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Le frère catholique de Sully : Philippe de Béthune

p. 43-51


Texte intégral

1Philippe de Béthune est surtout connu par référence à son frère aîné, Maximilien de Béthune, duc de Sully.

2Il n’empêche qu’il a eu une vie propre, longue de quatre-vingt-quatre ans, et bien remplie de plus de trente années de vie active au service des rois Henri IV et Louis XIII : entré au Conseil du roi en 1599, il ne s’est retiré des affaires qu’en 1631. Une longévité exceptionnelle, surtout si on la compare à celle de son frère, qui a disparu du premier plan de la scène politique peu de temps après la mort de son royal protecteur, Henri IV. Un autre trait particulièrement marquant de la personnalité de Philippe de Béthune est sa religion. Alors qu’il était né de parents ayant tous deux choisi la religion réformée, Philippe de Béthune fut catholique, et même un catholique actif, qui plus est la souche d’une famille nombreuse.

Enfance et jeunesse

3La date et l’année même de la naissance de Philippe de Béthune nous sont inconnues mais on peut aujourd’hui raisonnablement établir, grâce à divers recoupements, qu’il est né vers 1565. Il était le sixième et dernier fils de François de Béthune et de Charlotte Dauvet, qui, outre ces six garçons, ont eu une fille, Jacqueline.

4L’enfance de Philippe de Béthune et de ses frères est marquée par des deuils successifs et par la guerre : Charlotte Dauvet meurt en 1566, vraisemblablement en accouchant de sa fille, alors que Philippe a environ un an, et François de Béthune, le père, est fait prisonnier à la bataille de Jarnac, en 1569, et il meurt en 1575. Philippe, qui n’a que dix ans, est orphelin. Les enfants de François de Béthune et de Charlotte Dauvet sont alors placés sous la tutelle de deux de leurs oncles : Florestan de Béthune, sieur de Congy, cousin germain du défunt, protestant, et Jean Dauvet, sieur de Rieux, frère de Charlotte et par conséquent oncle direct des enfants, magistrat catholique parisien. À la différence de leur frère aîné Maximilien, qui a déjà quinze ou seize ans, Philippe et son autre frère, Salomon, né en 1561, subissent réellement la tutelle de leur oncle Dauvet, auprès de qui ils vivent. C’est sans doute dans cette période de leur vie et dans cette situation qu’il faut rechercher la raison du choix fait par Salomon et Philippe de Béthune de vivre dans la religion catholique. On ne peut en tout cas qu’émettre des hypothèses car on possède, pour cette période qui va de 1575 à 1585 environ, très peu de documents.

5André Du Chesne, dans l’ouvrage qu’il a publié sur la famille de Béthune, rapporte que François de Béthune a émancipé son fils Philippe, alors âgé de neuf ans, en juillet 15741, et autour des années 1584 à 1586, Salomon et Philippe de Béthune, à l’occasion du mariage de leur sœur Jacqueline, sont amenés à régler, en partie du moins, avec leur frère aîné la succession de leurs parents. De plus, il se trouve, au minutier central des notaires parisiens, quelques actes de constitution de rentes de ces années 1585-1586 qui nous permettent de suivre un peu les affaires des jeunes Béthune et témoignent de leur participation à la guerre.

6En 1585, Philippe de Béthune est nommé, à vingt ans, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. On le savait proche du roi Henri IV mais c’était donc, déjà, un proche de son prédécesseur, Henri III. Ce qu’il faut noter, c’est le lien, semble-t-il très fort, qui unissait les deux frères catholiques. Quand il s’agit d’évoquer Salomon ou Philippe de Béthune, Sully, dans les Œconomies royales, ne parle presque jamais de l’un sans l’autre et emploie une expression globale : « Messieurs vos freres ».

7Ce qui est remarquable enfin pour cette période, c’est qu’au milieu des troubles religieux et militaires qui émaillent la fin des années 1580, les trois frères, qui se trouvent dans les deux camps opposés, restent très liés. Cette relation leur permet de se rendre des services mutuels : en 1588, Maximilien de Béthune procure à ses frères des passeports leur permettant de sortir de La Haye, en Touraine, et peu de temps après, il obtient d’eux la même faveur afin de rejoindre, à Paris, sa femme qui vient d’accoucher. Ce lien qui subsiste malgré les événements leur permet aussi de servir parfois, à leurs chefs respectifs, d’ambassadeurs auprès du camp adverse ; ainsi en 1587, où Maximilien de Béthune est envoyé de La Rochelle, où se trouve l’armée de Henri de Navarre, à Niort, pour rencontrer ses frères, stationnés dans cette ville avec l’armée du duc de Joyeuse.

