Chapitre VII. La Banque de France, son gouverneur et le « petit peuple » des banques centrales européennes au début des années 1950
p. 365-390
Texte intégral
1Les tentatives de coopération monétaire internationale n’avaient pas manqué dans l’entre-deux-guerres. Wilfrid Baumgartner à la conférence de Londres de 1933 ou lors des négociations de l’accord tripartite de 1936 avait eu l’occasion d’en entrevoir les potentialités mais d’en constater aussi les évidentes limites1. Après 1945, dans le cadre entièrement refondu du système monétaire international défini à Bretton Woods, cet aspect particulièrement sensible de la coopération entre nations souveraines a-t-il revêtu des formes nouvelles ?
2Les débuts de la guerre froide ont constitué l’arrière-plan dominant des premières années de Wilfrid Baumgartner à la Banque de France. On ne peut éviter d’en examiner les incidences monétaires : l’aide financière américaine, civile puis de plus en plus militaire, l’inflation mondiale consécutive à la guerre de Corée à partir de 1950, mais aussi, sous l’égide de l’OECE, les premiers pas de l’Union européenne des paiements en 1949-1950 en ont été des manifestations immédiates. Dans quelle mesure ont-elles concerné la banque centrale ? Traditionnellement responsable, selon la formule des manuels classiques, du crédit et des changes, l’Institut d’émission a-t-il su adapter ses compétences aux contraintes nouvelles de la période, toujours marquée par un strict contrôle des changes et par l’inconvertibilité, à l’exception notable du dollar, de toutes les monnaies ?
3Derrière ces questions se profilent les linéaments du rôle de la banque centrale et de son gouverneur dans l’histoire des relations monétaires internationales après la Seconde Guerre mondiale. L’action personnelle de Wilfrid Baumgartner dans ses relations avec ses homologues des autres banques d’émission européennes, à Londres comme à Bruxelles, à Rome ou à Francfort, a pu peser en effet d’un poids non négligeable aussi, singulièrement dans le cadre de la Banque des règlements internationaux (BRI). La mise en vigueur d’un système de paiements européen sous le régime sans précédent véritable de l’UEP semblait placer de fait l’institution bancaire internationale de Bâle au centre de la coopération monétaire internationale qui constituait sa raison d’être depuis 19302. Mais la présence régulière de Wilfrid Baumgartner et de ses plus proches collaborateurs aux assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale détermine un autre champ d’analyse possible des compétences nouvelles de la banque centrale que sa mission de gardienne traditionnelle de la stabilité monétaire pouvait désigner a priori à la confiance des bailleurs de fonds américains.
4L’étude d’une éventuelle politique monétaire extérieure de la Banque de France après la guerre renvoie inévitablement de la sorte aux enjeux plus généraux des relations internationales depuis 1945. Elle pose, plus nettement peut-être encore que pour la politique économique, le problème de la pesée d’un homme sur les évolutions majeures de son époque. Mais elle implique de chercher à préciser aussi l’influence de la banque centrale comme institution dans le jeu profondément renouvelé des rapports entre nations, notamment à l’intérieur d’une communauté européenne en devenir, dans lequel le facteur proprement monétaire semble s’être rapidement imposé comme déterminant. En regard de la place prépondérante aujourd’hui occupée par les banques centrales dans ce domaine on est fondé à supposer que la modernisation de la Banque de France passait également par la prise en compte et l’établissement de rapports de coopération monétaire réguliers entre les banques centrales. Le début des années 1950 apparaît ainsi comme le moment où s’est reconstitué, sur des bases quelque peu différentes par rapport aux principes de l’international central banking qui avaient prévalu dans les années 1920, ce que Baumgartner lui-même désignait alors comme « le petit peuple des banques centrales »3.
LES COMPÉTENCES INTERNATIONALES DE LA BANQUE DE FRANCE
5En 1949, au moment de la nomination de Wilfrid Baumgartner, les attributions de la Banque dans le cadre de la politique des changes et des relations monétaires internationales étaient patentes. Dès 1928, sous l’influence du directeur des Études, Pierre Quesnay, et à l’exemple de la forte structure dont Montagu Norman avait jugé utile de doter la Banque d’Angleterre4, l’Institut d’émission avait éprouvé la nécessité de se doter à son tour de services étrangers. Après 1945, ce service se signala par un fort développement5 sous l’autorité reconnue de Jean Bolgert, directeur général des études et des services étrangers de 1942 à 1955. Né en 1893 à Belfort, fils d’un général de division et protestant lui aussi, il était entré à la Banque de France en 1917 après des études à l’École libre des sciences politiques. Reçu au concours de l’inspection en 1927, il fut dès lors associé de près à la constitution des services étrangers de la Banque, participant à la petite équipe très soudée autour de Pierre Quesnay jusqu’au départ de celui-ci pour la BRI au printemps de 1930. À ce titre, il fut durant toute l’entre-deux-guerres, l’un des missi dominici de l’Institut d’émission, menant notamment plusieurs missions dans le cadre des opérations internationales de stabilisation monétaire conduites par la Banque de France en Roumanie (1928-1932)6 et en Yougoslavie (1931-1939). Sous l’Occupation, son influence directe dans la genèse de la loi bancaire du 13 juin 1941 fut déterminante. Bolgert joua à partir de 1949 un rôle important auprès de Baumgartner dont il resta d’ailleurs le conseiller personnel après son départ à la retraite en 19557. Son influence dans la conduite de la politique des changes de l’Institut d’émission fut déterminante.
6Les réformes introduites par René Mayer au début de 1948 accrurent les moyens d’intervention de la Banque sur les changes. La dévaluation et l’instauration de taux de change multiples et variables, opération conseillée par Monick, avaient ainsi comporté la création à Paris d’un marché libre de l’or et des devises, limité à l’origine au dollar et à l’escudo portugais, bientôt étendu en juin 1949 au franc belge8. Le marché libre de Paris avait été placé sous la surveillance du Fonds de stabilisation des changes (FSC) qui, depuis octobre 1948, était habilité à y pratiquer des interventions régulatrices, quand les cours du marché libre connaissaient des fluctuations trop fortes. Dès 1948, le Fonds de stabilisation pouvait être considéré comme l’instrument de la Banque de France dans le domaine des changes. Son rattachement comptable à l’Institut d’émission en juin 1949 consacrait donc une situation de fait, mais apparut aussi comme un signe destiné à accompagner à l’étranger le retour à la confiance dans le franc.
7Créé en octobre 1936, dans le cadre institutionnel nouveau entraîné par la signature de l’accord tripartite9, le Fonds de stabilisation dépendait en effet depuis 1940 du Trésor. Le déficit des paiements aboutissait dans ces conditions à alimenter directement au moyen des francs obtenus en contrepartie des cessions d’or ou de devises le compte courant du Trésor : « ce mécanisme, écrivait Baumgartner dans le Compte rendu de la Banque, ne correspondait pas à une conception monétaire saine »10, puisque le déficit extérieur, au lieu de contribuer à les réduire, accroissait au contraire les tensions inflationnistes. Recommandée par Jean Bolgert dès 1947, la séparation du Trésor et du FSC au profit de la Banque avait déjà été projetée par le plan Mayer11. Le retournement du solde de la balance des paiements au début de 1949, ajouté aux lourdes dépenses mises à la charge du Trésor par l’instauration des changes multiples, poussa également le Trésor à se décharger d’une liaison comptable devenue plus onéreuse que profitable. Ainsi sollicitée dans les formes par Maurice Petsche toujours au nom « d’une saine politique monétaire »12, la convention du 27 juin 1949 remit à la Banque la gestion des profits et des pertes du FSC. Au-delà de la portée seulement comptable de la réforme, le rattachement, soulignait Baumgartner, « a apporté une contribution essentielle à la consolidation internationale du franc. [Car] le Fonds apparaît aujourd’hui, beaucoup plus nettement que par le passé, comme lié à l’Institut d’émission : un pas a donc été fait vers le remembrement de la fonction monétaire au sein de la Banque de France »13. Mais aux yeux du gouverneur, plus que des considérations théoriques, c’était la prise en compte de l’opinion internationale sur le franc qui semblait justifier le mieux la réforme. Et cette préoccupation, en bien d’autres occasions encore, fonda sa politique. Elle sous-tendit par exemple l’action pourtant modeste de la Banque sur les changes, qu’avait rendue possible le régime des taux variables institué à l’automne 1948.
