Chapitre IX. La banque de France face aux débuts de la construction européenne (1950-1955)
p. 439-465
Texte intégral
1Les répercussions sur les échanges européens de la hausse des prix mondiaux entraînée par la guerre de Corée, la rapide redéfinition des rapports de force qui en résulta au sein de l’Union européenne des paiements à peine née, la fin aussi du régime artificiel établi depuis 1948 par l’aide Marshall ont contribué, au début de la décennie 1950, à replacer d’un coup la France au contact des réalités extérieures, particulièrement dans son environnement européen. Sur le plan commercial et monétaire, le relèvement très rapide de la puissance financière de la RFA, évident au sein de l’UEP, lui faisait prendre la tête du bloc des pays fortement créditeurs de l’Union : la Belgique, la Hollande et secondairement la Suisse. Dans le même temps, les efforts de la Grande-Bretagne pour restaurer la prédominance internationale de la livre sterling prirent à partir de 1952 les formes du long débat sur le retour à la convertibilité externe des monnaies européennes au cours duquel le rôle d’arbitre, une fois de plus, échut aux États-Unis.
2La Banque de France et son gouverneur furent concernés au premier chef par les nouveaux enjeux monétaires du rapport de forces international. Leur rôle dans le fonctionnement quotidien de l’UEP, au contact permanent des banques centrales européennes dans le cadre de la Banque des règlements internationaux et dans le cadre aussi de relations bilatérales maintenues, l’autorité de plus en plus reconnue aussi de Wilfrid Baumgartner dans les milieux du Fonds monétaire international, aboutirent à faire du gouverneur de la banque d’émission française un acteur important et écouté des évolutions économiques et financières qui s’esquissèrent alors face aux débuts de la construction européenne, du lancement de la Communauté européenne du Charbon de l’Acier en 1950 à la tenue de la conférence de Messine en juin 1955.
L’ENTRÉE DE LA FRANCE DANS L’EUROPE : LE COURAGE ET L’ALIBI
3Le poids renouvelé d’une contrainte économique proprement européenne apparut avec particulièrement de netteté à l’occasion du tournant qu’imprimèrent à l’automne 1951 les autorités monétaires à la politique du crédit. Mettant brutalement fin au relâchement des conditions de crédit amorcé à peine un an auparavant, la Banque de France appuyée sur le Conseil national du crédit décidait alors de relever le taux de l’escompte et d’accentuer le filtrage qualitatif des demandes de crédit. Ces mesures restèrent en vigueur jusqu’en septembre 1953, en dépit de la campagne de protestations sans précédent de la part des milieux économiques et de l’essoufflement de l’activité en 1952-1953 qui lui fut imputé. Au printemps 1953, un fort mouvement parti du milieu de l’industrie automobile, bientôt relayé par Robert Buron, le bouillant secrétaire d’État MRP à l’Économie nationale du cabinet Mayer, s’affirma en faveur d’une « relance » par le crédit. Mais rien n’y fit : les autorités monétaires restèrent inflexibles1. Ce n’est qu’à partir du moment où la situation des paiements extérieurs de la France commença à s’améliorer, au dernier trimestre de 1953, que la Banque de France se décida à assouplir progressivement les conditions du crédit. Il faut donc bien souligner la part prise par la considération de la situation internationale de la France dans les raisons principales qui motivèrent l’évolution de la politique monétaire de l’automne 1951 au début de 1954. « On manie le taux d’escompte, expliquait en effet le gouverneur, en fonction de deux éléments : l’un est l’élément intérieur, le volume du crédit, l’autre est l’élément extérieur, la situation de la balance des comptes »2. On se condamnerait donc à n’avoir jamais de la politique monétaire entre 1952 et 1955 qu’une vision tronquée si l’on ne tenait pas compte de l’évolution des paiements extérieurs de la France dans la période qui vit les débuts du processus de construction européenne. Baumgartner, très tôt, en octobre 1952, aperçut les enjeux monétaires de cette marche à l’intégration :
« Nous allons entrer dans l’Europe ; il ne faut pas que notre entrée dans l’Europe soit considérée comme un alibi pour un manque de courage. […] Il faut que nous nous présentions comme des gens qui ont fait de leur côté tout l’effort possible pour rétablir leur santé monétaire. »3
4Cette exigence était appelée, l’avenir l’a montré, à connaître une large divulgation. Mais, en 1951-1952, elle soulignait surtout les grandes difficultés que connaissaient les paiements extérieurs de la France. Elle permet aussi de comprendre l’attention portée à partir de 1949-1950 au problème du commerce extérieur et la part que le gouverneur prit dans l’adoption des mesures de crédit destinées à en faciliter le financement4. Toutefois, en dépit du soutien ainsi accordé par les autorités monétaires, le total des crédits consentis aux exportateurs demeurait faible et il n’empêcha pas, à partir du deuxième semestre de 1951, le brutal retournement de la position commerciale française. Le comité directeur de l’UEP le nota sans détour :
« Au cours des derniers mois, il s’est produit dans les positions d’importantes parties contractantes de l’Union des changements remarquables : les deux créditeurs les plus importants au sein de l’Union, le Royaume- Uni et la France, ont eu des déficits très élevés. »5
5L’inflation entraînée par la soudaine croissance de la demande mondiale au moment de la guerre de Corée avait, dans un premier temps, fortement contribué à détériorer les balances extérieures de l’Allemagne et de la Hollande en enchérissant considérablement les importations nécessaires à leurs industries en plein relèvement. Au contraire, le Royaume-Uni, et secondairement la France, avaient augmenté dans l’intervalle leurs exportations, notamment à destination des États-Unis. Mais dès cette époque, encore en plein boom coréen, le gouverneur avait mis en garde le Conseil national du crédit :
« Dans les mois prochains, nous ne pourrons pas ne pas subir le contrecoup de l’évolution de la conjoncture internationale […] et il faudra sans doute freiner tout ce qui peut aller vers la reconstitution d’une spirale inflationniste »6.
6En mai, dans la même enceinte, il avait souligné la soudaine élévation des prix français, et noté, non sans alarmes, que la France avait même « une certaine tendance à devancer les pays voisins »7. Le tour restrictif donné en octobre et novembre à la politique monétaire visait ainsi à substituer au mécanisme de régulation classique par les mouvements de capitaux en régime d’étalon-or, rendue inopérante en régime de contrôle des changes, le principe d’une réduction administrée des disponibilités par le jeu du Fonds de stabilisation des changes et du renchérissement du crédit. Cette conception de la politique de l’escompte était à l’origine de la polémique qui opposa en 1952 le gouverneur à Émile Mireaux, l’auteur en 1930, on l’a déjà dit, des Miracles du crédit8. Dans Le Réveil économique, ce dernier critiqua en effet le recours « aux vieilles formules et aux anciennes ordonnances qui ont fait jadis merveille de restriction du crédit et du jeu de taux de l’escompte ». C’était là, selon lui, le signe indubitable « d’un véritable psittacisme financier »9. La réponse de Baumgartner, sans quartier, se fondait sur les succès remportés par ces veilles médications monétaires dans le cas de la crise des paiements de l’Allemagne et de la Hollande, sur l’éclatante santé des finances extérieures de la Belgique dont la politique monétaire était une des plus rigoureuses d’Europe :
« Je dédie cette expérience très universelle […] à l’auteur, disons relativement notoire d’un article relativement perfide, paru dans un journal relativement confidentiel et qui n’a pas hésité à s’esclaffer sur le fait que la Banque de France semble croire qu’il existe, en régime de contrôle des changes, une liaison entre les mesures relatives au crédit et la situation de la balance des paiements. »10
7En fait, il semble que le bien-fondé théorique de l’interdépendance entre le volume des liquidités intérieures et le niveau des liquidités externes, en régime de contrôle de change, est difficile à établir11. Mais le postulat, aux yeux de Baumgartner, était d’autant plus valide qu’il était partagé par la plupart des pays européens revenus par une politique de crédit restrictive à la santé monétaire : l’Allemagne et la Hollande, premiers touchés, avaient aussi été les premiers à réagir. La Bank deutscher Länder avait ainsi porté son taux d’intervention de 4 à 6 %, tandis qu’il était passé de 2 à 4,5 % à la Banque néerlandaise. Le résultat, commentait le gouverneur de la Banque de France, « est qu’à l’heure actuelle, les deux meilleures monnaies en Europe Occidentale sont indiscutablement […] la monnaie hollandaise et la monnaie allemande »12.
