Chapitre X. Les Zīrides de Grenade1
p. 107-129
Texte intégral
A - HISTOIRE POLITIQUE
1. Arrivée de Zāwī b. Zīrī en Andalus
1Au début du règne de Bādīs b. Zīrī2, roi d'Ifrīqiya, et plus précisément à partir de 389/999, des dissensions survinrent au sein de la famille régnante. Le monarque vit son autorité contestée par certains de ses contribules. Après maintes péripéties, ces Zīrides révoltés, groupés autour de Zāwī, fils de Zīrī b. Manād, l'ancêtre de la dynastie, proposèrent leurs services à al-Manṣūr b. Abī ‘Āmir et réussirent, après de laborieuses tractations, à passer le détroit, probablement en 393/1002-10033, et à s'engager dans l'armée du deuxième ḥāğib ‘āmiride, ‘Abd al-Malik al-Muẓaffar4.
2Après la disparition du dernier ‘Āmiride, ‘Abd al-Raḥmān Sanchol, les Berbères, toutes confédérations confondues, firent front contre le parti andalou ; chacun des deux clans essayait de restaurer l'autorité centrale au profit d'un Umayyade à sa dévotion5 Les Ṣanhāğa (Zīrides) aussi bien que les Zanāta se groupèrent autour de leur champion, Sulaymān al-Musta‘īn, et furent les principaux artisans de son accession au califat. Mais l'affrontement entre l'imām des Berbères et al-Mahdī, le calife de la ṭā’ifa andalouse, exacerba la berbérophobie des Cordouans6. Alors, tout en continuant à s'opposer farouchement à leurs adversaires, les Berbères eurent tendance à se replier vers le sud de la Péninsule où l'élément arabo-andalou était moins important.
3Ainsi, lors de son second règne, à partir de 403/1013, al-Musta‘īn se contenta de consacrer un état de fait en octroyant des fiefs à ses principaux partisans berbères. Les Ṣanhāğa obtinrent alors le district d'Elvira7. Jugeant le chef-lieu de cette kūra difficile à défendre en cas d'attaque, Zāwī décida de fonder, non loin d'Elvira, une autre capitale plus sûre, Grenade, qui supplanta l'ancien chef-lieu du district et entraîna son déclin8.
4Lorsque ‘Alī b. Ḥammūd, gouverneur de Ceuta, mit à mort le calife al-Musta‘īn et s'arrogea le pouvoir à Cordoue, en 407/1016, les Berbères et notamment les Ṣanhāğa se montrèrent solidaires de cet Idrīside berbérisé, et reconnurent également plus tard son frère al-Qāsim qui lui succéda en 408/1018.
5Or, pour chasser les usurpateurs ḥammūdides, les Andalous et plus spécialement le fatā esclavon Ḫayrān, seigneur d'Alméria, et Munḏir de Saragosse, proclamèrent dans le Levante un prétendant umayyade, ‘Abd al-Raḥmān al-Murtaḍā. Cependant celui-ci, au lieu de marcher sur la capitale, préféra commencer par neutraliser le noyau berbère le plus puissant en attaquant Grenade. Bien qu'ils fussent beaucoup moins nombreux, les Zīrides infligèrent une sévère défaite à al-Murtaḍā qui, trahi par ses alliés esclavons, tenta de s'enfuir avant d'être tué (409/1018-1019)9. Quelque temps après cette victoire inespérée, le vieux chef Zāwī b. Zīrī prit la surprenante décision de quitter al-Andalus et de retourner dans son pays natal, l'Ifrīqiya. Accompagné seulement de ses plus proches parents et d'un petit groupe de partisans fidèles, il s'embarqua à Almunecar en 410/1019-1020, et reprit le chemin de Kairouan10.
2. Ḥabūs b. Māksan (410-429/1019-1020-1038) : premier souverain de la dynastie zīride de Grenade
6Dans son équipée, Zāwī b. Zīrī était accompagné de ses deux neveux, Ḥubāsa et Ḥabūs, les fils de son frère Mākšān. Ḥubāsa trouva la mort en combattant les Cordouans, au début de la fitna11. Quant à Ḥabūs, il devint, après le départ de son oncle pour Kairouan, le chef des Ṣanhāğa et fut ainsi le premier souverain de la dynastie zīride de Grenade12.
7Le personnage est jugé favorablement, non seulement par son arrière-petit-fils, l'émir ‘Abd Allāh13, mais également par la plupart des chroniqueurs, notamment Ibn Ḥayyān qui était pourtant berbérophobe14. Loin d'accaparer le pouvoir, Ḥabūs y associa étroitement les chefs ṣanhāğiens qu’il consultait régulièrement : il ne prenait pas de décisions importantes sans leur accord15. Ainsi, l'appareil gouvernemental était particulièrement sobre et réduit. Le prince n'était assisté, au début de son règne, que d'un simple secrétaire, Abū al-Qāsim b. al-‘Arīf16. Par la suite, un Juif nommé Samuel b. Nagrālla17 fut remarqué, grâce à son talent d'épistolier, par Ibn al-‘Arīf qui fit appel à lui pour le seconder. Cependant le nouveau secrétaire juif avait d'autres qualités et ne tarda pas à devenir, surtout après la mort du ministre Abū al-Qāsim, un auxiliaire compétent et efficace du prince zīride18. Par sa bonne gestion et ses sages conseils, il aida ce dernier à consolider son autorité et à se faire respecter aussi bien de ses sujets que des petits dynastes voisins dont certains conclurent des alliances avec lui19.
8À sa mort, survenue en 429/1038, Ḥabūs légua à son fils et successeur Bādīs une principauté forte et prospère qu’il avait agrandie en s'emparant, vers 419-420/1028-1029, de deux districts : Jaén et Cabra20.