8Ainsi, l’ajustement monétaire réduit qui eut lieu le 27 avril 1949 permet-il de tracer les limites de la marge de manœuvre laissée à la Banque en matière de politique des changes. Le 26 avril, le dollar ayant connu sur le marché libre une hausse de plus de 5 %, la Banque décidait de modifier proportionnellement l’ensemble des cours pratiqués par le FSC. Jean Bolgert, à cette occasion, analysa fort lucidement l’étroitesse du jeu laissé à une politique des changes. La stabilisation monétaire entraînée par les mesures de janvier 1948, comme il l’expliquait au gouverneur, avait provoqué une remontée du franc de près de 40 % sur les marchés libres de Suisse, tandis qu’au marché noir, à Paris, le dollar baissait d’autant. « Cette évolution, à laquelle a très efficacement contribué l’action discrète (et lucrative) exercée par la Banque sur le marché de l’or a créé […] la possibilité, par un ajustement modéré des cours officiels, de couvrir les cours parallèles et d’éliminer pratiquement le marché noir des devises »14. Une nouvelle dévaluation du franc par rapport au dollar était donc, selon lui, techniquement souhaitable. Mais « les exigences du Fonds monétaire international », dont les Français étaient « obligés de tenir compte tant qu’elles [étaient] appuyées par les Anglo-Américains » forçait à respecter le cross rate établi entre le dollar et la livre. La Banque, concluait-il, avait donc « tout intérêt à différer tout alignement monétaire important » jusqu’à ce que la livre sterling fût dévaluée sur initiative américaine15. En attendant, elle avait cependant toute latitude pour faire jouer le mécanisme d’ajustement mineur prévu en octobre 1948 :
9« Nous donnerons ainsi à l’étranger l’impression d’avoir une politique […], étant les seuls, avec l’Italie, à disposer d’un système de change souple, nous nous trouverons en meilleure situation pour résister à toute exigence prématurée d’ajustement formulée du côté américain. »16
10Dans le domaine des finances extérieures aussi, la volonté de retour aux réalités marqua donc la période 1948-1950. Mais cette réalité, comme il est devenu banal de le rappeler, était dictée par le nouvel ordre mondial soumis, en occident du moins, au leadership américain. L’affaire de la dévaluation de la livre sterling en septembre 1949 permet d’en prendre une exacte mesure. Connue dans ses grandes lignes17, elle éclaire néanmoins, à la lumière nouvelle des papiers Baumgartner, le rôle inédit que le gouverneur d’une banque centrale put être amené à jouer au sein du système monétaire international né à Bretton Woods.
LA BANQUE DE FRANCE ET LA DÉVALUATION GÉNÉRALISÉE DE 1949
11La Grande-Bretagne avait, dès l’origine, été hostile à l’ouverture du marché libre de Paris, craignant d’y voir mise en évidence la surévaluation de la livre sterling. Le voyage de conciliation tenté au début de 1948 par René Mayer à Londres, auquel avait d’ailleurs pris part Jean Bolgert, n’avait pas permis d’obtenir l’aval des Britanniques. À compter de 1948, en effet, il était devenu évident que le retour à la parité livre contre dollar qui avait prévalu avant 1939 était illusoire. « La fiction du cross rate uniforme sera nécessairement abandonnée », laissait prévoir Bolgert en avril 194918. Mais l’ampleur de la dévaluation restait seule incertaine. Baumgartner l’admit après coup : « Cette dévaluation nous a surpris, non par sa venue, mais par l’importance qu’elle a revêtue »19. Pourtant, à l’évidence, la France avait essayé sur cette question d’établir les bases d’une politique monétaire concertée avec le Royaume-Uni, dont l’alliance à cette date était encore recherchée face à la réintégration économique et politique de l’Allemagne au sein de l’Europe20. Le voyage du gouverneur de la Banque de France à Londres en mai 1949 s’inscrivit dans ce contexte.
12C’est à l’invitation officieuse de René Massigli, l’ambassadeur de France à Londres, que Wilfrid Baumgartner rendit, du 19 au 22 mai 1949, une visite privée à Lord Cobbold, son collègue de la Banque d’Angleterre. Par lettre « personnelle et confidentielle », Massigli, dont l’engagement en faveur du rapprochement franco-britannique est bien connu21, lui avait en effet fait entrevoir combien sa venue était souhaitable :
13« J’ai l’impression qu’ici les choses bougent, et c’est la raison pour laquelle […] je vous verrais volontiers venir faire un tour ici, si vous pouviez mettre en avant quelque bon prétexte. Naturellement, il ne faudrait pas que la rue de Rivoli s’en alarmât ou en prît ombrage. En tout cas, je suis convaincu que c’est dans des conversations en marge de la Trésorerie que l’on pourra le mieux savoir comment les esprits s’orientent ici. »22
14Si les mémoires de Massigli passent sous silence cet épisode23, en revanche les papiers personnels de Cameron Cobbold24 confirment les entretiens que Baumgartner eut alors avec son homologue britannique, en compagnie de Massigli et de Sergent, attaché financier à Londres. Le gouverneur de la banque centrale anglaise nota ainsi au lendemain de ses conversations avec Baumgartner que tout en gardant en façade l’espoir que la livre pût tenir quelques mois encore, l’attention du gouverneur de la Banque de France était clairement fixée sur l’échéance de l’automne suivant. En vérité, les deux hommes se connaissaient de longue date ; leur première rencontre avait eu lieu en 1934, à Paris, à l’occasion d’une réception donnée à la Banque de France. À en croire le témoignage de Cobbold lui-même25, le directeur adjoint du Mouvement des fonds avait alors immédiatement sympathisé avec le jeune conseiller pour les affaires extérieures de la Banque d’Angleterre, son exact contemporain, marié, lui aussi depuis 1930, à Lady Margaret Hermione Bulwer-Lytton, fille aînée du deuxième comte de Lytton, avec laquelle Christiane Baumgartner se lia également. Cette amitié, encore facilitée par la parfaite connaissance que Cobbold avait de la langue française, semble bien confirmée par le caractère d’abord privé que revêtit la visite de Baumgartner, accompagné de son épouse, à son homologue anglais. À l’origine, il avait d’ailleurs été prévu que les deux couples passassent ensemble le week-end dans le manoir familial des Cobbold à Knebworth. Seul un emploi du temps trop chargé contraria le projet. Parmi les nombreux autres interlocuteurs du gouverneur de la Banque de France à Londres figuraient aussi Compton, le sous-secrétaire d’État au Trésor et Roger Makins, sous-secrétaire d’État au Foreign Office. Il y rencontra également les principaux banquiers de la place que Cobbold connaissait bien pour avoir lui-même fréquenté les cercles de la City à sa sortie d’Eton : il présenta donc à Baumgartner aussi bien Linlithgow, le président de la Midland, Balfour of Burleigh, président de La Lloyds et du Committee of London Clearing Bankers, Edward Reid de Baring, Randal Smith de la banque Morgan, Kindersley de chez Lazard que Geoffrey Crowther, l’éditeur depuis 1938 de The Economist26. Ces contacts personnels ne doivent certes pas être surestimés, mais ils ont leur importance que l’histoire des relations internationales a depuis longtemps mise en relief27 : indicatifs d’un milieu, porteurs de pressions implicites, ils ne pouvaient que renforcer chez le gouverneur de la Banque de France la considération de la dimension inévitablement internationale de la politique monétaire et donner, en retour, à ses interlocuteurs des milieux d’affaires londoniens l’impression, si déterminante en pareille matière, que la banque d’émission française était bien gouvernée. N’estce pas là le ressort premier de toute « représentation » diplomatique ?
15Au retour de Wilfrid Baumgartner à Paris, la presse bien entendu multiplia les conjectures pour percer à jour les véritables raisons de cette visite présentée comme strictement privée. La dévaluation de la livre et la mise en œuvre de l’Union européenne des paiements étaient au centre des suppositions28. Sans ajouter encore à ces supputations qui sont un des écueils de l’histoire de cette sorte de diplomatie financière, il n’en demeure pas moins qu’en cette affaire, le gouverneur de la Banque de France eut des conversations directes avec la trésorerie et les milieux financiers britanniques, et qu’il inaugura aussi par cette visite un lien personnel et durable avec la Banque d’Angleterre. Que l’ambassadeur Massigli l’ait convié, sans l’aval du ministère des Finances français, pour des conversations à la Banque d’Angleterre en marge de la trésorerie britannique, démontre aussi que les banques centrales, à cette date, avaient recommencé à occuper une place dans la machine diplomatique29. La venue à Londres, la semaine suivante, de Paul Henri Spaak, président de l’OECE et d’Haverell Harriman, ambassadeur de l’ECA en Europe, pour une conférence monétaire avec le chancelier de l’Échiquier Sir Stafford Cripps renforce l’hypothèse que la venue de Baumgartner s’inscrivait, tentative parmi d’autres, dans la recherche d’une entente franco-britannique qui buta sur les préférences de l’Angleterre pour le grand large. Suivie de peu d’effets immédiats, cette tentative néanmoins contribua à transformer une relation personnelle d’ordre amical en une liaison permanente entre les gouverneurs des deux pays. Le voyage à Londres de mai 1949 n’empêcha pourtant pas que la dévaluation de la livre fût décidée en concertation avec les seuls américains et annoncée à la sauvette le 17 septembre 1949 à l’issue du banquet qui clôturait, ironie du sort, l’assemblée annuelle du Fonds monétaire international. À cette occasion encore, la Banque et son gouverneur avaient néanmoins occupé une place qu’il n’est pas sans intérêt d’analyser.
