Le cadastre de Rome
p. 323-347
Texte intégral
I.
1Nous retracerons dans cette présentation les étapes qui, au cours des premières décennies du XIXe siècle, et dans le cadre d’une mesure générale concernant le cadastrage de la propriété foncière dans l’ensemble de l’État pontifical, ont conduit Rome à établir un cadastre des biens immobiliers urbains. Nous tenterons par ailleurs, dans une perspective d’analyse comparative à long terme, de dégager quelques exemples d’utilisation de sources documentaires diverses, témoignant du processus laborieux et compliqué qui a permis d’inclure les immeubles urbains dans les sources de revenus concourant à la répartition de la charge fiscale. Au-delà de l’intérêt particulier qu’elles représentent pour l’analyse de l’évolution de la fiscalité de l’État pontifical et de la structure de la propriété foncière, ces sources documentaires peuvent constituer un outil privilégié d’étude du tissu urbain et des processus de transformation et de développement des villes. Toutefois, il est parfois difficile de retrouver, de consulter et de déchiffrer ces sources, d’autant qu’elles offrent rarement, du fait de l’absence d’indications planimétriques ou de références topographiques précises, la possibilité de déterminer de façon fiable les corrélations qui s’imposent entre les éléments descriptifs et la localisation cartographique précise des lots immobiliers dans le cadre du tissu urbain.
2Il semble utile de s’interroger sur les raisons de l’exploitation encore insuffisante des possibilités offertes par les sources de nature cadastrale en milieu urbain1. L’une des causes de ce retard est certainement la difficulté pratique de manipuler ce type de sources, difficulté sensiblement atténuée de nos jours par le recours à l’outil informatique, bien que ce dernier ne puisse éluder les problèmes complexes de définition, de réalisation – que l’on songe un seul instant à la collecte systématique et à la vérification de dizaines, ou même de centaines et de milliers d’informations – et de gestion des projets de recherche. Un autre facteur de blocage tient à la forte méfiance qui s’exprime quant à la fiabilité de ces premières sources cadastrales et à la complexité des problèmes méthodologiques relatifs à leur utilisation optimale2. Il va de soi que toutes les sources doivent faire l’objet d’un examen critique scrupuleux, surtout en ce qui concerne leur processus d’élaboration. Cette exigence méthodologique vaut particulièrement pour toutes les sources fiscales et encore plus pour celles qui se fondent, uniquement ou principalement, sur les déclarations des assujettis3 – même reçues sous la foi du serment. Il faut au demeurant reconnaître qu’en matière de fiabilité des sources fiscales, le problème ne relève pas tant de l’évasion totale ou partielle que de l’insuffisance des règles fiscales. Il s’agit, dans le cas des dispositions relevant des finances extraordinaires, des premiers pas de l’Etat dans le domaine de l’imposition directe, à partir d’un système financier encore mal assuré qui doit pourtant appliquer des dispositions adoptées dans l’urgence pour faire face à des besoins pressants de trésorerie. Il s’agit de mettre en œuvre des dispositions exceptionnelles, parfois fortement innovantes et sans précédents administratifs, qui posent des problèmes d’application pratique et font naître des erreurs ou des interprétations contradictoires de la part des fonctionnaires publics et des contribuables. D’où les omissions, les lacunes et les incohérences que l’on peut constater dans les informations fournies par la documentation.
3On sait que la naissance officielle du cadastre géométrique parcellaire de la propriété foncière rurale et urbaine dans l’État pontifical est liée à la décision prise par Pie VII au lendemain de la seconde restauration pontificale4, de réorganiser les fondements mêmes de l’administration publique, de même qu’aux précédents importants du XVIIIe siècle, tels que le cadastre Boncompagni dans la province pontificale de Bologne et le cadastre Chiosi dans celle de Pérouse5, ce dernier, en particulier, se distinguant nettement par son extraordinaire modernité en matière de pratiques cadastrales innovantes dans l’État de l’Église et datant de la première moitié du XVIIIe siècle.
4La mesure de Pie VII instituant une procédure générale de cadastrage de l’État résulte d’un choix cohérent en matière de politique économique et de réforme de l’administration publique, tant au regard de la réforme du système fiscal adoptée par Pie VII au lendemain de la première restauration6, qu’au regard de l’important travail accompli en vue de l’instauration d’un cadastre dans de nombreuses provinces appartenant déjà à l’État pontifical au temps de l’occupation française. La nouvelle culture administrative et de gouvernement de la période napoléonienne, de même que la prise de conscience du caractère équitable (voire inéluctable) de l’impôt foncier, avaient contribué à faire admettre, même dans les provinces périphériques, la nécessité de disposer de moyens modernes de répartition de la charge fiscale7. Enfin, il convient de ne pas sous-estimer le rôle joué dans la diffusion des innovations par la transmission des connaissances et des expériences qui, autour de la représentation cartographique, de la description et de la classification des biens fonciers, se forment à partir des premières pratiques cadastrales significatives de la Savoie et du Milanais8. Le cadastre géométrique parcellaire, qui allait apporter une contribution fondamentale à la péréquation en matière d’impôt, résulte d’une convergence heureuse entre des cultures diverses et le développement des idées et des connaissances, tant dans les domaines juridique et économique que dans celui de l’architecture et des instruments et techniques de représentation cartographique.
II.
5À Rome, la première mesure générale d’imposition du foncier urbain avait été décrétée par Clément XI en juillet 1708, sous la forme d’un prélèvement extraordinaire9. L’imposition touchant Rome et la campagne romaine faisait partie d’une série de mesures fiscales adoptées par le souverain pontife, toujours en 170810, pour faire face aux exigences du trésor public essentiellement liées aux dépenses militaires occasionnées par les événements politiques tumultueux de l’époque11.
6Les caractéristiques propres à l’imposition de 1708 présentent un intérêt tout particulier pour l’étude de la richesse et des revenus, des rapports entre groupements professionnels et entre classes sociales, des formes et de la structure de la ville, ainsi que de leurs relations et de leur complémentarité avec le monde extérieur12. Elles fournissent une occasion privilégiée, oserais-je dire, en dépit de l’existence de nombre de problèmes et d’embûches, qui ne doivent pas être passés sous silence et encore moins cachés mais au contraire être mis en évidence.
7Les différentes impositions extraordinaires portant sur la propriété immobilière urbaine qui se sont succédé au XVIIIe siècle, à partir de celle de 1708, constituent une source importante, surtout si celle-ci est valorisée et complétée par d’autres documents de la même époque, tant pour en vérifier le degré de fiabilité que pour en renforcer l’appareil documentaire. Il s’agit d’une perspective de travail complexe et absorbante, non dénuée de tentations de rapprochements et de corrélations, même partiels, avec la cartographie de la même époque et d’autres sources d’illustration de la structure urbaine, quel que soit le moyen employé. On se réfère volontiers à cet égard à la Nuova Planta di Roma de G. B. Nolli et à l’Indice qui lui est annexé13, de même qu’à l’ouvrage collectif de la même époque qu’est la Descrizione del nuovo Ripartimento de ’Rioni di Roma fatto per ordine di N.S. Papa Benedetto XIV. Con la notizia di quanto in essi si contiene, du comte Bemardino Bernardini14, qui comporte encore davantage de détails sur la toponymie et les besoins urbains en la matière15. Ces sources pourraient donc être utilement complétées par une sorte de cadastre des propriétés possédant une façade sur rue, établi en 1732 par le bureau de la Voirie (Presidenza delle Strade), en vue d’obtenir une répartition plus équilibrée des frais d’entretien et de réparation16. Il pourrait également être intéressant de les rapprocher d’autres sources de la même époque telles que le status animarum, ou de sources ultérieures telles que le Catasto della nomenclatura e delle strade di Roma e numerazione delle porte17, qui mentionne, quartier par quartier et rue par rue, le numéro des habitations et le nom de leur propriétaire. Ce travail n’a pu déboucher, comme nous le verrons plus loin, que sur la comparaison et l’intégration, chaque fois que cela était possible, des informations fournies par les cartes et des annotations figurant dans le cadastre urbain connu sous le nom de « Pie-grégorien ».
8L’imposition de 1708 comporte deux mesures réglementaires distinctes : un édit du 10 juillet, qui annonce une imposition extraordinaire « à laquelle devront concourir tant la ville de Rome que toutes les autres villes et localités de l’Etat de l’Église » mais ne précise en aucune manière ni les revenus imposés, ni les taux et les modalités de cette imposition. « Afin de faciliter la contribution », l’édit précité, intitulé Per l’assegna dell’entrate, donne davantage de détails concernant Rome et sa circonscription et dispose que « tous les particuliers, qu’ils soient romains ou résidents de Rome, y compris les étrangers, qui possèdent des biens dans la ville ou la campagne romaine » doivent dans un délai impératif de 20 jours « remettre à l’un des quatre secrétaires de la Chambre une déclaration sous serment revêtue de leur signature ou d’une croix pour les personnes ne sachant pas écrire, […] indiquant l’ensemble de leurs revenus ». Il était précisé immédiatement après que les Romains ou résidents de Rome devaient déclarer « les revenus dont ils jouissaient à Rome, dans la campagne romaine ou dans tout autre lieu de l’État pontifical », alors que les étrangers non résidents de Rome n’étaient tenus de déclarer que « ceux de leurs revenus dont ils jouissaient à Rome et dans la campagne romaine ». La mention générale de « toutes les recettes » est suivie d’une liste de biens18 qui, au-delà de son caractère péremptoire, semble répondre à un besoin d’exemplarité et d’explication et souligner les éléments d’universalité des contributions, celles-ci devant s’appliquer aux terrains, même incultes, aux maisons, aux cens, aux changes, aux loyers, aux baux emphytéotiques et plus généralement aux revenus de tous contrats et pensions, à la seule exception, importante, des rentes sur emprunts publics. Largement et habilement pratiquée par la Chambre apostolique, l’émission de nouveaux emprunts publics constituait en effet un recours traditionnel ou une possibilité de compléter le budget pour faire face à des dépenses extraordinaires.