3. Règne de Bādīs b. Ḥabūs (429-465/1038-1073)21
9Dès le début de son règne, Bādīs dut faire face aux intrigues de son cousin Yaddayr b. Ḥubāsa qui convoitait la magistrature suprême du vivant même de son oncle Ḥabūs22. Un complot fomenté par Yaddayr et visant à supprimer le prince fut déjoué de justesse23.
10Dans l'entourage du monarque, deux commis se partageaient les responsabilités de l'État : ‘Alī b. al-Qarawī, un personnage richissisme, qui faisait fonction de premier ministre, et s'occupait conjointement avec son frère ‘Abd Allāh des affaires militaires. L'autre commis non moins important était Samuel b. Nagrālla qui avait fait ses preuves sous le règne précédent et bénéficia, jusqu'à la fin de sa vie, d'un capital d'estime et de confiance considérable auprès de ses maîtres zīrides24. Bādīs le garda à son service en lui confiant la trésorerie et l'administration civile25.
11L'entente paraissait régner entre les membres de cette équipe dirigeante jusqu'ā la mort du grand argentier Samuel en 447/1055. Son fils Joseph, qui lui succéda, avait moins d'envergure. Exagérément ambitieux, il accrut, par toutes sortes d'intrigues, les richesses déjà considérables qu'avait amassées son père. Il se fit beaucoup d'ennemis, en menant ouvertement un train de vie très fastueux. Certains de ses adversaires lui reprochaient aussi de privilégier ses coreligionnaires. Habile et rusé, il finit par prendre un énorme ascendant sur le roi, aux dépens de ‘Alī b. al-Qarawi qui, pourtant, l'avait bien soutenu au début de sa carrière, auprès de Bādīs26.
12Petit à petit, le courant hostile au ministre juif s'amplifia. C'est à ce moment que le poète Abū Isḥāq al-Ilbīrī composa son célèbre poème appelant les Ṣanhāğa à mettre un terme à l'emprise juive sur le royaume27. La tension atteignit son paroxysme lorsqu'on apprit, en 456/1063-1064, la mort, dans des circonstances mystérieuses, de l'héritier présomptif, Buluggīn Sayf al-Dawla, le fils aîné de Bādīs. Et tous ceux qui avaient intérêt à perdre le Juif d'accuser celui-ci de l'avoir empoisonné28. Joseph réussit à se disculper aux yeux de son maître et imputa cet assassinat aux Banū al-Qarawī, qui furent persécutés et tombèrent en disgrâce29. Mais l'étau se resserrait autour de l'omnipotent vizir qui, selon une rumeur persistante, aurait conclu avec al-Mu‘taṣim b. Ṣumādiḥ un marché au terme duquel Ibn Nagrālla lui livrerait Grenade moyennant quoi ce dernier deviendrait roi d'Alméria30.
13Le 9 ṣafar 459/30 décembre 1066, les passions se déchaînent ; la population se soulève et se précipite vers le palais où se cache Joseph, qui est découvert et massacré. Les émeutiers s'en prennent ensuite à d'autres Juifs de la ville : trois mille personnes environ périssent ce jour-là et leurs demeures sont livrées au pillage31.
4. Politique juive des Zīrides de Grenade
14Beaucoup de Musulmans à cette époque, et notamment les ‘Abbādides de Séville, s'indignaient de la mainmise des Juifs sur les princes zīrides, coupables d'avoir abandonné le pouvoir à des ḏimmī-s32. Fait révélateur, l'émir ‘Abd Allāh éprouva le besoin de tenter de justifier la politique pro-juive de ses prédécesseurs33. Certes, la communauté juive constituait la majeure partie de la population grenadine34. Cependant, outre leur supériorité numérique, les Juifs, dans leur ensemble, dominaient l'activité économique et financière35. Souvent, ils étaient des agents du fisc particulièrement efficaces et dévoués, à la grande satisfaction du prince soucieux d'accroître ses moyens financiers36. Ibn Nagrālla, qui jouissait d'un grand prestige auprès de ses coreligionnaires37, était bien placé pour se faire respecter et bien tenir en main ces agents juifs dont le rôle consistait à faire rentrer le plus d'argent possible dans les caisses de l'État38. Enfin, les Juifs ne représentaient pas un danger majeur pour le souverain. Étant donné leur qualité de ḏimmī-s, ils ne pouvaient, quelle que fût leur ambition, prétendre à la magistrature suprême réservée aux Musulmans39.
5. Politique extérieure menée par Bādīs
15La mort de Ḥabūs b. Zīrī suscita la convoitise de certains roitelets andalous ; son fils et successeur, Bādīs, dut se défendre sur deux fronts, à l'est contre Alméria et surtout à l'ouest contre Séville. A l'est, ses rapports s'étaient détériorés avec son ancien allié, le prince Zuhayr, auquel il reprochait de soutenir le seigneur zanātien de Carmona, devenu l'ennemi des Zīrides40. Espérant intimider son rival, le fatā ‘āmiride arrive en force tout près de Grenade. Le ton monte entre les deux protagonistes et c'est l'affrontement armé de 429/1038. Les Almériens subirent une cuisante défaite et leur chef périt dans le combat41. Après avoir neutralisé leur turbulent concurrent à l'est, les Zīrides de Grenade devinrent les champions incontestés de la ṭā’ifa berbère face à la ṭā’ifa arabo-andalouse groupée autour des ‘Abbādides de Séville.
