Chapitre XIV. Crises et coopération monétaire internationale : l’émergence de l’Europe monétaire (1958-1962)
p. 649-678
Texte intégral
1Il ne fait pas de doute que la politique financière conduite en France à partir du tournant de 1958 et jusqu’au début des années 1960 a été marquée par une plus grande dépendance vis-à-vis des évolutions internationales. L’histoire de la genèse du plan de décembre 1958, comme l’analyse de la politique du crédit entre 1959 et 1962 ont montré cette réalité nouvelle : la fermeture du système financier français qui des années 1930 aux années 1950 avait assuré le bouclage monétaire de l’économie d’endettement, s’est trouvée pour la première fois remise en question à la charnière des années 1950 et 1960. C’est tout l’intérêt de l’étude de la période où Wilfrid Baumgartner a été ministre de l’Économie et des Finances que de s’efforcer de comprendre les modalités de cette influence renouvelée des phénomènes internationaux sur le système économique et financier national.
2Le retour à la convertibilité externe des principales monnaies européennes qui constitua, on l’a vu, la pierre angulaire du plan de redressement financier de 1958, peut être également considéré comme l’achèvement du système monétaire international défini près de quinze ans plus tôt à Bretton Woods à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. C’est en tout cas le sens que revêtit aux yeux de Per Jacobsson, toujours à la tête du Fonds monétaire international, l’acceptation solennelle en février 1961 par la plupart des pays européens, dont les six États membres de la CEE, de la totalité de l’article VIII des statuts originels du Fonds proscrivant toutes formes de restriction à la liberté des paiements internationaux courants1. Mais cette étape a coïncidé aussi avec la première grande remise en cause du système de Bretton Woods dont la manifestation la plus évidente fut la série de vagues spéculatives qui ébranlèrent les deux devises clés sur lesquelles reposait le fonctionnement régulier des règlements internationaux : crise endémique de la livre sterling qui culmina au printemps 19612 et surtout crise du dollar de l’automne 1960 qui vit sur le marché de l’or de Londres le prix de l’once de métal fin s’élever au-dessus de la parité officielle de 35 $ jusqu’à atteindre 42 $ le 13 octobre 1960, conduisant l’économiste de Yale Robert Triffin à évoquer dès ce moment « le crépuscule du Gold Exchange Standard »3.
3C’est dans ce contexte critique qu’ont pris place les négociations monétaires internationales qui aboutirent à la signature par les ministres des Finances des dix pays occidentaux les plus industrialisés4 le 13 décembre 1961 au ministère des Finances à Paris, sous la présidence de Wilfrid Baumgartner, des Accords généraux d’emprunt (General Arrangements to Borrow). Ils consistaient en un engagement des États signataires à ouvrir une ligne de crédit conditionnel au FMI d’un montant total de 6 milliards de dollars, soit un doublement du montant de ses ressources effectivement disponibles, de façon à lui procurer, le cas échéant, une masse de manœuvre suffisante en liquidités internationales libellées dans les principales devises convertibles, notamment celles des pays de la CEE, propre à enrayer à l’avenir tout retour de flamme de la spéculation sur les changes, y compris sur le dollar5.
4Ainsi entendus, les AGE semblent bien avoir représenté une avancée considérable de la coopération monétaire internationale, instituant à une échelle sans précédent une forme d’internationalisation des réserves de change au sein du monde occidental, dont la réalisation avait été tentée en vain à bien des reprises depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Pourtant l’histoire des AGE reste mal connue6, beaucoup moins bien, en tout cas, que l’histoire ultérieure du système monétaire international, dominée à partir de 1963 par la controverse engagée par la France sur sa nécessaire réforme et à laquelle les accords de décembre 1961 sont le plus souvent rattachés, en manière de simple préambule. Michael Bordo, Dominique Simard et Eugene White, analysant la politique de la France au sein du système monétaire international dans les années soixante, considèrent ainsi que les AGE ont constitué « la première importante victoire stratégique du gouvernement français, lui conférant un rôle accru de chien de garde (watchdog) du système monétaire international »7. Dès l’orée des années soixante, en somme, la France, à suivre ces auteurs, se préparait à la partie (« Preparing for the Game ») qui allait l’opposer par la suite aux États-Unis et secondairement à la Grande-Bretagne. N’est-ce pas céder un peu vite à l’éblouissement des événements en apparence plus flamboyants, qui marquèrent la grande querelle monétaire internationale du milieu des années soixante ? Et ne risque-t-on pas de ce fait de laisser dans l’ombre la portée historique véritable des évolutions qui se sont produites un peu plus tôt, au tournant des années cinquante et soixante, soit avant que ne s’esquisse le grand dessein monétaire international de la France ?
5Appelé à témoigner ultérieurement sur la politique monétaire extérieure de la France des débuts de la Ve République, Claude Pierre-Brossolette, qui joua dès cette époque un rôle important à la direction des Finances extérieures au ministère des Finances et au sein du cabinet de Baumgartner en 1960-19618, soulignait combien, dans son souvenir, cette période avait constitué une phase de transition, « marquée par ce qui était avant et qui continue, et par ce qu’il y a de nouveau »9. Tel est peut-être l’enjeu de l’histoire des Accords généraux d’emprunt (et sans doute l’enjeu de l’histoire tout court) : débrouiller l’ancien et le neuf et examiner ici à travers les AGE et les longues négociations qui les ont précédés les formes éventuellement nouvelles prises par la coopération monétaire internationale dans un monde en très rapide changement. Plus que la logomachie franco-américaine qui date pour l’essentiel de la période suivante, c’est encore au tournant des années cinquante et soixante la contrainte autrement plus lourde de la Guerre froide, alors à son apogée et dont Baumgartner n’avait cessé d’avoir la plus claire conscience, qu’il faut s’efforcer de prendre en compte. Et de la même manière, il convient de rattacher l’histoire des AGE à la question toujours centrale de la position de l’Allemagne en Europe alors que la réconciliation franco-allemande, scellée ultérieurement par le traité de l’Élysée du 23 janvier 1963, est loin encore d’être assurée.
6Dans cette perspective, il importe davantage d’éclairer le rôle qu’ont pu jouer dans l’élaboration des AGE les toutes nouvelles institutions financières et monétaires dont la CEE venait de se doter : Comité monétaire de la CEE dont les premières sessions dataient de l’été de 1958, sommets des ministres des Finances des Six périodiquement réunis à partir de 1959, de façon officieuse, en marge de la rencontre des ministres des Affaires étrangères et prototype du futur Conseil des ministres de l’Économie et des Finances (Écofin)10. Chercher de la sorte à préciser l’implication dans les négociations des AGE des premiers organismes monétaires européens, ce n’est pas seulement sacrifier à la quête des origines qui caractérise souvent bien des histoires de la construction européenne ; c’est aussi s’interroger plus globalement sur les mutations de la monnaie et sur la nature du lien complexe qui la relie à l’activité économique, à un moment où, comme l’expliquait Per Jacobsson en 1959 aux grands patrons américains, « les affaires [étaient] en plein essor en Europe », lui assurant « une position économique meilleure qu’à aucun autre moment de son histoire »11. L’histoire des AGE est en effet contemporaine du rattrapage des économies européennes qui s’opère au tournant des années cinquante et soixante et s’est trouvé encore accentué au moment de la récession américaine de 1958-1959. Cette mutation dans les rapports de force au sein de l’économie mondiale a mis en évidence l’asymétrie fondatrice des accords de Bretton Woods. Elle a contribué par là même à faire évoluer les doctrines et les politiques au sein du système monétaire international, posant sur de nouveaux frais la question de l’unité monétaire d’une Europe en cours de constitution.
7Car l’émergence des institutions européennes pose également et surtout la question de leurs conceptions, de leurs normes et de leurs pratiques, de la validité de leurs analyses et des solutions préconisées ; c’est-à-dire, au total, de leur plus ou moins grande capacité à assurer effectivement la stabilité d’ensemble du système qui constitue bien le fondement ultime de leur légitimité en tant que « pouvoir » monétaire12. Quelle fut, en d’autres termes, leur politique – s’il y en eut une – au cours des négociations qui aboutirent aux AGE, alors que les tensions monétaires au sein du monde occidental n’avaient jamais été aussi fortes depuis la fin de la guerre et que la structure même du système des paiements internationaux était depuis peu profondément bouleversée par la croissance nouvelle et accélérée des euro-marchés ? La réapparition de liquidités internationales privées, en effet, inséparable et du creusement du déficit de la balance des paiements américains et du retour des monnaies européennes à la convertibilité, semble bien avoir été au cœur des AGE. Elle pose, en dernière analyse, le problème nouveau à l’orée des années soixante et jamais résolu jusqu’à nos jours du type de régulation qu’il revenait désormais aux « autorités monétaires » internationales de mettre en œuvre face à la renaissance de dynamiques de marchés qu’elles ne contrôlaient plus directement13.
8Ces questions mettent une nouvelle fois en lumière, comme dans notre analyse de l’UEP, le rôle des institutions monétaires et des logiques financières dans le processus inévitablement multiple de la construction européenne. La composante monétaire et financière de l’Europe semble bien s’être ainsi développée non de manière continue mais par à coup, en réponse aux évolutions des règlements internationaux et aux mutations des marchés de l’argent. La part prise en particulier par les banques centrales dans ce processus est loin d’avoir été négligeable. L’attention dont ont principalement bénéficié les dynamiques plus proprement politiques ne doit pas masquer cet autre cheminement discret et pragmatique de la construction européenne, dont la réalité, à partir des années 1950 au moins, permet de comprendre l’aboutissement de l’unification monétaire intervenue à la fin du XXe siècle. La vive lumière projetée sur l’action de Jean Monnet et son projet rapidement avorté de constituer dès le début des années 1960 un Fonds européen de réserve14 a pu ainsi laisser dans l’ombre la réalité des pratiques de coopération monétaire nouées dans la période, notamment sous l’égide de la BRI, par exemple dans le cadre du pool de l’or ou des accords de swap entre banques centrales15.
