Contribution à l’étude de la littérature proverbiale des Arabes à l’époque archaïque*
p. 189-221
Texte intégral
1La discussion sur l’authenticité de la poésie dite « pré-islamique » ne semble pas près d’être close1. Tout au contraire, l’accord est fait sur le caractère parfaitement apocryphe des textes en prose — le Coran mis à part — que la tradition médiévale fait remonter à la fin du vie siècle et au début du suivant. Pour l’histoire littéraire des Arabes, cette prise de position est grave. Peut-être est-elle toutefois trop tranchée. On peut en effet poser qu’en principe la littérature proverbiale est susceptible d’offrir encore un certain nombre d’éléments archaïques. Le tout est de pouvoir les retrouver. Recherche délicate, certes, mais qui vaut d’être tentée et qui, au départ, connaît au moins l’allégresse de ne point se heurter à la pénurie de matériaux. Bientôt d’ailleurs, cette abondance va sembler la difficulté majeure. Il va falloir choisir, tenter de retrouver les éléments d’allure archaïque, parmi la masse de ceux qu’ont légués les érudits musulmans du Moyen Age. Puis viendront le problème des origines et l’étude du contenu des proverbes. Là encore, les ressources ne feront pas défaut, tant dans les recueils de dictons que dans le travail de Freytag formant le supplément à ses Arabum Proverbia, demeuré un auxiliaire indispensable. On conçoit cependant que la complexité des problèmes soulevés par l’examen de ces deux dernières questions oblige vite à se prescrire des limites. On se bornera donc ici à rappeler les conditions dans lesquelles les érudits musulmans ont procédé à la fixation de la littérature proverbiale d’époque archaïque2 et la valeur de leur collecte. On passera ensuite en revue les critères qui permettent, avec une marge d’erreur réduite au minimum, de retrouver les adages et proverbes d’époque ancienne. On terminera sur quelques remarques touchant la forme prise par les vestiges de cette littérature sapientiale dont l’existence semble assurée. Comme on le voit, sera systématiquement laissé de côté l’examen des origines de cette littérature et de ses rapports avec d’autres formes comme la fable et le conte.
2Contrairement à l’attente, le Coran n’offre à peu près aucune ressource pour l’étude qui nous occupe3. Si ce livre, en effet, contient une foule de comparaisons et nombre de paraboles, en revanche il ne renferme, semble-t-il, que fort peu de proverbes. Dans les rares passages où il s’en trouve, il n’est pas aisé de dire si le proverbe est cité dans sa forme textuelle ou bien si, au contraire, tout ne se réduit pas à un rappel de la morale qu’on propose4. Ce serait seulement sous le règne du calife umayyade de Damas Mu‘âwiya que le « transmetteur » ‘Abîd b. Šarya (mort après 65/685 ?)5 aurait communiqué verbalement des matériaux aussitôt mis par écrit sous le titre de Kitâb al-Amṯâl ou « Livre des Proverbes » ; ce recueil, aujourd’hui perdu, aurait encore existé à la fin du ive/xe siècle6. On a tout lieu de penser que le « transmetteur » iraqien al-Kalbi (mort en 146/763)7 et d’autres contemporains se sont intéressés aussi à la littérature proverbiale des anciens Arabes. C’est toutefois seulement à l’un des représentants les plus jeunes de cette génération, al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi (mort vers 170/786)8, qu’on est redevable du plus ancien recueil de proverbes arabes existant. Une fois encore, d’ailleurs, il paraît bien que ce travail — assez mince en son présent état — soit en fait l’œuvre d’un disciple9. À dire vrai, c’est beaucoup moins un recueil de dictons de l’Arabie ancienne que des ḫabar ou récits historico-légendaires colportés par voie orale, dont chaque épisode10 ou dont l’ensemble s’achève par la citation d’un proverbe11. Dès l’époque d’al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi, le dicton ou proverbe arabe apparaît donc lié à un contexte narratif rappelant un fait senti comme historique. Dès cette époque aussi, s’affirme la notion que le dicton ou proverbe cité a été « lancé » pour la première fois dans les circonstances que rappelle le récit. Dans l’état actuel des données remontant à al-Mufaḍḍal ad-Ḍabbi, on ne peut décider si cela est imputable à cet auteur ou à ses informateurs bédouins. En tout état de cause, on est cependant admis à conjecturer que la tradition bédouine est à l’origine de cette présentation et de cette tendance.
3Parmi les grammairiens iraqiens, appartenant à la génération postérieure à celle d’al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi, nombreux sont ceux qui, à leur tour, ont composé des recueils de proverbes. Si, semble-t-il, ceux d’al-Farrâ’ (mort en 207/822), d’al-Aṣma‘i (mort en 213/828), d’Abû ‘Ubayda (mort vers 210/815), d’Ibn as-Sikkît (mort en 246/ 860)12 ne nous sont point parvenus, nous possédons encore celui d’Abû ‘Ubayd al-Qâsim b. Sallâm (mort en 223/837), qui au demeurant est fort mince13.
4A partir de la seconde moitié du iiie/ixe siècle, à mesure que la civilisation islamique s’écarte davantage de l’« arabisme » originel, la collecte, semble-t-il, change de caractère. Par voie de conséquence, les matériaux qui s’offrent alors pour l’étude de l’ancienne littérature proverbiale sont d’une utilisation plus délicate. Notre documentation en effet, désormais, est de seconde main14. Tel est le cas du Kitâb al-Fâḫir d’al-Mufaḍḍal b. Salama (mort à la fin du iiie/ixe siècle), conservé seulement d’après les dictées de cours (imlâ’) du polygraphe Abû Bakr aṣ-Ṣûli (mort en 336/946)15, dont l’une des principales sources est précisément le recueil d’al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi16. De seconde main sont aussi les listes de proverbes qu’on rencontre dans certains livres d’adab, en particulier dans le ‘Iqd du musulman espagnol Ibn ‘Abd Rabbih (mort en 328/940)17. Dans ce dernier ouvrage, les proverbes, sans souci d’époque, sont groupés, selon leur portée, sous diverses rubriques : discrétion, ruse, prudence, bavardage et autres sujets de la morale pratique.
5A partir du ive/xe siècle, s’offrent à nous des compilations qui, tout autant qu’un complément, sont une mise en ordre des matériaux déjà rassemblés. Au polygraphe d’origine persane Ḥamza al-Iṣfahâni (mort avant 361/971)18 appartient un recueil encore inédit contenant des dictons en forme d’élatif de comparaison : plus généreux que..., plus courageux que... Bien que fort utilisé par la suite, ce travail présente l’inconvénient de mêler les proverbes archaïques à ceux d’époque plus récente. C’est pour pallier cette confusion qu’un autre érudit, al-‘Askari (mort en 395/1005)19, compose un dictionnaire des proverbes anciens, rangés en gros selon l’ordre alphabétique20. L’auteur utilise le recueil de Hamza, d’où il élimine les éléments postérieurs en se fondant sur des critères qu’il ne précise pas21. Dans une très large mesure, les données d’al-‘Askari rejoignent celles du Kitâb al-Fâḫir d’al-Mufaḍḍal b. Salama. Toutefois, au lieu de référer à cet ouvrage, il indique les sources mêmes du Kitâb al-Fâḫir. Bien que tardif, le dictionnaire d’al-‘Askari conserve donc une grosse valeur d’information pour l’étude qui nous occupe. Tel quel, il a cependant perdu pour nous un peu de sa valeur primitive du fait de l’existence d’un autre ouvrage plus récent, le Maǧma‘ al-amṯâl du Persan al-Maydâni (mort en 518/1124)22. Grâce à ce dictionnaire en effet, nous disposons, sous forme d’extraits, d’une partie des traités d’al-Farrâ’, d’Abû ‘Ubayda, d’al-Aṣma‘i et de bien d’autres aujourd’hui perdus23. Ici encore, les proverbes sont rangés selon un ordre alphabétique d’ailleurs assez peu strict ; à chacune des 28 sections correspondant aux 28 lettres de l’alphabet arabe, s’en trouvent annexées une 29e, sur les « Journées des Arabes » et les « Journées de l’Islam » et une 30e contenant les sentences morales attribuées à Mahomet ; les 28 sections alphabétiques sont divisées à leur tour en trois sous-sections : la première contient les adages et proverbes considérés comme anciens, la deuxième, ceux en forme d’élatif de comparaison, la troisième, les dictons et proverbes islamiques étrangers au domaine arabe (amṯâl al-Muwalladîn). Cette composition, aussi factice que peu pratique, se fonde sur des critères sans doute analogues à ceux d’al-‘Askari, sur lesquels on aimerait à être éclairé.
6Il serait possible d’allonger la liste des compilations propres à compléter notre information sur l’ancienne littérature proverbiale24. A voir cependant combien maigre et suspecte est la collecte faite par Freytag, dans ce domaine25, il semble qu’on puisse arrêter la quête au dictionnaire d’al-Maydâni qui, on vient de le voir, ne fait lui-même trop souvent que reprendre des informations plus anciennes et mieux datées.
7De l’examen des ouvrages énumérés, se tirent un certain nombre de constatations intéressantes pour la présente étude.
8En premier lieu, le terme maṯal, chez ces auteurs, est rarement pris avec le sens de parabole et, quand cela se produit, c’est par suite d’une confusion26. En revanche, le terme s’applique assez souvent à un aphorisme attribué à un personnage ou à un sage historique ou légendaire comme Mahomet, ‘Ali, Luqmân, Akṯam, Buzurgmihr. Bien plus fréquemment aussi, le substantif maṯal désigne soit un dicton ou un proverbe, soit une parole mémorable, une sorte de mot historique proféré lors d’un événement singulier, réel ou imaginé. Parfois enfin, le terme désigne une locution idiomatique, voire une formule bénéfique ou maléfique, donc une expression rendue obscure par son archaïsme, telle par exemple la locution :
mâta ḥatfa anfi-hi « il est mort de mort naturelle »27.
9Ce glissement de sens du terme maṯal n’est d’ailleurs pas aussi inexplicable qu’on pourrait le croire. Comme pour un dicton, il s’agit en général d’une formule très courte28 qui, en outre, s’accompagne d’un récit historique ou légendaire destiné à en éclairer le sens. Tel est le cas de l’expression :
hum akalatu ra’s « ils sont une poignée »29
10Dans toutes ces acceptions, notons-le, le terme maṯal caractérise une formule presque toujours brève, d’essence populaire, dépouillée de la recherche stylistique purement personnelle qui est propre à la sentence ou à la maxime (ḥikma, pl. ḥikam). Il serait d’ailleurs intéressant de retrouver, dans la langue de la seconde moitié du iie/viiie siècle, le moment où les substantifs maṯal et hikam se distinguent sans s’opposer30.