9Il est important de noter que, par son caractère général, la contribution de 1708 se distingue des autres prélèvements fiscaux ordinaires, qui s’accompagnaient jusque-là d’exonérations et de privilèges nombreux19.
10Les inquiétudes, les interrogations, les appréhensions et plus généralement, il faut le dire, la confusion que l’édit précité a fait naître ont été si grandes, comme on peut aisément l’imaginer, que le délai de 20 jours imparti pour effectuer les déclarations s’est écoulé sans produire l’effet escompté. Aussi, un deuxième édit20 du camerlingue en date du 8 août a-t-il été adopté pour réglementer la question de façon plus détaillée, en fixant les taux d’imposition applicables aux différentes catégories de revenus. Ce nouvel édit a lui-même été suivi, d’août à septembre 170821, de plusieurs autres à caractère normatif, en vue de préciser et rendre applicables les dispositions antérieures, ou prorogeant le délai imparti pour effectuer la déclaration.
11Les contributions décidées par l’édit du 8 août étaient assorties de taux différenciés en fonction des sources de revenus : s’agissant des biens immobiliers urbains, un taux fixé à 5 %, pour les revenus estimés des maisons « habitées par leur propriétaire », après déduction des redevances éventuelles, et un taux de 7 %, pour les « loyers des maisons habituellement données en location », ici encore après déduction des redevances éventuelles22. De plus, la règle imposait aux personnes bénéficiaires des revenus tirés des différents biens détenus de « déclarer ces derniers un par un et séparément, en indiquant les montants annuels des loyers générés par chacun d’eux, en mentionnant les actes ou les contrats relatifs aux locations en cours et en déclarant, pour les personnes ayant déménagé, le loyer correspondant à la précédente location ». Aucune sorte de déduction des revenus effectifs ou présumés n’était prévue, à l’exception de certaines redevances grevant l’immeuble, dont il fallait également indiquer le bénéficiaire. Aucune déduction n’était autorisée au motif que l’immeuble concerné n’était pas loué au moment de l’imposition et n’était donc pas productif, ou qu’il entraînait des frais d’entretien ou de réparation, dans la mesure où il avait été tenu compte en amont, lors de la détermination du taux applicable, soit des frais afférents aux revenus, soit de l’éventualité de l’absence de revenus de l’immeuble. Seuls étaient exonérés de l’impôt les immeubles affectés directement aux lieux pieux, aux communautés religieuses et aux curés.
12En ce qui concerne les maisons habitées par leur propriétaire, la détermination du revenu servant de base à l’impôt était effectuée sur la base d’une évaluation confiée à des architectes nommés par la Chambre.
13À partir des déclarations conservées par l’Archivio di Stato di Roma (ASR) et enregistrées par les fonctionnaires de la Chambre selon le nom de baptême des déclarants ou les initiales de l’organisme concerné23, il a donc été possible de reconstituer une longue série d’informations spécifiques liées à la propriété immobilière, à savoir les nom et prénom du propriétaire du bien et de son représentant éventuel, souvent son titre et son lieu de résidence, plus rarement son état civil, les noms et prénoms de ses père et mère et sa profession, et toujours sa judéité24. La nature des immeubles non habités par leur propriétaire est indiquée de façon sommaire (hôtel particulier, résidence, maison, appartement, chambre, auberge, ateliers avec logement, etc.), et parfois la composition de l’unité immobilière (nombre de pièces et annexes éventuelles) et sa situation dans l’immeuble concerné ; l’emplacement de l’immeuble lui-même est toujours indiqué (souvent, en l’absence de numérotation des rues et parfois même de nom de rues ou de ruelles, par référence à son environnement et en spécifiant, dans chaque cas, les toponymes connus au niveau du quartier), de même que le montant du loyer, le taux d’imposition applicable en cas d’indivision, les redevances grevant éventuellement les revenus précités et l’identité de leurs bénéficiaires ; les noms et prénoms des locataires sont presque toujours mentionnés et parfois assortis de l’indication de leur profession et des principaux éléments du contrat de location, s’il a été conclu par devant notaire (nom du notaire et date de l’acte). Souvent plus synthétique, la description des immeubles habités par les propriétaires se limite aux indications concernant l’emplacement, la définition générale du type d’habitation, le revenu brut estimé, les redevances éventuelles grevant ce dernier et leurs bénéficiaires, et enfin, le revenu net imposable.
14Bien que très riches dans l’ensemble, les données pèchent à l’évidence tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. En 1708, Rome n’était peut-être plus le « grand théâtre du monde », mais elle demeurait l’une des principales capitales européennes, avec une population d’environ 134560 âmes25 et un effectif non négligeable de 8100 assujettis à l’impôt26. La richesse de la documentation, d’une part, et l’étendue de l’objet de l’étude, d’autre part, rendent particulièrement complexe, malgré l’aide apportée par tous les supports informatiques disponibles, la question, ardue en soi, de la collecte, de la vérification, de l’évaluation et de l’analyse des informations. Toutefois, les problèmes qualitatifs inhérents à ce type particulier de sources sont peut-être encore plus insidieux et insurmontables. Le problème de l’évasion fiscale, totale ou partielle, en matière d’impôt se pose évidemment pour toutes les sources d’origine fiscale, mais il est accentué en l’espèce par l’absence totale de vérification27 des déclarations des assujettis par les administrations financières, au demeurant peu nombreuses et démunies des moyens et des compétences nécessaires, eu égard au caractère récent de ce type d’imposition introduit en 1708. Mais en ce qui concerne la qualité des sources un problème encore plus important peut-être vient du fait que les déclarations, même souscrites en application des critères fixés par les édits, restent des actes autonomes, individuels, émanant de milliers de contribuables. Ceux-ci, lorsqu’ils ne sont pas soumis au respect de paramètres objectifs précis – comme, par exemple, l’expression des revenus en écus – établissent leur propre déclaration sous serment dans des formes rien moins qu’officielles et donc n’ayant qu’un lointain rapport avec des paramètres comparables et ce, en dépit de la médiation efficace et réelle des greffiers de la Chambre, auxquels était expressément réservée la charge de collecter gratuitement les déclarations. Cela se vérifie, en particulier, pour tous les aspects descriptifs et non essentiels et donc, par exemple, pour les informations concernant les caractéristiques des logements et leur emplacement. Une autre difficulté d’analyse est apparue ultérieurement avec la pratique de la sous-location, fréquente dans certaines catégories de la population, qui favorise, en ce qui concerne l’unité d’habitation, l’apparition accidentelle de doublons difficiles à éliminer, la taxe s’appliquant non seulement aux propriétaires, mais à tous les bénéficiaires de revenus.
15Les données fournies par l’imposition de 1708 peuvent ainsi être rapprochées de celles tirées d’autres prélèvements extraordinaires décrétés par la ville de Rome au XVIIIe siècle, toujours dans des circonstances spéciales et urgentes28, en 174329 et en 176430, qui prévoyaient les mêmes taux d’imposition pour les propriétés foncières urbaines, mais innovaient de façon intéressante en introduisant une possibilité de « déduction proportionnelle lorsque l’appartement cesse d’être loué ».
16La reprise de la réflexion approfondie sur le bien-fondé de l’introduction d’un impôt général sur les propriétés foncières et d’un cadastre géométrique parcellaire, qui s’était manifestée également dans l’État pontifical, en particulier après la crise des années 1760, à l’époque où Angelo Braschi était trésorier et de la première phase de son pontificat sous le nom de Pie VI, ne devait déboucher sur aucun résultat concret31.
