La réforme de la fiscalité immobilière de 1963 et la protection de l’épargne
p. 359-371
Plan détaillé
Texte intégral
1La loi du 15 mars 1963 portant réforme de l’enregistrement, du timbre et de la fiscalité immobilière s’intègre dans le cadre des grandes réformes fiscales (généralisation de la TVA, création de l’avoir fiscal...) initiées par Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances1.
2Des trois objectifs qui l’animent – l’établissement d’une neutralité parfaite de l’impôt à l’égard des différentes formules juridiques de construction, l’imposition des profits retirés des opérations de construction immobilière et l’encouragement à l’investissement de l’épargne des ménages vers les constructions locatives grâce à la création des sociétés immobilières d’investissement – seuls les deux premiers font l’objet de cette communication2. Ils encouragent en effet l’emploi de formules de construction propre à placer le candidat à la propriété à l’abri de tout risque de caractère financier.
3Cela signifierait-il que le régime fiscal antérieur à la réforme favorisait les modes de financement de la construction les plus risqués et les profits spéculatifs ? Dès lors, quels changements la réforme apporte-t-elle ? Enfin, quelles sont les conséquences de cette dernière ?
4Avant d’apporter des éléments de réponse à ces interrogations, il est nécessaire de préciser les sources utilisées. Concernant celles du ministère des Finances, il faut avouer que, en dehors des témoignages des auteurs de la réforme eux-mêmes3, les sources écrites font défaut. Seuls trois cartons ont été repérés et dépouillés sur cette question4.
5En revanche, les archives du ministère du Logement, dans la mesure où cette affaire fut suivie de près par le cabinet du ministre de l’époque, Jacques Maziol, sont beaucoup plus riches. Les dossiers du conseiller technique en charge de cette question, Alain Gayet, constituent ainsi le corpus majeur5. Enfin, les débats parlementaires éclairent de façon vivante les points discutés et les différentes oppositions rencontrées.
6Il s’agit donc, en premier lieu, d’étudier le régime fiscal paradoxal et dangereux pour l’épargne, antérieur à la réforme, en second lieu, d’analyser les deux axes majeurs de cette dernière, à savoir l’établissement de la neutralité fiscale et l’imposition des profits de construction ; enfin, de voir comment cette modification de la fiscalité a amélioré la structure du marché et réduit les risques des acquéreurs de logements neufs.
I. Un régime fiscal paradoxal et dangereux pour l’épargne
7D’emblée, outre sa complexité, le régime fiscal antérieur à la réforme apparaît surprenant, voire paradoxal. Ce dernier favorise en effet les formes sociales de construction, notamment la société civile, les plus risquées pour les candidats à l’accession de leur logement.
A. Un maquis réglementaire inégalitaire
8Il faut rappeler ici les deux principaux procédés alors en vigueur pour la production de logements neufs. Dans le premier cas, un promoteur construit, à l’aide de capitaux fournis par lui, des immeubles qu’il vend après leur achèvement « clefs en main ». Celui que l’on appelle alors builder prend la plus grande part des responsabilités de l’opération qu’il anime, réduisant d’autant les risques financiers assumés par les candidats acheteurs.
9Dans le second cas, le promoteur constitue une société de construction, civile ou anonyme, dont il souscrit des parts ou actions qu’il cède ensuite aux aspirants à la propriété. Dans la mesure où cette formule juridique oblige dès lors ces derniers à répondre à tous les appels de fonds nécessaires à l’avancement des travaux, elle a pour conséquence de leur faire supporter les aléas de l’opération. Or c’est précisément celle que favorise le régime fiscal préexistant à la réforme de 1963.
10Fondé sur la distinction entre opérations dites « civiles »– acquisitions de terrain à bâtir et reventes de logements, soumises aux droits d’enregistrement – et opérations de production, soumises aux taxes sur le chiffre d’affaires (TVA et TPS6), ce régime entraîne, pour des opérations de même nature sur le plan économique, des inégalités d’imposition entre les diverses formules juridiques utilisées par les constructeurs, aux dépens de celle qui offre le plus de garanties aux acquéreurs, la vente clefs en main de logements terminés7.
11Ces inégalités d’imposition sont dues à la fois au cumul des droits d’enregistrement et des taxes sur le chiffre d’affaires et aux différences dans l’assiette de la TVA selon la nature du constructeur8.