11En second lieu, al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi et ses successeurs ont-ils procédé à cette collecte des dictons arabes uniquement à cause de la sapience qu’ils y trouvent ? C’est fort douteux. Ces érudits sont avant tout des grammairiens, des lexicographes et des « logographes ». Leur quête est dominée par la chasse à l’allusion décelée dans un poème archaïque, par la recherche du ġarîb, du mot ou de la locution rares qu’ils recueillent de la bouche d’informateurs bédouins. Elle s’intègre donc dans une activité complexe et, notamment, dans la collecte des ḫabar ou données historico-légendaires sans laquelle nul poème d’époque archaïque n’est totalement compréhensible31. Que certains de ces savants se soient avisés de grouper des ḫabar contenant des proverbes ou bien qu’inversement un intérêt plus poussé pour ces dictons les ait conduits à retrouver les ḫabar dans lesquels les informateurs bédouins les communiquaient, il est difficile d’en décider. Peut-être doit-on poser qu’en principe tout se réduit à une disposition psychologique, à une sorte d’horreur du vide : tout adage offrant un sens obscur, une tournure énigmatique, une allusion à un personnage historique ou légendaire, déclenchait soit chez l’informateur bédouin, soit chez l’enquêteur lettré le désir aussitôt satisfait de posséder un récit étiologique, historique ou pseudo-historique. Ce besoin de découvrir l’origine des proverbes ne procède cependant pas uniquement d’une naïve ou vaine curiosité. Plusieurs générations séparent le temps où ces adages et dictons étaient compris en gros et le moment où les savants iraqiens commencent à les recueillir. Pour les citadins de Bassora, de Coufa ou de Bagdad, la majorité de ces proverbes et dictons était incompréhensible, tant du fait du vocabulaire bédouin que de celui des allusions folkloriques ou semi-historiques. Il nous apparaît certes très inutile de découvrir un événement particulier à l’origine du proverbe :
’âkulu laḥmî wa-lâ ada‘u-hu li-’âkil « je mange ma [propre] chair, mais ne la laisse à nul [autre] mangeur » 32.
12Il devient tentant de déceler l’anecdote qu’on croit sentir dans le dicton :
bânat wugûhu l-yatâmâ « les visages des orphelins sont apparus »33.
13On cède à cette tentation devant les proverbes :
qad ḥîla bayna al-‘ayri wa-l-nazawân « obstacle fut mis entre l’onagre et l’attaque »34.
lâ af'alu-hu ḥattâ tarǧi‘a ḍâllatu Ġaṭafân « je ne le ferai pas avant que revienne la chamelle égarée des Gatafân »35.
14Il convient de n’y point résister devant des dictons comme les suivants dont soit le vocabulaire, soit un détail de la forme, soit aussi la portée réclament un commentaire :
li-kulli ṣâqiṭa lâqiṭa « à toute [parole] inopportune, [âme] qui la ramasse »36.
izlâmma l-Ma‘addiyyu wanafar. « rapide a été le Ma'addite et il l’a emporté»37.
al’amu min(a) l-baram. « plus ladre que celui se tenant hors du maysir »38.
kullu šâtin bi-riǧli-hâ mu‘allaqa « toute brebis est par sa patte suspendue » (= on doit subir tout le poids de ses fautes, de même que, chez le boucher, tout le poids d'une bête égorgée porte sur la patte par laquelle elle est suspendue)39.
15Nous disposons seulement de rares repères pour mesurer le degré de compréhension de ces dictons, dans les milieux citadins. Dès la fin du iiie/ixe siècle, le vulgaire ne devait plus guère les comprendre40. Dans un cercle de grammairiens contemporains d’Ibn as-Sikkît,
muṯqalun ista‘âna biraqabati-h « [chameau] surchargé s’aide de son cou [pour se dresser] » [= il est vain de s’aider d’un plus faible que soi]
16est un proverbe immédiatement saisi dans sa lettre et son esprit ; un siècle plus tard, il réclame un commentaire41. Par une fatalité presque inéluctable, cédant à sa nature comme à la pression de son auditoire ou de ses lecteurs, le « collecteur » de proverbes anciens devait donc aussi s’en faire le commentateur.
17Tant que l’érudit s’en tient à un commentaire grammatical et philologique, il se montre prudent, scrupuleux, réservé. Devant le dicton :
a‘ṭâ min ‘aqrab a) « plus grand donateur que ‘Aqrab »,
b) « plus nocif que scorpion »42,
18il hésite, avance en général des interprétations entre lesquelles il ne se prononce qu’à regret43.
19Dès al-‘Askari aussi, la question s’est posée de distinguer dans la masse des proverbes recueillis ceux qui appartiennent au fonds arabe et ceux qui sont introduits dans la langue par les nouveaux convertis.
20Ce travail de discrimination a-t-il été fait dans des conditions satisfaisantes pour notre critique ? La réponse à cette question ne saurait être que négative. Les critères qui ont guidé les « collecteurs » de proverbes restent incertains, mal étayés. Parfois un emploi chez un poète du iie ou du iiie siècle de l’hégire leur semble une preuve suffisante44, mais dont nous ne saurions nous contenter. Le vocabulaire constitue certes en bien des cas un élément de discrimination. Ainsi :
laysa l-ša’miyyu li- irâqiyyî bi-rafîq « le Syrien n'est pas compagnon de l'Iraqien »45.
21Toutefois, dans des proverbes comme ceux-ci :
farra mina l-mawti wa-fî l-mawti waqa‘ « il a fui devant la mort et, dans la mort, est tombé »,
fi nuṣḥi ḥummatu l‘-aqrab « dans son dévoué conseil est la brûlure du scorpion »46,
22il est assurément téméraire d’affirmer qu’on ait des adages islamiques. Toute cette partie du travail interprétatif des érudits musulmans est donc sujette à caution. Fondée sur un sentiment de la langue bien plus que sur une analyse des termes et de leur valeur dans le temps et dans l’espace, la discrimination entre proverbe archaïque et proverbe islamique appelle d’expresses réserves. Comparée néanmoins à leur recherche des origines de ces proverbes, elle mérite encore de conserver notre estime.
23C’est en effet lorsque l’érudition musulmane s’est employée à déceler l’origine des proverbes archaïques qu’elle a le plus accumulé de résultats décevants. Pour elle, avant tout, la grande affaire est de circonstancier le proverbe, de mettre dans la clarté de l’histoire les personnages qui y sont mentionnés, de retrouver l’auteur du proverbe ou, pour reprendre l’expression reçue, celui qui le premier le « lança »47. Que cette quête ait abouti à la conservation de légendes, de fables souvent fort savoureuses et riches d’indications sur le folklore arabe du ier/viie siècle, nul ne le conteste. Que nombre de vieux dictons aient servi de trame à des récits semi-historiques ainsi promus à une plus longue transmission, on est admis souvent à le penser48. Songeons toutefois au prix dont sont payés ces avantages. De laborieux efforts sont déployés pour établir la réalité historique des Gribouille et Jocrisse arabes49. De patientes recherches se traduisant par l’accumulation de données contradictoires aboutissent à la conclusion prévue, que l’on ignorera à jamais l’origine réelle du proverbe :
mâ yawmu Ḥalîmata bi-sirr « la journée de Halîma n'est point un secret »50.
24Des réserves identiques s’imposent à l’égard des adages « lancés » par des personnages célèbres. Dans ceux attribués au « Sage des Arabes », Akṯam b. Ṣayfi51, s’exprime une sapience dont il serait bien téméraire d’affirmer qu’elle est typiquement arabe, comme, par exemple :
Pénurie est pénurie d’intelligence.
Qui se contente de son état est en joie.
Témérité vient avant regret52 .
25De même, dans les adages attribués à Mahomet53 ainsi qu’à des hommes illustres du début de l’Islam, tels Abû Bakr54, ‘Umar55 et surtout ‘Ali56, il est constant de retrouver des ḥadîṯ auxquels leur contenu parénétique a valu un sort particulier57. La gratuité de l’attribution d’un adage de cette nature à un personnage de cette époque éclate dans un fait certainement non isolé. La sentence :
Ne saurait périr l’homme qui connaît sa mesure
26est attribuée à la fois à Akṯam et au Prophète de l’Islam58. Comme d’ailleurs dans l’ensemble de la Tradition, la critique interne révèle, parmi ces adages, des dissonances fort curieuses ou l’indice de l’époque où ils furent forgés59. En tout état de cause, on sent combien, pour l’enquête qui nous occupe, l’utilisation de ces adages pose de problèmes sinon insolubles, du moins délicats.
27À cet égard, nous sommes presque heureux quand nous nous trouvons devant un dicton dont l’origine est restée mystérieuse aux auteurs musulmans, uniquement parce que ceux-ci, abusés par leurs informateurs, sont passés à côté de l’interprétation la plus simple. Brockelmann en a donné un amusant exemple60. En voici un autre dans le dicton :
wafaqa šannun ṭabaqah a) « Les Šann [nom de tribu] ont été à la hauteur des Tabaqa [nom de tribu] ».
b) « Šann [nom d'homme] a connu l'harmonie avec Tabaqa [nom de femme] ».
c) « Outre [usée] va à son enveloppe »61.
28La dernière interprétation est-elle la bonne ? Nul n’en saurait jurer. À coup sûr, en tout cas, elle est loin de pouvoir déclencher, chez les « transmetteurs », un débordement d’imagination comparable à la deuxième qui provoque un récit charmant sur le thème du « Faux Naïf ».
29Par l’exemple qui précède, on touche au surplus à un mal beaucoup plus profond qu’une simple erreur de méthode. Ce qui en effet est en cause, c’est l’usage même du proverbe. Dans quelles circonstances les Bédouins du domaine arabe citaient-ils ces proverbes ? Les érudits du iiie/ixe siècle ne s’en inquiètent que secondairement et dans le cas, par exemple, où le sens du proverbe est en jeu. Ainsi, devant l’énigmatique dicton :
mâ’un wa-lâ ka-Ṣaddâ’ « eau, mais non comme Ṣaddâ’ »,
30Abû ’Ubayd commente : « C’est un proverbe arabe appliqué à deux hommes tous deux pleins de mérite, mais dont l’un cependant l’emporte sur l’autre »62. Cette précaution de définir la portée des proverbes recueillis, donc d’en fixer l’emploi, ne s’affirme vraiment, dans l’état de notre documentation, qu’avec al-Mufaḍḍal b. Salama. C’est toutefois seulement, semble-t-il, chez al-‘Askari que l’attention se concentre en premier lieu sur l’emploi des dictons63. C’est l’attitude qu’observera aussi al-Maydâni. Malheureusement, à l’époque où cette considération devient primordiale, il est souvent trop tard pour retrouver les circonstances où certains proverbes étaient cités. Deux exemples, pris entre bien d’autres, feront sentir cette défaillance. Recherchant l’origine du proverbe :
mâ warâ’a-ka (ou : ki) yâ ‘Iṣâm ! « que [tiens-tu] derrière toi ? ô ‘Iṣâm ! »
31al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi donne deux récits différents du « lancement ». Dans le premier, c’est un amoureux qui interroge une femme envoyée pour sonder le dessein d’une jeune fille aimée de lui ; le sens est donc banal : « Qu’as-tu à m’apprendre, ô Iṣâm ? » Selon la seconde version, c’est un poète éconduit qui interroge le chambellan d’un roi de Ḥîra ; d’après nos auteurs, toujours disposés à « solliciter » un texte pour lui faire rendre un sens, le dicton signifierait : « [Ce n’est pas toi, que je blâme], ô ‘Iṣâm ! mais ton maître qui est derrière toi »64. Dans un cas comme dans l’autre, qui oserait affirmer qu’on peut actuellement deviner les cas où les Arabes du ier/viie siècle employaient ce proverbe ? Plus typique est à cet égard un autre dicton extraordinairement vivant puisqu’il se retrouve au Caire, à notre époque65. Il s’agit de celui-ci :
‘iš raǧaba(n), tara ‘aǧaba(n) « vis [le mois de] raǧab, tu verras merveille ».