8Et lorsqu’à son tour la France décida d’infléchir sa politique monétaire, la Grande-Bretagne prit presque simultanément des mesures d’une portée similaire. Par un échange de télégrammes, Baumgartner et Cobbold s’étaient d’ailleurs tenus informés avec quelques jours d’avance des mesures que chacune de leur côté, les deux banques d’émission avaient décidé de prendre13. La convergence de vues, au moins sur la question de la politique de l’escompte, apparaissait totale des deux côtés de la Manche14. Le gouverneur de la Banque de France citait ainsi très souvent et volontiers le discours que son collègue britannique avait prononcé quelques mois après l’abandon de l’ère de l’argent bon marché et la chute du cabinet travailliste, à l’occasion du traditionnel banquet du lord-maire de Londres :
« Il a été démontré que les mouvements du taux de la Banque d’Angleterre, et, plus généralement, la politique monétaire, peuvent encore exercer un effet très puissant. Quelques épouvantails ont été renversés : il a été prouvé qu’un relèvement sensible du taux de la Banque ne provoque pas inévitablement un chômage accentué. »15
9Illustration des relations personnelles existant entre Baumgartner et Cobbold, ces échanges traduisent aussi la réalité d’une communauté de vues progressivement instaurée entre les gouverneurs des banques centrales européennes et renforcée, de fait, à partir du déclenchement des hostilités en Corée, par l’apparition d’un environnement inflationniste commun. Les propos de Cobbold, précisait ainsi Baumgartner, « sont tenus par presque tous les gouverneurs », « le groupe d’hommes le plus impopulaire du monde », reconnaissait-il avec une pointe de fierté, citant le mot du représentant américain au FMI, Andrew Overby, lors du dîner de clôture de l’assemblée du Fonds en 1950. Au même moment, un long article du magazine économique américain Fortune, sous la signature de Michael A. Heilperin, parut sous un titre évocateur : « Western Europe Rediscovers Money »16. Le débat sur la monnaie, était-il expliqué, avait été tranché en Europe en faveur des banques centrales ; partout on reconnaissait l’importance de la politique monétaire et de la solvabilité des finances extérieures. Et, quelque temps plus tard, un jeune professeur d’économie de l’université de Caen, Raymond Barre, aboutit à une conclusion fort semblable dans un article de la Revue Économique de novembre 195517. Or, Wilfrid Baumgartner, par ses fonctions, ses relations personnelles, sa vision du monde aussi, mûrie du spectacle des échecs monétaires de l’entre-deux-guerres, était particulièrement apte à saisir les enjeux du nouvel ordre monétaire européen qui se mettait en place. On comprend donc aisément que la dégradation continue de la position française au sein de l’UEP à partir d’août 1951 et jusqu’au début de 1954 ait figuré alors sans discontinuer au premier plan des préoccupations du gouverneur de la Banque de France.
LA FRANCE DANS L’UEP : LES « DEUX FACES DE LA MONNAIE »
10« La monnaie a deux faces : sa face interne et sa face externe »18, martelait Wilfrid Baumgartner en octobre 1952 alors que le déficit commercial de la France ne cessait de s’aggraver depuis janvier aboutissant en 1952-1953 à une première crise des paiements français au sein de l’UEP (cf. figure n° 26).
11La brutale inversion des soldes de la Grande-Bretagne et de la France au sein de l’UEP en 1951-1952 s’explique par la hausse des prix mondiaux qui culmina au deuxième semestre de 1951 au moment précis où les deux pays recommencèrent à importer les matières premières dont ils s’étaient en quelque sorte dessaisis en 1950 et qu’il leur fallut dès lors acheter au prix fort19. À l’inverse, le renchérissement, plus rapide encore, des prix français pénalisa les exportations. En France même s’étaient en effet ajoutées à ces causes mécaniques des causes d’ordre psychologique dont témoignaient bien à l’automne 1951, selon le gouverneur, les tensions persistantes, en dépit des « interventions très importantes » de la Banque de France, sur les marchés de l’or et des devises : « cette nouvelle et sensible tension des changes, concluait-il, est évidemment l’indice d’une fuite devant le franc »20. Les mesures de politique du crédit n’étaient pas seules capables d’enrayer la tendance ; Baumgartner le soulignait encore en juillet 1953, seul un redressement significatif des finances publiques aurait pu y prétendre :
« Des mesures de restriction en matière de crédit étaient nécessaires, mais il est certain que si les efforts faits n’ont pas abouti aux mêmes résultats que ceux obtenus en Allemagne ou en Hollande, c’est qu’il y a un élément latéral qui est la politique des finances publiques »21.
12Source : EPU Board, Final report, 1959, p. 36, cité par Kaplan (Jacob) et Schleiminger (Günther), The EPU, op. cit., tableau 11.
13C’est pourquoi la liaison entre le déficit en franc et le déficit en devises était au cœur des mises en garde renouvelées adressées au début de 1952 à Edgar Faure qui aboutirent à la lettre publiée du 29 février. Apparu dès avril 1951, le déficit de la France au sein de l’UEP n’avait depuis cessé, chaque mois, de s’alourdir.
14Source : De Lattre (André), Les finances extérieures de la France, op. cit., p. 333.
15Les échéances de janvier et de février étaient donc marquées par un déficit dépassant les 100 millions de dollars. Selon les règles de l’UEP alors en vigueur, elles devaient donner lieu à l’intérieur du quota de chaque membre à un règlement en or ou en dollars pour les 2/5 du déficit total. Le 21 février 1952, Baumgartner prévint alors dans les formes le président du Conseil : « Compte tenu de l’épuisement de nos ressources en dollars, le mécanisme de l’Union Européenne des Paiements aboutit […] à établir une hypothèque sur l’encaisse-or de la Banque »22. Or, poursuivait-il, notre réserve d’or qui représentait alors l’équivalent de 550 millions de dollars était déjà « manifestement insuffisante pour assurer la sécurité des engagements de la zone franc ». Le conseil général de la Banque tint donc, par la voix du gouverneur, « à souligner dès à présent qu’il ne saurait consentir à ce que le niveau de l’encaisse tombât au-dessous du niveau minimum en poids d’or qui a figuré au bilan de l’Institut d’émission depuis la Libération »23. L’évolution en valeur et surtout en volume de l’encaisse métallique de l’Institut d’émission depuis 1945 éclaire bien la mise en garde du conseil général.
16La reconstitution des réserves métalliques de la Banque à partir de 1950 était encore modeste en 1952 ; le poids d’or de 1945 était loin d’être retrouvé et la valeur en nette hausse inscrite au bilan à partir de la réévaluation d’août 1950 consacrait seulement l’ampleur de la dépréciation du franc depuis la Libération. L’étroitesse des moyens de paiement de la France, encore accrue par la fin de l’aide Marshall, apparaissait donc à juste titre au gouverneur en 1952 comme « la menace la plus grave »24. Il était donc naturel que le gouverneur de la Banque, renouant avec le thème de la préservation du niveau de l’encaisse-or si à l’honneur dans l’entre-deux-guerres, se comparât alors volontiers à l’occasion d’un discours de fin de banquet à Siegfried, le gardien de l’or du Rhin25. Plus sérieusement, s’il avouait devant le Conseil économique et social garder pour l’or « une certaine sympathie »26, il se défendait, à la différence d’un Jacques Rueff à la même époque, de céder à un quelconque fétichisme du métal jaune27. L’encaisse-or demeurait l’ultime garantie de la France dans le cas d’emprunts à l’étranger.
17Source : Comptes rendus annuels de la Banque de France, 1946-1959.
