Répartition ou quotité ? Les enjeux autour de la contribution personnelle mobilière et de l’impôt sur les portes et fenêtres au début de la monarchie de Juillet
p. 141-168
Texte intégral
1L’une des problématiques fondamentales de l’histoire de la fiscalité depuis la Révolution réside dans le choix entre l’impôt de quotité et l’impôt de répartition. En matière de fiscalité, contrairement à une idée souvent défendue, nous pensons que les révolutionnaires n’ont pas apporté de changements profonds. Le temps leur a manqué et les conditions n’étaient pas très favorables. En outre, les attentes exprimées dans les cahiers de doléances par la bourgeoisie et les petits propriétaires, qui formaient la catégorie la plus contributive, ont prévalu en fin de compte. Les députés des différentes assemblées révolutionnaires ont organisé un système d’imposition dans lequel les intérêts des notables locaux sont préservés. De plus, le maintien d’une partie des fonctionnaires de l’Ancien Régime chargés des nouvelles impositions et le rapide rétablissement des impôts indirects ne donnent pas au contribuable le sentiment que les choses se soient améliorées. Malgré la fin des privilèges, d’autres, d’une nature différente, vont très tôt apparaître.
2Ainsi, la contribution foncière s’inscrit dans la continuité puisque, avec le choix du système de répartition et la conservation des bases d’évaluation du régime précédent, bien peu de choses sont modifiées pour le contribuable1. La contribution personnelle mobilière fonde certes ses bases sur les signes extérieurs de richesses savamment dosés, mais rapidement les nécessités financières vont conduire les révolutionnaires à instaurer, d’abord, la contribution des patentes, puis, quelques années plus tard, la contribution des portes et fenêtres. Le système de la répartition est préféré pour les deux premières contributions, la méthode de quotité est adoptée pour la patente et les contributions des portes et fenêtres. Mis à part une parenthèse entre 1792 et 1798 où l’assiette de la contribution personnelle et mobilière est modifiée – elle devient un impôt de quotité – le principe de fixer d’avance le rapport de l’impôt ne sera plus fondamentalement remis en cause. Au contraire, puisque l’impôt sur les portes et fenêtres devient sous le Consulat un impôt de répartition, la patente demeurant un impôt de quotité.
3Au début de l’année 1831, soit six mois à peine après les trois journées de Juillet qui ont entraîné l’abdication de Charles X, le ministère Laffitte, composé notamment d’hommes de la Résistance et du Mouvement, se lance dans une réforme fiscale qui aboutit au vote de la loi du 26 mars 1831. Les débats qui précèdent le vote de cette loi sont particulièrement animés. Intéressants en eux-mêmes ils permettent aussi de donner, sous l’éclairage de la fiscalité, une idée précise de l’esprit qui régnait à l’époque au sein de la classe politique. Les enjeux sont multiples. Ils sont avant tout d’ordre budgétaire. La Révolution a mis en péril les finances publiques. La colère populaire menace de destruction l’appareil des taxes indirectes. La révolte contre l’impôt des boissons règne dans une partie de la France. Certains libéraux réclament des coupes sombres dans les administrations, d’autres souhaitent une réforme fiscale démocratique afin de soulager les catégories les plus défavorisées. Mais pour réduire d’un côté, il faut compenser de l’autre.
4Le projet du gouvernement Laffitte consiste au départ à transformer les contributions personnelles et mobilières et la contribution des portes et fenêtres d’impôts de répartition en impôts de quotité. Le débat technique impôt de répartition/impôt de quotité est finalement obvié par les arrière-pensées politiques des opposants à la réforme qui puisent leurs arguments dans le large éventail des défauts qui caractérisent toute forme de prélèvement. Une majorité de député refuse de voter en faveur du passage à la quotité pour la contribution mobilière. D’ailleurs, l’essentiel des débats à l’occasion de la discussion générale porte sur cette dernière contribution : trois jours et demi de discours, vingt-trois pages du Moniteur. Dans le cadre de la discussion proprement dite des articles de la loi, deux jours et demi supplémentaires et six pages du Moniteur sont encore nécessaires pour que soit acquis définitivement le principe selon lequel la contribution mobilière demeurera un impôt de répartition2.
5Le gouvernement parvient toutefois à obtenir le passage à la quotité pour la contribution personnelle qui sera alors séparée de la mobilière ! L’intérêt des parlementaires pour la contribution personnelle est limité puisque une dizaine de pages seulement lui seront consacrées, mais nous verrons que l’enjeu n’était pas le même. Il faut dire que, après une semaine de joutes verbales, les députés, qui ont donc fini par obtenir de haute lutte l’abandon de la quotité pour la contribution mobilière, commencent à être lassés. Le débat concernant l’impôt sur les portes et fenêtres n’est même pas engagé et le principe du passage à la quotité adopté facilement3.
6Une année plus tard, une nouvelle loi fiscale est adoptée, celle du 21 avril 1832. Elle vient défaire ce que celle du 26 mars de l’année précédente avait instauré : une plus grande justice fiscale ! Cette fois-ci, la sobriété voire le laconisme des débats contraste singulièrement avec ce que l’on avait pu constater un an auparavant. Quelques amendements sont présentés mais les passions sont retombées. Un consensus semble se dégager à l’occasion du vote de la loi sur le budget. Et seulement six pages de débat concernent les trois impôts qui redeviennent deux contributions puisque personnelle et mobilière sont à nouveau réunies.
7La problématique qui est posée en 1831 fait à l’évidence référence aux délicates questions du rendement de l’impôt et de la pression fiscale. En théorie, l’évaluation de la matière imposable doit satisfaire à deux exigences qui peuvent sembler contradictoires, la discrétion d’une part, l’exactitude d’autre part. Nous allons constater qu’en matière de fiscalité les choses sont encore plus complexes qu’elles n’y paraissent à une époque où, d’une part, le suffrage censitaire pèse sur le système fiscal et où, d’autre part, est discutée la loi de décentralisation sur l’organisation municipale.
8Le besoin de trésorerie supplémentaire est la raison principale du projet de loi, mais la réforme tente de rééquilibrer de façon plus harmonieuse la masse des prélèvements. Les conséquences que la réforme risque de provoquer, en particulier auprès de bon nombre de contribuables favorisés par le système, ainsi que plusieurs décennies d’immobilisme entraînent une levée de boucliers dans les rangs d’une opposition qui ne manque pas d’arguments techniques à faire valoir.
I. Impôt de quotité ou impôt de répartition : contexte et contenu du débat en 1831
9Quatre impôts directs furent institués par les assemblées révolutionnaires. Ces impôts seront appliqués tout au long du xixe siècle et ont constitué ce que l’on a appelé les quatre vieilles contributions directes ou plus simplement les « quatre vieilles ». Même après leur suppression comme impôt d’État4, elles sont restées à la base de la fiscalité locale à titre de principal fictif sur lequel étaient établis des centimes additionnels au profit des collectivités locales. Parmi les quatre vieilles, deux seulement sont concernées par la réforme de 1831, la contribution personnelle et mobilière et celle des portes et fenêtres dont nous allons brièvement faire l’historique, pour mieux comprendre le contexte de la réforme de 1831.
A. « La pratique s’est écartée de la lettre de la loi, tout en se rapprochant de l’esprit qui l’avait dictée »
10La contribution personnelle mobilière fut créée par la loi des 13-18 février 1791, c’est-à-dire peu de temps après la contribution foncière. Elle était destinée, avec les taxes des patentes qui devaient atteindre les capitaux industriels, à compléter le système d’impôt direct. Après plusieurs variations, soit dans ses bases, soit dans sa répartition5, elle est ensuite modifiée par la loi du 3 nivôse an VII qui la réduit considérablement mais qui n’autorise plus les contribuables à se faire dégrever en proportion de leurs revenus fonciers. C’est à ce moment que les principes posés par l’Assemblée constituante font l’objet de leurs premières atteintes. L’assiette individuelle confiée aux commissaires répartiteurs est alors effectuée à partir des loyers de chaque contribuable. Partout les recouvrements deviennent plus difficiles. Les réclamations sont nombreuses6. Pour compenser ce déficit, le gouvernement souhaite qu’il y ait à Paris une augmentation des droits d’octrois ce qui sera réalisé en vendémiaire an XII puis généralisé à la plupart de grandes villes de notre pays qui vont payer tout ou partie de cet impôt grâce aux produits de l’octroi.
11En fait, on s’est peu à peu éloigné de l’esprit et de la nature de cet impôt qui se composait d’un nombre assez important de taxes particulières, dont quelques-unes présentaient le caractère de contribution somptuaire. Celles qui portaient au départ sur les cheminées, sur les domestiques, les chevaux et voitures, ainsi que les retenues sur les traitements des employés, ont successivement disparu. La première a été supprimée après avis du Conseil d’État, approuvé le 27 vendémiaire an IX, les autres l’ont été par la loi du 24 avril 18067.
12En 1813 et 1814, les contingents de la contribution personnelle et mobilière sont doublés pour faire face aux besoins financiers. De 1815 à 1817, ils sont assujettis de 50 centimes temporaires. La perception devenant de plus en plus difficile, notamment à Paris où le mécontentement soulève de nombreuses protestations, en 1818, la commission de la Chambre des députés chargée de l’examen du budget propose de rejeter la demande de prorogation des 50 centimes temporaires. Le 1er mai 1819, le député Cornet d’Incourt présente à l’Assemblée, au nom de la commission des pétitions8, un rapport dans lequel il fait ressortir de façon piquante les inégalités de répartition de la contribution mobilière qui, selon lui, devrait être établie proportionnellement aux valeurs. Il explique que l’impôt mobilier n’est autre qu’une taxe d’habitation qui devrait être transformée en impôt de quotité.