32Le mot aurait été « lancé » dans la circonstance suivante : Un chef bédouin, al-Ḥâriṯ b. ‘Abbâd, devenu vieux, se sépara de sa jeune femme qui ne tarda pas à se remarier. Comme elle témoignait beaucoup d’amour à son nouvel époux, celui-ci, avec malignité, le dit au vieux bédouin. « Vis [le mois de] raǧab, tu verras merveille », répliqua ce dernier66. Faut-il comprendre, avec al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi : « Vis le mois de raǧab, puis encore un autre, puis d’autres encore, et tu verras ce qui restera de l’amour de ta belle » ? C’est assurément ce que le récit permet d’inférer, et c’est d’ailleurs à cet effet qu’il a été donné par al-Mufaḍḍal. Tout se réduit donc à savoir la valeur historique de cette donnée. Comme tout y est suspect, jusqu’au nom du chef bédouin (probablement l’ancêtre éponyme du clan des Ṯa‘laba), il faut chercher ailleurs les cas d’emploi du proverbe. Freytag pense que le dicton est à rapprocher de :
‘iš, tara mâ lam tara « vis, tu verras ce que tu n’as point vu »67.
33La similitude des deux adages n’est évidente qu’à la condition de faire abstraction du terme raǧab, or celui-ci semble essentiel. On peut se demander s’il ne faudrait pas plutôt songer à un autre dicton :
al-‘aǧabu kullu l-‘aǧab bayna ǧumâdâ wa-raǧab ! « merveille des merveilles, entre [le mois de] ǧumâdâ et [celui de] raǧab ! »68.
34Il est vrai que ce rapprochement soulève plus de questions qu’il ne fournit de réponses au premier problème, celui de la valeur de :
vis [le mois de] raǧab, tu verras merveille !
35Du moins, avons-nous ainsi le moyen d’échapper à l’explication paresseuse suggérée par le récit d’al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi. Au lieu d’un adage sur la fragilité de l’amour humain, peut-être avons-nous un dicton portant soit sur la trêve sacrée du mois de raǧab, soit sur les cérémonies du Pèlerinage Mineur (‘umra) tombant à ce moment de l’année69, soit enfin sur quelques observations empiriques en rapport avec le début de l’été. Sans doute ne convient-il pas de choisir entre ces hypothèses dont aucune n’est vérifiable de nos jours. À tout le moins cependant, pouvons-nous, en ce cas précis, souligner combien notre curiosité a été mal servie par les recherches des « collecteurs » arabes sur les proverbes d’allure énigmatique.
36Une dernière conséquence, celle-là absolument irrémédiable, reste à signaler. Quand nous lisons le recueil d’al-Maydâni, de beaucoup le plus complet, nous sommes consternés de n’y trouver presque aucun adage météorologique ou agricole. L’absence quasi complète de ces derniers est certes fort aisée à expliquer : une fois de plus, nous sommes devant cette manifestation maintes fois vérifiée, dans le Proche-Orient, du dédain dans lequel est tenu le travail de la terre ou de l’élevage du petit bétail70. Celle des premiers, au contraire, reste plus énigmatique. Dans les milieux des grands et des petits nomades, voire des semi-sédentaires cantonnés dans le domaine arabe, aux vie et viie siècles, ont certainement existé des dictons procédant d’observations empiriques, anciennes et contestables, sur le renversement des saisons, les météores, les signes avant-coureurs de l’orage, de la pluie, de l’ouragan de sable. Nombre de ces adages devaient encore être en usage au viiie siècle finissant, quand les « logographes » et les lexicologues iraqiens commencèrent à collecter les anciens proverbes, dans ces mêmes milieux. Faut-il chercher ces dictons dans les petits traités portant généralement le titre de Kitâb al-Anwâ’, « Livre des Levers cosmiques » ? Ce travail vaudrait d’être entrepris. Comme toutefois les quelques opuscules ainsi intitulés qui nous sont parvenus sont avant tout des calendriers agricoles à l’usage des paysans sédentaires, il reste évident que cette littérature, jusqu’à plus ample inventaire, offre seulement un moyen limité de combler la lacune née de l’incuriosité des érudits musulmans71. Une seule réponse semble pouvoir être avancée à la question que pose l’énig-matique attitude de ceux-ci. Cette réponse, au surplus, rejoint ce qui déjà a été énoncé : pour ces savants, la préoccupation essentielle a été d’expliquer les termes rares contenus dans les proverbes, de retrouver les allusions vraies ou supposées qu’ils y découvraient, les circonstances occasionnelles de leur « lancement ». Les recherches sur ce dernier point ayant pris, dès le début, une primordiale importance et ayant conduit à retrouver, coûte que coûte, les ḫabar ou récits semi-historiques ou purement légendaires sur l’origine des proverbes archaïques, les érudits iraqiens — on est admis à le supposer — n’eurent presque aucun souci des dictons bédouins relatifs à la météorologie. Quelle que soit d’ailleurs la valeur de cette hypothèse, un fait demeure : toute une partie de la littérature proverbiale des Arabes des vie et viie siècles est perdue pour nous, avec tout ce qu’elle devait contenir d’indications sur les réactions des hommes devant les phénomènes de la nature.
37Si l’on s’est étendu sur les insuffisances et les lacunes de la collecte des dictons opérée par les érudits musulmans, c’est avec l’intention d’y découvrir les éléments susceptibles de servir à l’étude de la littérature sapientiale à l’époque archaïque. La première question, qui est capitale, est d’arriver à cerner au plus près la période durant laquelle les dictons et proverbes furent d’usage populaire.
38À quoi bon le cacher ? Un examen des critères de datation capables d’être substitués à ceux utilisés par les auteurs musulmans du xe siècle conduit à l’aveu de notre incapacité de rien avancer de décisif. En somme, dans la plupart des cas, quand l’élément de datation est constitué uniquement par le vocabulaire, tout se réduit à conclure que le dicton considéré a chance d’être ancien parce que les termes y sont d’allure archaïque ou rappellent des faits de la vie bédouine. Qui ne saisit toutefois la précarité de tels critères ? Sans doute est-il impossible du suspecter le lieu où furent en usage des dictons comme :
man aǧdaba ntaǧa‘a « qui est dans la disette cherche pâturage »72.
mašâmu murbi‘in ra‘â-hu muṣîf « lieu arrosé [possession] de qui a des bêtes mettant bas au printemps a servi de pâture à celui dont les bêtes mettent bas l'été » [= tel ne tire nul profit d'un bien dont un autre tire avantage]73.
muḫranbiqun li-yanbâ‘ « baissant la tête pour bondir »74.
39Sans nul doute, des proverbes comme ceux qui précèdent portent leur cachet d’origine. Leur aire d’emploi ne fait point non plus difficulté. Rien toutefois ne s’y décèle qui puisse en délimiter l’usage dans le temps. Tout au plus est-on admis à dire que, vu la remarquable permanence du milieu bédouin, rien ne s’oppose à ce que ces adages aient été employés cinq ou six générations avant l’époque où, pour la première fois, ils furent recueillis par les savants iraqiens.
40Si ni le vocabulaire ni la syntaxe75 ne constituent des critères décisifs pour dater l’emploi des proverbes considérés comme anciens par les auteurs musulmans, les récits transmis par ceux-ci sont-ils de meilleur aloi ? Dans la plupart des cas, on l’a dit, il faut répondre par la négative. Dans certains, au contraire, on aurait tort de systématiquement dénier toute valeur à ces données. Trop souvent sans doute, elles posent trop de problèmes insolubles pour qu’il soit sage d’en faire état, tel, par exemple, le récit fort bien constuit et assez irrévérencieux mis dans la bouche d’Ibn ‘Abbâs et s’achevant sur le « lancement » du truisme suivant par le futur calife Abû Bakr :
inna l-balâ’a muwakkalun bi-l-manṭiq « l'épreuve est liée au discours »76.
41Il reste toutefois une masse assez considérable de données narratives qui sont très certainement l’écho de récits archaïques. Telles sont celles qui attribuent l’origine de l’adage à des personnages de la cour des rois lahmides de Ḥîra. Telles sont également celles où le « lancement » du dicton remonterait à un ancêtre éponyme, en sorte qu’elles paraissent avoir pour terminus a quo l’adoption d’une fiction généalogique à la fin du ier/viie siècle77. L’utilisation de ces récits demeure chaque fois très délicate et ne peut conduire qu’à des hypothèses.
42Il en va différemment des proverbes, assez nombreux, qui contiennent soit des noms de lieux, soit une allusion à un personnage célèbre, historique ou légendaire. Dans ces cas, en effet, l’indication ne résulte ni d’une interprétation ni d’un témoignage tiré d’un récit suspect. Des dictons comme :
aṭqalu min Tahlân (- min Naḍâḍ, - min ‘Amâya) « plus écrasant que le [mont] Tahlân » (ou : que le Naḍâḍ, ou : que le ‘Amâya)78,
43impliquent une aire d’emploi limitée dans l’espace ; ils supposent aussi une compréhension immédiate qui fait défaut en milieu iraqien, au iie/viiie siècle. Il en va de même pour des dictons comme les suivants :
aḥlamu min al-Aḥnaf « plus longanime qu'al-Aḥnaf »79.
aṭma‘u min Aš‘ab « plus avide qu'Aš‘ab »80.
afrasu min Bisṭâm « plus héroïque que Bisṭâm »81.
44Primitivement, on peut le supposer avec Brockelmann82, les dictons comme le dernier cité n’eurent d’emploi que dans la tribu du héros devenu proverbial. Comme, d’autre part, il s’agit toujours de personnages antérieurs ou de peu postérieurs à la prédication de l’Islam, on voit que l’usage de ces dictons a seulement dû se maintenir grâce à des survivances tribales allant en s’affaiblissant ou grâce à des citations de poètes et d’auteurs divers83. Avec des proverbes de ce genre, nous nous trouvons certes sur un terrain solide. Sans doute même a-t-on possibilité d’aller jusqu’au tuf, avec les rares dictons faisant allusion, sans ambiguïté, à une coutume prohibée par l’Islam. Tel est notamment :
muǧîlu l-qidḥi wa-l-ǧazûru tarta‘ « passant les flèches [du jeu de maysir] alors que la bête à égorger est [encore] à pâturer »84.
45C’est également d’un fonds très ancien que procèdent encore les adages sur des personnages de la vieille Arabie, célèbres pour quelque défaut et souvent affublés de noms comiques. Tels sont par exemple :
aṭma‘u min Falḥas « plus avide que Falhas »85.
aḥmaqu min Duġa (- min Ḫuḏunna) « plus sot que Duģa » (ou : que Ḫuḏunna)86.
Aǧwa‘u min kalbati Ḥawmal « plus affamé que la chienne de Ḥawmal »87.
46Il est cependant évident que des proverbes de ce genre sont relativement peu nombreux et que la possibilité de localisation, dans le temps et l’espace, de la plupart des dictons jugés archaïques par les auteurs musulmans reste en somme assez peu fréquente. Pour une étude sur l’ancienne littérature proverbiale, il convient donc de se tenir dans les limites de l’admissible et du probable. Dans les observations qui suivent, on fera usage, en conséquence, presque uniquement des adages qui, à des degrés divers, présentent un cachet archaïque suffisamment apparent pour ne point être récusé.
47Comme les nôtres, les proverbes arabes d’époque archaïque se distinguent par un certain nombre de traits qui en assurent à la fois la diffusion et la survie.
48Les caractères purement formels sont les plus immédiatement perceptibles. Brièveté, concision sont naturellement les traits saillants du plus grand nombre de ces adages. Ainsi, entre maints autres proverbes :
al-ḥarbu ġašûm « la guerre est injuste » [car elle frappe tout le monde, même les innocents].
uḥsu wa-ḏuq « hume et goûte ! » [= quand le vin est tiré, il faut le boire].
da‘(i) l-qaṭâ, yanam « laisse le ganga, il dormira » [= n’excite point la bête].
aḏ-ḏawdu ilâ d-dawḏi ibil « quelques chameaux [joints] à quelques chameaux font [multitude de] chameaux » [= les petits ruisseaux font les grandes rivières].
kullu mamnû‘ matbû‘ « [chose] interdite, [chose] désirée ».
kâna ‘anzan fa-stataysa « chèvre, il est devenu bouc ».
kâna ḥimâran fa-sta’tana « onagre [mâle], il est devenu femelle »88.
