Prologue
p. 7-34
Texte intégral
DES FINANCES AUX MINISTRES, D’UNE REVOLUTION A L’AUTRE (1848-1870)
Les Finances, entre révolution, croissance et emprunts.
1En février 1848 et pour la première fois depuis Robert LINDET en 1799, un ministre des Finances exerce ses fonctions dans le cadre d’un régime républicain. Au-delà de l’abandon du régime censitaire qui réservait le droit de vote aux contribuables les plus fortunés au profit du suffrage universel, la gestion républicaine des finances publiques se veut plus démocratique, plus favorable aux classes populaires. Cela passe pour partie par une révision complète de la fiscalité : en ce qui concerne les contributions directes, le Gouvernement envisage bientôt la mise en place d’un impôt sur le revenu, et dans le domaine de la fiscalité indirecte, les parlementaires votent l’abolition des droits sur le sel et la modification de ceux sur les boissons, mesures qui font écho à celles adoptées au début de la Révolution française et qui s’inscrivent dans la lignée de la Déclaration des droits de l’homme1.
2En 1848, il faut surtout inspirer confiance, alors même que les républicains apparaissent à une majorité de Français comme des révolutionnaires fauteurs de troubles et que les conservateurs, passées les premières semaines, instruisent bientôt un procès en incompétence financière. Il est vrai que pour atteindre cet objectif, les ministres républicains optent pour des mesures qui se révèlent désastreuses sur le plan comptable, comme le versement anticipé du coupon de la rente qui vide les caisses publiques et place bien vite l’État en situation de banqueroute virtuelle, ranimant l’inquiétant souvenir de celle des Deux-Tiers (1797). En augmentant de 45 % l’ensemble des contributions directes pour l’année 1849, les républicains adoptent une solution paradoxale qui finit par écarter d’eux une majorité de Français.
3Par ailleurs, les ministres de 1848 veulent réorganiser les services des Finances, dans un double but affiché d’économie et de plus grande efficacité administrative. Cela implique une recomposition du périmètre des directions existantes et passe par l’éviction des agents de l’État considérés comme les plus compromis avec le régime déchu. S’il n’y a pas à proprement parler d’épuration au ministère des Finances, certains hauts fonctionnaires de l’administration centrale, certains comptables supérieurs font opportunément valoir leurs droits à la retraite et disparaissent du paysage financier. À la lecture des procès-verbaux du Gouvernement provisoire puis de la Commission du pouvoir exécutif2 qui exercent la réalité du pouvoir politique jusqu’au déclenchement de l’insurrection parisienne de juin 1848, on ne trouve guère que la mention de la destitution de trois directeurs généraux du ministère (29 février) et du percepteur de Guignes (route de Provins) « qui met fort peu d’empressement à faire rentrer l’impôt de 45 centimes et qui détourne même des citoyens de le payer » (1er juin).
4Les victoires électorales du parti de l’ordre puis la prise du pouvoir par Louis-Napoléon Bonaparte sonnent le glas des mesures financières les plus révolutionnaires, mais la stabilité politique acquise au prix de la démocratie rend possible des réalisations et des innovations qui permettent de soutenir la croissance des années 1850. C’est en particulier le cas de la conversion de 1852, si longtemps repoussée ou encore de la souscription publique des emprunts émis à partir de 1854, qui tournent régulièrement au « plébiscite financier » et révèlent les étonnantes capacités de cet infatigable épargnant qu’est le contribuable français.
5Ce recours privilégié à l’emprunt est d’ailleurs l’une des caractéristiques des finances publiques du Second Empire qui s’écarte ici du modèle proposé par le Premier du nom, qui finançait son équilibre budgétaire par les conquêtes. À l’inverse, la politique étrangère de Napoléon III se révèle hasardeuse au cours de la seconde décennie du règne et pèse lourdement sur les finances du régime, l’expédition du Mexique s’avérant particulièrement désastreuse. Mais le pouvoir emprunte également pour soutenir une politique économique et industrielle ambitieuse, et personne ne conteste l’intense modernisation de l’appareil productif et l’essor des infrastructures de transport du pays entre 1852 et 1870.
6Les déficits récurrents et cumulés constituent dès lors un invariant des multiples budgets impériaux, encore accentué par l’absence d’une véritable politique d’amortissement, rarement mise en œuvre il est vrai. C’est d’ailleurs sur ce point précis que les discussions parlementaires se focalisent, les ministres successifs devant subir les assauts d’opposants toujours plus nombreux, recrutés à la fois parmi les républicains, les monarchistes et les députés « budgétaires », fidèles au régime mais réclamant des économies et plus largement une politique financière rigoureuse. Au total, la situation financière du régime semble bien fragile à ses détracteurs, ses partisans insistant quant à eux sur l’ampleur des réalisations impériales ; elle est surtout le produit des choix économiques et budgétaires, parfois contradictoires, des titulaires successifs du portefeuille des Finances. L’opposition de style – de gestion comme de caractère – entre FOULD et MAGNE, que BAROCHE surnomme le « docteur Tant Pis » et le « docteur Tant Mieux », en est une illustration parlante. Plus largement, aux côtés des fortes personnalités qui font corps avec la fonction, on trouve des ministres moins marquants, soit qu’ils ne demeurent en place que très peu de temps, soit que les Finances ne soient qu’un portefeuille parmi d’autres, au caractère politique plus prononcé et l’on retrouve là la double dimension, politique et technique de la rue de Rivioli.
Une nouvelle génération de ministres des Finances ?
7Avec l’avènement de la République, c’est en effet une nouvelle génération qui accède aux postes à responsabilité, des hommes nés avec le siècle et confrontés à la rapide succession des régimes qui a marqué la première moitié d’un siècle dont ils apparaissent comme assez représentatifs. De façon significative, sur les quinze ministres des Finances en poste entre 1848 et 1870, aucun n’a connu l’Ancien Régime et la plupart sont nés alors que Napoléon BONAPARTE présidait aux destinées du pays. Le doyen, PASSY, est né sous la Terreur, GOUDCHAUX et CASABIANCA sous le Directoire et LEBÈGUE DE GERMINY à la veille du 18 Brumaire ; FOULD et GARNIER-PAGÈS voient le jour sous le Consulat, puis viennent BINEAU et TROUVÉ-CHAUVEL, MAGNE, SÉGRIS, DUCLERC, VUITRY et ROUHER, nés sous l’Empire ; seuls les benjamins BUFFET et FORCADE LA ROQUETTE, nés en 1818 et 1820, n’ont connu que la monarchie lorsque survient la révolution de Février.
8L’âge de chacun des (futurs) ministres des Finances en 1848 vient pourtant éclairer d’une autre manière la cohorte qu’ils constituent : PASSY a déjà 55 ans alors que FORCADE LA ROQUETTE n’en a encore que 28 ! Si bien que l’on peut sans doute considérer que ce sont finalement deux générations qui se succèdent aux Finances : la première – de PASSY à MAGNE, né en 1806 – regroupe ceux qui ont atteint l’âge adulte à la chute de la Restauration et qui font leurs premières armes, politiques ou administratives, au cours de la monarchie de Juillet (VUITRY constituant l’exception qui confirme la règle) et la seconde – de SÉGRIS à FORCADE –, formée de ceux qui entrent en politique à la faveur de l’avènement de la République ou de la proclamation de l’Empire et n’accèdent aux Finances qu’à partir des années 1860 avec FORCADE LA ROQUETTE aux avant-postes (dès 1860) et BUFFET fermant la marche (en 1870), la nomination précoce de DUCLERC (né en 1812) s’expliquant par les conditions politiques particulières du premier semestre 1848. Plus généralement, l’immense majorité des ministres en poste au cours de la période n’a aucune expérience gouvernementale puisque seul PASSY a déjà été ministre (des Finances), et cela date en 1848 de près de dix ans, alors que MAGNE vient de quitter le sous-secrétariat d’État au département de la Guerre auquel il avait été nommé le 24 novembre 1847.
Quinze ministres aux affaires.
9Une rapide présentation des ministres permet de mettre en évidence quatre groupes, à l’influence et à l’héritage variables, la constitution de chacun d’entre eux transcendant quelque peu la chronologie, même si l’on y retrouve pour partie les principales césures des années 1848 à 1870.
10Le premier réunit les républicains « de la veille », de GOUDCHAUX à TROUVÉ-CHAUVEL, en poste de la proclamation de la République à la formation du premier ministère personnel du nouveau président de la République. Il s’agit pour eux d’impulser de véritables réformes dont la portée politique affleure sous la dimension financière, mais ils se trouvent vite marginalisés par la dégradation du contexte politique et leur marge de manœuvre se réduit à mesure que les mois passent. Le second groupe, de PASSY à ROUHER, est marqué par le retour aux affaires des conservateurs. Sous l’autorité du prince-président puis de l’Empereur, dont l’influence sur la politique financière de la France demeure prépondérante jusqu’en 1870, ils mènent une politique qui rappelle pour partie celle de la monarchie de Juillet tout en se caractérisant par une certaine modernité : il leur faut à la fois accompagner la croissance retrouvée, soutenir le processus d’équipement industriel du pays par le biais des « dépenses productives », enfin financer les expéditions militaires du régime, le plus souvent par l’emprunt. MAGNE, BINEAU et dans une moindre mesure FOULD sont bien évidemment les figures marquantes de ce groupe, ne serait-ce qu’en raison de leur longévité dans le poste. Le troisième est formé des techniciens et intérimaires – LEBÈGUE DE GERMINY, VUITRY et CASABIANCA – choisis à la fois en raison de leur fidélité au régime (ou au ministre qu’ils remplacent temporairement ou suppléent comme sous-secrétaire d’État) et pour leurs connaissances financières. Leur passage éclair au ministère ne leur permet cependant pas d’imprimer leur marque sur la politique financière du pays. Le quatrième et dernier groupe associe les « budgétaires » dont le retour aux affaires de FOULD en 1861 signale la montée en puissance. Réclamant dès 1852 un étroit contrôle parlementaire puis, à mesure que les budgets et les déficits se multiplient, une gestion plus rigoureuse des finances publiques, ils triomphent avec la nomination de BUFFET puis de SÉGRIS au sein du cabinet OLLIVIER. Triomphe tout momentané cependant puisque dès l’entrée en guerre, l’Empereur en revient à la solution conservatrice incarnée par MAGNE.