13Entre les propos de Cornet d’Incourt et le projet du gouvernement de 1831 on peut déceler de nombreux points communs, en tous cas ils partagent la même philosophie de l’impôt. L’effet du discours de Cornet d’Incourt fut d’appeler l’attention des Chambres et du gouvernement sur la contribution mobilière alors que le dégrèvement de l’impôt foncier et la loi du double vote étaient au centre des débats9. En 1820, le gouvernement propose dans la loi des finances que le contingent des départements, des arrondissements et des communes soit à partir de 1821 fixé d’après les valeurs locatives réelles d’habitation, ce qui devrait conduire à une réévaluation générale. Il justifie cette disposition en soulignant qu’elle a pour objet « de rendre la répartition plus facile plus équitable et plus régulière ». Cette modification rencontre l’opposition de la commission du budget qui dénonce le projet de répartir l’impôt mobilier sur les valeurs locatives n’y voyant que du « charlatanisme financier pour atteindre une seconde fois les richesses mobilières ». En fait toutes les commissions des finances de la Restauration se rejoignent sur l’idée que, en répartissant l’impôt mobilier selon les valeurs locatives, cette contribution cesse d’être une imposition sur les revenus mobiliers ! En 1825, le rapporteur de la loi des finances explique à la Chambre que « tous les efforts tentés par l’administration pour l’exécution de la loi de 1820 n’ont eu d’autre effet que d’en faire ressortir tous les défauts ». Le même raisonnement est suivi par le rapporteur de la loi des finances en 1829.
14La contribution mobilière a donc cessé d’être un impôt sur le seul revenu mobilier pour devenir en quelque sorte un impôt sur la dépense de loyer. Elle s’est peu à peu simplifiée au point même de changer de nature. Ainsi la déduction du montant des revenus fonciers du revenu global estimé, pour obtenir la base d’imposition à la contribution mobilière, n’a plus été acceptée. Ce qui fait que cet impôt est finalement devenu une taxe proportionnelle à la valeur locative de l’habitation. Toujours par souci de simplification, ont été supprimés les dégrèvements qui étaient accordés aux contribuables en charge de famille nombreuse. Ainsi il n’était plus tenu compte de la part importante de leurs revenus que les chefs de famille étaient dans l’obligation de consacrer pour se loger !
15La contribution mobilière telle qu’elle avait été conçue par les révolutionnaires était, comme le souligne Paul Marie Gaudemet, « totalement défigurée et devenait injuste ». Elle a subsisté parce que son montant était modique10, mais aussi parce que, comme il est dit fort justement à l’occasion du débat concernant le projet de loi de 1831, « la pratique s’est écartée de la lettre de la loi, tout en se rapprochant de l’esprit qui l’avait dictée ». En effet les commissaires répartiteurs ont peu à peu pris l’habitude de répartir l’impôt au prorata des facultés contributives estimées des contribuables et non d’après leur seule dépense de loyer. Ainsi deux contribuables habitant un logement équivalent pouvaient être soumis à des contributions différentes si le répartiteur estimait que, en raison de la différence des charges de famille, les facultés contributives de l’un étaient supérieures à celles de l’autre. Mais cette déformation du système fiscal légal par la pratique administrative était facilitée par la modicité de cet impôt et donnait lieu à un certain nombre d’abus sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.
16Beaucoup plus simple est le fonctionnement de la contribution personnelle, d’abord parce qu’elle n’a d’autre base que la personne même du contribuable et qu’elle n’a guère varié. Elle se compose pour tous les habitants, de tout sexe, non indigents, et jouissant de leurs droits11, d’une quotité fixe de trois journées de travail. La valeur de la journée comprise entre 50 centimes et 1,50 franc étant déterminée selon le contexte local, dans chaque département, pour chaque commune, par le conseil général. Seule difficulté, que la jurisprudence avait d’ailleurs résolue, le sens légal du mot habitant qui n’avait pas été déterminé par la loi et n’exigeait pas la condition d’une certaine durée de résidence. Les personnes imposées étaient celles qui se trouvaient dans la commune au moment de l’établissement de la matrice d’imposition. Quant au lieu d’imposition, il s’effectuait au domicile réel pour les personnes qui possédaient plusieurs résidences.
17Enfin, la contribution des portes et fenêtres mise en place par la loi du 4 frimaire an VII est définie assez curieusement dans son article 2 ainsi conçu : « La contribution des portes et fenêtres est établie sur les portes et fenêtres donnant sur les rues et jardins des bâtiments et usines sur tout le territoire de la République. » L’administration interprétera de façon extensive cet article et considérera l’article 2 comme déclarant imposable toute ouverture donnant accès à la lumière de l’extérieur. Elle conclut que l’on doit imposer les portes et fenêtres qui donnent sur les champs, les prés, etc., comme celles qui donnent sur les rues, cours et jardins, bien que la loi ne contienne à cet égard aucune indication positive.
18Cet impôt avait été adopté sous le Directoire à une époque où les besoins du Trésor nécessitaient un prélèvement d’appoint. Assez bien supporté en raison de son montant assez faible, il devient assez rapidement un impôt productif donc difficile à supprimer. Dans le principe, cette contribution était un impôt de quotité mais elle est devenue un impôt de répartition par la loi du 13 floréal an X jusqu’à ce que le gouvernement dirigé par Laffitte décide de lui conférer son caractère initial.
19Les contributions concernées par la réforme de 1831 sont des impôts analytiques, c’est-à-dire qu’ils frappent les sources particulières du revenu. Il n’y avait pas de nécessité de recenser le revenu global du contribuable, d’ailleurs la bourgeoisie était fort hostile à faire connaître l’ensemble de ses ressources. Elle était aussi très attachée aux secrets de famille que le système favorisait. En effet, la matière imposable est alors évaluée par constatation administrative, les contribuables ne sont pas astreints à faire des déclarations. Enfin le système se caractérise par la réalité de l’impôt puisque théoriquement il ne fait aucune place aux charges de famille et à la personnalisation. L’impôt ignore le contribuable pour ne s’attacher qu’à la matière imposable. Il correspond ainsi parfaitement à l’esprit individualiste de l’époque. Mais il manquait de cohérence, d’élasticité, et son principal défaut était son injustice. Nous allons observer maintenant comment cette injustice est le principal facteur de résistance à la réforme.
B. Les raisons de la réforme tronquée de 1831 un tableau saisissant de l’inégalité devant l’impôt
20Dans le système de la répartition le législateur fixe à l’avance le produit de l’impôt. Le contingent établi par la loi est réparti entre les départements puis entre les arrondissements pour enfin être l’objet d’une dernière répartition entre les communes. Une fois parvenu au niveau communal, le contingent est divisé par la matière imposable qui est connue à l’avance. « C’est en quelque sorte un abonnement » explique Laffitte devant la Chambre des pairs le 19 février 183112. Et il renchérit, « son mode de perception présente plusieurs avantages. D’abord, il accorde aux collectivités locales un droit fort précieux et très apprécié, celui d’avoir l’impression de s’imposer elles-mêmes. Ensuite, il assure au Trésor la rentrée de l’impôt dont le total est connu à l’avance. Enfin il épargne à l’administration fiscale toutes les difficultés de la perception et les risques de non-valeurs. »
21Ce système adopté par les révolutionnaires et confirmé tout au long du xixe, si l’on excepte la courte réforme de 1831, présentait l’avantage de garantir pour l’État un certain rendement de l’impôt direct. En outre, il était imperméable à la fraude fiscale puisque la partie de la matière imposable dissimulée par les uns était nécessairement payée par les autres.
22Seulement, aux débuts de la monarchie de Juillet, ces avantages disparaissent aux yeux du gouvernement face aux trop nombreux inconvénients. Le principal défaut de ce système réside dans son manque d’élasticité, puisque lorsqu’un gouvernement désire élever le produit de l’impôt, il est contraint d’augmenter le contingent national, ce qui déclenche au niveau local un certain nombre de problèmes dans la mesure où les principaux contribuables sont alors, en même temps et très souvent, membres des conseils généraux, d’arrondissements et municipaux. À tel point que les impôts directs ont été frappés au xixe siècle d’une sorte de sclérose qui ne leur a pas permis de suivre l’essor de la richesse générale. Précisément, cela tient, selon Paul Marie Gaudemet, « au mécanisme de répartition qui a dressé, devant la volonté des ministres des Finances de majorer le produit de l’impôt direct, les assemblées locales d’une manière souvent victorieuse13 ». En plus de sa rigidité, la méthode de la répartition a présenté l’inconvénient durant tout le xixe siècle de pérenniser des écarts de taux d’imposition non justifiés entre certains départements, entre certains arrondissements et entre certaines communes. Malgré quelques réajustements au cours de la longue période des monarchies censitaires, portant notamment sur l’impôt foncier, les privilèges hérités de l’Ancien Régime ont traversé le siècle malgré les protestations récurrentes de la minorité lésée. De nombreux travaux parlementaires et gouvernementaux ont démontré l’iniquité de la répartition, mais il faudra attendre l’enquête de 1887-1889 et le renouvellement profond de la classe politique pour que le système de la répartition soit définitivement abandonné en 1892 pour la contribution foncière sur la propriété bâtie, et 1914 pour la contribution foncière sur la propriété non bâtie.
23Précisément, en 1831, le défaut considéré comme le plus grave réside dans la répartition des contingents entre les départements et entre les contribuables. On reproche surtout au système de ne pas coller à la réalité de la richesse mobilière « car il ne repose pas sur l’évaluation exacte de la richesse des localités14 ». La réalité de la situation est pire qu’on ne pourrait oser le penser ! En effet, la répartition est établie sur des bases déterminées quarante ans auparavant et certains départements ne perçoivent plus la contribution mobilière puisque la contribution personnelle suffit, et parfois même dépasse le contingent exigé. Dans d’autres départements, le taux légal a même été abaissé, et, seuls quelques contribuables paient, les autres sont dispensés de l’impôt.