49Comme on peut le voir par les deux derniers exemples, le génie de la langue favorise à merveille la tendance sui generis à la concision de cette littérature.
50Sans y insister, on signalera, dans les adages d’allure archaïque, le fréquent usage qui est fait d’apostrophes à un interlocuteur fictif — ce qui est très explicable — et, aussi d’apostrophes à une femme — ce qui est plus surprenant89. En revanche, on notera l’emploi attendu du sag’ ou prose rimée. Dans ce sens, la structure et les ressources de la langue permettent d’aller beaucoup plus loin que ne le marquent nos proverbes français90. Parfois, tout se borne simplement à une allitération par reprise d’une même consonne :
yâ ṭabîbu ṭibba nafsa-k « médecin ! soigne-toi toi-même ! »
aqṣar lammâ abṣar « il coupa court, quand il vit [la vérité] »91.
51Plus fréquemment, l’effet provient à la fois de ce procédé et de l’apparition d’une rime réelle jointe à une extrême concision :
man ‘azza bazza man ḥabba ṭabba « qui est puissant dépouille » « qui aime soigne »92.
52Si des formules aussi condensées demeurent exceptionnelles, en revanche, de nombreux proverbes offrent des exemples de parallélismes fort savants. Tels sont, pour n’en citer que quelques-uns :
la tahrif bi-mâ la ta‘rif « ne bavarde pas de ce que tu ne sais pas ! »93.
li kulli ǧawâdin kabwa wa-likulli ṣârimin abwa « tout [bon] coursier peut broncher et tout sabre tranchant peut porter à faux »94.
marratan ‘ayš, wa-marratan ǧayš « parfois vie [paisible], parfois armée »95.
53Quelquefois, certains proverbes archaïques semblent avoir été empruntés à des poètes. Ainsi l’hémistiche d’un vers d’al-Nâbiga al-Ḏubyâni :
nafsu ‘Iṣâmin sawwadat ‘Iṣâma « la [grande] âme de ‘Iṣâm a donné le commandement à ‘Iṣâm » [= tu dois tout à ton mérite]96.
54La forme versifiée de tels dictons a pu assurément en favoriser la diffusion, mais le plus souvent il est permis de se demander si, en fait, il n’y a pas eu plutôt reprise poétique d’un adage populaire. Ce cas est donc à considérer avec circonspection.
55À côté de ce facteur de conservation si puissant que fut l’allure stylistique des vieux adages, on doit en signaler d’autres qui mettent en jeu un mécanisme intellectuel différent.
56Toute citation de proverbe déclenche, chez celui qui la fait et chez celui qui l’entend, un rapprochement analogique entre la situation évoquée par l’adage et l’état ou l’événement ayant provoqué la citation. L’accent peut être mis, dans l’adage lui-même, sur l’analogie des deux termes rapprochés. Pour cela, la langue arabe dispose de ressources, peu variées sans doute, mais qui en revanche accentuent la concision de la formule ou en marquent le balancement. Parmi ces procédés, le plus aisé est naturellement la comparaison.
ka-muǧîri Ummi ‘Amir « comme qui donna asile à l'hyène ! » [=comme qui couve un serpent].
Ka’anna-hum kânû ġurâban wâqi‘a « comme s’ils étaient corbeau se posant » [= ils n'ont fait que passer],
kâna miṯla ḏ-ḏubḥati ‘alâ n-naḥr « c’est comme angine ( ?) à la gorge » [= c’est un mal qui ne quitte pas]97.
57Exista-t-il, à l’époque qui nous occupe, des adages du type suivant ? C’est très probable si l’on tient compte du terme qayn « forgeron », tombé en désuétude :
maṯalu l-ǧalîsi as-sû’i ka-l-qayni : in lam yuḥarriq ṯawba-ka bišarrâri-hi, yu’ḏi-ka bi-duḫâni-h. « l’image du mauvais compagnon est celle du forgeron : s’il ne brûle pas ton vêtement de ses étincelles, il t’incommode par sa fumée »98.
58Des proverbes de ce genre sont toutefois rares dans nos recueils99, peut-être à cause de leur longueur qui en rend difficile la diffusion, peut-être aussi parce qu’il s’agit beaucoup plus d’une création individuelle que d’une sentence populaire, enfin parce que la forme confine de fort près à celle de la parabole100.
59On a déjà signalé la place occupée dans les recueils de Ḥamza al-Iṣfahâni, d’al-‘Askari et d’al-Maydâni par des adages contenant un élatif de comparaison :
Plus sot que Habannaqa !
Plus rapide que langue de lézard101 !
60Ce procédé qui met en jeu une des ressources les plus spontanées de la langue arabe semble avoir grandement contribué à la conservation d’une foule de dictons d’ordre concret, familiers jusqu’à la trivialité102.
61Fort différent est le cas des innombrables proverbes contenant soit un nom de personnage, soit un toponyme, soit un terme ou une locution énigmatiques. Dès le départ, ces traits condamnaient l’adage à un emploi restreint à un cadre tribal ou géographique et en subordonnaient la survie à toutes sortes de hasards, en particulier à la curiosité des érudits musulmans. Nous n’avons plus aujourd’hui la possibilité de vérifier la fréquence d’emploi de tels proverbes, dans les centres urbains d’Iraq ou de Syrie, au cours du iie/viiie siècle et du suivant. Tout incite à penser qu’elle était faible103. On a cependant lieu de croire que, dès cette époque, un choix s’était fait, dans ces vieux proverbes, favorisé par des causes multiples : forme stylistique, particularités du vocabulaire, mention de personnages devenus légendaires, qualité de celui à qui l’on attribuait le « lancement » de l’adage. La part prise à la conservation de certains par les poètes et les écrivains ne saurait être minimisée. Pour un dicton aussi typiquement bédouin et aussi totalement incompréhensible à un citadin que :
anâ ǧuḏaylu-hâ l-muḥakkak « je suis son petit pieu frotté » [= je suis l’homme de la situation]
62le succès de la survie revient, nul n’en doute, au pédantisme conservateur des beaux-esprits d’Iraq et d’ailleurs104. On mesure donc une fois encore de quelle importance ont été la transmission orale et la rigueur suspecte de la fixation écrite, pour cette littérature proverbiale.
63Dans nos recueils, la même idée se trouve fort souvent exprimée dans plusieurs dictons offrant tous un terme identique, celui même qui note le concept. Le fait est fréquent en particulier dans les dictons contenant un élatif introduisant une comparaison avec des personnages fameux ou avec des animaux :
Plus long dans l’agonie que lézard, — que vipère, etc.105
Plus fin que cheveu, — que fil, etc.106.
64Ce fait se retrouve aussi plus rarement dans les adages comme :
qabla r-rimâ’i tumla’u l-kanâ’in « avant de tirer à l’arc, les carquois sont emplis »
qabla r-ramyi yurâšu s-sahm « avant tir à l’arc, la flèche est empennée »107.
65Il semble que, dans tous ces cas, l’observation tirée de l’expérience ait été exprimée sous une forme multiple, par suite d’influences locales. Si l’hypothèse est correcte, la pluralité de proverbes sur un thème unique serait une conséquence de « la nature des choses ».
66Nombre de dictons, en revanche, offrent des variantes nées de l’usage. Tels sont ceux présentant une alternance par synonymie.
ašhâ min kalbati Ḥawmal « plus en appétit que la chienne de Ḥawmal »
67nous rappelle exactement le proverbe déjà cité, avec une modification de détail dont rien ne décèle la cause108. Parfois cependant, celle-ci se laisse entrevoir et l’on devine alors une intervention volontaire. Tel paraît avoir été le cas du dicton :
šabba ‘Amr ‘an(i) ṭ-ṭawq « ‘Amr est éphèbe pour le collier »109.
68À cette forme, peut-être primitive, en tout cas équivoque, semble en avoir été substituée une autre où disparaît l’ambiguïté du verbe šabba :
kabura ‘Amr ‘an(i) ṭ-ṭawq « ‘Amr est trop âgé pour le collier »110.
69Dans quelques cas, la variante peut résulter du diacritisme, ce qui révèle combien le proverbe est devenu l’apanage des seuls érudits. Ainsi, par exemple, on possède deux déchiffrements du dicton :
lâ yusmi‘u uḏunan ḫamša « il ne saurait faire ouïr à oreille bourdonnement [de moustique] » (= il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre).
lâ yusmi‘u uḏunan ǧamša « il ne saurait faire ouïr à oreille bruit léger »111.
70Parfois, c’est une bizarrerie de l’adage qui semble avoir donné le branle à l’ingéniosité des philologues. Le dicton suivant, par exemple, leur a semblé naïf :
aḥmaqu min râ‘î ḍa’nin ṯamânîn « plus sot que pasteur de quatre - vingts moutons »112.
71En quoi un tel fait dénote-il de la stupidité ? Abû ‘Ubayda, au iiie/ixe siècle, ne le voit pas. Al-‘Askari ne le conçoit pas davantage et s’interroge en outre sur ce nombre « quatre-vingts » qui, pour lui, reste une énigme. Avec Abû ‘Ubayda, il se demande, suivi plus tard par al-Maydâni, si la vraie forme du proverbe n’est pas :
aḥmaqu min ṭâlibi ḍa’nin ṯamânîn « plus sot que celui cherchant [à regrouper] quatre-vingts moutons ».
72Nos deux auteurs suggèrent enfin de se rallier à la variante du dicton proposée par al-Ǧâḥiẓ :
ašqâ min râ‘î ḍa’nin ṯamânîn « plus misérable que pasteur de quatre-vingts moutons »113.
73Il resterait cependant à déterminer si cette version n’est pas le résultat d’une correction d’ordre rationnel, destinée à faire disparaître l’étrangeté de la forme ahmaqu min... « plus sot que ». Il faudrait être également certain que, sous cette dernière forme, le dicton n’est pas l’écho pur et simple du mépris dans lequel le Bédouin tenait l’esclave chargé de la garde du petit bétail, comme l’indique un autre proverbe :
aǧhalu min râ‘î ḍa’n « plus fruste que pasteur de moutons »114.
74Il conviendrait d’ajouter enfin que le nombre ṯamânin « quatre-vingts » équivaut à « grand nombre », dans ce contexte, comme le démontre l’adage :
ašġalu min murḍi‘i bahmin ṯamânîn « plus occupé que celui qui fait téter quatre-vingts agneaux »115.
75En conclusion, les variantes proposées par les philologues, à partir du iiie/ixe siècle, paraissent sans objet ; elles trahissent simplement les hésitations suscitées par un proverbe qui signifie :
Plus sot que le misérable pasteur chargé de faire
paître un troupeau de moutons.
76Il reste un dernier problème qu’on voudrait ne pas laisser dans l’ombre. Dans les variantes soit spontanées, soit plus ou moins volontaires qui viennent d’être examinées, le squelette grammatical du proverbe, si l’on peut dire, n’est pas touché116. Or, de temps à autre, on peut rencontrer le même dicton sous deux formes dont on ne saurait dire si elles furent coexistantes ou furent le résultat d’une substitution. Ainsi, à côté du dicton :
anâ ǧuḏaylu-hâ-l-muḥakkak « je suis son petit pieu frotté »,
77on rencontre aussi cette variante qui paraît plus archaïque :
inna-hu la-ǧiḏlu l-ḥikâk « en vérité, il est certes le pieu du frottement »117.