17C’est ainsi encore qu’en 1793, sous la pression des événements, furent adoptées des mesures fiscales extraordinaires32 frappant lourdement la propriété immobilière et mobilière de Rome et de la campagne romaine puis, dans un deuxième temps, en 1797, au titre de différents impôts, les autres provinces de l’État pontifical, avec de nouveaux types d’impôts33 s’appliquant, en particulier, aux biens de l’Église, en vertu d’une disposition spécifique et tout à fait exceptionnelle34. Il n’est probablement pas erroné de voir dans ces mesures plus qu’une demande pressante de contributions extraordinaires au nom de la lutte pour la survie des fondements mêmes de l’État, dans la lignée des autres prélèvements extraordinaires effectués en période de crise depuis 1708. En effet, si les dispositions de 1793 étaient, en gros, explicitement calquées sur les précédentes impositions emblématiques des finances extraordinaires du XVIIIe siècle, même assorties d’innovations non négligeables du point de vue de l’incidence du prélèvement et de la nature des impôts35, elles présentaient toutefois cette nouveauté importante d’être cette fois expressément décidées pour une durée pluriannuelle, allant de deux à douze ans selon le type d’impôt. L’on était donc en présence d’une situation qui modifiait la nature même de l’imposition, dans la mesure où l’on passait des prélèvements destinés à faire face à des circonstances d’urgence telles que celles du XVIIIe siècle, à un impôt dont le caractère ordinaire s’affirmait dans la pratique.
18Le XVIIIe siècle s’est achevé par la période brève et agitée de la République romaine, durant laquelle, du fait des besoins urgents de financement hérités du gouvernement pontifical36 et aggravés par l’état de guerre, la tentation s’est fait jour, encore que de façon confuse et principalement par le biais des prélèvements extraordinaires, d’imposer une nouvelle politique fiscale orientée vers des critères de proportionnalité et même de progressivité dans la répartition de la charge fiscale37. Une telle orientation ne pouvait évidemment pas ne pas rencontrer des limites et se heurter à des résistances objectives, si bien que l’impulsion volontariste du ministre des Finances Breislak, tendant à l’institution de « rôles cadastraux »38, devait se révéler totalement inefficace. La réalité est qu’au-delà des résistances naturelles au changement, une politique fiscale sérieuse ne pouvait en aucun cas s’improviser, mais devait s’appuyer sur des appareils, des compétences professionnelles et surtout des outils appropriés, et qu’il était impossible, en matière fiscale, de s’en remettre au seul ressort du patriotisme.
III.
19Une nouvelle et intéressante période de réformisme pontifical, non seulement sous l’angle de la politique fiscale, s’est déroulée de 1800 à 1802, au cours de la phase initiale de la première restauration pontificale, grâce à une conjoncture internationale favorable et à l’heureuse rencontre des personnalités de Pie VII et de Consalvi. Cette situation toute particulière a permis de faire aboutir une série de dispositions, longuement mûries au cours des précédentes décennies et qui allaient être au cœur du débat économique pendant les cinquante ans au moins qui suivirent39. Les oppositions, les résistances, et même les tentatives tendant à vider de leur substance les dispositions précitées, atteignirent en partie leur but, mais le contexte politique était tel que la traditionnelle coalition d’intérêts de la grande aristocratie laïque et ecclésiastique n’était pas suffisamment puissante pour faire obstacle à la volonté réformatrice du pontife et de son secrétaire d’État.
20Le motu proprio « Sut nuovo regolamento del sistema daziale » a été signé par Pie VII le 19 mars 180140. L’acte en question, de nature complexe et contraignante, se présente explicitement comme un « nouveau projet d’Impôts généraux » ; il s’agit là d’un acte politique et économique majeur, d’une mesure qui, tout en aboutissant à l’adoption et à la pérennisation de certaines formes de prélèvement associées aux finances extraordinaires, était en nette rupture avec les pratiques et surtout les demi-mesures qui avaient caractérisé les finances publiques et aggravé le poids et l’inefficacité de la fiscalité pontificale au XVIIIe siècle. Il apparaît comme un ensemble réfléchi et structuré de mesures qui prévoient, d’une part, l’assainissement des finances locales et la reprise du service de la dette publique et, d’autre part, une nouvelle organisation de la fiscalité capable de garantir l’équité, la généralité et la simplicité de l’impôt. Indéniablement conçue pour mettre davantage à contribution les possédants, la réforme de la fiscalité pontificale est présentée comme une nécessité pour rétablir le fonctionnement de l’État et assurer à cette même classe de possédants, non seulement le retour à l’ordre dans la société civile, mais aussi une possibilité de rattrapage économique par la reprise du versement d’intérêts aux bénéficiaires de rentes sur l’État ; en outre, les dispositions relatives à l’annone41* et celles concernant les finances communales tendaient à alléger le fardeau fiscal des notables locaux42.
21L’une des innovations les plus significatives et les plus caractéristiques du motu proprio tient à l’affirmation du principe de la généralité de l’impôt et à son corollaire, la fin des exonérations et de toute forme de particularisme fiscal. L’idée force est que la contribution au Trésor public s’impose à tous les sujets et frappe tant la consommation, par le biais d’une sorte de taille personnelle constituée par les droits sur la farine et le sel43, que les propriétés, par le biais de la taille dite réelle (dativa realé), principalement constituée par le terrage (terratico).
22L’institution de la taille réelle était l’innovation la plus marquante de cette réforme du système fiscal, étant donné que tous « les fonds générant un revenu certain et déterminé constituent la force réelle de l’État ». Allaient être soumis à cet impôt de façon proportionnelle « sans aucune distinction, tous les possédants de biens productifs situés sur nos domaines »44, étant précisé que l’on entendait avant tout par « biens » les fonds ruraux et les fonds urbains45, respectivement imposés au taux de 0,6 %46 et de 0,2 % de la valeur cadastrale des biens et, en second lieu, les créances productives, dont les revenus étaient imposés au taux de 5 %. Pour ce qui est de Rome et en l’absence de véritables instruments cadastraux, l’on parvint à rédiger un Catasto delle Case47 fondé sur les déclarations des propriétaires et attribuant aux unités immobilières une estimation établie à partir des valeurs locatives, elles-mêmes calculées sur la base des loyers perçus ou correspondant à la situation du marché, sur une base de 100 écus pour 8 écus de rente48.
23Le terme « taille » allait finir, y compris dans le cadre de la législation pontificale qui devait suivre immédiatement le motu proprio, par se ramener au seul terrage, c’est-à-dire à l’impôt sur les fonds ruraux, le produit des autres impôts directs sur les revenus des propriétés urbaines et des titres ayant fortement souffert de l’évasion fiscale.
24La mise en œuvre de la réforme d’ensemble introduite par le motu proprio de 1801 a naturellement rencontré beaucoup d’obstacles. Il a en effet fallu, dans un premier temps, élaborer des règlements et définir leurs modalités d’application, alors même que la nouveauté du domaine et la résistance au changement de la part des contribuables, suscitaient un certain nombre de questions d’interprétation et de procédure quant à l’application de l’impôt. Il faut se rappeler, en second lieu, que la réalisation de la réforme fiscale était menée en même temps que l’assainissement monétaire, ce dernier posant des problèmes connexes de modification du régime des rapports créanciers/ débiteurs49. Près de trois ans après la promulgation de la mesure, les administrations financières elles-mêmes soulignaient opportunément les difficultés d’application rencontrées pour justifier la dérive des comptes publics : « il est certain – faisait observer le trésorier général – que le nouveau système de taxes portant sur des biens tangibles et ayant des fondements si différents de la fiscalité traditionnelle, les approches contradictoires des services, le renouvellement des personnels, la nouveauté des attributions et l’aversion innée à l’encontre de tout changement utile, ont naturellement fait obstacle à l’application rapide et sereine sans laquelle le projet le mieux agencé du monde ne saurait prospérer, en dépit de la solidité de sa conception et de la pureté de ses intentions »50.
25L’application des impôts sur la propriété urbaine, qui aurait dû être précédée de « l’élaboration d’un cadastre fiable, qui n’avait pas été possible en si peu de temps », a également rencontré des problèmes et des résistances51. Une situation anormale s’était même créée en ce qui concerne l’impôt sur les immeubles : les dispositions du motu proprio de mars 1801 avaient reçu application en ce qui concernait la ville de Rome, probablement en raison du fait que, dans la capitale, ce type d’imposition avait pris l’aspect d’un impôt ordinaire dès les années 1790, alors que le secrétariat du Bon Gouvernement n’avait mis en place aucune procédure pratique en vue de l’imposition dans les provinces52. Indépendamment des prévisions de rendement du nouvel impôt, cette circonstance venait toutefois contredire un des principes fondamentaux de la réforme de Pie VII, à savoir « l’égalité de tous les assujettis devant l’impôt, décidée dans sa sagesse par le motu proprio sur le système des droits fiscaux »53. Il existait en fait une différence importante entre le produit pourtant décevant de l’impôt à Rome54 et celui tiré des provinces, perçu de surcroît avec plusieurs années de retard55.
26Les besoins croissants du trésor public et le rendement décevant de certains impôts ont conduit le trésorier à envisager une augmentation importante des impôts indirects : « Un Gouvernement éclairé doit être conscient du fait que les impôts sur la consommation pèsent moins lourdement sur les richesses que ceux frappant le capital »56. On voyait ainsi se manifester à nouveau la conception selon laquelle l’augmentation de la quote-part des rentrées fiscales générées par les impôts directs était un fait absolument exceptionnel, dans la ligne des pratiques d’Ancien Régime où les impôts extraordinaires sur les revenus et le patrimoine étaient justifiés, vis-à-vis de la classe des possédants, par la nécessité d’assurer la survie même de l’État.