24Un autre exemple est révélateur de la renaissance des privilèges fiscaux après la Révolution. Seulement il s’agit cette fois-ci d’une pratique tout droit héritée de l’Ancien Régime lorsque les corps constitués rachetaient l’imposition. En effet, plusieurs lois dérogatoires au droit commun ont permis à certaines grandes villes qui l’avaient demandé, de prélever sur les produits de l’octroi tout ou partie de leur contribution personnelle et mobilière. Autrement dit, grâce à leur intense activité commerciale, les municipalités des vingt-cinq villes les plus riches comme Paris, Marseille, Nantes, etc., étaient parvenues à s’exempter de la contribution personnelle et mobilière qu’elles finançaient par un impôt indirect ! Ces villes qui étaient d’ailleurs qualifiées de rédimées allaient pouvoir conserver leur privilège puisque la loi de 1831 prévoyait une disposition spéciale pour elles15.
25Le rapport gouvernemental sur les disparités fiscales est encore plus édifiant en ce qui concerne la contribution des portes et fenêtres, où les défauts du système de répartition sont plus marqués encore car « la matière imposable est extrêmement variable et sujette à de fréquentes évolutions ». Si l’on prend pour seul exemple l’impôt des portes et fenêtres, la répartition date de 1798, où furent dénombrées vingt millions d’ouvertures. En 1822, une enquête des services fiscaux en a dénombré trente-quatre millions soit quatorze millions de plus. Le gouvernement escompte en 1831, l’augmentation ayant continué, un accroissement de plus d’un tiers de cette contribution grâce au passage à la quotité.
26Des raisons de politique budgétaire expliquent la volonté gouvernementale d’opérer le passage de la répartition vers la quotité, système beaucoup plus élastique. En plus du financement de l’armée évoqué par Las Cases – le gouvernement a dû « la replacer dans le rang des puissances européennes16 »– l’un des soucis qui semblent préoccuper le ministre des Finances est de trouver un plus juste équilibre entre les impôts directs et les impôts indirects17. L’un des motifs contenus dans le projet avance des problèmes de trésorerie qui proviennent « des millions retirés à l’impôt des contributions indirectes18 ». Parce qu’il recherche les moyens de remplacer une partie de l’impôt indirect par une plus juste répartition, l’objectif du gouvernement est de baisser les impôts indirects qui pèsent sur les boissons afin, précise Rambuteau, de « soulager les pays de vignobles du poids qui les accable ». Le rapport gouvernemental souligne l’intérêt de l’impôt de quotité, qui doit compenser la baisse de 40 millions des impôts indirects, parce qu’il permettra de suivre les variations de la matière imposable : « d’après des calculs savants opérés par les services du ministère des Finances, elle a augmenté de façon significative19 ». Une appréciation des valeurs locatives, faite en 1823, les estimaient à 300 millions ; une autre, datant de 1829, les estimaient à 380 millions ; largement de quoi couvrir les déficits.
27Le niveau atteint par les impôts indirects, regrette Rambuteau, qui fait partie de la commission de Finances, « s’explique par la répugnance des anciens gouvernements à régulariser les impôts directs qui eussent donné 25 000 électeurs (de plus), et leur prédilection pour les impôts indirects qui ne donnaient aucun droit politique ». Ces propos sont tenus quelques années après la célèbre loi du double vote qui avait été accompagnée d’une baisse très sensible de l’impôt foncier et de nombreux dégrèvements. Ces mesures avaient eu des effets considérables sur le pays légal en diminuant de plusieurs milliers le nombre de citoyens électeurs et/ou éligibles. Elles confirment la dimension toute idéologique de l’impôt sous les monarchies censitaires20.
28En outre, le projet défendu par le gouvernement Laffitte s’inscrit dans le jeu des rapports entre impôts directs et impôts indirects et confirme la remarque de Jean-Louis Harouel et de Gérard Sautel qui soulignent une plus grande subtilité du maniement des impôts à l’intérieur des impôts indirects21. Précisément, les prévisions d’une répartition plus équitable entre les contributions directes sont les suivantes : dès la première année l’accroissement du produit de l’impôt direct serait supérieur à 5 millions sur la contribution personnelle portée de 17 à 22 millions, de 15 millions sur la contribution mobilière qui de 18 serait élevée à 33 et, enfin de 5 millions sur celle des portes et fenêtres qui produirait une augmentation de plus d’un tiers. Les passions engendrées lors du débat autour de la contribution mobilière sont à rapprocher du montant de la majoration de cette imposition. L’équation est facile à réaliser : trois fois plus d’augmentation que les autres contributions, trois fois plus d’intérêt, de débats et de pressions, à tel point que le gouvernement est finalement contraint de faire marche arrière. Il concède le maintien du système de répartition pour la contribution mobilière et la dissocie de la taxe personnelle qui devient un impôt de quotité au même titre que l’impôt sur les portes et fenêtres. Au final, la commission du Budget fera adopter un amendement de Rambuteau qui, tenant compte de la nouvelle configuration, modifie les équilibres prévus entre les contributions directes dans le projet initial. C’est ainsi qu’on voit le contingent de la contribution mobilière comprendre les contingents réunis assignés l’année précédente à la contribution personnelle et mobilière. Ce qui majore la contribution mobilière du produit de la contribution personnelle de 1830. Elle devait rapporter 24 millions. La contribution personnelle quant à elle devait rapporter 21,75 millions et la contribution des portes et fenêtres 25 millions alors qu’elle avait produit 14 millions en 1830.
29Mais les parlementaires et les électeurs contribuables qui représentaient durant le premier tiers du xixe siècle la partie la plus influente de l’opinion publique ne manquaient pas d’arguments pour critiquer le gouvernement.
II. Les contribuables associés pour le recouvrement de l’impôt de répartition ou qui s’associeront contre le recouvrement de l’impôt de quotité
30Il y a peu à dire sur la contribution personnelle et celle des portes et fenêtres, puisqu’elles n’ont pas suscité autant d’intérêt que la contribution mobilière. Les enjeux étaient différents et l’analyse de l’argumentation favorable au maintien du système de répartition pour la contribution mobilière permet de mieux saisir le mode de fonctionnement de la société dans cette première moitié du xixe siècle. Les débats relatifs à toute réforme fiscale sont à cet égard des témoignages d’une grande richesse, ils font apparaître de façon particulièrement fine les contradictions de la société, des systèmes et des hommes.
A. Les arguments contre la réforme
31L’un des traits du débat engagé sur la réforme tient dans les propos souvent contradictoires tenus par les partisans ou les opposants à la réforme. Ce n’est pas tant un type de discours et son contraire qu’il faut entendre par contradictoire, mais au sens mathématique du terme c’est-à-dire qui admet une relation à la fois vraie et fausse ! Ces oppositions sont plutôt des mises en perspective, elles tiennent autant à la technique de l’exposé organisé sur le plan thèse/antithèse avec un réel souci d’honnêteté qu’à la complexité de la chose fiscale.
32Une partie des interventions envisage la problématique sous l’angle technique de la perception de l’impôt, en abordant la question de l’exactitude et de la discrétion de l’impôt. Ces caractéristiques ne sont pas, aux dires des opposants à la réforme, l’apanage du système de quotité, qui semble présenter beaucoup moins d’avantages que le système de répartition.
33Ainsi, le principe de la quotité est dénoncé par Cunin-Gridaine lors des toutes premières discussions du projet, dans un brillant exposé conçu sur le mode thèse/antithèse. Il commence – après avoir préalablement proclamé son hostilité à la réforme – par montrer les limites de la contribution personnelle et mobilière en s’attaquant d’abord à la contribution personnelle qui est « injuste par le seul fait qu’elle frappe les individus, sans considération de leurs facultés, et, illégale, en ce qu’elle est en opposition avec l’article 2 de la Charte qui porte : les Français contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l’Etat22. » Malgré la modicité de cet impôt, le député marque son indignation devant « un impôt qui frappe de la même taxe le riche et le pauvre ». Et il suggère au gouvernement de reverser l’apport de la contribution personnelle sur la contribution mobilière. On a vu que ce conseil sera suivi d’effet mais sans que la contribution personnelle ne soit supprimée !