78De même, à côté du dicton :
wa‘du ‘Urqûb « promesse de ‘Urqûb » [= serment d'ivrogne].
79on note quelquefois la forme plus développée et plus intelligible :
mâ wa‘du-hu illâ wa‘du ‘Urqûb « sa promesse n’est que la promesse de ‘Urqûb »118.
80Tout se passe comme si, quelquefois, la formule recueillie par les érudits musulmans n’était qu’un condensé de traits plus vagues. Nous en trouvons un exemple dans le dicton :
ka-l-fâḫirati bi-ḥidǧi rabbati-hâ « comme esclave se glorifiant de la selle de sa maîtresse » [= tirer orgueil de la vaisselle de ses maîtres].
81Freytag donne deux citations, dont l’une du poète umayyade al-Ahtal, qui, certes, contiennent un rappel de l’idée mais n’évoquent que partiellement le texte même de l’adage119.
82Dans certains proverbes enfin, se relève un phénomène d’allongement interprétatif. Le point de départ, dans la mesure où notre documentation permet de raisonner ainsi, est un dicton court, non dénué d’obscurité, ce qui paraît avoir amené, ultérieurement, l’adjonction d’un bref commentaire d’allure sapientiale. Un premier exemple est représenté par le proverbe très énigmatique :
ǧalîsu s-sû’i ka-l-qayn « compagnon mauvais est comme le forgeron »120.
83On a vu qu’il existe une sentence d’où a disparu toute équivoque :
L’image du mauvais compagnon est comme [celle du] forgeron : s’il ne brûle ton vêtement de ses étincelles, il te nuit par sa fumée.
84Dans un autre exemple, apparaît un cas plus curieux encore. Le point de départ semble être un très vieil adage dont nous n’avons plus la forme exacte, mais qui aurait pu être :
utruk mâ lâ ya‘nî-ka « laisse ce qui ne te concerne pas ».
85Le sage Luqmân, d’après al-Maydâni, aurait proféré une maxime où ces termes se trouvaient. Al-Aḥnaf aussi aurait usé d’une sentence presque identique. Dans le recueil d’al-Maydâni, l’adage, attribué au Prophète Mahomet, a pris la forme :
min ḥusni islâmi l-mar’i tarkuhu mâ lâ ya‘nî-hi « laisser ce qui ne le concerne point participe de la bonne conscience islamique de l’homme »121.
86Dans la mesure où ces données méritent d’être tenues pour révélatrices, on suit grâce à elles le cheminement par lequel un adage sans doute réussit à s’insérer dans la morale pratique de l’Islam. Il y aurait certes grande hardiesse à penser que ce fait est isolé.
87Parvenu à ce point, une vue d’ensemble est permise qui laisse de côté les points réservés :
88La collecte faite par les érudits musulmans, à partir de la seconde moitié du iie/viiie siècle, est fragmentaire ; elle a laissé hors de son champ d’investigation la totalité des proverbes agricoles et a presque complètement ignoré les dictons des grands et petits nomades sur les faits de la nature ou de l’élevage. Accaparée par la recherche de l’allusion à des événements ou à des personnages historiques ou semi-légendaires ou totalement imaginaires, la quête de ces érudits s’est d’autre part trop souvent portée vers la recherche du récit étiologique et anecdotique, fournissant, croyait-on, la réponse au problème des origines des dictons recueillis. En dépit de ses insuffisances et compte tenu des précautions qu’elles imposent, le travail des érudits musulmans a mis cependant à la disposition du philologue arabisant une masse de dictons et de proverbes parmi lesquels subsistent une foule d’éléments archaïques. Ceux-ci ont été conservés grâce à certains traits formels : allitérations, usage de l’assonance ou de la rime, présence d’un toponyme, d’un nom de personne, emploi d’un mot tiré du vocabulaire bédouin, allusion à quelques fables, croyances ou usages de l’Arabie, vers les vie-viie siècles. L’examen de certains dictons ou proverbes révèle enfin le processus de mutation ou d’adaptation d’une forme littéraire essentiellement populaire à l’origine, mais tendant à se survivre par le zèle des érudits, le conservatisme des poètes et des écrivains, le pédantisme des beaux-esprits. Si marqués qu’ils soient par ce passage, les vestiges de cette littérature sapientiale conservent l’indéniable cachet du milieu bédouin qui les vit naître, et ils viennent compléter, sinon corriger, ce que le miroir déformant de la poésie dite « préislamique » représente pour nous si imparfaitement.
Notes de bas de page
1 Références :
‘Ask. = al-’Askari, Ǧamharat al-amṯâl, Bombay, 1307, 1 vol.
EI = Encyclopédie de l’Islâm, 1re éd., Leyde, 1913 suiv.
Fihrist = Ibn an-Nadîm, Kitâb al-Fihrist, éd. Flügel, Leipzig, 1871-2, 2 vol.
Freytag, I, II = W. Freytag, Arabum Proverbia, t. I, II, Bonn, 1838 (contiennent le texte arabe des proverbes d’al-Maydâni, avec trad, latine de ce texte et commentaire en latin tiré le plus souvent de cet auteur).
Freytag, III = W. Freytag, Arabum Proverbia, t. III, pars prior, Bonn, 1843 (contient le texte de proverbes, dictons et sentences tirés de divers auteurs tardifs).
Freytag, IV = W. Freytag, Arabum Proverbia, t. III, pars posterior (à la suite du précédent, avec nouvelle pagination), Bonn, 1843 (considérations et étude sur la littérature proverbiale des Arabes, en langue classique).
GAL = C. Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur, 2 vol., Weimar-Berlin, 1898-1902.
GAL, S. = G. Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur, Supplementband, 3 vol., Leyde, 1937 suiv.
‘Iqd = Ibn ‘Abd Rabbih, al-‘Iqd, éd. al-‘Uryân, Caire, 1940, t. III.
Lit. ar. = R. Blachère, Histoire de la Littérature arabe, 1 vol., Paris, 1952.
Mathal = C. Brockelmann, art. « Mathal », dans Encyclopédie de l’Islâm.
May. = al-Maydani, Maǧma‘ al-amṯâl, 2 vol., s.l. ni date [Boulaq, 1284].
Muf. = al-Mufaddal aḍ-Ḍabbi, Amṯâl al-‘Arab, 1 vol., pp. 1-86 (en tête du recueil), Istanbul, 1300.
Muf. Sal. = al-Mufaddal ibn Salama, al-Fâḫir, éd. Storey, Leyde, 1915.
Qâs. = Abû ‘Ubayd al-Qâsim ibn Sallâm, Amṯâl al-‘Arab, Istanbul, 1302/1885, pp. 1-16 (en tête du recueil).
Zam. = al-Zamahšari, al-Mustaqṣâ fî l-amṯâl, inédit, cité par Freytag. III, Transcription des proverbes. — Les flexions casuelles ou modales ont été maintenues sauf dans le dernier terme ou à la fin des clausules rimées, quand le proverbe en comporte.
2 On entendra par cette expression l’époque qui s’achève, aux environs de 50/670, par l’entrée en jeu d’influences qui n’appartiennent plus spécifiquement au domaine arabe. Cf. Lit. Ar., 83-4.
3 Ce qu’on avance ici n’est pas en contradiction avec l’affirmation des auteurs musulmans qui relèvent, dans le Coran, une foule de maṯal : ce terme, en effet, désigne les paraboles, les exemples invoqués pour frapper l’esprit des Infidèles. Cela ressort nettement d’ailleurs des traits coraniques relevés par May., I, 2, lig. 4 suiv.
4 Ainsi dans Coran, XVI, 94/92 : Ne soyez pas parjures, comme celle qui redéfaisait ce qu’elle avait filé, après [grand-] peine. L’expression : comme celle qui etc. serait un proverbe ; cf. Ṭabari, Ṭafsîr, XIV, 111, lig. 11 suiv. (avec deux données dont une d’as-Suddi) ; le sens du passage est toutefois à ce point confus que le même exégète cite d’autres données montrant qu’au iie/viiie siècle, certains traditionnistes-exégètes trouvaient là plutôt une parabole. Si la première interprétation est recevable, on a dans ce passage coranique une version arabe du thème de Pénélope.
5 Sur ce « transmetteur », cf. Lit. Ar., 95 et les références. Selon une donnée reproduite de génération en génération par les auteurs musulmans, ce personnage aurait été appelé à Damas par Mu‘âwiya et aurait communiqué oralement ce qu’il savait sur le passé historique et légendaire de l’Arabie méridionale.
6 Ibn an-Nadîm, Fihrist, 89 in fine suiv. A noter toutefois que le texte, visiblement altéré, ne permet pas de décider si l’ouvrage vu par cet auteur est bien celui de ‘Abîd b. Šarya et non celui d’un disciple.
7 Sur ce personnage, cf. Lit. Ar., 100 et note 1.
8 Ibid., 100 et note 4.
9 L’ouvrage a été transmis avec la « chaîne » suivante : aṭ-Ṭûsi > Ibn al-A‘râbi > al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi. Cf. Muf., 4. En fait d’ailleurs, la mise en œuvre des données recueillies par al-Mufaḍḍal s’est faite sans discrétion. Le fond des récits a sans doute été respecté, mais non la forme. Ainsi, dans un passage, p. 56, lig. 9, l’accent est mis sur une citation textuelle d’al-Mufaḍḍal.
10 Cf. par exemple le récit sur Mâlik b. Zayd-Manât, ou sur la Guerre d’al-Basûs ; Muf., 10, 55 suiv.
11 Cf. le récit d’un vol du brigand Sulayk ; op. cit., 14.
12 Mention est faite de ces recueils dans Fihrist, 67 lig. 7, 55 lig. 23, 53 lig. 24 et 54 lig. 14, 72 in fine. Une liste de treize auteurs (de la fin du ier/viie siècle jusqu’au milieu du iiie/ixe siècle) est donnée par Freytag, IV, 183-6.
13 L’ouvrage, imprimé à Istanbul en 1302/1885, en tête d’un recueil factice de maximes et de sentences, a sûrement joui d’une certaine vogue, à en juger par le nombre des manuscrits ; cf. GAL, I, 106 et Supp., I, 166. Il a été souvent utilisé, en particulier dans un recueil plus tardif ; cf. Freytag, III, Introd., vii suiv. et surtout ix suiv. dont les remarques doivent intervenir à propos de l’ouvrage édité et traduit par Bertheau, Liber proverbiorum Abû Obaid Elqasimi filii Elchuzzami (Göttingen, 1836).