16Or, pour briser ce solide bloc de résistance berbère, al-Mu‘taḍid voulut lever un obstacle à son expansion vers l'est, en attaquant Carmona dont le seigneur, Muḥammad b. ‘Abd Allāh al-Birzālī, demanda l'aide de Bādīs et du Ḥammūdide de Malaga. Oubliant leurs querelles passées, Zanāta et Ṣanhāğa conjuguèrent leurs forces et battirent le ‘Abbādide, leur ennemi commun. Le fils d'al-Mu ‘taḍid périt au cours de cette bataille qui eut lieu en 431/103942. Officiellement, Bādīs était comme son père ḥāğib du calife ḥammūdide dont il reconnaissait l'autorité toute symbolique. Cependant, grisé par ses succès militaires d'une part et profitant de la discorde et de l'anarchie qui régnaient à Malaga d'autre part, il rejeta la suzeraineté nominale du calife ḥammūdide fantoche et, en 449/1057, annexa Malaga à son royaume43. Une dizaine d'années plus tard, al-Mu‘taḍid, après s'être emparé de la plupart des petites principautés zanāta voisines44, tenta avec la complicité des habitants de Malaga de se rendre maître de cette cité. Mais l'armée sévillane, commandée par le futur al-Mu‘tamid et son frère Ğābir, fut repoussée (459/1066) grâce à la ténacité d'une garnison maghrébine qui défendit vaillamment la forteresse jusqu'à l'arrivée de renforts dépêchés de Grenade45
17La trahison de Joseph b. Nagrālla et sa collusion avec une puissance étrangère, Alméria, mirent le pouvoir zīride à rude épreuve. Les troubles qui suivirent la fin tragique du premier ministre juif incitèrent Ibn Ṣumādiḥ à envahir le territoire sanhāğien et à enlever Guadix46. Incapable de redresser la situation par ses propres moyens, Bādīs fit appel au roi de Tolède, al-Ma‘mūn b. Dī al-Nūn, qui l'aida à repousser les assaillants et à recouvrer Guadix ; en contrepartie de quoi Bādīs lui céda Baza. Si l'on en croit l'émir ‛Abd Allāh, le prince d'Alméria regretta, par la suite, son comportement belliqueux, présenta des excuses à Bādīs et implora son pardon47.
18En dépit des nombreuses vicissitudes qui ont jalonné cette période, le long règne de Bādīs représente incontestablement l'apogée de la puissance zīride en Espagne48. Le souverain de Grenade réussit à faire échec aux convoitises de ses voisins, et notamment à stopper la poussée du roi ‘abbādide, son principal adversaire. A sa mort, en 465/1073, il laissa un royaume vaste et puissant, puisqu'il s'était accru, durant son règne, de Malaga et de Baéza49.
6. Règne de ‘Abd Allāh b. Zīrī (465-483/1073-1090)
— Politique intérieure :
19‘Abd Allāh fut le troisième et dernier des souverains zīrides. Après la mort de Buluggīn Sayf al-Dawla, l'héritier présomptif, décédé en 456/1063-106450, son frère cadet Māksan était normalement le futur prétendant au trône. Cependant son inconduite lui valut d'être banni51. Or, Buluggīn avait eu deux fils. L'aîné, al-Mu‘izz Tamīm, était déjà, depuis 459/1067 environ, gouverneur de Malaga52. Quant au cadet, ‘Abd Allāh, né en 447/1056, il fut désigné, à la mort de son père, comme l'héritier présomptif de son grand-père. Il fut choisi par les chefs ṣanhāğiens pour succéder à Bādīs sur le trône de Grenade ; il adopta alors les titres honorifiques d'al-Muẓaffar bi-llāh et d'al-Nāṣir li-Dīn Allāh53. En raison de son jeune âge, il dut, dans un premier temps, régner sans gouverner, laissant l'exercice du pouvoir à Samāğa, régent énergique, qui prit la direction des affaires après avoir été désigné par le conseil des sages54.
20Sur sa propre initiative ou suivant les conseils d'une partie de son entourage, le jeune prince décida, vers 475/1082, de mettre fin à cette tutelle et de gouverner effectivement, en destituant Samāğa55. Cependant, en voulant faire valoir toutes ses prérogatives, il s'opposa aussi à son frère Tamīm qui, depuis la mort de Bādīs, faisait de plus en plus figure de souverain indépendant à Malaga. Naturellement, cela n'était pas pour plaire à ‘Abd Allāh qui estimait que cette cité devait, comme du vivant de leur grand-père, rester sous la souveraineté du seul roi de Grenade, et que, par conséquent, son frère était obligé de reconnaître sa suzeraineté. Finalement, un accord, légitimant une certaine scission, fut conclu entre les deux protagonistes. Cependant, Tamīm continua de se plaindre, jusqu'ā la fin de la dynastie zīride, des empiétements de son frère sur son territoire56.
— Politique extérieure :
I - CONFLITS AVEC LES VOISINS MUSULMANS
1. Confrontation avec al-Mu‘tamid
a) Politique machiavélique d'Ibn ‘Ammār
21L'avènement d'un adolescent à Grenade excita la convoitise de l'adversaire héréditaire le plus redoutable, le roi de Séville, qui voulut profiter de l'occasion pour réaliser son rêve, en annexant la principauté zīride. Aussi s'empressa-t-il de l'envahir et d'y construire une base57 servant de point de départ à une garnison chargée de harceler l'ennemi58. L'instigateur de cette offensive ‘abbādide était le premier ministre d'al-Mu‘tamid, Abū Bakr b. ‘Ammār, qui faisait des propositions alléchantes à Alphonse VI, afin que celui-ci l'aidat à se rendre maître de Grenade59. Mais les forces sévillanes durent se replier60 pour se retourner contre al-Ma‘mūn b. Dī al-Nūn qui venait de leur enlever Cordoue61.
b) Rapports entre Grenade et Séville après la disparition d'Ibn ‘Ammār
22Les rapports de ‘Abd Allāh avec al-Mu‘tamid s'améliorèrent sensiblement après la disparition de la scène politique, en 477/1084, d'Ibn ‘Ammār, qui avait exercé une influence néfaste sur son maître et attisé les hostilités entre les deux souverains62. Un traité de paix fut signé entre les deux princes qui s'engagèrent à coordonner leurs efforts pour lutter efficacement contre la menace chrétienne63.