LA POLITIQUE MONÉTAIRE EXTÉRIEURE DE LA BANQUE DE FRANCE
18Toute l’activité de la Banque de France consista donc, en 1952 et 1953, à procurer au Fonds de stabilisation des changes les ressources de change propres à épargner les réserves d’or de la Banque. Le recours au « ratissage » des devises, appliqué par la Banque à partir de décembre 1951, revenait ainsi à ponctionner provisoirement au profit du Fonds de stabilisation des changes les trésoreries en devises des banques commerciales, aboutissant à réduire marginalement les engagements des importateurs français au moment précis où étaient arrêtés les comptes mensuels de l’UEP28. Mais pour l’essentiel du déficit, il fallut tenter de négocier l’octroi de facilités. Les liens créés entre les banques d’émission des pays membres de l’Union purent alors être exploités dans ce dessein. C’est ainsi que Baumgartner prit à la fin de février 1952, avec l’aval de Guillaume Guindey, l’initiative de conversations avec Maurice Frère, son collègue de la Banque nationale de Belgique29. Pierre Calvet se rendit à Bruxelles pour l’y rencontrer en même temps que le Premier ministre belge Hubert Ansiaux. Puis Frère à son tour rencontra Baumgartner à la Banque, en compagnie de Calvet et de Guindey30. Le montage consistait à sortir du cadre multilatéral de l’UEP pour obtenir de la Belgique un crédit de consolidation à moyen terme conclu sur une base strictement bilatérale. L’avantage pour la France était que, dans la mesure même de cette substitution de créance, sa position débitrice dans l’UEP en aurait été allégée, diminuant dans une proportion correspondante l’importance des versements en or à effectuer lors de la compensation. Et selon Baumgartner, cet accord était tout autant favorable pour Bruxelles.
« L’avantage pour la Belgique serait qu’au lieu d’un débiteur à l’égard duquel elle éprouve certaines appréhensions – à savoir l’UEP – elle se trouverait face à un débiteur dont on sait qu’il a toujours fait honneur à ses engagements internationaux, c’est-à-dire la France. »31
19Il semble qu’en fait, motivation plus profonde, la position trop fortement créditrice de la Belgique était apparue à la longue comme un obstacle au bon fonctionnement de l’Union et que les pressions des Américains à l’OECE poussant les Belges à adoucir leur politique monétaire allaient croissant32. La Belgique, de son côté aussi, avait donc un intérêt véritable à réduire par un accord particulier avec la France ses excédents dans l’UEP. Et, selon Calvet, l’accord était même de loin plus favorable à Bruxelles qu’à Paris33. C’était d’après lui la raison qui poussa l’Union à s’opposer à la transaction, son conseil de direction l’ayant jugée « inopportune »34, car contraire aux règles communautaires de l’UEP. Il semble aussi avéré que les États-Unis exercèrent de fortes pressions en ce sens de manière à éviter que la Belgique ne parvienne à réduire par trop ses excédents qui reflétaient, selon eux, la modicité de la contribution belge à l’OTAN35. Quoi qu’il en soit, l’Union accorda à la France un prêt à court terme de 100 millions de dollars remboursables le 30 juin 1952 et dépourvu des conditions explicites de redressement qui avait été imposées à l’Allemagne en 1950-1951. Le comité de direction de l’UEP soumit pourtant un rapport au Conseil de l’OECE établissant un sévère constat de la situation financière de la France et concluant à l’absolue nécessité d’éliminer le déficit des finances publiques36. Baumgartner avait néanmoins présenté au conseil général l’obtention de ce prêt comme la manifestation de la volonté des observateurs américains à l’UEP d’aider résolument la France. Mais Guindey avait aussi souligné l’importance pour la France d’être en mesure de rembourser ce prêt à échéance ; car dans le cas contraire, « il sera alors à craindre, avait laissé entrevoir le directeur des Finances extérieures, que la prorogation ou le renouvellement qu’elle pourra obtenir ne soit accompagné au contraire de conditions concernant notre politique commerciale »37. C’est dire que la marge de manœuvre de la France restait étroite. L’échéance encore lourde de la fin mars ne fut ainsi franchie que grâce aux subsides américains obtenus par Edgar Faure à Lisbonne au titre de l’aide militaire38. Mais la coopération entre banques centrales joua encore : c’est ainsi que dans le courant du mois de mars, la Bank deutscher Länder facilita le règlement par anticipation d’une partie des dettes commerciales françaises sur l’Allemagne réduisant par là même le total du déficit final de la France au sein de l’Union et lui permettant ainsi de réduire la part de ses versements à effectuer en or ou en devises. Wilfrid Baumgartner avait personnellement tenu à remercier Wilhelm Vocke, son homologue allemand :
« Vous nous donnez ainsi, dans un moment un peu délicat, un utile coup d’épaule et ce geste a été apprécié aussi bien par mes collègues du Ministère des Finances que par la Banque de France »39.
20Les difficultés des paiements extérieurs de la France entre 1951 et 1953, et la nécessité où le gouvernement d’Edgar Faure se trouva alors de revenir sur les mesures de libération commerciale demandées par l’OECE, mettent en évidence la fragilité du relèvement économique et financier depuis 1945. Surtout, elles révèlent la persistance des relations bilatérales entre les pays européens, dont témoignent les négociations menées à cette occasion par exemple entre la Banque de France et les banques centrales belge ou allemande. La réalité du cadre communautaire de l’Union européenne des paiements, même si elle correspondait à une volonté de l’administration américaine en Europe, ne doit donc pas être a posteriori exagérée. Le dispositif de l’Union, soumis en effet à renouvellement chaque année, semble bien avoir été perçu comme provisoire : évident, on l’a vu, aux yeux du gouverneur de la Banque d’Angleterre, le caractère essentiellement transitoire de l’UEP a pu aussi apparaître à Wilfrid Baumgartner, mais pour des raisons différentes. Sa position dans le débat sur le retour à la convertibilité des monnaies européennes permet de les préciser.
LA BANQUE DE FRANCE ET LA QUESTION DE LA CONVERTIBILITÉ
21Entre janvier 1952 et septembre 1955, du lancement par les Anglais du plan ROBOT de retour immédiat à la convertibilité de la livre à la déclaration du chancelier de l’Échiquier, Richard Butler, annonçant son report sine die à l’occasion de l’assemblée du FMI à Istanbul, la question de la convertibilité externe des monnaies européennes fut au centre des rapports monétaires entre les principaux pays occidentaux. Si les positions respectives des banques centrales anglaise et allemande ont été étudiées, la stratégie de la Banque de France et de son gouverneur reste encore peu connue40. Sans reprendre ici le détail du cours complexe pris par les négociations et du rôle clé des États-Unis, on peut s’attacher à examiner le débat sur la question du retour à la convertibilité du point de vue de la coopération entre Instituts d’émission et des limites apportées à cette occasion à la solidarité des banquiers centraux. On peut aussi espérer préciser la conception que le gouverneur de la Banque de France lui-même avait de la convertibilité et de l’évolution des rapports monétaires européens.
22En France même, la notion de convertibilité était en soi l’objet d’un débat : « Le mot convertibilité, expliquait ainsi Baumgartner, est un de ces mots immenses et creux qui ne sert qu’à couvrir d’autres marchandises41 ». Jean Bolgert avait déjà indiqué, en septembre 1950 au moment des discussions préparatoires à l’UEP menées en étroite liaison entre la Banque et la direction des Finances extérieures, que la question de la convertibilité d’une monnaie pouvait servir des visées plus vastes : « Le ministère des Finances, ironisait-il, déclare sans ambages que la conservation d’avoir en francs par les pays étrangers est sans portée et ne saurait apporter un prestige supplémentaire à notre monnaie »42. Selon le directeur des Services étrangers, c’était faire bon marché de « la publicité tapageuse » que les Britanniques avaient donnée « à leur décision de rendre transférables tous les comptes en sterling ouverts aux pays de l’OECE, mesure que nous avons proposée il y a deux mois et dont une fois de plus nous laissons nos voisins prendre l’initiative ». Pour Bolgert, dès 1950, alors que les travaillistes étaient encore aux affaires, le dessein britannique de rendre à terme la livre de nouveau convertible ne faisait déjà pas de doute. Il avait conclu avec netteté :
« Ceci prouve, pour le moins, que l’on attache outre-Manche une grande importance au maintien et au développement de l’utilisation du sterling, même sous le régime de l’UEP »43.
23L’engagement de la Banque d’Angleterre, et notamment du vice-gouverneur George Bolton, en faveur du retour à la convertibilité externe de la livre dès 1952, ne faisait de mystère pour personne44. Paul Leroy-Beaulieu, à cette date attaché financier à Londres, en donna à Baumgartner une confirmation supplémentaire en mars 1953, se faisant l’écho de la conversation qu’il venait d’avoir avec Reginald Maudling de la trésorerie britannique à propos de l’attitude de la Bank of England sur la question de la convertibilité :
« Cobbold et surtout Bolton voulaient accélérer le tempo, et même aller de l’avant sans attendre la décision américaine ni même les dollars que Butler espère obtenir du Fonds Monétaire. Ils ont été battus et même on leur a tapé un peu sur les doigts, ce qui prouve, m’a dit non sans humour, Maudling, que la Banque d’émission n’est pas aussi puissante en Angleterre qu’en France où elle tient la dragée haute à un gouvernement dans le besoin »45.