14 Sur les compilations de la fin du iiie/ixe siècle et du suivant, cf. Freytag, IV, 186-7, nos 14-18.
15 Cf. éd. Storey, I où l’incipit porte qu’un inconnu dit qu’un certain Aḥmad b. ‘Ubayd Allâh, élève d’Abû Bakr aṣ-Ṣûli, a reçu l’ouvrage par imlâ’ de celui-ci, qui avait étudié le livre sous al-Mufaḍḍal b. Salama. Il n’y a pas à tenir compte du colophon, p. 260 de cette éd., qui fait d’Abû Bakr aṣ-Ṣûli un auditeur d’al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi. — Pour mémoire, on signalera que le K. al-Fâḫir figure aussi, en extraits, dans un recueil factice de littérature sapientiale édité à Istanbul (1301), sous le titre de Gâyat al-arab fî-mâ yaǧrî ‘alâ lisân al-‘âmma min kalâm al-‘Arab. Ce fait oblige à se demander si, durant la transmission, le caractère général de l’ouvrage n’a pas été transformé. Dans le Fihrist, 73, lig. 23 et 30, on trouve mentionnés : 1° un Kitâb al-Fâḫir ; 2° un Kitâb al-Fâḫir ft-mâ talḥan fî-hi al-‘âmma, « Le Livre Précieux sur les solécismes du Vulgaire ». S’agit-il de deux traités différents ou bien d’une note marginale insérée plus tard dans le corps du texte par un copiste ? L’hypothèse de deux ouvrages de même titre, outre qu’elle est peu plausible, est infirmée grâce à as-Suyûti, Buġyat al-wu‘ât, 396 lig. 10, qui, dans sa liste des écrits d’al-Mufaḍḍal b. Salama, mentionne uniquement un Kitâb al-Fâḫir fî laḥn al-‘âmma (sic). La variante du titre, dans le Fihrist et la Buġya, amène à penser : 1° que le titre indiscutable de l’ouvrage est Kitâb al-Fâḫir ; — 2° que la suite : fî-mâ talhan fî-hi l-‘âmma, ou fî laḥn al-‘âmma, est un simple sous-titre explicatif soit de l’auteur, soit de quelque autre ; — 3° que dans sa forme et son contenu, le Kitâb al-Fâḫir était à l’origine avant tout un traité sur la correction du langage dont nous avons tant d’autres spécimens ; — 4° que cet ouvrage apparaît seulement plus tard et dans l’adaptation d’Abû Bakr al-Ṣûli comme un simple recueil de dictons.
16 Ainsi Fâḫir, 47, 55, 59, 112 = Muf. Ḍabbi, I, 15, 80, 68, 54.
17 ‘Iqd, III, 2-78. La source essentielle est le recueil de proverbes d’Abû ‘Ubayda ; cf. ‘Iqd, III, 17 in medio (corriger dans ce sens l’indication d’ibid., III, 3 in fine, où le texte édité porte Abû ‘Ubayd).
18 Sur ce polygraphe surtout connu comme annaliste, v. Mittwoch, dans EI, II, 271. Sur ce recueil de proverbes, cf. GAL, Supp., I, 221.
19 Sur cet érudit, surtout connu par un traité de stylistique, v. GAL, I, 126 et Suppl., I, 193. L’ouvrage, intitulé Ǧamharat al-amṯâl, a été édité en marge de Maydâni, Maǧma‘ al-amṯâl (Caire, 1310) et à Bombay, 1307 (éd. lithographiée fort défectueuse).
20 En réalité, le recueil comprend 29 section : 28 correcpondent au nombre des lettres de l’alphabet arabe, mais une 29e s’intercale entre le hâ’ et le yâ’ et contient les proverbes commençant par la négation lâ. A l’intérieur de chacune des 28 sections alphabétiques, l’auteur a réservé, à la fin, une sous-section contenant tous les proverbes en forme d’élatif de comparaison. L’utilisation de ce dictionnaire n’est donc pas des plus pratiques.
21 ‘Ask., 3.
22 Sur ce compilateur, cf. Brockelmann, dans EI, III, 151 suiv. Le Maǧma‘ al-amṯâl a été édité à Boulaq, en 1284, à Téhéran (lithographié), en 1290, au Caire, en 1310. Freytag, Arabum Proverbia, I et II, se borne à donner le texte arabe du proverbe, d’après al-Maydâni, avec la traduction latine et l’adaptation également en latin du commentaire de cet auteur sur le proverbe.
23 May., I, 4 vers le bas, dit avoir consulté plus de cinquante ouvrages pour composer son dictionnaire et il énumère les traités d’Abû ‘Ubayda, d’al-Aṣma‘i, d’al-Qâsim b. Sallâm, d’al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi, d’al-Mufaḍḍal b. Salama. Dans les cas où ce dernier reproduit al-Mufaḍḍal aḍ-Ḍabbi, il n’est matériellement plus possible de savoir quelle est la source réelle d’al-Maydâni, car celui-ci, dans ce cas, se borne à préciser l’autorité citée, sans préciser s’il l’utilise directement ou non. Cela explique pourquoi, dans le commentaire des proverbes, on trouve des citations d’al-Kalbi, d’aš-Šarqi, d’al-Hayṯam, etc. En fait, il s’agit simplement d’extraits postérieurs tirés de ces auteurs anciens.
24 Sur ces compilations, contemporaines d’al-Maydâni ou postérieures à cet auteur, cf. Freytag, III, Introd., pp. vi, vii et aussi. Freytag, IV, 187-91 (dans la seconde liste figurent des compilations plus anciennes).
25 Cf. Freytag, III. Sur les 3321 adages recueillis par cet orientaliste, la plupart semblent postérieurs à la période qui nous intéresse. Beaucoup figurent d’ailleurs chez May.
26 Sur cette notion restée confuse chez les auteurs considérés, voir ci-dessus, p. 190, n. 2.
27 Muf. Sal. ; May., 183 = Freytag, II, 598. L’expression signifie textuellement : Il est mort par expiration de son nez [= son âme matérielle (nafs) étant sortie par son nez, non par une blessure mortelle]. Une liste de ces locutions-maṯal est dans ‘Iqd, III, 24-6. Beaucoup se trouvent chez Muf. Sal., ‘Ask. et May. Voir notamment chez May., II, 146-51, les expressions : Je ne ferai pas cela tant que... Toutes sont idiomatiques. V. aussi les locutions du type mâ adrî ayyu l-awrami huwa « je ne sais qui il est » chez Zam., apud Freytag, III, 153, nos 923-30.
28 De même, en hébreu, le substantif mašal « dicton », « proverbe », désigne parfois un « trait satirique », ainsi senti surtout en vertu de sa brièveté.
29 Muf. Sal., 197, qui, à propos de cette locution, rapporte le récit d’une « Journée des Arabes ». L’expression signifie textuellement : « Ils sont mangeurs d’une tête = leur nombre est celui de gens que peut rassasier une seule tête de bétail. » Autres exemples de formules stéréotypées, dans des récits, qualifiées de maṯal, chez Muf, II : mâ la-hu ’ull wa-lâ gull « il ne possède rien ; Muf. Sal., 17 ; mâ la-hu daqîqa wa-lâ galila « il ne possède rien ».
30 On n’abordera pas ici ce délicat problème qui suppose mieux étudiées les influences judéo-chrétiennes, hellénistiques et iraniennes, dans l’adab. On signalera cependant que chez Ibn Qutayba (mort vers 270/883) le substantif ḥikam apparaît comme un complément à la notion contenue dans le terme maṯal ; cf. le titre donné par cet auteur à son recueil de proverbes : Kitâb ḥikam al-amṯâl « Livre des sentences proverbiales » ; Freytag, IV, 186.
31 Cf. Lit. Ar., p. 114.
32 Muf, 14 in fine suiv. (avec récit d’une querelle de deux courtisans bédouins à la cour du roi an-Nu‘mân de Ḥîra) ; ‘Ask., 33 (résume le récit) ; May., 1, 36 = Freytag, I, 63 (reprend Muf).
33 Muf, 76 suiv., repris pas Muf, 57, no 127, donne un récit mettant en scène un bouffon de la cour d’un roi de Ḥîra. Sur les variantes du dicton, cf. infra, p. 217 n. 2.
34 May., II, 26 = Freytag, II, 251. Proverbe « lancé » par Ṣaḫr, frère de la poétesse al-Ḫansâ’, à la suite d’un coup de main manqué où il fut mortellement blessé.
35 C.-à-d. : je ne le ferai jamais. May., II, 177 = Freytag, II, 526. Un homme d’une fraction des Bédouins Gaṭafân, mécontent des siens, s’enfonça dans le Désert avec sa chamelle et ne revint jamais.
36 Muf. Sal., 88. L’obscurité du dicton provient ici de l’emploi de deux participes substantivés.
37 Muf, 62 (avec récit mettant en scène deux Bédouins devant un arbitre qui exprime sa sentence par ce dicton dont les termes, rares, n’étaient plus compris.
38 May., II, 171 = Freytag, II, 561. Le terme baram, pl. abrâm devait être complètement tombé en désuétude après l’interdiction du jeu de maysir dans Coran, V, 93.
39 Ibn al-Kalbi, chez Muf. Sal., 235 (avec le commentaire) ; May., II, 75 = Freytag, II, 331 et aussi May., Il, 67 (avec la variante tunâtu) = Freytag, II, 312.
40 Abû Bakr aṣ-Ṣûli, au début du ive/xe siècle, déclare à ses auditeurs qu’il étudie le recueil de Muf. Sal., parce que le public ne comprend plus les dictons qu’il emploie. Cf. Muf. Sal., 2, in medio.
41 Cf. l’anecdote dans Fihrist, 56 in fine et le commentaire, le même que chez May., II, 183 = Freytag, II, 598.
42 May., I, 437 = Freytag, II, 161. Cf. d’autres exemples d’hésitation dans l’interprétation ; ibid., II, 143 = Freytag, II, 497 : lâ ya‘damu l-ḥuwâru min ummi-hi ḥanna (var. ḥanna) « chamelon ne manque point de tendresse (ou : de ressemblance) de sa mère ». Également, ‘Ask., 48 in medio : a‘ṭašu min Ta‘âla « plus altéré que renard (ou : « que Ta’âla » [nom d’homme]). Exemple d’une interprétation rectifiée dans ‘Iqd, III, 76.
43 Même scrupule à noter, dans la recherche des origines. Ainsi pour le dicton ilay-ki yusâqu l-ḥadîṯ, « à toi est adressé ce discours », Muf, 80 et Muf. Sal., 59 (qui d’ailleurs reprend le précédent) se bornent à rapporter le récit fort gaillard qui aurait expliqué le « lancement » du proverbe. C’est plus tard qu’en est fourni le cas d’emploi ou la portée ; v. par exemple ‘Ask., 13 ; ‘Iqd, III, 20 ; May., I, 40 = Freytag, I, 71.
44 Ainsi le dicton : qad yu’ḫaḏu l-ǧâru bi-ḏanbi l-ǧar « souvent voisin est pris pour péché du voisin » est déclaré « islamique » parce qu’employé au iiie/ixe siècle par le poète Abû Nuwâs ; cf. May., II, 47. De même, le dicton : ka-hirratin ta’kulu awlâda-hâ « comme chatte qui dévore ses petits » est déclaré « islamique » parce que cité par le poète as-Sayyid al-Ḥimyari (iie/viiie siècle) ; cf. May., II, 101 fine = Freytag, II 396.
45 May., II, 175 = Freytag, II, 570. De même : alaḏḏu min zubdin binirsiyân « plus délicieux que crème avec dattes-nirsiyân [de Coufa] » ; id., II, 172 (citant Ḥamza al-Iṣfahâni) = Freytag, II, 564.
46 May., II, 32 = Freytag, II, 236, 237.
47 Tout le recueil de Muf et, en grande partie, celui de Muf. Sal. sont constitués par des ḫabar commençant par la formule : « Le premier qui exprima ce dicton est... », ou se terminant par : « Et Un Tel lança l’expression en proverbe » (arsala-hâ maṯalan) ou bien : « Et l’expression devint un proverbe » (fa-ṣârat maṯalan).