2. Arrangement avec Ibn Ṣumādiḥ
23Al-Mu‘taṣim b. Ṣumādiḥ profita de ce que le souverain zīride luttait contre son voisin de l'ouest pour lui enlever un château fort et s'emparer de Baza, avec la complicité du gouverneur de cette ville. Pris entre deux feux, ‘Abd Allāh ne pouvait se montrer intransigeant et dut se contenter d'un arrangement à l'amiable avec le roitelet d'Alméria, en attendant des jours meilleurs64.
II - TRACTATIONS AVEC ALPHONSE VI
24Avant l'avènement de ‘Abd Allāh, le royaume de Grenade, contrairement à la plupart des autres principautés andalouses et notamment Séville, n'était pas tributaire d'Alphonse VI. Cependant celui-ci ne tarda pas à envoyer un ambassadeur au successeur de Bādīs pour exiger le versement d'un tribut. N'ayant pas de frontières communes avec le roi chrétien et, par conséquent, n'étant pas directement exposé à ses harcèlements, comme l'était le Hūdide de Saragosse ou le Ḏu al-Nūnide de Tolède, le souverain zīride refusa d'abord de payer. Cependant, incapable de faire face, en même temps, aux exigences chrétiennes et à celles des ‘Abbādides, il dut s'incliner et verser le tribut réclamé65. A partir de ce moment, le processus de la Reconquista s'accélère. L'équilibre des forces en présence est définitivement rompu. Les roitelets musulmans qui continuent de s'affaiblir en s'entre-déchirant et de s'appauvrir en contractant des dettes insupportables envers le monarque castillan, sont maintenant de plus en plus à sa merci. Le résultat tangible le plus spectaculaire de la stratégie chrétienne fut incontestablement la prise de Tolède par Alphonse VI, en 478/108566.
25Le prince ‘Abd Allāh tira la leçon de cet événement lourd de conséquences et décida, en commun accord avec d'autres dynastes andalous, de solliciter l'intervention des Almoravides qui étaient, de surcroît, des Ṣanhāğa comme lui67.
26Le cadi grenadin Abū Ğa‘far b. al-Qulay‘ī faisait partie de la délégation qui se rendit à Marrakech pour demander officiellement l'assistance de Yūsuf b. Tāšfīn68. Les deux princes zīrides, Tamīm et ‘Abd Allāh, participèrent avec leurs contingents à la bataille d'al-Zallāqa (479/1086)69. Le souverain almoravide revint en Espagne en 481/1088 dans l'intention d'investir la place forte d'Alédo70 ; ce fut sans succès. En outre, il fut déconcerté par les rivalités des principicules andalous et par les mauvais traitements qu'ils infligeaient à leurs sujets. Les juristes mālikites, généralement pro-almoravides, contribuèrent à développer le mécontentement des populations qui réclamaient l'abolition des taxes non canoniques71. Le faqīh grenadin, Abū Ğa‘far b. al-Qulay‘ī, qui était l'un des porte-parole les plus virulents de ces sujets mécontents, s'acharnait à desservir les Mulūk al-Ṭawā’if auprès d'Ibn Tāšfīn72. De Cordoue où il s'était réfugié pour être à l'abri des rigueurs du prince ‘Abd Allāh, il adressait des messages enflammés à ses compatriotes, les appelant à faire la grève des impôts73.
27Ce courant protestataire orchestré par les fuqahā’ contre les roitelets andalous porta ses fruits quand l'émir almoravide décida, en 483/1090, de repasser dans la Péninsule pour la troisième fois, mettant à exécution sa résolution de mettre un terme au désordre qui régnait dans al-Andalus. Sa première entreprise fut d'investir Grenade74. Alors, abandonné par tous75, et sur le conseil de ses ministres et de sa mère, ‘Abd Allāh dut se rendre sans opposer de résistance76.
28Il fut destitué le 10 rağab 483/8 septembre 109077 et envoyé en résidence forcée à Aġmāt78 où il mourut à une date inconnue. Son frère Tamīm, le prince de Malaga, fut déposé à son tour et envoyé en exil à Marrakech où il s'éteignit en 488/109579. Toutes les sources dont nous disposons brossent un sombre tableau du règne du dernier Zīride de Grenade. En effet, l'émir ‘Abd Allāh, de nature veule, n'avait pas l'envergure de ses prédécesseurs et les qualités guerrières de ses ancêtres ṣanhāğiens. Son autorité était contestée à l'intérieur comme à l'extérieur de son royaume. Il y a probablement quelque exagération dans le jugement sévère que porte sur lui son compatriote Lisān al-Dīn b. al-Ḫaṭīb, le dépeignant comme « couard, mauvais cavalier, peu attiré par les femmes, faible [de caractère] »80 ; mais force est de constater que ce portrait correspond, dans une large mesure, à l'image qu’il donne de lui-même à travers ses Mémoires.
B - HISTOIRE LITTÉRAIRE
29En Espagne, l'opposition sur le plan politique entre la ṭā’ifa arabo-andalouse et la ṭā’ifa berbère n'impliquait pas nécessairement que cette dernière rejetât le patrimoine culturel arabe et niât son appartenance à la communauté fondée par le Prophète Muḥammad. Outre leur adhésion à l'Islam, les Berbères ṣanhāğa revendiquaient une ascendance arabe (himyarite)81. Certes, le degré d'instruction des premiers Zīrides d'Espagne était nettement inférieur à celui d'autres princes andalous, tels que les ‘Abbādides de Séville ou les Banū Ṣumādiḥ d'Alméria. Néanmoins, si l'on en croit l'historien Ibn Ḥayyān qu'on ne peut taxer de complaisance à l'égard des Berbères, Ḥabūs, le fondateur de la dynastie zīride, aimait les belles-lettres et sa lecture préférée était le Kitāb al-tīğān d'Ibn Durayd82.