11La carrière, l’action publique, les choix politiques de chacun de ces quinze ministres des Finances nourrissent les notices qui composent ce troisième tome. Et alors que le pays connaît successivement la « dernière grande crise de type ancien » (E. Labrousse) et une très forte croissance économique, c’est l’ensemble des rapports entre gouvernants et gouvernés, entre administration financière et contribuables qui s’en trouve modifié.
RENOVATIONS DES INSTITUTIONS FINANCIERES ET REFORMES FISCALES
12La période 1848-1870 est enfin celle d’une redéfinition des rapports entre l’État et les grandes institutions financières françaises et d’une renégociation du contrat fiscal avec les contribuables.
13C’est en effet à la suite de la crise financière de 1848 que la Banque de France devient véritablement la « Banque de la France » grâce à la transformation de l’ensemble des banques départementales en activité à Rouen (depuis 1817), Nantes (1818), Bordeaux (1818), Lyon, (1835), Marseille (1835), Lille (1836), Le Havre (1837), Toulouse (1838) et Orléans (1838) en succursales de l’établissement parisien. Dès lors, l’unité d’émission de la monnaie fiduciaire se trouve restaurée au profit de la Banque qui bénéficie par ailleurs de l’instauration du cours forcé de ses billets par décret du 15 mars 1848. Les besoins financiers du Gouvernement la placent également en position de force au moment des négociations ouvertes par GOUDCHAUX et DUCLERC en 1848, de même qu’elle négocie son appui au nouveau régime en 1852 ou encore lorsque son privilège est prorogé en 1857.
14Les choses se passent moins bien avec une autre institution financière, plus directement liée à l’État, la Caisse des dépôts et consignations, considérée comme une « bastille orléaniste » (R. Priouret). En mars 1848, son directeur général Jules PASQUIER est simplement révoqué alors que la commission de surveillance est un temps supprimée, voyant ses attributions conférées au ministre des Finances lui-même (25 mars). Son rétablissement (octobre 1848) puis le ralliement à l’Empire du nouveau directeur général GUILLEMOT font bientôt de l’établissement financier un allié de poids du régime. Le Second Empire est enfin à l’origine de la dernière grande création institutionnelle du xixe siècle. Alors que dès l’été 1848, la Constituante discute de la nécessité de fonder une Banque ou un Grand Livre de crédit hypothécaire, destiné à financer l’activité agricole, c’est en 1852 que le Crédit foncier de France voit le jour. Et c’est un ancien ministre des Finances, LEBÈGUE DE GERMINY, qui en est le premier gouverneur à partir de 1854.
15Les contribuables sont quant à eux confrontés à une fiscalité en pleine mutation. Cela passe par un accroissement sensible du revenu fiscal, les impôts d’État rapportant 52,5 % de plus en 1869, dernière année de paix (1 550 millions de francs) qu’en 1848 (1 016 millions de francs). Le graphique3 ci-dessous fait clairement apparaître qu’après une période de flottement entre 1848 et 1851, les impôts repartent à la hausse, connaissant de fortes augmentations en 1852, 1855 et 1862. C’est la traduction de la bonne santé économique du pays, les ministres des Finances ne cessent de le répéter au moment de défendre l’accroissement des dépenses, mais on peut également y voir le reflet des échecs et des choix fiscaux de la Deuxième République puis du Second Empire.
16Confrontée à une crise économique et financière d’ampleur, la première opte, à la demande des milieux d’affaires et afin de soutenir l’activité commerciale et manufacturière, pour un prélèvement exceptionnel pesant essentiellement sur la propriété foncière et qui a pour effet de transférer la crise des villes aux campagnes. Cette erreur politique suscite des réactions de mécontentement général, allant de la pétition réclamant un dégrèvement au refus d’acquitter l’impôt, accompagné de troubles, parfois d’affrontement avec les forces de l’ordre, en particulier dans un grand quart sud-ouest du pays4. Pour des raisons de justice fiscale, les ministres de la République voudraient modifier l’assiette des « quatre vieilles » contributions directes et soumettent également aux représentants du peuple des projets d’impôt pesant selon les cas sur tout ou partie des revenus des contribuables, sans jamais parvenir à trancher entre proportionnalité et progressivité de ce nouveau prélèvement et surtout sans jamais réunir de majorité sur la question ; « l’atroce impôt sur le revenu » selon le mot de THIERS, n’est pas pour tout de suite.
17C’est pourtant au mitan du siècle qu’apparaît dans le paysage fiscal français une véritable innovation. Elle relève d’une volonté de prise en compte des nouvelles modalités de création de la richesse : alors que celle-ci était essentiellement foncière, on voit se développer au cours du premier xixe siècle de nouvelles formes de revenus, mobiliers, et les titres qui y sont associés. Pour la première fois, l’État, par la voix de ses ministres des Finances, propose – et obtient – de taxer ces revenus. Cela prend la forme d’une contribution sur les créances hypothécaires, décrétée par GARNIER-PAGÈS le 19 avril 1848 et rapportée par GOUDCHAUX le 4 août, puis, en vertu de la loi du 5 juin 1850, d’un droit de timbre sur les actions, obligations et polices d’assurances (à hauteur de 0,5 %) et les effets de commerce et autres rentes sur l’État (0,05 %), perçu à chaque transfert ou renouvellement et par tranche de 100 F de capital. Le processus qui vise à taxer les activités financières s’enclenche alors, touchant bientôt les revenus des valeurs mobilières (1872) puis les opérations boursières (1893).
18La fiscalité indirecte est quant à elle largement réformée, qu’il s’agisse des prélèvements sur les sels, un temps abolis, ou sur les boissons alors que sous le Second Empire, on voit apparaître des impôts sur les chiens ou les chevaux et que les octrois, temporairement supprimés, sont rétablis et constituent une part notable des recettes fiscales des municipalités. Mais les contribuables français découvrent également à partir d’août 1848 l’obligation d’affranchir les lettres qu’ils envoient en y apposant un timbre-poste d’une valeur de 20 centimes ; alors même que la correspondance ne cesse de croître en volume5, c’est là une ressource d’un type nouveau pour l’État.
19L’ensemble de ces impôts sont perçus par les agents locaux du fisc, percepteurs municipaux et receveurs particuliers, avant d’être versés dans les caisses des receveurs généraux qui centralisent les recettes à l’échelle du département. Apparus en 1795 à l’initiative du ministre RAMEL, ces derniers font les frais de la dernière grande réforme de la période, en 18656. Le débat sur la suppression – selon les cas réclamée, attendue, espérée, crainte et en tout cas toujours repoussée – de l’un des deux corps des comptables supérieurs, payeurs et receveurs généraux, est l’objet de débats souvent houleux depuis les ministères du baron LOUIS pour le moins. Il rebondit sous la Deuxième République pour finalement trouver son épilogue sous le Second Empire. Début décembre 1848, le budget défendu par TROUVÉ-CHAUVEL prévoit un crédit de 1 060 000 F en faveur des payeurs généraux ; la proposition se heurte à l’opposition d’un représentant qui réclame la suppression pure et simple des payeurs généraux, considérés comme inutiles et le transfert de leur service aux receveurs généraux. Le ministre se livre alors à une défense de ce corps de fonctionnaires supérieurs et obtient le soutien d’une large majorité de parlementaires.
20Si la question est moins discutée par la suite, elle ne disparaît pas pour autant, bien au contraire : tout au long des années 1850 et 1860, des voix s’élèvent parmi les députés « budgétaires » pour réclamer que l’on rationalise les services des finances dans les départements et que l’on procède à des économies que les plus optimistes chiffrent à 10 millions de francs. Sensible à leurs arguments, FOULD décide lors de son quatrième ministère de mener la réforme à son terme : profitant du décès en fonction d’un receveur général, il place son service entre les mains du payeur général, qui exerce de fait les fonctions de trésorier-payeur général du département. Cette décision est annoncée à l’ensemble des comptables supérieurs par une circulaire du 21 octobre 1865 qui généralise la mesure à dater du 1er janvier 1866.
21La consultation des pages 240-241 de l’Almanach impérial pour 1866, relatives à ces nouveaux comptables supérieurs, permet de suivre au plus près le processus de substitution à l’œuvre. On recense alors 88 départements métropolitains qui doivent donc accueillir autant de trésoriers-payeurs généraux, mais seuls 47 d’entre eux sont alors effectivement nommés (53 % du total). La réforme est également l’occasion d’un renouvellement de génération à ces fonctions, puisque six anciens receveurs généraux prennent alors leur retraite : il est vrai qu’ils ont alors entre 62 (LESNE DE MOLAINS, né en 1804) et 70 ans (VERDET, né en 1796) et qu’ils sont en poste depuis la fin des années 1830 pour le plus expérimenté (LESNE DE MOLAINS de nouveau) et le milieu des années 1850 pour le dernier promu (DELMON, dans la Haute-Saône). Pour le reste, seuls deux payeurs généraux de 1865 accèdent aux fonctions de trésoriers-payeurs généraux : LACHAUD DE LOQUEYSSIE, en poste dans les Bouches-du-Rhône depuis 1860 avant d’être promu dans les Basses-Alpes et GAUVILLE, ancien payeur de la Loire-Inférieure depuis 1855 et nouveau trésorier-payeur général des Hautes-Alpes. Tous les autres nommés à ces fonctions sont donc d’anciens receveurs généraux, parmi lesquels nombre de parents de hauts personnages du régime7, tant et si bien que le principe d’économie qui présidait à la réforme passe bien vite au second plan.
22Les nouveaux trésoriers-payeurs généraux, moins banquiers et plus fonctionnaires que leurs prédécesseurs, trouvent dès lors leur place au sein d’une administration des Finances qui se veut plus toujours plus au service de l’État, tournant le dos à une gestion patrimoniale des deniers publics telle qu’elle avait pu être pratiquée sous l’Ancien Régime et s’appuyant résolument sur les acquis révolutionnaires, prolongés tout au long du xixe siècle par une approche toujours plus efficace des finances publiques.
23Et pour mettre en pratique ces réformes et ces décisions, les ministres ont besoin auprès d’eux de toute une administration qui œuvre en coulisse, tout en assurant la continuité du service de l’État.