48 Soyons toutefois prudents sur ce point. Si le proverbe aš’amu min al-Basûs « plus maléfique (ou : plus néfaste) qu’al-Basûs » a sans nul doute étayé le long ḫabâr sur la Guerre d’al-Basûs, on est en droit de se demander si les proverbes cités dans les divers épisodes du récit ne sont pas artifices d’informateurs ou de conteurs ; v. le récit chez Muf, 56, repris par May., I, 330 = Freytag, I, 683. Ce qui est et doit rester hypothèse, dans ce cas, semble devenir évidence dans le récit sur al-Zabbâ’/Zénobie, tout émaillé de proverbes mis si à-propos dans la bouche du faux-transfuge qui s’est mutilé pour tromper cette reine et venger son maître le roi Gaḏîma ; v. Muf. Sal., 117 ; May., I, 209-8 = Freytag, I, 424 suiv. ; cf. l’adaptation française de Caussin de Perceval, Essai sur l’histoire des Arabes (2E éd., Paris-Leipzig, 1902), II, 28-39.
49 V. les récits sur les proverbes : Plus sot que..., chez ‘Ask., 100-1 ; May., II, 191-3 = Freytag, I, 390 suiv.
50 May., II, 329 = Freytag, II, 611 ; Yâqut, Buldân dans l’art. Ḥalîma. L’interprétation prévalente est que Ḥalîma est un nom de femme, mais un auteur cité par Yâqut affirme que c’est un nom de lieu ! Quant à l’allusion du terme « Journée de Ḥalîma », elle suggère des explications divergentes.
51 Ce personnage, rattaché par les généalogistes arabes à la tribu des Tamîm, aurait vécu jusqu’à l’époque de Mahomet ; une donnée, dont on devine la tendance, précise même qu’il serait parti d’Arabie orientale, habitat de sa tribu, pour venir annoncer sa conversion au Prophète de l’Islam, mais qu’il serait décédé avant d’arriver à Médine ; cf. Ibn al-Aṯir, Usd al-ġâba, art. Akṯam.
52 Muf. Sal., 201, 202. On peut penser qu’au iiie/ixe siècle au plus tard, les adages prêtés à ce sage avaient déjà été réunis. Une liste en est donnée par as-Siǧistâni, Kitâb al-Mu‘ammarîn, éd. Goldziher, 9-6 ; à rapprocher des adages attribués au même personnage par Ibn ‘Abd Rabbih, ‘Iqd, III, 14 suiv. Il sera aisé de vérifier la vogue de ces adages en en constatant le fréquent emploi dans l’adab, par exemple chez al- Ğâhiz, al-Bayân wa-t-tabytn, éd. Hârûn, I, 365, II, 70, III, 255. Ibn Qutayba ne le cite cependant pas dans ses ‘Uyûn al-aḫbâr.
53 Cf. Muf. Sal., 251, no 498 et 500 ; 252, no 502 et surtout Freytag, III, 607-17.
54 Cf. Freytag, III, 618-24.
55 Id., 325-32.
56 Id., 635-44 ; Muf. Sal., 244, no 481. On ne se fait naturellement pas faute de considérer aussi comme adages des ḥadîṯ attribués à d’autres pieux Compagnons de Mahomet ; v. ceux réunis par Freytag, III, 645-55. On en attribue même à un poète d’assez mauvais renom, al-Ḥuṭay’a ; cf. Muf. Sal., 244, no 481 et 246, no 486.
57 V. Maṯẖal, III, 463, colonne 1, et infra, p. 220 et n. 2.
58 Muf. Sal., 201, lig. 7, 8.
59 Ainsi Freytag, III, 312 no 29 : Quiconque désire l’honneur de la Vie Dernière délaisse la parure de la Vie Immédiate ne va guère avec id., 617, no 55 : Le marchand timoré est privé [de gains].
60 V. Maṯẖal, III, 462, colonne 2. Il s’agit de la formule : hidâ ! ḥidâ !, warâ’a-ki bunduqa ! « Milan ! milan ! derrière-toi javeline ! » Selon une interprétation d’aš-Šarqi, le sens serait « Ḥidâ (nom de tribu), derrière-toi est Bunduqa (nom d’une tribu ennemie de la première) ». Selon Abû ‘Ubayda, au contraire, on aurait là la formule d’un jeu d’enfants. Cf. Muf. Sal., 38. — Ce recours à une explication par nom propre paraît avoir été très fréquent. Ainsi May., I, 172 = Freytag, I, 345 : ḥadîṯu ḫurâfa « conte de Ḫurâfa [= conte en l’air, conte de bonne femme] pourrait bien signifier simplement « conte de radotage ». De même Muf chez May., II, 26 = Freytag, II, 224, Plus besogneux qu’al-‘Uryân, pourrait fort bien signifier : Plus besogneux que l’homme nu.
61 Muf. Sal., 38-9 (avec interprétation a et b) ; ‘Ask., 202 (avec les 3 interprétations) ; l’interprétation a est attribuée à Ibn al-Kalbi, l’interprétation b à al-Šarqi b. al-Quṭâmi, l’interprétation c à al-Aṣma‘i.
62 Cf. la citation chez Yâqut, Buldân, art. Ṣaddâ’. Chez Muf, 76, repris par les auteurs postérieurs y compris Yâqut, on trouve seulement le récit suivant : Une Bédouine divorcée et remariée se voit demander par son second époux : « Qui de moi ou de Laqîṭ (nom du premier mari) est le plus beau ? » Et la Bédouine de repondre : « Eau, mais non comme Ṣaddâ’ », formule parfaitement incompréhensible pour un citadin ignorant que Ṣaddâ’ est un point d’eau du Naǧd oriental, dans un désert sans aucune autre source.
63 Chez ‘Ask., d’ordinaire, vient d’abord le sens du proverbe considéré dans son emploi. Le récit sur l’origine ne vient qu’après.
64 Muf. Sal., 151-3 ; May., II, 180 = Freytag, II, 589 fine suiv. Exactement du même ordre est le cas du proverbe : ilay-kiyusâqu l-ḥadîṯ « à toi est adressé ce discours ». D’après Muf, 80, repris par Muf. Sal., 59 (qui ajoute une seconde donnée d’Ibn al-Kalbi) ; May., I, 40 (reprend Muf. Sal.) = Freytag, I, 71, on aurait vu « lancer » ce proverbe en deux circonstances : 1o un Bédouin ayant eu une attitude obscène envers la belle qu’il demandait en mariage, lui dit en manière d’excuse : A toi etc. (= ne considère que mon discours et non mon geste) ; 2° un chef bédouin, à l’article de la mort, s’adresse à sa fille et attire son attention en usant de ce dicton qui, alors, signifie simplement : « Écoute-moi bien ! » On notera que dans ‘Iqd, III, 20 in fine, le proverbe ne semble plus compris puisqu’il est placé sous la rubrique « Dictons signifiant : mauvaise question, mauvaise réponse ».
65 Je tiens à remercier M. Dawakhly, professeur au Caire, de ce renseignement.
66 Cité par Muf, 62, dont le récit sur le « lancement » se retrouve chez Muf. Sal., 52. May., I, 404 = Freytag, II, 92 suiv., résume Muf ou Muf. Sal. et ajoute une glose d’aṭ-Ṭûsi qui souligne bien l’embarras provoqué par ce dicton.
67 May., I, 413 = Freytag, II, 115. Le rapprochement est suggéré à Freytag par Zam., cf. Freytag, II, 93.
68 May., I, 411 = Freytag, II, 110, avec récit d’une vendetta au cours de laquelle un bédouin part venger son frère et tuer l’offenseur de celui-ci au dernier jour du mois de ǧumâdâ et juste avant la trêve sacrée de raǧab ; son coup fait, le bédouin aurait « lancé » ce mot.
69 Cf. Plessner, art. Radjab, dans EI, III, 1169. Il convient de se souvenir qu’avant l’Islam et l’adoption d’un comput lunaire, le mois de raǧab marquait le début de l’été.
70 Cela se retrouve dans la Tradition et aussi, çà et là, dans la littérature proverbiale. Dans les rares dictons où se rencontrent quelques traits relatifs à la vie agricole, on est frappé de l’allure générale de l’observation. V. par exemple ceux-ci : Qui voit de la crème l’imagine bien venue du lait, ou encore : [Ce sont] faucilles moissonnant chaume desséché, ou enfin, ce qui est le comble de la banalité : Sème pour moissonner ; cf. May., II, 219, 225 = Freytag, II, 678, 694, III, 209. De tels adages — sauf peut-être le deuxième — procèdent de constatations à la portée de tous, y compris de citadins parfaitement indifférents aux travaux de la terre.
71 Dans les cas très rares où les « collecteurs » de dictons ont noté des proverbes météorologiques ou saisonniers, ils ne semblent plus les comprendre. Ainsi May., I, 327 in fine = Freytag, I, 678, no 94 : šahrâ rabî‘in ka-ǧumâdâ l-bu’s, « les deux mois de rabî‘ [= ceux durant lesquels la pluie fait pousser l’herbage] sont comme [le mois de] ǧumâdâ de malheur ». Ce dicton signifie simplement : Les deux mois de rabî’ sont froids comme le maudit mois glacé qu’est ǧumâdâ. L’adage s’employait-il avec une intention autre que celle de constater un fait météorologique ? C’est plausible, mais il est impossible d’admettre, avec May., que « cela se dit de quelqu’un qui se loue de son sort en tout temps ». Il convient de noter en outre qu’un tel dicton n’a pu s’employer qu’avant l’Islam, alors qu’un mois intercalaire apportait une correction au calendrier lunaire. — En ce qui concerne les ressources à trouver, en ce domaine, dans les livres d’anwâ’, je dois à l’amitié de M. Ch. Pellat — à qui j’exprime ici ma gratitude — de pouvoir signaler l’existence de quelques dictons d’ordre météorologique dans l’opuscule d’Ibn Qutayba qui traite de cette matière. On trouve là nombre de dictons qui peuvent très bien avoir une origine bédouine, ainsi :
iḏâ ṭala‘a n-dabarân quand se lève Aldebaran,
tawaqqadat(i) l-ḥizzân brûlent les sols pierreux,
wa-kurihat(i) n-nîrân détestables sont les feux
wa-yabisat(i) l-ġidrân et desséchés les étangs.
72 May., II, 231 = Freytag, II, 707.
73 May., II, 226 = Freytag, II, 695. Le terme mašâm signifie exactement « lieu où l’éclair annonciateur de la pluie a été observé ». La valeur du proverbe est fournie par May. Le vocabulaire est typiquement bédouin.
74 May, II, 220 = Freytag, II, 680. Les termes, inusuels, peuvent sembler archaïques.
75 On ne peut cependant passer sous silence un fait de syntaxe marquant parfois l’allure archaïque de ces proverbes. Il s’agit de l’emploi très fréquent de l’inaccompli apocopé dans les « phrases doubles » avec mâ ou man. V. par exemple May., II, 217, 219 = Freytag, II, 674, no 293, et 678, no 301 et (passim). Mais, d’une part, il serait aisé de citer une foule de dictons où, dans cette construction, on a l’accompli, et, d’autre part, ne s’agit-il pas simplement d’un fait syntaxique d’ordre dialectal ?
76 Muf. Sal., 178 (avec récit explicatif mis dans la bouche d’Ibn ‘Abbâs mettant en scène Abû Bakr) ; ‘Iqd, III, 17 (simple attribution) ; May., 14 = Freytag, I, 19 (cite Muf. Sal.). Il en va de même de l’attribution à ‘Ali de l’adage : Ne refuse l’honneur que l’âne. V. Muf. Sal., 236 ; May., II, 147 = Freytag, II, 506.