9Dans cette optique, on s’efforcera d’abord ici de reconstituer les étapes des négociations des AGE et de montrer le rôle important joué par les institutions monétaires européennes, à la lumière nouvelle des papiers Baumgartner et des archives relatives au Comité monétaire de la CEE conservées à la Banque de France. On tentera ensuite de préciser la doctrine alors développée par les organismes monétaires européens, notamment face au renouveau des mouvements de capitaux spéculatifs à court terme. On montrera enfin, à travers une analyse des négociations qui permirent finalement la conclusion des AGE, les limites politiques, c’est-à-dire avant tout géopolitiques, mais aussi économiques, qui pesaient encore à cette date à l’encontre de l’émergence pleine et entière de l’Europe monétaire.
LES AGE ET L’ÉMERGENCE DE L’EUROPE MONÉTAIRE
10Les négociations qui aboutirent aux Accords généraux d’emprunt sont le plus souvent analysées à gros traits en termes de rapports de force entre deux camps : le FMI, les États-Unis et la Grande-Bretagne d’un côté, l’Europe, menée par la France, de l’autre. La chronique officielle du FMI, presque contemporaine des faits, oppose ainsi dans le cours des négociations la faiblesse de la position américaine, qui pesait sur la marge de manœuvre du FMI, à la position de force des pays européens (« a stronger bargaining position »), particulièrement de la France16. De la même façon, Robert Solomon, avouant ne pas connaître « l’ensemble des points évoqués lors des négociations », estime pouvoir « néanmoins affirmer que les négociateurs européens, conduits par le ministre des Finances, Wilfrid Baumgartner, en profitèrent pour faire sentir aux États-Unis leur puissance nouvellement retrouvée » et s’opposer ainsi « au FMI qu’ils considéraient comme dominé par les États-Unis »17. L’histoire des AGE, comme l’écrivent M. Bordo, D. Simard et E. White, serait donc avant tout celle d’une première forme d’opposition de la France, agissant comme « le porte-parole des pays de la CEE », au « schéma anglo-américain » visant, sous l’égide du FMI, à réformer au seul profit des pays à monnaie de réserve, la Grande-Bretagne et les États-Unis, le système monétaire international18.
11Sans totalement écarter la dimension nationale, sinon nationaliste, qui a pu présider également aux négociations des AGE, il est loisible aussi de s’interroger sur le rôle alors joué par les toutes nouvelles institutions financières et monétaires de la CEE, notablement absentes des analyses que l’on vient de citer. On aboutit de la sorte, à partir de sources primaires, à modifier sensiblement une vision qui, bon gré mal gré, survalorise les facteurs politiques et les antagonismes nationaux, biais qui caractérise aussi bien les récits des acteurs de cette histoire que les articles de presse qui l’ont relatée. Plus que la méfiance de l’Europe sur le FMI supposé acquis aux « Anglo-Saxons », plus encore que la revanche de l’Europe sur les États-Unis, plus surtout que la manifestation précoce de la résistance de la France gaullienne à l’« impérialisme » américain, les AGE ont sans nul doute marqué l’émergence de la CEE dans le domaine des relations monétaires internationales à un moment où les rapports de force au sein du monde occidental, particulièrement entre l’Europe et les États-Unis, n’excluaient pas de réelles convergences de vue.
12À la veille de l’assemblée annuelle du FMI de Vienne où fut officiellement présenté le 18 septembre 1961, par Per Jacobsson, son plan d’Accords généraux d’emprunts, Wilfrid Baumgartner exposait ainsi à Douglas Dillon, le secrétaire au Trésor américain, « comment, à [son] avis, les Six, à quelques nuances près, considér[aient] le problème du borrowing arrangement »19 :
« Aucun de nous ne pense qu’il y ait à l’heure actuelle dans le monde une insuffisance caractérisée de liquidité internationale […]. Nous admettons tous qu’un problème peut se poser si, soit le dollar, soit les monnaies européennes dans leur ensemble se trouvent menacées par d’importants transferts de change. […] De toute façon, plusieurs et sans doute même tous les membres des Six n’aiment pas la rédaction proposée parce qu’elle ne vise pas avec assez de précision la question des critères quant au choix des monnaies éventuellement prêtées et quant aux possibilités d’usage desdites monnaies. »20
13Cette lettre annonçait donc par avance les trois raisons principales qui allaient motiver quelques jours plus tard, à l’occasion de l’assemblée de Vienne, le refus des pays de la CEE de souscrire en blanc à l’accord préparé de longue main par l’administration du FMI : rejet de l’hypothèse d’une insuffisance potentielle de liquidités internationales qui avait été à l’origine même du projet des arrangements d’emprunt ; insistance marquée sur le risque nouveau créé sur les marchés des changes par des mouvements massifs de capitaux privés à court terme ; refus de laisser le FMI libre de déterminer les modalités et l’utilisation des crédits internationaux ouverts par les Six, entité collective, à la cohésion semble-t-il encore floue, mais dont il faut bien souligner à cette date l’apparition sur la scène des relations monétaires internationales.
14Le plan Jacobsson, formellement présenté au conseil de direction du FMI au début de mai 1961 sur la base d’un long mémorandum daté du 21 avril 1961, tirait en effet son origine de la réflexion plus globale engagée depuis la fin des années cinquante sur le problème de la liquidité internationale et de son adéquation – ou non – à la croissance rapide des échanges dans le monde. Dès juin 1958, Jacobsson faisait ainsi état du « Problème de la liquidité internationale ». La question, expliquait-il alors, se ramenait mutatis mutandis au problème de liquidité qui se posait pour toute entreprise individuelle : être en mesure de faire face à tout moment et sans difficulté à ses paiements courants, « même en cas de dépression généralisée des affaires ou en toute autre circonstance adverse de ce genre »21. Formulé au moment de la récession de 1958, surtout marquée pour l’économie américaine, le problème de la liquidité internationale inévitablement chez Jacobsson était rattaché à l’« expérience » de la crise financière internationale de 1931 et de la déflation mondiale qui s’ensuivit. Dans les années trente, comme à l’orée des années soixante, la solution, aux yeux de l’ancien économiste de la Banque des règlements internationaux devenu directeur général du FMI, était d’améliorer l’efficacité du système de crédit international et donc de travailler collectivement à « renforcer la machinerie financière internationale, à court comme à long terme, du monde moderne »22.
15Ces analyses recoupaient sur bien des points celles développées exactement au même moment par Robert Triffin dans les livraisons de mars et de juin 1959 du Bulletin trimestriel de la Banca Nazionale del Lavoro23. Les vues de Triffin et notamment son plan de création d’un fonds de réserve international influencèrent fortement Jean Monnet dont il était proche24. Selon Emile van Lennep, à cette date président du Comité monétaire de la CEE mais aussi directeur du Trésor des Pays-Bas, Jean Monnet, qu’il rencontra à sa demande à Paris en février 1960, joua alors de toute son influence pour obtenir que le Comité monétaire mette à l’ordre du jour de ses discussions les analyses de Triffin et le projet de création d’un fonds européen de réserve. Mais la suggestion de Monnet se serait alors heurtée aux réticences des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales de la CEE. Parmi eux, Holtrop, le gouverneur de la banque centrale des Pays-Bas, qui venait également d’être nommé en 1958 président de la BRI, se serait montré, toujours selon van Lennep, particulièrement hostile à l’idée « de distraire une fraction des réserves contrôlées par les banques centrales et de l’utiliser à des fins totalement différentes ». Pour sa part, la Nederlandsche Bank, aurait-il alors ajouté, « ne coopérerait jamais à cette entreprise »25.
16Pourtant, en dépit de ces réticences initiales, le Comité monétaire fut conduit à mettre pour la première fois à l’ordre du jour de ses travaux en novembre 1960 l’examen de la situation monétaire internationale au lendemain de la crise qui affecta de manière spectaculaire le dollar. Cet ordre du jour répondait à la demande expresse des six ministres des Finances de la CEE qui à l’issue de leur sommet des 24 et 25 octobre 1960 à Luxembourg, tenu au moment le plus grave de la crise du dollar, « s’étaient déclarés d’accord pour que le Comité monétaire, rappelait alors van Lennep, suive les développements de la situation internationale et leur fasse rapport, le cas échéant, à l’occasion de leurs réunions ultérieures »26. Le Comité estima donc, par la voix de son président, qu’il lui incombait de ce fait sans plus tarder « d’examiner les mesures que les pays membres de la CEE pourraient être appelés à prendre, soit unilatéralement, soit en coopération avec les autorités américaines et britanniques, pour mettre un terme à la crise actuelle. »27 Pierre Calvet, le représentant français, sous-gouverneur de la Banque de France, était d’une opinion semblable qui soulignait lui aussi à cette occasion « qu’une politique de coopération entre les États-Unis et les autres pays ainsi que l’OECE et le Fonds Monétaire International d’autre part était plus nécessaire que jamais »28. C’était donc sous la pression des événements que le Comité monétaire décida finalement de se saisir à son tour de la question de la liquidité internationale et d’étudier notamment, soulignait son président, les « mesures préconisées par le Professeur Triffin pour éviter [sa] raréfaction »29. Au tout début de 1961, un groupe de travail, présidé par Otmar Emminger, par ailleurs membre depuis 1953 du directoire de la Bundesbank, fut même formé au sein du Comité monétaire suite à la conférence des ministres des Finances des Six de La Haye les 13 et 14 janvier 1961 et fut « chargé d’examiner si un problème de liquidités internationales risqu[ait] de se poser à l’avenir et dans l’affirmative d’étudier les moyens permettant d’y faire face »30.
17Il ne fait donc guère de doute que les institutions financières et monétaires de la CEE, à peine établies et confrontées à la crise du dollar de l’automne 1960, se sont préoccupées du fonctionnement du système monétaire international et ont tenté d’y jouer un rôle actif. Le Comité monétaire tout particulièrement s’efforça de s’insérer dans les réseaux de coopération monétaire internationale, comme en témoigne au début de 1961 la proposition officielle de coopération, apparemment demeurée sans suite, adressée au FMI par van Lennep, au nom de l’organisme qu’il présidait31. La place nouvelle des institutions monétaires européennes donne ainsi tout son sens à la politique menée par les pays de la CEE durant les négociations des AGE qui débutèrent véritablement en mai 1961 et durèrent jusqu’à leur acceptation finale par le FMI au tout début de 1962.