8Les années qui suivent, en revanche, à partir de 1589, sont beaucoup plus tendues. Le nouveau roi de France, Henri de Navarre devenu Henri IV, récompense en effet ceux qui ont servi Henri III et se sont immédiatement ralliés à lui, d’où une certaine amertume de la part de Maximilien de Béthune, qui combat auprès de lui depuis longtemps, lorsque son frère Salomon reçoit, en 1590, le gouvernement de la ville de Mantes qu’il convoitait lui-même, et Philippe la charge d’une compagnie de cent chevau-légers.

9La première période de la vie de Philippe de Béthune s’achève avec la mort de son frère Salomon, en septembre 1597, à la fin du siège d’Amiens. Cet événement provoque des changements dans la distribution des rôles entre les deux seuls frères survivants et hâte en particulier l’ultime règlement de la succession paternelle.

1598-1605 : des années décisives

10Le premier événement marquant de cette période est le règlement définitif, entre Maximilien et Philippe de Béthune, de la succession de leur père, François de Béthune, mort vingt-trois ans plus tôt. En 1598, l’aîné des deux frères est beaucoup plus fort, financièrement et politiquement parlant, qu’en 1590 et c’est lui qui, cette fois, impose, à son profit, ses vues au sujet de cette affaire : par diverses transactions passées entre l’été 1598 et le début de l’année 1599, Maximilien de Béthune devient le seul possesseur de Rosny.

11Le deuxième fait à relever, qui concerne la vie publique de Philippe de Béthune, est son entrée en politique : en mai 1599, il est nommé au Conseil du roi, aux gages annuels de 2 000 livres, et il reçoit, tout de suite après, sa première mission d’ambassadeur, auprès du roi Jacques VI d’Écosse.

12L’année suivante, 1600, est marquée par son mariage, en février, avec Catherine Le Bouteiller de Senlis, fille du sieur de Moucy, à qui il est apparenté par les Dauvet, et qui lui est aussi un peu cousine par les Briçonnet. Cette alliance avec une jeune fille de la moyenne aristocratie d’Ile-de-France, qui apporte à son époux une maigre dot de 12 000 écus, est normale : Philippe de Béthune en effet, malgré son appartenance à une vieille famille et malgré une entrée en politique remarquée, est encore peu fortuné lui-même.

13De ce mariage, court puisque Catherine Le Bouteiller de Senlis meurt au début de l’année 1606, naît un enfant chaque année : un premier dès l’hiver 1600-1601, Philippe, qui ne survit pas ; puis Marie, qui épousera le maréchal duc d’Estrées ; Hippolyte, né à Rome en 1603, dont le parrain n’est autre que le pape Clément VIII, né Hippolyte Aldobrandini, et dont les descendants porteront, jusqu’au début du XIXe siècle, les titres de comte de Selles ou comte de Béthune ; Henri, qui deviendra archevêque de Bordeaux ; et Louis, tige des comtes puis ducs de Charost et de Béthune-Charost. Deux ans et demi après s’être retrouvé veuf, Philippe de Béthune se remarie, en novembre 1608, avec Marie d’Alègre, déjà deux fois veuve. Cette union, sans enfant, sera apparemment beaucoup moins heureuse que la première : les époux vivront très rapidement séparés jusqu’à la mort de Marie d’Alègre en 1642, lui dans sa retraite du Berry, à Selles, et elle à Paris ; et Philippe de Béthune recueillera surtout de ce mariage, malgré une séparation de biens, des soucis financiers et judiciaires.

14Dans les années 1601-1605 prend place la première mission politique importante de Philippe de Béthune : son ambassade ordinaire à Rome.

15Lorsqu’il s’agit, l’été 1601, d’envoyer à Rome un ambassadeur ordinaire pour la France auprès du Saint-Siège, Henri IV a devant lui deux candidats : le marquis d’Alincourt, soutenu par son père, Villeroy, et par Sillery, et Philippe de Béthune, soutenu naturellement par son frère Maximilien. C’est le second qui l’emporte, peut-être grâce à son frère mais aussi en raison de « son naturel grandement retenu et circonspect »2. La triple mission est lourde : restaurer l’autorité de la France à Rome, où elle a été presque totalement ruinée par l’Espagne ; établir de bonnes relations avec le pape Clément VIII, tâche déjà bien entamée depuis près de deux ans par le cardinal Arnaud d’Ossat, avec qui Béthune va travailler ; redresser enfin l’influence française au sein du Sacré Collège pour que le pape qui succédera à Clément VIII soit un proche de la France. En trois ans et demi, grâce aux qualités de négociateur dont fait preuve Philippe de Béthune, aidé, il faut le dire, par plusieurs bévues du clan espagnol ou de l’Espagne même (conspiration du maréchal de Biron, Escalade de Genève), les buts sont atteints : les deux papes qui, au cours du printemps 1605, sont élus après la mort de Clément VIII (Léon XI Médicis, le 1er avril, puis, après la mort rapide de ce dernier, Paul V Borghèse, le 16 mai) sont en effet acquis à la cause française.