12Note (1) : Sociétés régies par la loi du 28 juin 1938.
13Note (2) : Taux normal de 20 % avec réfaction (déduction forfaitaire) d’assiette de 40 %.
14La charge fiscale atteint ainsi, en moyenne, d’après les estimations de la DGI, 10 % du prix de revient pour une opération de construction réalisée dans le cadre d’une société civile ou anonyme contre plus de 16 % lorsque les logements sont vendus achevés par un builder9.
15À ce paradoxe surprenant, s’ajoute, en second lieu, le fait que les profits retirés de ces opérations de construction se trouvent, dans l’immense majorité des cas, en franchise complète d’impôts.
B. Des profits de construction non taxés
16En effet, les revenus tirés par les sociétés de la location des immeubles dont la construction a été commencée après le 31 mars 1950 sont exonérés, au terme de l’article 210 ter du Code général des impôts (CGI), de l’impôt sur les sociétés pendant vingt-cinq ans. Par une interprétation libérale de cet article, l’administration a considéré que les plus-values réalisées sur la revente des immeubles neufs pouvaient être assimilées à des revenus10. Il en résulte que ces plus-values échappent à l’impôt11.
17Cette situation n’est pas sans danger pour l’épargne dans la mesure où le marché du logement est alors un marché de pénurie.
18Une législation des loyers inadaptée, grevant la rentabilité des placements immobiliers, aboutit à une crise latente du logement dès avant guerre. Les destructions causées par celle-ci, jointes au « baby-boom », avivent le phénomène qui devient véritablement le « problème social numéro un » de l’après-guerre. Car si la construction reprend, notamment grâce aux prêts aidés du Crédit foncier de France12, cette reprise est tardive – près de dix ans après la fin du conflit – et insuffisante : 300 000 logements sont terminés en 1958 alors que les besoins recensés en nécessiteraient près de 500 000. La crise perdure. Dans ce contexte, nombre de candidats acheteurs n’hésitent pas à acheter des logements sur plans avec tous les risques financiers que cela comporte. Car la perspective d’importants profits en franchise complète d’impôts n’est pas sans attirer certains individus peu scrupuleux dans le secteur de la promotion immobilière.
19C’est ainsi que de nombreux scandales éclatent, parmi lesquels celui du Comptoir national du logement qui connaît un retentissement particulier, défrayant la chronique. Cette société de promotion se proposait d’édifier 2 500 logements vendus sur plans à Boulogne-Billancourt au lieudit Point-du-Jour, sur l’emplacement d’une ancienne usine. Mais, les détournements de fonds de ses administrateurs aboutissent à la faillite en mai 1961 – le déficit atteint 2 milliards de francs – menaçant les investissements de centaines d’épargnants. Si l’intervention conjointe des ministres de la Construction et des Finances permet la reprise du chantier dont la bonne fin est confiée à la Caisse des dépôts et consignations, cette affaire contribue à relancer le débat sur la protection des candidats à la propriété13. En effet une réglementation existe bel et bien en matière d’appels de fonds durant les travaux mais celle-ci vise uniquement la construction de logements bénéficiant des prêts aidés du Crédit foncier14.
20Dès lors, compte tenu de la fréquence et de l’ampleur du problème, le gouvernement décide d’agir sur un plan général. L’« arme fiscale » lui paraît particulièrement bien adaptée, à la fois pour freiner l’utilisation des cadres juridiques de construction les plus dangereux pour l’épargne, et pour assainir le secteur de la promotion. Aussi décide-t-il de déposer, en ce sens, un projet de réforme de la fiscalité immobilière, le 20 juillet 1961.
II. Une réforme ambitieuse : le rétablissement de la neutralité de l’impôt et la taxation différenciée des profits de construction
21Élaboré par la direction générale des Impôts, le projet de réforme, qui s’articule autour de deux points, n’est pas sans provoquer de vives oppositions.
A. Un double objectif
22D’une part, la réforme vise à établir une complète neutralité de l’impôt afin d’éviter que le choix de tel cadre juridique ne soit dicté par des considérations fiscales. D’autre part, elle souligne la nécessité d’imposer les profits de construction, et ce de manière différenciée, afin de promouvoir les formules de construction les plus sûres pour les candidats acquéreurs.