18Les réticences européennes vis-à-vis du plan Jacobsson des Accords généraux d’emprunt s’exprimèrent très tôt au sein du Comité monétaire de la CEE. Au lendemain immédiat de sa présentation devant les directeurs du FMI, le projet était jugé de manière très critique par van Lennep, au nom de son gouvernement : « Les autorités néerlandaises, exposait-il, sont défavorables à l’adoption du système proposé par le Directeur Général du Fonds Monétaire International, surtout en raison de l’automaticité du recours qui pourrait être fait aux ressources supplémentaires qu’apporteraient certains États membres »32. Ce point de vue était partagé par les représentants italiens et belges du Comité. Van Lennep, en manière de contre-feu, proposa même d’entamer une réflexion sur le rôle rénové que pourrait jouer dans la coopération entre les pays à monnaie convertible l’Accord monétaire européen, conclu dès 1955 en vue de succéder à l’Union européenne des paiements mais demeuré en sommeil depuis, en raison de l’étroitesse de ses moyens33. Ces résistances faisaient écho à l’accueil très mitigé réservé au schéma de Jacobsson par les directeurs européens du FMI, notamment Jean de Largentaye pour la France et Wilfried Guth au nom de la RFA34.
19Dans ses mémoires, van Lennep expose de manière très explicite comment les divergences de vues entre le Comité monétaire et le FMI au début des années 1960 ont correspondu à la claire prise de conscience d’une communauté de destin monétaire de l’Europe, au-delà même du cadre de la CEE. Confier au FMI la gestion des ressources additionnelles aurait ainsi abouti à renforcer la « relation spéciale » des Britanniques vis-à-vis des Américains, alors que l’éventualité de l’octroi de crédits supplémentaires à la Grande-Bretagne devait au contraire « être décidée dans un contexte européen »35.
20C’est dans cet état d’esprit inédit que se réunirent une nouvelle fois, à Ostende en juillet 1961, les ministres des Finances de la CEE. Ils reconnurent certes « la nécessité de renforcer le dispositif de défense du système monétaire international » et admirent « la possibilité d’accroître les ressources du Fonds Monétaire International », mais ils chargèrent surtout le Comité monétaire « d’étudier, sur le plan technique, les modalités d’une position commune des États membres », afin de permettre l’adoption « d’une attitude commune lors de l’Assemblée annuelle des Gouverneurs du Fonds Monétaire » qui devait se tenir à Vienne en septembre36. L’échéance de Vienne motiva la réunion exceptionnelle des ministres des Finances des Six et du Comité monétaire à Bad Godesberg les 4 et 5 septembre 1961. Les gouverneurs des banques centrales avaient d’ailleurs pour l’occasion été également conviés à prendre part à la rencontre aux côtés de leurs ministres des Finances respectifs. Le but de cet imposant concours était donc d’arriver à définir les termes d’une « résolution générale » des Six sur la question des Accords généraux d’emprunt dont Jacobsson souhaitait ouvrir officiellement la négociation au cours de l’assemblée annuelle des gouverneurs du Fonds37.
21« Tout le monde est d’accord, résumait à Bad Godesberg le ministre des Finances allemand Franz Etzel, pour considérer qu’il n’y a pas de problème de reconstitution des avoirs du Fonds »38. Les ressources « réellement disponibles » du FMI, qui s’élevaient encore à près de 10 milliards de dollars à la fin de 1960, étaient en effet tombées au début de septembre 1961 à moins de 5 milliards, en raison des tirages britannique et indien (pour une valeur de 2,2 milliards de dollars) intervenus durant l’été et déduction faite aussi des avoirs du Fonds en livres sterling, soit l’équivalent de 3,3 milliards de dollars, que la position de la devise britannique sur les marchés rendait de fait inemployables39. Mais au-delà de cet accord de principe sur la nécessité d’accroître les ressources du Fonds, particulièrement en devises européennes, la question des modalités de l’accord à mettre en œuvre demeurait à ce stade largement ouverte. Outre la détermination des montants de crédits que chaque pays devait s’engager à ouvrir au FMI, la divergence principale avec le schéma proposé par Jacobsson portait sur la nature du contrôle qui pourrait être exercé sur l’emploi des crédits ainsi alloués. « Il importe, soulignait Emminger au Comité monétaire, que les pays prêteurs obtiennent un droit de regard sur l’emploi des ressources supplémentaires mises à la disposition du Fonds. Il est souhaitable et possible, ajoutait-il, de coordonner sur ce point l’attitude des pays membres de la CEE »40. Le représentant de la Bundesbank suggéra même, « étant donné, expliquait-il, qu’il pourrait être malaisé d’adapter au cadre du FMI une procédure de jugement collectif des pays prêteurs, que les discussions entre les pays intéressés aient lieu au sein du groupe de travail n° 3 de l’OCDE »41. En tout état de cause, le Comité monétaire unanime arrivait à la conclusion « qu’aucun pays membre de la CEE ne paraissait disposé à prendre l’engagement formel de consentir des prêts d’un montant déterminé, pour renforcer les ressources du FMI. […] En revanche, plusieurs pays seraient disposés à accorder au Fonds un concours spécial, utilisable dans des conditions déterminées, et leurs représentants estiment qu’il est possible de trouver une formule acceptable pour atteindre ce résultat. »42 Sur cette base qui marquait explicitement la volonté de la CEE de ne pas souscrire en blanc au plan Jacobsson, la conférence des ministres des Finances adopta le texte d’une résolution nouvelle, très prudente dans sa formulation, destinée à se substituer à celle, jugée par le Comité monétaire « trop vague » et « équivoque », que le FMI proposait de soumettre à Vienne à l’approbation des gouverneurs. Le sommet de Bad Godesberg constitua donc bien la première affirmation officielle commune de l’Europe des Six dans le domaine de la gestion du système monétaire international.
22L’assemblée annuelle du FMI tenue à Vienne du 18 au 20 septembre 1961 confirma l’émergence de la CEE sur la scène monétaire internationale. Les discours prononcés sous les lambris de la Hofburg qui abritait pour l’occasion les délégations des pays membres qui bénéficiaient pour la première fois d’un dispositif de traduction simultanée, témoignent clairement de cette évolution43. À suivre Wilhelm Holtrop, le président de la Nederlandsche Bank, comme Hubert Ansiaux, le gouverneur de la Banque nationale de Belgique, à écouter encore Guido Carli, le gouverneur de la Banque d’Italie et Karl Blessing, le président de la Bundesbank, on relève, chez tous, l’expression plus ou moins nuancée de la même position d’attente et d’une détermination commune à ne pas accepter sans conditions le plan proposé par Jacobsson. Mais il revint à Wilfrid Baumgartner, le ministre des Finances français, qui ravit pour l’occasion la vedette à Jacques Brunet, le gouverneur de la Banque de France, d’apparaître comme le porte-parole véritable de ce front du refus. La sténographie de son allocution prononcée en français, plus encore que la version revue et corrigée qui en fut par la suite rendue publique et traduite en anglais, permet le mieux de prendre la mesure du pas décisif franchi à Vienne sur la voie d’une affirmation nouvelle des institutions monétaires européennes, incluant la Banque des règlements internationaux à Bâle et l’action concertée des banques centrales européennes, dans un cadre régional distinct de la juridiction à vocation mondiale du FMI :
« Les événements de l’année écoulée, exposait Baumgartner, portent témoignage de la très grande utilité que présente la coopération entre les Instituts d’émission qui se matérialise en Europe dans les rencontres périodiques de Bâle, à la Banque des Règlements Internationaux. […] Faut-il dans ce domaine aller plus loin et organiser une seconde ligne de défense ? C’est un sujet dont on a quelque peu parlé au cours des derniers mois, c’est un problème qui par le fait qu’il intéresse d’abord les monnaies des pays industriels, pourrait, le cas échéant, être résolu en dehors du Fonds Monétaire International. »44
23Dans une enceinte où, comme l’avait incidemment relevé Baumgartner lui-même, l’understatement était de règle, il fallait bien de l’audace pour louer aussi ouvertement l’action des banques centrales et de la BRI, dont Bretton Woods, on le sait, avait envisagé la suppression pure et simple. Les réserves apportées par le ministre des Finances français au projet d’arrangements d’emprunt, dont Jacobsson avait appelé de ses vœux la conclusion dans son adresse inaugurale, n’en étaient que plus explicites : « Si la France, précisait Baumgartner, reconnaît l’importance du problème soulevé par M. Jacobsson et est disposée à s’associer aux efforts de coopération qu’il appelle, elle n’entend pas, comme je crois d’autres pays européens, s’engager aveuglément dans la voie d’une solution automatique et rigide. »45 La conclusion logique était de confier à des « conversations ultérieures » le soin de définir plus précisément des procédures qui, en l’état, demeuraient à ses yeux par trop « incertaines ».
24Il semble donc bien que l’on puisse dater de l’assemblée annuelle du FMI à Vienne en septembre 1961, l’émergence de l’Europe monétaire parmi les grands acteurs institutionnels du système monétaire international. Cette émergence, on l’a vu, a pris la forme d’une participation de fait des nouveaux organismes financiers et monétaires européens, particulièrement du Comité monétaire de la CEE, au débat sur la réforme éventuelle de l’architecture financière internationale lancé à partir de l’automne de 1960 par la crise du dollar. Mais cette émergence a correspondu également à la formulation d’une doctrine et à la mise en œuvre de pratiques dans une certaine mesure propres aux institutions monétaires de la CEE et constitutives d’une éventuelle identité monétaire européenne dont il importe à présent de préciser le contenu et d’apprécier jusqu’à nos jours la portée.
AUX FONDEMENTS D’UNE POLITIQUE MONÉTAIRE DE LA CEE
25La chronique de la rivalité, somme toute inhérente à tout processus d’innovation institutionnelle et donc en soi banale, qui a pu opposer les nouveaux organismes monétaires de la CEE au FMI ne doit pas occulter qu’à cette occasion fut également développée, particulièrement au sein du Comité monétaire, une analyse spécifique de la situation monétaire internationale au lendemain du retour à la convertibilité externe des principaux pays européens et définie les fondements d’une politique monétaire qui, au moins dans ses principes généraux, est demeurée jusqu’à aujourd’hui celle de l’Union européenne.