16De ces deux conclaves, le prestige de la France sort grandi, le renom personnel de Philippe de Béthune aussi. Celui-ci est reconnu comme un grand diplomate ; il sera, pour quelques décennies, un homme d’État sûr, auquel on saura faire appel.

1605-1630 : la maturité

17Les années de la maturité sont marquées, jusque vers 1615-1620 au moins, par une période, sinon moins active, en tout cas plus sédentaire. Deux caractéristiques sont à retenir : Philippe de Béthune est un homme d’État reconnu, très proche de l’entourage royal, et, sur le plan privé, il se constitue un patrimoine considérable.

18Le succès de son ambassade à Rome permet à Philippe de Béthune de recevoir de la part du roi diverses nominations et gratifications importantes. Dès septembre 1605, il est promu au Conseil des finances, aux gages de 6 000 livres par an. Pendant six ans, il y remplit très sérieusement son rôle. Presque en même temps, le roi l’envoie comme lieutenant en haute Bretagne et le nomme gouverneur de la ville de Rennes : il ne viendra cependant que deux fois en Bretagne, en juin 1606, où il siège au Parlement, et en septembre 1608, pour présider la session des États. Cette mission lui vaut une pension de 9 600 livres par an. Enfin, c’est lui qu’Henri IV choisit pour être gouverneur de son deuxième fils, né en 1607, le premier duc d’Orléans. On trouve, pour ces années 1605 à 1608, dans le Journal de Jean Héroard, médecin du jeune Louis XIII encore Dauphin3, les mentions de plusieurs événements qui prouvent l’intimité assez grande qui existait entre la famille royale et Philippe de Béthune.

19Malgré la mort du roi Henri IV, en mai 1610, et celle du petit prince, en novembre 1611, ce lien n’est pas rompu. Philippe de Béthune demeure au gouvernement et, de manière plus privée, un fidèle du jeune roi et de sa mère, la régente Marie de Médicis. Un fait suffirait à le montrer : lorsqu’en 1619, il importe de réconcilier la mère et le fils, Philippe de Béthune est l’un des trois émissaires envoyés à Angoulême, où Marie de Médicis s’est réfugiée après son départ précipité de Blois, pour tenter de ramener celle-ci à la raison.

20Les années 1604-1608 constituent également un moment important dans la vie de Philippe de Béthune pour d’autres raisons ; c’est l’époque où il acquiert les deux terres qu’il n’aura de cesse, jusque dans les années 1630, d’agrandir et de mettre en valeur, et qui seront la base de son patrimoine foncier : Selles, aujourd’hui Selles-sur-Cher, dans le sud du Loir-et-Cher, et, à l’autre extrémité du Berry, Charost, entre Issoudun et Bourges.

21La première terre, celle de Selles, est acquise alors que Philippe est encore à Rome, en janvier 1604, par achat, pour 93 000 livres, un prix quasiment dérisoire, à la famille du maréchal de Matignon. Pendant une quinzaine d’années, Philippe de Béthune mène une intense politique d’acquisitions et d’échanges autour de Selles, à tel point qu’en 1621, cette terre, à l’origine baronnie et qui s’étend désormais sur près de dix paroisses ou villages, est érigée en comté. Cette époque est aussi celle des travaux d’embellissement au château : la construction, à l’entrée, des deux pavillons de style Louis XIII et du mur écran qui les relie, qui n’est pas sans rappeler Rosny-sur-Seine, en témoigne4. À Selles, Philippe de Béthune se conduit, en tant que seigneur du lieu, comme un agent de la Contre-Réforme : installation, dès 1605, de la confrérie du Rosaire, restauration, matérielle et spirituelle, de l’abbaye qu’il confie aux Feuillants (1607-1612), fondation d’un hôpital, fondation enfin d’un couvent d’Ursulines (1633).

22Quant à Charost, Philippe de Béthune l’a acquis en juin 1608 de François Chabot, marquis de Mirebeau, pour le prix de 75 000 livres. La seigneurie s’étend alors sur 13 000 arpents, soit 6 500 hectares, dont la moitié est occupée par des bois et des forêts. Comme à Selles, Philippe de Béthune se livre à une active politique d’acquisition de terres, pour rendre homogène l’ensemble territorial ainsi créé. Du vivant du dernier fils de Philippe de Béthune, Louis, qui hérite de cette terre à la mort de son père, Charost est érigé en duché-pairie (1672).