34Mais c’est sur la contribution mobilière que se polarise l’essentiel de l’attention des députés. Dans son rapport, le ministre s’était appliqué à démontrer que les valeurs locatives constituent la meilleure base qu’on puisse employer pour atteindre les facultés mobilières des contribuables. Mais c’est précisément cette base d’évaluation qui déclenche les protestations les plus virulentes. Le débat qui s’instaure alors est fondé sur les intérêts des classes montantes, défendus très habilement pas Cunin-Gridaine. Il présente les limites d’un système auquel il reproche avant toute chose d’être injuste parce qu’il touche à deux reprises le contribuable. Ainsi convient-il que « les revenus d’un médecin ou d’un fonctionnaire dans le luxe de son habitation soient prélevés », mais il déplore que les revenus fonciers déjà imposés au dixième et quelquefois au sixième soient de nouveau poursuivis dans l’habitation du propriétaire. En outre, il se demande « où sont les revenus mobiliers d’un propriétaire qui ne possède que les revenus fonciers ». Mais sa démonstration devient pertinente lorsqu’il se lance dans une analyse des disparités à l’intérieur même des villes, au sein des communes rurales, entre ville et campagne, puis entre le nord et le sud du pays. Il prend l’exemple des riches habitants des villes vivant dans des quartiers éloignés qui ont un loyer moindre que celui des commerçants, médecins, avocats dont les affaires les obligent à posséder un établissement dans les quartiers plus centraux : « de façon que, avec une fortune double, une habitation plus commode, le riche oisif paiera un impôt plus faible que l’industriel23 ». Les communes rurales connaissent également leurs lots d’injustices. Ainsi entre le petit commerçant qui habite le bord de la grande route ou l’entrée du village et le riche propriétaire d’une vaste maison isolée : « ils paient un impôt équivalent, alors que leur fortune est bien différente ». La loi n’est pas plus juste à l’égard des cultivateurs. L’évaluation d’une ferme repose sur l’habitation personnelle du fermier à laquelle on ajoute la valeur locative des bâtiments d’exploitation. Seulement, les bâtiments ne représentent pas toujours l’importance de l’exploitation. Ainsi « dans un grand nombre de provinces où les céréales et les foins se mettent en meule, dans celles où les blés se battent sur des terrains non couverts, on exploite des fermes considérables avec moitié moins de bâtiments où l’on a l’habitude de mettre les produits sur la terre dans des granges immenses... il arrive que des exploitations démembrées restent passibles d’un impôt mobilier considérable, tandis que la cabane avare, qui se sera enrichie de tout ce que l’autre a perdu, paiera à peine le quart du même impôt... les riches habitants des campagnes du Midi seraient ménagés, les cultivateurs du Nord seraient surtaxés. »
35Le député en vient ensuite à la comparaison entre les villes et les campagnes. Il se demande si le loyer d’un habitant de Paris est représentatif de sa fortune en comparaison d’un habitant de Versailles ou de la Haute-Garonne ou des Landes ? « Le plus modeste employé avec femme et enfants à Paris représente une valeur locative plus considérable que celle du plus riche habitant d’un château de province. »
36Cunin-Gridaine prévient le gouvernement que la technique des déclarations prévue dans le projet n’est absolument pas fiable, « il n’y en aura pas ou elles seront tellement mensongères qu’elles ne feront qu’augmenter les difficultés en élevant la discussion24 ». La seule solution réside dans l’accomplissement du travail d’évaluation par les agents de l’administration et nombreux sont les députés qui redoutent cette pratique : « tout deviendra suspect [...] on aura mécontenté les contribuables par cela seul que les agents du fisc les auront taxés25 ». Pour justifier sa position, il donne l’exemple de la patente, impôt de quotité par excellence, accepté depuis longtemps par les commerçants mais qui, par sa nature, fait intervenir les agents des impôts ce qui explique-t-il, « provoque dix fois plus de réclamations que les autres contributions ». Un autre député abonde dans ce sens en soulignant que dans le système de la répartition les réclamations sont en nette diminution : « ... sur 41 millions, montant de la contribution personnelle et mobilière en principal et en centimes additionnels, les décharges pour 1828 ne se sont élevées qu’à 78 000 francs26 ». En fait, plus de la moitié de ces diminutions proviennent de situations particulières inhérentes à la vie de l’impôt, décès, faillite et autres causes d’insolvabilité. En déduisant ce que l’on qualifie de double emploi, les surtaxes réelles s’élèvent à une trentaine de mille francs, cela prouve finalement que la contribution personnelle mobilière est alors loin d’atteindre le seuil de tolérance inhérent à tout impôt.
37C’est précisément cette sous-imposition qui avait conduit le gouvernement à se lancer dans une réforme qui n’allait pas sans poser certains problèmes, à la fois techniques et politiques. Non seulement les contribuables risquaient de voir leur imposition majorée, mais le seuil tolérable de discrétion serait vite dépassé avec le retour en force du système inquisitorial. Le colonel Grouchy, pourtant partisan de la réforme, reconnaît que le pouvoir qu’il qualifie d’« insolite pouvant devenir vexatoire » accordé aux agents des contributions, d’évaluer les loyers d’habitation, « autoriserait ces employés à pénétrer dans le domicile de chaque citoyen, et à y exercer une espèce d’investigation27 ». Il craint que les agents des impôts détiennent un pouvoir exorbitant « ils pourraient faire et défaire des électeurs, selon leurs affections et leurs répugnances, en élevant ou en abaissant la valeur de leur loyer28 ». Ces propos dévoilent la réalité de la situation telle que le système de répartition l’avait instituée au niveau local en rapport avec le cens ; avec des calculs non seulement relatifs à l’impôt proprement dit mais également concernant les niveaux d’imposition conférant le droit d’être citoyen ou éligible. Quant à Emmanuel Las Cases, il commence son intervention de façon grandiloquente en parlant de « grand malheur pour une nation lorsque les contribuables par suite du mode de perception des impôts, s’habituent à voir dans les agents du fisc, au lieu de contrôleurs et de percepteurs, des ennemis29 ». Sa plaidoirie brillante en faveur du statut quo est un modèle de conservatisme. Dans le système de répartition, le prélèvement est « une affaire de famille » et s’il comporte des injustices « c’est qu’il est impossible d’atteindre la perfection ici bas ». La référence à la famille est récurrente, plusieurs députés opposent le système familial, traditionnel, paisible de la répartition et la méthode barbare de la quotité.
38Parmi les nombreux exemples que l’on trouve dans les interventions des députés, on peut citer Falguerolle qui explique qu’aller dans le sens de la réforme ce serait « renoncer à l’action paternelle de la famille communale et à l’esprit d’association pour livrer ses propres affaires à des mains mercenaires et presque toujours avides de bien mériter de leurs chefs au dépend des contribuables30 ». Le baron de Gaujal utilise pour sa part l’expression évocatrice « de mode de perception tout à fait paternel » à propos du système de répartition pour conclure par une attaque virulente à l’encontre de la machine administrative : « tout montre dans ce projet l’œuvre d’une branche de l’administration des Contributions directes qui, craignant de paraître superflue, a voulu se rendre nécessaire31 ».
39Nombreux sont les intervenants qui considèrent que cette réforme est inutile, qu’elle va tout compliquer, que, en conservant les bases existantes tout en augmentant le principal et en ajoutant des centimes additionnels, il serait possible de parvenir au même résultat.
40Mais l’essentiel de l’argumentation des députés porte sur les avantages du mode de la répartition qui présente l’intérêt d’être discret et en tous les cas facile à faire fonctionner sur le plan local. Ainsi, « dans le Midi, là où le cadastre n’a pas été encore exécuté », explique Delpon, « ce sont les répartiteurs qui évaluent, d’après leurs connaissances locales, la fortune mobilière des citoyens après en avoir déduit de leurs revenus les charges qu’ils ont à supporter ». Et il conclut : « Rarement elle donne lieu à réclamation. »
41Ce que redoutent les députés, c’est l’intervention de l’administration fiscale et la fin de l’action des municipalités dans sa fonction de répartition. Le député Viennet considère que « l’administration municipale, tutrice naturelle des intérêts individuels, sera déshéritée de cette tutelle, et la distribution de l’impôt deviendra la tâche exclusive et vexatoire de l’administration financière... à 230 000 répartiteurs choisis dans le lieu même de la répartition entre les citoyens les plus dignes de la confiance publique vont être substitués 700 contrôleurs étrangers, n’ayant d’autre intérêt que plaire à des supérieurs dont dépend leur avancement, et de satisfaire à tout prix les exigences du Trésor ». Le débat prend là une tournure et un ton qui permet à l’historien de se placer dans le registre de l’histoire des représentations. Celle de l’administration fiscale n’a jamais été positive, et quelles que soient les époques. Si une histoire de l’image de l’administration fiscale était écrite, les propos du député Viennet seraient sans aucun doute repris lorsqu’il souligne que le terme évaluation fait apparaître « l’image hideuse du fisc [...] et nous l’avons vu prêt à envahir toutes les parcelles de notre système financier32 ». Et le député continue son intervention sur un mode ironique en insistant sur la place fondamentale jouée par les maires dans le fonctionnement de la machine administrative : « Non messieurs, ce n’est pas l’art du fisc qui se perfectionne mais c’est l’habileté des conseils municipaux, c’est leur participation au contrôle des charges publiques [...] les maires seront appelés au secours des contrôleurs [...], ils seront soumis à cet agent de l’autorité financière » et il les assimile aux cabaretiers qui sont « subordonnés aux caprices de l’employé des droits réunis. »
42Parmi les inconvénients relevés par les députés opposés à la réforme, l’un des plus longuement débattu est relatif à l’équilibre du système de la répartition locale. Le problème se pose avec d’autant plus d’acuité qu’il est porteur à ce moment-là d’une dimension politique particulière, puisque parallèlement se discute le projet qui va donner la loi du 21 mars 1831 concernant l’organisation des municipalités. L’esprit de la réforme fiscale est alors considéré comme opposé à celui de la décentralisation. En effet le passage à la quotité retirerait une parcelle importante des libertés locales qui résident pour bon nombre de parlementaires dans la répartition locale des impôts : « Qu’ils se distribuent entre eux comme par le passé les impôts qu’ils doivent supporter ! Ils les trouveront moins onéreux, ils seront moins disposés à se plaindre quand les affaires se seront pour ainsi dire passées en famille et qu’on réserve à l’administration lorsqu’on adressera à sa justice le rôle honorable de rétablir l’égalité entre les citoyens33. » Quoi qu’il en soit cette réforme est aux dires du colonel Grouchy « impolitique parce que, tandis que les lois municipales sont de toutes parts réclamées avec insistance comme un besoin de l’époque, il serait malvenu de déshériter deux cent mille répartiteurs du droit qui leur est acquis depuis quarante ans, de participer à la fixation des bases de la contribution mobilière, et qui leur a été accordé parce que, continuellement en contact avec leurs concitoyens, ils sont plus à même que qui que ce soit de connaître les facultés de chacun d’eux et de proportionner leur cote de contribution avec leur aisance respective ». Un autre député insiste sur la dimension paradoxale entre cette réforme et la décentralisation en cours : « Si l’auteur du projet avait bien calculé tous les inconvénients de son système, s’il avait songé à en faire l’application aux 37 865 communes, il ne serait pas venu vous proposer d’abroger les lois constitutives de l’impôt, et notamment celle qui a si sagement institué les répartiteurs, pris parmi les propriétaires pour être les arbitres de leurs concitoyens, il ne serait pas venu vous proposer de se priver désormais de leur utile concours et de celui des maires, au moment surtout où il est question de rendre aux communes leurs droits. »
43Ce projet n’arrive donc pas à point nommé, mais une réforme fiscale dans ce qu’elle bouleverse de droits présumés acquis et d’habitudes n’est jamais bien accueillie. Delpon l’exprime dans un style qui lui est propre : « L’innovation dans la base des impôts peut devenir funeste, même aux époques de calme et de force. Ceux qu’elle soulage n’en éprouvent jamais autant de satisfaction que ceux dont elle augmente les charges en reçoivent de mécontentement34. » Mais Delpon est un farouche adversaire de la réforme, ces derniers propos sont à la fois d’un réalisme cynique et teintés d’une certaine mauvaise foi qui n’a d’égal que le talent dont il a fait preuve durant sa longue démonstration pour démonter les arguments des tenants du projet. Ces derniers ne s’en laissent pas compter et vont défendre leur réforme souvent avec talent et conviction parfois avec moins de bonheur.
