n° 15 - Les thermes du Sud
p. 219-224
Texte intégral
1Datation : IIe-VIIIe siècles.
2Au sud de la rue principale est-ouest (n° 17) et du carrefour principal de la ville avec la rue nord-sud (n° 20), qui conduisait au camp, se trouve l’ensemble thermal le mieux conservé du site.
3Les thermes du Sud sont presque entièrement visibles après le dégagement récent des salles chaudes situées à l’ouest, mais les salles ne sont pas toutes visitables pour des raisons de sécurité. Les thermes couvrent une surface de 8 000 m2 environ. La richesse des informations fournies par les structures portantes et les nombreux aménagements hydrauliques encore en place permettent de comprendre, pour cet ensemble, les phases de son évolution, de sa fondation dans le courant du IIe siècle ap. J.‑C. à son abandon en tant que tels à l’époque omeyyade.
Les thermes du Sud : la palestre est.

Les thermes du Sud, plans des grandes phases monumentales.

H. Broise, T. Fournet, P.-M. Blanc
4Les différentes phases d’occupation du site et d’évolution des thermes peuvent se résumer ainsi :
51. Phases d’occupation hellénistique, ou nabatéenne (Ier siècle av. J.-C.-Ier siècle ap. J.-C. ?)
Les traces de deux phases d’occupation domestique, antérieures au premier état monumental des thermes, ont été découvertes dans la partie ouest.
62. Phase nabatéenne (fin du Ier ou tout début du IIe siècle ap. J.‑C.)
Le stylobate nord de la palestre ouest repose sur un puissant mur, antérieur, mais de même orientation que le premier état monumental des thermes. Ce mur est daté par du matériel céramique nabatéen et de la sigillée orientale du tournant du Ier au IIe siècle. La présence de tuiles, d’une qualité particulière et identique à celles des échantillons recueillis sur l’ensemble monumental nabatéen du quartier de l’Est, distingue cet état de la première phase monumentale romaine qui a suivi. La fonction thermale, déjà, de cet édifice est suggérée par la présence de fragments de pilettes circulaires et de tuyaux en terre cuite (tubuli) caractéristiques. Cette première installation, située plus à l’ouest que les thermes du Sud, a pu imposer son orientation au programme romain qu’il faut considérer dans ce cas comme une extension d’un programme préexistant.
73. La première phase monumentale (datation provisoire : deuxième moitié du IIe siècle)
L’étendue de l’édifice originel était relativement modeste, 2 000 m2 environ. Cependant, le nombre restreint de salles, leurs vastes dimensions et la monumentalité même de la composition suggèrent l’existence d’un projet beaucoup plus ambitieux, limité dans un premier temps par des contraintes foncières et qui ne sera pleinement réalisé que deux ou trois siècles plus tard. Cette première phase est caractérisée par la cohérence des volumes et l’orthogonalité du plan. Il n’en sera pas de même dans les phases suivantes. En effet, l’acquisition progressive des terrains adjacents, dont l’orientation diffère de celle de l’édifice originel, et l’exploitation optimale de l’espace ainsi disponible ont fortement conditionné la planimétrie de l’édifice.
Les thermes du Sud, caldarium de la première phase monumentale, vers le sud.

8L’édifice était conçu, à l’origine, selon un itinéraire circulaire dextrogyre, à partir d’une unique salle tiède (tepidarium). Le parcours des usagers était le suivant : vestiaire, salle froide (frigidarium), salle tiède (tepidarium), étuve sèche (laconicum), salle du bain chaud (caldarium), retour à la salle tiède (tepidarium) par le biais d’un étroit couloir, salle froide (frigidarium), vestiaire. Toutes ces salles sont de plan rectangulaire, avec de profondes arcades abritant les bassins. La salle froide et les deux premières salles chaudes sont construites sur un même axe, tandis que la salle chaude dite caldarium occupe une position latérale à l’ouest de l’étuve sèche (laconicum). Prolongeant l’axe vers le nord, un grand espace découvert, pourvu d’une piscine (natatio), était accessible à partir de la rue. C’est sur cet espace que s’ouvrait le déshabilloir (apodyterium), dont ne subsiste aucun vestige, et la salle froide (frigidarium), dont la façade était décorée de niches et de pilastres de faible saillie.
Les thermes du Sud : restitution des circulations dans les trois grandes phases monumentales.

