La vie et l’œuvre du poète-épistolier andalou Ibn Darrâg al-Qasṭalli*
p. 473-497
Texte intégral
1Parmi les nombreux « poètes-épistoliers » que vit naître l’Espagne musulmane, dans la seconde moitié du ive siècle de l’Hégire (xe siècle de notre ère), il en est un, Ibn Darrâǧ al-Qasṭalli, dont l’œuvre n’a cessé de connaître une grande vogue, chez les lettrés d’Occident, jusqu’à la fin du Moyen Âge. Ce fait littéraire semble d’ailleurs assez surprenant quand on examine d’un peu près les fragments en prose ou en vers de cet auteur, respectés par le temps. Il y aurait donc un certain intérêt à retrouver, à travers ce qui subsiste de l’œuvre d’Ibn Darrâǧ, l’origine d’une estime si durable et surtout à déterminer l’importance de cette œuvre dans le développement de la littérature arabe en Espagne.
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2Abû ‘Umar Ahmad ibn Muḥammad ibn al-‘Âṣi ibn Aḥmad ibn Sulaymân Ibn Darrâǧ était issu d’une famille berbère venue se fixer en Espagne dans la province d’Algarve1. Il naquit en muḥarram 347/mars 9582, à Qasṭalla (aujourd’hui Cacella), petite ville alors très florissante, dont la masse fortifiée se dressait dans un cadre riant de jardins et de vergers3. Ses parents, si on l’en croit, étaient de situation aisée4.
3Nous n’avons aucun renseignement sur l’enfance et l’adolescence d’Ibn Darrâǧ. Tout au plus pouvons-nous supposer qu’elles s’écoulèrent à Cordoue, que le futur poète fit dans cette ville des études surtout littéraires et qu’il entra assez tôt dans l’administration comme scribe de la Chancellerie d’État (kâtib al-inšâ’)5, dans les dernières années du règne d’al-Ḥakam II (350/961-366/976).
4Les débuts d’al-Qasṭalli furent sans doute des plus modestes. Les exigences de sa charge durent toutefois lui permettre assez vite de faire valoir son érudition et ses talents littéraires. Il est d’autre part hors de doute que, dès ce moment, il utilisa son talent poétique pour célébrer de hauts personnages et gagner ainsi leur protection6. Il ne nous reste cependant rien, à ce qu’il semble, de l’œuvre écrite à cette époque.
5L’arrivée au pouvoir du grand ḥâğib Muḥammad ibn Abi ‘Âmir al-Manṣûr, à la mort du Calife al-Ḥakam II, en 366/976, fut le point de départ de la fortune d’al-Qasṭalli. On sait ce qu’était devenue en très peu de temps la résidence d’az-Zâhira, que ce ḥâǧib s’était fait construire près de Cordoue7. À coup sûr, l’ambition d’Ibn Darrâǧ fut d’être admis, lui aussi, dans le cercle des poètes, des littérateurs et des beaux-esprits qu’al-Manṣûr avaient su attirer à sa cour, pour son plaisir et par intérêt politique. En 374/984, pour la première fois, au moment où le ḥâǧib se met en marche contre la Catalogne, nous trouvons le nom d’Ibn Darrâǧ cité, avec une quarantaine d’autres, parmi ceux des littérateurs appelés à faire partie de cette expédition8. N’allons pas en conclure qu’al-Qasṭalli est, à ce moment, parvenu à réaliser ses ambitions. L’attention d’al-Manṣûr ne se porte pas encore sur lui d’une façon spéciale. Mais, du moins déjà, il ne se trouve plus confondu dans la foule des scribes ‘âmirides9. Sept ans s’écoulent toutefois encore sans qu’il parvienne à sortir de cette demi-obscurité et à faire mettre son nom sur la liste des poètes émargeant de façon régulière au budget de l’État10. Ce long retard, selon toute probabilité, doit être imputé à des intrigues littéraires. C’est donc seulement en 382/992 – al-Qasṭalli est alors âgé de 34 ans – qu’il est autorisé à réciter un panégyrique en l’honneur d’al-Manṣûr11. La pièce est jugée remarquable. Elle lui vaut d’être inscrit immédiatement sur la liste des poètes pensionnés. Aussitôt les jaloux partent en guerre. Comme il était interdit aux panégyristes officiels « de se servir, dans leurs vers, de ce qui était commun » à d’autres12, Ibn Darrâǧ fut accusé de plagiat. Il fallut se défendre. Situation vaude-villesque, banale par sa répétition dans tous les cercles littéraires de ce temps13. Le 3 šawwâl 382/1er décembre 992, al-Qasṭalli comparut devant une sorte de tribunal constitué par des poètes, des littérateurs et des érudits de la cour d’az-Zâhira. Il dut improviser un panégyrique du ḥâğib, se tira de l’épreuve avec succès et fut maintenu sur la liste des pensions14.
6Sa vie ne dut point d’ailleurs être profondément modifiée par sa faveur nouvelle. Comme par le passé, il continua à suivre al-Manṣûr dans toutes ses expéditions. Un seul changement : quand son maître est de retour à az-Zâhira, il est admis à participer à toutes les réunions officielles ou privées qui se tiennent au palais d’al-‘Âmiriya, résidence du ḥâǧib.
7L’œuvre d’al-Qasṭalli, écrite entre 382/992 et 392/1002, date de la mort d’al-Manṣûr, dut être considérable. Il n’en subsiste qu’une infime partie. En particulier, nous ne possédons plus aucune des épîtres en prose rimée (rasâ’il) composée à cette époque, pas même la narration officielle de la prise de Saint-Jacques de Compost elle, rédigée sur l’ordre du ḥâğib, le jour du sac de la ville (2 ša‘bân 387/10 août 997), considérée pourtant comme un chef-d’œuvre15.
8De même, le temps n’a épargné que quelques fragments des longs poèmes dédiés par Ibn Darrâǧ à son protecteur. En dehors des deux premiers, il est impossible de leur assigner une date, même approximative. Ils permettent toutefois de se donner une idée assez juste de l’ensemble.
9Certains de ces morceaux, sans doute d’une composition hâtive, comprennent uniquement un panégyrique16. D’autres, au contraire, sont des extraits de pièces d’apparat écrites de loisir, destinées à être lues solennellement à l’occasion d’une fête canonique ou d’une victoire, coulées dans le moule de la qaṣîda néo-classique, formées d’un prologue érotique (nasîb), suivi du panégyrique proprement dit (madîḥ), ces deux parties étant liées par une description de voyages, ou de combats plus ou moins imaginaires, effectués ou soutenus par le poète17.
10Dans ses prologues amoureux, Ibn Darrâǧ se représente comme un Céladon langoureux18, ou comme un nouveau Samson, terrible à ses ennemis, désarmé devant les charmes d’une femme.
- Jamais je ne suis passé devant un champion invincible, en l’évitant, mais mon adversaire [aujourd’hui] est [une belle] aux douces agaceries, sans rivale.
- Le salut qui me vient d’elle est baisers et étreintes dont les chaînes et les liens m’attachent à elle.
- [Je suis sans cesse sous les armes.] Je n’ôte ma cuirasse qu’au moment où la fait palpiter, sur ma poitrine, [la vue] des beautés cachées par les voiles de cette belle19.
11Dans un autre fragment20, Ibn Darrâǧ, sentant, comme beaucoup de poètes du temps, le morne ennui de ces développements sur l’amant et l’amante, leur substitue un thème personnel et chante son chagrin de quitter sa femme et son petit enfant.
1. Ne sais-tu pas, [amie], que rester c’est mourir et que les demeures des lâches sont des tombeaux ?
2. N’as-tu pas consulté le vol des oiseaux nocturnes par toi mis en fuite et ne t’ont-ils pas annoncé, s’ils partaient à droite, que c’était signe d’allégresse ?