B. Les arguments en faveur de la réforme
44Nous allons revenir rapidement dans un premier temps sur le discours officiel, c’est-à-dire celui que tient l’un des représentants du gouvernement devant les députés pour ensuite aborder quelques-uns des thèmes récurrents en matière de fiscalité qui vont dans le sens de la tentative de réforme.
45L’un des hommes chargé de monter au créneau pour défendre le projet n’est autre que Thiers, commissaire du gouvernement. Il répond point par point aux objections techniques portées à l’encontre de la réforme. Il construit sa plaidoirie en quatre temps. Le premier concerne les critiques à l’égard des loyers qui ne constitueraient pas une base suffisante et fiable pour évaluer la fortune du contribuable compte tenu des différences de niveau de vie entre certaines villes (« on dit par exemple que 1 000 francs de loyer ne représentent pas dans une ville la même fortune que dans une autre »). Thiers n’est guère convaincant lorsqu’il rétorque que « la proportionnalité est conservée puisque le fait pour les individus de se transporter dans une grande ville montre qu’ils ont les moyens en rapport avec les conditions des lieux35 ».
46Le deuxième point porte sur le grave défaut que l’on attribue à la contribution mobilière qui présente l’inconvénient de frapper indistinctement les pères de famille qui ont peu d’enfants et ceux qui en ont beaucoup. Thiers tente de démontrer que la contribution mobilière n’est pas la seule concernée par cette inégalité, qu’on peut adresser cette objection à toutes les dépenses et que cela n’empêche pas la contribution mobilière d’être celle qui est « la plus exactement proportionnée aux moyens des individus ».
47La troisième objection adressée à la contribution mobilière porte sur les difficultés plus grandes pour évaluer la base imposable dans les campagnes par rapport aux villes. Thiers l’admet en reconnaissant que les propriétaires des campagnes ne sont souvent pas mieux logés que de simples journaliers – « ce qui veut dire qu’ils cacheraient leur fortune en vivant chichement » précise-t-il – mais, pour obvier cet inconvénient, il est possible de comprendre dans la valeur locative les bâtiments ruraux dépendants de l’habitation.
48Enfin parmi les nombreux reproches formulés à l’encontre du système de quotité, celui que relève Thiers parce qu’il est particulièrement insistant, est le fait d’ôter aux communes la faculté de s’imposer elles-mêmes : « droit précieux dont il ne faudrait pas les priver au moment où on leur accorde de nouvelles libertés ». Sa réponse est sur ce point ferme et ironique puisqu’il demande aux parlementaires si ce droit est encore de ce temps en faisant référence aux pays d’Etat et aux pays conquis d’avant la Révolution !
49Puis il aborde le sujet de l’administration fiscale. Il oppose les contrôleurs aux répartiteurs. Le débat devient mouvementé car il minimise le rôle des répartiteurs (c’est-à-dire des maires) qui dit-il « restent à l’Hôtel de ville... sont souvent animés par des motifs de haine, d’animosité... ils ne se déplacent pas avec les contrôleurs de maison en maison pour étudier la matière imposable ». Dans la réalité la tâche des répartiteurs n’est pas toujours si facile. Leur position, leurs fonctions, mais surtout leur fortune donnent à ces hommes une autorité qui leur permet généralement de se faire respecter. La plupart des maires, notamment des villages et bourgs d’une certaine importance, appartiennent à des familles de notables qui ont traversé la Révolution, le Consulat, l’Empire et la Restauration en puisant dans le large éventail des ressources à la disposition des édiles municipaux pour ne pas trop subir l’impôt direct36 ! Ils ont su tout à la fois faire régner la paix fiscale localement et ne pas se désavantager sur ce plan. Mais si les contributions en jeu dans le cadre de cette réforme ne semblent pas lourdes aux yeux de l’ensemble de la classe politique, elles sont comme toujours plus durement ressenties par les classes intermédiaires qui paient comme à chaque époque pour les autres37. À cet égard, Thiers tient un discours courageux en expliquant que si les répartiteurs font mal leur travail c’est parce que « l’impôt établi sur les riches est le plus arbitraire », et qu’avec le système de répartition « c’est l’impôt sur les riches établi par les riches eux-mêmes ». On peut imaginer ce que ces propos ont pu déclencher comme réactions. Celle qui fait suite aux propos de Thiers est l’œuvre du député Delpon l’un des plus farouches opposants à la réforme. Sa réponse est cinglante, en effet il estime qu’il « est peu convenable de parler d’en haut pour apprendre aux Français qu’en s’acquittant de la contribution mobilière, ils obéissaient à l’arbitraire38 ». Pourtant même si ce n’était pas la priorité du gouvernement, ce projet pouvait limiter l’arbitraire et atteindre un degré de justice supérieur à ce qui se faisait auparavant. D’ailleurs, l’un des thèmes les plus intéressants du long débat porte sur l’équité fiscale que le système de la répartition ne permettait pas d’atteindre. Précisément Salverte explique que l’objectif du gouvernement est de « rétablir l’équité dans l’assiette de l’impôt mobilier et par ce moyen parvenir plus tard à l’égalité dans l’assiette de l’impôt foncier39 ».
50Le projet devait en effet rétablir certaines inégalités même s’il était loin d’être parfait. Le député Pataille fonde l’essentiel de son intervention sur ce thème. Il considère que la réforme doit corriger un système qui protège les plus riches. La pensée de Pataille peut se résumer par les mots qu’il prononce à la fin de son intervention : « Faites payer un peu plus aux riches, un peu moins aux pauvres, je crois que ces mots résument très exactement la question de conversion de la contribution mobilière, d’impôt de répartition en impôt de quotité40. » L’histoire financière depuis la Restauration a montré qu’à chaque fois qu’il a été question de dégrèvement et de soulagement des contribuables, les contributions directes étaient les seules concernées. Pataille parle de « l’invasion toujours croissante [...] de la lèpre dévorante des contributions indirectes : je l’ai reproché à la Restauration de son vivant, elle a triplé l’impôt sur les boissons qu’elle avait promis d’abolir ». Il dénonce les raisons de cette politique : « ce n’était pas seulement comme on aurait pu le croire, en haine des droits politiques et pour restreindre le nombre d’électeurs que la Restauration agissait ainsi. Il y avait une autre pensée [...], elle soulageait en effet par réduction des impôts directs, non pas tous les contribuables, mais une classe des contribuables, la classe riche. Et ce qu’on appelait le perfectionnement de l’impôt indirect était un moyen très direct de rétablir, sans que l’on s’en aperçut trop, la répartition des charges d’Ancien Régime, ou du moins de s’en rapprocher le plus possible ». Voyer d’Argenson bien qu’opposé au projet va dans le même sens. Il admet à la fin de son long discours qu’il n’est pas judicieux de comparer le système mis en place sous la Constituante et celui qui est en place en 1831. En effet au début de la Révolution il n’existait aucun impôt indirect sur les consommations et la richesse mobilière était incontestablement fort inférieure à ce qu’elle est en 1831. Il suggère que l’on restitue à la taxe mobilière une forme analogue à celle qui avait été conçue à l’origine c’est-à-dire « en l’essayant sur la richesse mobilière et non sur la dépense locative ». Cette méthode permettrait de « délivrer nos concitoyens du fléau des contributions indirectes établies sur le sel, les boissons et le tabac41 ».
51Au cours de quelques-unes des interventions, la verve des opposants les conduit à pratiquer facilement l’amalgame. Certains députés manquent singulièrement de mesure et font parfois preuve d’une telle mauvaise foi qu’ils s’exposent à la critique en même temps qu’ils servent, contre leur volonté, la cause du gouvernement. Et même si la mauvaise foi ou l’argumentation fallacieuse n’est pas uniquement l’apanage des opposants à la réforme, on peut à travers une analyse sémantique du discours trouver de nombreux exemples des arrière-pensées de ceux qui combattent la technique de la quotité.