LE MINISTERE DES FINANCES VU DE L’INTERIEUR
24L’une des principales sources documentaires dont disposent les historiens (de l’État, de l’Administration, des Finances) est sans conteste l’Almanach hérité de l’Ancien Régime et dont l’intitulé change avec les régimes politiques, devenu successivement national avec la République, impérial sous le règne de Napoléon Ier, redevenant royal sous la Restauration, royal et national sous la monarchie de Juillet puis de nouveau national sous la Deuxième République et impérial entre 1853 et 1870. On y retrouve l’ensemble des services qui composent un département ministériel ainsi que le nom des titulaires de la plupart des fonctions publiques, dans la capitale comme dans les départements et cela permet, au moins dans un premier temps, d’établir un cadre chronologique des réformes, mutations et promotions administratives.
25Ce précieux soutien de la recherche historique fait pourtant défaut pour la quasi-totalité de la Deuxième République, le régime né de la révolution de Février ne prenant pas le temps ou n’ayant pas les moyens, on ne sait, d’établir et de publier les volumes annuels. Ce n’est que dans le courant de l’année 1850 que paraît un Almanach national pour 1848-1849-1850 dont les lacunes sont évidentes et dommageables : il rend compte de la situation administrative au moment de sa diffusion, elle-même non précisée, et gomme dès lors toutes les transformations intervenues depuis la parution de celui de 1847. Si la chose est de peu d’importance pour la succession des ministres, d’autres sources permettant de pallier ce manque, elle est plus fâcheuse lorsqu’il s’agit de retrouver le nom – et l’ordre – des différents hauts fonctionnaires du ministère pendant cette période de fort renouvellement des équipes administratives et constitue une lacune véritable quant à la composition du cabinet ministériel, encore aggravée par la destruction d’une partie notable des archives des Finances lors de l’incendie de la Commune ; il en est de même pour toutes les modifications dans l’organisation interne du ministère intervenues au lendemain de la proclamation de la République.
26Pour autant, le caractère annuel de la parution, pourtant régulière, des Almanachs suivants n’empêche pas l’omission d’une partie des informations, soit que le titulaire d’un poste vienne de quitter ses fonctions sans avoir été encore remplacé, soit qu’une modification rapide des équipes, y compris ministérielles, soit intervenue. L’Almanach impérial pour 1870 fait par exemple de SÉGRIS le ministre des Finances de l’année en cours, occultant ainsi le passage de BUFFET rue de Rivoli, entre janvier et avril.
27Les pages suivantes se proposent cependant de présenter successivement l’état-major des Finances, composé des membres des cabinets des ministres successifs, puis l’organigramme du ministère en insistant sur les modifications intervenues et évoquant la carrière des hauts fonctionnaires nommés à la tête des directions générales, enfin le traitement et le nombre des employés de tout grade du ministère.
L’entourage des ministres : un monde mal connu.
28Au sommet de l’édifice ministériel, le secrétariat particulier et le cabinet des ministres des Finances8 demeurent l’un des aspects les moins connus de la vie du ministère au cours de la période allant de 1848 à 1870, si bien qu’on en sait sans doute moins que sur les périodes couvertes par les deux premières tomes de ce Dictionnaire9. Et même lorsqu’il est possible de reconstituer la carrière de l’un ou l’autre, l’action même du cabinet nous échappe largement. Les cabinets d’un FORCADE LA ROQUETTE, d’un ROUHER ou même d’un FOULD (entre 1861 et 1867) nous restent totalement inconnus. Parfois, l’Almanach livre un nom sans qu’il ait été possible d’aller au-delà : c’est le cas d’Oscar MERCIER, chef de cabinet du sous-secrétaire d’État MAGNE en 1850 ou de BEAURIN, qui remplit les mêmes fonctions auprès de BINEAU en 1853.
29Pour les autres, il est possible de les répartir en deux grandes catégories. La première fait la part belle aux liens familiaux pour ne pas dire au népotisme puisque les fils servent bien souvent de chef de cabinet à leur père, mais c’est là une pratique courante au xixe siècle et Guy Antonetti signalait dans le tome II (p. 332) que le jeune GERMINY avait fait une partie de son apprentissage administratif auprès de son beau-père HUMANN entre 1840 et 1842. Raphaël de CASABIANCA (1830-1919) abandonne ainsi provisoirement le barreau pour les ministères de l’Agriculture et du Commerce puis des Finances en 1851, alors que Alfred MAGNE (1834-1878), devient successivement secrétaire particulier de son père ministre des Travaux publics (1852) puis sous-chef de bureau du cabinet (1855) et enfin chef de cabinet du ministre des Finances (1857) avant d’entamer une carrière de comptable supérieur et même d’occuper la direction du personnel du ministère des Finances (1873), lors des quatrième et cinquième ministères de son père. Se rattache à ce groupe le chef de cabinet de BUFFET, Charles Louis de RAVINEL (1839-1905), fils d’un député des Vosges ancien collègue du ministre et ancien adjoint à l’Inspection des finances, qui partage avec lui ses opinions cléricales.
30La seconde catégorie se compose de hauts fonctionnaires des finances, souvent en poste au ministère et manifestement choisis pour leurs compétences techniques. C’est par exemple le cas de Fortunat René STOURM (1837-1917), chef de cabinet de MAGNE en 1868 : fils de l’ancien directeur général des Postes (voir infra), il est inspecteur des finances (1863) et sous-chef au Secrétariat général depuis 1866, service qu’il réintègre (avec avancement) en 1870 avant de devenir administrateur des Contributions indirectes en 1874 (toujours sous MAGNE) puis d’entamer à partir de 1880 une prestigieuse carrière d’enseignant à l’École libre des sciences politiques. De même, SÉGRIS choisit-il un homme du sérail pour le guider dans les arcanes du ministère : il s’agit de Gustave GRIMPEL, chef du bureau de la Dette inscrite mais aussi fils d’un chef de bureau aux Finances et frère du directeur général des Contributions directes d’alors.
31À mi-chemin entre ces deux groupes se tient Jules PELLETIER (1823-1875), homme-lige de FOULD. Ce fils et petit-fils d’académiciens accompagne le ministre dans toutes ses fonctions officielles, devenant l’un de ses collaborateurs les plus proches et jouant le rôle de conseiller particulier (certains disent occulte, sans doute parce qu’il a rédigé un ouvrage sur le père Joseph, dont le manuscrit a disparu dans l’incendie de la Cour des comptes en 1871). Au-delà de la politique, c’est le goût des arts qui unit les deux hommes tour à tour élus à l’académie des Beaux-Arts en 1857 (comme membre libre pour le ministre) et en 1860. Lors du premier ministère de son mentor (1849-1851), PELLETIER occupe donc les fonctions de secrétaire puis chef de cabinet du ministre des Finances puis se voit confier la sous-direction du Personnel lors du deuxième ministère FOULD (avril-octobre 1851) avant d’être nommé conseiller référendaire de 2e classe à la Cour des comptes au lendemain de la démission du ministre consécutive aux décrets sur les biens des Orléans (janvier 1852). Bientôt appelé au secrétariat général du ministère d’État (juillet 1852) et au Conseil d’État (1858), puis nommé secrétaire général du Conseil de famille (1860), il revient aux Finances en même temps que son protecteur. Il y occupe à dater du 22 novembre 1861 le poste de confiance de secrétaire général et le demeure jusqu’à sa promotion à la présidence d’une des chambres de la Cour des comptes, en 1864. En occupant successivement les fonctions de membre du cabinet puis de directeur de l’une des principales directions des Finances, il apparaît comme l’un des personnages les plus marquants de l’histoire du ministère et accompagne les mutations que connaît la rue de Rivoli au cours de la période.
Un organigramme modifié à la marge.
32En 1847 et depuis le début des années 1830, le ministère des Finances s’organise autour de l’Administration centrale d’une part et des régies financières de l’autre. Relèvent du premier ensemble sept directions, selon les cas « politiques », à commencer par le Secrétariat général et le Personnel, ou « techniques », comme le Contentieux, la Dette publique et les différentes Caisses et à mi-chemin entre ces deux pôles, la Comptabilité et le Mouvement général des fonds ; le second groupe, formé de huit directions générales, rassemble les Contributions directes et les Contributions indirectes, l’Enregistrement et des Domaines, les Douanes, ainsi que les Forêts, les Postes, les Monnaies et Médailles, enfin les Tabacs.
33Parmi les directeurs généraux en fonction à la veille de la proclamation de la République, seuls quatre conservent leur poste : ANDREY (Dette inscrite), GRÉTERIN (Douanes), MONTANIER (Mouvement général des fonds) et RODIER (Comptabilité publique). Mais alors que le renouvellement du personnel supérieur du ministère touche les trois quarts des directions, on ne compte que deux authentiques républicains parmi les promus, ARAGO et GUILLEMOT ; tous les autres sont des hauts fonctionnaires du ministère, souvent des sous-directeurs qui remplacent leur ancien supérieur. Le renouvellement des titulaires des fonctions directoriales n’est finalement complet qu’en 1852, alors que la situation politique a tourné à l’avantage des conservateurs et que les « survivants » de la monarchie de Juillet font valoir leurs droits à la retraite. Les directions générales sont alors peu ou prou entre les mêmes mains jusqu’au début des années 1860 et le retour aux affaires de FOULD qui procède à un renouvellement.
34C’est principalement sur les régies financières que porte la volonté de réforme, à commencer par les Tabacs que les ministres des Finances républicains vont s’employer à réorganiser au cours du premier semestre 1848. GARNIER-PAGÈS se prévaut dans son Histoire de la Révolution de 1848 d’avoir supprimé trois directions et onze sous-directions, d’avoir réduit le personnel du ministère et du service des Domaines, enfin d’avoir réuni la direction des Tabacs aux Contributions indirectes. Sur ce denier point, l’arrêté du 8 mai 1848 rétablit la situation telle qu’elle existait avant 1831, lorsque LAFFITTE avait érigé en direction générale ce qui n’était qu’une simple division des Indirectes pour la donner au baron Jules PASQUIER ; en quelques années, on en était arrivé à nommer un état-major formé de « trois sous-directeurs, puis des inspecteurs, et enfin une foule d’employés pour faire une direction » selon les mots du représentant BEAUMONT lors de la séance de la Législative du 19 avril 1849. Il n’existe dès lors plus qu’un sous-directeur en charge des tabacs au sein de la direction générale des Contributions indirectes, et ce jusqu’en 1860 ; au-delà de la dimension politique de cette décision, ce sont les économies qu’elle permet qui en justifient la pérennité. Cette réorganisation est pourtant remise en cause dès décembre 1848, lorsque le représentant Charles DUPIN demande le rapport de la décision de GARNIER-PAGÈS, estimant que l’ancien système avait d’incontestables avantages, tant sur le plan financier que sur le plan technique, mais TROUVÉCHAUVEL, soutenu par son prédécesseur DUCLERC, obtient de l’Assemblée le maintien de la décision. Par la suite, FOULD confirme ce rattachement avant de décider, par décret du 27 décembre 1851 de procéder au rattachement de la double entité à la direction générale des Douanes.