23Pour obtenir ces résultats, il est prévu en premier lieu d’assujettir à la TVA toutes les opérations de construction et de commercialisation de logements neufs. Cette taxe serait ainsi applicable non seulement aux opérations de production proprement dites, mais encore aux deux opérations, jusqu’alors réputées civiles, qui l’encadrent : acquisition du terrain et vente ou mise des logements à la disposition des futurs propriétaires. En contrepartie, les droits d’enregistrement perçus (et la taxe sur les prestations de service) sur ces opérations seraient supprimés.
24En second lieu, l’article 210 ter du CGI serait abrogé et les profits retirés des opérations de construction et de commercialisation de logements neufs soumis à l’impôt sur les sociétés (taux de 50 %) avec, cependant, des possibilités d’exonération et de taux réduit destinées à renforcer la protection de l’épargne. L’exonération est ainsi réservée aux promoteurs qui réinvestissent les profits dans d’autres opérations de construction de logements et le taux d’imposition privilégié de 15 % aux sociétés qui réalisent des opérations occasionnelles ou accessoires. Toutefois dans les deux cas, remploi et taux réduit, le texte précise que les logements doivent être vendus achevés ou dans des conditions telles que la responsabilité du promoteur soit impliquée dans la bonne fin de l’opération.
25Les changements étant notables par rapport aux libéralités qui préexistaient jusque-là, quel est l’accueil réservé au projet ?
B. De fortes oppositions
26L’accueil réservé au projet est incontestablement mauvais15. La Fédération nationale des constructeurs promoteurs (FNCP) prend ainsi la tête de l’opposition, critiquant les deux apports majeurs du texte. Premièrement, la généralisation de la TVA provoquerait une hausse du coût de la construction et donc une diminution des mises en chantier. Deuxièmement, l’imposition des profits de construction contribuerait à détourner les capitaux privés et représenterait donc un frein aux investissements immobiliers. La FNCP prend pour exemple les compagnies d’assurance, jusque-là attirées par ces placements à court terme qui se dénouent vite et avec une forte plus-value non taxée à la clef, et qui risquent de se détourner de ce secteur d’investissement. La Fédération trouve d’ailleurs un appui fort efficace au Sénat sur ce point, A. Burlot, sénateur et président de la compagnie La Paternelle, déposant un amendement en ce sens (maintien de l’article 210 ter du CGI et non-imposition des profits).
27À l’opposition de la FNCP s’ajoute celle, moins attendue, du CNPF. Le syndicat patronal estime en effet que l’exonération sous condition de remploi va à l’encontre des investissements, il est vrai non négligeables, des entreprises industrielles pour le logement de leur main-d’œuvre, dans la mesure où celles-ci ne placent ces capitaux que temporairement dans la construction en attendant de les affecter durablement à leurs propres investissements.
28Enfin, les notaires, par l’intermédiaire du Conseil supérieur du notariat, manifestent leur désaccord compte tenu de la suppression annoncée des droits d’enregistrement.
29En revanche, la position de la FNB (Fédération nationale du bâtiment) face à la réforme est plus nuancée, celle-ci reconnaissant la nécessité d’uniformiser des régimes fiscaux disparates, et, surtout, d’épurer la profession.
30Face à ces oppositions, le gouvernement fait front commun. La réforme est âprement défendue, non seulement par Valéry Giscard d’Estaing, en particulier lors des auditions à la commission des Finances du Sénat, pour qui elle constituait une véritable priorité, mais aussi par le ministre de la Construction, Jacques Maziol, inquiet des tensions induites sur le marché immobilier par l’afflux des capitaux d’Afrique du Nord en quête de valeur refuge16. C’est donc à l’issue de débats parfois houleux que la réforme de la fiscalité immobilière est finalement adoptée par les deux assemblées, le 21 février 1963, et promulguée le 15 mars, cela sans modification notable par rapport au projet. La réforme adoptée, quelles en sont dès lors les principales conséquences ?
III. Un marché assaini : encadrement des conditions de vente et concentration des entreprises de promotion
31L’assujettissement de la TVA à toutes les opérations concourant à la construction de logements depuis l’achat du terrain jusqu’à la mise des locaux à disposition, ce qui apporte une considérable simplification du système et établit la neutralité fiscale, représente la première conséquence de la réforme17. Toutefois, du point de vue de la protection de l’épargne, c’est bien la définition des ventes en l’état futur d’achèvement et l’encouragement à la constitution de grandes entreprises de promotion, induits par l’instauration d’un régime privilégié d’imposition des profits de construction, qui constituent les deux apports fondamentaux du texte législatif.