26Les réticences des pays de la CEE vis-à-vis du plan d’Accords généraux d’emprunt proposé par le FMI s’expliquaient fondamentalement par une divergence radicale d’appréciation du problème de la liquidité internationale tel qu’il avait été posé au tournant des années cinquante et soixante. Le groupe de travail formé au sein du Comité monétaire de la CEE en février 1961 sous la présidence d’Emminger pour étudier cette question, notamment sous l’angle des thèses que défendait au même moment Triffin, était parvenu en juillet 1961 à une position très nette : « Le groupe, concluait le rapport final remis aux ministres des Finances de la CEE, n’estime pas qu’un problème général d’insuffisance de réserves monétaires se pose à l’heure actuelle ou risque de surgir dans un proche avenir, en ce sens qu’une pénurie générale de liquidité internationale doive conduire nécessairement à l’apparition de tendances déflationnistes à l’échelle mondiale. »46 Parmi les membres du Comité monétaire, cette conclusion, comme le souligna à l’envi Jean Sadrin, le directeur des Finances extérieures du ministère des Finances français, semble bien alors avoir fait l’unanimité47. Elle fut clairement reprise et développée à Vienne en septembre 1961 par Holtrop : « Nous devons admettre, expliquait-il, que les pays à monnaie de réserve ont ces derniers temps trop laissé filer leur déficit et que, par conséquent, nous avons à présent à faire face à une surabondance de liquidités. »48 Il faisait ainsi parfaitement écho au constat du Comité monétaire qui, pour sa part, estimait que « dans le domaine de la politique monétaire internationale, [c’étaient] les tendances toujours présentes à l’inflation rampante qui représent[aient] le souci majeur. »49 C’était bien au nom de ce diagnostic que fut initialement rejeté par les Six le projet de créer, par le biais des Accords généraux d’emprunt dont Jacobsson souhaitait la mise en œuvre, des liquidités internationales supplémentaires qui, aux yeux du Comité monétaire, auraient risqué d’alimenter encore les tendances inflationnistes mondiales.
27D’emblée, à l’orée des années soixante déjà, les analyses des institutions monétaires européennes à peine créées étaient ainsi explicitement marquées par la hantise de l’inflation. Cette préoccupation apparaît ainsi de manière particulièrement manifeste au travers des prises de position d’Emminger au sein du Comité monétaire. Elle permet de comprendre par exemple l’hostilité résolue qu’il manifesta dès le début contre toute « automaticité » des facilités additionnelles que pourrait accorder le FMI avec les ressources supplémentaires fournies le cas échéant dans le cadre des AGE : « Les prêts consentis au Fonds, avertis-sait-il sans ambages, ne doivent pas être utilisés pour permettre à des pays déficitaires de poursuivre une politique inflationniste »50. Cette doctrine volontiers affichée par le représentant de la Bundesbank renvoyait certes à la culture de la stabilité monétaire précocement développée en Europe par la banque centrale allemande aux lendemains de la réforme monétaire de 194851. Mais elle a sans aucun doute constitué très tôt (et pour longtemps), au-delà du seul cas allemand, la norme pour le Comité monétaire dans son ensemble52.
28Ce consensus doctrinal apparaît le mieux dans les analyses que le Comité a été amené à faire de la situation de la balance des paiements britannique au cours de l’été 1961, au lendemain de la crise aiguë de la livre sterling qui avait conduit à l’accord d’assistance mutuelle des banques d’émission conclu au bénéfice de la Banque d’Angleterre en mars 1961 sous l’égide de la BRI. « Dès lors qu’un pays subit des mouvements de capitaux massifs, soulignait ainsi Pierre Calvet en juin 1961, il est nécessaire de se demander si la politique du pays en cause n’appelle pas de critiques. […] En effet, ajoutait-il, les mouvements de capitaux ne sont pas une fatalité, il faut obliger les pays qui en subissent à faire tout ce qui est nécessaire pour les corriger. »53 Ainsi, la faiblesse persistante de la livre, notait pour sa part le groupe de travail Emminger sur la liquidité internationale, était fondamentalement causée « par le déficit britannique de la basic balance of payments », dont la réduction exigeait sans conteste « des efforts pour éviter l’inflation (surtout l’inflation par les coûts) »54. C’était également l’avis du professeur Posthuma, qui représentait la banque centrale des Pays-Bas au Comité : « Si la Grande-Bretagne, prévenait-il, a besoin d’une aide spéciale pour rétablir son équilibre fondamental, il ne saurait être question de le faire sur une base automatique, en précisant à l’avance les montants et sans savoir si les mesures qu’envisage de prendre la Grande-Bretagne peuvent faire face à la situation »55. Belle unité de pensée qui prend tout son sens si l’on rappelle que la première demande officielle d’admission de la Grande-Bretagne dans la CEE datait précisément de l’été 1961. Or, comme le soulignait à peu près au même moment une note de la direction des Finances extérieures du ministère des Finances français, l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE lui permettrait ipso facto de bénéficier des facilités du concours mutuel prévu par le traité de Rome en cas de déséquilibre de la balance des paiements d’un État membre. « Ces dispositions, relevait-on au ministère des Finances, peuvent paraître attrayantes aux Anglais, dans la mesure où elles leur offriraient une base suffisante pour obtenir de la part des pays du Marché commun, une aide pour surmonter leurs difficultés de balance des payements »56. Dans ce contexte, on peut penser que la perspective de voir un jour prochain entrer le loup dans la bergerie n’a pu que contribuer à cristalliser et à préciser, dès le début des années soixante, le credo anti-inflationniste du Comité monétaire de la CEE.
29De la norme de la stabilité monétaire découlait logiquement pour les nouvelles institutions de la CEE des choix de « politique » monétaire commune impliquant avant tout, à cette date, la recherche d’une stabilité durable du système monétaire international. Or, le retour des principales monnaies européennes à la convertibilité externe, s’il avait correspondu à une étape décisive dans la voie d’une normalisation du système des paiements internationaux, avait également contribué à accroître son instabilité puisque liberté était désormais laissée au marché de diriger les flux monétaires issus de transactions courantes en fonction des disparités internationales de taux d’intérêt, notamment sur les euro-marchés en plein essor, ou même encore sur la base d’anticipations sur la marge de fluctuation autorisée (plus ou moins 2 %) à l’intérieur du système des changes fixes adopté à Bretton Woods. La renaissance des flux de capitaux à court terme de nature spéculative fut ainsi très tôt prise en compte par le Comité monétaire de la CEE.
30En mai 1961, dans le contexte des attaques spéculatives massives dont était l’objet la livre sterling après la réévaluation du DM et du florin décidée au début du mois de mars, le Comité décida d’élaborer un questionnaire « concernant la discussion actuelle sur la réforme des institutions monétaires internationales » où l’accent plus particulièrement était mis sur les effets « des mouvements de capitaux d’un pays à l’autre, ayant un caractère spéculatif ou induits par les taux d’intérêt »57. À cette question, les experts du Comité monétaire étaient unanimes pour répondre que le système monétaire international présentait de ce point de vue une grande vulnérabilité. Van Lennep se demandait même, à juste titre, « si les statuts de Bretton Woods n’[avaient] pas ignoré les situations dans lesquelles pourraient se produire des sorties de capitaux importants »58. Comme le constatait Rupert Gocht, le représentant allemand du ministère de l’Économie, le système restait bel et bien « désarmé pour lutter contre les déficits liés à des mouvements de capitaux à court terme fondés sur la spéculation »59. En somme, comme l’avait déclaré déjà Wilfrid Baumgartner lors de l’assemblée annuelle du FMI à Washington en septembre 1960, « il import[ait] qu’une plus grande liberté dans les transactions trouve sa contrepartie dans le renforcement de la coopération financière internationale »60.
31Les réflexions des experts monétaires européens sur la renaissance de la spéculation internationale rejoignaient assez bien le constat établi à peu près de façon simultanée par le directeur général du FMI. Le plaidoyer qu’il présenta à Vienne en septembre 1961 en faveur de son projet d’Accords généraux d’emprunt était très explicitement fondé sur la donnée nouvelle constituée, expliquait-il, par les « flux internationaux de capitaux dans un monde où les monnaies sont convertibles, […] dans un monde dans lequel les craintes et les espoirs du marché jouent [désormais] un large rôle »61. Ce diagnostic était dans une large mesure récent. Il était par exemple absent des études jusque-là consacrées par le Fonds au problème de la liquidité internationale, qui pour l’essentiel n’avaient pris en compte que les déséquilibres pouvant survenir dans le cadre des transactions internationales courantes62. De la même manière, l’importance que pouvaient être amenés à prendre les flux de capitaux spéculatifs au sein du système monétaire international n’avait pas reçu dans les premières analyses de Triffin une attention particulière63. La crise du dollar de l’automne 1960 agit sans aucun doute de ce point de vue comme un révélateur. Au sein du Comité monétaire, Emminger souligna ainsi avec insistance que cette crise, à l’évidence, « devait être attribuée essentiellement aux mouvements de capitaux » et d’ailleurs, précisait-il, « l’abaissement de 1 % du taux d’escompte décidé par la Bundesbank le 10 novembre ne se justifi[ait] que par la volonté de freiner les mouvements de capitaux vers l’Allemagne »64. S’il est difficile de prouver, jusqu’à plus ample informé, que la prise de conscience des problèmes nouveaux liés à la réapparition des mouvements de capitaux à court terme fut plus précoce en Europe, notamment au sein des organismes monétaires de la CEE, il reste que ce diagnostic fut à l’origine d’une conception plus proprement européenne du rôle rénové que devait jouer dès lors au sein d’un système plus instable la coopération monétaire internationale.