3. On me fait craindre les longs voyages : pourtant ils sont le moyen d’aller baiser la main du ’Âmiride [al-Manṣûr].
4. Donc laisse-moi boire l’eau saumâtre des déserts pour aller où l’eau des bienfaits est limpide...
7. Quand [mon amie] s’approcha, pour les adieux, alors que ses sanglots et ses plaintes m’avaient ôté tout courage,
8. qu’elle me conjura de rester au nom de notre amour et de notre passion, tandis qu’au berceau se trouvait un enfançon, la voix en pleurs,
9. incapable de parler, mais habile, du regard, à toucher le point sensible de l’âme...
10. je désobéis à celle qui, puissante sur mon esprit, intercédait [pour cet enfant] et je fus emporté par le départ, pour un long voyage.
12Dans le panégyrique, pour Ibn Darrâǧ comme pour tous ses pareils, les deux écueils à éviter sont le plagiat et la sécheresse. On ne saurait dire s’il a pu, grâce à son métier, échapper au reproche d’avoir trop bien connu l’œuvre de ses devanciers. Pour le second, il semble bien qu’il ait su mettre à profit toutes les occasions, toutes les particularités propres à l’homme qu’il chantait pour étoffer son développement. Al-Manṣûr, dans ses vers, est évoqué comme le fléau de la Chrétienté21.
28. Prince des démons des déserts22, il n’a dans le danger que le sabre comme vizir,
29. Protecteur de la Voie droite et de la Religion contre tout hérétique, l’Hérésie contre lui n’a pas de protecteur.
13Les ancêtres du ḥâğib lui fournissent aussi, comme souvent, un autre développement23.
30. De Tamîm et de Ya‘rub24, sont réunies en lui les vertus d’ancêtres semblables à des soleils et à des lunes resplendissant dans leur gloire.
31. Il est issu des Ḥimyar25 dont les mains sont des nuages et des mers qui déversent la générosité26,
32. [des Ḥimyar] qui crurent en la Révélation quand elle leur vint – or les hommes sont ou fidèles ou impies,
33. qui estiment à peu de chose leur vie quand on le leur demande et trouvent petit le danger même s’il est grand.
14La venue d’une ambassade chrétienne27 lui offre également un autre thème. Ailleurs, c’est le départ d’une flotte armée en guerre qui se présente inespéré28.
1. La mer est chargée, par cette flotte, d’une mer de lances dont elle effraie et terrifie les vagues,
2. de vaisseaux de haute voilure qui semblent des forêts alors qu’ils portent les lions de la Vérité.
3. Quand ces navires luttent de vitesse avec le vent, on les prendrait pour des coursiers tels que leurs cavaliers n’en pourraient avoir de meilleurs...
9. [On dirait aussi] des nuages chassés par les aquilons et, s’ils accourent, des éléphants dont le col serait [délié comme] celui des autruches.
15Parfois encore, le poète étoffe son panégyrique en y insérant des descriptions de combats, ou, plus exactement, des clichés évoquant, d’une façon sommaire, une scène de violence mettant le ḥâğib aux prises avec des ennemis voués à la défaite29.
16Comme tous les poètes de cour, Ibn Darrâǧ était en butte aux attaques de ses détracteurs. À ces coups, selon l’usage, il devait répondre par des satires et des épigrammes. Aucun des morceaux de ce genre ne nous a été conservé. Nous possédons toutefois encore un fragment adressé par al-Qasṭalli à son mécène, au moment où celui-ci l’avait frappé d’une disgrâce30.
1. Prêtez votre oreille à l’appel d’un suppliant qui crie des abîmes de son obscurité,
2. compagnon du souci refoulé, cible du malheur sans fin,
4. qui pourrait être à l’abri de la malignité de ses ennemis et soustrait aux coups de la vengeance...
13. Peut-être votre pardon, ô Manṣûr, un jour prochain s’arrêtera-t-il dans ma demeure ?
14. Peut-être frappera-t-il, en vous, les oreilles des sublimités, en faveur de la grâce d’un esclave suppliant ?
15. Je vous ai offert des pensées vierges [données] en excuses pour obtenir l’éclat de votre acceptation,
16. [des pensées claires] qui vont dans les ténèbres sans étoiles, qui se dirigent dans le désert, sans guide.
17Enfin, la position de poète officiel, occupée par Ibn Darrâǧ auprès du ḥâğib, amenait fatalement le panégyriste à célébrer tous les événements de quelque importance intéressant son protecteur. C’est ainsi qu’il fut conduit à écrire un thrène ou éloge funèbre sur la mort de la princesse Ṣubḥ, veuve d’al-Ḥakam II, maîtresse d’al-Manṣûr qui lui devait toute sa fortune31. La pièce fut écrite postérieurement à 387/99732. Elle débute, comme tous les poèmes de ce genre, par quelques sentences sur l’instabilité des choses humaines et la menace de la mort.
- La vie des Créatures est le gage du Néant. Ce monde qui nous unit est celui d’une dispersion prochaine.
- La vie ne s’arrête qu’un jour pour rapprocher les êtres. Il conserve l’éternité pour les séparer.
- Le roi possède-t-il le mystère de la mort ? La puissance détourne-t-elle le coup du Destin ?
- Non, je vois la Mort disperser ce qu’agrège l’union et vêtir les collines de robes évanescentes,
- anéantir la vie avec une brutale violence et frapper les âmes d’un mal incurable.
- Ne savez-vous pas que ses mains profanent les harems des princes et les nobles dames,
- qu’elle est le mal qui emporte les monarques énergiques d’un coup qui ravit la douce consolation,
- que, contre elle, il n’est point d’armes dans les gémissements, ni de remède dans les larmes ?
- Duperie contre elle est le secours des soupirs ! Duperie contre elle est l’aide des pleurs !
- Quand chasse-t-on un mal par un mal ? Quand soigne-t-on une douleur par une douleur ?
18Ibn Darrâǧ décrit ensuite la consternation causée par la mort de la princesse (vers 11-17), fait l’éloge de la défunte (vers 18-20, 22, 23) qui devait être coupé primitivement par celui d’al-Manṣûr (vers 21)33. Il termine par des vœux pour l’âme de celle qui n’est plus (vers 24-25).
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19La mort d’al-Manṣûr, en ramadân 392/août 1002, ne changea rien à la vie d’al-Qasṭalli. De chantre du grand ḥâğib, il devint celui de son fils ‘Abd al-Malik al-Muẓaffar et ce fut tout.
20Durant sept années, il devait rester au service de ce dernier. Cela n’alla d’ailleurs pas sans orage. Quand le vizir ‘Îsâ ibn Sa‘îd eut accaparé pour un temps toute la confiance du nouveau ḥâğib, Ibn Darrâǧ, pour une raison ignorée, connut une nouvelle disgrâce. Dans une supplique en vers, il s’efforce de se disculper34. Quel fut le résultat de cette démarche ? Négatif, sans doute, car, lorsque quelques années plus tard le vizir fut mis à mort (sur l’ordre d’al-Muẓaffar), le poète exhala sa rancune dans une pièce où il félicite le ḥâğib de la décision prise35.
21Nous ne possédons qu’une infime partie, également, de l’œuvre écrite par al-Qasṭalli entre 392/1002 et 399/1008. C’est d’abord la supplique au vizir ’îsâ, dont il vient d’être parlé. Ce sont aussi trois panégyriques adressés au ḥâğib, composés, l’un très peu après la disparition d’al-Manṣûr36, l’autre en 393/1003, au retour d’une expédition victorieuse en Catalogne37, le troisième enfin lors de l’échec du complot ourdi par le vizir ‘Îsâ contre le ‘Âmiride38. L’intérêt de ces morceaux est très faible. Ce sont des pièces d’éloquence exactement semblables à celles adressées au ḥâğib précédent.