A. L’encadrement des conditions de vente de logements neufs
32La loi abroge en effet l’article 210 ter du CGI et impose désormais les profits de construction. Cependant, elle offre en contrepartie des possibilités d’exonération ou d’imposition à taux réduit à titre transitoire pour les ventes de logements achevés ou assimilés18. Ce sont précisément ces possibilités qui conduisent à définir les critères qui doivent permettre à la vente en l’état futur d’achèvement d’être assimilée à une vente d’immeubles achevés et, par-là, à sécuriser cette formule du point de vue des souscripteurs.
33Ces conditions, énumérées par le décret du 9 juillet 1963, sont au nombre de six dont la dernière revêt l’aspect le plus important19. Elle exige du promoteur qu’il puisse justifier qu’une banque, un établissement financier ou une société de caution mutuelle, s’est engagé à lui verser les sommes nécessaires à la réalisation de l’opération projetée. Cette garantie financière, en écartant à la fois les risques de défaillance des associés de la société de promotion et de commercialisation (invendus avant achèvement) met ainsi fin aux aléas financiers de l’opération, supportés jusque-là par les candidats acheteurs.
34Cette disposition conduit également, bien que toutes les banques puissent accorder ces garanties financières20, à la transformation ou à la création de certains organismes financiers spécialisés dans ces opérations. Ainsi, la Société française d’investissements immobiliers (SFIM), créée par la Compagnie bancaire en 1961 suite au scandale du Comptoir national du logement, en vue d’acheter sur plans aux promoteurs des parts d’ensembles immobiliers puis de les revendre aux particuliers une fois achevés, décide d’accroître ses moyens d’action compte tenu de l’accroissement d’activité que laisse augurer la loi et se transforme en Société d’investissements immobiliers de France (SINVIM)21. De même, la fusion de deux établissements financiers existants (l’Obligation cautionnée et la Société d’étude de financements immobiliers, SOFEDIM) sous l’égide des banques Hervet et de Saint-Phalle et de l’ANPC (Association des promoteurs de construction) aboutit à la création, en septembre 1964, de la COFINCAU (Compagnie financière de cautionnement)22.
35Note (1) Le profit de l’opération de construction correspond à la différence entre le prix de vente et le prix de revient.
36D’autre part, outre la vente en l’état futur d’achèvement, une autre forme de vente est également définie : la vente à terme. Comme la vente en l’état futur d’achèvement, elle concerne des logements vendus sur plans, mais s’en distingue dans la mesure où le transfert de propriété n’a lieu qu’après l’achèvement des travaux et non au fur et à mesure de l’exécution de ceux-ci. Ainsi, le vendeur n’a pas à présenter de garanties financières. La contrepartie à cette absence de garantie réside alors dans l’interdiction de percevoir des versements durant le cours de la construction, seul un dépôt de garantie équivalent à 5 % au plus du prix de vente pouvant être effectué23. Encore celui-ci est-il versé sur un compte bloqué auquel seul le notaire a accès et, en cas de dépassement des délais, l’acheteur peut réclamer la restitution des sommes déposées.
37La loi, dont l’application est fixée au 1er septembre 1963, subordonne donc les avantages fiscaux à la présentation de garanties par les promoteurs. En cela, elle contribue à structurer la profession autour d’entreprises fiables, gage de sécurité pour les candidats acheteurs.
B. La concentration des entreprises de promotion immobilière
38L’encadrement strict des conditions de vente imposé par la loi pour bénéficier d’un régime fiscal privilégié entraîne en effet l’assainissement du secteur.
39L’exonération sous condition de remploi des plus-values dans la construction de logements favorise la constitution, par autofinancement, d’entreprises de promotion à large surface financière. De même, la nécessité de s’assurer le concours d’un établissement bancaire pour obtenir les avantages liés aux ventes de logements en l’état futur d’achèvement oblige les promoteurs à respecter des critères financiers qui privilégient les plus importants d’entre eux. Les banques n’acceptent généralement d’apporter leur garantie financière qu’à condition que le promoteur fournisse un effort financier personnel (en numéraire ou sous forme d’apports de terrains) égal à 20 % au moins du coût prévisionnel de l’opération24. L’ensemble de ces contraintes tend ainsi à favoriser l’émergence de grandes entreprises de promotion limitant d’autant les risques financiers des candidats à la propriété.