32L’opposition manifestée en septembre 1961 à Vienne au projet Jacobsson par les gouverneurs de l’Europe des Six s’expliquait moins à cette date par une divergence d’analyse que par leur refus de voir confier au FMI la régulation conjoncturelle du système monétaire international. « Les ressources du FMI, plaidait Jacobsson, ne doivent pas seulement être appropriées aux demandes qui peuvent porter sur elles, mais en outre être assez larges pour convaincre le public qu’elles suffisent pour défendre les monnaies contre une spéculation mal avisée ». Le Fonds, en d’autres termes, devait demeurer seul juge de leur emploi et sa liberté d’action totale, excluant par là même tout « droit de regard » préalable des pays prêteurs. « La prompte disponibilité des ressources, résumait son directeur général, est en elle-même une contribution à la stabilité et à la force »65. Les « prétentions » du FMI – le terme est employé par les représentants de la France au Comité monétaire – à intervenir de la sorte dans le domaine des mouvements de capitaux heurtaient de front une tradition spécifiquement européenne qui depuis 1914, et même dans une certaine mesure depuis le xixe siècle, confiait aux banques d’émission, agissant toujours de la sorte à la lisière du monde des affaires et de la chose publique, un certain rôle de régulation des flux de capitaux internationaux, avec d’autant plus de pouvoir, semble-t-il, que les dynamiques propres du marché étaient plus fortes66. Ainsi, tenues relativement en marge de la gestion fortement administrée du système monétaire international dans la décennie qui suivit la fin de la Seconde Guerre mondiale, les banques centrales d’une certaine manière regagnèrent, un temps, le centre du système au début des années soixante à la faveur du retour à la convertibilité externe des monnaies qu’elles avaient elles-mêmes préparé de longue date dans le cadre de l’UEP.
33L’institution du Comité monétaire de la CEE marqua sans aucun doute une étape non négligeable dans ce processus. Il réunit en effet, de l’avis même d’Alain Prate qui fut son premier secrétaire à Bruxelles, pour la première fois « sur un pied d’égalité, les représentants des ministères de l’Économie et des Finances et ceux des banques centrales »67, à la suite d’assez longs débats où s’opposèrent notamment les conceptions de la Bundesbank, favorables à plus d’indépendance du Comité, et celle du ministère des Finances français68. Mais ce sont bien entendu les mouvements spéculatifs que connut le système monétaire international en 1960-1961 qui donnèrent aux banques centrales, rassemblées une nouvelle fois dans le cadre de la BRI, l’occasion de jouer de nouveau un rôle de premier plan : formation du Pool de l’or en octobre 1960, Gentleman’s Agreement de Bâle en mars 1961. Autant de manifestations du rôle actif des banques centrales au service de la coopération monétaire internationale que ne manquèrent pas de saluer le groupe de travail sur la liquidité internationale formé au sein du Comité : les « Accords de Bâle, était-il ainsi souligné en conclusion du rapport final, ont permis de lutter très efficacement contre la spéculation sur les changes […]. Ils ont montré qu’il était possible, dans le système monétaire actuel, de prendre, sans lourdes procédures administratives et sans créer de nouvelles institutions, des mesures rapides et énergiques »69.
34C’est un hommage semblable, on l’a vu, que Wilfrid Baumgartner, rendit, publiquement cette fois, aux banques centrales et à la BRI lors de l’assemblée du FMI à Vienne. Interrogé le lendemain à l’occasion d’une conférence de presse sur le contenu précis du Gentleman’s Agreement de Bâle, le ministre des Finances français éluda la question en répliquant, bien dans sa manière, qu’à sa connaissance, « il n’y a[vait] jamais eu de gentleman’s agreement à Bâle, il n’y a[vait] jamais à Bâle que des gentlemen…»70 Il explicita fort heureusement ce qu’il qualifia lui-même de « boutade » dans la lettre de réponse qu’il rédigea aux lendemains de l’assemblée de Vienne à l’intention d’un journaliste britannique qui le pressait d’en dire plus :
« J’ai voulu dire, expliqua-t-il, que les banques d’émission ne concluent jamais des accords publics et généraux. Ceci est du domaine des gouvernements. J’ai voulu dire que beaucoup de choses s’arrangent à Bâle grâce à l’esprit de coopération des gouverneurs et aux accords privés et bilatéraux dont ils peuvent convenir. Ce fut le cas cette année. Ce fut le cas souvent, sinon toujours »71.
35Lumineux témoignage qui met bien en évidence les formes de coopération monétaire internationale propres aux banques centrales, discrètes sinon discrétionnaires, particulières et privées, c’est-à-dire distinctes, sinon indépendantes, des gouvernements – à l’opposé en vérité des modes d’intervention qui caractérisait alors le FMI.
36Au tournant des années cinquante et soixante, face aux premiers déséquilibres structurels du système monétaire international, la doctrine monétaire de la CEE, telle qu’elle trouve à s’exprimer au sein du Comité monétaire ou plus généralement dans le milieu des banquiers centraux, apparaît donc relativement homogène : normes de stabilité monétaire, régulation des marchés des changes et pouvoir discrétionnaire des autorités monétaires en constituent les aspects essentiels, promis jusqu’à nos jours à un bel avenir. Les réalités géopolitiques propres à la période ont pourtant abouti à court terme à en limiter fortement la portée.
L’EUROPE ET LES IMPÉRATIFS DE LA GUERRE FROIDE
37Au lendemain de l’assemblée de Vienne, la presse, notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne, accorda une attention inhabituelle aux déclarations des gouverneurs du FMI. Le discours de Wilfrid Baumgartner tout particulièrement fut commenté et généralement interprété – c’était par exemple l’analyse du Daily Mail, quotidien populaire à gros tirage – comme ayant « marqué un important renversement de pouvoir au profit de la France et des pays du Marché Commun, au détriment largement des États-Unis et de la Grande-Bretagne »72. La réalité des négociations qui aboutirent finalement à la fin de 1961 à la conclusion d’Accords généraux d’emprunt invite pourtant à nuancer considérablement cette analyse et à prendre davantage en compte les contraintes internationales autrement plus fortes d’une période marquée par l’apogée de la Guerre froide et la permanence de profondes divisions au sein même de l’Europe73.
38À l’issue du sommet extraordinaire des ministres des Finances de la CEE à Bad Godesberg le 5 septembre 1961, Franz Etzel, le ministre des Finances allemand, écrivait au nom de ses pairs à Douglas Dillon que les Six venaient de se rencontrer pour examiner « les différents problèmes d’une éventuelle défense de notre ordre monétaire international (einer möglichen Verteidigung unserer internationalen Währungsordnung) », en écho aux préoccupations que le secrétaire au Trésor américain avait lui-même exprimées dans sa lettre du 21 août 1961 envoyée à tous les ministres des Finances de la CEE74. La Trésorerie américaine, Douglas C. Dillon en tête, mais aussi les hommes de son entourage immédiat, comme Robert (Bob) Roosa ou George Willis, déjà en fonction sous l’administration Eisenhower et qui prirent par la suite une part active au grand débat sur la réforme du Système monétaire international75, joua en effet un rôle essentiel resté relativement méconnu dès les négociations qui conduisirent aux AGE.
39Il semble qu’on puisse de ce point de vue faire débuter les pourparlers véritables des AGE de mai 1961 : deux importantes conversations franco-américaines eurent en effet lieu les 18 et 19 mai au ministère des Finances à Paris entre Dillon et Baumgartner à propos du plan Jacobsson qui venait tout juste d’être présenté aux directeurs du FMI. « M. Jacobsson ne m’a pas convaincu de la nécessité des mesures qu’il envisage », résumait d’entrée de jeu Wilfrid Baumgartner76. « J’ai des doutes, ajoutait-il, à l’égard d’un système augmentant la liquidité internationale, de peur d’étendre l’inflation d’un pays à l’autre »77. Face aux réticences françaises, Dillon se montra très pragmatique : « Nous sommes d’accord sur le diagnostic : pas de problème de liquidité ; pas de problème dollar ; un problème Sterling […] ; c’est une question de méthode que nous devons trancher »78. Le recours au FMI présentait ainsi l’avantage, expliquait le secrétaire au Trésor américain, d’impliquer, plus que l’OCDE par exemple, un organisme déjà bien connu du Congrès qui ne créerait donc pas de « difficultés insurmontables » si le gouvernement était amené à envisager le versement d’une nouvelle contribution. De la même façon, l’intérêt principal d’envisager un accord multilatéral concernant notamment l’ensemble des pays de la CEE était, selon lui, d’obtenir de l’Allemagne de cette façon « quatre ou cinq fois plus d’argent qu’en opérant bilatéralement »79. Quant à l’inflation, admettait également Dillon, « on ne peut pas éviter aux Anglais de faire un effort pour rétablir leur situation. Les mécanismes de l’OCDE pourront être utilisés à cet effet. De même, la coordination existant entre les banques centrales doit permettre de constituer une première ligne de défense »80. Tout en faisant la part de tactique qu’ont pu représenter la souplesse apparente et le pragmatisme affiché du secrétaire au Trésor américain venu à Paris en position de demandeur, il reste que la négociation des AGE s’était enclenchée au sein d’un rapport de force international qui ne correspondait pas exactement au schéma opposant la jeune CEE aux « Anglo-Saxons » et au FMI supposé tout acquis à leurs intérêts.
40La tournure que prirent, durant l’automne 1961, les négociations sur les AGE après la fin de non-recevoir provisoire des pays de la CEE à Vienne confirme le rôle de premier plan joué par la France et les États-Unis. Au début d’octobre, René Larre, le conseiller financier français à Washington, avertissait Jean Sadrin, le directeur des Finances extérieures à Paris, qu’il avait retiré de conversations récentes avec George Willis et John Leddy le sentiment que les milieux de la Trésorerie américaine « se proposaient d’avoir de nouvelles conversations en Europe qui pourront permettre d’étendre le rôle des instances européennes en limitant en contrepartie les pouvoirs de décision du FMI »81. Le 25 octobre, Wilfrid Baumgartner recevait en effet à Paris la visite du secrétaire adjoint au Trésor, Robert Roosa. Le ministre des Finances en rendit compte au général de Gaulle, soulignant que « les propos de Roosa [lui avaient] permis de constater une grande évolution dans l’attitude américaine. La Trésorerie, ajoutait-il, admet maintenant que pour l’utilisation des fonds supplémentaires demandés essentiellement à l’Europe, les cas d’espèces soient pratiquement réglés en dehors du Fonds Monétaire International par une instance composée des Ministres des pays prêteurs et siégeant, par exemple, à l’OCDE à Paris »82.