22De la même époque, on trouve cependant des poèmes floraux (en arabe nawriya), qui méritent plus d’attention. On sait que ce genre, né en Orient, connaissait une grande vogue à la cour d’az-Zâhira, sous l’influence d’al-Muzaffar, et que les mœurs littéraires du temps en avaient fait un poème hybride, tenant à la fois du panégyrique et de la pièce descriptive39. Il faut d’ailleurs s’entendre sur ce dernier point. Dans ses nawriya, Ibn Darrâǧ, pas plus que ses émules, ne songe réellement à décrire l’objet dont il parle. Il ne médite même pas de l’évoquer. Il se propose simplement de grouper, en quelques vers, un certain nombre de comparaisons, d’images, de pointes suggérées par l’objet, terminées par une sorte d’« envoi » souvent sans lien avec la « description » même. Nous possédons sept de ces nawriya40. La suivante, sur le serpolet, donne le ton des autres41.
- Ce matin, il ne nous a rien accordé, mais, ce soir, il nous comble avec joie et allégresse.
- On lui a donné à choisir et il a préféré boire le soir. On a insisté, mais il s’est refusé à boire le matin.
- Si l’aube arrive, il s’endort et garde en avare [son parfum], mais si la nuit s’étend42, il s’exhale et se répand.
- Ainsi Allâh a donné le choix à ‘Abd al-Malik qui a choisi, pour ses mains, la magnificence,
- pour les dos des coursiers, les cavaliers, parmi les instruments de l’homme, les armes.
- Il a donc étendu ses dons à tous, proches et lointains, et abreuvé de sang sabres et lances.
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23Si la disparition d’al-Manṣûr n’avait pas eu de répercussion sur la carrière d’Ibn Darrâǧ, celle d’al-Muẓaffar, au contraire, eut pour lui, comme pour toute l’Espagne musulmane, des conséquences désastreuses. Ce fut sans doute avec effroi, car son sort était lié à celui des ‘Âmirides, qu’il assista à l’effondrement presque soudain d’une puissance contre laquelle, vingt ans durant, s’étaient brisés tous les assauts. Pendant le règne de ‘Abd ar-Raḥmân Sanchol, frère et successeur d’al-Muẓaffar43 et celui du Calife al-Mahdi44, il demeure à Cordoue, sans appui, ruiné par les troubles civils qui déchirent la capitale, espérant voir paraître un homme qui imposerait son autorité à tous et ramènerait l’ère des grands ḥâğib ’âmirides. Avec beaucoup de ses émules, il pense, un moment, l’avoir trouvé dans la personne d’un troisième prétendant, le Calife Sulaymân al-Musta‘în, quand celui-ci entre à Cordoue pour la seconde fois en šawwâl 403/avril 101245. Cultivé, poète à ses heures46, ce prince peut devenir un excellent mécène. Qasṭalli s’attache donc à lui. Il nous reste deux fragments de panégyriques composés en ces circonstances. Dans l’un, écrit aussitôt après le rétablissement d’al-Musta‘în, il le félicite de l’ère nouvelle ouverte par son règne47. Dans l’autre48, il reprend à peu près le même thème (vers 1-9), puis ajoute au panégyrique du personnage celui des Berbères auxquels il doit son pouvoir (vers 11-14).
24En plus de ces poèmes d’apparat, nous possédons un fragment d’épître49 en prose rimée, dans lequel Ibn Darrâǧ, une fois de plus, appelle la pitié du souverain sur lui-même et sa famille.
25« Allah me garde de vouloir épuiser l’eau de l’aiguade50 avant qu’elle ait paru, de dénigrer le lait avant sa montée, de feindre la cécité devant le flambeau de l’excuse, de me détourner de la bonté divine dans l’attente d’une vie aisée, mais
- que répondras-tu aux oisillons à la gorge rose qui, à Ḏû Maraḫ, sont sans eau ni verdure51 ?
- Combien claire serait pour eux l’excuse s’ils pouvaient m’excuser [de ne leur rien apporter] ! Combien favoriseraient-ils ma constance s’ils pouvaient supporter !
- Mais ils sont trop petits pour cette détresse grande. Qu’objecterai-je à ceux dont l’objection est d’être petits ?
26J’ai donc examiné, pour eux, la face des choses. J’ai distingué entre ce qui est facile et difficile. Je n’ai trouvé nul homme d’une main plus bienfaisante, d’une nature meilleure que le Prince par l’intermédiaire duquel Allâh permet à ses Créatures pour lesquelles Il peupla Sa terre, auxquelles Il soumit Son continent et Sa mer d’aller « sur ces grandes étendues et de manger ce qu’il accorde »52. Donc, [prince], en quelque lieu que nous soyons, nous trouvons votre magnificence. En quelque lieu que nous allions en paix, nous sommes sous votre protection, à votre droite ou à votre gauche. »
27Al-Musta‘în demeura insensible à ces appels, ainsi qu’à cet encens. Cette attitude devait avoir les plus graves conséquences pour l’activité littéraire de Cordoue. Les poètes et écrivains qui se trouvaient encore dans cette ville sentirent que les temps des ḥâğib étaient bien révolus et qu’il fallait désormais aller ailleurs chercher des mécènes. « Ainsi les vestiges des belles-lettres s’effacèrent de la Capitale, l’obscurantisme y régna, les Cordouans passèrent de leur raffinement connu à une vulgarité criante »53. Ibn Darrâǧ, comme ses pareils, dut songer à quitter la cité où il avait passé presque toute son existence. L’assassinat d’al-Musta‘în et l’intronisation d’un autre compétiteur, le Calife ‘Ali ibn Ḥammûd an-Nâṣir54, le forcèrent toutefois à surseoir à cette décision.
28L’entrée à Cordoue du nouveau prince, en muḥarram 407/juin 1016, semble en effet avoir valu au poète d’être jeté en prison55. Peut-être l’attachement qu’il avait témoigné au précédent Calife était-il cause de cette infortune. Comme toujours en pareil cas, al-Qasṭalli eut recours à son art pour se tirer d’affaire. Bien qu’an-Nâṣir, à demi berbérisé, fût dépourvu de toute culture et comprît à peine l’arabe, il marquait de l’attention aux poètes en qui il voyait, lui aussi, des soutiens possibles de son pouvoir. Ibn Darrâǧ joua de ces dispositions pour gagner la clémence et la faveur de l’homme de qui dépendait sa vie. Un panégyrique adressé à an-Nâsir56 reflète très bien cette double intention. Tout le début est une supplique où al-Qasṭalli décrit son sort misérable (vers 1-6), si différent de celui du Calife (vers 7-10), où il note le désarroi que son emprisonnement a jeté dans sa famille et parmi ses femmes (vers 11 et suivants), qui connaissent :
20. au lieu d’une longue vie de douceur, la traversée des monts et des vallées fangeuses,
21. au lieu des nuits brèves sous les voiles, l’effroi du voyage nocturne au sein d’une interminable nuit,
22. au lieu de l’eau limpide sous les ombrages, le feu des entrailles brûlées de la soif,
23. au lieu du parfum errant dans les fleurs des parterres, l’haleine embrassée par l’ardeur de midi,
24. au lieu de l’intimité entre une nourrice et une amie, la course nocturne en compagnie d’un loup et d’un génie,
25. et au lieu du spectacle d’un visage gracieux, la rencontre des malheurs supportés avec une noble constance.
29La seconde partie du poème est d’allure politique et contient uniquement un panégyrique des ‘Alides desquels descendait ‘Ali ibn Ḥammûd an-Nâṣir.
26. Peut-être les suites de cette pièce toucheront-elles à leur but et ramèneront-elles l’abandonné [que je suis] vers un chemin sans obstacle,
27. vers le fils de Hâsim, d’Abû Ṭâlib et de Fâṭima, le Bienveillant, le Magnifique57.