40La loi du 15 mars 1963 portant réforme de la fiscalité immobilière constitue donc un élément clé dans l’assainissement du marché de la construction et de la commercialisation de logements neufs.
41D’une part, elle rétablit la neutralité de l’impôt en soumettant à la TVA les opérations concourant à la production ou à la livraison de logements. D’autre part, elle tend à écarter progressivement du marché les capitaux purement spéculatifs et les promoteurs d’occasion en réservant le bénéfice de l’exonération ou d’un taux réduit d’imposition aux formules de construction et de ventes les plus sûres pour les épargnants. Enfin, en terme de coût, élément souvent évoqué durant les débats parlementaires précédant son adoption, la réforme ne se traduit pas par une augmentation sensible des prix de revient, celle-ci étant estimée à 3 ou 5 % au plus par la direction de la Construction, pourtant toujours prompte à dénoncer la hausse des coûts. Cela confirme que le texte législatif est davantage adopté dans un souci de protection de l’épargne que d’accroissement des recettes25.
42Toutefois, il faut nuancer les apports de la loi sur deux points. En premier lieu, si la loi encourage fiscalement les formules de ventes de logements présentant le moins de risques financiers pour les acquéreurs, elle ne rend pas ces dernières obligatoires. Il faut ainsi attendre la loi du 3 janvier 1967 relative aux ventes d’immeubles à construire ou en cours de construction et à l’obligation de garantie contre les vices cachés (fixée à dix ans) pour que ces deux formes de ventes, en l’état futur d’achèvement ou à terme, soient généralisées à l’ensemble des opérations de vente d’immeubles à construire ou en cours de construction sous peine de nullité26. En second lieu, la loi du 15 mars 1963 soumet à la taxation uniquement les plus-values tirées des opérations de construction. L’imposition des plus-values foncières n’est en effet acquise qu’avec la loi du 19 décembre 1963 prise en application des directives du plan de stabilisation de septembre27.
Notes de bas de page
1 Loi n° 63-254, chap. V, Régime fiscal des opérations de construction, art. 27 à 33 (Journal officiel du 17 mars 1963). Valéry Giscard d’Estaing est ministre des Finances de janvier 1962 à janvier 1966.
2 Sur la création des sociétés immobilières d’investissement, cf. Françoise Marnata, Financement et délais de la construction, A. Colin, Paris, 1970, p. 75 et 80 et Danièle Combes, Les Sociétés supports de l’intervention immobilière des groupes financiers, CSU, Paris, 1974, p. 49-50.
3 Cf. Guy Delorme, De Rivoli à Bercy. Souvenirs d’un inspecteur des finances, 1952-1998, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris, 2000, p. 129-134. Guy Delorme était alors le conseiller technique de V. Giscard d’Estaing pour les questions fiscales.
4 Il s’agit des cotes Z 801, B 40 554 et B 54 235.
5 Ces derniers, qui correspondent aux cotes 770 830/01 (cab.992), 850 386/24,25 et 52, présentent en outre l’avantage d’un point de vue plus extérieur, sans doute plus critique.