41C’est effectivement sur ces bases et, au grand dam de Per Jacobsson, en dehors du FMI, que fut conçu entre la direction des Finances extérieures française et la trésorerie américaine, au début de novembre un nouveau projet, franco-américain cette fois, d’Accords généraux d’emprunt83. Douglas Dillon télégraphia à ce propos à Wilfrid Baumgartner qu’il se réjouissait des résultats des conversations qu’avait eues Rossa lors de son passage à Paris. Il informait aussi le ministre des Finances français que les Anglais, à son avis, devaient pouvoir participer à hauteur d’un milliard de dollars « au montant de 6,5 milliards de dollars dont il est question », mais, avouait-il, « nous ignorons leurs positions sur la question critique des procédures [de l’Accord] »84. Une réunion officieuse « au sujet du projet de constitution des ressources spéciales destinées à renforcer les liens entre certains pays membres du FMI »85, eut lieu à Paris, au ministère des Finances, le 17 novembre 1961, en présence de l’État-major du FMI au grand complet et des représentants des principaux pays industrialisés, dont G. Willis et J. Leddy du Trésor américain. « Les principales idées sur lesquelles se fonde le projet franco-américain », exposait d’emblée Jean Sadrin, visaient à doter les pays participants, « sans intention de concurrence avec le Fonds Monétaire International, d’une masse de manœuvre contrôlée par eux-mêmes ; [cela] afin de renforcer la coopération entre les pays industrialisés pour laquelle le cadre du FMI n’est pas parfaitement adapté »86. À cette manière de déclaration de guerre, le FMI fit immédiatement front, expliquant sans détour par la voix de Per Jacobsson que « le projet franco-américain » n’était pas acceptable dans sa forme, sinon dans le fond, car « il ne respect[ait] pas assez l’autorité du Fonds » et lésait « les pays sous-développés membres du FMI »87. Il revint donc à Per Jacobsson de proposer de se charger de la rédaction d’un troisième projet, qui réalisa de fait un compromis prévoyant dans le cadre du FMI de tenir compte au coup par coup de l’avis préalable des pays participants aux AGE. Le nouveau schéma du FMI fut qualifié par Baumgartner « d’assez loyal » lors de la réunion des ministres des Finances de la CEE conviée à Paris le 1er décembre 196188. Il fut finalement officiellement adopté, en présence de Jacobsson, par les ministres des Finances des dix pays les plus industrialisés réunis à Paris le 15 décembre 196189. Le Conseil des directeurs du FMI entérina l’Accord au début de 1962, nonobstant l’opposition très nette des représentants des pays extra-européens et/ ou en voie de développement90.
42La chronique des négociations des AGE met ainsi en évidence le rôle clef joué par l’établissement de conversations directes entre la trésorerie américaine et le ministère des Finances français, indépendamment dans une large mesure du FMI et plus encore des Britanniques. Il convient donc de ne pas surestimer de manière anachronique l’antagonisme franco-américain au début des années soixante. « Nous nous rappelons, déclara d’ailleurs Baumgartner à Dillon, l’aide donnée par les États-Unis à la France et à l’Europe »91. Au-delà des discours, l’évolution de la structure des avoirs de change de la Banque de France, autrement dit de sa répartition en or ou en devises, c’est-à-dire pour l’essentiel en dollars, en témoigne avec une singulière netteté.
43Outre le spectaculaire renversement qui a permis la reconstitution rapide des réserves de la France à partir de 1959, il faut souligner ici la remarquable stabilité de la proportion de dollars, un quart grosso modo, dans le total des avoirs de change détenus par l’Institut d’émission encore au début des années soixante. Le ratio atteint sa valeur la plus faible (21 %) en juillet 1960, à la veille de la crise du dollar, et s’accroît de nouveau régulièrement durant la crise de l’automne, atteignant 24 % en octobre, passant en valeur absolue de la fin juillet à la fin octobre de 428 à 513 millions de dollars, soit une augmentation de 20 %. Les réserves officielles de la France, à l’évidence, ne contribuèrent donc pas à cette date au fléchissement du dollar sur le marché de l’or. Plus généralement, on peut remarquer au cours de la période une tendance marquée à l’accroissement des avoirs de la Banque en dollars qui atteignirent même un maximum, à 928 millions de dollars en juillet 1961. C’est dire que la politique de conversion systématique des dollars en or qui marqua la période suivante n’était pas encore de mise en 1960-1961. D’autant moins que les transferts en dollars qui résultaient du stationnement des troupes américaines en France étaient encore loin d’être négligeables. Ils représentèrent même une part encore appréciables, près de 20 % en avril 1961, des excédents de la balance de paiements de la France dans la période.
44Ces chiffres rappellent que la France, à cette date, est toujours un des piliers de l’OTAN. Ils soulignent aussi que l’histoire des AGE ne peut se comprendre que dans le contexte international et stratégique de la Guerre froide qui connut, dans la période, une manière d’apogée marquée aussi bien, comme on sait, par l’échec du débarquement de la Baie des Cochons à Cuba en avril 1961 que par l’érection du mur de Berlin en août 196192. Ces contraintes géopolitiques étaient bien entendu parfaitement présentes à l’arrière-plan des négociations monétaires internationales qui aboutirent aux AGE en décembre 1961. Ainsi, les ministres des Finances des Six réunis à Ostende en juillet 1961 pour exprimer leur opposition de principe au projet du FMI avaient néanmoins « reconnu la nécessité de renforcer le dispositif de défense du système monétaire occidental »93. De même, à la veille de l’Assemblée du FMI à Vienne, au sein cette fois du Comité monétaire de la CEE globalement hostile à l’adoption par les gouverneurs du Fonds de la résolution proposée par Per Jacobsson, « la plupart des membres du Comité ont estimé qu’il serait, néanmoins, inopportun pour les représentants des pays de la CEE de s’opposer au vote de cette résolution », au motif que cet acte de défiance « éveillerait des doutes sur la solidarité occidentale »94. Nul doute que la cohésion obligée du bloc occidental ait contribué à limiter fortement au début des années soixante l’émergence de l’Europe monétaire dont les AGE constituaient les premiers jalons.
45Aux limites imposées par les logiques d’alliance de la Guerre froide s’est, en outre, ajouté le poids des divisions persistantes au sein de l’Europe d’après guerre. Si les négociations des AGE, on a tenté de le montrer, ont consacré les débuts de l’Europe des Six dans le domaine des relations monétaires internationales, elles ont mis en évidence les lignes de fracture qui séparaient alors encore fortement les nations en Europe. Sans même évoquer la Grande-Bretagne, dont l’effacement relatif à cette date dans le domaine de la gestion du système monétaire international est patent, les différences structurelles entre les économies européennes apparaissent de fait encore particulièrement accusées. C’est ce qu’exprimait d’une certaine manière Pierre Calvet devant le Comité monétaire au moment de la crise du dollar :
« Sans doute l’évolution de la situation américaine au cours des prochains mois dépendra-t-elle, dans une large mesure, du comportement des banques centrales et plus particulièrement de la coopération passive dont celles-ci pourront faire preuve à l’égard des États-Unis, en s’abstenant de réclamer systématiquement la conversion en or de leurs avoirs en dollars. Mais une telle abstention n’aboutit, en aucune manière, à une répartition équitable des sacrifices ou des risques, puisque certaines banques centrales ne possèdent en fait que des avoirs en or, tandis que d’autres ont en dollars une partie appréciable de leurs réserves. La solution n’est donc pas très satisfaisante et peut, sur le plan national appeler de très fortes objections »95.
46Les disparités qui marquaient la structure des avoirs de change officiels des pays de la CEE étaient le reflet de disparités plus fondamentales entre leurs économies respectives. Là était sans doute le frein principal à l’émergence d’une possible identité monétaire européenne. Otmar Emminger ne disait pas autre chose lorsqu’il plaidait en avril 1960 « pour la possibilité de différencier les décisions monétaires en fonction de la conjoncture propre à chaque pays [de la CEE] et pour le maintien d’une certaine indépendance monétaire, aussi longtemps que les politiques budgétaires et fiscales ne seront pas unifiées »96.
47Mais la relation en demi-teinte qui transparaît au cours des négociations des AGE entre la France et la RFA renvoie aussi à la place singulière toujours occupée par cette dernière dans l’Europe de l’après Seconde Guerre mondiale. Le projet des AGE, porté à bout de bras par l’administration américaine découlait en effet largement de l’échec de la mission Anderson-Dillon effectuée à Bonn en novembre 1960 dans le but, on le sait, d’obtenir de l’Allemagne une contribution directe aux frais de stationnement des troupes américaines sur son sol au titre de l’Alliance atlantique. Suite au refus du gouvernement allemand de céder alors à une solution inacceptable pour son opinion, le schéma des AGE représentait une alternative possible. Aux yeux de la France, l’Allemagne avait donc un intérêt évident à accepter sans condition le projet d’une contribution collective impliquant l’ensemble des pays industrialisés. À l’issue du sommet des ministres des Finances de la CEE à Bad Godesberg en septembre 1961, Claude Pierre-Brossolette commenta en ce sens la conférence de presse que venait de donner le ministre allemand, Etzel, flanqué de Karl Blessing et d’Otmar Emminger : alors que le ministre des Finances allemand serait resté « assez vague et assez général », les représentants de la Bundesbank, en revanche, auraient fait part « des divergences de vues entre les Six et des positions opposées de la France et de l’Allemagne. On ne peut s’empêcher d’avoir le sentiment, concluait le haut fonctionnaire des Finances extérieures, que les Allemands ont désiré faire savoir que la réponse commune à la lettre de Dillon reflétait surtout la position de leurs partenaires des Six »97.
48Ces tensions entre les pays de la CEE, particulièrement nette ici entre la France et l’Allemagne, ont constitué tout autant un obstacle à l’émergence d’une « Europe monétaire », notion à n’en pas douter trop précoce pour cette période, et qui prouve a contrario combien la formation du couple franco-allemand quelque dix ans plus tard a constitué le facteur décisif de la dynamique d’unification monétaire européenne.
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49L’analyse du rôle de la France et de la CEE dans les négociations des Accords généraux d’emprunt montre qu’ils peuvent difficilement être présentés comme le prologue du débat qui a suivi à partir de 1963 sur la réforme du système monétaire international. Ils semblent, au contraire, avoir constitué le point d’orgue de la période de reconstruction qui est la marque profonde de la décennie d’après guerre, caractérisée à la fois par la Guerre froide, la persistance des divisions européennes et le leadership américain.