35Cette réorganisation est en partie provoquée par le départ de celui qui avait hérité de la responsabilité des Tabacs, le directeur général des Contributions indirectes, Joseph Gilbert ADAM (1795-1881) : entré aux Finances en 1825, inspecteur général des finances depuis 1840, il est nommé liquidateur de la liste civile du Roi et directeur des Contributions indirectes en remplacement de BOURSY à l’avènement de la République ; sa nomination à la Cour des comptes en 1851 ouvre donc la possibilité d’une réorganisation plus large des services du ministère. Entre-temps, il lui a fallu batailler ferme pour maintenir l’existence de sa direction générale, directement menacée par la brusque modification de la fiscalité indirecte et même virtuellement abolie pendant plusieurs mois de 1849.
36La direction générale des Tabacs ne réapparaît dans l’organigramme du ministère des Finances que dans le courant 1860. Elle est alors confiée à Eugène ROLLAND (1812-1885), polytechnicien (promotion 1830) entré au service des Tabacs en 1833 et premier directeur du Service central de construction en 1844 ; directeur général des Tabacs jusqu’en 1865, il voit ses attributions élargies aux Poudres et Salpêtres en accédant à la (nouvelle) direction générale des Manufactures de l’État, fonction qu’il conserve jusqu’en 1881. Quant à la direction générale des Contributions indirectes, elle n’est distraite des Douanes qu’en 1869, pour être confiée à Nicolas Gustave MERCIER-LACOMBRE (1815-1874), ancien secrétaire particulier de Bugeaud en Algérie, successivement préfet, conseiller d’État et magistrat à la Cour des comptes et qui conserve son poste jusqu’à la chute de l’Empire.
37Mais on le comprend aisément, c’est la direction générale des Douanes qui s’affirme comme la régie dominante de la période. Il est vrai que son chef, Théodore GRÉTERIN (1794-1861), est en poste depuis 1830 et qu’il dispose d’une autorité incontestable : entré comme surnuméraire au bureau de la douane de Strasbourg en 1811, il rejoint la direction générale parisienne en 1826 et se voit confier sa réorganisation par le sous-secrétaire d’État THIERS ; il a dès lors la haute main sur les douaniers, bientôt rejoints par les employés des Contributions indirectes et des Tabacs, en tout près de 40 000 personnes, et la conserve jusqu’à sa démission en 1860 (à 66 ans), consécutive à son élévation à la dignité de sénateur10. Il est remplacé par FORCADE LA ROQUETTE, bientôt appelé à succéder à MAGNE et à ce titre l’un des rares directeurs à accéder aux fonctions ministérielles ; les Douanes reviennent alors à deux piliers de cette direction, anciens administrateurs sous GRÉTERIN, Pierre Alexandre Victor BARBIER (1800-1874), en fonction jusqu’à sa nomination au Sénat en mars 1869, puis Bernard Bertrand Athanase Léon AMÉ (1808-1892), qui a gravi tous les échelons de la direction et demeure en poste jusqu’en 1879.
38Quant aux Forêts, elles demeurent pendant toute la période – et jusqu’en 1877 – dans l’orbite du ministère des Finances, en dépit de la demande de rattachement à celui de l’Agriculture, du Commerce et de l’Industrie soutenue par le représentant SAINT-PRIEST le 4 décembre 1848. C’est encore TROUVÉ-CHAUVEL, soutenu cette fois par GOUDCHAUX, qui trouve les arguments justifiant ce maintien. Le directeur général en poste au moment de la révolution de Février fait figure d’homme proche du régime déchu. Employé à l’Intendance des provinces illyriennes sous l’Empire, inspecteur des finances au début de la Restauration, Louis Victorin LEGRAND, dit de l’Oise (1791-1878) quitte les Finances à l’arrivée de Villèle ; député ministériel de l’Oise de 1831 à 1848, il occupe parallèlement les fonctions de secrétaire général du ministère du Commerce dont le titulaire est alors d’ARGOUT avant de devenir directeur général des Forêts aux Finances à trois reprises entre 1836 et 1848, au gré des alternances politiques. Remercié par les républicains, il est remplacé par un simple directeur : c’est d’abord Louis Auguste de SAINT-JULLE DE COLMONT (1792-1870) également passé par l’Inspection des finances, dessaisi des importantes fonctions de secrétaire général des Finances qu’il occupait depuis 1846 et qui prend sa retraite à la mi-juin ; viennent ensuite Jean-Baptiste HOUDOUART, jusque-là conservateur des forêts à Épinal, pendant dix mois, puis CORBIGNY, conservateur à Paris, qui demeure en fonction jusqu’au rétablissement de la direction générale des Forêts par décret présidentiel du 31 décembre 1851.
39Le 1er février 1852, LEGRAND de l’Oise est réinstallé dans ses fonctions d’avant 1848 mais ne reste en poste que jusqu’en avril suivant ; sans doute faut-il voir dans cette nomination la manifestation d’un retour à l’ordre administratif ancien à moins qu’il ne s’agisse de la revanche politique d’un haut fonctionnaire écarté par les révolutionnaires. À partir de cette date, les directeurs généraux des Forêts font preuve d’une plus grande longévité, même si cette direction connaît encore six titulaires jusqu’à la fin de l’Empire : c’est d’abord Antoine Philippe Léon BLONDEL (1795-1886), inspecteur des finances en poste en Algérie depuis le milieu des années 1830 qui occupe le poste entre 1852 et 1854, après avoir refusé les fonctions de ministre des Finances à la veille du coup d’État – c’est finalement CASABIANCA qui est nommé – et occupé celles de directeur général des Contributions directes à la fin de l’année ; sa nomination au Conseil d’État (1854) puis au Sénat (1866) ouvre sa succession. Elle revient successivement à Louis GRAVES (1791- ?), ancien secrétaire général de l’Oise sous la monarchie de Juillet et en poste de 1855 à 1857, à FORCADE LA ROQUETTE (1858-1859), puis à Louis Henri VICAIRE (1802-1865), ancien élève de la première promotion(1825) de l’École forestière de Nancy et dont toute la carrière s’est déroulée au sein de l’Administration qu’il dirige entre 1860 et 1865 puis l’inspecteur général des finances Jules LAYDECKER (1808-1875) de 1865 à 1868 et enfin Henri Amédée Emmanuel FARÉ (1825- ?), ancien secrétaire du gouvernement de l’Algérie, nommé à ces fonctions par MAGNE et qui demeure en poste jusqu’au rattachement à l’Agriculture, en 1877. Ces hommes, pour partie authentiques « forestiers » à l’image de VICAIRE, mènent à bien une politique ambitieuse de conversion des taillis en futaies, de reboisement des terres insalubres (Landes), pauvres (Champagne) et de montagne (Alpes) avec le soutien sur le terrain des anciens élèves de l’École forestière de Nancy dont LEGRAND de l’Oise avait un temps envisagé la suppression.
40Les autres régies financières connaissent un destin moins mouvementé. Les Postes font, comme les Forêts, partie de ces directions générales administrativement rattachées aux Finances mais disposant d’une forme d’autonomie. De par le caractère à la fois politique et confidentiel du courrier, le titulaire de celle des Postes dispose d’une influence non négligeable et c’est ce qu’a bien compris Étienne ARAGO (1802-1892), le frère du membre du Gouvernement provisoire. Le 24 février 1848, il prend d’assaut l’hôtel des Postes et fait partir des malles-poste vers les grandes villes de province pour y annoncer la proclamation de la République, avant de s’autoproclamer commissaire près la direction générale des Postes. C’est lui qui introduit l’usage du timbre-poste en France (loi du 24 août 1848) mais son élection à la Constituante comme son engagement aux côtés des républicains avancés entraînent son éviction au lendemain de l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République. Il est remplacé par Édouard THAYER (1802-1859), fils d’un citoyen américain installé en France pendant la Révolution et enrichi par l’achat de biens nationaux : ce polytechnicien (promotion 1822) est alors conseiller municipal de la capitale et un proche un nouveau chef de l’État ; il demeure en fonction jusqu’à sa nomination au Conseil d’État (1852) puis au Sénat (1853). Son successeur est Auguste Africain STOURM (1797-1965), magistrat devenu avocat, député d’opposition de 1837 à 1848, réélu à la Constituante et choisi par ses collègues pour siéger au nouveau Conseil d’État(1849) ; rallié après le coup d’État, il siège au Conseil d’État jusqu’en 1853. Dans ses nouvelles fonctions, il réforme le service postal et renégocie les conventions existantes avec divers pays, ce qui lui vaut de devenir à son tour sénateur en 1861.À l’inverse de ses prédécesseurs, Édouard VANDAL (1813-1889) est avant tout un fonctionnaire qui a fait presque toute sa carrière aux Finances : ce sous-chef du cabinet du ministre d’ARGOUT en 1836 et passé par l’Inspection, est nommé sous-directeur du Contrôle des régies en 1851 puis, après un détour par le ministère d’État en cours de constitution, directeur général des Contributions directes en 1852 (voir infra) ; nommé aux Postes, il y reste jusqu’à la chute de l’Empire, sans jamais obtenir la promotion à laquelle avaient eu droit ses prédécesseurs, ce que Maxime DU CAMP attribue à son manque de discrétion dans une affaire touchant de près à l’Impératrice11.
41La commission des Monnaies et Médailles ne connaît pour sa part que deux présidents entre 1848 et 1870, l’un et l’autre plus chimistes que financiers. Le premier est Jules PELOUZE (1807-1867), disciple préféré de GAY-LUSSAC et académicien des Sciences, mais aussi essayeur puis vérificateur de la Monnaie depuis 1833 et sincèrement rallié à la République. Il remplace donc l’ancien ministre de la Justice de sinistre mémoire PERSIL, en place depuis 1838, et participe à la définition de la politique monétaire de la France pendant près de vingt ans. Le second est Jean-Baptiste DUMAS (1800-1884), au parcours scientifique proche de son prédécesseur, mais plus directement engagé dans l’action publique, comme député à la Législative, comme ministre de l’Agriculture et du Commerce du prince-président entre octobre 1850 et janvier 1851, enfin comme sénateur dès 1852.