27Il ressort d’un mémoire français rédigé en juin 1809, en vue de faire le bilan de l’administration pontificale au moment de l’annexion des États romains à l’Empire, que le produit annuel de la taille réelle s’élevait à 445000 écus environ, une somme sensiblement inférieure au produit de la taxe sur la farine, le plus important des impôts indirects, qui rapportait à elle seule la somme de 500000 écus57.
IV.
28La reconstitution des vicissitudes des finances pontificales et du débat sur les politiques fiscales tout au long du XVIIIe siècle et jusqu’au début du XIXe, fait ressortir la complexité du parcours ayant conduit à l’adoption, dans le motu proprio de 1816 portant réforme de l’administration publique, du dispositif créant un cadastre rural et urbain selon des critères uniformes sur tout le territoire de l’État.
29Au cours des deuxième et troisième décennies du XIXe siècle, il existait encore des opposants au cadastre, hostiles à l’application de règles uniformes en matière d’impôt foncier, mais la nécessité de se doter de moyens modernes de répartir la charge fiscale était désormais perçue jusque dans les régions périphériques de l’État. Ici encore, la tâche ne fut pas facile et fut semée de nombreuses embûches. Comme en témoigne de façon pertinente le cardinal Consalvi, en soulignant la singularité de l’État pontifical en matière politique : « S’il est généralement très difficile d’abandonner les anciennes habitudes et d’accepter le changement et les innovations, cela s’avère encore plus vrai à Rome […]. À Rome plus qu’ailleurs s’oppose aux changements la qualité de ceux qui, en matière de compétences ou d’avantages, ont le plus à y perdre »58.
30La réduction de l’incidence des impôts directs dans le cadre de l’allégement de la pression fiscale, cheval de bataille des représentants les plus modérés de la Curie, a été reprise et imposée par Léon XII dans les premières années de son pontificat59. C’est probablement la raison pour laquelle, après le lancement fracassant des opérations de constitution du cadastre à l’époque de Pie VII et de Consalvi, toutes les phases de mise en œuvre ultérieures ont adopté à partir de 1825 un rythme beaucoup plus lent.
31La décision pontificale de 1816 a en outre confié la coordination des travaux de rédaction du cadastre à une Congrégation des cadastres composée de prélats choisis parmi les membres de la Chambre apostolique et présidée par Mgr Cesare Guerrieri Gonzaga, également chargé à l’époque de la trésorerie générale de l’Etat pontifical. La mise en place des structures technico-administratives et des règlements d’application inhérents aux opérations complexes de cadastrage se sont largement inspirées de l’expérience française – de loin la plus avancée à l’époque – dans le souci de s’appuyer sur les travaux importants entrepris dans les provinces déjà intégrées à l’État pontifical au moment de leur inclusion dans le royaume d’Italie60. Dans le cadre d’une telle organisation, il aurait été cohérent de généraliser l’adoption du système métrique décimal61.
32La structure technico-administrative était coiffée par la direction générale des Cadastres, dont le siège était situé près la Présidence du cens, organisme qui couvrait à l’origine la Congrégation des cadastres précédemment citée. La direction des Cadastres supervisait, au niveau périphérique de chaque province, les Chancelleries du cens, instituées en 1817 et chargées des tâches d’application, de contrôle et de conservation des documents. La Capitale jouissait d’un statut particulier, la Chancellerie du cens de Rome, compétente également pour la campagne romaine, étant autonome par rapport à la Direction générale des cadastres62.
33La Congrégation des cadastres a été mise en place le 3 janvier 181763 et une de ses premières mesures a été de préparer le règlement qui devait être publié le 22 février 181764. La démarche suivante a été de confier à des experts milanais, par contrat conclu le 4 mars de la même année, le soin de poursuivre les opérations de cadastrage, à l’exception de celles concernant des territoires de Rome et de la campagne romaine. Le 5 septembre 1817, a été conclu un contrat confiant le cadastrage de la campagne romaine à 4 ingénieurs romains, dans le but de calmer la mauvaise humeur manifestée par ces derniers du fait de l’attribution du précédent contrat à des étrangers. Enfin, à un peu plus d’un an de distance, le 24 novembre 1818, a été conclu un contrat avec deux architectes romains, Gaspare Salvi et Giacomo Palazzi, membres de l’Académie de Saint-Luc, en vue du cadastrage des fonds urbains et ruraux compris dans le territoire de Rome intra muros65. Le léger retard dans le lancement des opérations cadastrales à Rome est vraisemblablement dû tant à l’existence d’outils censitaires plus ou moins fiables, affinés au fil des nombreuses impositions extraordinaires, de la réforme fiscale de 1801 et de la numérotation de toutes les façades sur rue en 1803-1804, qu’à la réflexion engagée sur le point de savoir s’il valait mieux procéder à un nouveau mesurage du territoire ou profiter, par souci d’économie, du plan publié en 1748 par G.B. Nolli. Le contrat a retenu cette dernière solution, en imposant toutefois à Salvi et Palazzi (afin que « nul objet ne puisse être omis »66) de reproduire le plan de Nolli à l’échelle 1/1000 prévue pour les centres urbains les plus importants, de procéder à toutes mises à jour et tous ajouts nécessaires et de délimiter et énumérer progressivement toutes les parcelles cadastrales. Les architectes romains auraient donc dû se conformer à toutes les règles prescrites pour la représentation des différentes affectations du sol. L’innovation la plus importante par rapport au plan de Nolli, qui, à plus grande échelle allait jusqu’à la représentation des bâtiments – à l’exception des églises et des édifices publics – uniquement au niveau des îlots, était la délimitation sur la carte des parcelles, accompagnées de leur description détaillée et de leur division éventuelle en lots dans un registre à colonnes dénommé brogliardo (brouillard). Le contrat prévoyait un délai de six mois pour son exécution et une contrepartie financière globale de 9500 écus, l’ensemble des frais de réalisation, y compris les salaires des collaborateurs et les frais d’équipement et de matériel demeurant à la charge de Salvi et Palazzi. Les administrations financières ne mettaient à la disposition de ces derniers qu’un « garde par carte, afin de préserver les architectes cartographes de l’affluence des personnes et des embarras »67.
34Les architectes ont établi 14 cartes de la ville en tout, soit une pour chaque quartier, chacune étant divisée en feuillets (d’environ 64 x 89 cm) dont le nombre variait en fonction de la taille du territoire à représenter68. Elles étaient tracées à l’encre de Chine et peintes à l’aquarelle. Chaque carte était ensuite accompagnée d’un brouillard.
35Deux séries de ces brouillards ont été conservées. Probablement rédigée pour la plupart des quartiers de 1818 à 1820, la série d’origine contient, pour chaque parcelle figurant sur la carte, l’emplacement et le numéro des maisons, ainsi que la nature et l’affectation du ou des fonds et les informations concernant le propriétaire, la superficie et le nombre d’étages de la construction. La seconde série, complétée au cours de l’année 1823, tient compte des mises à jour et des modifications, et s’enrichit de la mention des loyers « effectifs » ou « pouvant être exigés » et de la valeur estimée de l’unité immobilière. L’établissement de la seconde série de brouillards a été précédé par la compilation des registres des « estimations par îlots »69, dans lesquels les releveurs reportaient les informations nécessaires aux estimations, en décrivant les unités immobilières et leur affectation d’une manière souvent beaucoup plus détaillée que les brouillards.
36Le cadastre a été approuvé par le secrétariat d’État le 4 octobre 1823 et est entré en vigueur en janvier 1824. Les opérations cadastrales concernant Rome intra muros ont pris beaucoup plus de temps que les six mois impartis par le contrat conclu entre la Chambre apostolique et les architectes romains, ce contrat ne couvrant d’ailleurs pas les opérations d’estimation, mais se limitant aux tâches de description. Le retard était également dû au fait qu’au cours des travaux de rédaction du cadastre urbain, de nouvelles dispositions avaient été prises, telles que celles, très importante, du motu proprio de Pie VII du 10 décembre 1818 « Sulla conservazione e rinnovazione delle strade di Roma » et des « Istruzioni ai periti stimatori delle fabbriche di Roma » adoptées pour son application par la Congrégation des cadastres le 22 février 181970. De plus, la Congrégation allait, au cours des opérations, lever plusieurs doutes quant à l’interprétation des règles applicables et résoudre également différents problèmes d’accès des architectes et de leurs collaborateurs à certains édifices ecclésiastiques – en particulier les clôtures monastiques – et sièges de représentations diplomatiques, problèmes qui faisaient obstacle à la représentation et à la description complètes de l’existant.
37Il est intéressant de noter que la Congrégation avait entrepris, en plein déroulement des opérations de cadastrage, d’édicter des « Instructions » réglementant la communication aux services du cadastre, des mutations de titres de propriété71 sur la base des dispositions datant de la domination française qui étaient toujours en vigueur.