50Mais les AGE, dans le même temps, comportent bien des éléments d’une étonnante nouveauté : apparition des tout nouveaux organismes monétaires de la CEE parmi les acteurs institutionnels du système financier international ; renaissance des mouvements de capitaux internationaux à court terme dans un monde à la volatilité monétaire croissante, où la liquidité en main privée tend à augmenter toujours plus vite que les réserves des banques centrales ; constitution enfin des linéaments d’une doctrine monétaire européenne, fondée sur la hantise de l’inflation et la recherche de la stabilité du système des changes.
51Autant de traits qui, par-delà la parenthèse au demeurant vite refermée du grand débat de la seconde moitié des années soixante sur la réforme du système monétaire international, ont jeté jusqu’à nos jours les bases, qu’on peut bien appeler modernes, de l’Europe monétaire. Mais cette évolution de fond, à laquelle Baumgartner fut associé dans le cadre de la politique monétaire extérieure, singulièrement dans le contexte de la construction européenne, contribuait aussi à creuser un peu plus l’écart avec la politique monétaire à laquelle, on l’a vu, il présidait à l’intérieur, dans le cadre national. Cette divergence ne devait cesser de s’accroître au cours des deux décennies suivantes, culminant d’une certaine manière au début des années 1980. L’étude de l’ultime étape de la carrière de Baumgartner, placé, quelques mois après sa démission de la charge de ministre de l’Économie et des Finances, à la présidence de Rhône-Poulenc entre 1963 et 1973, met ainsi pleinement en évidence la tension existant dès lors entre les dynamiques internationales des marchés et les mécanismes protecteurs persistants d’un système financier français marqué par l’apogée des formes d’économie d’endettement.
Notes de bas de page
1 Horsefield (Keith J.) (dir.), The International Monetary Fund, 1945-1965, IMF, Washington, 1969, vol. I, Chronicle, p. 502-503. L’acceptation de l’article VIII mettait fin ipso facto à l’application de l’article XIV (« Transitional Period ») des statuts qui autorisait les pays membres « à conserver et à adapter au gré des circonstances […] des restrictions sur les paiements et les transferts résultants de transactions internationales courantes » (Articles of Agreement of the IMF, reproduits in Horsefield (Keith J.), op. cit., vol. III, Documents, p. 203).
2 Cottrell (Philip L.), « La Banque d’Angleterre, les crises de la livre sterling et l’Europe », in Politiques et pratiques des banques d’émission, op. cit., p. 787-803.
3 Triffin (Robert), L’or et la crise du dollar, Paris, PUF, 1962, p. 180 sqq. [traduction française de Gold and the Dollar Crisis, New Haven, Yale University Press, éd. révisée, 1961, 1re édition, 1960].
4 Outre les six pays membres de la CEE, les AGE furent également signés par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon et la Suède, donnant ainsi naissance de fait au Groupe des Dix. La Suisse adhéra à son tour aux AGE en juin 1964.
5 Cf. Tew (Brian), International Monetary Cooperation, 1945-1967, Londres, Hutchinson University Library, 9e édition, 1967, p. 197-198 ; Solomon (Robert), Le système monétaire international, Paris, Économica, 1979, p. 40 [traduction française de The International Monetary System, New York, Harper and Row, 1977].
6 La présentation la plus détaillée, sinon la plus impartiale, sur les Accords généraux d’emprunt et les négociations qui aboutirent à leur conclusion est dans l’histoire officielle du FMI publiée à l’occasion de son vingt-cinquième anniversaire sous la direction de J. Keith Horsefield (op. cit., vol. I, p. 507-516). Elle constitue la source principale des rares auteurs qui ont depuis lors brièvement abordé l’histoire des AGE, toujours, il est vrai, non pour eux-mêmes mais dans une perspective de plus longue durée. Cf. par exemple James (Harold), International Monetary Cooperation since Bretton Woods, Washington et Oxford, Fonds monétaire international et Oxford University Press, 1996, p. 161-164. Cf. aussi Toniolo (Gianni), Central Bank Cooperation…, op. cit., p. 400-402.
7 Bordo (Michael D.), Simard (Dominique) et White (Eugene N.), « France and the Bretton Woods International Monetary System : 1960 to 1968 », National Bureau of Economic Research, Working Paper n° 4642, février 1994, p. 10 [publié avec des corrections marginales in Jaime Reis (dir.), International Monetary Systems in Historical Perspective, Londres, MacMillan, 1995, p. 153-180]. Nous remercions Gilles Grin de nous avoir très aimablement signalé l’existence et communiqué une copie du working paper du NBER.
8 Né en 1928, inspecteur des Finances, Claude Pierre-Brossolette a été adjoint à l’attaché financier à New York d’avril 1957 à juillet 1958, avant d’entrer à la direction des Finances extérieures, dont il est devenu le directeur adjoint en décembre 1962, après un passage comme conseiller technique au cabinet de Wilfrid Baumgartner du 8 octobre 1960 au 18 janvier 1962. Après la suppression des FINEX en 1965, il conserva ses fonctions de directeur adjoint au sein de la direction du Trésor qu’il a finalement dirigée entre 1971 et 1974, puis a occupé jusqu’en 1976 les fonctions de secrétaire général à la présidence de la République, avant de présider le Crédit lyonnais de 1976 à 1982.
9 Pierre-Brossolette (Claude), « Les relations monétaires extérieures de 1958 à 1964 », in Institut Charles De Gaulle, De Gaulle en son siècle, Actes des journées internationales tenues à l’UNESCO, Paris, du 19 au 24 novembre 1990, Paris, La Documentation française-Plon, 1992, t. III, Moderniser la France, p. 143-147.
10 Bottex (Agnès), « La mise en place des institutions monétaires européennes (1957-1964) », Histoire, Économie et Société, 18e année, 4e trimestre 1999, n° 4, p. 753-774.
11 Jacobsson (Per), « The Economic Position of Europe », exposé fait devant la Conference for Corporate Executives à Washington le 15 décembre 1959 reproduit in International Monetary Problems, Selected Speeches of P. Jacobsson, Washington, International Monetary Fund, 1964, p. 111-116.
12 Aglietta (Michel) et de Boissieu (Christian), « L’émergence de la monnaie européenne », Genèses, n° 8, juin 1992, p. 4-5 ; Bottex (Agnès), Naissance d’une identité monétaire en Europe, 1957-1972 : de la CEE à l’UEM, l’intégration monétaire à la lumière des flux internationaux de capitaux, thèse de doctorat sous la direction d’Alain Plessis, université de Paris X, 2003, 2 vol., 625 p. dactyl.
13 Cette problématique doit beaucoup aux exposés et discussions qui furent présentés au cours de l’atelier « Central Banking, Currency Convertibility and Economic Interdependance : Case Studies from Western Europe in the 1960s », organisé par Stefano Battilossi et Alan Milward à l’Institut universitaire européen à Florence en mars 2000.
14 Bossuat (Gérard), « Questions sur l’identité monétaire européenne à travers les positions de Jean Monnet, Robert Triffin et Pierre Mendès France », Bussière (Éric) et Dumoulin (Michel) (dir.), Milieux économiques et intégration européenne…, op. cit., p. 105-113.
15 Perron (Régine), « Le discret projet de l’intégration monétaire européenne (1963-1969) », Loth (Wilfried) (dir.), Crises and Compromises : the European Project (1963-1969), Baden-Baden, Nomos Verlag, 2001, p. 345-367.
16 Horsefield (Keith J.), op. cit., p. 510.
17 Solomon (Robert), op. cit., p. 40.
18 Bordo (M.) et alii, op. cit., p. 10. Il est significatif de souligner la part finalement accordée par ces auteurs aux rapports de force internationaux alors même que leur postulat de départ était d’étudier la stratégie monétaire extérieure de la France en s’écartant des « histoires traditionnelles » qui font des « considérations politiques nationalistes », comme dans le cas de la politique menée sous le général de Gaulle, le ressort principal des évolutions du système monétaire international.
19 Lettre de Wilfrid Baumgartner à Douglas C. Dillon du 9 septembre 1961, AWB, 3BA50, Dr6 [version avec corrections manuscrites de Wilfrid Baumgartner].
20 Ibid.
21 Jacobsson (Per), « The International Liquidity Problem », exposé au Centre de recherche économique et financière de Bâle le 11 juin 1958, reproduit in International Monetary Problems, op. cit., p. 49 [Cet exposé résumait les points principaux et les conclusions du long rapport « International Reserves and Liquidity » que le FMI publia le 16 septembre 1958 (reproduit in Horsefield (Keith J.), op. cit., vol. III, p. 349-410)].
22 Jacobsson (Per), « The International Liquidity Problem », art. cité, p. 66.
23 Triffin (Robert), L’or et la crise du dollar…, op. cit., p. 19-33. Pour une présentation du dilemme et du plan de Triffin, cf. Grin (Gilles), « L’évolution du système monétaire international dans les années : les positions des économistes Robert Triffin et Jacques Rueff », Relations internationales, n° 100, hiver 2000, p. 377-392.
24 Bossuat (Gérard), « Jean Monnet et l’identité monétaire européenne », in Bossuat (Gérard) et Wilkens (Andreas), (dir.), Jean Monnet, l’Europe et les chemins de la Paix, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 369-398.
25 Van Lennep (Emile), Working for the World Economy, A Personal History, (with Evert Schoorl), Amsterdam, Nederlands Instituut voor het Bank- en Effectenbedrijf, 1998, p. 97-100 [Nous remercions Evert Schoorl de nous avoir aimablement communiqué un exemplaire de cet ouvrage].
26 Rapport du directeur des Finances extérieures et du sous-gouverneur de la Banque de France au ministre des Finances et des Affaires économiques sur la 24e session du Comité monétaire de la CEE des 14 et 15 novembre 1961, p. 2, Archives de la Banque de France (ABF), DDPE 43-1397, 3/5.
27 Ibid., p. 2.
28 Ibid., p. 3.
29 Ibid., p. 5.
30 Rapport du directeur des Finances extérieures et du sous-gouverneur de la Banque de France au ministre des Finances et des Affaires économiques sur la 32e session du Comité monétaire de la CEE du 7 juillet 1961, p. 1-2, ABF, DDPE 43-1397, 3/5.