42Les deux dernières régies ont un caractère financier beaucoup plus prononcé et connaissent une évolution parallèle, en trois temps autour de 1848, 1852 et 1863. Après le renvoi du LAURENCE, en poste depuis 1844, les Contributions directes sont confiées à Paul BÉLESTA (1788-1854) : le nouveau directeur général, d’abord intérimaire (28 février 1848) puis confirmé dans ses fonctions (15 décembre suivant) est un pur produit de cette administration dont il est un employé depuis 1817, d’abord aux fonctions subalternes de contrôleur en province puis de commis dans les bureaux parisiens, allant jusqu’à refuser un poste de directeur départemental pour rester à la direction générale ; promu administrateur en 1841, il succède à son supérieur à la faveur de la Révolution et assure la transition jusqu’à sa retraite, fin 1851. Il est remplacé par BLONDEL (voir supra) puis Édouard VANDAL, déjà présenté et nommé par BINEAU le 7 septembre 1852 ; il reste en charge des Contributions directes jusqu’en 1861, y mettant à profit les nombreuses missions d’étude à l’étranger dont il avait été chargé depuis 1836. Il est remplacé par André Napoléon HAUDRY DE JANVRY (1810-1887), descendant d’une dynastie d’agents supérieurs des Finances ; cet ancien chef de division à la préfecture de la Seine dans les années 1850 est bien vite repéré par FOULD qui en fait bientôt le successeur de PELLETIER au Secrétariat général du ministère (1864). Le nouveau directeur général des Contributions directes est à la fois un proche de MAGNE et un spécialiste du Contentieux : Jean Marcelin CHOURI (1795-1867), avoué périgourdin, a occupé les fonctions de chef de la division des Domaines et du Contentieux de la Maison de l’Empereur (FOULD ministre) entre 1853 et 1855 avant de devenir directeur général du Contentieux aux Finances lorsque son ami d’enfance accède au ministère, puis d’exercer ses talents aux Contributions directes jusqu’à son décès. Avec Victor Augustin GRIMPEL (1823-1911), lui aussi issu d’une famille de hauts commis des Finances, c’est une nouvelle génération qui accède à cette direction générale : ce polytechnicien (promotion 1841) passé par l’École d’application du génie (1843) et l’Inspection des finances (1844) est chef de bureau dans cette même direction en 1853 et sous-directeur au Mouvement général des fonds depuis 1863 ; il demeure en place jusqu’en 1878.
43Quant à l’Enregistrement et aux Domaines, placés sous l’autorité de CALMON depuis 1824, ils sont confiés dès le 10 mars 1848 à Louis Philippe GUILLEMARDET-LAMARE (1790-1865), officiellement nommé directeur général le 20 juillet suivant. Venu de l’administration des Douanes, il est inspecteur général des finances depuis 1843 et quitte la régie pour devenir secrétaire général du ministère le 1er février 1852. C’est Jean Simon TOURNUS qui le remplace jusqu’en 1863, terme d’une carrière toute entière passée dans cette administration. Son départ à la retraite autorise la promotion d’Ernest ROY (1820-1908), éphémère délégué du ministère des Finances auprès des ateliers nationaux au cours du premier semestre 1848 et qui poursuit jusqu’en 1858 son ascension au sein de l’Inspection des finances ; sous-directeur au Secrétariat général depuis 1860, il dirige cette direction générale jusqu’en 1874, ne la délaissant qu’entre septembre 1870 et février 1871 pour participer au conseil désigné par le ministère pour l’administration financière des départements jusqu’à la fin de la guerre franco-prussienne.
44Les directions de l’Administration centrale sont elles aussi soumises à la volonté de réforme des ministres républicains ; elles connaissent un important renouvellement à leur tête pour les plus « politiques » et des évolutions structurelles pour les plus techniques. Le Secrétariat général appartient sans conteste à la première catégorie puisqu’on recense quatre titulaires du poste pour la seule année 1848. Le premier est SAINT-JULLE DE COLMONT (voir supra), en place depuis 1846 et démis de ses fonctions au profit de Gilbert Marie Hercule GUILLEMOT (1799-1874), journaliste nommé sous-directeur des régies par HUMANN en 1841, démissionnaire en 1845 et de retour aux Finances à la demande de son ami GARNIER-PAGÈS ; il ne demeure en poste qu’un mois (3 mars-3 avril 1848) avant de prendre la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations. C’est Adrien CHAPPUIS (1800-1879), inspecteur des Finances et sous-directeur du Mouvement général des fonds, qui le remplace (après un mois de vacance du poste) à partir du 29 mai et jusqu’au 21 décembre, date de la nomination de LEGRAND de l’Oise, déjà présenté, et qui apporte un peu de stabilité à la fonction en l’exerçant jusqu’au début 1852. Dès lors et jusqu’en 1870, les secrétaires généraux apparaissent étroitement associés aux ministres qui les appellent à cette fonction, qu’il s’agisse de GUILLEMARDET-LAMARE (voir supra) qui fait figure d’homme de BINEAU, d’Emile SERVEUX (1803-1882), passé par le Contentieux (voir infra) et nommé par MAGNE le 4 février 1855 ou de PELLETIER puis de HAUDRY DE JANVRY, proches de FOULD.
45C’est également le cas du Mouvement général des fonds, même si le caractère éminemment technique de cette direction interdit tout limogeage intempestif de son directeur. Claude Louis MONTANIER (1789-après 1864), nommé en 1842 par LACAVE-LAPLAGNE conserve donc ses fonctions jusqu’à son départ en retraite en 1852, quelques mois après l’arrivée de BINEAU au ministère. Mais par la suite, ce sont six directeurs qui se succèdent jusqu’à la fin de l’Empire. Le ministre porte tout d’abord son choix sur Adrien LEMAÎTRE (1802-1853) qui connaît bien cette direction pour y avoir effectué presque toute sa carrière et en est le sous-directeur depuis août 1848. Son décès prématuré impose la promotion, en avril 1854, de Jean Edmond ANDOUILLÉ (1804-1891), inspecteur des finances aux compétences largement reconnues et bientôt appelé à seconder VUITRY comme sous-gouverneur de la Banque de France (1857). MAGNE choisit alors Guy Théodore MAGIMEL (1799-1862), lui aussi inspecteur des finances et passé, comme nombre des proches du ministre, par l’Algérie, mais qui décède en 1862. Les trois derniers directeurs du Mouvement général des fonds doivent leur nomination à FOUD qui choisit successivement Dominique Pierre BLONDIN (17951872), ancien receveur général bientôt démissionnaire et remplacé par son adjoint, Pierre SAPIA (1825-1885), ancien commis à la Dette inscrite (1850) qui suit son mentor au ministère d’État où il devient chef de la division de la Comptabilité puis de revenir aux Finances dans les pas de son protecteur. Compromis dans une affaire spéculative et desservi par les liens (supposés) de sa sœur avec le ministre, il doit démissionner fin 1866. C’est l’irréprochable François Ernest COLLART-DUTILLEUL (1825-1905), neveu du ministre MOLLIEN et inspecteur des finances, qui lui succède le 27 mars 1867 et demeure en fonction jusqu’à son élection comme député de l’Oise en 1876, prélude à sa nomination comme ministre des Finances pendant la crise de 16 mai.
46La Dette inscrite suit un modèle comparable avec un directeur général, Abel François ANDREY (1806-1862), lui aussi nommé par LACAVE-LAPLAGNE, en 1846 et en poste jusqu’à sa retraite, le 1er janvier 1862. Lui succèdent, Georges Philippe HARMAND (1785- ?), fils, frère et père de directeurs aux Finances, contrôleur central du ministère depuis 1859 et vite retraité, puis Placide Alexandre HERSON (1797-1865), polytechnicien (1815), inspecteur des finances et sous-directeur depuis 1846, enfin DE GOUTTES, en poste de 1865 à 1873.
47À l’inverse, la direction du Personnel, aux implications pourtant politiques (il suffit de se rappeler des déclarations de FOULD stigmatisant en 1850 les fonctionnaires qui « se seraient laissés infectés par les doctrines subversives du socialisme ») est à l’inverse caractérisée par une grande stabilité. Au départ de NOUTON, c’est son adjoint Pline HARMAND (1792-1870), qui lui succède jusqu’à sa retraite en 1865 pour être remplacé par Augustin LECLERCQ (1812-1908), inspecteur des finances, sous-directeur au Secrétariat général depuis 1860 et en fonction jusqu’en 1872. C’est également le cas de la direction du Contentieux, dont le titulaire DESSAURET est renvoyé sans ménagement le 1er mars 1848 ; c’est donc son sous-directeur SERVEUX qui lui succède jusqu’en 1854. Sa nomination au Secrétariat général permet à MAGNE d’offrir le poste à son ami d’enfance CHOURI qui intègre ainsi les Finances avant d’exercer ses talents aux Contributions directes et de céder la place à LABEYRIE, dont on ne sait rien.
48La Comptabilité publique est sans doute la direction générale bénéficiant de la plus grande stabilité, avec seulement trois titulaires : le baron Charles RODIER (1791-1864), héritier en 1830 du marquis d’AUDIFFRET, est conservé à son poste par les républicains en 1848 avant d’être nommé à la Cour des comptes en1852. Ses successeurs Auguste DELÉPINE (1796- ?) et Gustave DE ROUSSY (1812-1885) demeurent respectivement en fonction de 1852 à 1863 et de 1864 à 1882. C’est pourtant l’une des deux directions, avec les Caisses, qui connaît la réforme la plus importante de la période12 : dès le printemps 1848, GARNIERPAGÈS s’efforce de renforcer le contrôle du ministre et de la Cour des comptes en décidant qu’aucune pièce comptable ne pourrait désormais être acquittée par le Trésor sans avoir obtenu le visa du ministre ordonnateur lui-même et que l’envoi des pièces comptables à la Cour interviendrait à la fin de chaque mois, et non plus de chaque année, afin d’accélérer le contrôle de celle-ci et accentuer son efficacité.