16En 1943-1944 les banques centrales étaient demeurées en marge des débats développés en vue de l’établissement d’un nouvel ordre monétaire international. La Banque de France, toujours soumise au régime d’occupation allemande au moment où se tenait la conférence de Bretton Woods, n’avait été tenue informée des différents plans monétaires qui s’étaient succédé depuis 1943 qu’au travers de la presse germanophone et par l’intermédiaire de la Banque des règlements internationaux30. Cette abstention s’explique en partie par la méfiance du secrétaire d’État américain au Trésor, Harry White, dont les thèses avaient été à l’origine de la création du FMI, vis-à-vis des Instituts d’émission européens coupables à ses yeux de collaboration active avec les forces d’occupation allemandes. Pourtant, la réintégration rapide de la Banque de France dans le cadre du FMI ne fait aucun doute : Wilfrid Baumgartner exerça ainsi les fonctions de gouverneur suppléant pour la France au FMI de 1949 à 1957, assurant avec Pierre Mendès France, gouverneur en titre, la conduite de la délégation française à chaque assemblée annuelle du Fonds avant de lui succéder de 1959 à 1960. L’impuissance relative du FMI, au moins jusqu’en 1956, la solennité et le rituel en apparence seulement formel des assemblées annuelles du Fonds ne doivent pas pour autant masquer qu’elles furent également le cadre de rencontres et d’échanges officieux et qu’elles contribuèrent, tout comme les réunions mensuelles de la BRI à Bâle, à faire du gouverneur de la Banque de France l’un des acteurs majeurs des relations monétaires internationales. La IVe assemblée annuelle du FMI réunie à Washington au début de septembre 1949, alors que la question de la dévaluation de la livre sterling restait la préoccupation principale, en est une claire illustration.
17À la fin d’août 1949, Maurice Petsche avait réuni à l’hôtel Matignon, outre Wilfrid Baumgartner, Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, accompagné de deux de ses hauts fonctionnaires, Alexandre Parodi, secrétaire général, et Hervé Alphand, directeur des Affaires économiques, pour la mise au point des instructions à remettre aux représentants français à Washington31. Ces instructions tiraient la leçon de l’échec d’une coopération monétaire avec la Grande-Bretagne : les représentants français devaient rester à l’écart des discussions anglo-américaines sur la parité de la livre. « Nous n’avons pas de raison de demander à y participer, d’autant plus qu’il n’est pas certain que nous soyons d’accord sur certaines des suggestions que présenteront les Anglais, suggestions sur lesquelles ils n’ont pas cherché à se concerter avec nous. »32
18La France était de toute façon décidée, en cas de maintien de la livre à une parité inchangée, à procéder en accord avec l’Italie et la Belgique à une réforme monétaire globale sur le continent, quitte « à fixer de nouveaux cours qui ne ser[aient] plus en harmonie avec le cross rate » ; la note ajoutait : « c’est là d’ailleurs son droit strict, car le maintien du cross rate ne résulte d’aucune obligation internationale ni vis-à-vis de l’Angleterre, ni visà- vis du Fonds monétaire »33. L’annonce de la dévaluation britannique le vendredi 17 septembre, dernier jour de l’assemblée, fut une double surprise : les Français avaient espéré en effet qu’elle ferait l’objet d’une discussion au sein du Comité exécutif du fonds monétaire, et que « les différents pays seraient amenés à faire connaître à cette occasion la position qu’ils envisage[aient] de prendre en ce qui concern[ait] leur propre monnaie »34. L’ampleur de la manipulation, d’autre part, dépassait toutes les attentes : la parité avec le dollar passait de 4,03 à 2,80 dollars pour une livre, alors que la parité de 3,33 avait été estimée la plus probable par les Français. Dès le samedi, Baumgartner joignit par téléphone Jean Bolgert resté à Paris pour lui exposer la conduite à tenir35 : devant « l’ampleur » de la dévaluation, le franc ne pouvait pas demeurer inchangé. Contre une solution « haute », préconisée par Guillaume Guindey (360 F pour un dollar), et contre un taux trop bas qui aurait mis en péril les échanges avec la zone dollar, il proposait la voie moyenne de 350 F pour un dollar. Les « voisins », avait-il ajouté, « ont été impressionnés par l’ampleur » de la dévaluation : Maurice Frère, le gouverneur de la Banque nationale belge, « voulait ne pas bouger » ; W. Holtrop, directeur de la banque centrale des Pays-Bas « voulait faire comme nous ». Baumgartner croyait pour sa part à la nécessité de « prendre un peu de recul » et concluait bien dans sa manière : « je suis pour le wait and see ». Ce fut finalement la solution préconisée par le gouverneur qui prévalut, « après beaucoup de débats, témoigna-t-il après coup, où des thèses opposées se sont heurtées avec une certaine violence »36. Le nouveau taux mit effectivement fin au régime des changes multiples « qui compliquaient beaucoup notre situation »37, et il permit donc la réforme globale des changes européens que préconisait la Banque de France depuis la fin de 1948, prélude au rétablissement de la multilatéralisation des paiements extérieurs. Mais l’impossibilité d’une entente avec la Grande-Bretagne amenait aussi à rechercher sur le continent les conditions d’une coopération monétaire européenne. Roger Truptil, correspondant familier de Baumgartner depuis l’entre-deux-guerres et bien au fait des mentalités britanniques, lui rappela par exemple avec humour, au lendemain des événements de Washington, que « G. B. Shaw avait prévu vers 1930 que le Royaume-Uni deviendrait un jour le 49e État des USA ». Il prévoyait, non sans discernement, que « l’entente franco-allemande [en] serait facilitée » et concluait : « combien plus facile l’Europe sans les Anglais ! »38 Un mois plus tard, comme en écho, Wilfrid Baumgartner reçut rue de la Vrillière pour la première fois Wilhelm Vocke, le président du directoire de la Bank deutscher Länder39. Sous l’autorité de cet ancien directeur de la Reichsbank démis de ses fonctions en 1939 pour avoir critiqué la politique monétaire nazie, qui jouissait de surcroît d’un important capital de confiance auprès de la Banque d’Angleterre, la Bank deutscher Länder (BDL) avait rapidement été pourvue de toutes les fonctions d’une banque centrale moderne. C’était aussi grâce au parrainage de la Banque d’Angleterre qu’au début de 1950, la BDL fut admise, malgré les réticences initiales de Wilfrid Baumgartner, au conseil de la BRI40. Encore peu analysé, le rôle joué par la BRI dans la mise en place de l’Union européenne des paiements en 1949-1950, sous l’égide de l’OECE, mérite qu’on y prête davantage attention. Il permet de préciser la réalité des relations alors développées au sein de la communauté reconstituée des banques centrales. Les prodromes de l’Union européenne des paiements (UEP) ont fait l’objet de plusieurs analyses41, mais la part qui revient aux banques centrales dans cette première expérience réussie de coopération monétaire européenne n’a pas vraiment été mise en lumière. André de Lattre, à cette période chargé de mission à la direction des Finances extérieures du ministère des Finances, a témoigné pourtant de l’implication des Instituts d’émission et du rôle important de la BRI dans le processus de retour à la multilatéralisation des paiements amorcée dès la fin de la Seconde Guerre mondiale42. Peut-on espérer préciser ce rôle ?
L’INSTITUTION DE L’UNION EUROPÉENNE DES PAIEMENTS (1949-1950)
19La pénurie persistante de dollars et l’impuissance du FMI à faire respecter un ordre monétaire international fondé sur des parités fixes contribuèrent à faire ressentir la nécessité d’un système de paiements à même de faciliter la croissance des échanges intra-européens43. La création de l’OECE en avril 1948 répondait déjà à cette volonté. Les dévaluations en chaîne provoquées par l’ajustement de la livre à l’automne 1949 rendirent techniquement possible la mise sur pied d’un accord de règlements européens. Mais jusqu’au printemps 1950, la Grande- Bretagne resta fortement hostile au projet nourri par l’OECE de bâtir une Union européenne des paiements qui risquait de compromettre le rétablissement du rôle international de la livre sterling44. La correspondance personnelle échangée entre Baumgartner et Cobbold au début de 1950 permet de retracer l’évolution de la position britannique ; elle confirme l’engagement progressif de la Banque d’Angleterre en faveur de l’UEP, mais elle montre aussi que le projet d’une coopération monétaire bilatérale franco-britannique, au moins entre les banques centrales des deux pays, était toujours à l’ordre du jour. Il semble en effet qu’au premier semestre de 1950 encore, en marge des projets d’union monétaire européenne, les deux Instituts d’émission aient pris de leur propre chef l’initiative d’entamer des discussions sur les modalités possibles d’une coopération monétaire plus étroite entre Paris et Londres.
