifiques suggère la qualité et le lieu d’origine. Comme le soulignent Christopher Moore et Grete Birtwistle50, la provenance devrait faire partie de la logique centrale du modèle économique du luxe. Leur offre distincte repose sur des produits et des marques mondiales revendiquant un lieu d’origine reconnu au niveau local, national et international. Mais tel n’est pas encore le cas.
34Dans le même temps, et c’est une autre spécificité des clusters de luxe, ces clusters ne bénéficient pas d’une demande locale forte offrant des opportunités pour de nouvelles entreprises, comme c’est le cas pour les écosystèmes entrepreneuriaux51. Le rôle des clusters est donc de contribuer à l’identification, la légitimation et la reconnaissance mondiale de savoir-faire rares par le biais de la labellisation et de la communication institutionnelle. Il s’agit également de devenir un lieu attractif pour les petits artisans du luxe par rapport aux grandes marques de luxe, en facilitant l’approvisionnement de matériel en petites quantités à un prix abordable dans la région.
C. Proposition de valeur de luxe et façonnement de la valeur
35Dans une région donnée, il existe différents mécanismes de création de valeur qui permettent de franchir les frontières entre les entreprises et les autres acteurs économiques52, de partager la valeur53 et de façonner la création de valeur par des relations d’échange complexes entre de multiples acteurs54. En normalisant et en légitimant le soutien au cluster au sein de la communauté élargie, l’institution régionale et les responsables des clusters créent un contexte permettant de créer un réseau de collaboration pour les acteurs économiques. Cela contribue à la formation de liens denses entre les TPE artisanales, les petites et grandes entreprises de luxe, les fournisseurs de matériaux et de machines, les investisseurs et les agences.
36Nous observons également, à partir de multiples entretiens et de données secondaires, que l’offre distincte de luxe est rendue possible par des échanges de valeurs entre des acteurs très différents, dont les artistes, qui fournissent différents types de « capital » en raison de la proximité spatiale55, de la stimulation du réseau créatif56 et de la numérisation57. Nos résultats confirment les effets positifs des clusters dus à la proximité spatiale et à la stimulation des réseaux créatifs, même si le positionnement international et l’organisation réelle du cluster analysé n’ont pas fait de ces deux critères des facteurs clés. La plupart des entreprises de luxe ont en effet leurs propres directeurs artistiques, car l’artification est un élément clé de leur proposition de valeur.
37En résumé, en ce qui concerne le façonnement de la valeur, le cluster du cuir de luxe est analysé comme ayant des liens assez faibles entre ses attributs – peaux d’animaux, fabricants artisanaux avec un savoir-faire très distinct, marques de luxe – et manque encore de reconnaissance régionale.
D. Un modèle de cluster du luxe idéalisé qui encourage le partage des valeurs
38À partir de la littérature et des perceptions des différents acteurs économiques sur les effets potentiels des clusters sur les entreprises et les régions, nous avons progressivement conçu un modèle de cluster luxe idéalisé (voir figure 2).
39Un constat intéressant est que les processus de valeur sont ancrés dans des échanges interpersonnels qui ne sont jamais uniquement économiques. Nos résultats montrent clairement que les flux de valeur sociétaux et environnementaux renforcent les flux de valeur économiques qui légitiment la proposition de valeur du luxe au niveau international. Ces flux de valeur fondamentaux légitiment une offre distincte basée sur l’excellence et un fort héritage historique et culturel. Les produits de luxe sont fièrement transmis de génération en génération. La visibilité internationale du territoire reste à construire, mais elle peut s’appuyer sur des valeurs existantes de haute qualité et sur l’incarnation d’un mode de vie français, en ligne avec la durabilité sociale et environnementale, qui est devenu partie intégrante du luxe58. Idéalement, un territoire de luxe doit être capable de fournir globalement un récit historique et culturel basé sur la tradition, la préservation d’un savoir-faire rare, les professionnels et le développement régional. Un défi majeur pour les clusters du luxe est d’attirer, de recruter, de former et de garder des personnes talentueuses. Le rôle des clusters est alors de mettre en commun les besoins de formation et d’organiser des « plateformes » flexibles pour des sessions de formation de haute qualité sur des savoir-faire spécifiques pour les petits et grands fabricants de luxe, plutôt que de créer des institutions éducatives, comme cela est généralement indiqué dans la littérature sur les clusters59. La représentation retenue fait ainsi référence à un modèle de cluster idéalisé pour les TPE artisans et leurs partenaires du luxe.