49Mais il faut attendre 1862 pour que l’organisation comptable fasse l’objet d’une transformation en profondeur : depuis l’ordonnance royale du 31 mai 1838, promulguée sous le ministère de LACAVE-LAPLAGNE [voir sa notice], cette dernière n’avait fait l’objet d’aucune modification, alors même que le périmètre de l’État s’était progressivement étendu et que ses opérations financières s’étaient accrues, en volume comme en nombre ; il devenait dès lors urgent de la moderniser. C’est tout l’objet du décret du 31 mai 1862 « portant règlement général de la comptabilité publique » et qui porte une nouvelle fois la marque du marquis d’AUDIFFRET. Ce dernier relate dans ses Souvenirs13 qu’« après avoir achevé la tâche importante dont la direction m’avait été confiée pour règlementer sur de nouvelles bases le système général de la Comptabilité publique, je présentai à M. FOULD, devenu ministre des Finances un rapport à l’Empereur expliquant les motifs des nombreuses dispositions contenues dans les 883 articles composant le projet de décret qui devait remplacer celui du 31 mai 1838 et qui porte aujourd’hui la date du 31 mai 1862. La lecture de mon exposé, très attentivement écoutée sans provoquer d’observations, me valut l’approbation la plus rare et la plus gracieuse que je pusse recevoir. Le ministre, en effet, me dit après m’avoir entendu : “Je ne dois pas signer ce rapport, ni me parer d’un travail que vous avez si bien fait et auquel je vous prie d’ajouter l’autorité de votre nom” ».
50Le texte fait véritablement figure de charte des finances publiques et ne connaît pas de modification jusqu’au décret du 29 décembre 1962. Il définit le budget comme « l’acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de l’État ou des autres services que les lois assujettissent aux mêmes règles » (art. 4), réforme de l’ordonnance de 1822 adoptée sous le ministère VILLÈLE dans le sens d’un contrôle accru des payeurs sur les dépenses de l’État, prévoyant qu’en cas d’absence de crédit disponible ou de justification de service fait, ou de difficulté sur la validité de la créance, ils doivent, avant d’obtempérer à la réquisition, « en référer au ministre des Finances qui se concertera avec le ministre du département auquel appartient la dépense » (art. 91), enfin et surtout il pose le principe d’un renforcement des pouvoirs du ministère des Finances sur les ministères dépensiers en supprimant leur autonomie budgétaire et en instaurant une centralisation budgétaire (art. 374) : désormais, « la comptabilité générale des finances est chargée de la préparation du budget de l’État, de la loi de règlement de chaque exercice et des lois collectives portant allocation de suppléments de crédit », centralisant ainsi les budgets particuliers des divers ministères pour préparer le budget global. Le décret du 16 mai 1863 en est le prolongement direct, qui transforme la direction générale de la Comptabilité des Finances en la direction générale de la Comptabilité publique et lui assurant sa prééminence sur les directions de la Comptabilité des autres ministères.
51Les Caisses du Trésor public achèvent au cours de cette dernière période leur réorganisation, après celles consécutives aux détournements opérés par MATHÉO puis KESSNER. On se souvient que coexistent aux Finances un payeur des dépenses centrales et un payeur central du Trésor, mais le départ à la retraite du premier à la fin du mois de mars 1848 entraîne la réunion des deux services sous l’autorité du second par arrêté du 5 avril. Désormais caissier central du Trésor, Jean Simon Joseph THOMAS (1789-1880) poursuit là une carrière déjà longue au sein du ministère : fils d’un receveur des aides à Lunéville sous l’Ancien Régime, frère d’un magistrat à la Cour des comptes et beau-frère du premier président BARTHE, il a commencé sa carrière à Alexandrie (département de Marengo) sous l’Empire ; passé par l’Inspection des finances et homme de confiance du baron LOUIS, il est directeur du secrétariat personnel du ministre LACAVE-LAPLAGNE en 1838 puis secrétaire personnel des ministres PASSY(1839), PELET DE LA LOZÈRE (1840) et HUMANN (1841) tout en exerçant depuis 1840 les fonctions de directeur du personnel ; payeur central du Trésor depuis 1841, il cumule au début de la Deuxième République ces fonctions avec celles occupées depuis 1845 par LIONNET. Selon l’Almanach impérial, le directeur comptable effectue les recettes et les dépenses de l’ensemble des services dépendant du Trésor public, parachevant ainsi le processus de centralisation des opérations comptables quotidiennes de l’État.
52Cette fusion qui permet avant tout de réduire les dépenses de personnel de 478 000 à 408 000 F n’est pourtant que nominale, l’organisation interne du service ne subissant aucune modification notable : le nouveau caissier-payeur central du Trésor est secondé par deux adjoints, un sous-payeur central en charge des opérations de trésorerie et un sous-caissier central qui se voit confier les dépenses budgétaires. Sous leurs ordres, un personnel titulaire de 130 agents, largement suppléé par des employés auxiliaires, s’active pour faire face aux opérations rendues nécessaires par la proclamation du cours forcé des billets de la Banque de France (15 mars 1848), l’émission du solde de l’emprunt de 1847 (décret des 9 mars, 7 et 24 juillet 1848), la consolidation en rentes des bons du Trésor et des livrets de caisses d’épargne (décret du 7 juillet 1848) ou encore du rachat du PLM (décret du 18 août 1848). La conversion de 1852, l’émission par souscription publique des trois emprunts de la guerre de Crimée (lois des 11 mars et 31 décembre 1854 et du 11 juillet 1855), l’emprunt de la guerre d’Italie (loi du 2 mai 1859), l’émission des obligations trentenaires (lois des 23 juin 1857, 29 juin et 2 juillet 1861), enfin la conversion facultative de 1862 prennent ensuite le relais et font de la Caisse du Trésor l’un des services les plus sollicités de la période14.
53Parallèlement, le ministère décide d’améliorer le traitement de ses agents mais entreprend de financer cette augmentation par une réduction du nombre des employés dans chaque direction. Cela passe par une profonde réorganisation des bureaux de la Caisse-paierie centrale du Trésor : suppression du sous-directeur des dépenses, répartition de ses attributions entre six payeurs des dépenses budgétaires, transfert aux payeurs des rentes de la comptabilité des arrérages entre le paiement de deux échéances, enfin licenciement de l’ensemble du personnel auxiliaire. En 1859, la réorganisation du service arrive à son terme avec la promotion de THOMAS aux fonctions de directeur comptable des Caisses centrales du Trésor public. Admis à faire valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 1863, il est alors remplacé par son second, PERTHUIS [dit DE LAILLEVAULT] (1798-1877), ancien élève de l’École militaire spéciale de Saint-Cyr et successivement devenu payeur général (1832-1850), sous-caissier central (1850-1859) puis sous-directeur des Caisses centrales ; son départ à la retraite en janvier 1866 permet finalement à Charles Marie Joseph THOMAS (1820-1873), fils du précédent et ancien sous-caissier payeur central, de lui succéder jusqu’en 1873.
54Au total et en dépit de quelques modifications temporaires, la structure interne du ministère des Finances connaît peu de modifications. Le retour à la situation d’avant 1848 s’explique en partie par la « tradition », pour ne pas dire l’inertie administrative qui prévaut finalement ; d’autant que les regroupements opérés en vue de réaliser des économies toujours réclamées n’ont jamais permis la mise en œuvre de véritables synergies, l’identité propre de chacune des anciennes directions générales demeurant la chose la mieux partagée au sein de la nouvelle entité. C’est particulièrement visible dans le cas de la grande direction générale des Douanes et des Contributions indirectes, le seul intitulé illustrant bien les limites de la fusion.
55À la suite de la nomination de ROUHER aux Finances, en janvier 1867, circule pourtant un vaste projet de réorganisation des services du ministère. C’est l’inévitable marquis d’AUDIFFRET qui en est l’auteur : il propose des modifications destinées à « soumettre plus sûrement l’administration centrale à l’emprise de l’ordre, et pour en faciliter la surveillance et la direction au ministre qui en supporte la responsabilité ». Son « projet de décret sur l’organisation du ministère des Finances » prévoit la formation d’un conseil des Finances présidé par le ministre et composé des directeurs généraux. Ces derniers, et c’est là la véritable nouveauté, voient leur nombre ramené à six, respectivement chargés :
- des Impôts directs (soit les « quatre vieilles », associées à l’Enregistrement et aux Domaines, mais aussi aux Forêts), des Impôts indirects (regroupant sels, sucres et boissons, Douanes et Tabacs et Poudres), les Postes, ces trois directions générales relevant des Revenus publics ;
- de la Trésorerie, le nouveau directeur général ayant sous ses ordres les services du Mouvement général des fonds, de la Dette inscrite, des Monnaies et de la Caisse centrale ;
- de la Comptabilité publique ;
- du Secrétariat général, dont dépendent le cabinet du ministre, le Personnel et le Matériel, l’Inspection générale et le Contentieux.
56Le départ de ROUHER et le retour de MAGNE aux Finances en novembre 1867 enterrent le projet que les seuls Souvenirs (p. 493-496) de son auteur tirent de l’oubli dans lequel il tombe alors.
Les directeurs généraux de la Deuxième République au Second Empire.
57Au total, on recense 52 directeurs d’Administration centrale et directeurs généraux de régie en activité entre 1848 et 1870. Un rapide tour d’horizon des éléments biographiques disponibles sur ces hommes permet de mieux les cerner, en attendant une étude plus poussée des directeurs des Finances qui devrait en toute logique couvrir l’ensemble de la période couverte par ce dictionnaire15. La capitale est le lieu de naissance du quart d’entre eux (13), les départements de province (28) et l’étranger (3) se partageant les autres. Près de 80 % d’entre eux sont nés avant la chute de l’Empire : avant 1800 pour 21 d’entre eux (40,5 %) et 20 autres sous le Consulat et l’Empire (38,5 %), les 8 derniers ayant vu le jour sous la Restauration (15,5 %). Le plus âgé est BÉLESTA, né en 1788 et devenu directeur à 60 ans, mais ils ne sont qu’un cinquième (10) à atteindre ces fonctions après 60 ans, les plus âgés (BLONDIN, Ph. HARMAND et DUMAS) ayant 67 ans dans l’année de leur nomination ; on accède plus généralement à ces fonctions une fois quinquagénaire (pour 20 d’entre eux, soit 42 %), plus rarement une fois la quarantaine atteinte (12 ; 25 %) et presque exceptionnellement avant : seuls six le deviennent avant 40 ans (dont deux, RODIER et GRÉTERIN, avant 1848) et le plus jeune directeur de la période est FORCADE LA ROQUETTE, promu directeur général des Douanes et des Contributions indirectes à 38 ans.