30Par la suite, les successeurs de Bādîs, complètement andalousisés, s'intéressèrent davantage aux choses de l'esprit. Une anecdote rapportée par Ibn al-Ḫaṭīb illustre bien cet adoucissement des mœurs. Samāğa, précepteur puis vizir du prince ‘Abd Allāh, faisait preuve d'une sévérité exemplaire contre les buveurs de vin. Or, des jeunes gens surpris par lui alors qu’ils se livraient un soir à de joyeuses libations réussirent à se faire pardonner par ce censeur vigilant, car l'un d'eux avait eu la présence d'esprit d'improviser de beaux vers qui eurent raison de la rigueur du vizir83.
1. ‘Abd Allāh b. Buluggīn84
31Politiquement et militairement moins doué que ses prédécesseurs, ‘Abd Allāh était en revanche plus cultivé qu'eux. Nous savons, grâce aux témoignages de ses biographes, qu’il maniait habilement la prose et la poésie et qu’il possédait une solide culture générale85. D'après al- Ġāfiqī86 cité par Ibn al-Ḫaṭīb dans Iḥāṭa :
« Il [le prince zīride] avait une connaissance assez étendue de la rhétorique et des sciences profanes. C'était un bon versificateur et un poète de classe, et aussi un calligraphe : il y avait à Grenade un coffret contenant un exemplaire du Coran écrit de sa main, qui était un chef-d'œuvre. »87
32Après sa déposition, il composa, durant son séjour forcé à Aġmāt, son Kitāb al-tibyān ‘an al-ḥādiṯa al-Ḵā’ina bi-dawlat Banī Zīrī fi Ġamāṭa88. La valeur littéraire de cet ouvrage autobiographique n'est pas négligeable. La relation des événements est souvent entrecoupée de versets coraniques, de ḥadiṯ-s, de maximes et de dictons89. Ses fréquentes digressions lui fournissent l'occasion de se référer à Socrate90, à Platon91, à Ğāḥiz et notamment à son Kitāb al-ḥayawān92, et d'aborder diverses disciplines telles que la théologie93 la poétique94, l'astrologie dont il est particulièrement féru95, etc. L'auteur du Tibyān s'exprime généralement dans un style sobre et une langue correcte, en dépit de certaines tournures non conformes au système de la langue classique, dues sans doute à l'influence de l'arabe dialectal96.
Rôle de la communauté juive dans la vie intellectuelle sous les Zīrides de Grenade
33Nombreux surtout dans les grands centres urbains97, les Juifs d'Espagne ne se convertirent à l'Islam que dans une très faible proportion98. Cependant, leur fidélité à leur culte n'empêcha pas un grand nombre d'entre eux de manifester un certain intérêt pour la culture arabe, assez proche de la culture hébraïque. En tout cas, leur condition de tributaires (ḏimmī) ne les priva pas de s'intégrer à la société arabo-musulmane andalouse et de parler couramment l'arabe, concurremment avec le roman. Selon le témoignage du poète et philosophe juif, Salomon b. Gabirol (m. vers 1085)99,
« [les Juifs d'Espagne] ne connaissent guère la langue hébraïque ; la moitié parle le roman (al-rūmiyya), l'autre l'arabe »100.
34Certains parmi eux parvinrent même à une parfaite maîtrise de la langue arabe. Aussi connut-on de nombreux poètes juifs ainsi que des prosateurs de talent à toutes les époques de la présence arabe dans la Péninsule et notamment durant le règne des Mulūk al-Ṭawā’īf101.
2. Ibn Nagrālla102 (Abū Ibrahim Ismā‘īl Samuel)103
35Natif de Cordoue, où il avait fait des études poussées et où il avait tenu une épicerie, Samuel b. Nagrālla dut quitter sa ville natale au début de la fitna. Il se réfugia à Malaga et poursuivit son activité commerciale dans une modeste boutique située tout près d'un château appartenant à Abū al-Qāsim b. al-‘Arīf, le vizir du prince Ḥabūs. Le commerçant juif rédigeait bénévolement, pour ceux qui le lui demandaient, des lettres destinées au ministre Ibn al-‘Arī f. Celui-ci fut impressionné par la maîtrise de la langue arabe dont faisait preuve l'auteur des missives qui lui parvenaient de temps en temps. Il finit par faire la connaissance du commerçant juif, et l'invita à Grenade pour mettre à contribution ses compétences littéraires et administratives. Dès lors, Ibn Nagrālla connut une ascension très rapide et devint, après la mort du vizir Abū al-Qāsim, le véritable inspirateur de la politique du royaume de Grenade104. Compte tenu de sa culture et de son prestige, ses coreligionnaires l'investirent, en 417-418/1027, du titre princier de nāğīd et le reconnurent comme chef incontesté de leur conseil communautaire105. Son érudition était aussi vaste que variée. Auteur de nombreux ouvrages en langue hébraïque, il s'intéressait également à la littérature arabe et avait une solide connaissance d'un certain nombre de langues106. Sa fortune considérable lui permit de pratiquer un mécénat très actif. Il aidait financièrement des étudiants juifs à poursuivre leurs études et recrutait à ses frais des copistes chargés d'établir toutes sortes de textes et notamment la Michna et le Talmud107. Par goût et sans doute par intérêt, il appréciait la poésie arabe et se montrait généreux et bienveillant à l'égard de quelques poètes arabes qui composèrent des vers chantant sa gloire108.