38Il est impossible, dans le cadre de la présente étude, d’étudier plus en détail les séries documentaires ultérieures – « catastini e trasporti »– qui ont été créées par l’administration du Cadastre pour permettre la mise à jour progressive. La nécessité même de reconstituer un cadastre urbain totalement fiable dans le nouveau contexte géopolitique d’un État pontifical désormais réduit au territoire du Latium allait conduire l’administration cadastrale à effectuer la mise à jour des cadastres urbains et à rédiger une nouvelle série de brouillards (« mises à jour ») et de nouvelles cartes. Ces actions ne devaient aboutir qu’avec l’unification de Rome et du royaume d’Italie et ont par conséquent été reprises et menées à leur terme par la nouvelle administration italienne du cadastre, sur la base de la loi du royaume relative au cadastre des immeubles du 11 août 1870 et de son règlement d’application du 5 juin 1871, étendu à Rome par le décret royal n° 260 du 16 juin 187172.
V.
39Le cadastre urbain de Rome ressortant des cartes, de la seconde série des brouillards comportant les estimations et de la nouvelle série des « mises à jour » élaborées au lendemain du rattachement de Rome au royaume d’Italie, a permis, à tous les niveaux, un développement extraordinaire de la recherche concernant la ville et sa population pendant les années du XIXe siècle dominées par l’État pontifical. Il a en outre fourni un élément de référence fondamental pour les comparaisons dans le temps, tant en ce qui concerne l’époque précitée, grâce à l’utilisation des différentes sources du XVIIIe siècle auxquelles nous avons précédemment fait allusion et pour lesquelles le cadastre Pie-grégorien se révèle souvent précieux – notamment pour éliminer les interprétations douteuses et pallier les lacunes de la documentation elle-même – que pour l’étude des transformations de la Rome contemporaine, à la fois ville et capitale, de la fin du XIXe siècle à nos jours.
40Je souhaite en outre souligner dans le cadre de la présente étude que la connaissance de la ville et de ses transformations, dont le cadastre, par son articulation complexe et dynamique, est un outil privilégié, est la condition sine qua non de la bonne administration de la ville contemporaine. C’est donc dans l’optique d’un projet d’étude prospective marqué de la conviction de la fonction sociale de l’histoire urbaine que nous avons lancé, il y a quelques années, dans le cadre du Projet Atlante pour la Rome moderne et contemporaine mis en place par le Centre di ateneo per lo studio di Roma (CROMA, Centre universitaire pour l’étude de Rome) de l’Université Rome III et grâce à la collaboration de l’Archivio storico capitolino et de l’Archivio di Stato di Roma73, tant l’informatisation des cartes du cadastre grégorien des premières années de la décennie 1820, que la saisie systématique, par le biais d’une base de données en réseau, de la deuxième série des brouillards, afin d’étendre les données informatisées aux mises à jour et aux autres séries cadastrales74, de même qu’à des sources extra-cadastrales, en particulier au status animarum, aux permis de construire, aux sources statistiques et policières, et aux sources iconographiques. Dans le cadre de ce projet, l’informatisation de la cartographie, coordonnée par Keti Lelo75, recourt à des pratiques particulièrement innovantes, puisqu’elle ne se limite pas à la numérisation et au référencement géographique des cartes, mais qu’elle permet la vectorisation complète des plans cadastraux de Rome intra muros (voir plan de Rome dans le cahier couleur). L’échelle au 1/1000 des cartes cadastrales permet une analyse approfondie de la structure de la ville et du tissu urbain bien meilleure que celle qu’autorisait le plan de Nolli, en dépit de l’exactitude et même de la plus grande précision de ce dernier par rapport aux plans les plus détaillés du cadastre Pie-grégorien76. La vectorisation a permis de réaliser un plan à la fois entièrement nouveau et fidèle de l’ensemble de la ville, qui constitue désormais la base du système d’information géographique relatif à la Rome des débuts du XIXe siècle. Ce plan pourra en effet permettre d’associer aux surfaces de la carte les données cadastrales et les autres données pouvant être définies dans l’espace.
41Au cours de ces dernières années, la technologie informatique a permis de faire progresser la gestion de la cartographie, en particulier en facilitant le rapprochement entre celle-ci et les images, les sources documentaires et les banques de données. De nouvelles et intéressantes perspectives de recherche s’ouvrent dans ce domaine pour les historiens, qui pourront être enrichies par la possibilité de rapprocher et d’étudier simultanément des sources d’origine et de nature diverses. Il s’agit donc d’instruments et de méthodes qui nécessitent une expérimentation et un perfectionnement permanents, rendant plus urgente, d’une certaine manière, la nécessité d’une critique attentive des sources et requérant l’énonciation préalable de la problématique que le chercheur se propose d’étudier.
42Dans le cas du cadastre Pie-grégorien, par exemple, la saisie informatique de la deuxième série des brouillards a suscité de nombreuses difficultés, du fait de l’abondance d’informations dont on a cherché à conserver l’intégralité, de la fréquence des cas de pluralité de propriétaires pour une même parcelle et surtout de la non-concordance entre le nombre des fonds et celui des parcelles, le premier étant supérieur au second d’environ 50 % ; de sorte qu’une même parcelle, élément de rapprochement obligé de la cartographie vectorisée, peut faire référence à plusieurs fonds appartenant eux-mêmes à plusieurs propriétaires ou à plusieurs personnes dans l’indivision. À l’heure actuelle, la saisie des données concernant les 14 quartiers de Rome est terminée et les travaux de vérification et de collationnement en cours se révèlent d’une grande complexité, même si le rapprochement entre les sources descriptives et les bases cartographiques est très utile à cette fin. Le tableau 1 ci-après indique le nombre de parcelles et la superficie des quartiers de la ville, le rapport entre le nombre des parcelles étant mis en évidence par le graphique 1, qui joue en quelque sorte le rôle d’indicateur de la densité de construction dans ces différents quartiers. Il ressort du graphique 1 que la ville intra muros contient de vastes espaces verts, puisque, sur un total de 15 658 fonds, on compte 302 unités foncières à usage de jardins et au moins 858 parcelles cultivées, composées essentiellement de vignes et de potagers.
43Une fois achevées les opérations de vérification de la banque de données des brouillards, il sera possible d’adopter une procédure fonctionnelle de croisement des informations cadastrales et des cartes vectorisées, en testant éventuellement les possibilités de consultation sur Internet, grâce aux nouvelles interfaces de réseau qui s’ouvrent aux GIS (Geographic Information System).
44Quelle que soit la diversité des sources, des périodes historiques et des dimensions et structures urbaines, le cadastre représente donc un domaine particulièrement propice au débat et je remercie par conséquent les autorités scientifiques qui ont organisé cette conférence d’avoir permis une discussion particulièrement utile sous l’angle de la méthodologie et des parcours de recherche.
Tableau 1
Rome, cadastre Pie-grégorien, 1824. Nombre des parcelles et superficie des 14 quartiers de la ville
Quartier | Nombre de parcelles | Superficie totale |
Borgo | 577 | 803,46 |
Campitelli | 542 | 1482,58 |
Campo Marzio | 1369 | 1792,57 |
Colonna | 562 | 530,23 |
Monti | 1870 | 5366,98 |
Parione | 517 | 156,67 |
Pigna | 263 | 137,78 |
Ponte | 813 | 193,46 |
Regola | 593 | 1053,42 |
Ripa | 568 | 1887,88 |
S. Angelo | 385 | 70,00 |
S. Eustachio | 325 | 191,16 |
Trastevere | 1473 | 1458,34 |
Trevi | 651 | 680,46 |
Total | 10508 | 15804,98 |
Notes de bas de page
1 Pour les comparaisons entre diverses pratiques, parmi les rares exceptions, voir : C. Carozzi et L. Gambi (dir.), Città e propriétà immobiliare in Italia negli ultimi due secoli, Milan, Angeli, 1981 et la section monographique consacrée à la « Proprietà immobiliare urbana fra Settecento e Ottocento : Torino, Genova, Lione », Storia Urbana, XIX, 1995, 2.
2 Se reporter à l’intéressante polémique lancée à propos des cadastres par Marino Berengo, « A proposito di proprietà fondiaria », Rivista storica italiana, LXXXII, 1970, 1, p. 121-147 ainsi qu’à la réponse de Giorgio Porisini, « A proposito di distribuzione catastale della proprietà terriera », ibid., 2, p. 374-383.
3 Voir R. Zangheri, Catasti e storia della proprietà terriera, Turin, Einaudi, 1980.
4 Voir le motu proprio du 6 juillet 1816, « Reformatio publicœ administrationis et tribunalium ditionis pontificiæ », en particulier à l’article 191. Une reconstitution utile de tous les événements institutionnels dans l’inventaire dressé par V. Vita Spagnuolo, I Catasti generali dello Stato Pontificio. La Cancelleria del Censo di Roma poi Agenzia delle Imposte (1824-1830), Rome, Archivio di Stato di Roma, 1996. Voir également A. Ruggeri, L. Londei, « Il catasto urbano di Roma (1818-1824) », Eventi e documenti diacronici delle principali attività geotopografiche in Roma, A. Cantile (dir.), Florence, Istituto Geografico Militare, 2000 (supplément de l’Universo, 2000, 6), p. 102-137 ; V. Vita Spagnuolo, « Nuovi modelli organizzativi fra ancien régime, periode napoleonico e Restaurazione : l’introduzione dei titolari d’archivio e la realizzazione del catasto gregoriano, Roma fra la restaurazione e l’elezione di Pio IX. Amministrazione, economia, società e cultura », Roma fra la restaurazione e l’elezione di Pio IX, L. Bonella, A. Pompeo, M.I. Venzo (dir.), Rome, Fribourg, Vienne, 1997, p. 1-18.