58Pour une partie d’entre eux, dont la carrière a débuté tout en bas de l’échelle administrative, aux fonctions de commis, parmi lesquels ANDREY, DELÉPINE, GRÉTERIN, TOURNUS ou encore VANDAL il s’agit d’une véritable consécration. Leur parcours professionnel et leur accession au sommet de la hiérarchie directoriale apparaissent comme la preuve de leur valeur et constituent un argument de poids en faveur d’une promotion interne que tous aux Finances entendent voir perdurer. De fait, les directeurs généraux pris en dehors du sérail des Finances sont relativement peu nombreux : GUILLEMOT, mais qui déjà exercé les fonctions de sous-directeur aux Finances ; ARAGO puis THAYER, proche du prince-président, aux Postes ; GRAVES et FARÉ aux Forêts ; MERCIER-LACOMBE aux Indirectes. Les autres sont majoritairement issus de l’Inspection des finances qui place 21 des siens parmi les directeurs et de façon moins visible, de l’École polytechnique (5 anciens élèves).
59Après quelques mois ou quelques années à la tête d’une direction, la plupart prennent leur retraite ; quelques autres poursuivent leur carrière au sein des institutions financières que sont la Cour des comptes pour quatre d’entre eux (ADAM,GRIMPEL, PELLETIER, ROY) et la Banque de France (ANDOUILLÉ devient sous-gouverneur) ; six d’entre eux sont nommés sénateurs (BARBIER, BLONDEL, FORCADE LA ROQUETTE, GRÉTERIN, STOURM et THAYER) et deux sont élus députés (FORCADE LA ROQUETTE en 1870 et COLLART-DUTILLEUL en 1876) ; ces deux mêmes sont d’ailleurs les seuls à détenir à la suite de leur directorat un portefeuille, celui des Finances.
Traitement et nombre des employés des Finances.
60L’une des premières décisions du Gouvernement provisoire relative au ministère des Finances est la disparition du titre de « directeur général », trop directement associé aux députés fonctionnaires de la monarchie de Juillet16, au profit de celui de « directeur » ; s’il s’agit surtout d’une mesure d’ordre symbolique, elle marque bien la rupture que veulent incarner les hommes de 1848 et se trouve complétée par une réduction significative du traitement de ces hauts fonctionnaires, de 25 000 à 15 000 F, pour des raisons d’économie17. Sous l’Empire, les directeurs généraux retrouvent des rétributions plus importantes et perçoivent, selon leurs fonctions, un traitement de 20 000 F (soit autant qu’un recteur de 1re classe ou un conseiller à la Cour de cassation) pour le secrétaire général et les directeurs de la Dette inscrite, du Contentieux, de la Comptabilité publique, du Personnel, du Mouvement général des fonds, des Contributions directes, de l’Enregistrement et des Domaines et des Forêts, 25 000 F (autant qu’un conseiller d’État) pour ceux des Postes et des Tabacs, enfin 30 000 F pour celui des Douanes et des Contributions indirectes (comme un président de section au Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation ou un préfet de 2e classe).
61S’il s’agit là de traitements pour le moins confortables, ils ne concernent qu’une poignée de hauts fonctionnaires, la masse des employés du ministère touchant en moyenne que 10 % de ces sommes. En 1853, un commis débute à 1 200 F l’an (1 600 F en 1865) et peut espérer 3 600 F en fin de carrière ; s’il est travailleur et que la chance lui sourit sous la forme d’une place de sous-chef de bureau, il peut prétendre à un traitement allant de 4 000 à 5 500 F ; les chefs de bureaux émargent quant à eux à 6 000 F, 9 000 F dans le meilleur des cas. Et encore la situation s’est-elle améliorée au cours du siècle : les traitements ont en effet subi au cours des années 1820 à 1840 une diminution de 15 à 20 % et si le revenu minimum est stabilisé à 1 500 F après 1830, plus de la moitié des fonctionnaires touche encore moins de 2 000 F en 184518.
62Les tableaux publiés en annexe d’un Projet de loi relatif aux conseils d’administration et à l’état des employés dans les administrations centrales rédigé par le conseiller d’État SILVY en 187419 mettent en regard les traitements moyens des différents départements ministériels et distinguent pour les Finances la situation de l’« Administration centrale » et des « Régies financières » entre 1847 et – pour ce qui nous concerne – 1865 : on y apprend ainsi que les employés supérieurs (réunis sous le terme bien vague d’état-major) de l’Administration centrale perçoivent en moyenne 7 302 F en 1847 et 8 565 F en 1865, soit un accroissement global de plus de 17 %, surtout sensible au cours du Second Empire (6 914 F en 1852), contre 6 454 à 7 750 F pour leurs collègues des régies financières (5 914 F en 1852), soit une augmentation de 20 %. On trouve là la confirmation par la moyenne des choix politiques opérés par les responsables politiques (ministres et dans une moindre mesure parlementaires) au cours de la période. Quant aux « commis », ils disposent d’un traitement de 2 254 F (Administration centrale) à 2 118 F (Régies) en 1847, porté à 2 525 F et 2 473 F en 1865 (soit respectivement + 12 % et + 17 %). La confrontation de ces chiffres avec ceux des autres ministères constitue un indice de la position relative du prestige dont jouit le ministère des Finances au cours du troisième quart du xixe siècle : en 1847 comme en 1852, seuls les employés supérieurs des Affaires étrangères bénéficient de traitements supérieurs à ceux de l’Administration centrale, ceux des Régies ne pointant qu’en 6e puis 7e position, après ceux de la Guerre, de l’Agriculture et du Commerce, de la Marine ou encore de la Justice ; en 1865, la position dominante des Finances est incontestable, avec les 1re et 3e places du palmarès des traitements, les Affaires étrangères s’intercalant entre l’Administration centrale et les Régies.
63Ce même document nous éclaire sur les effectifs parisiens du ministère des Finances. On observe clairement que la tendance est à la réduction du nombre d’employés : de 1 465 en 1847 (707 à l’Administration centrale et 758 dans les Régies), on passe successivement à 1 246 (597 + 649) en 1852 et à 1 252 (617 + 635) en 1865, soit une diminution globale de 14,5 % entre 1847 et 1865. Celle-ci touche très directement les agents supérieurs qui de 390 en 1847 (149 à l’Administration centrale et 241 dans les Régies), ne sont plus que 300 (117 + 183) en 1852 et 291 (115 + 176) en 1865, soit une basse de plus d’un quart, alors que les employés moyens et subalternes ne voient leurs effectifs se réduire que d’un peu plus de 10 %. Bien qu’en recul, ces chiffres font pourtant des Finances le ministère le plus gros consommateur de main-d’œuvre administrative, celui dont le taux d’encadrement est le plus important, et ce tout au long de la période20 ; implicitement, ils mettent en lumière la faiblesse quantitative du personnel des ministères au milieu du xixe siècle.
64Ces employés supérieurs et subalternes se répartissent entre les multiples divisions et autres bureaux qui forment les différentes directions. Sans revenir sur la structure interne du ministère, on peut sur la base des informations publiées par l’Almanach impérial pour 1860, année moyenne, observer que les 8 directions de l’Administration centrale comptent 18 directeurs et sous-directeurs, 23 chefs et 44 sous-chefs de bureaux alors qu’au sein des 6 directions générales, on recense 26 directeurs généraux et administrateurs, 67 chefs et 15 sous-chefs de bureaux. Au total, l’encadrement du ministère des Finances compte donc un total de 15 directeurs et directeurs généraux, 29 sous-directeurs et administrateurs, 90 chefs et 59 chefs de bureaux, auxquels viennent s’ajouter une foule d’employés, de commis et de surnuméraires. Encore faut-il installer tous ces agents dans des locaux d’une taille suffisante et permettant à l’action administrative d’être aussi efficacité que possible.
LE MINISTERE DES FINANCES DANS SES MURS (1824-1870)
65Désireux de rassembler l’ensemble des services du ministère des Finances dans un périmètre étroit à défaut de pouvoir tous les loger à la même adresse, le ministre VILLÈLE avait décidé en 1824 d’investir les locaux initialement destinés, par décret du 26 août 1811, à accueillir la poste centrale de la capitale. Le nouveau bâtiment devait être construit sur un quadrilatère formé par les rues de Rivoli, Neuve-du-Luxembourg (elle ne prend le nom de Cambon, créateur du Grand Livre de la dette publique et conventionnel régicide, que sous le Second Empire), du Mont-Thabor et de Castiglione ; cet espace, occupé à la veille de la Révolution par des bâtiments et jardins conventuels était devenu « propriété nationale » en 1790 avant d’être mis en vente. Si les plans d’alignement de la future rue de Rivoli datent de 1802, de même que les décisions d’ouvrir la section de la rue Cambon comprise entre les rues de Rivoli et Saint-Honoré, la rue de Castiglione reliant la rue de Rivoli à la place Vendôme, enfin la section de la rue du Mont-Thabor comprise entre les deux précédentes, la pose de la première pierre du bâtiment n’intervient qu’en 1811, retardant d’autant son affectation définitive. En 1817, François-Hippolyte DESTAILLEUR est nommé architecte du ministère des Finances et se voit confier la construction sur le terrain voisin, d’une superficie de 11 000 m2, d’un immeuble de cinq étages qui accueille donc les services du ministère des Finances à partir du milieu des années 1820.21
66C’est dans la rue du Mont-Thabor que se trouve l’entrée principale, mais il existe également une entrée secondaire sur la rue de Rivoli, deux autres sur la rue de Castiglione, dont l’une réservée aux voitures, avec accès aux écuries et aux remises, et une dernière, toujours accessible aux voitures, sur la rue Neuve-du-Luxembourg. Aux arcades extérieures qui font le tour du pâté de maison répondent celles que l’on trouve dans au moins l’une des quatre cours intérieures, la plus grande, celle dite de l’Horloge, accessible par l’entrée du Mont-Thabor et doublée à l’ouest par une seconde cour, également orientée nord-sud ; viennent enfin deux autres cours, tout en longueur, qui éclairent les bureaux de la partie orientale du bâtiment (voir le plan ci-dessous, où le ministère des Finances apparaît hachuré, en bas à gauche. Sources : CAEF 1 Fi 111).