3. Ibn Nagrālla (Yūsuf/Joseph)109
36Lorsque Samuel mourut (447/1055), son fils Joseph lui succéda comme premier ministre du roi Bādīs et comme nāğīd110 à la tête de la communauté juive de Grenade. Comme son père, Joseph était très cultivé et fort versé dans les belles-lettres arabes. Il enrichit considérablement la magnifique bibliothèque qu’il avait héritée de son père. Pour ce faire, il entretenait, à l'instar de Samuel, de nombreux copistes hautement qualifiés. Son immense richesse lui permettait de se procurer toutes sortes d'ouvrages et notamment ceux qui traitaient des différentes disciplines islamiques111.
37Cependant autant Samuel avait été modeste et habile, autant Joseph, animé par une ambition démesurée, se montra fourbe et dominateur112. Ses détracteurs, de plus en plus nombreux, l'accusaient de s'en prendre à l'Islam. En effet, il composa un livre pour réfuter Abū Muḥammad b. Ḥazm qui eut avec lui une polémique consignée dans une épître célèbre113.
38Pour consolider sa position, il favorisait ses créatures et condamnait ses adversaires au bannissement, avec le consentement du souverain Bādīs114. Ainsi, il réussit à gagner à sa cause certains poètes arabes qui l'encensèrent, provoquant parfois l'indignation de leurs coreligionnaires115. Cependant beaucoup d'autres lui manifestèrent leur opposition et préférèrent fuir Grenade. Ils trouvèrent accueil dans les principautés andalouses les plus hostiles au royaume zīride, à Séville et surtout à Alméria où les réfugiés grenadins finirent par constituer une colonie assez importante116.
4. Al-Ilbīrī (Abū Isḥāq ; m. 459/1067)117
39Comme l'indique sa nisba, ce faqīh et poète d'origine arabe, Abū Isḥāq Ibrahim b. Mas'ūd al-Tuǧībī al-Ilbīrī, était né à Elvira (Ilbīra). Tout en exerçant le métier d'enseignant, il fut pendant quelque temps, sous le règne de Bādīs, l'adjoint du cadi ‘Alī b. Muḥammad b. Tawba. Il était parmi ceux qui voyaient d'un mauvais œil la main mise des Juifs sur la direction des affaires de l'État. Son indépendance d'esprit et surtout les critiques publiques auxquelles se livrait ce censeur gênant déplurent au souverain qui, à l'instigation de son vizir et conseiller, Joseph b. Nagrālla, exila le turbulent faqīh à Rābiṭat al-‘Uqāb, une petite localité dans les environs de Grenade. Cependant cette mesure disciplinaire ne détourna pas Abū Isḥāq de son objectif qui consistait à dresser, par ses pamphlets, les Musulmans contre l'influence grandissante des Juifs en général, et d'Ibn Nagrālla en particulier.
40Al-Ilbīrī doit sa célébrité principalement à un poème118 virulent qui produisit une forte impression sur l'opinion publique et contribua sûrement au déclenchement du pogrom de 459/1066119. Pour atteindre son but, le poète fit preuve, dans sa qaṣīda, d'une grande habilité. Il prend à témoin les Ṣanhāğa, qu’il glorifie au passage, et, s'adressant à Bādīs, le loue tout en le mettant en garde contre les conséquences de sa conduite, contraire aux préceptes de l'Islam :
« Rappelle-toi aussi, l'interpelle-t-il, qu'un jour, tu devras rendre compte à l'Éternel de la manière dont tu auras traité son peuple : c'est le peuple de Dieu qui jouira de la béatitude éternelle. »120
41Pour mieux convaincre, il prend soin de faire vibrer la corde sensible de son auditoire, en flattant ses sentiments religieux. Il expose des idées simples à la portée du peuple, dans une langue claire et sans artifices. Le mètre employé (le mutaqārib), ayant quatre pieds (taf'īla) identiques et courts, renforce le rythme du vers et en rend la transmission orale assez aisée. Ce poème fut composé sans doute avant l'assassinat de l'héritier présomptif de Bādīs, son fils Buluggīn, car al-Ilbīri ne fait dans cette qaṣīda aucune allusion à l'événement qui, s’il avait eu lieu auparavant, aurait été évidemment exploité par le poète pour émouvoir davantage son public121.
42Outre cette Nūniyya retentissante, on doit à Abū Isḥāq de nombreuses pièces d'inspiration ascétique122.
5. Al-Sumaysir (Ahmad b. Farağ al-Ilbīrī)123
43Ce poète, originaire d'Elvira, vécut assez longtemps à Grenade avant d'émigrer à Alméria. Il doit l'essentiel de sa réputation à sa poésie satirique124. Son goût marqué pour le hiğa et ses attaques verbales contre les Berbères irritèrent le prince ‘Abd Allāh qui voulut le punir ; mais al-Sumaysir réussit à s'échapper et à se réfugier auprès d'al-Mu‘taṣim b. Ṣumādiḥ125. Lorsque le dernier souverain zīride entreprit de fortifier les points stratégiques de son territoire pour parer à la menace almoravide, ce poète composa à cette occasion une pièce de vers pour ridiculiser l'émir ‘Abd Allāh en le comparant à un ver à soie qui file son cocon126.