24Si la correspondance de Cameron Cobbold avec Wilfrid Baumgartner ne laissait en effet aucun doute sur la position de la banque d’émission anglaise en faveur du retour à la convertibilité46, la stratégie de la Banque de France était, elle, plus nuancée. Elle apparaissait en effet au plus haut point consciente du « handicap de la France dans la course à la convertibilité »47 : la faiblesse de ses réserves de changes, la surévaluation évidente du franc, la dépendance vis-à-vis de l’aide américaine, le retard apporté à la libération du commerce extérieur étaient pour la Banque autant d’arguments qui militaient en faveur du maintien de l’UEP et d’un ajournement du retour à la convertibilité. « L’intérêt de la France n’est sûrement pas, ni de se précipiter dans la convertibilité, ni que les autres pays l’établissent avant qu’elle ait pu combler son retard »48. La note établissait aussi un programme destiné à permettre à la France de se mettre à niveau : « La dévaluation est indispensable ; c’est très risqué, c’est entendu, mais nous ne pouvons continuer à nous enliser »49. Le maintien de l’UEP était jugé nécessaire pour « que la France demeure soumise à la pression efficace des autres pays européens. […] Seule l’OECE peut forcer la France à libérer et, pour ce faire, à dévaluer »50. La stratégie conseillée était donc de centrer le débat sur la défense des acquis de l’UEP et de démontrer que le retour immédiat à la convertibilité, qui ne pouvait pas concerner tous les pays européens, signifiait un recul de la multilatéralisation des échanges instaurée par l’UEP. Ni le Fonds européen, « UEP croupion », ni le FMI, à l’attitude toujours « dogmatique, tracassière et négative », ne pouvaient prétendre se substituer à l’OECE et à l’UEP. C’était sur cette ligne que la bataille pouvait être menée par la France. « Quel est le fond de la pensée anglaise ? » demandait la note en conclusion :
« Y a-t-il, dans tout cela, autre chose qu’une attitude dictée avant tout par des considérations politiques ? Sont-ils sincèrement résolus à passer à l’action à bref délai ? C’est ce qu’il serait bien agréable de savoir, mais peut-être les Anglais ne le savent-ils pas eux-mêmes. »51
25La position de la Banque de France à cette date était donc d’œuvrer en faveur d’un renouvellement de l’UEP avec l’idée de gagner du temps et d’assister à une amélioration de la situation économique et financière de la France : la convertibilité venait alors comme de surcroît. « Ce sont les fruits mûrs que l’on cueille », résumait Baumgartner en février 1954 devant un aréopage de financiers suisses52.
26Il apparaît que dès le début de 1955, alors que la Grande-Bretagne s’était simplement décidée à rétablir une convertibilité de facto en mars 1954, ni Baumgartner ni Calvet ne croyaient plus à l’éventualité immédiate d’un retour officiel à la convertibilité du sterling : « Il est tout à fait clair, pouvait déclarer Calvet devant le conseil général en janvier, que la Grande-Bretagne n’envisage plus de prendre une décision en faisant cavalier seul53 ». Et Baumgartner luimême, la semaine suivante, rendait compte des conversations qu’il avait eues à Bâle avec Cobbold en marge du Conseil de la BRI, à l’occasion d’une réunion d’experts rassemblés pour examiner, « sur le plan technique bien entendu, précisait-il, le seul qui soit du ressort des banques centrales », l’hypothèse du retour à la convertibilité d’un seul pays. Or, d’un point de vue, cette fois « politique », le gouverneur estimait, lui aussi, que la Grande-Bretagne ne prendrait pas d’initiative avant l’échéance électorale de mai 1955 :
« L’Angleterre ne tiendra pas à prendre […] de décision nouvelle et importante touchant sa politique monétaire avant les prochaines élections. Il est d’ailleurs curieux de noter que, si ce n’est peut-être pas le souhait de la Banque d’Angleterre, tel semble en sens inverse être le désir de la Bank Deutscher Länder qui, elle, paraît très nettement portée à ne pas trop presser les choses, tendance qui pourrait en revanche ne pas correspondre exactement au point de vue du Dr Erhard »54.
27La stratégie de la Banque de France semblait donc rejoindre dans le débat sur la convertibilité la position adoptée dès 1952 par la banque centrale allemande et son président W. Vocke, contre l’opinion du ministre des Finances Ludwig Erhard, mais avec le soutien du chancelier Adenauer55. C’est dans ce contexte que prit place la première visite officielle du gouverneur de la Banque de France à son collègue allemand, les 29 et 30 mars 1953, quelque temps après le lancement par Londres de l’idée d’« approche collective » en matière de convertibilité56. Le séjour à Francfort de Baumgartner s’enrichit d’une excursion à Bonn ; Vocke, en effet, l’en avait averti la veille : « Comme je vous l’ai dit, le chancelier fédéral, Dr Adenauer, serait heureux de vous voir »57. Le 30 mars, Baumgartner, en compagnie de l’ambassadeur de France, François-Poncet, avait donc déjeuné avec le Chancelier allemand. Le lendemain, Konrad Adenauer s’embarquait à destination de Washington. Si la teneur des échanges entre le gouverneur de la Banque de France et le chancelier, dans l’état actuel de la documentation, n’est pas connue, il n’en reste pas moins que la simple inscription de cette rencontre exceptionnelle dans la chronologie de ces quelques jours prouve le rôle du gouverneur de la banque centrale dans le jeu diplomatique complexe noué autour du débat en apparence seulement technique du retour à la convertibilité. À cette occasion, les banques centrales se trouvèrent partie prenante du processus de construction européenne ; la Banque de France en définissant une stratégie de défense de ses intérêts propres avait été amenée à se faire l’avocat de l’UEP, selon une logique au total assez proche de celle qui animait alors la banque centrale allemande58. Cette convergence n’était pas sans participer de la tendance apparue dans les années cinquante, qui aboutit à l’organisation du pôle continental francoallemand à l’origine de la Communauté économique européenne fondée deux ans plus tard. Le débat sur la convertibilité et les positions adoptées à cette occasion par les différentes banques centrales européennes contribue ainsi à éclairer d’un jour supplémentaire les débuts du processus d’intégration européenne. Il fait également apparaître qu’un retour prématuré à la convertibilité aurait pu constituer un obstacle au mouvement de rapprochement ; Roger Auboin, le directeur général de la Banque des règlements internationaux, se fit l’écho de cette éventualité dans une lettre à Baumgartner de juin 1955 :
« Je ne sais si Frère vous a téléphoné au sujet de Spaak qui est rentré de Messine inquiet que la convertibilité n’empêche de faire l’Europe, ce qui semble un peu paradoxal ! »59
28Dès la fin de 1952, Maurice Frère, qui était aussi, on l’a vu, le président de la BRI, avait proposé à l’assemblée de ses collègues des banques centrales européennes d’examiner s’il n’y avait pas lieu pour la BRI, placée devant la question controversée du retour à la convertibilité, « sans s’écarter de son rôle traditionnel et dans le cadre de ses statuts, de prendre certaines initiatives »60 :
« En effet, beaucoup d’esprits des deux côtés de l’Océan s’inquiètent de hâter ce qu’on appelle l’intégration européenne et il existe un réel danger que des vues simplistes ne viennent à un moment donné à s’imposer aux hommes politiques […]. Il appartient semble-t-il aux banques centrales de conseiller leurs gouvernements pour ne pas se laisser écarter de la voie d’un véritable assainissement monétaire »61.
29Dans la conception du gouverneur de la Banque nationale de Belgique, la BRI, « organisme commun » et fondé par les banques centrales, devait être un instrument de l’unification européenne, qui devait avant tout être menée « dans un esprit commercial et non bureaucratique ». Il n’est donc pas douteux que dès le début des années 1950, les Instituts d’émission prirent leur part dans le jeu de forces multiples à l’origine du processus de construction européenne62. Au vrai, leur implication dans les questions relevant de l’évolution des relations monétaires européennes était normale. Et la réalité de préoccupations communes ne doit pas pour autant masquer, y compris au sein des banquiers centraux, l’ampleur des divergences et la vigueur des intérêts proprement nationaux. La mise en évidence de la communauté humaine alors formée par les responsables des banques d’émission européennes ne conduit pas nécessairement à céder à la fantasmagorie vite répandue du complot de financiers apatrides. C’est ainsi que les vues particulières de Wilfrid Baumgartner sur la question européenne complètent et expliquent la stratégie de la Banque de France face à la convertibilité entre 1952 et 1955, en même temps qu’elles contribuent à préciser chez le gouverneur les formes alors prises par le sentiment national et les bases possibles d’une intégration européenne future.