67Ce vaste bâtiment accueille la majeure partie des directions de l’Administration centrale ainsi qu’une partie des régies, sans oublier le bureau et les appartements privés du ministre. Ses visiteurs officiels sont d’abord accueillis par les huissiers dans une antichambre située au premier étage et donnant sur la cour de l’Horloge avant d’être introduits dans un cabinet ouvert sur la rue de Rivoli. Quant aux appartements privés, ils se composent, si l’on en croit l’inventaire après décès de BINEAU, d’ » une chambre éclairée par une fenêtre sur la rue de Castiglione, d’une pièce à côté ayant même vue, d’une pièce à la suite, éclairée par deux fenêtres sur la rue de Rivoli et de Castiglione, d’un salon éclairé par deux fenêtres sur la rue de Rivoli et d’un petit cabinet ». Aux étages supérieurs et tout autour des cours sont installés les différentes composantes du ministère : sur la partie centrale de la façade de la rue de Rivoli, les services de la Dette et des Pensions ; à l’angle de la rue Neuve-du-Luxembourg, se trouvent les bureaux de la Loterie, puis viennent ceux des directions générales des Tabacs (au N° 2) et des Forêts (N° 6)22 ; donnent sur la rue du Mont-Thabor, les Douanes (qui ont quitté l’hôtel d’Uzès en janvier 1825) et les Contributions indirectes ; la Caisse centrale du Trésor public est installée autour de la cour intérieure vitrée ; quant au directeur général de l’Enregistrement et des Domaines, il a ses bureaux sur la rue de Castiglione ; les autres services, direction du Personnel, du Contentieux, de la Comptabilité, des Contributions directes, du Mouvement général des fonds ou encore la bibliothèque du ministère n’ont pu être plus précisément situés dans le bâtiment, mais tous ont pour adresse le 48, rue de Rivoli.
68Les archives sont au moins pour partie conservées au Mont-Thabor, de même que les volumes du Grand Livre de la dette publique, soit 6 à 7 000 registres de grand format (65 x 35 cm et 6 à 7 cm d’épaisseur) qu’il a fallu jeter du deuxième étage dans la cour de l’Horloge lorsque l’incendie de 1871 les menace de destruction. La caserne de l’Assomption, sise non loin de là, au N° 9 de la rue de Luxembourg, et affectée au ministère des Finances par décret du 26 février 1859 [MAGNE étant ministre], sert d’entrepôt du matériel avant que les archives et un double du Grand Livre de la dette publique n’y soient déposés, après la Commune.
69Si le bâtiment principal ne peut accueillir tout le monde, les hôtels des autres directions générales sont le plus souvent situés non loin, formant ainsi dans le centre de Paris un quartier financier. La direction générale des Postes est installée dans l’ancien hôtel d’Armenonville, au N° 55 de la rue Jean-Jacques Rousseau (c’est l’actuelle poste centrale du Louvre) et dans les cinq maisons contiguës acquises entre 1757 et 1814 ; l’ensemble, d’une superficie de 6 453 m2, accueille le directeur général, son chef de cabinet et son administration, ainsi que le directeur départemental et le receveur principal de la Seine, le chef de bureau du matériel et les agents du service. Un peu plus au nord, les services de l’Enregistrement et des Domaines occupent l’hôtel du Timbre, aux Nos 9, 11 et 13 de la rue de la Banque, affecté par la loi du 15 juillet 1845 [LACAVE-LAPLAGNE étant ministre] ; on y trouve l’atelier du Timbre, les logements du directeur des domaines, du chef de l’atelier général et les bureaux de la direction, les logements du sous-chef et du directeur de l’Enregistrement et du Timbre ainsi que les bureaux de la direction. Le ministère disposait également depuis 1824, dans la cour de l’hôtel de Soubise situé dans le Marais, de bâtiments abritant les ateliers de confection et les magasins de stockage des imprimés des administrations financières et de la loterie. Finalement, seule la commission des Monnaies et Médailles se trouve rive gauche puisque abritée par l’hôtel des Monnaies de Paris, 11 quai de Conti, affectation qui date de 1765, confirmée par une ordonnance royale du 5 mai 1820 [sous le ministère ROY] puis une décision ministérielle du 12 août 1832 [c’est alors LOUIS qui est ministre] ; outre les bureaux de la Commission, on y trouve les ateliers de fabrication, bureaux et magasins, le Musée monétaire, les logements des directeur, sous-directeur, commissaire et contrôleurs des monnaies.
70La destruction par le feu de la majeure partie de l’hôtel du Mont-Thabor lors des derniers jours de la Semaine sanglante de mai 1871 tourne une page importante de l’histoire du ministère des Finances : au-delà des locaux, ce sont les dossiers, les notes, les archives du ministère qui disparaissent pour partie. Avec l’installation au Louvre, c’est une autre histoire qui commence.
Notes de bas de page
1 On renvoie à cet égard au prologue du tome I de ce Dictionnaire.
2 Procès-verbaux du Gouvernement provisoire et de la Commission du pouvoir exécutif (24 février-22 juin 1848), Paris, Imprimerie nationale, 1950. Voir également l’ouvrage Les épurations administratives, xixe et xxe siècles, Genève, Droz, 1977 et en particulier les études de Vincent Wright, « Les épurations administratives de 1848 à 1885 », p. 69-80 et P. Sandevoir, « Les modalités juridiques des épurations au xixe siècle », p. 105-114.
3 Réalisé d’après les chiffres présentés par Alain Plessis, « L’impôt des Français au xixe siècle, replacé dans une perspective européenne », dans L’impôt en France aux xixe et xxe siècles, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2006, p. 13-47.
4 Robert Schnerb, « Les hommes de 1848 et l’impôt », 1848 et les Révolutions du xixe siècle, janvier-avril 1947, n° 176, p. 5-51 et Rémi Gossez, « La résistance à l’impôt, les 45 centimes », Etudes de la Société d’histoire de la Révolution de 1848, 1953, t. XV, p. 89-132.
5 Roger Chartier (dir.), La correspondance. Les usages de la lettre au xixe siècle, Paris, Fayard, 1991.
6 Sur cette question, on renvoie aux travaux de Pierre-François Pinaud, Les receveurs généraux des finances, 1790-1865. Étude historique. Répertoires nominatif et territorial, Genève, Droz, 1991 et Les trésoriers-payeurs généraux au xixe siècle. Répertoires nominatif et territorial, Paris, Éditions de l’Érudit, 1983.
7 Parmi lesquels les fils des ministres ou anciens ministres BAROCHE (Calvados), MAGNE (Loiret) – et son neveu MAIGNE (Loir-et-Cher) –, ROUHER (Saône-et-Loire), de GERMINY (Seine-Inférieure), ROULAND (Deux-Sèvres), ainsi que les fils des (anciens) directeurs généraux des Finances DELÉPINE (Cher), CHOURI (Dordogne) et d’AUDIFFRET (Var).
8 Sur cette question, voir Guy Thuillier, La vie quotidienne dans les ministères au xixe siècle, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2004 (1re éd. 1976) ainsi que « Pour une histoire des cabinets ministériels au xixe siècle », Revue administrative, septembre-octobre 1972, p. 479-483, repris dans Pour une histoire de la bureaucratie en France, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, p. 433-440 et dans le même volume, « L’histoire d’un cabinet ministériel », p. 129-140.
9 Significativement, l’ouvrage Origine et histoire des cabinets ministériels en France (Genève, Droz, 1975) ne consacre pas de contribution à la Deuxième République et celle de Pierre Guiral, « les cabinets ministériels sous le Second Empire », (p. 55-65) ne donne qu’un seul exemple relatif aux Finances.
10 On renvoie également aux pages 18 à 20 du prologue du tome II.
11 Souvenirs d’un demi-siècle, Paris, Hachette, 1949, tome I, p. 167.
12 La Comptabilité publique. Continuité et modernité, Actes du colloque de Bercy 25-26 novembre 1993, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1995.
13 Charles-Louis-Gaston (marquis) d’Audiffret, Souvenirs de ma famille et de ma carrière dédiés à mes enfants 1787-1878, présentés et annotés par Michel Bruguière et Valérie Goutal-Arnal, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, p. 476.
14 Ch. de Marcillac, La Caisse centrale du Trésor public, Paris-Nancy, Berger-Levrault, 1890, p. xx-xxii.
15 On dispose déjà d’une base solide avec les travaux de Michel Bruguière, Gestionnaires et profiteurs de la Révolution. L’Administration des finances françaises de Louis XVI à Bonaparte, Paris, O. Orban, 1986 et le colloque Les directeurs de ministère en France (xixe-xxe siècles), Genève, Droz, 1976.
16 François Julien-La ferrière, Les députés fonctionnaires sous la monarchie de Juillet, Paris, PUF, 1970.
17 Le traitement du président (15 000 F) et des commissaires généraux (10 000 francs) de la commission des Monnaies est quant à lui ramené à la fin 1848 à 12 000 et 8 000 F.
18 Guy Thuillier et Jean Tulard, Histoire de l’administration française, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1994 (2e éd.), p. 20 et 40-41 ; M. Pinet (dir.), Histoire de la fonction publique en France, Paris, Nouvelle librairie de France, 1993, tome II : Du xvie au xviiie siècle, p. 426 et tome III : Les xixe et xxe siècles, p. 87.
19 Il a été publié dans le premier numéro d’Études et Documents, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1989, p. 467-475.
20 À titre de comparaison, les employés (supérieurs, moyens et subalternes) des Affaires étrangères et de la Guerre sont respectivement de 81 et 637 en 1847, de 81 et 547 en 1852 et de 101 et 477 en 1865.
21 Ministère des Finances. Direction générale de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre, Tableau général des propriétés de l’État. Tome 1 : Biens affectés à des services publics, Paris, Imprimerie nationale, 1876.
22 L’Almanach impérial pour 1860 précise que « le cabinet de M. le directeur général est situé au premier étage de l’escalier C, corridor de l’aile gauche, N° 22, entrée par la rue du Mont-Thabor, N° 25 » (p. 288).
Auteur
Agrégé d’histoire, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lille 3 et membre de l’UMR 8529 IRHiS, il est l’auteur d’une thèse intitulée Argent public et argent privé sur les routes du Nord. Réseaux et flux financiers en Europe du nord-ouest de la Révolution à l’Empire. Ses recherches portent – entre autres – sur l’organisation et le fonctionnement des administrations financières au xixe siècle. Il a, entre autre, récemment publié « Enrichis, parvenus et déclassés par-delà la Révolution française », Vers un ordre bourgeois ? Révolution et changement social, Jean-Pierre Jessenne (éd.), Rennes, PUR, 2007, p. 147-160.
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