20Le 10 mars 1950, Cobbold avertit ainsi Baumgartner qu’il convenait d’exploiter le climat favorable créé par la visite que venait d’effectuer Vincent Auriol outre-Manche pour essayer de convaincre Cripps du bien fondé d’un rapprochement monétaire franco-britannique : « J’ai trouvé le Chancelier réceptif, à première vue, à l’idée de notre tentative de rapprochement dans le domaine financier et monétaire »45. Cobbold promettait d’approcher la trésorerie britannique pour l’amener à donner son aval au projet. De fait, Jean Bolgert informé au téléphone par John Lithiby, parfaitement francophone et conseiller personnel de Cobbold46, rendit compte quelques jours plus tard à Baumgartner du déroulement des pourparlers :
21« La Trésorerie britannique est maintenant très désireuse de pousser en avant les projets dont les grandes lignes ont fait l’objet de nos conversations de Londres et de Bâle […]. La Bank of England n’a plus maintenant aucune objection à ce que nous abordions nous-mêmes le Trésor français pour le mettre au courant de nos échanges de vues. Cela lui paraît d’autant plus opportun que Playfair sera à Paris dans quelques jours et fera probablement allusion à ces projets dans ses conversations avec Guindey. »47
22Mais ce nouvel essai de rapprochement, une fois encore, se heurta à une fin de non-recevoir du côté du gouvernement anglais. George Bolton, directeur de la banque centrale anglaise en avertit Baumgartner explicitement : Whitehall ne voulait rien entreprendre tant que la question de l’UEP restait en suspens48.
23À la fin mai, Cobbold lui-même confia dans une lettre personnelle à Baumgartner son appréciation sur l’UEP : il avouait ses réticences vis-à-vis d’un système qu’il jugeait « compliqué » et « rigide » et il lui avoua qu’il avait du reste fait part à Stafford Cripps de ses préventions deux semaines auparavant : « J’aurais grandement préféré avancer par extension et libéralisation progressives […]. Mais j’ai reconnu que vu sous l’angle politique et compte tenu des États-Unis, nous devrions probablement donner notre accord à l’UEP sous une forme ou sous une autre »49. C’est donc avant tout par réalisme politique que la Banque d’Angleterre se rallia aux vues de l’OECE sur l’UEP. Mais elle tenait à préserver malgré tout l’avenir de la livre en refusant de la lier de façon trop automatique à une union de clearing qui pouvait aussi bien disparaître dès 1952 ou plus tôt encore. Par conséquent, pour Cobbold, il importait de « continuer à construire un système qui puisse fonctionner indépendamment de l’unité de clearing de l’UEP », dans la permanence de laquelle, décidément, il ne croyait pas50. C’était affirmer déjà le choix du retour à la convertibilité externe des monnaies européennes. Par retour de courrier, Baumgartner lui répondit qu’il partageait entièrement ses vues sur l’UEP51 et Cobbold lui proposa alors de poursuivre leur discussion à Paris, à la Banque, en une étape discrète sur la route de Bâle.
24Si les sources actuellement disponibles ne permettent pas de juger du fond du projet de coopération monétaire échafaudé au printemps 1950 entre les deux Instituts d’émission, il reste que son existence même prouve que la Banque d’Angleterre était demeurée après 1945, pour la Banque de France, le partenaire obligé qu’elle avait été tout au long du xixe siècle52. D’autre part, ce projet démontre la réalité de pourparlers amorcés à la propre initiative des banques centrales et en marge des trésoreries, même si, dans les deux cas, l’accord du ministère des Finances avait finalement dû être sollicité. Enfin, cet épisode met en évidence le lieu stratégique que constituaient les réunions régulièrement tenues à Bâle par les banquiers centraux dans le cadre feutré de la BRI.
LA BANQUE DES RÈGLEMENTS INTERNATIONAUX ET L’EUROPE
25Il n’y a pas lieu d’écrire ici l’histoire, de la Banque des règlements internationaux53, mais de considérer la place particulière qu’elle a occupée tout au long de la décennie 1950 dans la coopération monétaire internationale afin d’examiner l’action de la Banque de France et de son gouverneur dans ce cadre. Fondée en mai 1930 sous les auspices du plan Young par les différentes banques d’émission des pays concernés, la BRI avait dès cette époque été conçue comme un organisme permanent au service de leur coopération54. La nécessité de cette entraide mutuelle figurait déjà dans le texte final de la conférence de Gênes en 1922 et encore au nombre des résolutions de la conférence monétaire de Londres en 1933. Le Ve Rapport annuel de la BRI pour 1934-1935 avait tenté de décrire le contenu concret de cette notion demeurée jusqu’alors, selon les termes mêmes du rapport, assez abstraite55. Rédigé déjà par Per Jacobsson, alors chef du département monétaire et économique de la BRI, ce vademecum de la collaboration entre banques centrales gardait tout son intérêt pour l’après-guerre, son auteur ayant conservé après 1945 ses fonctions à la Banque de Bâle, avant d’être appelé, on le verra, en 1956 à la direction du Fonds monétaire international.
26Les banques centrales, écrivait donc Per Jacobsson en 1935, étaient comparables aux services nationaux d’hygiène publique : « L’intérêt national bien conçu se confond à cet égard avec le bien-être international »56. La grande dépression des années 1930 et le repli généralisé des économies nationales sur elles-mêmes formaient la toile de fond de ces préceptes. Ils postulaient donc, très classiquement, que la prospérité de chaque pays passait par la richesse de l’ensemble des nations : « L’attention d’une banque centrale doit être tournée vers l’extérieur autant que vers son marché propre si elle veut exercer dans de bonnes conditions ses fonctions essentielles »57. Plus spécifiquement pourtant, le rapport de la BRI analysait la similitude des techniques employées par les banques centrales et en concluait qu’elles poursuivaient les mêmes objectifs, à savoir la recherche de la stabilité et le maintien des équilibres :
27« La tâche essentielle de toute banque centrale est en réalité la même : régler le volume du crédit et de la circulation monétaire pour atténuer les fluctuations accentuées de l’activité économique et adopter une politique destinée à maintenir l’équilibre de la balance des paiements. »58
28Présupposée par la notion même de coopération monétaire, l’idée était que l’élaboration d’une doctrine monétaire commune était possible et qu’elle devait mener à uniformiser les politiques suivies dans le domaine de la monnaie et du crédit. Cette manière de voir était promise à un long avenir, bien au-delà des lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, les banques centrales étaient-elles très clairement investies d’une mission d’intérêt général ; si bien que « dans le cas où la politique nationale et l’intérêt international entr[aient] en conflit, il [était] de la plus haute importance que les banques centrales se concert[assent] pour chercher à atténuer les effets d’un programme national qui risqu[ait] d’être nuisible sur le terrain international »59. La BRI apparaissait dès lors comme le cadre naturel de cette concertation, comme « le trait d’union toujours plus étroit et précieux dans la collaboration entre banques centrales »60. Mais « comment faut-il collaborer ? » demandait avec pédagogie Per Jacobsson. Sa réponse contenait déjà un véritable programme de travail :
« Par des rencontres et des visites fréquentes, un échange permanent d’informations, de consultations mutuelles et de discussions en commun. […] La parole est certainement le meilleur truchement dont nous disposons à cet effet. »61
29Formulés à un moment où s’accentuaient encore en Europe les fractures politiques et économiques, particulièrement entre les différents systèmes financiers qui la composaient, ces principes étaient certes demeurés tout platoniques. Mais avec l’internationalisation croissante de l’après-guerre, un champ d’application nouveau s’ouvrit pour eux.
30Au cours de la décennie 1950, la Banque des règlements internationaux fut en effet amenée à jouer un rôle de premier plan dans la coopération monétaire européenne. En tant que club des banques centrales, elle était ainsi dix fois par an le lieu de réunion des gouverneurs des principaux Instituts d’émission européens : « C’est un fait assez remarquable, témoignait en 1955 Roger Auboin, directeur général de la BRI, que depuis vingt-cinq ans […] les gouverneurs membres du Conseil consacrent chaque mois à ces réunions quelques jours d’une vie cependant très occupée »62. C’est ainsi, comme en témoignent ses agendas63, qu’entre 1949 et 1959, Wilfrid Baumgartner, en compagnie de Jean Bolgert puis de Julien Koszul, son successeur à la direction des Services étrangers, se rendit chaque mois à Bâle. Au conseil de la Banque, mais plus encore à la table de l’Auberge des Trois Rois où il avait l’habitude de descendre, il frayait régulièrement avec Cameron Cobbold de la Bank of England, Wilhelm Holtrop, président de la Nederlandsche Bank, Donato Menichella de la Banca d’Italia et à partir de 1950, Wilhelm Vocke de la Bank deutscher Länder. Les directeurs des banques d’émission suisse et suédoise étaient également associés à ces réunions. Surtout, Baumgartner semble avoir été très proche de Maurice Frère, le gouverneur de la Banque nationale de Belgique, également depuis 1946 président du conseil d’administration de la BRI. Il lui rendit du reste un hommage appuyé dans le toast qu’il porta à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de la banque centrale belge, vantant sa « bonne presse dans le petit peuple des banques d’émission » et se plaisant à reconnaître en lui l’« expert international », « doté également d’une seigneurie dans la région de Bâle où [il] régn[ait] sur des vassaux de bonne volonté qui [lui] marqu[aient] à la fois leur allégeance personnelle et leur adhésion spontanée »64. Des grands pays occidentaux industrialisés, seuls les États-Unis demeuraient donc officiellement en dehors du club de Bâle. Leur tentative d’approche en 1950, par l’intermédiaire de la Grande-Bretagne, s’était heurtée à la volonté des Européens de n’accepter qu’à la condition que le fauteuil accordé aux Américains fût occupé par le gouverneur du Federal Reserve Board lui-même65. « La solidarité » entre banques centrales qu’évoquait Baumgartner, fondée « sur l’accomplissement d’une tâche commune et souvent ingrate »66, offre-t-elle toutefois plus avant prise à l’analyse et à la démonstration ? L’importance de l’échange informel d’informations et de conseils, on le conçoit, reste difficilement mesurable. En revanche, le rôle de la BRI dans la coopération monétaire européenne a pu prendre aussi la forme, plus matérielle, d’une entraide financière. La pratique des crédits croisés ou swap en fut la manifestation la plus évidente.