77 V. par exemple Muf, 1 lig. 3, le récit sur le « lancement » du dicton : Est-ce Sa‘d ou Sa‘id ? Cf. id., 59 in medio.
78 May., I, 136-7 = Freytag, I, 271, nos 24-6 et aussi nos 27-8 ; cf. Freytag, IV, 20 suiv., 39 où le toponyme peut être également un lieu célèbre, une forteresse. Il peut arriver, exceptionnellement, que le dicton implique à la fois une localisation spatiale et temporelle, ainsi : ba‘da ḫarâbi l-Baṣra « après la dévastation de Bassora » [= « aux calendes grecques »].
79 Muf. Sal., 242 (avec traits sur la longanimité d’al-Aḥnaf [Ṣaḫr] b. Qays, chef de la confédération des Tamîm, contemporain du calife Mu‘âwiya) ; repris par May., I, 194 = Freytag, I, 396 suiv.
80 Muf. Sal., 85 ; May., I, 286 = Freytag, I, 50. Ce personnage habitait Médine et était contemporain de ‘Abd Allâh b. az-Zubayr.
81 Chef de la tribu des Šaybân du Naǧd, dans la seconde moitié du vie siècle ; May., II, 28 = Freytag, II, 229, no 93. On trouve à côté de ce dicton : Plus héroïque que le Poison des Héros (surnom du Tamîmite ‘Utayba b. al-Ḥâriṯ), — que le Jouteur des Lances (surnom du Qaysite ‘Âmir b. Mâlik) ; v. Freytag, loc. cit., nos 90-92. De ce type de proverbes doivent être rapprochés ceux comme aflaku min al-Barrâd, — min al-Ḥaǧǧâf etc. « plus hardi qu’al-Barrâḍ, qu’al-Ḥaǧǧâǧ ; cf. May., II, 29 suiv. = Freytag, II, 229-33 nos 94-7.
82 Cf. Mathal, III, 462, colonne 1.
83 Nous saisissons parfois la continuité de cette transmission. Ainsi l’énigmatique dicton dont l’origine est reliée à un épisode de la vie du père de Mahomet figure, avec récit explicatif, chez Muf. Sal., 136, no 279, d’après une donnée d’Ibn al-Kalbi, d’après des hommes de la tribu des Ḫaṯ‘am.
84 May., II, 227 = Freytag, II, 296.
85 May., I, 387 = Freytag, II, 51. On trouve aussi la variante : as’alu min Falḥas « plus quémandeur que F. » ; v. id., I, 305 = id., II, 631 (avec citation d’al-Ğâhiz). Le personnage aurait été chef de la tribu des Šaybân et aurait été connu pour son avidité lors du partage du butin. Son nom, d’aspect inusuel, est peut-être à rapprocher de la racine fis qui énonce l’idée d’« insolvabilité ».
86 ‘Ask., 99 suiv. ; May., I, 192 in fine-193 = Freytag, I, 395, no 163 et 393, no 155. Les récits explicatifs posent qu’il s’agit bien de Bédouins. Ces dictons, avec noms de sots devenus légendaires, sont relativement récents. Il sont évidemment à rapprocher de : Plus sot que Habanmqa, Plus sot que Šarnîb (ou Šaranbaṯ). V. en particulier ‘Ask., 99 suiv. ; May., I, 192 = Freytag, I, 392, no 154 (avec récit faisant de Haban-naqa un contemporain du calife Mu‘âwiya). Sur Sarnîb (sic chez ‘Ask.) ou Šaranbaṯ, cf. id., I, 196 = id., I, 402 (qui fait du personnage un Coufien contemporain du gouverneur ‘Ubayd Allâh b. Ziyâd). L’allure très particulière de ces noms pose des problèmes ; pour Šaranbaṯ, on trouve chez May. la variante Šaranbaḏ, qui évoque une origine iranienne.
87 May., I, 164 = Freytag, I, 329 (avec récit exposant qu’une femme bédouine nommée Ḥawmal ne nourrissant jamais sa chienne, celle-ci finit par se dévorer la queue). Le proverbe paraît d’autant plus ancien que le poète al-Kumayt, dans une satire contre les Umayyades, au iie/viiie siècle, fait allusion à ce conte dans le vers :
Ainsi Ḥawmal était satisfaite, au temps jadis, de la faim
et du mauvais traitement réservés à sa chienne.
88 May., I, 182, 238, 343, II, 100, 199, 65 = Freytag, I, 366, no 77, 367, no 82, 484, II, 390, no 248, 307, nos 3, 4.
89 Cf. par exemple ‘Iqd, III, 50 et aussi May., II, 47 = Freytag, II, 270 : iqṣidî, taṣîdî ! « va droit, tu prendras gibier ! » L’emploi du féminin ici reste sans explication. Dans maints adages, toutefois, il correspond peut-être au thème du dialogue entre l’homme et sa femme, l’amant et l’amante largement représenté dans la poésie archaïque.
90 Dans nos proverbes, en effet, quand il est fait usage de l’assonance ou de la rime, ou bien le rythme demeure approximatif, dans les unités rimées, ou bien tout se borne à de la poésie familière. Ainsi :
Année neigeuse, année fromenteuse !
Tonnerre en avril, prépar’ ton baril !
Avril fait la fleur, mai s’en donn’ l’honneur !
Janvier sec et sage
Est un bon présage !
91 ‘Iqd, III, 50, 52.
92 Muf, 52 ; Muf. Sal., 72-3 ; May., II, 219 = Freytag, II, 677.
93 Muf. Sal., 93.
94 ‘Iqd, III, 19, 21 ; cf. aussi, 34, 44, 52, 55 et Muf. Sal., 202.
95 May., II, 228 = Freytag, II, 699.
96 Muf. Sal., 145 no 289. Autres exemples du même ordre, id., no 288 et p. 147-8 et ‘Iqd, III, 53. Comme ces dictons sont sur le mètre raǧaz, cela crée une légère présomption en faveur d’une origine populaire.
97 May., II, 76, 78, 79 = Freytag, II, 333, 338, 340. Le sens de ce dernier proverbe reste incertain. Très nombreux exemples avec les particules de comparaison ka, ka’anna etc. chez May., chapitre XXII. A noter que souvent ces dictons sont elliptiques du premier terme de la comparaison et se retrouvent sous une forme avec élatif : Plus sot que celui qui donna asile à l’hyène.
98 May., II, 184 = Freytag, II, 599 (dont le texte, plus correct, est celui cité) ; cf. infra, p. 220.
99 Autre exemple ibid., II, 193 =11, 630, no 131. Est-il vraiment ancien ?
100 C’est par une tournure assez semblable que, dans le Coran, sont rendues certaines paraboles de peu d’étendue. Ainsi Coran, II, 17 (recension du Caire) : maṯaluhum ka-maṯali man(i) stawqada nâran « leur représentation est comme la représentation de celui qui alluma un feu ».
101 May., I, 308 = Freytag, I, 639. Cf. supra, p. 211.
102 Cf. par exemple May., I, 311 = Freytag, I, 612 : magis cacans quam otis. Id., II, 359 = id., II, 788 et Muf. Sal., 40 : faetidior quam excrementum.
103 Cf. supra, p. 199 et n. 1.
104 Proverbe cité par al-Ğâhiz, éd. Hârûn, III, 181 ; cf. ‘Iqd, III, 30 in fine ; al-Hamadâni, Maqâmât, éd. Muḥ. ‘Abduh, p. 7. Le terme ǧuḏayl, diminutif de ǧiḏl, désigne un piquet fiché en terre contre lequel se gratte le chameau galeux ; v. Ibn Manẓûr, Lisân, s.v°.
105 May., I, 384 = Freytag, II, 41 suiv. nos 55-8.
106 Freytag, III, 156-7 (7 exemples). Sur le thème : Plus sot que..., cf. supra, p. 211, n. 2.
107 May., II, 40 = Freytag, II, 257, 258.
108 May., I, 339 = Freytag, I, 699 ; cf. supra, p. 211, n. 3.
109 Muf, 68 (avec la variante šabba) ; Muf. Sal., 59 (avec la variante kabura et le long récit sur le roi Ǧaḏîma tiré du précédent) ; May., II, 71 = Freytag, II, 319 (avec la variante kabura). L’emploi de kabura met bien l’accent sur le fait que ‘Amr est trop grand et trop fort pour mettre encore le collier ; šabba exprime seulement l’idée d’un enfant devenu adolescent.
110 Voir p. 216, n. 5.
111 May., II, 141 = Freytag, II, 491, qui donne la correction ǧamšan comme préférable. A signaler que le même cite le dicton dans un vers où l’on a : lâ tusmi‘u « tu ne saurais faire ouïr ». — Des variantes par hésitation sur le diacritisme ont dû disparaître, sans laisser de trace, quand l’une d’elles s’imposait comme étant sans nul doute la seule lecture correcte. En voici une autre où un ductus ambivalent a suscité deux déchiffrements et une correction qui trahissent tous la main d’un grammairien. Il s’agit du proverbe :
ya’bâ wuǧûhu l-yatâmâ « s’indignent les visages des orphelins
Cette leçon est donnée par Muf. Sal., 57. May., I, 81 = Freytag, I, 156 donne :
bi-abî ! etc. « par mon père ! Les visages des orphelins ! »
Cette leçon est-elle la bonne ? On incline à le penser si l’on considère que May. donne une troisième variante :
wâ bi-abî ! « hélas ! par mon père ! » etc.
Tout revient au ductus ى.د qui peut être déchiffré قأش ou يآ.ءا ou encore ة،.د < أ.د يا.
Quoi qu’il en soit, cette pluralité de déchiffrements avait suscité une correction qui dissipe l’équivoque et qui est donnée par Muf., 76. :
bânat wuǧûhu l-yatâmâ « sont apparus les visages des orphelins ».
112 ‘Ask., 101 ; May., I, 197, in fine suiv. = Freytag. I, 404 qui donne la discussion qui se trouve déjà chez ‘Ask.
113 ‘Ask. et May., loc. cit., et aussi May., I, 341 = Freytag, I, 701 (avec la variante : min bahmin ṯamânîn « que quatre-vingts agneaux »).
114 May., I, 167 = Freytag, I, 335.
115 May., I, 34 in fine = Freytag, I, 706.
116 Ce fait reste constant, même quand la substitution par synonymie va très loin, comme par exemple dans l’adage (‘Iqd, III, 23) :
tarku ḏ-ḏanbi aysaru min iltimâsi l-‘udr « cesser de pécher est plus aisé que quémander l’excuse »
tarku ḏ-ḏanbi aysaru min ṭalabi t-tawba « cesser de pécher est plus aisé que chercher le pardono».
117 ‘Iqd, III, 30-1.
118 Ibid., 27.
119 May., II, 72 = Freytag, II, 321. Freytag, sans mentionner sa source, cite ce vers d’al-Ahtal qui évoque ce proverbe :
O Ǧarîr, toi et ce à quoi tu aspires,
vous rappelez une esclave qui tira
gloire de la selle de nobles [dames].
Le même ajoute ce vers d’aṭ-Ṭirimmâh :
Semblable à la gloire que, le soir,
des esclaves tiraient, de porter
les selles de la tribu, quand celles-ci étaient déposées.
120 May., I, 151 = Freytag, I, 302. Dans les mss. utilisés par Freytag, tel est le texte reçu. Dans May., on a déjà : Mauvais compagnon est comme le forgeron : s’il ne brûle ton vêtement, il le noircit de fumée. Faut-il donc voir ici une addition explicative ?
121 May., II, 227 = Freytag, II, 698.
Notes de fin
* Dans Arabica, I, fasc. 1, 1954, 53-83.
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