5 R. Chiachella, Richezza, nobiltà epotere in una provincia pontificia. La « Misura generale del territorio Perugino » del 1727, Naples, ESI, 1996 ; Id., « I Catasti dell’età modema a Perugia », « In primis una Petia terre ». La documentazione catastale nei territori dello Stato pontificio, Actes du séminaire (Pérouse 30 septembre-2 octobre 1993), Archivi per la Storia, VIII, 1995, 1-2, p. 193-215 ; C. Saltemi, D. Turra, « Il catasto Boncompagni e la documentazione catastale bolognese tra XVIII e XIX secolo », ibid., p. 257-266 ; D. Sinisi, « Catasti settecenteschi prima del catasto piano : catasti locali geometrico-parcellari e indirizzi politici dell’amministrazione centrale in materia catastale », ibid., p. 177-191.
6 Le motu proprio « Sul nuovo regolamento del sistema daziale » a été signé par Pie VII le 19 mars 1801, Archivio di Stato di Roma (ASR), Bandi, b. 143, et il aurait été mis en œuvre par l’édit du trésorier général, Mgr Lorenzo Litta, du 20 avril 1801.
7 En transmettant, le 28 octobre 1815, ses propres « Riflessioni sul sistema amministrativo », en réponse au questionnaire adressé par le secrétariat d’État, la Congrégation du gouvernement d’Ancône a pu observer : « La constitution de nouveaux cadastres a été entreprise par le Gouvernement… Il serait tellement plus facile de poursuivre les travaux entrepris » (ASR, Camerale II, Camerlengato e Tesorierato, b. 20).
8 Voir V. Mazzucchelli, Catasto e volto urbano : Milano alla metà del Settecento, Rome, Istituto Storico Italianoper l’età moderna e contemporanea, 1983 ; M. Romani, « Note sul patrimonio edilizio milanese intomo alla metà del Settecento », Studi in onore di Armando Sapori, 2 vol., Milan, Cisalpino, 1957, vol. II, p. 1301-1317 ; S. Zaninelli, Il nuovo censo dello Stato di Milano dall’editto del 1718 al 1733, Milan, Vita e Pensiero, 1963. Pour une vue d’ensemble des innovations en matière de représentation cartographique urbaine, voir M. Bevilacqua, « Catasti e rappresentazione della città nel Settecento italiano », Città e Storia, 2004, n° 0, dossier spécial publié dans le cadre du IIe Congrès de l’Association italienne d’histoire urbaine (Rome, 24-26 juin 2004), p. 31-38 ; Id., « Città italiane del Settecento : percorsi cartografici », MEFRIM, 116, 2004, 1, p. 349-388.
9 ASR, Bandi, b. 48. L’édit du 10 juillet 1708 du camerlingue Giovanni Battista Spinola a été plusieurs fois modifié et complété ; voir en particulier les édits pris par le même camerlingue les 8 et 29 août 1708. Dans le cadre d’une réorganisation effectuée sous la direction de Maria Grazia Pastura, la documentation relative à cette décision a été replacée dans le fonds des Congrégations économiques, après avoir été extraite de la série des « assegne dei béni » (déclarations sous serment des propriétaires terriens) dans laquelle demeurent en revanche les déclarations relatives aux autres impôts extraordinaires, voir ASR, Congregazione Economiche. Inventario, éditions M.G. Pastura Ruggiero, Rome, 1978 (texte dactylographié) ; voir également A. Spagnuolo, « Fondi dell’Archivio di Stato di Roma relativi alle Congregazioni Economiche del sec. XVIII », Rassegna storica del Risorgimento, LUI, 1966, 1, p. 75-98.
10 Ces mesures concernaient également un alourdissement des impôts sur la consommation à Rome et dans l’ensemble de l’État pontifical, un impôt perçu sur chaque groupement professionnel de la ville de Rome à répartir de façon proportionnelle en fonction des capacités contributives de chacun et enfin, une contribution extraordinaire sur les revenus des provinces, à l’exception de celle de Bologne, de Ferrare et de Bénévent (voir le chirographe des 2 et 26 août 1708 et l’édit du 8 août 1708). Voir également la monographie célèbre de Luigi Nina, Finanze pontificie sotto Clemente XI (Tassa del milioné), Milan, Treves, 1928, qui brosse le tableau des institutions fiscales pontificales en insistant particulièrement sur les impositions extraordinaires de 1708. Clément XI avait en outre décidé de recourir également à un prélèvement extraordinaire sur le Trésor pontifical de 170000 écus en or (voir F.S. Tuccimei, Il tesoro deipontefici in Castel S. Angelo. Saggio storico sulle varie riserve auree dello Stato della Chiesa dal sec. XV al XIX, Rome, Industria Tipografica Romana, 1937).
11 Le recours à des augmentations d’impôt – en particulier aux impositions extraordinaires – ou à l’emprunt public (éventuellement forcé) était une pratique bien éprouvée des finances publiques pour faire face à des dépenses exceptionnelles souvent liées à des situations de guerre, voir à ce sujet A. di Vittorio, « Un caso di correlazione tra guerre, spese militari e cambiamenti economici : le guerre asburgiche della prima metà de XVIII secolo e le loro repercussioni sulla finanza e l’economia dell’Impero », Nuova Rivista Storica, 1982, 1, p. 59-81 ; G. Ricca-Salerno, Storia delle dottrine fînanziarie in Italia col raffronto delle dottrine forestiere e delle istituzioni e condizioni di fatto, Palerme, Reber, 1896 ; P.L. Spaggiari, « Le finanze degli Stati italiani », Storia d’Italia, R. Romano et C. Vivanti (dir.), vol. V, Turin, Einaudi, 1973, p. 807-837.
12 L’importance des problématiques liées à la contribution de 1708 a été clairement perçue par Luigi Dal Pane, qui souhaitait une plus large utilisation de la documentation correspondante (Lo Stato Pontificio e il movimento riformatore del Settecento, Milan, Giuffré, 1959, p. 91-98). S’agissant de Rome, on peut signaler l’ouvrage de Giovanna Curcio (dir.), L’Angelo e la città. La città nel Settecento, 2 vol., Rome, Palombi, 1988. Voir, en particulier, le second volume : La città e le case, qui propose de revisiter la source de 1708 à travers une intéressante approche méthodologique. Voir également C.M. Travaglini, « La propriété immobiliare a Roma agli inizi del Settecento », Archivi e Cultura, XXVIII, 1995, n.s., p. 33-61.
13 Rome, 1748. Sur l’importance extraordinaire du plan de Nolli pour l’étude de la Rome du XVIIIe siècle, voir C. Faccioli, « Gio. Battista Nolli (1701-1756) e la sua gran “Pianta di Roma” del 1748 », Studi Romani, XIV, 1966, p. 415-442 ; I. Insolera, Roma. Immagini e realtà dal X al XX secolo, Rome Bari, Laterza, 1980 ; G. Spagnesi, « L’immagine di Roma barocca da Sisto V a Clémente XII : la pianta di G.B. Nolli del 1748 », Immagini del Barocco. Bernini e la cultura europea del Seicento, M. Fagiolo e G. Spagnesi (dir.), Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1982,p. 145- 156 et, enfin, l’ample monographie de M. Bevilacqua, Roma nelsecolo dei lumi. Architettura, erudizione, scienza nella Pianta di G.B. Nolli « celebre geometra », Naples, Electa Napoli, 1998.
14 Roma, Per Generoso Salomone presso S. Eustacchio, 1744.
15 Pour une réflexion et des indications sur la toponymie au XVIIIe siècle, voir A. Ruggeri, « Evoluzione della toponomastica di Roma tra la fine del secolo XVII e l’inizio del secolo XVIII », Archivi e Cultura, XXVIII, 1995, n. s., p. 63-91.
16 ASR, Presidenza delle strade, « Misura della quantità delle selciate e siti sterrati nelle strade e piazze », reg. 417-418.
17 ASR, Presidenza delle Strade, Catasti e Assegne, reg. 424 (1803-1804) et également Catasti e Assegne, « Nomenclatura delle strade di Roma e numerazione delle porte », Stradario di Roma « Nomenclatura delle strade di Roma », reg. 424 bis. Les déclarations des propriétaires, à l’exclusion des édifices publics et des églises, sont conservées dans Presidenza delle Strade, Catasti e Assegne, Assegne 1-5000, vol. 419-423.