BAUMGARTNER, LA BANQUE DE FRANCE ET L’EUROPE DES MONNAIES
30Nulle vision inspirée d’une fusion des hommes, des biens et des idées au sein d’États-Unis d’Europe chez le gouverneur de la Banque, mais, au contraire, un réalisme affiché conduisant à la prise en compte des différences de niveaux existant entre les pays européens, dont, à ses yeux, témoignait au premier chef la santé relative de chaque monnaie nationale :
« En 1914, il y avait autant de monnaies qu’il y avait de frontières et tant qu’il y aura des frontières il ne pourra pas ne pas y avoir des monnaies différentes »63.
31Une fois encore, c’était l’Europe d’avant l’écroulement de la Première Guerre mondiale qui était l’horizon de référence à partir duquel se dessinaient les grands traits de la vision géopolitique de Wilfrid Baumgartner au seuil de ces années cinquante si proches encore à bien des égards du monde du xixe siècle. Nécessairement plus réservée dans le discours public du responsable de la banque centrale, dans le registre privé, au contraire, sa vision du monde apparaît plus instinctive et plus tranchée. C’est ainsi que face à l’Allemagne, la méfiance, incontestablement, domina longtemps encore après 1945, legs d’une mémoire déjà ancienne mais souvent ravivée depuis 1870 pour ce petit-fils d’un émigré alsacien et patriote. Il s’en ouvrit librement à Vincent Auriol, confident déjà ancien, le 3 mars 1953, juste avant la visite qu’il rendit pour la première fois à Wilhelm Vocke :
« En fin de compte, le tempérament français n’a rien à voir, car il est libéral dans l’âme, avec le tempérament allemand. Du moment où les Anglais ne sont pas avec nous, nous sommes les seuls à être des esprits libres. Dans soixante-dix ans, avec les Allemands dans un État fédéré, on ne parlera plus français. »64
32Même s’il faut faire la part des circonstances de l’heure (l’affaire du procès des Alsaciens engagés dans l’armée allemande et jugés pour leur participation au massacre d’Oradour empoisonnait alors la vie nationale), il y avait là chez Baumgartner l’expression d’un trait de mentalité fort prégnant, qui réapparut encore à l’occasion de la petite querelle, bien révélatrice elle aussi de sa représentation européenne, qui l’opposa au début de 1954 à Raymond Aron.
33Il y eut entre Wilfrid Baumgartner et Raymond Aron plus d’un lien de convergence intellectuelle, politique, et, d’un mot commode, idéologique. Le chroniqueur régulier du Figaro depuis 1947 se plaisait ainsi à rapporter dans ses mémoires qu’à plus d’une reprise, le gouverneur de la Banque lui avait dit avoir prévu exactement le sujet par lui traité dans l’article économique de la semaine65.
34Leur relation commune avec le directeur du Figaro, Pierre Brisson, fournit ainsi l’occasion d’un déjeuner qui les rassembla, ainsi qu’Hubert Beuve-Méry, au début de janvier 1954. La préparation de la conférence de Berlin où les quatre grands devaient examiner la question allemande dominait l’actualité internationale. Baumgartner, rejoint par le directeur du Monde, émit alors l’opinion « que la Russie de Malenkov était fondamentalement autre que celle de Staline, que l’Allemagne d’aujourd’hui était fondamentalement la même qu’hier ». Ce fut du moins sous cette forme que Raymond Aron rapporta l’opinion dans Le Figaro du 21 janvier, se gardant de citer le nom de « l’illustre haut fonctionnaire » incriminé, dans un article éloquemment intitulé « Contre les machiavels de sous-préfectures »66, et dans lequel il plaidait au contraire l’entente franco-allemande contre l’ennemi commun plus à l’est. L’Express, de fondation toute récente encore, s’empressa de publier l’identité des machiavels raillés par Aron67. Baumgartner le tança assez vertement : « Pensez-vous avoir ainsi résumé honnêtement les courtes remarques que j’ai pu placer durant cet intéressant déjeuner ? », lui demanda-t-il par lettre, et il poursuivait non sans brio :
« Comme il serait facile de vous retourner, en la retournant, votre opposition. Ne nous auriez-vous pas dit par hasard, que l’Allemagne d’aujourd’hui était fondamentalement différente de celle d’hier ? En tous cas, si sur ce point je conserve quelques doutes (que je souhaite voir se dissiper), croyez bien que je n’oublie pas que la Russie est toujours une nation communiste »68.
35Et le gouverneur concluait cet échange citant Verlaine : « Car nous voulons la nuance encore ». L’anecdote n’aurait de valeur en soi si elle ne renseignait admirablement sur le milieu où évoluait le gouverneur, sur certaines pratiques sociales, à l’intersection de la presse et des grands commis, où trouvait à s’épanouir cette rhétorique mondaine, mi-sérieuse, mi-badine qui caractérisait l’art verbal de Wilfrid Baumgartner. Mais elle témoigne aussi de sa vision du monde. Non pas qu’il faille voir dans cet épisode la preuve que sur le gouverneur de la Banque de France aussi, la propagande soviétique agissait, comme le suggère Nicolas Baverez dans la biographie qu’il a consacrée à Aron69, mais bien plutôt la rémanence de l’alliance de revers avec la puissance orientale contre l’ennemi héréditaire, manifestée jadis par la convention militaire franco-russe de 1892, revivifiée naguère par Pierre Laval en 1935 et caressée encore par le général de Gaulle en 1945. On mesure bien en 1954 toujours, alors que la querelle sur la CED n’était toujours pas épuisée, de quel poids put peser sur la conception de l’Europe du gouverneur un passé à la fois ancien et si proche.
36Mais les difficultés de la France au sein de l’UEP contribuèrent sans aucun doute à modifier, à l’aune cruelle de la faiblesse des finances extérieures françaises, les mentalités héritées du passé. Il n’est pas douteux qu’aux yeux du gouverneur, l’Allemagne, et derrière elle les autres nations créditrices de l’Europe, se para progressivement à partir de 1952 d’un indéniable prestige tenant aussi bien à sa monnaie, qu’à la sage rigueur de sa politique monétaire et à la méritante tenue de ses finances publiques. Le modèle de la future Bundesbank, promis à une belle carrière, émergeait alors progressivement des décombres encore visibles de l’Allemagne. Les pays à monnaie forte et à finances saines indiquaient en quelque sorte la marche à suivre. Aux yeux du gouverneur de la Banque, c’était la voie du redressement national, et elle passait au nord de la ligne Bordeaux-Genève : « Pourquoi ne réussirions-nous pas là où l’Allemagne et la Hollande ont réussi ? » demandait-il en pleine crise de trésorerie au président du Conseil pressenti Georges Bidault70. « N’oubliez pas qu’une partie de la France se trouve au nord de la Loire »71, plaidait en 1954 devant les membres de la Société d’économie politique de Zurich ce protestant d’origine alsacienne qui dans l’atmosphère de la fin d’un banquet du Comité républicain constatait aussi avec un dépit à peine joué que ce n’était malheureusement pas seulement en Italie que l’on pouvait dire Pain, Amour et Jalousie, « formule qui a fait la gloire de Mademoiselle Lollobrigida, mais qui n’est pas d’une santé financière apurée »72. Les différences de mentalités qu’il soulignait ainsi à l’envi entre les économies européennes l’amenaient logiquement à la conclusion que l’intégration de la France dans un ensemble européen, souhaitable à terme, était un projet prématuré aussi longtemps qu’elle restait « le seul pays d’Europe occidentale qui n’ait pas réussi à retrouver un équilibre financier, économique et social »73. La mauvaise tenue de sa monnaie était bien la preuve à ses yeux de son impréparation et le signe manifeste que l’épreuve de vérité de l’intégration européenne devait être remise à des jours meilleurs.