52Ainsi parmi les rares prises de position relatives à la contribution personnelle l’une se singularise par son ton particulièrement critique à l’encontre de la commission du Budget qui est accusée d’« avoir dépassé les bornes où l’avait circonscrite le gouvernement ». Elle est le fait du député Estancellin qui déclare qu’il va combattre la disposition du projet qui « assujettit les domestiques des deux sexes au paiement de cet impôt. Si comme l’affirment les membres de la commission, ce ne sont pas les domestiques qui devront supporter cette charge, mais leur maître cela devient un impôt somptuaire et non plus une contribution ». Estancellin est habilement parvenu à conférer une dimension sociale à cette disposition. L’esprit de la loi est d’atteindre la richesse mobilière, souligne le député qui reconnaît ensuite que l’entretien des domestiques est une preuve des plus évidentes de cette richesse. Il attire l’attention de ses collègues sur la situation des détenteurs d’une ferme qui exige huit ou dix individus puis explique que le système de quotité pour la taxe personnelle « entraînera pour le fermier qui a quatre valets pour la culture des champs un impôt supérieur à celui de son maître qui a deux domestiques à son service ». Sa critique prend ensuite une dimension résolument sociale en même temps qu’erronée lorsqu’il explique que « jusqu’alors, il suffisait de ne payer aucun impôt pour pouvoir être considéré comme indigent. C’est en tout cas de cette façon que les autorités locales avaient l’habitude d’apprécier la position des familles. Avec la définition de la commission seuls les vagabonds vivant de l’aumône seront considérés comme tels. Le salaire journalier d’une femme qui équivaut à 70 centimes dans les campagnes suffira pour qu’elle doive supporter l’impôt ». Il se fait enfin l’écho de plusieurs députés qui craignent l’attitude des agents du pouvoir dont ils ne mettent en doute « ni l’humanité ni le désintéressement mais qui seront pressés par les directives gouvernementales ». Certains députés demanderont que « les domestiques privés par leur état de l’exercice des droits civils ne soient pas compris dans les rôles des contributions ». Ils ne seront pas entendus, le débat relatif à la contribution personnelle ne déclenchant guère de passions. Les sommes demandées étaient assez modiques, rarement plus qu’une demi-journée de salaire pour un journalier. Cet impôt bien qu’attaché à l’individu était parfois réglé par le maître. Dans les cinquante villes qui avaient racheté la contribution, les domestiques étaient exemptés de la taxe personnelle. Bien avant et bien après la réforme de 1831, l’octroi et les autres taxes indirectes ont pesé davantage sur les petites gens que la contribution personnelle et peu de députés ont eu le courage de dénoncer ce que Frédéric Bastiat qualifiait d’impôt sur les pauvres42.
53Autre exemple d’intervention qui manque de nuance et de lucidité, les propos du député Prunelle sur les mécanismes de contrôles en cas d’erreur d’évaluation qu’il considère comme insuffisants. Il explique d’emblée que « les répartiteurs se trompent sciemment » tout en précisant ensuite qu’avec l’ancien système les parties lésées étaient protégées, qu’elles pouvaient réclamer auprès du préfet afin qu’il charge les contrôleurs d’examiner les faits contestés : « Ce n’est que sur les rapports contradictoires des répartiteurs et des contrôleurs ainsi que de la plainte des parties que le conseil de préfecture est appelé à juger. » En avançant que les répartiteurs se trompent « sciemment », Prunelle confirme l’état d’esprit dans lequel s’opérait une partie de la répartition, ce qui tendrait plutôt à aller dans le sens de la réforme. De plus, Prunelle conclut son intervention en avançant que « rien de tout cela n’existe dans la nouvelle loi43 » affirmation sans le moindre fondement44. D’autant que les mécanismes de contrôle présentés dans le projet de loi ne laissent guère place à l’improvisation. L’article 13 prévoyait à l’origine que les contrôleurs devraient communiquer au maire les résultats des recensements et des évaluations. L’article 14 ajoutait que le maire, de concert avec les adjoints, pouvait examiner le taux et la proportionnalité des évaluations locatives et consigner en marge de l’état toutes les observations qu’il jugerait utiles. Ces précautions ne suffiront pas et le système de la quotité sera repoussé pour la contribution mobilière. Il faut dire que les arguments avancés à l’occasion des discussions qui tournent autour de la question de l’intervention des maires dans l’évaluation de l’assiette locale ne sont guère convaincantes et ce quelle que soit leur origine. Ainsi les propos tout à la fois très réalistes et maladroits de Sapey : « Croyez-vous qu’il se trouvera beaucoup de maires disposés à la veille surtout d’être remplacés par suite de la nouvelle organisation municipale, à seconder les contrôleurs en révélant la véritable valeur des loyers alors même qu’il les connaîtraient ? Non, ni les uns ni les autres ne voudront accepter d’être les conseillers des contrôleurs pour s’exposer aux reproches et aux inimitiés de leurs concitoyens45. »
54À l’opposé, la vision du député Salverte présente la situation de façon assez provocatrice : « dans un cas tous les contribuables sont associés pour le recouvrement de l’impôt de répartition, dans l’autre, ils s’associeront contre le recouvrement46 ». Sa conception du rôle des répartiteurs et des agents du fisc est aussi peu nuancée que celle de Sapey mais elle va dans un sens inverse : « les répartiteurs peuvent être intéressés dans la question de l’arbitrage du cens électoral alors que les agents du fisc seront hors de la question [...] et s’ils sont portés à augmenter les produits de l’impôt, personne n’aura à craindre qu’ils diminuent volontairement et qu’ils enlèvent ainsi à des citoyens le droit électoral [...]. Le fait que les membres des corps municipaux seront bientôt élus par le peuple conduira les maires à mieux sentir que leur devoir est de prêcher au peuple l’exécution des lois47 ». Et le député termine en plaidant de façon plutôt naïve en faveur de l’intégrité des édiles municipaux qui « environneront les agents du fisc, non seulement de toutes les lumières dont ils auront besoin mais de toutes les précautions qui peuvent les empêcher de vexer les citoyens par l’impôt ».
55L’impression qui ressort de l’analyse des débats parlementaires durant toute la période des monarchies censitaires est assez peu favorable pour l’image des députés48. La majorité d’entre eux ne semblent pas être soucieux de l’intérêt général, davantage préoccupés à défendre les intérêts de leur classe, de leur parti, avec comme objectif leur réélection. On peut déceler les arrière-pensées politiciennes même dans le cadre des débats plus techniques que politiques relatifs au projet d’abandon de la méthode de répartition. Toutefois, il faut prendre garde à ne pas conférer au projet gouvernemental une dimension sociale qu’elle ne contient pas vraiment même si celle-ci est parfois évoquée. De même il faut éviter de considérer la Chambre des députés uniquement comme la gardienne du temple des privilèges, elle est aussi un lieu où les propositions les plus diverses sont avancées. Voyer d’Argenson ne déclare-t-il pas : « Que veut-on ? Atteindre la fortune, mais n’y a-t-il que les loyers qui manifestent la dépense ? Il y a d’autres caractères extérieurs qu’il faudrait, je crois, réunir aux loyers, le nombre de voitures, de chevaux, de domestiques, de chiens de chasse dans les campagnes49. » Même si, du fait du contexte, les propos de d’Argenson n’auront aucun effet en pratique, ils sont néanmoins hardis, compte tenu de la composition de la chambre des députés.
56L’objectif principal du gouvernement est de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. Certaines dispositions du projet initial proposées à l’analyse de la commission parlementaire chargée du dossier ont été modifiées dans un sens que l’on peut considérer comme plus social même si cette dimension doit être nuancée. Par exemple, la commission a rejeté l’article qui comprenait dans l’évaluation des loyers les plus modestes jardins qui tiennent aux chaumières des journaliers et qu’ils cultivent uniquement pour leurs besoins. Cette intervention est bien entendu à mettre à l’actif des membres de la commission. Il faut néanmoins la replacer dans le contexte de l’industrialisation naissante. Les régions où les jardins ouvriers font partie du paysage sont aussi celles où la loi d’airain est déjà largement en vigueur. La culture de quelques denrées de première nécessité comme les pommes de terre constituait un appoint indispensable aux familles du prolétariat naissant. Cela participait à l’organisation sociale qui permettait au patronat de limiter les salaires. Les membres de la commission sont préoccupés par la paix sociale. Leurs intérêts en dépendent, et pouvoir cultiver sur ces parcelles était vital pour les ouvriers. Imposer ces derniers sur un jardin n’aurait pas été très adroit politiquement et économiquement. Cela risquait de déclencher des mouvements de protestation que tous redoutaient, d’autant que les Trois Glorieuses étaient encore très présentes dans les esprits.