31Les ressources de la Banque des règlements internationaux provenaient pour l’essentiel des dépôts à vue ou à court terme des banques centrales qui en 1955 représentaient 86 % du total de ses ressources, le reste correspondant à ses fonds propres67. Parallèlement à la reconstitution de leurs réserves, le montant des dépôts des banques centrales avait fortement crû depuis 1948. La BRI disposait donc d’une marge de manœuvre non négligeable et très liquide. Si ses statuts lui interdisaient de consentir des avances directes aux gouvernements, elle traitait en revanche ordinairement avec les banques d’émission. C’est ainsi qu’à la fin d’août 1949, pour faciliter l’échéance de fin de mois du Trésor français, la Banque de France acheta des devises contre des francs à la BRI qui les employa aussitôt à la souscription de bons du Trésor68. Le principal avantage du crédit croisé, simple troc entre deux monnaies différentes et effectué par un jeu croisé d’écritures, était que la clause à réméré qu’il comportait revenait à annuler le risque de change et créait de fait une équivalence entre les devises concernées. C’était à cet égard un instrument important de coopération monétaire entre les banques centrales, appelé à être utilisé à plusieurs reprises par la Banque de France, par l’intermédiaire de la BRI ou directement avec une autre banque d’émission. Cette entraide financière trouvait aussi à s’exercer dans le cadre voisin du conseil de direction de l’Union européenne des paiements, à laquelle la BRI, là aussi, était étroitement associée.
L’EXPÉRIENCE FONDATRICE DE L’UNION EUROPÉENNE DES PAIEMENTS
32L’expérience de l’Union européenne des paiements est l’objet depuis une quizaine d’années, notamment outre-Manche, d’un regain d’intérêt69. Or l’histoire du fonctionnement de cet accord visant à faciliter les transactions commerciales entre les pays d’Europe occidentale, aux monnaies non convertibles entre elles, intéresse de près l’histoire des banques centrales dans les années cinquante. Elle contribue en tout cas à mettre encore davantage en valeur le rôle de la Banque de France dans la coopération monétaire européenne.
33Créée sous l’égide de l’OECE et destinée dans l’esprit de ses fondateurs américains à servir « de dispositif amortisseur » après la fin de l’aide Marshall70, l’UEP avait pour centre de décision un comité de direction (managing board) composé des sept représentants des pays membres et réuni en sessions régulières de plusieurs jours par mois à Paris, dans le cadre de l’OECE au château de la Muette. Pierre Calvet, directeur de l’Office des changes puis, à partir de 1952, sous-gouverneur de la Banque de France représentait la France au comité de direction et en assurait aussi la vice-présidence. Élève de Wilfrid Baumgartner à l’École libre des sciences politiques entre 1929 et 1933, on l’a vu, Pierre Calvet avait consacré sa thèse de fin d’études au plan Young, sous sa direction ; il avait alors voué à son maître une admiration très forte71 qui ne se démentit jamais par la suite, dont l’échange auquel sa nomination comme sous-gouverneur avait donné lieu devant le conseil général à la fin de 1952 témoigna éloquemment : « Pierre Calvet est un de ces inspecteurs des finances, avait déclaré Baumgartner, dont j’ai eu le privilège de discerner la carrière ». Le nouveau sous-gouverneur avait alors tenu à lui prêter devant le conseil général un serment de fidélité tout plein d’une visible ferveur :
34« Vous avez été pour moi, dans ma toute jeunesse, le maître éblouissant grâce à l’enseignement et aux encouragements duquel je suis entré dans la carrière administrative. Depuis lors vous m’avez toujours conseillé, guidé. Aujourd’hui vous me faites le grand honneur de m’appeler à vos côtés ; je vous exprime ma très, très profonde gratitude. »72
35Étonnante force d’attraction de cet homme qui a pu susciter autour de lui, au moins pour ceux qui cédaient au charme, un tel élan, dirait-on presque affectif, et que bien d’autres avec Pierre Calvet ont partagé. Elle souligne en tout cas l’étroitesse de la relation entre le gouverneur de la Banque et le représentant français à l’UEP et indique assez l’intimité de décision qui pouvait prévaloir entre les deux hommes. Elle renforçait encore autant l’autorité reconnue de Pierre Calvet73 dans cette enceinte qui, selon le témoignage bien informé de Guillaume Guindey, alors directeur des Finances extérieures rue de Rivoli, « constituait pour les gouvernements membres un centre de consultation permanent sur les relations monétaires intra-européennes au sens le plus large du terme »74.
36On ne peut donc espérer analyser la politique de la Banque de France dans la décennie 1950 si l’on ne prend pas une mesure exacte du rôle du comité directeur de l’UEP : lieu de consultation, il était aussi, soulignait Guindey, un centre de décision qui, « grâce aux moyens de pression sur les pays individuels que constituait l’allocation de facilités par l’UEP, se trouva outillé pour faire triompher ses objectifs de libéralisation des échanges et des paiements »75. Per Jacobsson luimême avait nettement indiqué le caractère exécutif des décisions de l’UEP dont l’aide temporaire était conditionnée par l’adoption d’un plan de redressement : « C’est ainsi, expliquait-il, que fut admise l’idée que l’UEP devait se préoccuper de la politique intérieure des pays qui en faisaient partie »76.
37Cette capacité d’intervention apparut avec évidence à l’occasion de la crise des paiements de l’Allemagne en 1950-195177 : sur la base du rapport demandé en octobre 1950 à Per Jacobsson et à Alec Cairncross78, l’UEP fut amenée à financer le déficit commercial de l’Allemagne en contrepartie de la mise en œuvre d’un programme de redressement. Sans entrer dans le détail des mesures préconisées, on peut toutefois remarquer qu’elles comportaient entre autres un renforcement des pouvoirs de la banque centrale allemande, explicitement chargée « d’empêcher une nouvelle expansion du crédit, voire de diminuer le volume du crédit en vue d’équilibrer la balance des paiements au niveau prévu par l’UEP »79. Et lors de sa réunion du 30 novembre au 2 décembre, le comité directeur de l’UEP s’inquiéta de savoir si la Bank deutscher Länder disposait de pouvoirs suffisants pour faire appliquer ses directives par les banques centrales dans chaque Land de la jeune RFA80. Cette attention toute particulière aux prérogatives d’une banque d’émission éclaire parfaitement les termes du débat. Si la France, créditrice pour quelques semaines encore au sein de l’Union, ne paraît pas avoir joué de rôle particulier dans le traitement de la crise des paiements allemande, cet épisode en tout cas démontre sans ambiguïté le rôle déterminant du comité de direction de l’UEP dont les recommandations, à en croire Guindey, « eurent une influence salutaire sur les Gouvernements et renforcèrent, dans chaque pays, la position des partisans de l’assainissement »81.
38Dans le grand jeu de forces qui est la trame de l’histoire économique de la France après 1945 – on le verra également à propos de la crise des paiements dont le pays fut affecté en 1957-1958 – l’UEP occupait ainsi une place remarquable, en étroite liaison avec les banques centrales européennes, la Banque de France au premier chef. L’autre noyau de la coopération monétaire européenne a sans conteste été la Banque des règlements internationaux qui, désignée par l’OECE comme agent comptable de l’UEP, était de ce fait en relation constante avec les banques centrales des pays de l’Union dont elle assurait la centralisation des écritures. On peut concevoir de quel poids pesèrent sur l’action du gouverneur de la Banque de France les institutions de coopération monétaire mises en place au début de la décennie 1950 ; elles furent partie prenante de la contrainte monétaire extérieure qui, autrement plus que les contraintes de trésorerie intérieure, préoccupèrent Wilfrid Baumgartner tout au long de son séjour rue de la Vrillière. Elles expliquent chez le gouverneur le souci constant du crédit de la France, simple transposition à un degré plus élevé, en somme, du souci constant que, dans le monde plus cloisonné de l’entre-deux-guerres, le directeur du Mouvement général des fonds avait montré pour le crédit de l’État.