37Alors que sa stabilisation était proche en 1950, le franc depuis était en effet devenu, exposait Baumgartner à Faure au début de 1952, « la monnaie la plus dégradée d’Europe, à l’exception de la drachme grecque et du schilling autrichien »74. Le sentiment d’humiliation nationale bien perceptible à maintes reprises chez le gouverneur de la Banque, mais plus généralement dans les analyses de nombre de responsables des finances de l’époque, apparaît comme un trait dominant de la mentalité des acteurs de la politique financière tout au long de la IVe République75. C’est ainsi qu’à l’été 1953, à un moment où la France ne parvenait à faire honneur à ses engagements au sein de l’UEP que grâce à l’aide américaine, Jean Bolgert mettait en garde le gouverneur :
« Si nous n’entrons pas sans délai dans la bonne voie, nos partenaires de l’UEP, qui ont manifesté beaucoup de longanimité à notre égard, n’admettront pas la prolongation de l’état de chose actuel […]. Pouvons-nous nous résigner à demeurer, aux yeux de tous, aux côtés de la seule Turquie, l’homme malade de l’Europe ? »76
38La voie du redressement international, pour Bolgert comme pour Guindey, à cette date, passait par la nécessité urgente d’une dévaluation du franc seule à même, diagnostiquait pour sa part le directeur des services étrangers de la Banque, de mettre fin à la surévaluation des prix français, cause principale des difficultés chroniques des paiements extérieurs de la France : « Nous croyons fermement qu’il convient de procéder sans plus tarder à l’ajustement proposé »77. Comme en écho, le directeur des Finances extérieures rue de Rivoli écrivait au même moment : « Le seul moyen de mettre fin à ces crises renouvelées est d’opérer avec succès un glissement du change »78. Bolgert comme Guindey arrivaient à la conclusion que la dépréciation du franc devait être au moins de 15 % par rapport au dollar. Mais au ministère comme à la Banque, la dévaluation ne devait pas être une mesure isolée, mais un élément d’un programme de redressement plus vaste que les pouvoirs spéciaux votés au bénéfice du gouvernement Laniel, finalement investi après la longue crise politique du printemps, permettaient enfin d’envisager. Parmi ces mesures, figuraient en bonne place la libération du commerce extérieur de la France et la suppression des « béquilles » assurées par l’État aux exportations, objet de continuelles protestations au sein de l’OECE, et charge considérable pour le budget que Guillaume Guindey évaluait à environ 70 milliards79, soit 15 % du montant total de l’impasse budgétaire pour 1953. Face aux partisans d’une dévaluation et d’une libéralisation immédiate, les tenants du statu quo, parmi lesquels Louis Franck, le directeur des prix aux Affaires économiques, et à la Banque Jean Saltes, le premier sous-gouverneur plus particulièrement chargé de la politique du crédit : selon eux, la dévaluation aurait entraîné une aggravation brutale de l’inflation sous la double influence du relèvement des salaires et des prix : « Une dévaluation en entraînant des hausses de prix non seulement mécaniques mais psychologiques se dévore elle-même »80. Les arguments de Saltes étaient voisins : « Nous savons parfaitement, écrivait-il à Baumgartner, que l’économie française sera toujours mal placée vis-à-vis de la concurrence internationale »81. La dévaluation, dans ces conditions, n’était qu’un « dumping » aux « effets éphémères » qui risquait de relancer la spirale inflationniste. Le débat sur la dévaluation de 1953-1954 apparaît ainsi comme, mutatis mutandis, un rappel inversé de la grande querelle monétaire de 1934-1936 dans laquelle, déjà, les principaux protagonistes de l’été 1953, Wilfrid Baumgartner en tête, avaient été impliqués. Alors qu’étaient rendues publiques les conclusions, défavorables à un ajustement monétaire et à une libération commerciale massive, de la commission Nathan formée au début de 1954 pour précisément étudier les disparités entre les prix français et étrangers, Pierre Grimanelli écrivit son indignation au gouverneur :
« Voilà que fermant les yeux devant d’aveuglantes réalités, on renouvelle un non devant la modeste opération nécessaire et salutaire. […] Persevare diabolicum. Dans l’impasse où nous nous engageons nous tournons en fait le dos à la libération des échanges et à la convertibilité ; […] nous oublions que l’aveugle habileté de Laval a préparé 1936 »82.
39L’économiste Maurice Allais, dans Le Monde du 14 octobre 1954, recommandait lui aussi la dévaluation au gouvernement Mendès France et faisait le même rapprochement historique, reprochant à Paul Reynaud ses récentes prises de position contre toute manipulation monétaire prématurée : « Le seul homme politique qui à l’époque avait eu l’intelligence de voir juste et de défendre publiquement une opinion impopulaire n’a cessé depuis trois ans de déclarer qu’une dévaluation dans l’état actuel des choses était inopportune »83. Reynaud répondit, non sans avoir soumis comme toujours le contenu de sa missive à Wilfrid Baumgartner, que la situation était fort différente en 1934, et que dans la conjoncture du moment, avait-il ajouté, « une dévaluation donnerait un répit, dont je crains qu’il n’incite à ajourner les réformes […]. Si une dévaluation s’imposait, elle devrait être la dernière des réformes et non la première »84. C’était assez exactement la position adoptée par le gouverneur de la Banque de France. Dans les Éléments d’un programme qu’il rédigea à l’occasion de la longue crise politique du printemps 1953, il avait écrit que « dans un pays toujours menacé de catastrophes monétaires », les inconvénients d’une dévaluation pouvaient être « redoutables » : « Pour qu’elle réussisse, il est essentiel qu’elle soit considérée comme un terme et non comme un point de départ »85. Une fois de plus, Wilfrid Baumgartner placé face à un débat qui partagea l’opinion, l’administration des Finances et jusqu’aux experts de sa propre maison, fut, comme en 1935-1936, le partisan des évolutions longues de préférence au risque d’une décision brusquée, par une pente naturelle qui le poussait sinon à la procrastination, du moins à un réformisme pondéré et toujours raisonné. Était-il pourtant si éloigné en cela de la position également défendue alors par Pierre Mendès France qui affirmait, en août 1954, que « La France d[evait] faire sa cure avant de faire l’Europe »86 ? Aux yeux du gouverneur de la banque d’émission non plus, la France n’était pas prête pour affronter le grand large de la concurrence internationale vers lequel tendaient la dévaluation et la suppression de toutes mesures protectionnistes. C’était là l’aboutissement véritable de la convertibilité :
« La convertibilité, du moins dans les discussions des sociétés d’économie politique, c’est un problème monétaire international ; en réalité, c’est la possibilité pour chaque pays de faire face à la concurrence étrangère, d’affronter l’étranger »87.
40Or, aux yeux du gouverneur de la Banque de France, l’économie française des années 1950 n’était pas encore en mesure de faire bonne figure dans la compétition européenne :
« Je suis toujours un peu agacé quand on nous dit : organisons l’Europe, etc. […] Il faudra tout de même se présenter honorablement dans l’Europe, sinon dans l’Europe, nous ne serons rien du tout, quelque chose de ridicule. […] Il n’est pas pensable que la France y entre avec une organisation déplorable de ses finances et avec un prestige ramené à peu de chose. »88
41Ce sentiment de la grandeur perdue de la France, ce même agacement que de Gaulle, plus tard, manifesta à son tour devant la ritournelle de l’invocation à l’Europe, fournissent peut-être une des clefs de l’action de Wilfrid Baumgartner sous la IVe République. La pression qu’il exerça de façon continue en 1954 et surtout en 1955 pour faire en sorte que la France remboursât par anticipation ses dettes extérieures s’en trouve particulièrement éclairée.
42Pour Wilfrid Baumgartner, la restauration du prestige de la France passait par le retour à la prospérité financière. C’est ce qui justifiait, à ses yeux, « la politique constante du Trésor et de la Banque durant ces dernières années, [qui] a consisté à saisir toutes les occasions qui se présentaient pour amortir les dettes existantes »89. Les motifs du désendettement général de la France en 1954-1955 vis-à-vis de la Banque mondiale, du FMI, de l’UEP sont ainsi apparus en pleine lumière à l’occasion du remboursement, le 15 mars 1955, du prêt contracté par le Trésor en août 1950 auprès d’un groupe de banques privées américaines dont les chefs de file étaient la Chase Manhattan Bank et J. P. Morgan and Co, à des conditions, on l’a vu, particulièrement défavorables pour la France. C’est Maurice Pérouse, alors attaché financier à New York, qui résuma le mieux les buts de l’opération : rapportant la réaction de ses interlocuteurs américains, il souligna que l’annonce d’un remboursement anticipé avait été « excellente pour notre crédit » et il suggéra de lui donner une publicité qui permettrait de récapituler pour l’opinion américaine tous les remboursements intervenus depuis le début de 1954, « ce qui soulignerait le fait, ajoutait-il, qu’une certaine période est dans notre esprit révolue »90. Baumgartner aussi pouvait alors considérer comme absoutes les entorses faites à l’orthodoxie aux temps difficiles des lendemains immédiats de la Libération : « Nous avons obtenu que soient remboursées toutes les opérations un peu douteuses que, je dois dire de complicité avec mon ami Maurice Petsche, j’avais faites dans des moments difficiles, soit sur le marché suisse, soit sur le marché américain »91. Une page en 1955 était, au moins aux yeux des autorités monétaires, définitivement tournée. Le crédit international de la France était enfin restauré. Elle pouvait reprendre sa place dans le concert des nations honorables.