57Pour mieux saisir où se situaient les enjeux en 1831, il faut conserver à l’esprit que les députés sont alors les représentants d’un pays légal limité à 166 000 électeurs50. Un pays légal qui est avant tout représenté par les notables ruraux. De ce fait, on ne peut s’étonner de voir la commission repousser l’article qui établissait une taxe mobilière sur les bâtiments affectés aux exploitations rurales51. Cette intervention va dans le sens des intérêts des propriétaires encore majoritaires à la Chambre. D’ailleurs la commission se garde bien de trouver à redire à propos de l’article 2 du projet qui n’exempte de l’impôt que les personnes indigentes. À cet égard, la définition donnée à l’indigence par la commission est assez restrictive puisque sont concernées « les personnes qui ne possèdent pas un salaire journalier plus fort que la journée de travail, fixée pour l’impôt dans leur commune ». Le texte définitif sera relativement flou et laissera aux municipalités une marge de manœuvre suffisante pour gérer localement la diversité des situations52. De même, le texte relatif à la contribution personnelle continue de laisser une grande liberté d’appréciation aux représentants locaux, puisque ce sont les commissaires répartiteurs qui seront chargés d’établir les valeurs locatives, le conseil municipal désignant les habitants qu’il croira devoir exempter de la cotisation mobilière. Concernant les villes qui avaient été autorisées à prélever une portion de la contribution mobilière sur les produits de l’octroi, les cotisations seront établies d’après les bases selon les formes réglées par la loi. L’article 14 précise : « Les conseils municipaux détermineront la portion du contingent qui devra être payée par les caisses municipales, et la portion à percevoir au moyen d’un rôle, dans lequel cesseront alors d’être compris les faibles loyers que les conseils municipaux croiront devoir exempter de toute cotisation. » Par ailleurs, les délibérations prises par les conseils municipaux relatives aux problèmes évoqués précédemment « ne recevront leur exécution qu’après avoir été approuvées par ordonnance royale ». Toutefois cette exception qui concernait la quasi-totalité des grandes villes du pays devait cesser au 1er janvier 1833 pour celles en faveur desquelles une loi spéciale n’en aurait pas ordonné la continuation. Cette disposition fâchera bon nombre de députés, qui auraient préféré que la situation privilégiée de leur cité ne soit pas susceptible d’être remise en cause par une nouvelle délibération. En effet, les élections futures allaient peut-être modifier le paysage politique de certaines localités, et, l’abonnement à la contribution mobilière risquait d’être contesté. Le député Sapey reconnaissait dans la conclusion d’une de ses interventions que cette réforme « ne servirait qu’à répandre dans toutes les classes de la société de vives inquiétudes53 ». Nous serions tentés d’ajouter principalement parmi les catégories les plus favorisées ainsi que celles qui proportionnellement sont généralement les plus touchées par les prélèvements, c’est-à-dire les classes intermédiaires. Après avoir dressé une longue liste relative aux conséquences qu’entraînera cette réforme, il conclut en soulignant que « si le projet était adopté, l’administration avant deux ans serait forcée d’y renoncer par suite des nombreux obstacles qu’elle rencontrerait ». Ce député voyait presque juste, mais un an a suffit pour que l’on revienne à la répartition et que soient à nouveau réunies personnelle et mobilière, à tel point qu’on peut s’interroger sur le fait de savoir si cette réforme avait été opportune ?
Conclusion
58Les discussions relatives à la loi du budget de 1832 ne répondent pas à cette question, il semble même qu’on évite soigneusement d’en parler. Le seul qui se permet de l’évoquer est Sapey, lequel rappelle d’abord ses propos annonçant l’échec de la réforme. Il évoque ensuite les problèmes que les dispositions de la loi de 1831 n’ont pas manqué de poser : « Quelles poursuites n’ont pas précédé ces paiements [...] Quels cris, quelles larmes, quels désordres ne les ont pas accompagnés. Que de réimpositions de non-valeur ! Qui sait ce qui serait arrivé dans cette ville même où nous siégeons, sans le zèle éclairé de la direction des Contributions, sans la sagesse de l’autorité municipale qui a porté sur l’octroi une forte partie du contingent immobilier54. »
59En fait, les débats en 1832 portent essentiellement sur la question des impôts indirects. La taxe sur le sel fait l’objet de longues discussions. La Chambre marque son étonnement « du peu de reconnaissance que le peuple a témoigné du dégrèvement concernant l’impôt sur les boissons55 ». La dimension sociale n’est guère plus présente que lors des débats de l’année précédente. Les propos du député Réalier-Dumas émergent au milieu des chiffres et des calculs savants : « [...] de tous les impôts, ceux qui pèsent le plus fortement sur le pauvre sont, sans aucun doute, l’impôt du sel et celui des boissons. Ils n’atteignent que très légèrement la classe des propriétaires, et ruinent la classe ouvrière. La justice d’une bonne politique exige que le premier de ces impôts soit supprimé, et que le mode de perception du second soit changé. C’est un cri général : comment se fait-il que ce cri ne soit pas parvenu jusqu’à votre commission du Budget des recettes56 ». Jamais ce type de discours n’avait été tenu l’année précédente. Il faut se garder cependant de penser que le cœur du débat s’est longuement arrêté sur des considérations de ce type. La préoccupation des députés, dans le cadre de la restauration du système de répartition, consiste en réalité à trouver un équilibre entre les contributions directes et indirectes, avec l’objectif inscrit en filigrane d’éviter les mouvements sociaux. Malgré tout, en interprétant certaines données contenues dans les exposés des députés ne peut-on pas considérer que cette réforme a eu tout de même des effets positifs ?
60La réforme de 1831, bien que tronquée, puisque les desseins du gouvernement n’ont été qu’en partie réalisés, a eu des effets intéressants dont nous pouvons tirer quelques enseignements. Certes l’application de la réforme a connu de grandes difficultés. Si l’impôt a finalement rapporté à peu près ce que le gouvernement escomptait, ce ne fut pas sans mal. Néanmoins elle a permis de beaucoup mieux connaître les ressources réelles du pays et, en détournant l’attention des députés vers le passage à la quotité, cette réforme a surtout facilité une meilleure répartition de l’assiette fiscale entre les différents départements. En effet elle a permis d’opérer des réajustements jusque-là impossibles à réaliser. Ainsi, pour la contribution personnelle et mobilière, sur quatre-vingt-cinq départements, soixante sont augmentés et vingt-cinq sont diminués par rapport à 1830. Pour la contribution des portes et fenêtres quarante-six sont augmentés et quarante sont diminués. Pour ceux qui sont augmentés, ils ne sont taxés que d’après la moitié environ du tarif.
61Gaston d’Audiffret57 et beaucoup d’autres spécialistes des questions fiscales considéraient qu’une réforme devait être préparée longtemps à l’avance pour ne pas troubler imprudemment la situation des redevables et pour assurer à l’État tous les avantages que sa prévoyance doit recueillir. On ne peut considérer que le gouvernement Laffitte en 1831 avait adopté cette démarche. Le député Salverte va plus loin dans le style qui lui est propre en soulignant que « l’égalité difficile à atteindre lorsqu’on assied l’impôt devient presque impossible lorsque l’inégalité a déjà date ancienne, la grande inégalité remontant à 1789 ». Au regard des nombreuses thèses soutenues ces dernières années sur ces questions, on peut souscrire à ces propos, mais ajouter qu’en matière de fiscalité, la Révolution de 1789 n’a été qu’une étape supplémentaire dans la longue histoire de l’oppression fiscale de la part des détenteurs des pouvoirs.
62On peut considérer la loi de 1831 comme une parenthèse de notre histoire fiscale, elle n’en n’est pas moins révélatrice de l’ensemble des mécanismes techniques, politiques, idéologiques et sociaux qui caractérisent l’impôt. Une véritable réflexion autour des avantages et des inconvénients entre le mode de répartition et la quotité n’a pu être engagée qu’à la fin du xixe siècle, lorsque le système de la répartition fut abandonné, c’est-à-dire à une époque où le renouvellement de la classe politique fut tel que certains blocages psychologiques et sociaux sont tombés. D’autres sont rapidement venus les remplacer, le colloque de Bercy sur l’impôt en France aux xixe et xxe siècles tenu en mai 2001, en dresse dans la diversité, un précieux inventaire.
Notes de bas de page
1 La décision des révolutionnaires qui ont privilégié le système de la répartition a été certes dictée par les circonstances. En 1790 lorsque les débats sur la réforme de la fiscalité foncière ne peuvent plus être prolongés, il est plus facile et moins risqué pour les députés de la Constituante de prendre comme base l’équivalent de ce que la terre rapportait les années précédentes, c’est-à-dire 240 millions soit le sixième du revenu foncier global de la France. C’est une lourde charge pour le pays, mais surtout les bases de répartition de la richesse ne sont pas assises sur un cadastre uniformément fiable et l’on utilise les évaluations des années précédentes, c’est-à-dire fondées sur des siècles de privilèges.
2 Les débats prennent une telle ampleur qu’au début de la séance du 25 janvier 1831, alors qu’un député propose un sous-amendement, le président rétorque : « si vous voulez présenter par écrit votre sous-amendement, je le mettrai aux voix. J’ai à présent 18 amendements sur le même article. Vous sentez bien qu’il m’est impossible de les retenir tous ». Le Moniteur, p. 172.
3 Le président souligne d’ailleurs : « La chambre paraissant fatiguée de cette discussion, je me contenterai de lui indiquer la question qu’elle a à décider, et qui est celle de savoir si il y a lieu à transformer l’imposition des portes et fenêtres en impôt de quotité. »
4 Pour plus d’informations se reporter à la thèse de Ludovic Sérée de Roch, La Modernisation de la fiscalité en France (1914-1926), l’exemple du Midi toulousain, thèse de droit, Toulouse, 1999.
5 Jean-Louis Harouel et Gérard Sautel, Histoire des institutions publiques depuis la Révolution française, Précis Dalloz, 8e éd., Paris, 1997, p. 151-153.
6 On comptera plus de vingt mille réclamations et les décharges à plus de 200 000 francs. À Paris, alors que la valeur des rôles s’élevait à 4,5 millions de francs, le produit du recouvrement ne dépassera pas 2,7 millions.
7 Toutefois la taxe sur les voitures, chevaux, mules et mulets sera rétablie en 1862, supprimée de nouveau par une loi de 1865, puis remise en vigueur en 1872.
8 Voir la thèse de Jean-Pierre Dionnet, Le Droit de pétition durant la Restauration 1814-1830, Contribution à l’histoire socio-politique française du xixe siècle, thèse d’histoire du droit, Poitiers, 2001, 1400 p.