40Un autre défi consiste à combiner la qualité de vie en milieu rural et les effets du cluster attendus dans le haut de gamme, à savoir les connexions à grande vitesse, les réseaux d’entreprises innovantes, de services et de fabrication, et les infrastructures de transport. Or les infrastructures de transport et les connexions Internet sont considérées comme inadéquates dans le cluster étudié. Un territoire de luxe doit également être éco-efficace afin d’éviter d’être associé à la superficialité et au gaspillage60. Comme l’ont mentionné Martin Wainstein et Adam Bumpus61, l’éco-efficacité désigne la réduction inconditionnelle des impacts négatifs des entreprises sur l’environnement et s’engage à améliorer l’état du milieu naturel. Un cluster idéalisé conçoit un environnement durable qui cherche à aller au-delà de la fourniture de valeur économique et envisage d’autres formes de valeur pour un plus grand nombre de parties prenantes, y compris la flore et la faune. Le cluster devrait donner aux entreprises un avantage concurrentiel grâce à une valeur client supérieure (durabilité due à une qualité élevée), tout en contribuant au développement durable des entreprises et de la société par un ralentissement du cycle de vie trop rapide de la mode et la réduction des déchets. Dans le secteur du cuir en particulier, plusieurs acteurs du luxe reconnaissent qu’ils doivent encore améliorer leurs pratiques en matière de réduction de la pollution, tandis que les acteurs institutionnels admettent qu’il n’existe pas de véritable système de recyclage des déchets industriels. Les acteurs économiques considèrent que l’engagement dans des processus de normalisation est un capital que les réseaux sociaux devraient fournir, ce qui est conforme aux recommandations de Wainstein et Bumpus. Les normes font référence à des réalités environnementales (bien-être des animaux, préservation des ressources naturelles) et sociales (création d’emplois au niveau local, préservation d’un savoir-faire local rare générant la satisfaction des employés et le bien-être personnel). L’adhésion aux processus de normalisation et d’élaboration de normes dans les clusters du luxe est perçue comme un moyen de limiter les pratiques anticoncurrentielles et de protéger l’image du label d’excellence français tant que les acteurs institutionnels restent vigilants. Il ne s’agit pas de faire du développement durable un outil de communication, mais plutôt une réalité organisationnelle sise sur la traçabilité notamment.
Conclusion
41La concentration d’activités autour du cuir/luxe en Nouvelle-Aquitaine apparaît relativement récente. Certes, les racines historiques du cuir/luxe sont profondes, comme à Saint-Junien autour de la ganterie ou à Limoges autour de la chaussure de luxe. Mais le territoire doit cette spécialisation émergente à des implantations plus récentes, dont la venue d’Hermès dans les années 1990 et son développement permanent depuis. D’autres entreprises se sont implantées par la suite en raison de la présence d’acteurs de la filière cuir sur le territoire, comme Chamberlan en 2016. Aux yeux de Claire-Lise Noguera, responsable de l’unité filière cuir, luxe, textile et métiers d’art pour la région Nouvelle-Aquitaine, un enjeu clé est de favoriser d’autres implantations de ce type pour développer l’emploi et la visibilité du cuir/luxe sur le territoire62.
42L’identité cuir/luxe du territoire est en voie de fondation à travers des manifestations comme les Portes du cuir ou le projet de Cité du cuir à Saint-Junien. Mais cette identité doit être renforcée à travers d’autres projets de promotion de la filière et de mise en valeur des articles manufacturés de luxe produits sur place. Sans doute l’impulsion d’une logique d’innovation créative résultant d’une association avec d’autres métiers du luxe présents sur le territoire, portés notamment par le collectif Luxe & excellence (textile, émaux, verrerie, tapisserie…), pourrait-elle renforcer l’attractivité et la visibilité du territoire. L’association à l’échelle internationale entre le territoire et la spécialisation en cuir/luxe reste en effet à ancrer à travers l’exploitation de ces synergies intersectorielles.
43La matière première recèle des enjeux cruciaux. Des peaux d’origines contrôlées Aquitaine ou Périgord-Limousin pour les peaux bovines (voire ovines à plus long terme, mais l’expérience semble a priori assez difficile à mettre en œuvre) pourraient mieux asseoir le lien entre territoire et produits si caractéristique du luxe. La labellisation poserait la question de la capacité du territoire à fournir assez de peaux, jusqu’alors venues d’autres régions ou importées, et de la capacité à offrir une qualité de peaux égale ou supérieure.