23À propos de ce double ensemble foncier formé par Philippe de Béthune, on ne peut pas ne pas faire le parallèle avec la politique menée par le frère aîné, Maximilien : achat, à peu près au même moment (1602-1605), de terres situées en Orléanais et en Berry, puis modelage et mise en valeur de cette terre par de nombreux achats et par une rénovation de l’existant, tant dans les terres que dans les bâtiments. C’est dans ces terres qu’ils se retireront, l’un et l’autre, la retraite venue et qu’ils écriront chacun un ouvrage : Mémoires, politiques et personnels, pour Maximilien (les Œconomies royales), compilation de ses souvenirs de voyage à des fins d’éducation politique pour Philippe (Le Conseiller d’Estat).

24Car la période de la vie de Philippe de Béthune qui va de 1605 à 1630 environ est caractérisée, dans sa seconde partie, par une reprise des voyages et des missions, à l’étranger en particulier. Outre l’« ambassade » de 1619 auprès de la reine mère Marie de Médicis, qui a déjà été évoquée, Philippe de Béthune accomplit entre 1616 et 1630 un voyage dans le Piémont et en Savoie (1616-1617) pour régler un problème né de la succession du duc de Mantoue, le duc de Savoie Charles-Emmanuel ayant envahi le marquisat de Montferrat au nom des droits de sa fille, femme du défunt ; un autre dans l’Empire (1620-1621), pour tenter d’apporter une médiation entre l’Union évangélique et l’empereur, dans les faits pour soutenir ce dernier face aux insurgés protestants, et, surtout, une seconde ambassade, extraordinaire cette fois, auprès du Saint-Siège (1624-1630), où il retrouve, vingt ans plus tard, certaines questions épineuses dont il avait eu à connaître lors de son premier séjour à Rome.

25Parmi ces questions figure surtout celle de la Valteline, cette vallée du nord de l’Italie objet de nombreuses convoitises, en particulier de la part des Habsbourg puisqu’elle permet de relier le Tyrol autrichien au Milanais espagnol, et qui est passée depuis peu sous la domination des Grisons, protestants. C’est pour n’avoir pas su résoudre ce problème récurrent que l’ambassadeur qui a précédé Béthune à Rome, le commandeur de Sillery, a été rappelé à Paris au printemps 1624. Il faudra à Philippe de Béthune beaucoup de diplomatie pour dénouer cet écheveau et pour faire accepter au pape Urbain VIII, a priori favorable à l’Espagne lorsque Philippe de Béthune arrive à Rome, la négociation entre les parties en présence.

26Une fois de plus, Philippe de Béthune a rétabli au profit de la France un climat de confiance à Rome. Une fois de plus, il en revient couvert de gloire.

1631-1649 : la retraite du « bonhomme »5 de Selles

27Au printemps 1630, lorsque prend fin cette ambassade, Philippe de Béthune a soixante-cinq ans. C’est un âge déjà considérable pour un homme encore en activité, qui a beaucoup parcouru les routes de France et d’Europe et qui, si l’on en croit une lettre qu’il adresse en mai 1631 à son gendre, le maréchal d’Estrées, semble usé. Il quitte donc bientôt la cour et se retire à Selles, où il va passer la quasi-totalité des années qui lui restent à vivre et où il mourra, le 18 avril 1649.

28Les années qui précèdent de peu sa retraite ont été marquées par plusieurs événements familiaux importants : mariage de sa fille Marie avec le maréchal d’Estrées (1622), suivi de la naissance de trois fils, les premiers petits-enfants de Philippe de Béthune, et du décès de Marie de Béthune (1628) ; mariage du fils aîné de Philippe de Béthune, Hippolyte, avec Anne-Marie de Beauvillier, fille du comte de Saint-Aignan (1629).

29À Selles, Philippe de Béthune mène une vie relativement active : il reçoit de nombreuses visites, parfois de grands personnages comme Gaston d’Orléans et sa fille, la Grande Mademoiselle, lors de leur séjour à Blois en 1637, gardant ainsi, de loin, le contact avec la cour et Paris.