28. Votre aïeul, ‘Amr le Généreux58, a reçu le surnom [de Hâšim], parce qu’il avait émietté du pain [aux pauvres], en temps de disette.
29. Il hébergeait même les bêtes du désert et donnait l’hospitalité aux chamois des montagnes.
30. Abû Ṭâlib59 recherchait encore plus60 les hôtes que ceux-ci, [malgré leur désir], ne recherchaient son hospitalité.
31. Le soir, il leur offrait des plats récemment préparés et, au matin, de la viande fraîchement cuite.
32. [Fils de ‘Ali], vous êtes les guides de la vie et de la mort. Vous êtes les Imâm par le geste et la parole,
33. les seigneurs de ceux qui séjournent dans les jardins de l’Éden, de tous, jeunes et vieux.
34. Vous êtes les hommes véritables de ce monde et de l’autre, par le décret du Livre et celui des Esprits.
35. Votre ancêtre est le sceau des Prophètes. De lui, vous tenez une gloire immense et sûre.
30Cette pièce, sans originalité littéraire, mais qui sonne étrange dans cette Espagne musulmane à peu près pure d’influence schismatique, fut sans doute pour beaucoup dans la faveur dont Ibn Darrâǧ paraît avoir joui par la suite, auprès du Calife. Au même prince, en effet, nous lui voyons dédier une épître en prose rimée, identique à celle que nous connaissons déjà61, où il ne se montre pas en suppliant, mais comme un personnage que les soucis matériels de la vie n’inquiètent plus. Al-Qasṭalli était-il bien sincère en célébrant les ’Alides et leur descendant an-Nâṣir ? Il serait plus qu’imprudent de l’affirmer. Les nécessités de l’heure et, peut-être aussi, l’espérance que ce soldat inculte mais énergique rétablirait la paix dans Cordoue, peuvent seules expliquer le respect du poète pour ce Calife. Le moindre événement devait le ramener au parti politique qui, depuis toujours, avait eu son approbation, le parti des ‘Âmirides. Cela se produisit dans le courant de 1017. À ce moment, en effet, un affranchi du ḥâğib al-Manṣûr, le « Slave » Ḫayrân62, abandonne la cause d’an-Nâṣir, quitte Cordoue et, dans le Levante, proclame un contre-calife d’origine umayyade, ‘Abd ar-Raḥmân al-Murtaḍâ63. Ibn Darrâǧ adhère au mouvement et accompagne Ḫayrân.
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31Il est probable qu’en quittant Cordoue, Ibn Darrâǧ devait avoir la certitude d’y revenir bientôt, à la suite du nouveau souverain élevé au pouvoir par le caprice d’un condottiere ambitieux. Les événements allaient en fait l’empêcher à jamais de reparaître dans cette ville. Il avait alors cinquante-neuf ans.
32Dès qu’il eut rejoint al-Murtaḍâ, dans la région de Grenade, il lui récita un panégyrique, pour le féliciter de son avènement64. Vers le même temps, il adressait à Ḫayrân un très long poème à la suite d’un succès remporté par cet émir, sur les Berbères, à Cabra65.
33La tentative d’al-Murtaḍâ devait échouer lamentablement, par la trahison même de ceux qui l’avaient élevé au pouvoir. Pour Ibn Darrâǧ, ce fut, une fois de plus, la grande détresse des temps sans mécène. Il mène à ce moment une vie errante, très semblable à celle de nos troubadours. Impossible de la suivre dans ses voyages. Vers 409/1018, on le trouve à Valence, à la cour des deux émirs « slaves » Mubârak et Muẓaffar66 qu’il célèbre dans une qaṣîda identique, par la facture, à celle dédiée à Ḫayrân67. Enfin, à une date qui ne peut être déterminée, nous le rencontrons à Saragosse, à la cour de l’émir Munḏir ibn Yaḥyâ68.
34Sous l’impulsion et grâce à la politique de ce prince, cette ville, depuis plusieurs années, connaissait un calme et une prospérité qui allaient faire d’elle un des principaux centres intellectuels de l’Espagne. Sans atteindre encore au faste de la cour des Hûdides69, celle de Munḏir était fort brillante. On y voyait des écrivains, des poètes, des savants comme partout ailleurs, mais un peu plus qu’ailleurs.
35Al-Qasṭalli semble avoir trouvé, auprès de tous, un excellent accueil. Il chante, par exemple, un personnage assez marquant de la cour, comme le Secrétaire Ibn Azraq ou Ibn Arzaq70, auquel il adresse un thrène sur la mort de ses fils71. Il écrit également une pièce du même genre, dont rien ne nous reste, à la nouvelle du décès, en Égypte, d’un savant de Saragosse nommé Ismâ‘îl ibn Muḥammad, mort en 412/1021, au retour du Pèlerinage72. Enfin et surtout, il est le panégyriste de Mundir ibn Yaḥyâ, puis après la mort de celui-ci, de son fils Yaḥyâ.
36Il nous reste quelques vestiges de l’œuvre composée par al-Qasṭalli, en l’honneur du premier de ces princes. Ce sont d’abord deux épîtres73 en prose rimée et en vers qui, du point de vue littéraire, n’ajoutent rien à celles que nous connaissons déjà. Ce sont aussi quelques fragments poétiques de longueur inégale et d’une chronologie très incertaine. L’un d’eux est une pièce d’apparat, peut-être écrite lors de l’arrivée du poète à Saragosse74, car, après un laus de l’émir, très bien venu (vers 1-18), Ibn Darrâǧ y dépeint sa misère et le secours qu’il attend de son protecteur (vers 19-29). Dans un autre75, postérieur au précédent, le poète reprend le thème usé du voyage qui l’a conduit jusqu’à la cour de Munḏir (vers 1-11), puis témoigne sa reconnaissance à cet émir, pour toutes les faveurs qu’il lui doit.
37Le prince de Saragosse semble bien, en effet, avoir eu de grandes bontés pour al-Qasṭalli. Celui-ci, en tout cas, célèbre à diverses reprises la générosité de son mécène.
17. Je me suis arrêté en un pays dont les pierres ont été changées en or et en joyaux scientillant à mes regards.
18. Que les princes sachent que j’ai trouvé un protecteur qui les vaut tous à lui seul76,
19. un monarque élu pour la gloire et tout-puissant qui, malgré eux, a jeté sur moi son manteau en signe de protection.
38Et dans un autre fragment, il dit encore77 :
- Compagnons du bon vin, éveillez-vous et demandez-moi ce que sont les actes généreux de Munḏir !
- Munḏir est un prince qui, si vous lui quémandiez sa faveur, vous la donnerait sans barguigner.
39De tels vers marquent bien qu’après tant de vicissitudes et d’angoisses, Ibn Darrâǧ a enfin rencontré un hâvre paisible. Pourtant il songe toujours à Cordoue, à la cour d’az-Zâhira, aux ‘Âmirides. Dans un prologue de panégyrique composé à cette époque, il évoque ce passé en termes simples et touchants78.
- Dis au printemps : « Etends ton manteau de nuées et laisse pendre tes voiles sur les lieux [où se sont déroulées] mes boucles enfantines.
- N’y fais point défaut, car, derrière toi, [ô printemps], mes larmes coulent en longs flots.
- Mêle au parfum de mon salut l’humidité de ton nuage et abreuve de cette eau ceux et celles que j’aime.
- Penche-toi sur Cordoue, étreins-en la terre pour moi, comme je la serrerais contre mon corps et ma poitrine.