H. Broise, T. Fournet, P.-M. Blanc
Les thermes du Sud : façade principale nord, entrée du frigidarium de la première phase monumentale.

94. La deuxième phase monumentale (datation provisoire : IIIe siècle)
Celle-ci correspond au passage à un plan symétrique qui rappelle celui des thermes dits de type impérial, mais avec un circuit inversé, l’axe central, comme dans la première phase, servant d’accès aux salles chaudes. Datées du IIIe siècle et réalisées selon des techniques de constructions très voisines de celles de la phase précédente, les salles ajoutées ou modifiées lors de ces travaux sont disposées selon un principe de symétrie plus ou moins rigoureux, dû probablement en partie aux difficultés d’extension sur les terrains voisins. Les deux salles tièdes de sortie (tepidaria), bien qu’occupant une position symétrique, ne sont pas en effet de la même taille. La salle froide (frigidarium), quant à elle, passe d’un plan rectangulaire à un plan octogonal imparfait.
105. La troisième phase monumentale (datation provisoire : IVe-Ve siècle)
C’est à cette époque que l’édifice thermal atteint son extension maximale grâce à l’acquisition d’une nouvelle bande de terrain à l’est, et de tout l’espace disponible à l’ouest, jusqu’à la rue du théâtre (n° 16). Le projet d’agrandissement et de restructuration respecte, au niveau de la distribution des espaces, l’axe de symétrie nord-sud créé lors de la phase précédente, mais avec des distorsions causées par les orientations des nouveaux terrains, qui sont différentes de celle de l’édifice originel. Les deux palestres monumentales, ceinturées de portiques, respectent l’orientation des terrains nouvellement acquis sur lesquels elles se dressent. Le raccord avec la partie centrale se situe au niveau des deux salles froides (frigidaria), construites de part et d’autre de la salle octogonale désormais transformée en salle tiède pourvue d’un grand bassin central.
Les thermes du Sud, caldarium est : relevé photogrammétrique de la coupole en opus caementicium (équidistance des courbes 10 cm).

116. La quatrième phase monumentale (datation provisoire VIe-VIIIe siècle)
Cette phase est caractérisée par l’érection d’une église à l’angle nord-est de l’édifice (n° 14), au détriment de celui-ci, et par la transformation en latrines d’une partie de la palestre est. La cohérence de ces travaux, le soin avec lequel ils ont été projetés et les transformations qu’ils ont provoquées à l’intérieur même du bâtiment prouvent qu’à cette époque les thermes étaient encore en pleine activité et que tout a été fait pour qu’ils le demeurent. La palestre est étant amputée à son extrémité nord par l’emprise de l’église, cette dernière a été construite à un niveau supérieur à celui des thermes afin de ménager un couloir voûté qui, passant sous l’église et parfaitement axé sur la palestre, permettait d’accéder à celle-ci directement à partir de la rue principale. La présence de ce passage tend à prouver que les latrines, qui occupent désormais la galerie sud et une partie de la galerie ouest de la palestre, n’étaient pas uniquement réservées à l’usage des baigneurs, mais qu’il s’agit de latrines publiques.
Les thermes du Sud, vue aérienne sur les salles axiales de l’édifice.

Photo Y. Guichard
12À cette phase appartient sans doute aussi le portique abritant l’accès oriental des thermes qui, adossé à l’escalier de l’église, s’ouvre à l’extrémité orientale de la palestre.
13En dehors de l’intérêt propre de cet ensemble, les thermes du Sud nous apportent des informations importantes sur le développement de ce quartier. Ils ne s’inscrivent pas dans un urbanisme conçu d’une façon globale et n’imposent pas une grille homogène à l’ensemble des parties qui les composent. On reconnaît cependant dans la première phase monumentale un alignement de salles dont l’axe forme un angle de 77° avec la rue principale est-ouest, dans le tracé que nous lui connaissons. On a toutes les raisons de penser que cet axe majeur de la ville est plus ancien que les thermes, dont la construction ne semble pas antérieure au milieu du IIe siècle, mais qui ont pu se développer comme une extension d’un édifice plus ancien situé plus à l’ouest et pouvant remonter à la fin de l’époque nabatéenne.
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