30Philippe de Béthune consacre le début de sa retraite (1632-1633) à la rédaction d’un manuel de politique générale qu’il intitule Le Conseiller d’Estat. L’ouvrage, ensemble de réflexions pleines de sagesse émaillées d’exemples puisés dans l’expérience de l’auteur, s’ordonne en plusieurs parties (la forme de l’Etat, la religion, la manière de gouverner et de commander, la loi, les affaires étrangères, les causes qui conduisent un Etat à la grandeur ou à la chute) et n’est pas sans rappeler celui qui est publié à la même époque par Richelieu : le Testament politique. Le Conseiller d’Estat montre en tout cas le caractère pondéré et réfléchi de Philippe de Béthune et, par-dessus tout, sa culture.

31La culture de Philippe de Béthune et son amour des belles choses apparaissent aussi par les collections, notamment d’objets d’art, de livres et de manuscrits, qu’il a accumulées tout au long de ses voyages et qu’il a installées dans son château de Selles. Une partie de la demeure, composée de deux ailes aujourd’hui disparues, était spécialement dédiée à la bibliothèque et à ces collections. D’autre part, dans les années 1620, au plus tard au début des années 1630, Philippe de Béthune avait fait faire une galerie de portraits, comme le firent aussi les Ardier, peu de temps après, à Beauregard, non loin de Selles. L’absence d’un inventaire après décès nous prive de beaucoup de renseignements ; quoi qu’il en soit, l’inventaire de son hôtel parisien dressé au moment de son remariage nous prouve que la bibliothèque de Philippe de Béthune était déjà bien fournie en 1608. Les collections ne restèrent pas très longtemps à Selles : son fils aîné Hippolyte, comte de Selles, en fit don au roi en 1664, peu avant sa mort, constituant ainsi, en tout cas pour ce qui est des cabinets des manuscrits et des médailles, l’un des principaux et des plus anciens fonds historiques de la Bibliothèque du roi devenue Bibliothèque nationale de France.

32Mais les dernières années de la vie de Philippe de Béthune sont remplies de soucis. Son second mariage, on l’a vu, a visiblement été un échec. Ses trois fils lui causent bien des tourments : Hippolyte de Béthune est mêlé à la cabale des Importants, en 1643 ; Louis de Béthune, comte de Charost, aux débuts de la Fronde, en août 1648 ; et Henri, évêque de Bayonne (1626), puis de Maillezais (1629), devenu archevêque de Bordeaux en 1646, fait toujours appel à lui lorsqu’il a des problèmes d’argent.

La postérité et l’héritage de Philippe de Béthune

33En termes de postérité morale et politique, il faut avouer que Philippe de Béthune, bien qu’il ait marqué son temps et ses contemporains par son caractère à la fois souple, pondéré et chaleureux mais aussi très déterminé, et bien qu’il ait composé un ouvrage de philosophie politique non négligeable, a été bien oublié depuis sa mort. L’histoire a préféré en effet retenir le nom de son frère, le duc de Sully, si proche et pourtant si différent de lui en même temps.

34Pour qui s’intéresse aux élites, à l’aristocratie et aux serviteurs de l’État des XVIIe et XVIIIe siècles, la postérité de Philippe de Béthune mérite d’être étudiée. On y trouve des militaires (chez les Béthune-Charost notamment), des maréchaux et des amiraux de France (chez les d’Estrées surtout), plusieurs ambassadeurs, de brillants ministres de Louis XV, quelques abbés et abbesses et, dans la descendance très proche de Philippe de Béthune, quatre prélats dont les noms doivent être cités : Henri de Béthune, son propre fils, archevêque de Bordeaux, deux des fils d’Hippolyte de Béthune, comte de Selles (Armand, évêque du Puy, mort en 1703, et Hippolyte, évêque de Verdun, mort en 1720), sans oublier César, le cardinal d’Estrées mort en 1714, un autre petit-fils. L’œuvre qu’il a accomplie à Selles et sa postérité montrent bien quel héritage le pieux Philippe de Béthune, homme de la Contre-Réforme, a laissé à l’Église catholique. Cet aspect de sa personnalité, rapprochée de celle du premier duc de Sully, mérite tout particulièrement de retenir l’attention.

Notes de bas de page

1 André Du Chesne, Histoire généalogique de la maison de Béthune, Paris, 1639, preuves, p. 332.

2 Œconomies royales, éd. Michaud et Poujoulat, Paris, 1838, t. I, p. 369.

3 Voir l’édition récente, en 2 tomes (Paris, 1990), que Madeleine Foisil a procurée de ce journal.

4 Jean-Pierre Babelon, « Deux châteaux de Maximilien et Philippe de Béthune : Rosny-sur-Seine et Selles-sur-Cher » dans XVIIe siècle, n° 174 (1992), p. 95-107.

5 Anne Marie Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, Mémoires, éd. Michaud et Poujoulat, Paris, 1838, p. 5.

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