- Enfin, sur ses vallées et ses collines, répands des fleurs qui annonceront, en ton nom, que tu es mon émissaire. »
40Cette mélancolie n’est point seulement celle d’un exilé. C’est également celle d’un homme qui, ayant dépassé « le milieu du chemin de la vie », se plaît, avec une joie un peu triste, à ressusciter des souvenirs de joie et de jeunesse. Pourtant, la sécurité, en même temps que la gloire, est entrée dans la demeure d’Ibn Darrâǧ. Autour de lui, un cercle de disciples et d’admirateurs s’est constitué. Au nombre de ceux qui le forment, on rencontre un de ses fils, al-Fadl, qui sera à son tour poète et épistolier79. On y trouve aussi, pour peu de temps d’ailleurs, à ce qu’il semble, le fameux Ibn Ḥazm qu’al-Qasṭalli avait rencontré quelques années plut tôt, lors de la tentative d’al-Murtada pour s’emparer du pouvoir80. Selon la coutume commune à l’Orient et à l’Occident, il est probable que le panégyriste de l’émir Munḏir fait figure de maître, dans ce petit cénacle. Il doit lui-même commenter son œuvre à ses disciples. Il procède en outre à un classement de ses épîtres et de ses poèmes. Ainsi se constitue un recueil formant la matière de deux volumes81.
41Cette vie calme et en quelque sorte recueillie, si différente de celle qu’avait connue al-Qasṭalli, se poursuivit durant plusieurs années. Enfin, le samedi 16 ǧumâdâ II 421/22 juin 103082, Ibn Darrâǧ disparaissait, à l’âge de soixante-douze ans.
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42L’œuvre en prose rimée ou en vers laissée par al-Qasṭalli paraît s’être imposée sans aucune discussion à l’admiration des lettrés. Cette vogue ne fut point particulière à l’Espagne, ni à une époque, comme nous allons le voir.
43Vers la fin de la vie d’Ibn Darrâǧ ou peu d’années après sa mort, un littérateur de Cordoue, Abû ‘Âmir Ibn Šuhayd (mort en 426/1035) fait les plus grands éloges de ce poète dont il vante la culture, le « métier » et la facilité83. De même, l’historien Ibn Ḥayyân (mort en 469/1076)84 lui consacre une notice dans son ouvrage sur l’Espagne et le déclare : « le premier dans le chœur des poètes ‘âmirides et celui qui clôt l’ensemble des artistes de l’Andalousie ».
44Il n’est pas douteux cependant que l’homme qui contribua le plus à asseoir la renommée d’al-Qasṭalli fut son disciple Ibn Ḥazm (mort en 456/1064)85. Celui-ci nourrissait, pour son maître, une admiration très vive, où le particularisme régional entrait d’ailleurs pour une large part. « Ibn Darrâǧ, disait-il, était savant dans la critique poétique86 et si je disais qu’il n’y eut pas en Espagne un plus grand poète que lui, je n’annoncerais rien d’invraisemblable. » Et il ajoutait encore : « Si nous n’avions comme puissant poète qu’Ahmad Ibn Darrâǧ, celui-ci ne le céderait ni à Ḥabîb, ni à al-Mutanabbi »87. Ce jugement flatteur ne lui demeura pas particulier. Il sut le faire partager par ses élèves, entre autres par Šurayḥ de Séville (mort en 537/1142)88, un des maîtres indirects du biographe Ḍabbi, et par l’historien-voyageur al-Ḥumaydi (mort en 498/1095)89. Par l’un et par l’autre, l’œuvre d’al-Qasṭalli acheva de se répandre en Espagne et dans le reste du monde musulman.
45En Espagne, les biographes Ibn Baškuwâl (mort en 578/1183)90 et Ḍabbi (mort en 599/1203)91, reprenant l’appréciation courante, déclarent qu’Ibn Darrâǧ avait, « dans ses vers et ses épîtres, une “manière” par laquelle il dénonçait sa force et sa puissance »92. Le compilateur Ibn Bassâm (mort en 542/1147), dans sa Ḏaḫîra le proclame93 « la beauté de la terre et du ciel d’Andalousie, le modèle des Secrétaires et des poètes de ce pays... l’homme à qui les biographes ne rendraient pas justice, à qui ils ne donneraient pas ce qu’il mérite, même [s’ils s’y employaient] jusqu’à ce que s’achèvent les jours et que s’épuisent les feuillets et les plumes ». Telle devait être aussi l’opinion du cadi Ibn al-‘Arabi (à ne pas confondre avec le mystique du même nom) (mort en 543/ 1148), qui poussa l’engouement jusqu’à étudier les œuvres d’al-Qasṭalli sous quatre professeurs différents94. Telle était en tout cas celle du lettré andalou aš-Šaqundi (mort en 629/1231)95, qui, dans son parallèle entre les Andalous et les Musulmans d’Afrique, égalait le poète espagnol, une fois de plus, à al-Mutanabbi et demandait à ses contradicteurs maghrébins s’ils avaient un autre Ibn Darrâǧ à lui opposer96.
46Le nom d’al-Qasṭalli n’avait pas tardé à être connu en dehors de l’Espagne. Quelques années à peine après sa mort, son dîwân en entier ou en partie est déjà entre les mains du célèbre anthologue de Nichapour, aṯ-Ṯa‘âlibi (mort en 439/1038), qui en donne de longs extraits dans sa Yatîmat ad-dahr. C’est toutefois en Afrique du Nord, cela se conçoit, qu’on apprécie le plus le chantre des ‘Âmirides. Un bel esprit de Kairouan, Ibn Saraf (mort en 460/1068), le proclame avec enthousiasme97 « un poète savant et habile dans ce qu’il compose. Tous les esprits témoignent », ajoute-t-il, « qu’il est le dernier grand poète du siècle, mais le premier dans son art... Habile, il place l’expression où elle convient, surtout quand il parle des maux qui l’ont frappé durant la guerre civile, lorsqu’il se plaint de ce qui l’a atteint aux jours de l’épreuve. En un mot, c’est le plus grand poète du Maghreb, des temps lointains ou modernes. » Les siècles qui passent ne changent rien à l’opinion qu’on a d’al-Qasṭalli. Au viie/xiiie siècle, l’historien de la dynastie almohade, al-Marrâkusi (mort postérieurement à 621/1224)98, écrit, par exemple : « Moi-même, dans ma jeunesse, j’étais passionné pour les œuvres de ce poète que je relisais sans cesse »99. Enfin, il n’est jusqu’à Ibn Ḫaldûn qui, dans ses Prolégomènes, ne mentionne Ibn Darrâǧ comme un des noms les plus glorieux de la littérature arabe en Espagne100.
47L’époque moderne elle-même n’a pas complètement oublié al-Qasṭalli. C’est ainsi que deux critiques égyptiens contemporains, Ahmad Ḍayf et Zaki Mubârak, n’ont pas jugé ce poète indigne d’une courte étude. L’un et l’autre ne font guère, au surplus, que reproduire l’appréciation des auteurs médiévaux101. Ils notent toutefois avec finesse – et ceci est précieux pour nous – certains aspects de l’art d’al-Qasṭalli, et tout ce qui, en dernière analyse, peut expliquer la vogue dont a joui son œuvre.
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48Il serait sans doute téméraire de vouloir porter un jugement définitif sur Ibn Darrâǧ, en nous appuyant sur les fragments que nous possédons encore, à l’heure actuelle. Il est possible que ses morceaux représentent la seule chose qui valût la peine d’être ravie à l’oubli des temps, mais ce n’est pas sûr et en définitive, on ne peut rien y voir de plus que l’expression du goût des anthologues. Ces réserves faites, il est toutefois permis de fixer temporairement la physionomie littéraire d’al-Qasṭalli, telle qu’elle apparaît aujourd’hui.