44Avec un sens aigu de la caricature, al-Sumaysir composa des épigrammes concises et très incisives dans lesquelles il s'appliquait à mettre l'accent sur les défauts de ses victimes127. Sa violence verbale revêt parfois un caractère politique lorsqu’il critique sévèrement, dans ses vers, la mauvaise conduite des Mulūk al-Ṭawā’if, en brandissant la menace d'un soulèvement populaire imminent et propre à mettre un terme à leurs méfaits128. Dans certains de ses poèmes, sa hargne prend pour cible l'espèce humaine, qui ne lui inspire pas confiance129. Ce genre de généralisations hâtives et ces pensées désabusées entraînent souvent le poète dans des considérations philosophico-ascétiques peu orthodoxes. Ibn Bassām estime qu'al-Sumaysir a voulu vraisemblablement suivre les traces d'Abū al-‘Alā’ al-Ma‘arrī dans le domaine des « futilités philosophiques », sans toutefois l'égaler sur le plan artistique130. Les idées pessimistes que développe le poète et le renoncement au monde qu’il prône131 lui ont été parfois inspirés par le spectacle des ruines engendrées par les guerres fréquentes à cette époque. Le délabrement dans lequel se trouvait Madīnat al-Zahrā’, après l'incendie et le sac des Berbères au début du xie siècle132, lui inspira des vers chargés d'émotion133. Dans une autre pièce, il pleure sur d'autres ruines de Grenade ou de la région134.
6. Al-Munfatil (Abū Aḥmad ‘Abd al-‘Azīz b. Ḫayra al-Qurṭubi)135
45Il vécut dans l'entourage des deux vizirs juifs de Grenade et leur voua un dévouement et une fidélité exemplaires. Pour complaire, probablement, à ses généreux mécènes, il n'hésita pas à renier sa religion et à se convertir secrètement au judaïsme.
46Dans une épître en prose rimée mêlée de vers, il encensa Samuel b. Nagrālla en lui attribuant tous les mérites de l'homme idéal136. Il composa en son honneur également un panégyrique si hyperbolique que l'anthologue Ibn Bassām éprouva le besoin, en rapportant des fragments de cette qaṣīda, de dénoncer les propos outranciers et blasphématoires du poète qui osa magnifier le vizir juif et le judaïsme en ces termes137 :
« Grâce à toi, j'ai obtenu les honneurs de ce bas monde et j'ai satisfait mes désirs ; et, grâce à toi, je convoite de trouver dans l'autre monde la pleine possession [de ce que je souhaite].
Je professe la religion du Sabbat, ouvertement, quand je suis devant vous, et si je suis parmi les miens, je la professe en secret. »138
47Le genre descriptif, le gazai et la satire occupent une place importante dans l'œuvre poétique d'al-Munfatil139.
7. Ibn al-Farrā’ (alias al-Aḫfaš b. Maymūn)140
48Après avoir reçu une formation littéraire à Cordoue, il regagna sa ville natale, Grenade, et devint l'un des thuriféraires notoires de Samuel b. Nagrālla puis de son fils Joseph. Après la mort tragique de celui-ci, en 459/1066, il le pleura et resta longtemps fidèle à sa mémoire141. Il s'établit par la suite à Alméria et mit son talent poétique au service du prince Rafi' al-Dawla b. Ṣumādiḥ qui, en dépit des médisances, lui pardonna d'avoir été le chantre du vizir juif des Zīrides142. Ses biographes se font l'écho de sa rivalité avec son émule et compatriote al-Munfatil143, et de leurs échanges d'invectives144.
8. Al-Bizilyānī (Abū ‘Abd Allāh)145
49Originaire de Malaga, il fut vizir-secrétaire de Habits b. Māksan puis de son fils Bādīs dont il se sépara pour se mettre au service d'al-Mu‘taḍid b. ‘Abbād146. Il fut mis à mort par le roi de Séville qui l'avait accusé d'avoir trempé dans la révolte fomentée par son fils Ismā'ïl, en 449/1057147.
50Sur ce lettré, nous ne disposons que d'une notice assez longue insérée dans la Ḏaḫīra et où ne figurent que des textes en prose de la composition d'al-Bizilyānī. Ibn Bassām donne deux extraits d'une lettre de reproches rédigée par ce kātib et adressée par Ḥabūs à Ibn ‛Abd Allāh al-Birzālī, prince de Carmona, à la suite d'une brouille survenue entre les deux souverains148. Dans une deuxième missive, due également à la plume d'al-Bizilyānī, l'expéditeur reproche à son correspondant Ibn Munḏir (il s'agit probablement de Munḏir b. Yaḥyā al-Tuğībī de Saragosse), ainsi qu'ā d'autres princes andalous, de faire appel aux Chrétiens contre les Musulmans149. S'adressant aux seigneurs de Jativa, Ḥabūs les assure, dans un autre message rédigé par le même auteur, de son amitié et de sa loyauté150.
9. Abū al-Futūh al-Gurgāni (Tābit b. Muḥammad) (m. 431/1039)151
51Ce lettré oriental, né à Bagdad vers 350/961, reçut une solide formation dans sa ville natale. Son goût pour l'aventure le conduisit par la suite en Espagne où il fréquenta d'abord la cour de Muğāhid de Dénia152 avant de se fixer à Grenade sous le prétexte d'y enseigner. Cependant son cours sur la poésie ancienne et la Ḥamāsa d'Abū Tammām, qu’il dispensa dans cette cité, ne le détourna pas de sa passion pour les affaires politiques et militaires. En effet, il joua un rôle important dans le complot ourdi par Yaddayr b. Ḥubāsa contre son cousin Bādīs153. Étant quelque peu astrologue et pour inciter Yaddayr à s'emparer du pouvoir, il lui prédit un règne de trente ans154. Le complot ayant échoué, Abū al-Futūḥ réussit à s'enfuir et se réfugia à Séville. Cependant, naïf ou imprudent, il eut l'idée d'aller implorer le pardon de Bādīs qui, après avoir remporté une victoire avec ses alliés berbères sur les 'Abbādides (431/1039)155, se trouvait encore dans la région d'Ecija. Cependant le prince zīride ne fléchit pas et le tua de sa propre main156.