***
43La réapparition des excédents français dans l’UEP à partir de 1954, le désendettement de la France, la levée discrète aussi de l’inéligibilité de la France au Fonds monétaire international en octobre 1954, autant d’éléments qui indiquaient en effet, comme Baumgartner avec une visible fierté pouvait l’assurer en mars 1955 devant le respectable auditoire de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie que « la France était en plein redressement »92. La Banque de France et son gouverneur, sans conteste, ont eu leur part dans la difficile politique qui de l’automne 1951 à la fin de 1955 a amené la France de la faillite extérieure aux chemins d’un retour apparent à la prospérité monétaire. La réalité d’une certaine coopération monétaire entre banques centrales rapprochées de fait par le fonctionnement des mécanismes communs de l’Union européenne des paiements, a permis, au même titre que l’aide militaire américaine, que la France demeurât au sein du système des paiements européens, alors même que les protections dont continuaient à bénéficier ses échanges extérieurs la désignaient à bien des égards comme « l’homme malade de l’Europe ». Wilfrid Baumgartner, en relation très régulière avec ses collègues des autres banques centrales européennes, paraît avoir eu une claire et douloureuse conscience de cette faiblesse relative de la position monétaire et économique de la France.
44Cette perception permet de comprendre son opposition à un retour immédiat à la convertibilité externe des monnaies qui, selon lui, aurait abouti à soumettre trop rapidement la France à la concurrence de ses voisins européens. Face au processus d’intégration européenne, il est demeuré en étroite liaison avec la Banque d’Angleterre, mais a commencé aussi dans la période à nouer avec la banque centrale de RFA des liens profitables. Sa vision intime de l’Europe mêlait des traits hérités du passé, sa défiance profonde envers l’Allemagne en témoigne, mais acceptait aussi les disciplines monétaires et commerciales impliquées par la perspective à terme d’une intégration européenne. Toute son action a consisté à redonner au franc son crédit international et à rendre à la France son honorabilité financière afin de faire admettre de nouveau le franc dans le club restreint des monnaies fortes des pays du nord de l’Europe. Cet objectif n’était pas loin d’être atteint à la fin de 1955. Sans doute, la croissance continue de la production dans la stabilité depuis le début de 1954 a été la cause profonde de cette amélioration. Mais le retour des tendances inflationnistes à partir de 1956 remit une nouvelle fois en question les résultats acquis. La clef des finances extérieures de la France se trouvait bien, comme Baumgartner n’avait cessé de le souligner entre 1952 et 1955, dans l’évolution interne de l’économie et des finances.
Notes de bas de page
1 Cf. notre étude : « Polémique sur la politique du crédit au printemps 1953 : l’attaque de l’économie nationale, la défense des autorités monétaires », Études et documents n° 5, 1993, p. 585-600.
2 De la monnaie et du crédit, causerie de Wilfrid Baumgartner à l’Institut des Hautes Études de défense nationale, le 22 juillet 1953, 27 p. dactylographiées, AWB, 2BA12, Dr3, p. 6.
3 Conférence de Wilfrid Baumgartner devant la Société de géographie économique le 29 octobre 1952, transcription intégrale de son intervention avec corrections manuscrites, 17 p. dactyl., AWB, 2BA8, Dr5.
4 Koch (Henri), Histoire de la Banque de France…, op. cit., p. 140 sqq.
5 Procès-verbal de la réunion du Comité directeur de l’UEP, septembre 1951, ABF, BRI, boîte 55, 7e, J274, p. 2.
6 Procès-verbal de la séance du CNC du 8 février 1951, AWB, 2BA5, Dr1, p. 4-5.
7 Procès-verbal de la séance du CNC du 28 mai 1951, AWB, 2BA5, Dr1, p. 3.
8 Cf. supra p. 22.
9 Le Réveil économique du 15 octobre 1952, AWB, 2BA7, Dr5.
10 Conférence de W. Baumgartner devant la Société de géographie économique le 29 octobre 1952, doc. cité, p. 7 (version corrigée).
11 Berger (Pierre), « Rapports entre l’évolution de la balance des paiements et l’évolution de la liquidité interne », Monnaie et balance des paiements, Paris, A. Colin, 1972, p. 89-110.
12 De la monnaie et du crédit, causerie de Wilfrid Baumgartner à l’Institut des Hautes Études de défense nationale, le 22 juillet 1953, doc. cité, p. 3.
13 Le 4 novembre, Cobbold prévenait Baumgartner que le taux de la Banque d’Angleterre passait de 0,5 % à 2,5 % tandis que Baumgartner expédiait à Cobbold le 8 novembre un télégramme lui annonçant le relèvement du taux en France de 3 à 4 % ; AWB, 2BA5, Dr5.
14 Fforde (John), The Bank of England and Public Policy, op. cit., p. 386.
15 Cité par Baumgartner dans sa conférence du 29 octobre 1952 devant la Société de géographie économique, doc. cité, p. 8.
16 Heilperin (Michael A.), « Western Europe rediscovers Money », Fortune, septembre 1952, AWB, 2BA8, Dr1.
17 Barre (Raymond), « L’efficacité de la politique monétaire, quelques enseignements récents », Revue économique, n° 6, novembre 1955, p. 882-904.
18 Conférence de Wilfrid Baumgartner devant la Société de Géographie Économique le 29 octobre 1952, doc. cité, p. 4.
19 De Lattre (André), Les finances extérieures de la France, op. cit., p. 334.
20 Procès-verbal de la séance du conseil général de la Banque de France du 11 octobre 1951, AWB, 2BA5, Dr5, p. 2.
21 De la monnaie et du crédit, causerie de Wilfrid Baumgartner à l’Institut des Hautes Études de défense nationale, le 22 juillet 1953, doc. cité, p. 7.
22 Lettre de W. Baumgartner à E. Faure du 21 février 1952, ABF, 7e série, H179, p. 2 (version n° 1).
23 Ibid., p. 3.
24 Procès-verbal de la séance du CNC du 6 mars 1952, AWB, 2BA5, Dr1, p. 9.
25 Discours de Wilfrid Baumgartner au banquet annuel de l’Association du Centre des Hautes Études administratives le 27 juin 1952, AWB, 2BA9, Dr2.
26 Audition de Wilfrid Baumgartner devant le Conseil économique et social le 30 mai 1952, 22 p. dactyl., AWB, 2BA7, Dr5, p. 1.
27 Ibid., p. 21.
28 Koch (Henri), Histoire de la Banque de France…, op. cit., p. 204.
29 Note au sujet d’un arrangement de consolidation entre la France, la Belgique et l’UEP, due très certainement à Pierre Calvet datée de Bruxelles, le 27 février 1952, AWB, 2BA7, Dr5.
30 Procès-verbal du Conseil de la Banque nationale de Belgique du 4 mars 1952, cité par Kaplan (Jacob) et Schleiminger (Günther), The European Payments Union, op. cit., p. 142-143.
31 Procès-verbal de la séance extraordinaire du conseil général du 28 février 1952, ABF, p. 158.
32 De Lattre (André), Les finances extérieures de la France, op. cit., p. 221 et Kaplan (Jacob) et Schleiminger (Günther), op. cit., p. 145.
33 Note rapide sur la proposition belge signée de Pierre Calvet et datée du 18 mars 1955, AWB, 2BA19, Dr1, p. 2.
34 Déclaration de W. Baumgartner devant le conseil général de la Banque le 13 mars 1952, AWB, 2BA7, Dr6, p. 4.
35 Lynch (Frances), « Le franc français 1952-1956, le débat sur la convertibilité », in Du Franc Poincaré à l’ECU, op. cit., p. 387.