LA BANQUE DE FRANCE, SON GOUVERNEUR ET LE CRÉDIT DE LA FRANCE
39La notion de crédit international de la France revêtait une importance particulière entre 1949 et 1950, dans la mesure où la continuité de l’aide financière américaine en dépendait étroitement : les rapports entre les hauts fonctionnaires français et les administrateurs américains du plan Marshall à Paris ont fait l’objet déjà de nombreuses analyses82. Le rôle clé du commissaire au Plan Jean Monnet est, lui aussi, à cet égard, bien connu. En revanche la perception de la Banque de France par les Américains a été moins étudiée. C’est pourtant par l’Institut d’émission que transitaient les fonds Marshall, notamment les fonds de contrepartie. Au sein de la difficile partie jouée par la France pour obtenir de la part de l’ECA, par exemple en 1949, le déblocage ponctuel de ces fonds83, la Banque de France, en étroite liaison avec Maurice Petsche semble avoir tenu un rôle bien particulier. C’est que l’Institut d’émission apparaissait comme un élément essentiel du retour à la stabilité qui impliquait pour l’administration américaine à Paris la fin du financement du déficit public au moyen des avances de la Banque et le renforcement des restrictions en matière de crédit84 : deux domaines où l’orthodoxie supposée de la Banque centrale pouvait offrir certaines garanties de rigueur, aux yeux notamment du Congrès des États-Unis, mais aussi des banquiers de New York.
40L’affectation du bénéfice de la réévaluation de l’encaisse-or de la Banque intervenue en août 1950 prouve assez combien était importante, pour les autorités monétaires, la confiance inspirée à l’étranger par la signature de la Banque. La mise à jour de la valeur du stock d’or, inchangée depuis la Libération en dépit des multiples dévaluations survenues depuis, dégagea une plus-value comptable de 126 milliards de francs, soit à peu près le montant du déficit prévu des finances publiques pour 1950. Pourtant, d’un commun accord entre Petsche et Baumgartner, le gouvernement s’était engagé à ne pas utiliser cette somme à la couverture des besoins du Trésor, mais, expliquait le gouverneur, « à restaurer notre monnaie sur les marchés extérieurs en lui donnant une valeur plus vraie »85. La plus-value fut donc affectée en intégralité au remboursement ou à l’amortissement de créances françaises à l’étranger : remboursement de l’emprunt contracté à New York en 1947 qui, gagé sur l’or de la Banque, avait fait l’objet d’un premier remboursement en or à la première échéance d’avril 1949 ; amortissement des bons du Trésor qui représentaient la contribution de la France au FMI et à la Banque mondiale ; rachat, enfin, aux banques centrales européennes des bons du Trésor remis en paiement des soldes commerciaux bilatéraux existant au moment de l’entrée en vigueur de l’UEP. Dans l’esprit de W. Baumgartner, cet apurement général des comptes de la France était d’autant plus nécessaire que le Trésor était de nouveau dans l’obligation de recourir à un emprunt sur la place de New York : la guerre de Corée ayant jeté dans les esprits « un trouble plus ou moins durable », tout appel au marché financier national était rendu délicat. Il ne reste plus qu’une solution aux difficultés et elle doit être recherchée du côté d’un emprunt extérieur »86. Les conditions de cet emprunt, comme l’exposa alors Guindey, « n’étaient pas entièrement satisfaisantes »87, puisque sur le montant global de 200 millions de dollars, seuls 25 millions étaient effectivement perçus, le reste devait être placé en dépôt de garantie en bons du Trésor américain et sous dossier des banques prêteuses ! On conçoit dans ces conditions que toute mesure pouvant aboutir à restaurer le crédit de la France à l’étranger et à prouver sa solvabilité ait revêtu une importance vitale. La Banque de France, « citadelle du franc », était une pièce maîtresse dans cette partie où les handicaps de la France étaient nombreux. L’échange épistolaire officiel qui accompagna la signature de la convention de réévaluation du 2 août 1950 paraît bien dans cette optique avoir comporté aussi un message à destination de l’extérieur : le gouverneur en effet avait d’abord tenu à rappeler « les appréhensions qu’éveill[ait] inévitablement chez lui tout financement inflationniste des dépenses publiques ». Quant au nouvel emprunt américain, il précisait que « pour n’être pas une opération d’emprunt classique, il permettra au moins de ménager au cours des prochains mois un marché financier dont la reconstitution demeure essentielle »88. Belle profession de foi orthodoxe dont on peut douter qu’elle ait été seulement destinée au ministre des Finances. La réponse de Petsche était d’ailleurs tout aussi édifiante : il soulignait que son souci essentiel, à lui aussi, restait la stabilité des prix, « en pleine solidarité avec nos partenaires de l’alliance atlantique »89. Faute de preuves, rares en pareille matière, on se gardera de conclure sans appel au machiavélisme des plus hautes autorités monétaires et financières de l’État à une période pourtant où, le directeur du Trésor lui-même le reconnut après coup, il pouvait arriver à un fonctionnaire français d’être vis-à-vis des mentors américains du moment « un peu truqueur »90. Il reste que la Banque de France a pu apparaître, vue de l’extérieur aussi, comme la garante de la stabilité monétaire, condition première de la coopération financière internationale en cours d’instauration.
41Dans cette optique, la décision de faire se tenir la cinquième assemblée du FMI en septembre 1950 dans le moderne building, de l’aveu même du maître des lieux, « un peu washingtonien d’allure »91, que la Banque d’émission inaugurait pour son cent cinquantième anniversaire, prend un relief tout particulier. « Un grand honneur dont je vous assure qu’elle est digne » affirma d’entrée le président de la République, Vincent Auriol, en ouverture de la session92. Le gouverneur, pour sa part, devant quelque six cents financiers publics et privés, exposa sa conception de la monnaie et de la banque centrale, rappelant, en une figure attendue, le respect des traditions et des règles de bon sens, mais il indiqua aussi que « l’usage de la monnaie, de par les progrès du crédit, s’est en un siècle et demi singulièrement perfectionné. Et, poursuivait-il, sans permettre aux artifices de la technique de prendre le pas sur les règles fondamentales, il importe de donner à cet instrument national qu’est la monnaie une plus grande efficacité »93. Les fastes déployés le même soir à l’occasion du grand dîner offert dans la Galerie dorée de la Banque pour soixante-six convives choisis mériteraient en eux-mêmes les honneurs de la chronique : tous les gouverneurs du FMI étaient conviés, ainsi que les gouverneurs honoraires de la Banque de France, Emmanuel Monick en tête, les directeurs de la BRI dont bien sûr Per Jacobsson, les dignitaires du ministère des Finances, enfin tous les grands banquiers de la place94. Le surlendemain, une excursion conduisit l’assemblée en Provence sur le chantier de la centrale électrique de Donzère-Mondragon, puis sur les ruines du Pont du Gard. La France en voie de modernisation se montrait, et prouvait qu’elle mariait harmonieusement la sagesse des traditions et les techniques avancées du futur. Et cette fierté mêlée d’étonnement devant l’irruption soudaine des formes de la modernité économique, Baumgartner lui-même la partageait bien un peu lorsqu’il évoquait avec Auriol les réalisations attendues des grands programmes d’investissements : « Il me dit, nota le président, que d’ici deux ou trois ans nous aurons des hauts fourneaux et des laminoirs les plus grands du monde. […] J’accueille cette nouvelle avec joie »95. Et sans doute cet état d’esprit chez des hommes déjà aux affaires dans l’entre-deux-guerres peut-il aussi contribuer à faire comprendre leur engagement dans l’effort d’investissement national au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il peut également rendre compte de la politique extérieure de l’Institut d’émission dans les premières années de la guerre froide, placé dans un contexte international mais aussi mental et institutionnel où se sont étroitement mêlés des traits hérités du passé et les signes d’une certaine modernité.
***
42De 1949 à l’automne 1951, sous l’autorité reconnue de Wilfrid Baumgartner, la Banque de France prit donc place dans les structures de coopération monétaire internationale progressivement mises en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La chronique des relations qu’elle entretint alors avec la Banque d’Angleterre prouve que le modèle des relations bilatérales traditionnelles entre banques centrales continua pourtant à jouer après 1945. L’attention portée par Wilfrid Baumgartner à la fréquence des échanges avec son collègue britannique et avec les milieux de la City montre que le prestige financier de la Grande-Bretagne était à cette époque encore considérable. Mais l’instauration sous la pression des nécessités économiques de l’UEP permit également de jeter les bases d’un cadre nouveau pour la coopération monétaire internationale. Les banques centrales européennes, sous l’égide de la Banque des règlements internationaux qui retrouva alors le rôle que lui avaient conféré à l’origine ses statuts, retrouvèrent alors une place dans l’histoire des relations internationales.
43Le rôle individuel de Wilfrid Baumgartner, bien conseillé par Jean Bolgert, le sagace directeur des Services étrangers de la Banque, apparut aussi avec une particulière insistance dans l’établissement des liens alors noués entre les différents gouverneurs des banques centrales européennes. Si la recherche de la coopération avec Londres restait à cette date privilégiée, il n’en demeure pas moins que des rapports avec Bruxelles et, prudemment encore, avec Francfort, furent également créés, gros de développements futurs.