9 Voir Renaud Carrier, « Pensée politique et lois fiscales et électorales à l’époque des monarchies censitaires (1815-1848) », dans La Pensée politique et la loi, 18e colloque de l’AFHIP, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2000, p. 267-287.
10 Paul Marie Gaudemet, Finances publiques, impôts, emprunts, Précis Domat, éditions Montchrestien, 3e éd., 1981, p. 333.
11 Étaient considérés jouissant de leurs droit les veuves et les femmes séparées de leurs maris, les garçons et filles majeurs ou mineurs ayant des moyens suffisants d’existence, soit par leur fortune personnelle, soit par la profession qu’ils exercent, alors même qu’ils habitaient avec leurs parents. Les étrangers, même réfugiés politiques, étaient soumis à la taxe personnelle lorsqu’ils jouissaient de leurs droits et quant ils n’étaient pas réputés indigents.
12 Le Moniteur, Chambre des pairs, le 19 février 1831, p 353.
13 Paul Marie Gaudemet, Finances publiques, impôts emprunts, Précis Domat, éditions Montchrestien, 3e éd., 1981, p. 233.
14
Les écarts vont du simple au double selon que l’on habite la Meurthe, le Var, ou le Bas-Rhin
– où la taxe mobilière oscille autour de 5,50 francs – ou la Marne, le Loiret ou les Ardennes qui ont une taxe moyenne de 10 francs. Les deux extrêmes des données publiées par Le Moniteur sont l’Ardèche avec 2,35 francs de moyenne et la Seine-et-Marne à 12,60 francs. Le Moniteur, séance du 18 janvier 1831, p. 122.
15 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 20 janvier 1831, p. 144. Le texte prévoit que l’exemption portera désormais uniquement sur les rôles relatifs aux plus faibles loyers. Cela inquiète certains parlementaires qui craignent un mouvement considérable de réclamations et le départ d’une partie des ouvriers dans les contrées où les charges sont moindres.
16 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 19 janvier 1831, p. 129. Las Cases souligne que le gouvernement « a dû mettre l’armée sur un pied respectable... ».
17 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 19 janvier, p. 157-158.
18 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 18 janvier 1831, colonel Grouchy, p. 121.
19 Le Moniteur, Chambre des pairs, séance du 19 février 1831, Laffitte.
20 Renaud Carrier, « Pensée politique et lois fiscales et électorales à l’époque des monarchies censitaires (1815-1848) », La Pensée politique et la loi, 18e colloque de l’AFHIP, Actes du colloque d’Aix-en-Provence 25-26 mars 1999, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2000, p. 267-287.
21 Jean-Louis Harouel et Gérard Sautel, Histoire des institutions publiques depuis la Révolution française, Précis Dalloz, 8e éd., Paris, 1997, p. 449.
22 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 18 janvier 1831, Cunin-Gridaine, p. 121.
23 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 18 janvier 1831, Cunin-Gridaine, p. 121.
24 Idem.
25 Idem.
26 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 18 janvier 1831, Sapey, p. 124.
27 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 18 janvier 1831, colonel Grouchy, p. 122.
28 Idem.
29 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 19 janvier 1831, Las Cases, p. 128.
30 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 18 janvier 1831, de Falguerolle, p. 128.
31 Le Moniteur, Chambre des députés, séance du 20 janvier 1831, baron de Gaujal, p. 141.
32 Le Moniteur, séance du 19 janvier 1831, Viennet, p. 145.
33 Le Moniteur, séance du 18 janvier 1831, Cunin-Gridaine, p. 121.
34 Le Moniteur, séance du 19 janvier 1831, Delpon, p. 140.
35 Le Moniteur, Chambre des députés, 19 janvier 1831, Thiers (commissaire du gouvernement).
36
En refusant d’assister les contrôleurs des contributions dans leur travail, les maires renforcent un immobilisme et accentuent une inertie tout à leur avantage. L’exemple de la refonte du cadastre dans le département de l’Aveyron est à cet égard révélateur. Premier département à lancer les opérations de réévaluation des terres à l’époque napoléonienne parce que persuadé d’être victime d’une injustice du fait d’une répartition inéquitable de la masse d’imposition.
Les critiques et les pétitions se sont multipliées pendant des années, toutes soulignaient que le département était surimposé par rapport à d’autres départements, et en particulier par rapport à son voisin le Lot. Puis, au fur et à mesure de l’avancée du cadastrage, les esprits ont changé, on s’est aperçu que les injustices d’hier n’avaient plus de fondement soit parce que la terre était bien évaluée, soit que la baisse des impôts fonciers avait rendu plus supportables les charges. Et l’on fera traîner les opérations du cadastre à tel point que le département sera le dernier à rendre les résultats, c’est-à-dire fort tard dans le siècle !
37 D’ailleurs, le député Sapey qui défend les intérêts de la petite et moyenne bourgeoisie explique : « La nouvelle contribution personnelle mobilière pèsera dans les villes principalement sur la classe peu aisée des rentiers, sur des fonctionnaires et des employés dont les traitements auront été réduits au strict nécessaire, sur des artisans qui vivent de leur salaire, enfin sur des négociants et des marchands qui se ressentiront encore longtemps de la gêne qu’ils éprouvent en ce moment par la stagnation des affaires. » Le Moniteur, op. cit., p. 124.
38 Le Moniteur, séance du 19 janvier 1831, Delpon, p. 140.
39 Le Moniteur, séance du 19 janvier 1831, Salverte, p. 129.
40 Le Moniteur, séance du 18 janvier 1831, Pataille, p. 127.
41 Le Moniteur, le 18 janvier 1831, Voyer d’Argenson, p. 127.
42 Renaud Carrier, « Frédéric Bastiat et les questions fiscales », Frédéric Bastiat et le libéralisme, Actes du colloque de Bayonne des 13 14 octobre 1995, Société des Lettres de Bayonne, Bayonne, 1997, p. 71-107.
43 Le Moniteur, séance du 20 janvier 1831, Prunelle, p. 144.
44 Une étude du contentieux fiscal relative à la contribution personnelle et à la contribution des portes et fenêtres sur les trois années 1831,1832 et 1833 permettrait de mieux comprendre la nature des protestations, les liens entre l’impôt et le cens, et les raisons du retour au système de répartition dès 1832.
45 Le Moniteur, séance du 18 janvier 1831, Sapey, p. 124.
46 Le Moniteur, séance du 19 janvier 1831, Salverte, p. 129.
47 Le Moniteur, séance du 19 janvier 1831, Salverte, p. 130.
48 Renaud Carrier, « Citoyenneté politique, citoyenneté fiscale, d’une révolution à l’autre (1789- 1850) », Invention et réinvention de la citoyenneté, Actes du colloque international de Pau, éd. J. Sampy, Pau, 2000, p. 199-211.
49 Le Moniteur, le 18 janvier 1831, Voyer d’Argenson, p. 127.
50 Marcel Morabito, Histoire constitutionnelle de la France (1789-1958), Domat droit public, Montchrestien, Paris, p. 202.
51 En outre, l’article 8 de la loi précise que ne seront pas compris dans l’évaluation des loyers d’habitation, les magasins, boutiques, auberges, usines et ateliers sur lesquels les contribuables payaient la patente ; les bâtiments servant aux exploitations rurales ne seront donc pas non plus pris en compte.
52 L’article 2 relatif à la taxe personnelle est rédigé ainsi : « [...] L’état des imposables sera dressé par le contrôleur des contributions directes, de concert avec le maire ou l’adjoint, et les commissaires répartiteurs, qui désigneront les individus susceptibles d’être indigents [...]. »
53 Le Moniteur, le 18 janvier 1831, Sapey, p. 124.
54 Le Moniteur, 12 avril 1832, Sapey, p. 1051.
55 Le Moniteur, 12 avril 1832, p. 1050.
56 Le Moniteur, 12 avril 1832, Réalier-Dumas, p. 1049.
57 Gaston d’Audiffret, Souvenirs, 1787-1878, édition critique par Michel Bruguière et Valérie Goutal-Arnal, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002.
Auteur
Est maître de conférences d’histoire du droit à l’UFR Droit Économie Gestion de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Après avoir soutenu une thèse de droit sur l’histoire de l’administration préfectorale, il a continué à travailler sur l’histoire préfectorale (Le préfet et le développement local, sous la direction de J.P. Allinne et R. Carrier, actes du colloque de l’Université de Pau décembre 2000, Dalloz 2001) et locale, mais il s’est surtout consacré à l’étude de l’histoire du droit fiscal et des finances publiques. Ces recherches dans ce domaine se sont axées sur : l’histoire de la pensée fiscale, l’histoire des finances publiques locales, le citoyen fiscal et l’histoire de l’administration fiscale. Il a notamment publié : « Frédéric Bastiat et les questions fiscales » dans Frédéric Bastiat et le libéralisme, Actes du Congrès de Bayonne, octobre 1995, p. 71-107 ; « La tutelle financière du préfet au xixe siècle sur les communes », dans Histoire des finances locales de la Révolution à nos jours, Actes du colloque d’Orléans, mai 2000, PU d’Orléans, 2003, p. 343-363 ; « Citoyenneté politique et citoyenneté fiscale. D’une révolution à l’autre (1789-1850) » dans Invention et réinvention de la citoyenneté, Actes du colloque de Pau, décembre 1988, Éditions J. Sampy, 2000, p. 199-211 ; « L’identité juridique et politique de la femme au xixe siècle à travers le prisme du droit fiscal » dans L’identité de la personne physique, Étude de droit français et comparé, Bruylant, 2002, p. 705-718 ; « L’administration des impôts indirects durant le xixe siècle. Le regard pertinent et impertinent de Gaston d’Audiffret », dans Études et documents XI, 1999, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, p. 149-164.
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