36 The Situation in France, rapport du Comité directeur de l’UEP, 25 mars 1952, cité par Kaplan (Jacob) et Schleiminger (Günther), op. cit., p. 143.
37 Procès-verbal du conseil général de la Banque de France du 13 mars 1952, doc. cité, p. 12.
38 Bossuat (Gérard), La France, l’aide américaine…, op. cit., p. 821 sqq.
39 Lettre de W. Baumgartner à W. Vocke du 29 mars 1952, AWB, 2BA7, Dr5.
40 Une synthèse a été donnée par Kaplan (Jacob) et Schleiminger (Günther), The European Payments Union…, op. cit., p. 164-228. Cf. aussi : Milward (Alan S.), « Motives for currency convertibility : the Pound and the Deutschmark, 1950-1955 », in Holtfrerich (Carl-Ludwig) (éd.), Interaction in the World Economy : Perspectives from International Economic History, New York, New York University Press, 1989, p. 260-284, complété par « La Livre Sterling, le Franc et le Deutsche Mark (1950-1955) », in Du Franc Poincaré à l’ECU, op. cit., p. 405-418. Cf. aussi sur l’attitude de la Bank deutscher Länder, Dickhaus (Monika), « L’ouverture internationale de l’économie allemande et la convertibilité du mark allemand (1948-1958) », in Du Franc Poincaré à l’ECU, op. cit., p. 419-433. Le rôle de la Banque d’Angleterre dans la question de la convertibilité est présenté par Fforde (John), The Bank of England…, op. cit., p. 475-528. La stratégie du ministère français des Affaires étrangères a été analysée par Lynch (Frances), « Le franc français 1952-1956, le débat sur la convertibilité », in Du Franc Poincaré à l’ECU, op. cit., p. 385-395.
41 « De la monnaie et du crédit », causerie de W. Baumgartner à l’Institut des Hautes Études de défense nationale, le 22 juillet 1953, doc. cité, p. 18.
42 Éléments de réponse à Maurice Petsche sur le projet d’Union européenne des paiements, note de Jean Bolgert du 19 septembre 1950, ABF, 7e, D54 n° 8.
43 Ibid., p. 2.
44 Milward (Alan S.), « La livre Sterling, le Franc… », art. cité, p. 409.
45 Lettre de P. Leroy-Beaulieu à W. Baumgartner du 28 mars 1953, AWB, 2BA10, Dr2.
46 Lettre de C. Cobbold à W. Baumgartner du 28 mars 1955, AWB, 2BA19, Dr1.
47 Le handicap de la France dans la course à la convertibilité, note non signée, du 10 juin 1954, attribuable sur la foi de notations manuscrites à Pierre Calvet, 14 p. dactyl., AWB, 2BA15, Dr4.
48 Ibid., p. 4.
49 Ibid.
50 Ibid., p. 6.
51 Ibid., p. 13.
52 Schéma de l’exposé de Zurich, plan de la conférence de W. Baumgartner prononcée le 28 avril 1954 devant la Société d’économie politique de Zurich, doc. cité, p. 12.
53 Exposé de Pierre Calvet sur les négociations à l’OECE devant le conseil général de la Banque le 27 janvier 1955, AWB, 2BA19, Dr1, p. 11.
54 Procès-verbal de la séance du conseil général de la Banque de France du 17 février 1955, AWB, 2BA19, Dr1, p. 3.
55 Dickhaus (Monika), « L’ouverture internationale de l’économie allemande… », art. cité, p. 425.
56 Forde (John), The Bank of England…, op. cit., p. 471 sqq.
57 Lettre de W. Vocke à W. Baumgartner du 28 février 1953, AWB, 2BA10, Dr2.
58 Dickhaus (Monika), « L’ouverture internationale de l’économie allemande… », art. cité, p. 426.
59 Lettre de Roger Auboin à Wilfrid Baumgartner du 6 juin 1955, AWB, 2BA21, Dr2.
60 Exposé du président de la BRI à l’occasion de la réunion des gouverneurs du 6 décembre 1952, ABF, BRI 7e Q 647.
61 Ibid.
62 Dickhaus (Monika), Die Bundesbank im Westeuropäischen Wiederaufbau, die internationale Währungspolitik der Bundesrepublik Deutschland 1948 bis 1958, Munich, Oldenburg, 1996.
63 Audition de Wilfrid Baumgartner devant le Conseil économique et social le 30 mai 1952, doc. cité, p. 12.
64 Auriol (Vincent), Journal du Septennat…, op. cit., tome VII, 1953-1954, p. 73-74.
65 Aron (Raymond), Mémoires, Paris, Julliard, 1983, p. 248.
66 Aron (Raymond), « Contre les machiavels de sous-préfecture », Le Figaro du 21 janvier 1954.
67 « La croisade de Raymond Aron », L’Express du 29 janvier 1954.
68 Lettre de Wilfrid Baumgartner à Raymond Aron du 2 février 1954, exemplaire manuscrit au crayon, AWB, 2BA14, Dr4.
69 Baverez (Nicolas), Raymond Aron, Paris, Flammarion, 1993, p. 278.
70 Programme pour Georges Bidault, 6 juin 1953, doc. cité, p. 10.
71 Schéma de l’exposé de Zurich, doc. cité, p. 11.
72 Allocution de Wilfrid Baumgartner au banquet du Comité républicain du 27 avril 1955, doc. cité, p. 23 (version prononcée).
73 Éléments d’un programme, 1er juin 1953, 19 pages dactyl., AWB, 2BA11, Dr1, p. 1.
74 Aide-mémoire de W. Baumgartner à E. Faure du 30 janvier 1952, doc. cité, p. 2.
75 Lévêque (Jean-Maxime), En première ligne, Paris, Albin Michel, 1988, p. 42.
76 Nécessité, modalités et conditions d’un ajustement monétaire, note pour le gouverneur de Jean Bolgert, du 25 juillet 1953, mention secret, 24 p. dactyl., AWB, 2BA11, Dr1, p. 19.
77 Ibid., p. 22.
78 Nécessité d’un abaissement du niveau de change, note de Guillaume Guindey du 4 août 1953, mention secret, 7 p. dactylographiées, AWB, 2BA11, Dr1, p. 2.
79 Ibid., p. 1.
80 Réflexions sur l’impasse de la dévaluation, note de Louis Rosenstock-Franck, datée de fin juillet 1953, 7 p. dactyl., AWB, 2BA11, Dr1, p. 3.
81 Note pour le gouverneur, sans titre, de Jean Saltes, s. d., mais rédigée en réaction immédiate à la note de Guindey du 6 août 1953, 3 p. dactyl., AWB, 2BA11, Dr1, p. 1.
82 Lettre de Pierre Grimanelli à Wilfrid Baumgartner du 22 mars 1954, AWB, 2BA14, Dr5.
83 Allais (Maurice), « La question de la dévaluation », Le Monde du 14 octobre 1954.
84 Lettre de Paul Reynaud à Hubert Beuve-Méry du 15 octobre 1954, AWB, 2BA16, Dr1.
85 Éléments d’un programme, 1er juin 1953, 19 p. dactyl., p. 6, doc. cité.
86 Déclaration de Pierre Mendès France à l’Assemblée nationale le 7 août 1954 rapportée par Le Monde du 8-9 août 1954. Cf. aussi : Bossuat (Gérard), « Pierre Mendès France, une volonté pour l’Europe 1944-1974 », Pierre Mendès France et l’économie, Paris, Odile Jacob, 1989, p. 175-176.
87 Allocution de W. Baumgartner au banquet du Comité républicain le 27 avril 1955, AWB, 2BA21, Dr4, p. 16 (version prononcée).
88 « De la monnaie et du crédit », causerie de W. Baumgartner à l’Institut des Hautes Études de défense nationale, le 22 juillet 1953, doc. cité, p. 8.
89 Procès-verbal du conseil général de la Banque de France du 17 novembre 1955, AWB, 2BA19, Dr2.
90 Lettre de M. Pérouse à J. Sadrin du 25 février 1955, AWB, 2BA19, Dr2.
91 Allocution de W. Baumgartner au banquet du Comité républicain le 27 avril 1955, AWB, 2BA21, Dr4, p. 14 (version prononcée).
92 L’évolution monétaire en France, conférence de W. Baumgartner à Lausanne le 14 mars 1955, AWB, 2BA21, Dr3.
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