49Le premier trait qui s’impose est l’immense pauvreté intellectuelle des fragments qui nous ont été conservés. Dans ces vers, peu ou pas de pensées. Malgré soi, on songe au jugement sévère porté par le philosophe Abû l-‘Alâ’ de Ma‘arra, sur un autre fameux panégyriste occidental, Ibn Hâni : « Il ressemble à un moulin qui moudrait des cornes, ses vers sont vides d’idées. » Cette indigence de fond, à elle seule, suffirait à faire rejeter toute comparaison avec un poète comme al-Mutanabbi dont les poèmes contiennent un véritable système philosophique.
50Comme la grande majorité des panégyristes arabes, Ibn Darrâǧ est donc uniquement un artiste préoccupé non du fond, mais du style, avide de faire connaître son habileté et sa culture, insoucieux d’originalité, de sincérité, de spontanéité, simplement préoccupé de reprendre des clichés, de les polir, de les remanier dans le détail, de ne pas tomber sous l’accusation de plagiat. Pour tout résumer d’un mot, al-Qasṭalli est un adroit pasticheur. Ce fait, grave pour nous, ne l’est point pour ceux qui le lurent. Dans des vers comme ceux-ci102 :
15. Si [cette belle] m’avait vu au moment où les midis flamboyaient sur moi, où le flottement du mirage s’agitait...
20. si elle m’avait vu à l’heure où la marche nocturne m’absorbait tout entier, où mon cœur était le compagnon des génies du désert,
21. où je traversais la solitude, dans les ténèbres de la nuit, tandis que les lions rugissaient dans le fond des halliers.
51Ibn Ḥazm et ses disciples n’étaient pas choqués par ces déserts et ses lions introduits d’une façon si insolite par le poète, sur le sol andalou. Ils ne retrouvaient là qu’un pastiche excellent de la vieille poésie bédouine et, bien loin d’être fâchés de ces invraisemblances, ils admiraient fort l’homme qui, en dehors de toute observation, avait conçu de tels traits descriptifs103.
52L’œuvre d’Ibn Darrâg, c’est là le second point à noter, est donc tout entière d’une allure artificielle très marquée. Le « métier » y apparaît sans cesse. Parfois accusé jusqu’à la négligence, comme dans ces formules stéréotypées qui se retrouvent plusieurs fois dans nos extraits104. Parfois plus heureux dans des allitérations105, des antithèses106, des jeux de mots107. Souvent, enfin, d’une très grande habileté, par l’introduction dans le vers de proverbes108 ou de citations coraniques109.
53Cette prédominance du « métier » sur l’inspiration, commune d’ailleurs à toute l’époque et peut-être même à toute la poésie arabe, engendre chez Ibn Darrâǧ une préciosité qui va parfois jusqu’au plus odieux pathos. Il écrit, par exemple110 :
5. Souvent, les traîtrises du Destin m’ont assailli à chemin découvert.
6. Ces traîtrises étaient les plaques des deux cuirasses de l’impiété et de la perfidie et les lames des deux sabres du dire et du dit-on.
54Il ne serait que trop aisé de multiplier les exemples de ce gongorisme si choquant pour nous, si plaisant aux yeux des lettrés du Moyen Âge musulman plus sensibles à l’habileté des poètes qu’à la spontanéité de leur inspiration, à la délicatesse de leurs sentiments et à la richesse de leurs pensées. Une fois de plus nous sommes amenés à conclure que l’art d’Ibn Darrâǧ comme celui de tant d’autres, malgré tous les efforts de notre sympathie, reste pour nous une énigme et que son œuvre a conquis l’estime des lettrés, pour les raisons mêmes qui font que nous ne saurions l’admirer.
55À se placer toutefois uniquement sur le terrain de l’histoire littéraire, on ne peut refuser à la figure d’Ibn Darrâǧ un intérêt véritable. Elle réalise le type très caractéristique de ceux qu’on désigne sous le nom de Poètes-Épistoliers (aš-Su’arâ’ al-Kuttâb). Cultivé, raffiné, habile à tourner un panégyrique, une supplique ou une épître, versificateur plutôt que poète véritable, artiste connaissant à fond toutes les ruses du métier, bohême au surplus, à la merci du moindre caprice de ses mécènes, on le retrouve à peu près trait pour trait dans toutes les cours princières, en Andalousie, en Ifriqiya, en Égypte, dans tout l’Orient. Ce type n’est d’aucun lieu. On pourrait ajouter qu’il n’est d’aucun temps. On avait connu des Ibn Darrâg à la cour des grands Califes ‘abbâsides de Bagdad. On en connaîtra chaque fois qu’une dynastie, dans une partie du monde musulman, pour une période plus ou moins longue et plus ou moins brillante, s’élèvera et constituera un centre littéraire susceptible d’accroître son prestige politique et de donner satisfaction aux besoins culturels ou moraux de ses princes.
56Pour en revenir à l’Espagne musulmane, c’est par les Ibn Darrâǧ que s’implantera définitivement dans les cours seigneuriales la poésie arabe néo-classique née dans les cités de Mésopotamie. C’est par l’existence de ces artistes nourris de littérature orientale que s’expliquera la durée d’une école poétique qui, avec le seul appui d’un public d’érudits, de beaux-esprits et de pédants, réussira, durant quatre siècles et plus, à se maintenir sans se renouveler et sans emprunter ou presque au terroir. C’est par eux enfin que se trouvera légitimée cette réaction contre les néo-classiques, plus violente en Espagne qu’ailleurs, qui aboutira à la création d’une poésie populaire plus spontanée, plus humaine, surtout plus proche de la mentalité des masses hispaniques.
Notes de bas de page
1 Levi-Provençal, L’Espagne musulmane (Paris, 1932), 28. La généalogie d’Ibn Darrâǧ est donnée en entier par I. Ḫall, et Abû l-Maḥâsin. Ḍabbi, I. Baškuwâl et Ṯa‘âlibi ne donnent que Abû ‘Umar Aḥmad ibn Muḥammad Ibn Darrâǧ. Maqqari, II, 467, le désigne sous la kunya d’Abû l-Walîd. Le nom de Darrâǧ, avec ou sans l’article, est assez fréquent. On le retrouve dans la généalogie d’un traditionniste de Ceuta, Abû ‘Abd Allâh Ibn ad-Darrâğ (cf. Lévi-Provençal, Une Description de Ceuta au xve siècle, dans Hespéris, XII, 1931, 149, lig. 2), – dans celle d’un juriste de Saragosse, Ismâ‘îl ibn Aḥmad ibn Darrâǧ, vivant au ve/xie siècle (cf. Ibn al-Abbâr, Takmila, I, no 472, éd. Bel et Ben Cheneb), – dans celle d’un grammairien de Dénia, ‘Ali ibn ad-Darrâǧ (cf. id., I bis, no 37,1839, éd. Codéra), dans celle enfin d’un certain Muḥammad ibn ‘Ubayd Allâh Ibn Darrâǧ, enterré à Alméria (cf. Lévi-Provençal, Inscriptions arabes d’Espagne, no 133).
2 Date donnée par Ḍabbi, Ibn Baškuwâl et I. Ḫallikân.
3 De là vient l’ethnique d’al-Qasṭalli qui le désigne chez de nombreux auteurs. En Orient, comme toujours en pareil cas, on lui ajoute l’ethnique d’al-Andalusi = l’Andalou. Cf. I. Ḫall, et Ṯa‘âlibi. Plusieurs localités du nom de Qasṭalla sont connues des géographes arabes. L’identification de celle dont il s’agit ici avec l’actuelle Cacella est rendue possible grâce à Idrîsi, Description de l’Espagne, texte 179, trad. 217, et à Ḥimyari, ar-Rawḍ ar-mi‘ṭâr (mss. Lévi-Provençal), qui précisent que Qasṭallat Darrâǧ (tel est aussi le nom sous lequel on désigne cette ville) est située dans la province d’Algarve, et qu’Ibn Darrâǧ y est né. Muqaddasi, Descriptio imperii moslemici, 329, ainsi qu’Idrîsi, insistent sur l’importance de ce centre aux xe et xie siècles.