18 Il fallait déclarer les revenus « provenant de tous les terrains, qu’ils soient incultes, montagneux, rocailleux, mis à pré, cultivés, arborés, viticoles, forestiers, boisés, qu’il soient plantés en oliviers, en chênes, en vignes, en châtaigniers, en roseaux, ou autres, en indiquant, même approximativement, leur superficie et leurs dimensions, de même que des loyers des maisons, des meules, moulins et moulins à foulon, des ateliers et magasins, et de tous autres biens. En outre, les propriétaires précités étaient tenus de déclarer […] tous les revenus tirés des cens, des changes notamment à l’occasion des foires, des loyers, des baux emphytéotiques, des garanties, des rentes dotales ou indemnités compensatrices, des compagnies – en indiquant le montant de leur capital –, de même que des revenus provenant des animaux et des contrats de toute nature. Les lieux pieux et tous les ecclésiastiques […] devront également déclarer non seulement les revenus de leurs biens propres, mais encore tous ceux des maisons-mères des ordres religieux, du patrimoine sacré de chacun des monastères, abbayes, canonicats et autres bénéfices ecclésiastiques de toute nature, ainsi que des pensions dont ils jouissent à Rome et dans l’État de l’Eglise » (Édit du 10 juillet 1708).
19 Voir L. Nina, Finanze pontificie, op. cit. ; L. dal Pane, Lo Stato Pontificio, op. cit., p. 92-95 ; C. Gamba, « Studi e progetti di riforma finanziaria nel Settecento romano. Il programma Piano di semplificazione fiscale », Rivista di storia del diritto italiano, LVIII, 1985, p. 233-326, p. 259-260.
20 ASR, Bandi, b. 48.
21 Ibid., Édits du cardinal Spinola, camerlingue, des 29 août, 9 septembre, 12 septembre, 19 septembre, 29 septembre, 1er octobre et 12 décembre 1708.
22 L’édit du 8 août 1708 indiquait que la déclaration devait concerner les « hôtels particuliers, maisons, pavillons, ateliers, magasins, magasins à blé, granges, moulins, moulins à foulon ou autres édifices et constructions de toute nature » et l’édit du 29 août précisait que « quiconque utilise des baraques ou des emplacements situés Place Navone, Campo dei Fiori, à la Rotonde ou sur d’autres places et en d’autres lieux de Rome, doit faire une déclaration exacte et loyale des revenus annuels qu’il en tire, afin d’être imposé de la même façon que le sont les maisons d’habitation données en location ».
23 Représentant au total 32 enveloppes, ASR, Congregazioni Economiche, b. 30-61.
24 Les déclarations émanant des juifs sont classées dans une enveloppe distincte, venant après toutes celles des chrétiens.
25 Voir F. Cerasoli, Censimento della popolazione di Roma dall’anno 1600 al 1739, Rome, Tipografia Vaticana, 1891, p. 17. Il convient de souligner que ce chiffre est inférieur à la réalité, puisqu’il se fonde sur les registres de baptême et ne comprend donc pas la population juive, dont le nombre peut être estimé, en gros, à un chiffre compris entre 3 000 et 4500 personnes.
26 Voir C.M. Travaglini, La proprietà immobiliare a Roma, op. cit.
27 La seule exception concerne l’estimation des revenus des maisons habitées par leur propriétaire, qui, comme indiqué précédemment, est confiée à des techniciens nommés par l’administration, en raison notamment du fait que les propriétaires ne disposaient pas de données objectives en termes de valeur monétaire. Les résultats de ces évaluations par les experts sont réunis dans un volume spécial (ASR, Congregazioni Economiche, b. 62, Stime degli architetti delle case abitate da’propri patroni in Rornd). Il convient en outre de signaler une brusque régression entre l’édit du 10 juillet et celui du 8 août en ce qui concerne les sanctions prévues en cas de défaut de « déclaration de revenus » ou de déclaration incomplète. En effet, le premier de ces textes prévoyait la sanction draconienne de la confiscation de la totalité des sources de revenus concernées, alors que le second se bornait à menacer d’une amende égale au double du montant de l’impôt correspondant et, le cas échéant, « d’autres peines corporelles imposées à notre discrétion en fonction de la qualité des personnes ».
28 Voir A. Coppi, Discorso sulle finanze dello Stato Pontificio dal secolo XVI al principio del XIX letto da A.C. nell’Accademia Tiberina il dì 27 dicembre 1852, Rome, 1855.
29 ASR, Bandi, b. 80, Édit du camerlingue du 18 décembre 1743.
30 ASR, Bandi, b. 101, Édit du camerlingue du 31 août 1764.
31 Voir C.M. Travaglini, « Aspetti della modemizzazione economica tra fine Settecento e inizi Ottocento. La politica fiscale », Roma negli anni di influenza e dominio francese. 1798-1814. Rotture, continuità, innovazioni tra fine Settecento e inizi Ottocento, Ph. Boutry, F. Pitocco, C.M. Travaglini (dir.), Naples, ESI, 2000, p. 233-272.
32 ASR, Bandi, b. 377, Édit « Per l’Assegna dell’Entrate ed Imposizione di Tasse » du cardinal camerlingue Rezzonico du 1er juin 1793 et Édit déclaratoire « Sull’Assegna dell’Entrate ed Imposizione di Tasse » du cardinal camerlingue Rezzonico du 8 août 1793.
33 Ibid., b. 378, Édit « Per la imposizione di diverse Tasse destinate alla perequazione dell’Erario Camerale », du cardinal camerlingue Rezzonico du 11 août 1797 ; « Regolamenti approvati dalla Santità di Nostro Signore Papa Pio Sesto con speciale chirografo segnato il dì 12 settembre 1797 in dilucidazione dei due Editti emanati agli 11 agosto 1797 Per il prestito del Clero da erogarsi in estinzione delle cedole, e Per la imposizione delle Tasse destinate alla perequazione dell’Erario Camerale » ; Édit déclaratoire « Sopra le Assegne per le Tasse di perequazione », du cardinal camerlingue Rezzonico, du 28 novembre 1797.
34 Ibid., Édit « Per il prestito da fomirsi alla Rev. Camera Apostolica dal Clero Secolare e Regolare dello Stato Pontificio in estinzione di Cedole », du cardinal camerlingue Rezzonico, du 11 août 1797 ; et l’importante modification apportée ultérieurement par l’Édit « Per la vendita dei Fondi da destinarsi all’ammortizzazione delle Cedole e per altri oggetti riguardanti la circolazione delle monete », du cardinal camerlingue Rezzonico, du 28 novembre 1797.
35 Par rapport à l’imposition extraordinaire la plus récente, c’est-à-dire celle de 1764, l’édit de 1793, en particulier, ne prévoyait l’imposition, ni des revenus des créances, ni de ceux des titres de la dette publique, mais alourdissait le prélèvement « d’un quart pour les propriétaires étrangers et pour les propriétaires assujettis qui sont allés vivre ailleurs pour une raison autre que le service du Saint Siège » (Édit « Per l’Assegna dell’Entrate ed Imposizione di Tasse » du 11 juin 1793, op. cit.).
36 Voir C.M. Travaglini, « Il Monte di Pietà di Roma in periodo francese, in Credito e sviluppo economico », Italia dal Medio Evo all’Età Contemporanea, Vérone, Società Italiana degli Storici dell’Economia, 1988, p. 463-482 ; Id., Il ruolo del Banco di Santo Spirito e del Monte di Pietà, op. cit.
37 Voir V.E. Giuntella, « La giacobina Repubblica romana, (1798-99). Aspetti e momenti », Archivio della Società Romana di Storia Patria, LXXIII, 1950, p. 1-213.
38 ASR, Banrfi, b. 141.
39 Voir C.M. Travaglini, Il dibattito sull’agricoltura romana nel secolo XIX (1815-1870). Le Accademie e le Società Agrarie, Rome, Università La Sapienza, Istituto di Storia Economica, 1981.
40 ASR, Bandi, b. 143. Cette disposition fut mise en application par l’édit du trésorier général, Mgr Lorenzo Litta, du 20 avril 1801.
41 *NdT : survivance de l’institution chargée de prélever l’ancien impôt indirect de l’ère romaine, frappant les denrées alimentaires et en particulier le blé.
42 L’importance attribuée à cette mesure ressort des remarques de Monaldo Leopardi relatives à cette même période : « Le cardinal Consalvi a indubitablement ruiné notre État en le soumettant à une multitude d’institutions inutiles et coûteuses, en le peuplant d’une foule de fonctionnaires qui dévorent les finances publiques en pure perte et en généralisant parmi nous, pour notre malheur, toutes sortes d’impôts extravagants hélas appelés à perdurer. Quand bien même il serait, comme je le crois, l’auteur de la loi ayant aboli l’Annone et qu’il aurait révoqué le prétendu droit du peuple à se faire entretenir par les Communes, il a équilibré les comptes et toutes les dettes qu’il a contractées en mettant en danger la prospérité économique de l’État sont désormais réglées » (M. Leopardi, Autobiografia, Rome, Éditions de l’Altana, 1997, avec une introduction de Giulio Cattaneo ; en annexe : Alessandro Avoli : « Monaldo e la sua biblioteca », p. 216, paragraphe LXXV).
43 La notion de taille personnelle appliquée à la consommation de biens de première nécessité est dans la droite ligne des pratiques traditionnelles de répartition de la charge fiscale par quotes-parts, en fonction de critères liés principalement à l’importance de la population des différentes communautés ; elle est donc bien loin de tenir compte du revenu généré par chaque contribuable.