44Surtout, l’action du gouverneur servit le crédit du franc à l’étranger – on dirait aujourd’hui son image – en apparaissant volontiers comme bon garant de la stabilité et de l’orthodoxie monétaire. C’était la condition nécessaire à l’équilibre des finances extérieures, dont l’importance, dès 1945, était apparue bien plus problématique que la couverture du déficit purement intérieur. Dans cette mesure précise, l’action du gouverneur ne fut pas négligeable. Dès l’automne 1951 cependant, le mouvement de retour à la stabilité monétaire, base du relèvement du franc sur les places étrangères, était gravement remis en question, sur le plan extérieur, par la guerre de Corée déclarée dès juin 1950 mais dont les conséquences, plus d’un an après, aboutirent à modifier en profondeur la situation monétaire de la France. Baumgartner avait bien perçu toute la portée de l’événement, lorsque, réminiscence des enthousiasmes paternels, il avait comparé le déclenchement des hostilités coréennes à la survenue solennelle et fatale d’un leitmotiv wagnérien :
45« C’est dans ces circonstances que le thème de l’épée, comme dans le Duo de Siegmund, retentit brusquement et évidemment a changé la face des choses. »96.
46À bien des égards, l’automne 1951, tournant historique majeur de l’après-guerre, correspondait également à une évolution notable dans l’histoire de l’Institut d’émission soudain confronté, sur le plan des finances extérieures, à l’inversion de la position de la France au sein de l’UEP, à la réapparition de l’inflation sur fond de réarmement, et surtout, au retour à l’ère des avances officielles de la Banque à l’État.
Notes de bas de page
1 Cf. supra chapitres II et III.
2 Feiertag (Olivier), « Banques centrales et relation internationales au xxe siècle : le problème historique de la coopération monétaire internationale », Relations internationales, n° 100, hiver 1999, p. 355-376 ; Toniolo (Gianni), en collaboration avec Clement (Piet), Central Bank Cooperation at the Bank for International Settlements, 1930-1973, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.
3 Baumgartner (Wilfrid), « Quelques mots sur les banques centrales », Le Franc, mythe et réalité, La Nef, 10e année, juin 1953, p. 8.
4 Debeir (Jean-Claude), « La Banque de France et la coopération monétaire internationale dans les années 1920 », art. cité, p. 280-281.
5 Le fait est établi par François Bloch-Lainé devant la commission de contrôle des banques le 24 mai 1951, doc. cité, p. 4. cf. aussi Feiertag (Olivier), « Banques centrales et relations internationales... », op. cit., p. 366-368
6 Martin (Agnès), La Banque de France et la diplomatie française en Roumanie (1928-1932), mémoire de maîtrise, Université de Paris X-Nanterre, juin 2002, 90 p. dactyl.
7 Koch (Henri), Histoire de la Banque de France…, op. cit., « Avant-propos », p. VI, et Andrieu (Claire), La banque sous l’Occupation…, op. cit., p. 205 sqq.
8 Frank (Robert), La hantise du déclin, op. cit., p. 210 ; Koch (Henri), Histoire de la Banque de France…, op. cit., p. 111-112 ; De Lattre (André), Les Finances extérieures de la France (1945- 1958), Paris, PUF, 1959, p. 103 sqq.
9 Feiertag (Olivier) et Plessis (Alain), « Conjoncture et structures monétaires internationales en Europe à la fin des années Trente », Revue économique, vol. 51, n° 2, mars 2000, p. 277-290.
10 Compte rendu des opérations de la Banque de France pour l’exercice 1949, Paris, Imprimerie Paul Dupont, 1950, p. 26.
11 Koch (Henri), Histoire de la Banque de France…, op. cit., p. 121.
12 Lettre de Maurice Petsche à W. Baumgartner du 27 juin 1949, AWB, 2BA2, Dr6.
13 Compte rendu des opérations de la Banque de France pour 1949, op. cit., p. 27-28.
14 De l’opportunité de procéder à l’ajustement monétaire mensuel prévu par le régime instauré en octobre 1948, note de Jean Bolgert du 23 avril 1949, 7 p. dactyl., AWB, 2BA2, Dr4, p. 2.
15 Ibid., p. 4, souligné par Bolgert.
16 Ibid., p. 7.
17 Outre le témoignage d’André de Lattre dans Les finances extérieures de la France, op. cit., p. 110-111, cf. Bossuat (Gérard), La France, l’aide américaine et la construction européenne, op. cit., p. 695 sqq. ; cf. aussi : Fforde (John), The Bank of England and Public Policy, 1941-1958, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 276-304.
18 De l’opportunité de procéder à l’ajustement monétaire…, note citée, p. 5.
19 Problèmes financiers et monétaires, conférence du 21 février 1951, doc. cité, p. 23.
20 Frank (Robert), La hantise du déclin, op. cit., p. 202 sqq ; Bossuat (Gérard), La France, l’aide américaine et la construction européenne…, op. cit., t. II, p. 615 sqq.
21 Maurice Vaïsse souligne ainsi que l’ambassadeur français à Londres à cette période était « très favorable au resserrement des liens franco-britanniques » : « Il s’en réjouit et les favorise. Il précède souvent l’événement et il n’hésite pas à recommander que la France se mette au diapason britannique », « L’échec d’une Europe franco-britannique ou comment le Pacte de Bruxelles fut créé et délaissé », in Poidevin (Raymond) (dir.), Histoire des débuts de la construction européenne, Bruxelles, Bruylant, 1986, p. 372.
22 Lettre de R. Massigli à W. Baumgartner du 27 avril 1949, AWB, 2BA2, Dr4.
23 Massigli (René), Une comédie des erreurs 1943-1956, Paris, Plon, 1978.
24 Ils ont été consultés par John Fforde, l’historien de la Banque d’Angleterre. The Bank of England…, op. cit. p. 286.
25 Note manuscrite personnelle, s. d., de C. Cobbold citée par Fforde (John), The Bank of England…, op. cit., p. 386, n. 36.
26 Liste des invités au déjeuner du 20 mai, AWB, 2BA2, Dr5.
27 Renouvin (Pierre) et Duroselle (Jean-Baptiste), Introduction à l’histoire des relations internationales, op. cit., p. 355 sqq.
28 C’est le cas de L’Agence économique et financière, de La Semaine économique du 27 mai 1949, AWB, 2BA2, Dr4.
29 Cf. sur ce thème : Banques centrales et politique des puissances aux xixe et xxe siècles, Relations internationales, n° 56, hiver 1988.
30 ABF, dossier FMI-BIRD, boîte 17, 6e AB 499.
31 L’Index quotidien de la presse française du 29 août 1949, AWB, 2BA2, Dr7.
32 « Projet de directives pour la délégation française aux entretiens de Washington », note sans mention d’auteur, du 25 août 1949, 8 p. dactyl., copie pelure, AWB, 2BA2, Dr7, p. 4.
33 Ibid., p. 7-8.
34 Ibid.
35 Note manuscrite au crayon de Wilfrid Baumgartner, « Tél. à Bolgert », 1 feuillet sur papier à en-tête du FMI, AWB, 2BA2, Dr7.
36 Problèmes financiers et monétaires, conférence du 21 février 1951, doc. cité, p. 24.
37 Ibid.
38 Lettre de R. Truptil à W. Baumgartner du 8 septembre 1949, AWB, 2BA2, Dr7.
39 Lettre de Wilhelm Vocke à W. Baumgartner du 22 octobre 1949, AWB, 2BA3, Dr3.
40 Dickhaus (Monika), « Fostering “the Bank that rules Europe” : the Bank of England, the Allied Banking Commission, and the Bank deutscher Länder, 1948-1951 », Contemporary European History, 7/2, 1998, p. 175 sqq.
41 Mélandri (Pierre), Les États-Unis face à l’unification de l’Europe, 1945-1954, Lille, Service de reproduction des thèses de l’Université de Lille III, 1979, p. 455 sqq ; Bossuat (Gérard), La France, l’aide américaine et la construction européenne…, op. cit., t. II, p. 707 sqq.
42 De Lattre (André), Les finances extérieures…, op. cit., p. 213.
43 Patat (Jean-Pierre), L’Europe monétaire, Paris, Éd. La Découverte, 1990, p. 18-20.
44 Mélandri (Pierre), Les États-Unis face à l’unification de l’Europe, op. cit., p. 472.
45 « I found the Chancellor receptive at first sight to the idea of our trying to get closer in the financial and monetary field », Lettre de Cobbold à Baumgartner du 10 mars 1950, AWB, 2BA3, Dr8.
46 Fforde (John), The Bank of England…, op. cit., p. 124.
47 Note de Jean Bolgert à Wilfrid Baumgartner du 21 mars 1950, AWB, 2BA3, Dr8.
48 Lettre de Sir Georg Bolton à Wilfrid Baumgartner du 21 mars 1950, AWB, 2BA3, Dr8.
49 « I should have greatly preferred to move by graduelly expanding and liberalising […] but I recognized that from political angle and vis-à-vis USA we should probably have to agree to some form of EPU », Lettre de Cobbold à Baumgartner du 23 mai 1950, AWB, 2BA3, Dr8.