6 TVA : taxe à la valeur ajoutée ; TPS : taxe sur les prestations de service.
7 Cf. tableau 1.
8 En ce qui concerne les droits d’enregistrement, une première distorsion peut être observée au stade de l’achat du terrain qui supporte un droit de 4,20 % lorsqu’il fait l’objet d’une acquisition proprement dite, alors que le droit d’apport en société n’est que de 1,60 % et que la constitution d’une société immobilière régie par la loi de 1938 ne donne ouverture qu’à un droit fixe de 20 francs. De même, les mutations d’immeubles sont soumises à des régimes très différents suivant qu’elles portent sur un droit de propriété à caractère immobilier, sur des parts d’une société civile ou sur des actions d’une société anonyme. Alors que dans le premier cas, le régime de droit commun impose la rédaction d’un acte et prévoit des droits de 4,20 %, la cession d’actions de sociétés anonymes, dans la mesure où la mutation peut être réalisée par une tradition manuelle ou par un simple transfert sur les registres de la société, échappe à l’impôt. Quant à la cession de parts d’une société civile, si elle conduit à la perception d’un droit de 4,20 % ce dernier demeure, en dépit des apparences très différent de l’impôt de droit commun (il s’applique uniformément au taux de 4,20 % même lorsque les parts cédées donnent un droit de jouissance sur des parties d’immeuble destinées à d’autres usages qu’à l’habitation qui sont normalement passibles du droit de mutation au taux normal de 16 %. En outre, l’assiette est constituée par la valeur nette des parts, c’est-à-dire après déduction du passif social et aussi, en fait, le plus souvent, du solde des comptes courants des associés, alors que le droit de mutation immobilier proprement dit porte sur la valeur totale des biens cédés). D’autre part, en matière de taxes sur le chiffre d’affaires (taxe sur les prestations de service et TVA), les distorsions constatées résultent à la fois de la loi, qui exclut de leur champ d’application les opérations portant sur les terrains, et des décisions prises en faveur des sociétés immobilières (la TPS – 8,5 % – porte bien sur les reventes de millièmes de copropriété de terrains en cas de vente proprement dite de logements en construction ou achevés, de même que sur les achats de terrain dans les lotissements et sur certaines ventes de parts ou actions de sociétés immobilières mais les très nombreuses exonérations particulières restreignent considérablement son impact). En effet, la TVA n’est pas applicable au prix de revient des terrains. Le montant de l’impôt dépend donc de l’imputation des bénéfices des constructeurs qui peuvent prélever leurs profits hors de la cession des millièmes. D’autre part, il est admis que les sociétés immobilières ne sont pas imposées sur la livraison qu’elles se font à elles-mêmes de leurs propres constructions. De ce fait, elles ne supportent la TVA que dans la mesure où celle-ci est incluse dans les mémoires des entrepreneurs. Une partie importante du prix de revient n’est donc pas soumise à l’impôt (honoraires des architectes, coût des études, frais généraux des sociétés, bénéfices des associés aux promoteurs, etc.).
9 Cf. archives du ministère du Logement 770 830/01, Fiscalité comparée des opérations de construction, décembre 1961.
10 Circulaire Serre de 1956, cf. archives du ministère du Logement 850 386/25, note d’A. Gayet à l’attention du ministre sur le projet de réforme fiscale.
11 Il faut noter que la législation fiscale est moins favorable pour les personnes physiques. D’après les dispositions de l’article 35 du Code général des impôts, les personnes qui, habituellement, achètent en leur nom en vue de revendre des immeubles, actions ou parts de sociétés immobilières ou qui souscrivent en vue de les revendre des actions ou parts émises par ces mêmes sociétés, sont imposées à l’impôt sur le revenu des personnes physiques au titre des bénéfices industriels et commerciaux. Si une instruction administrative de 1956 atténue par une interprétation restrictive la portée de cet article, la pratique montre que les possibilités d’exonération varient considérablement d’un inspecteur divisionnaire à l’autre, in Archives économiques et financières B 40 554, rapport de la commission des Finances du Sénat, p. 11.
12 Cf. Sabine Effosse, L’Invention du logement aidé en France. L’immobilier au temps des Trente Glorieuses, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2003, 736 p.
13 Ce débat est alors abordé au sein de la commission de l’Habitation du Plan par le groupe spécialiste des problèmes juridiques de la propriété immobilière, cf. archives du Crédit foncier de France, dossier n° 1646, « Protection des candidats à la construction ».
14 Le décret du 10 novembre 1954, adopté par le gouvernement de Pierre Mendès France, et qui tend à protéger l’épargne contre certaines activités répréhensibles dans le domaine de la construction, stipule que le versement des apports des acquéreurs durant la période de construction doit se limiter aux rémunérations et frais afférents aux études, à la constitution des dossiers et aux formalités administratives. Mais ce décret ne s’applique qu’aux logements réalisés à l’aide des prêts spéciaux du Crédit foncier ou des prêts consentis par les sociétés de crédit immobilier (HLM), cf. S. Effosse, L’Invention du logement aidé en France, op. cit., p. 341.
15 Cf. archives du ministère du Logement 770 830/01, notes du 6, du 13 et du 27 juin 1962.
16 D’après les comptes de la nation, le rapatriement des capitaux algériens s’élève à environ 10 milliards de francs pour l’année 1962.