4 Voir Épître 1, au début. Il est rappelé que cette référence et toutes les autres du même genre renvoient à une future publication des fragments de l’œuvre d’Ibn Darrâǧ qui subsistent aujourd’hui.
5 Ḍabbi. Sur cette fonction, voir Lévi-Provençal, L’Espagne musulmane, 69 sv.
6 Cela ressort de Ḍabbi, qui nous apprend qu’Ibn Darrâǧ lia sa fortune à celle du ḥâǧîb al-Manṣûr, que ce fut le premier prince à qui il dédia des vers. On peut donc admettre que, jusque-là, le poète-épistolier n’avait pas encore chanté de mécènes d’un aussi haut rang.
7 Voir Hespéris, X, 1930, 20 sv.
8 Ibn al-Ḫaṭîb, Iḥâṭa, II, 71.
9 Cf. la remarque d’Ibn al-Ḫaṭîb, loc. cit. lig. 9.
10 L’existence d’un dîwân ou liste de pensions accordées à des poètes ou littérateurs officiels est attestée, pour cette époque, par Ibn al-Ḫaṭîb, op. cit., et par Ḍabbi, 148, lig. 5. Selon toute vraisemblance, il fallait subir une sorte d’examen pour être mis sur cette liste.
11 Ḍabbi. Cf. Fragment 1.
12 Ḍabbi, 148, lig. 6.
13 Voir Hespéris, 1930, 21-23.
14 Cf. Fragment 2.
15 Tel était l’avis d’Ibn Ḥazm, qui connut cette épître et la plaçait bien au-dessus de celle écrite à la même occasion par un autre scribe d’al-Manṣûr, ‘Abd al-Malik ibn Idrîs al-Ğazîri. Cf. Ḍabbi, 149, lig. 14 sv.
16 Fragments 2, 5, 6, 7.
17 Fragments 1, 3, 4.
18 Fragment 1.
19 Fragment 3.
20 Fragment 4.
21 Fragment 4.
22 Cliché emprunté à la poésie bédouine qui représente le désert peuplé de démons contre lesquels se bat le poète.
23 Fragment 4.
24 Les ancêtres paternels d’al-Manṣûr étaient issus des Ma‘âfir, une tribu des Ḥimyar (ou Arabes du Yémen) revendiquant comme ancêtre éponyme Ya‘rub. Par sa mère, le ḥâğib appartenait à la tribu des Tamîm. Cf. Dozy, Musulmans d’Espagne, II, 188 sv. Sur les Ḥimyar et les Tamîm, voir Encyc. de l’Is., II, 329, IV, 676.
25 Cliché connu, assimilant la générosité à un flot, à un nuage, à une mer apportant l’humidité vivifiante.
26 Allusion à la conversion des Yéménites, quand ils envoyèrent des délégations à Mahomet, pour se soumettre à lui, après la prise de la Mekke. Cf. Huart, Hist, des Arabes, I, 179.
27 Fragment 4, vers 36-42.
28 Fragment 6.
29 Fragment 6, vers 4-16.
30 Fragment 7.
31 Sur le rôle joué par Ṣubḥ = Aurore, dans la vie du ḥâğib al-Manṣûr, voir Dozy, Musulmans d’Espagne, II, 190, 205, 222, 252-6.
32 Fragment 8. C’est en effet à cette date qu’il faut placer la brouille de Ṣubḥ et d’al-Manṣûr. Cf. Dozy, op. cit., II, 252 sv.
33 L’extrait du poème est ici coupé.
34 Fragment 9.
35 Fragment 14.
36 Fragment 10.
37 Fragment 11. Sur cette expédition, voir Dozy, op. cit., III, 186 sv.
38 Fragment 14.
39 Voir Hespéris, 1930, X, 32 et sv.
40 Fragments 13, 14, 16-20.
41 Fragment 16.
42 En arabe namma. Calembour sur le nom du serpolet : nammâm.
43 Assassiné par le Calife al-Mahdi, en raǧab 399/mars 1009.
44 Proclamé à la mort de Sanchol, détrôné en novembre 1009, rétabli en juin 1010, assassiné en juillet de la même année. Cf. Dozy, op. cit., II, 28.
45 Sur al-Musta‘în, voir Dozy, op. cit., II, 296-312. Voici comment Ibn Ḥayyân, cité par Ibn Bassâm, Ḏaḫîra, P., f° 14a et b, relate les rapports de Qasṭalli et de ce calife.
46 I. ‘Iḏâri, III, 118 ; I. al-Abbâr, Ḥulla, 159.
47 Fragment 20.
48 Fragment 21.
49 Épître 2. Il est possible que les Épîtres 1 et 3 aient été également adressées au même.
50 En arabe ḥisy. Ce mot désigne en fait un trou pratiqué dans les sables recouvrant un sous-sol imperméable, pour atteindre les eaux. Cf. Lammens, Berceau de l’Islam, 33.
51 Ḏû Maraḫ est une vallée près de Fadak. Cf., Yâqût, Mu‘ǧam al-buldân, sub Maraḫ. Le premier de ces vers est attribué à al-Ḥuṭay’a, mort vers 30/650.
52 Paraphrase du Coran, LXVII, 15 : « Marchez dans les grandes étendues de la Terre et mangez de ce qu’elle donne. »
53 I. Ḥayyân, dans I. Bassâm. Cf. ci-dessus, 483, note 1.
54 Gouverneur de Ceuta, pour le compte d’al-Musta‘în, maître de Malaga en 1014, proclamé à Cordoue en 1016, assassiné en juillet 1018. Cf. Dozy, op. cit., II, 310-6.
55 Cela ressort du fragment 22, vers 4 et 5.
56 Fragment 22.
57 Périphrase pour désigner ‘Ali ibn Ḥammûd.
58 Text. : le ‘Amr des Hommes généreux. Sur ce personnage et l’origine de son sobriquet, voir Encyc. de l’Is., II, 304.
59 Sur cet oncle du Prophète des Musulmans, voir id., I, 111.
60 En arabe aṭlab, calembour sur le nom d’Abû Ṭâlib.
61 Épître 4.
62 Gouverneur, puis prince indépendant d’Alméria, depuis 1012, mort en 1028. Cf. Dozy, op. cit., II, 310-19, 337, III, 3. Sur les éléments ethniques désignés sous le nom de Slaves, en Espagne, voir Encyc. de Vis., IV, 79.
63 Proclamé en mars 1017, assassiné sur l’ordre de Ḫayrân, au début de 1019. Cf. Dozy, op. cit., II, 314-8.
64 Fragment 23.
65 Fragment 24.
66 D’abord gouverneur de la ville pour l’émir de Dénia, Muǧâhid, ils se déclarent indépendants. Muẓaffar meurt le premier, Mubârak le suit en 1018. Cf. I. ‘Iḏâri, III, 158-63.
67 Fragment 25.
68 Gouverneur de Saragosse pour les ‘Âmirides, puis émir indépendant, assassiné en 1028. Cf. I. ‘Iḏâri, 96, 175-8 (qui confond ce prince avec son petit-fils) ; Encyc. de l’Is., II, 348, IV, 162a et 862b.
69 Sur cette dynastie, voir Encyc. de l’Is., II, 348.
70 Le nom d’Ibn Arzaq est donné par I. ‘Iḏâri, III, 177, qui spécifie qu’il s’agit d’un secrétaire de Munḏir. I. Bassâm donne Ibn Azraq. Il s’agit bien du même personnage, car I. Darrâǧ, dans un vers, fait un calembour sur ce nom par simple métathèse : Azraq – bleu devient Arzaq = plus fortuné.