44La création d’associations (clusters, collectifs…) semble pouvoir accélérer la diffusion d’informations sur les innovations, la réglementation et les initiatives locales. Elle a aussi vocation à porter des actions, plus nombreuses, de promotion de l’image de marque du territoire, de ses valeurs, de ses savoir-faire. Elle permet aussi, de manière plus diffuse, l’activation de discussions sur la stratégie de la filière cuir. Faut-il davantage rechercher une accentuation de la verticalisation de la filière ou bien mettre l’accent sur les synergies avec d’autres domaines du luxe ?
Notes de bas de page
1 Voir Thorstein Veblen, The Theory of the Leisure Class, New York, Macmillan, 1899.
2 Voir Jean-Noël Kapferer, « The Artification of Luxury: From Artisans to Artists », Business Horizons, vol. 57, n° 3, 2014, p. 371‑380.
3 Pierre-Yves Donzé, L’invention du luxe. Histoire de l’industrie horlogère à Genève de 1815 à nos jours, Neuchâtel, Alphil, 2017.
4 Eugénie Briot, « From Industry to Luxury: French Perfume in the Nineteenth Century », Business History Review, vol. 85, n° 2, 2011, p. 273‑294.
5 Bertrand Blancheton, Cognac, la culture de la qualité, Paris, Ellipses, 2020.
6 Pierre Rival et François Baudot, Métiers choisis. Les secrets du savoir-faire, Paris, Flammarion, 1995.
7 Ce chapitre emprunte, avec l’accord de la revue Journal of Small Business Management (JSBM), de nombreux éléments de l’étude publiée sur deux clusters du luxe : Spirit Valley (Cognac) et Réso’Cuir (filière cuir en Limousin) tout en actualisant les données empiriques et en se restreignant à la filière cuir. Martine Hlady-Rispal et Bertrand Blancheton, « The Diamond Model: A French Luxury Cluster Model Embedded in Regional Heritage », Journal of Small Business Management, 25 février 2020.
8 Voir Ramon Casadesus-Masanell et Joan Enric Ricart, « From Strategy to Business Models and onto Tactics », Long Range Planning, vol. 43, n° 2, 2010, p. 195‑215 ; Scott M. Shafer, H. Jeff Smith et Jane C. Linder, « The Power of Business Models », Business Horizons, vol. 48, n° 3, 2005, p. 199‑207.
9 Raphael Amit et Christoph Zott, « Value Creation in E-Business », Strategic Management Journal, vol. 22, n° 6-7, 2001, p. 493‑520.
10 Voir Martine Hlady-Rispal et Vinciane Servantie, « Deconstructing the Way in which Value is Created in the Context of Social Entrepreneurship », International Journal of Management Reviews, vol. 20, n° 1, 2018, p. 62‑80 ; Inge Oskam, Bart Bossink et Ard-Pieter de Man, « The Interaction between Network Ties and Business Modeling: Case Studies of Sustainability-Oriented Innovations », Journal of Cleaner Production, vol. 177, 2018, p. 555‑566 ; Christoph Zott, Raphael Amit et Lorenzo Massa, « The Business Model: Recent Developments and Future Research », Journal of Management, vol. 37, n° 4, 2011, p. 1019‑1042.
11 Florian Lüdeke-Freund et Krzysztof Dembek, « Sustainable Business Model Research and Practice: Emerging Field or Passing Fancy? », Journal of Cleaner Production, vol. 168, 2017, p. 1668‑1678 ; Michael E. Porter et Mark R. Kramer, « The Big Idea: Creating Shared Value. How to Reinvent Capitalism and Unleash a Wave of Innovation and Growth », Harvard Business Review, vol. 89, n° 1, 2011, p. 2‑17 ; Martin E. Wainstein et Adam G. Bumpus, « Business Models as Drivers of the Low Carbon Power System Transition: A Multi-Level Perspective », Journal of Cleaner Production, vol. 126, 2016, p. 572‑585.
12 Martine Hlady-Rispal, « Une stratégie de recherche en gestion. L’étude de cas », Revue française de gestion, vol. 41, n° 253, 2015, p. 251‑266.
13 Barney G. Glaser, Doing Grounded Theory: Issues and Discussions, Mill Valley (CA), Sociology Press, 1998.
14 Voir Michael G. Jacobides, Thorbjørn Knudsen et Mie Augier, « Benefiting from Innovation: Value Creation, Value Appropriation and the Role of Industry Architectures », Research Policy, vol. 35, n° 8, 2006, p. 1200‑1221 ; Julia Fan Li et Elizabeth W. Garnsey, « Building Joint Value: Ecosystem Support for Global Health Innovations », dans Ron Adner, Joanne Oxley et Brian S. Silverman (dir.), « Collaboration and Competition in Business Ecosystems », Advances in Strategic Management, vol. 30, 2013, p. 69‑96 ; Ron Adner, « Ecosystem as Structure: An Actionable Construct for Strategy », Journal of Management, vol. 43, n° 1, 2017, p. 39‑58.