44 Motu proprio « Sul nuovo regolamento del sistema daziale, p. 12.
45 L’imposition des fonds urbains constituait une nouveauté par rapport au projet des années 1760, mais l’hypothèse de l’introduction d’un prélèvement « sur les constructions et bâtiments privés des habitants de Rome et des Castelli romani » avait déjà été avancée au cours du réexamen de ce projet dans la deuxième moitié des années 1770, en arguant qu’il s’agissait « d’un impôt très raisonnable, utilisé dans de nombreux États et, qui plus est, facile à recouvrer » (« Memorie e Pareri sul progetto dell’abolizione di tutti li dazi, tasse e gabelle camerali, e di un a nuova imposizione sopra soli tre capi cioè estimo, sale e macinato », tome I, « Memoria 7. Riflessioni del Sig. Canonico Don Pio Fantoni », 15 octobre 1777, ASR, Camerale II, Dogane, b. 140, ancienne numérotation).
46 La taxe annuelle était fixée à 6 paoli (c’est-à-dire 0,6 écus) pour 100 écus, de la valeur du terrain résultant des « estimations figurant dans les cadastres correspondants », élaborées en vertu des dispositions de l’édit du 15 septembre 1777, sous le pontificat de Pie VI (Motu proprio « Sul nuovo regolamento del sistema daziale », op. cit., p. 12).
47 ASR, Miscellanea Finanziaria, b. 2221-2222.
48 Il fut en outre décidé de l’exonération des immeubles d’une valeur inférieure ou égale à 400 écus et, en sens inverse, la limitation à 12500 écus de la valeur imposable des « palais et demeures concernés pouvant en toutes choses apparaître comme des édifices de valeur exceptionnelle » (Motu proprio « Sul nuovo regolamento del sistema daziale », op. cit., p. 16).
49 Édit du cardinal Giuseppe Doria Pamphili « Sulla riduzione dei pagamenti derivanti da obligazioni contratte, o nate in tempo del discredite della moneta » du 31 décembre 1802.
50 ASR, Camerale II, Camerlengato e Tesorierato, b. 20, « Rapporte del Tesoriere generale sulle condizioni dell’Erario » (1804).
51 Ibid.
52 Le rapport précisait que même pour la ville de Rome, la « taxe sur les maisons » n’avait commencé à être exigée qu’à partir de janvier 1802 et qu’elle n’avait rapporté, au titre des deux premières années, « que la somme de 27171,11 écus ». L’on s’empressait toutefois d’ajouter que le produit de l’impôt aurait pu atteindre « une somme plus importante » si ledit impôt avait été appliqué aux provinces (Ibid.).
53 ASR, Bandi, b. 398, Édit du Trésorier général du 8 juin 1804.
54 Au titre des années 1801,1802 et 1803, il a été perçu la somme globale de 31496,37 écus, une somme de 26338,53 écus demeurant encore impayée au 24 janvier 1804 (ASR, Camerale II, Gabelle, b. 9, fasc. 158, « Rendimento di conto che il marchese Rinaldo del Bufalo dà alla R.C.A. corne amministratore della dativa reale sopra le case e palazzi di Roma »).
55 Au titre des années 1804 et 1805, le produit de la taille sur les immeubles pour les provinces s’est élevé respectivement à 8911,73 et 9497,51 écus (Ibid., fasc. 160, « Dativa reale sopra li predi urbani e collettazione sul fruttato de cambi nelle Provincie dello Stato Pontificio istituite col Moto proprio 19 marzo 1801 ed attivate con Editto delli 8 giugno 1804. Bilancio dei primi due anni da gennaio 1804 a tutto dicembre 1805 che si presenta da Pietro Cataldi amministratore generale »).
56 ASR, Camerale II, Camerlengato e Tesorierato, b. 20, « Memoria del Tesoriere Generale », 1805.
57 Arch. nat. (Paris), AF IV, b. 1715, « Mémoire sur la situation des États Romains au moment de leur réunion à la France en juin 1809, par A. de Pastoret, Auditeur au Conseil d’État », cc. 28-30. L’imposition sur les immeubles et les contrats de prêt avait généré un produit d’environ 22500 écus.
58 E. Consalvi, Memorie, Mgr Mario Nasalli Rocca di Corneliano (dir.), Rome, Angelo Signorelli, 1950, p. 147-148.
59 Dans une note adressée au trésorier le 4 novembre 1825, Léon XII invitait ce dernier à appliquer la réduction de 25 % du taux de la taille réelle, sans se préoccuper outre mesure de la diminution des rentrées fiscales qui en résulterait (ASR, Camerale II, Dativa reale, b. 1, Lettre de Léon XII au trésorier général du 4 novembre 1825).
60 Sur le total d’un peu plus de 4000 cartes que le cadastre pontifical a fini par compter, environ 1280 provenaient des travaux réalisés dans le royaume d’Italie, voir V. Vita Spagnuolo, I Catasti generali dello Stato Pontiflcio, op. cit., p. 63.
61 La canna censuaria, unité de mesure traditionnelle de l’État pontifical, a été assimilée au mètre.
62 V. Vita Spagnuolo, I Catasti generalli dello Stato Pontifico, op. cit., p. 58-60.
63 ASR, Biblioteca, manoscritti n. 441.
64 ASR, Camerale II, Catasto, b. 9.
65 ASR, Segretari e cancellieri della RCA, b.1254.
66 Ibid.
67 Ibid.
68 Quartier I, Monti, 18 feuillets ; quartier II, Trevi, 5 feuillets ; quartier III, Colonna, 6 feuillets ; quartier IV, Campo Marzio, 6 feuillets ; quartier V, Ponte, 3 feuillets ; quartier VI, Parione, 2 feuillets ; quartier VII, Regola, 3 feuillets ; quartier VIII, S. Eustachio, 2 feuillets ; quartier IX, Pigna, 1 feuillet ; quartier X, Campitelli, 10 feuillets ; quartier XI, S. Angelo, 1 feuillet ; quartier XII, Ripa, 14 feuillets ; quartier XIII, Trastevere, 10 feuillets ; quartier XIV, Borgo, 9 feuillets.
69 Les registres des estimations par îlots sont également connus sous le nom de bastardelli.
70 ASR, Camerale II, Catasti, enveloppe 9. Il convient en outre de mentionner la « Tariffa del valore censibile de’terreni dentro il circondario delle Mura di Roma, 1820 », ASR, Camerale II, Catasti, b. 4.
71 Chirographe de Pie VII du 8 janvier 1818 et Notification de Mgr Cesare Guerrieri, trésorier général et président de la Congrégation des cadastres, du 10 janvier 1818, prise pour son application. L’obligation de soumettre à la Chancellerie du cens compétente les cas de mutation de propriété pesait sur le nouveau propriétaire. Ces mutations sont réunies en une seule série du fonds de la Chancellerie du cens de Rome conservé auprès de l’ASR par ordre chronologique et numéro d’ordre (juillet 1820- avril 1871).
72 Istruzioni per la rettifica catastale della parte topografica e descrittiva delle proprietà costrutte della provincia di Roma, Florence, 1871. ASR, Présidence du cens, b. 2105.
73 C.M. Travaglini, « Uomini e spazi, storie e rappresentazioni », I territori di Roma. Storie, popolazioni, geografie, R. Morelli, E. Sonnino, C.M. Travaglini (dir.), Roma, Università degli studi di Roma La Sapienza, Tor Vergata, Roma Tre, 2002, p. 23-32.
74 S. Gremoli, C. Procaccia, « Il Catasto urbano Pio-Gregoriano. Note per una banca dati », I territori di Roma, op. cit., p. 137-185.
75 K. Lelo, « GIS e storia urbana », I territori di Roma, op. cit., p. 191-211.
76 Voir V. Baiocchi, K. Lelo, Cartografie storiche e immagini telerilevate a confrontaperl’analisi diacronica del territorio, Actes de la 7e conférence nationale ASITA (Vérone, 28-31 octobre 2003) ; V. Baiocchi, K. Lelo, Confronta di cartografie storiche con cartografie attuali per l’area del centro storico di Roma, Actes de la 6e conférence nationale ASITA (Pérouse, 5-8 novembre 2002).
Auteur
Est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Roma Tre et directeur du centre pour l’étude de Rome (CROMA). Il a entre autre publié : Atlante storico-ambientale. Anzio e Nettuno, Introduction et dir. avec G. Caneva, Rome, De Luca Editori d’Arte, 2003 ; Catasti e proprietari, in Atlante storico-ambientale. Anzio e Nettuno, (dir.) G. Caneva et C.M. Travaglini, Rome, De Luca Editori d’Arte, 2003 ; « Un omaggio a Roma », Bibliografia Romana 1989-1998, Rome-Città di Castello, Edimond, 2004 ; Un patrimonio urbano tra memoria eprogetti. Roma. L’area Ostiense-Testaccio, (Introduction et dir.) Rome-Città di Castello, Edimond-Università Roma Tre, 2004.
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