31 Lettre de M. van Lennep, président du Comité monétaire de la CEE à M. Jacobsson, Président [sic] Directeur Général du Fonds Monétaire International, s.d., ABF, DDPE 43-1397, 3/5. L’épisode n’est mentionné ni par J. Horsefield (1969), ni plus récemment par H. James (1996) qui, plus généralement, gardent tous deux un étonnant silence sur l’existence même du Comité monétaire de la CEE.
32 Rapport du directeur des Finances extérieures et du sous-gouverneur de la Banque de France au ministre des Finances et des Affaires économiques sur la 30e session du Comité monétaire de la CEE des 23 et 24 mai 1961, p. 6, ABF, DDPE 43-1397, 4.
33 Pierre Esteva, « De L’Union Européenne de Payements à l’Accord Monétaire Européen », Bulletin de Liaison et d’Information de l’Administration centrale des Finances, janvier-février 1959, p. 43-50.
34 Horsefield (Keith J.), op. cit., p. 508-509.
35 Van Lennep (E.), Working…, op. cit., p. 114-115.
36 Rapport du directeur des Finances extérieures et du sous-gouverneur de la Banque de France au ministre des Finances et des Affaires économiques sur la 33e session du Comité monétaire de la CEE des 4 et 5 septembre 1961, p. 1-2, ABF, DDPE 43-1397, 4.
37 Notes de séance de Wilfrid Baumgartner, le 4 septembre 1961, 3 feuillets manuscrits, AWB, 3BA50, Dr6.
38 Ibid.
39 Note de la direction des Finances extérieures du ministère des Finances du 4 septembre 1961, AWB, 3BA50, Dr6.
40 Rapport sur la 33e session du Comité monétaire de la CEE, doc. cité, p. 3.
41 Ibid., p. 6.
42 Ibid., p. 5.
43 La réalité de cette modification des rapports de force est illustrée a contrario par le jugement que porta, quelques années après, la chronique officielle du FMI sur l’Assemblée de Vienne, estimant sans sourciller que les discours qui y furent prononcés « furent remarquables en ce qu’ils exprimaient l’acceptation implicite (the implicit acceptance) chez quasiment tous les orateurs du rôle du FMI comme facteur clef du système monétaire international, plutôt que comme un instrument isolé doté d’une fonction propre » (Horsefield (Keith J.), op. cit., vol. I, p. 475).
44 Script de l’allocution de Wilfrid Baumgartner du 20 septembre 1961 à l’assemblée annuelle des gouverneurs du FMI, 7 pages dactyl., avec corrections manuscrites de la main de Baumgartner, AWB, 3BA51, Dr3.
45 Ibid., p. 5.
46 Conclusions du Rapport du Groupe de Travail chargé de l’étude du problème de la liquidité internationale, annexé au rapport sur la 32e session du Comité monétaire de la CEE du 7 juillet 1961, doc. cité, p. 5.
47 Rapport sur la 32e session du Comité monétaire du 7 juillet 1961, doc. cité, p. 2.
48 Statement by the Hon. M. W. Holtrop, President, De Nederlandsche Bank at the Fund’s Annual Discussion, le 20 septembre 1961, Press Release n° 56, p. 2, AWB, 3BA51, Dr4.
49 Conclusions du Rapport du Groupe de Travail chargé de l’étude du problème de la liquidité internationale, doc. cité, p. 5 [souligné dans le texte].
50 Rapport sur la 33e session du Comité monétaire de la CEE du 4 et 5 septembre 1961, doc. cité, p. 3.
51 Dickhaus (Monika), Die Bundesbank im westeuropäischen Wiederaufbau, die internationale Währungspolitik der Bundesrepublik Deutschland 1948 bis 1958, Munich, Oldenburg, 1996, p. 65 sqq.
52 Bussière (Éric), « La Banque de France et la réforme du système monétaire international : entre impératifs nationaux et solidarité des banques centrales européennes (1963-1968) », Histoire, Économie et Société, oct-déc. 1999, p. 797-814.
53 Rapport sur la 31e session du Comité monétaire du 9 et 10 juin 1961, doc. cité, p. 5.
54 Conclusions du Rapport du Groupe de Travail chargé de l’étude du problème de la liquidité internationale, doc. cité, p. 5.
55 Rapport sur la 31e session du Comité monétaire du 9 et 10 juin 1961, doc. cité, p. 6.
56 « Aspects financiers de la négociation entre la Grande-Bretagne et la CEE », note de la direction des Finances extérieures, ministère des Finances et des Affaires économiques, s. d., 3 p. dactyl., AWB, 3BA52, Dr5.
57 Questionnaire concernant la discussion actuelle sur la réforme des institutions monétaires internationales (établi par le Dr Schleiminger), Bruxelles, le 5 juin 1961, 3 p. dactyl., ABF, DDPE 431397/4.
58 Rapport sur la 31e session du Comité monétaire du 9 et 10 juin 1961, doc. cité, p. 5.
59 Ibid., p. 3.
60 Allocution de Wilfrid Baumgartner à la XVe assemblée annuelle du FMI à Washington, le 22 septembre 1960, AWB, 3BA20, Dr5.
61 Projet d’exposé du directeur général du FMI pour présenter le rapport annuel des directeurs exécutifs à l’Assemblée des gouverneurs du Fonds (à Vienne, le 18 septembre 1961), transmis à Wilfrid Baumgartner par le suppléant français au FMI, Waïtznegger le 29 août 1961, AWB, 3BA51, Dr1.
62 La longue étude « International Reserves and Liquidity » publiée par le FMI en septembre 1958 n’avait ainsi pas envisagé le problème de la résurgence de mouvements de capitaux de nature spéculative, sinon par une seule et vague allusion à la possibilité d’un run sur le dollar ou sur tout autre monnaie qui impliquait que le Fonds soit prêt à l’avenir à toute éventualité… (Horsefield (Keith J.), op. cit., vol. III, p. 388).
63 Triffin (Robert), L’or et la crise du dollar, op. cit., p. 17-33.
64 Rapport sur la 24e session du Comité monétaire des 14 et 15 novembre 1960, doc. cité, p. 3.
65 Projet d’exposé du directeur général du FMI…, doc. cité.
66 Feiertag (Olivier), « Banques centrales et relations internationales au xxe siècle : le problème historique de la coopération monétaire internationale », Relations internationales, n° 100, hiver 1999, p. 355-376.
67 Prate (Alain), La France en Europe, Paris, Économica, 1995, p. 41.
68 Bottex (Agnès), « La mise en place des institutions monétaires européennes (1957-1964) », art. cité.
69 Conclusions du Rapport du Groupe de Travail chargé de l’étude du problème de la liquidité internationale, doc. cité, p. 8.
70 Conférence de presse de Wilfrid Baumgartner le 21 septembre 1961, AWB, 3BA51, Dr5.
71 Lettre de Wilfrid Baumgartner à F. J. Weale du 23 octobre 1961, AWB, 3BA52, Dr2.
72 « Bully for Baumgartner ! », article de Patrick Sergeant dans le Daily Mail du 23 septembre 1961.
73 Soutou (Georges-Henri), La guerre de Cinquante Ans. Les relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2001, p. 357-400.
74 Lettre de Franz Etzel à Douglas Dillon du 5 septembre 1961, copie transmise par Etzel à Baumgartner, AWB, 3BA50, Dr6.
75 De Lattre (André), Servir aux Finances, op. cit., p. 148.
76 Procès-verbaux des conversations de W. Baumgartner avec D. Dillon des 18 et 19 mai 1961, I, 5 p. et II, 4 p. dactyl., AWB, 3BA48, Dr1, II, p. 1.
77 Ibid., I, p. 5.
78 Ibid., I, p. 3 et II, p. 1.
79 Ibid., I, p. 3.
80 Ibid., II, p. 2.
81 Note de René Larre à Jean Sadrin du 13 octobre 1961, AWB, 3BA52, Dr2.
82 Lettre de Wilfrid Baumgartner au général de Gaulle du 26 octobre 1961, AWB, 3BA53, Dr2.
83 Horsefield (Keith J.), op. cit., vol. I, p. 511.
84 Télégramme de D. Dillon à W. Baumgartner du 6 novembre 1961, AWB, 3BA54, Dr4.
85 Compte rendu de la réunion officieuse tenue à Paris le 17 novembre 1961 au sujet du projet de constitution des ressources spéciales destinées à renforcer les liens entre certains pays membres du FMI, 4 p. dactyl., AWB, 3BA53, Dr5.
86 Ibid., p. 1.
87 Ibid., p. 2-3.
88 Notes de séance de la conférence des ministres des Finances de la CEE du 1er décembre 1961 à Paris, AWB, 3BA53, Dr5.
89 Réunion des dix ministres des Finances des pays industrialisés à Paris le 13 décembre 1961, AWB, 3BA54, Dr1.
90 James (Harold), op. cit., p. 164.
91 Procès-verbal de la conversation entre D. Dillon et W. Baumgartner le 18 mai 1961, doc. cité, p. 3.
92 Sur les liens entre les relations monétaires internationales et les évolutions diplomatiques et stratégiques de la Guerre froide, cf. Zimmermann (Hubert), « Dollars, Pounds and Transatlantic Security. Conventionnal Troops and Monetary Policy in Germany’s Relations to the United States and the United Kingdom, 1955-1967 », Thèse de l’Institut universitaire européen de Florence, 1997.
93 Rapport sur la 33e session du Comité monétaire de la CEE des 4 et 5 septembre 1961, doc. cité, p. 1.
94 Ibid., p. 6.
95 Rapport sur la 24e session du Comité monétaire de la CEE des 14 et 15 novembre 1960, doc. cité, p. 6.
96 Conférence d’O. Emminger du 29 avril 1960 in Deutsche Bank, Auszüge aus Presseartikeln, 15 juin 1960, traduite et commentée dans une note de C. Hannezo à Wilfrid Baumgartner du 8 juillet 1960, AWB, 3BA20, Dr3.
97 Note de Claude Pierre-Brossolette au ministre des Finances « sur la presse allemande sur la réunion des ministres des Finances des Six » du 6 septembre 1961, AWB, 3BA50, Dr2.
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