15 Michael E. Porter, « Clusters and Competition: New Agendas for Companies, Governments, and Institutions », dans Michael E. Porter (dir.), On Competition, Boston (MA), Harvard Business School Press, 1998, p. 197‑299.
16 Ben Spigel, « The Relational Organization of Entrepreneurial Ecosystems », Entrepreneurship: Theory and Practice, vol. 41, n° 1, 2017, p. 49‑72 ; Antony Potter et Hugh Doug Watts, « Revisiting Marshall’s Agglomeration Economies: Technological Relatedness and the Evolution of the Sheffield Metals Cluster », Regional Studies, vol. 48, n° 4, 2014, p. 603‑623.
17 André Torre et Alain Rallet, « Proximity and Localization », Regional Studies, vol. 39, n° 1, 2005, p. 47‑59.
18 Teis Hansen, « Substitution or Overlap? The Relations between Geographical and Non-spatial Proximity Dimensions in Collaborative Innovation Projects », Regional Studies, vol. 49, n° 10, 2015, p. 1672‑1684.
19 Waldemar Kremser et Georg Schreyögg, « The Dynamics of Interrelated Routines: Introducing the Cluster Level », Organization Science, vol. 27, n° 3, 2016, p. 698‑721.
20 Jesús M. Valdaliso et James R. Wilson (dir.), Strategies for Shaping Territorial Competitiveness: An Introduction, Londres, Routledge, 2015.
21 Stefano Breschi et Francesco Lissoni, « Knowledge Spillovers and Local Innovation Systems: A Critical Survey », Industrial and Corporate Change, vol. 10, n° 4, 2001, p. 975‑1005.
22 C. Zott, R. Amit et L. Massa, « The Business Model… », art. cité.
23 B. Spigel, « The Relational Organization… », art. cité.
24 W. Kremser et G. Schreyögg, « The Dynamics of Interrelated Routines… », art. cité.
25 T. Hansen, « Substitution or Overlap?… », art. cité ; M. E. Porter, « Clusters and Competition… », art. cité.
26 Jesús M. Valdaliso et James R. Wilson (dir.), op. cit.
27 Satish Nambisan, « Digital Entrepreneurship: Toward a Digital Technology Perspective of Entrepreneurship », Entrepreneurship: Theory and Practice, vol. 41, n° 6, 2017, p. 1029‑1055.
28 A. Torre et A. Rallet, « Proximity and Localization », art. cité.
29 S. Breschi et F. Lissoni, « Knowledge Spillovers… », art. cité.
30 Marie-Laure Djelic et Antti Ainamo, « The Coevolution of New Organizational Forms in the Fashion Industry: A Historical and Comparative Study of France, Italy, and the United States », Organization Science, vol. 10, n° 5, 1999, p. 622‑637.
31 J.-N. Kapferer, « The Artification of Luxury… », art. cité.
32 Jose Luis Nueno et John A. Quelch, « The Mass Marketing of Luxury », Business Horizons, vol. 41, n° 6, 1998, p. 61‑68.
33 Alessandro Brun et Cecilia Castelli, « Supply Chain Strategy in the Fashion Industry: Developing a Portfolio Model Depending on Product, Retail, Channel and Brand », International Journal of Production Economics, vol. 116, n° 2, 2008, p. 169‑181.
34 Delphine Dion et Éric Arnould, « Retail Luxury Strategy: Assembling Charisma through Art and Magic », Journal of Retailing, vol. 87, n° 4, 2011, p. 502‑520.
35 Bernard Dubois, Sandor Czellar et Gilles Laurent, « Consumer Segments Based on Attitudes Toward Luxury », Marketing Letters, vol. 16, n° 2, 2005, p. 34‑44.
36 Miguel Angel Gardetti et Ana Laura Torres, Sustainability in Fashion and Textiles, Londres, Routledge, 2013.
37 Voir A. Brun et C. Castelli, « Supply Chain Strategy in the Fashion Industry… », art. cité ; Federico Caniato, Maria Caridi, Cecilia Castelli et Ruggero Golini, « Supply Chain Management in the Luxury Industry: A first Classification of Companies and Their Strategies », International Journal of Production Economics, vol. 133, n° 2, 2011, p. 622‑633 ; Jean-Noël Dollet et Angel Díaz, « Supply Chain Orchestration for the Luxury Alcoholic Beverage Sector », IUP Journal of Supply Chain Management, vol. 8, n° 3, 2011, p. 1‑25.