17 Le taux applicable aux opérations de construction est alors théoriquement celui de droit commun, soit 20 %. Mais le but de la loi étant avant tout d’assurer l’unité d’imposition quels que soient les cadres juridiques, la DGI a aménagé des réfactions (déductions forfaitaires) afin de maintenir la charge fiscale au même niveau (réfaction de 80 % – soit un taux de TVA de 4 % – pour les mutations de terrains à bâtir servant à des constructions bénéficiant d’une aide financière de l’État ; réfaction de 50 % – soit un taux de 10 % – pour les livraisons à soi-même, les ventes d’immeubles achevés ou les cessions de droits sociaux représentatifs de ces immeubles) auxquelles s’ajoutent diverses exonérations (pour les apports et cessions de terrains à bâtir effectués par les collectivités locales aux organismes d’HLM, pour les livraisons à soi-même pour les immeubles ayant bénéficié d’une aide de l’État – HLM, primes et prêts spéciaux du CFF, sociétés conventionnées – et pour les maisons individuelles construites sans l’intervention d’intermédiaires). Quant aux travaux de construction proprement dits, aux ventes d’immeubles en l’état futur d’achèvement, aux ventes d’immeubles inachevés et aux cessions de droits sociaux représentatifs de ces immeubles, la réfaction est maintenue à 40 % (taux de 12 %).
18 Il faut noter que les mesures de faveur énumérées ici ne concernent que les opérations de vente de logements. Pour la location, l’abrogation de l’article 210 ter du CGI ne modifie guère la situation car de nombreuses exonérations particulières sont concédées par la nouvelle législation (en faveur des organismes HLM, des sociétés de construction en copropriété, des sociétés sans but lucratif, etc.). D’autre part, il faut souligner que, en matière d’imposition des profits de construction, les sociétés et les personnes physiques sont désormais traitées de manière identique.
19 Cf. tableau 2.
20 Décision du CNC du 4 juin 1964.
21 Cf. Danièle Combes et Étienne Latapié, L’Intervention des groupes financiers dans l’immobilier, CSU, Paris, 1973 et Danièle Combes, Les Sociétés supports de l’intervention immobilière des groupes financiers, op. cit., p. 79-82.
22 Cf. archives du ministère du Logement 850 386/52, note sur COFINCAU du 5 août 1964. (1) Le profit de l’opération de construction correspond à la différence entre le prix de vente et le prix de revient.
23 Cf. tableau 2.
24 Cf. archives du ministère du Logement 850 386/52, note sur les garanties financières exigées des promoteurs.
25 Il faut cependant noter que le souci de ne pas augmenter la charge fiscale des opérations de construction s’émousse avec la résorption progressive, sur le plan quantitatif, de la crise du logement. Le régime de faveur qu’instaure la loi du 15 mars 1963, s’il ne peut être remis en cause avant le 1er janvier 1970, vise ainsi les opérations pour lesquelles le permis de construire est délivré avant le 1er janvier 1966. Au-delà le taux réduit d’imposition passe de 15 à 25 % (loi du 12 juillet 1965).
26 Cette loi entre en vigueur au 1er janvier 1968.
27 Loi de finances pour 1964, article 3.
Auteur
Est agrégée d’histoire et docteur en histoire contemporaine. Elle est maître de conférences à l’Université François Rabelais de Tours. Elle a publié : L’invention du logement aidé en France. L’immobilier au temps des Trente Glorieuses, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2003, 736 p. ; « Guerres et logement urbain dans le premier vingtième siècle », in Chassaigne (Philippe) et Largeaud (Jean-Marc) (dir.), Villes en guerre (1914-1945), Paris, A. Colin, 2004, p. 127-136 ; « Paul Delouvrier et les villes nouvelles (1961-1969) », in Laurent (Sébastien) et Roullier (Jean-Eudes) (dir.), Paul Delouvrier. Un grand commis de l’État, Paris, Presses de Sciences Po, 2005, p. 75-86 . Elle est coauteur de : « Le logement en France et en Italie : financement et choix politiques (1945-1970) » (avec T. Fanfani), in Conti (Guiseppe) ; Le crédit et la nation en France et en Italie (1860-1980) (avec O. Feiertag), Actes du colloque de Sienne, 3-5 novembre 2005, à paraître en 2006.
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Dictionnaire biographique 1814-1848
Guy Antonetti
2007
Les ingénieurs des Mines : cultures, pouvoirs, pratiques
Colloque des 7 et 8 octobre 2010
Anne-Françoise Garçon et Bruno Belhoste (dir.)
2012
Wilfrid Baumgartner
Un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs (1902-1978)
Olivier Feiertag
2006