71 Fragment 31.
72 Ce personnage aurait porté le surnom de Furruteš (I. al-Abbâr, Takmila, no 429, éd. Bel et Ben Cheneb), ou de Furteš (Ḍabbi, no 536). Seul le premier de ces auteurs mentionne le thrène d’I. Darrâğ.
73 Épîtres 5 et 6.
74 Fragment 26.
75 Fragment 27.
76 Text. : en qui, après les avoir quittés, j’ai trouvé tout le gibier dans le ventre de l’onagre. Proverbe.
77 Fragment 29.
78 Fragment 28.
79 Il fut plus tard panégyriste de l’émir de Dénia, Iqbâl ad-Dawla. Cf. Ḍabbi, no 1282 ; I. Baškuwâl, no 992.
80 Abû Bakr i. al-Ḫayr, Index librorum... (Saragosse, 1894), 414.
81 I. Ḫallikân, I, 42, lig. 6 ; Ḥaǧǧi Ḫalîfa, III, 246.
82 I. Ḫallikân, I, 43. I. Baškuwâl donne la même année, mais sans indiquer le mois. Ḍabbi porte « vers 420 ».
83 Cité dans I. Bassâm, R. et P., f° 12b, en ces termes :
84 Cité par I. Bassâm, Ḏaḫīra, R. et P., f° 12b, en ces termes :
Sur I. Ḥayyân, voir Encyc. de l’Is., II, 405.
85 Sur cet auteur, voir id., II, 407.
86 En arabe : naqd aš-ši‘r. Cette expression ne désigne rien qui soit analogue à notre critique littéraire. C’est l’ensemble des canons poétiques qui, joints à la connaissance de l’art poétique lui-même, permettent de composer des poèmes répondant aux exigences de la tradition littéraire.
87 Cité par I. Baškuwâl et par Ḍabbi. Ḥabîb est le nom du poète Abû Tammâm, célèbre panégyriste oriental, mort vers 231/845 ; cf. Encyc. de l’Islam, I, 111. Sur al-Mutanabbi, autre illustre poète oriental, mort en 355/965, voir Revue des Etudes Islamiques, 1929, I, 127 sv.
88 Ḍabbi, no 849 ; Abû Bakr ibn al-Ḫayr, op. cit., 414.
89 Sur ce savant, voir Encyc. de l’Is., II, 335.
90 Voir id., II, 390.
91 Voir id., I, 907.
92 I. Baškuwâl, I, 42 ; Ḍabbi, 147.
93 Voici l’appréciation de cet auteur (R. et P., f° 12a et b) :
94 Abû Bakr ibn al-Ḫayr, 414. Sur ce personnage, voir Encyc. de l’Is., II, 384.
95 Voir id., IV, p. 301 a.
96 Cité dans Maqqari, I, 131, en bas.
97 Risâlat al-intiqâd (dans les Rasâ’il al-Bulaġâ’ (le Caire, 1331)), 352. Une autre édition donnée au Caire en 1344, 26, contient le même jugement avec quelques variantes et additions.
98 Sur cet auteur, voir Encyc. de l’Is., I, 67.
99 Al-Mu‘ğib, 26-27, trad. Fagnan, 32-33.
100 Cf. De Sacy, Anthologie grammaticale, texte 183, trad. 428.
101 Voir A. Ḍayf, Balâġat al-‘Arab fi l-Andalus, 94-100, et Z. Mubârak, al-Muwâzana bayn aš-šu‘arâ’, 242-52.
102 Fragment 4.
103 Ces invraisemblances ne choquent pas davantage aujourd’hui Aḥmad Ḍayf qui écrit, op. cit., 96 : « Par ces vers, on peut avoir une idée artistement campée, de ces déserts dont il est parlé. On croit être devant ces espaces immenses et terrifiants. Lorsqu’on a l’âme emplie de l’effroi de ces déserts..., on entend ce qui emplit ces lieux : rugissements des lions, cris des animaux carnassiers. »
104 Voir frag. 6, vers 5 ; frag. 7, vers 10 ; frag. 22, vers 10 : cliché sur le roucoulement des colombes. Voir frag. 9, vers 9, et frag, 27, vers 1, 21. Voir frag. 11, vers 1, et frag. 24, vers 37.
105 Fragment 7, vers 3, 20.
106 Fragment 7, vers 8, 9.
107 Fragment 26, vers 3-7, calembours sur des noms de tribus arabes.
108 Fragment 26, vers 12, 13 ; fragment 27, vers 18.
109 Fragment 7, vers 5 ; fragment 19, vers 10 ; fragment 21, vers 1 et 16 ; fragment 25, vers 61.
110 Fragment 7.
Notes de fin
* Dans Hespéris, 1933, 99-121.
Bibliographie. – A. Sources biographiques. Ḍabbi, Buġyat al-multamis (Madrid, 1884), 147-150 ; cite Ibn Ḥazm. – Ibn Baškuwâl, aṣ- Ṣila (Madrid, 1883), no 75 ; cite Ibn Ḥazm et al-Ḥumaydi. – Ibn Bassâm, aḏ-Ḏaḫîra, I, mss. de Paris (désigné par P.), no 3321, f° 12a-22b ; mss. de Rabat, propriété de M. Lévi-Provencal (désigné par R.) ; II, mss. de Paris, no 3322, f° 49 a ; cite Ibn Ḥayyân et Ibn Šuhayd. – Ibn Ḫallikân, Wafayât al-a‘yân (Caire, 1310), 1,42 ; semble s’inspirer du précédent. – Abû l-Maḥasin, an-Nuğûm az-zâhira (éd. Popper, Berkeley, 1910 et suiv.), fasc. I, no 2, 155-156 ; semble reproduire le précédent. – Bustâni, Dâ’irat al-ma‘ârif (Beyrouth, 1877), II, 278, abrégé d’Ibn Ḫallikân. – Zurukli, al-’A‘lâm (Caire, 1927), I, 72 ; abrégé du même.
B. Ouvrages contenant des citations d’Ibn Darrâǧ. Ṯa‘âlibi, Yatîmat ad-dahr (Damas, I, 438-450 ; Ibn Bassâm, op. cit. ; Abû l-Maḥâsin, op. cit. ; Ḍabbi, op. cit. ; Ibn Ḫallikân, op. cit. ; Maqqari, Analectes (Leyde, 1855-61), I, 121, 131,132, 155, 230, 231, 264, 316 ; II, 467, 480 ; Ibn Sa‘îd, ’Unwân al-murqiṣât (Caire, 1286), 59 ; Ibn ‘Iḏari, II (Leyde, 1848 sv.), 294, III (Paris, 1930), 20, 21, 35, 124 ; Ṣafwân ibn Idrîs, Zâd al-musâfir, mss. de l’Escurial, no 355, f° 4b ; Ibn Faḍl Allah, Masâlik al-abṣâr, mss. de Paris, no 2327, f° 23b-25a ; Marrâkuši, al-Mu‘ǧib fi talḫîṣ aḫbâr al-Maġrib (Leyde, 1847), 26 ; A. Ḍayf, Balâġat al-‘Arab fi l-Andalus (Caire, 1341), 94-100 ; Z. Mubârak, al-Muwâzana bayn aš’-šu‘arâ’ (Caire, 1344), 221, 243-252 ; Ibn al-Ḫaṭîb, al-I‘lâm (éd. Lévi-Provençal, Rabat, 1934), 244, 256 ; Ibn ‘Abd al-Ḥalîm, Mafâḫir al-Barbar (éd. Lévi-Provençal, Rabat, 1933), 33. Ces divers fragments, réunis, classés et corrigés, feront l’objet d’une publication spéciale. Les références qui, dans cette étude, reportent à l’œuvre d’Ibn Darrâǧ, renvoient à cette publication.
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