50 « Continuing to build a system which could function independently of EPU Clearing Units (in the permanence of wich I do not believe) », Ibid., p. [8].
51 Brouillon de la réponse de W. Baumgartner à C. Cobbold du 29 mai 1950, AWB, 2BA3, Dr8, 1 feuillet au crayon.
52 Plessis (Alain), « La Banque de France et les relations monétaires internationales jusqu’en 1914 », Relations internationales, n° 29, printemps 1982, p. 3-23.
53 La bibliographie sur la Banque des règlements internationaux est d’ores et déjà considérable. Elle date pour l’essentiel de deux moments : les années 1930, au moment de sa fondation, et les années 1950 dans le contexte de l’UEP. Mais la BRI connaît depuis une dizaine d’années un regain d’intérêt, notamment dans le cadre des Per Jacobsson’s Lectures, concomitant du développement actuel des relations entre banques centrales, particulièrement dans le cadre du processus d’unification monétaire européenne. Cf. pour les années 1930 : Einzig (Paul), The Bank for International Settlements, Londres, Macmillan, 1930. Et dans les années 1950 : Papi (Guiseppe Ugo), The First twenty Years of the Bank for International Settlements, Rome, Bancaria, 1951 ; Auboin (Roger), La Banque des Règlements Internationaux 1930-1955, Bâle, BRI, 1955. On trouve aussi une bibliographie dans : Szprycer (Pierre), Le rôle des banques centrales dans la coopération monétaire internationale, thèse de droit dactylographiée, Lille, 1968. Cf. aussi, fondé sur des sources imprimées, Howell (Kristin), « The Role of the Bank for International Settlements in Central Bank Cooperation », The Journal of European Economic History, vol. 22, n° 2, 1993, p. 367-375. Depuis la nomination de Piet Clement à la tête de ses archives historiques en 1995, l’histoire de la BRI connaît un développement rapide, fondé sur l’ouverture croissante de ses sources et sur celles des différentes banques centrales partie prenante de son conseil d’administration. Yago (Kazuhiko), The Origins of the BIS, ideals and controversies, Research Paper Series, Faculty of Economics, Tokyo Metropolitan University, n° 10, juillet 1999 ; Feiertag (Olivier), « Les banques d’émission et la BRI face à la dislocation de l’étalon-or (1931-1933) : l’entrée dans l’âge de la coopération monétaire internationale », Histoire, Économie et Société, 18e année, 4e trimestre 1999, n° 4, p. 715-736 ; Yago (Kazuhiko), La BRI et les banques centrales au xxe siècle, Discussion Paper Series, Faculty of Economics, Tokyo Metropolitan University, n° 29, avril 2002. En outre, Gianni Toniolo a été chargé par la BRI d’écrire une histoire de l’institution internationale qui s’inscrirait d’une certaine manière dans le prolongement des analyses déjà menées par Baffi (Paolo), The origins of Central Bank Cooperation, the Establishment of the BIS, Bari, Laterza, 2002. L’ouvrage de Gianni Toniolo a été finalement publié en 2005 (op. cit.), après la remise de notre manuscrit définitif à l’éditeur, nous permettant juste de la mentionner ici, sans préjuger de l’analyse qui reste à faire de ses apports possibles pour notre propos.
54 « The objects of the Bank are to promote the co-operation of central banks », Statuts de la BRI, 13 novembre 1929, article 3, reproduits dans Einzig (Paul), The BIS, op. cit., appendix III, p. 160.
55 BRI, Ve Rapport annuel, 1er avril 1934-31 mars 1935, Bâle, 1935, 93 p.
56 Ibid., p. 55.
57 Ibid., p. 54.
58 Ibid.
59 Ibid., p. 55.
60 Ibid., p. 53.
61 Ibid., p. 60.
62 Auboin (Roger), La Banque des Règlements Internationaux, op. cit., p. 38.
63 Agenda de Wilfrid Baumgartner, AWB, 2BA61.
64 Toast de W. Baumgartner à M. Frère le 18 septembre 1950, AWB, 2BA4, Dr8.
65 Lettre de C. Cobbold à W. Baumgartner du 16 mars 1950, AWB, 2BA3, Dr8. L’entrée du gouverneur de la Fed au conseil de la BRI a finalement eu lieu en 1994, en même temps que l’introduction à Bâle de la banque centrale du Canada et le retour de celle du Japon ; cf. Le Monde du 27 juillet 1994.
66 Toast de W. Baumgartner à M. Frère le 18 septembre 1950, doc. cité.
67 Auboin (Roger), La Banque des Règlements Internationaux, op. cit., p. 23.
68 Koch (Henri), Histoire de la Banque de France…, op. cit., p. 166-167.
69 Les difficultés d’évolution du système monétaire européen et la question nouvelle des règlements commerciaux entre les États successeurs de l’ancienne URSS ont motivé d’importants travaux sur l’histoire de l’UEP. Citons parmi les principaux : Kaplan (Jacob B.) et Schleiminger (Günther), The European Payments Union : Financial Diplomacy in the 1950s, Oxford, Clarendon Press, 1989 ; Eichengreen (Barry), Reconstructing Europe’s Trade and Payments, the European Payments Union, Manchester, Manchester University Press, 1993 ; Lynch (Frances), « France and the European Payement Union », in Le Plan Marshall et le relèvement économique de l’Europe, Paris, CHEFF, 1993, p. 237-243.
70 « Le système des paiements », note de l’OECE, 30 décembre 1949, 7 p. dactyl., ABF, BRI 7e J 274, boîte 50.
71 Cf. supra p. 148-149.
72 Procès-verbal de la séance du conseil général du 2 octobre 1952, AWB, 2BA9, Dr1.
73 Kaplan (Jacob B.) et Schleiminger (Günther), The European Payments Union…, op. cit., p. 141.
74 Guindey (Guillaume), Mythes et réalité de la crise monétaire internationale, Paris, Jean Delmas et Cie, 1973, p. 27.
75 Ibid., p. 28.
76 « And it was thus admitted that the EPU had to concern itself with the internal policies of the countries wich turned to it », Monetary Improvments in Europe, conférence de Per Jacobsson à la Royal Society for Economics du Caire (14-18 décembre 1950), 51 p. dactyl., p. 11. ABF, BRI 7e J 274, boîte 53.
77 Cet épisode a été étudié par Alec Cairncross, qui avait été, dans les années 1950, directeur des recherches à l’OECE, et Monika Dickhaus dans des papiers de travail non publiés que citent Kaplan (Jacob B.) et Schleiminger (Günther), The European Payments Union, op. cit., p. 97 sqq ainsi que par Eichengreen (Barry), Reconstructing Europe’s trade, op. cit., passim.
78 Rapport Jacobsson et Cairncross 27 novembre 1950, annexe 130/E du procès-verbal du conseil d’administration de la BRI, ABF, BRI 7E J 274, boîte 52.
79 Ibid., p. 6.
80 Procès-verbal de la réunion n° 3 du comité directeur de l’UEP à Paris, 30 novembre- 2 décembre 1950, ABF, BRI 7E J 274, boîte 52.
81 Guindey (Guillaume), Mythes et réalité de la crise monétaire internationale, op. cit., p. 28.
82 « Le plan Marshall et l’économie française », in Le Plan Marshall et le relèvement économique de l’Europe, op. cit., p. 129-236.
83 Margairaz (Michel), L’État, les finances et l’économie…, op. cit., p. 1190 sqq.
84 Outline of a Program for the Stabilization of the Franc, note émanant très certainement de l’ECA, datant selon toute vraisemblance de 1949, 5 p. dactyl., AWB, 2BA2, Dr4.
85 Séance extraordinaire du conseil général du 3 août 1950 ; AWB, 2BA3, Dr9.
86 Ibid., p. 3.
87 Ibid., p. 8.
88 Lettre de W. Baumgartner à M. Petsche du 2 août 1950, AWB, 2BA3, Dr9.
89 Lettre de M. Petsche à W. Baumgartner du 18 août 1950, AWB, 2BA3, Dr9.
90 Bloch-Lainé (François), La France restaurée…, op. cit., p. 182.
91 La Banque de France, tradition et progrès, doc. cité, p. 6.
92 Discours d’ouverture de V. Auriol le 6 septembre 1950, AWB, 2BA4, Dr1.
93 Allocution inaugurale de Wilfrid Baumgartner à la 5e assemblée du FMI à Paris le 6 septembre 1950, AWB, 2BA4, Dr2.
94 Plan de table du dîner du 6 septembre 1950 dans la Galerie Dorée, AWB, 2BA4, Dr1.
95 Auriol (Vincent), Journal du Septennat, op. cit., t. III, p. 61.
96 Problèmes financiers et monétaires, conférence du 21 février 1951, doc. cité, p. 27.
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