38 Angie Clavijo, Nazanine Matin, Elvira Nafshi, Yulia Nefedieva et al., The Swiss Luxury Watchmaking Cluster, International University of Monaco Microeconomics of Competitiveness, 7 avril 2014.
39 Nadine Hennings, Klaus-Peter Wiedmann, Christiane Klarmann et Stefan Behrens, « Sustainability as Part of Luxury Essence: Delivering Value through Social and Environmental Excellence », Journal of Corporate Citizenship, vol. 52, n° 11, 2013, p. 25‑35.
40 Alexander Osterwalder, Yves Pigneur et Christopher L. Tucci, « Clarifying Business Models: Origins, Present, and Future of the Concept », Communications of the Association for Information Systems, vol. 16, n° 1, 2005, p. 1.
41 Michael H. Morris, Minet Schindehutte et Jeffrey Allen, « The Entrepreneur’s Business Model: Toward a Unified Perspective », Journal of Business Research, vol. 58, n° 6, 2005, p. 726‑735.
42 M. Hlady-Rispal et V. Servantie, « Deconstructing the Way… », art. cité.
43 I. Oskam, B. Bossink et A.-P. de Man, « The Interaction between Network Ties and Business Modeling… », art. cité.
44 M. E. Porter, « Clusters and Competition… », art. cité.
45 J.-N. Kapferer, « The Artification of Luxury… », art. cité.
46 Christopher M. Moore et Grete Birtwistle, « The Burberry Business Model: Creating an International Luxury Fashion Brand », International Journal of Retail and Distribution Management, vol. 32, n° 8, 2004, p. 412‑422.
47 F. Caniato, M. Caridi, C. Castelli et R. Golini, « Supply Chain Management in the Luxury Industry… », art. cité ; C. M. Moore et G. Birtwistle, « The Burberry Business Model… », art. cité.
48 Meric S. Gertler, « Rules of the Game: The Place of Institutions in Regional Economic Change », Regional Studies, vol. 44, n° 1, 2010, p. 1‑15.
49 M.-L. Djelic et A. Ainamo, « The Coevolution of New Organizational Forms… », art. cité.
50 C. M. Moore et G. Birtwistle, « The Burberry Business Model… », art. cité.
51 B. Spigel, « The Relational Organization of Entrepreneurial Ecosystems… », art. cité.
52 C. Zott, R. Amit et L. Massa, « The Business Model… », art. cité.
53 M. E. Porter et M. R. Kramer, « The Big Idea… », art. cité.
54 I. Oskam, B. Bossink et A.-P. de Man, « The Interaction between Network Ties and Business Modeling… », art. cité.
55 T. Hansen, « Substitution or Overlap… », art. cité.
56 S. Breschi et F. Lissoni, « Knowledge Spillovers and Local Innovation Systems… », art. cité.
57 S. Nambisan, « Digital Entrepreneurship… », art. cité.
58 M. A. Gardetti et A. L. Torres, Sustainability in Fashion and Textiles, op. cit.
59 M. S. Gertler, « Rules of the Game… », art. cité ; T. Hansen, « Substitution or Overlap… », art. cité.
60 B. Dubois, S. Czellar et G. Laurent, « Consumer Segments… », art. cité.
61 M. E. Wainstein et A. G. Bumpus, « Business Models… », art. cité.
62 Entretien de l’auteure avec Mme Nogera le 30 octobre 2018 à l’hôtel de région de Limoges (Haute‑Vienne).
Auteur
Professeure en sciences de gestion HDR, Martine Hlady-Rispal est directrice scientifique du laboratoire Creop et rédactrice associée à La Revue de l’entrepreneuriat. Son domaine d’expertise est celui de l’entrepreneuriat (business model, logiques décisionnelles, écosystèmes et création de valeur) et des méthodologies de recherche. En mars 2016, à l’occasion du 40e anniversaire de la Revue française de gestion, son papier relatif à la méthode de cas a été republié car il figure parmi les dix-neuf articles élus les plus influents de l’histoire de la revue. Ancienne membre du Centre européen de formation approfondie à la gestion (Cefag), elle a également enseigné la méthode des cas de 2003 à 2007 aux doctorants Cefag-Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises. Ses travaux ont été publiés notamment dans International Journal of Management Reviews, Journal of Small Business Management, International Small Business Journal, Regional Studies, Revue internationale PME, La Revue de l’entrepreneuriat, La Revue française de gestion.
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