10. Gānim (Abū Muḥammad al-Mahzûmī ; m. 470/1077)157
52Faqīh, philosophe et lettré, il fut parmi les rares poètes à fréquenter la cour plutôt austère de Bādīs b. Ḥabūs. Il bénéficia de ce traitement de faveur bien plus, semble-t-il, pour son savoir juridique que pour son talent poétique. D'ailleurs, le monarque zīride terrorisait tellement les hommes de lettres que Ġānim finit par se rendre compte qu’il n'était pas tout à fait à l'abri de ses terribles sautes d'humeur. Aussi recommanda-t-il, un jour, à l'un de ses neveux158, qui lui était particulièrement attaché, de quitter les États de Bādīs, en lui disant :
« Je serai chouette [c'est-ā-dire, je mourrai bientôt], car Bādīs, prince de Grenade, est avide de sang humain ; va t'établir à Almería ; s’il me tue, tu me survivras, toi ; n'es-tu pas dans la fleur de l'âge ? »159
53Et comme il avait peur pour ses livres auxquels il tenait par dessus tout, il les lui confia.
54Il composa un thrène pour consoler Bādīs de la perte de son fils Buluggīn Sayf al-Dawla, l'héritier présomptif, mort en 456/1063-1064160. Le thème de l'amitié lui inspira de beaux vers que la plupart de ses biographes ne manquent pas de citer, en les accompagnant, le plus souvent, de commentaires admiratifs161.
55Ġānim entra un jour chez le roi Bādīs, alors qu’il était très entouré ; mais le prince réussit malgré tout à lui faire une place auprès de lui et l'hôte d'improviser le distique suivant :
« Fais une place dans ton cœur pour l'ami : le chas de l'aiguille est toujours assez spacieux pour contenir deux êtres qui s'aiment.
Ne permets pas à un homme haineux de te fréquenter : le monde entier arriverait difficilement à contenir deux hommes de cette sorte. »
CONCLUSION
56Les Zīrides de Grenade, qui donnèrent souvent la preuve de leurs remarquables qualités guerrières, ne furent pas, en revanche, de grands mécènes. Fidèles à leurs traditions, ils étaient beaucoup plus soucieux de consolider leur puissance matérielle et militaire que de stimuler l'activité intellectuelle ou de s'entourer de prosateurs et de poètes. Seuls les fuqaha’ respectueux de la šarī‘a et de l'ordre établi trouvaient grâce à leurs yeux162. Devant une telle attitude, de nombreux lettrés se réfugièrent dans le zithd ; certains d'entre eux n'hésitèrent pas à exercer leurs talents dans le domaine politique, critiquant sévèrement les gouvernants responsables, selon eux, de la misère matérielle et morale de leurs sujets163.
57Paradoxalement, les animateurs les plus zélés de la vie culturelle et artistique, à cette époque, n'étaient ni des Arabes ni des Musulmans, mais les vizirs Zīrides juifs, Samuel et son fils Joseph, qui, par leur politique habile de mécénat généreux et éclairé, attirèrent beaucoup de thuriféraires et de beaux esprits164.
Notes de bas de page
1 Compte tenu de l'abondance relative de notre documentation sur ce sujet, nous nous contentons de mentionner nos deux sources principales : Tibyān (pour la partie historique) et Ḏaḫīra (pour la partie littéraire). En ce qui concerne les autres références bibliographiques, voir notes suivantes.
2 Bādīs b. al-Manṣūr b. Buluggīn b. Zīrī régna à Kairouan au nom des Fāṭimides d'Égypte. Cf. H.E.M., II, p. 271 ; Zīrides, index.
3 H.E.M., II, p. 271-272 et n. 1 ; Zīrides, I, p. 97 ; H. R. Idris, « Les Zīrides d'Espagne », dans Andalus XXIX, 1964, fasc. 1. p. 46 et n. 10.
4 Tibyān, p. 16-17 ; Ḏaḫīra, IV/1, p. 81 ; Bayān, III. p. 263 ; ‘Ibar, VI, p. 157-159 ; Iḥāṭa, I, p. 440, 521 ; A‘māl, p. 227 ; Zīrides, I, p. 41, 58, 93, 97 ; Ṭawā’if, p. 122 et n. 1.
5 Supra, 26.
6 Supra, 26 et n. 6.
7 Tibyān, p. 18-19 ; Bayān, III, p. 113 ; A‘mal, p. 228 ; H.E.M., III, p. 322 ; Andalus, XXIX. 1964, fasc. 1, p. 51-52.
8 Tibyān, p. 21-22 ; Muġrib, II, p. 93, 105-106 ; H.E.M., I, p. 343-344, III. p. 53, 347 ; Poésie, p. 146 et n. 3 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 52 et n. 45, p. 130 ; Ṭawā’if, p. 124 ; E.I.2, II, p. 1035-1038, art. « Gẖarnāṭa » (A. Huici Miranda) ; E.I.2, III, p. 1137, art. « Ilbīra » (J. F. P. Hopkins).
9 Sur l'équipée d'al-Murtaḍā et sur l'exploit ṣanhāğien au cours de cette bataille décisive, cf. Tibyān, p. 22-23 ; Ḏaḫīra, 1/1. p. 453 sqq ; Bayān, III, p. 125-127 ; A‘māl, p. 130-131, 229 ; Recherches 3, I, p. 228-231 ; H.M.E., II. p. 316-318 ; H.E.M., II, p. 330 et n. 4 ; Andalus, III. 1935, p. 9 ; ibid., XXIX, 1964, fasc. 1, p. 53-54.
10 Plusieurs hypothèses ont été émises pour tenter d'expliquer la décision inattendue de Zāwī. Malgré son succès, il se rendait bien compte, à en croire l'émir ‛Abd Allāh, que son clan, les Sanhaga, était minoritaire et sans assise solide dans le pays. Aussi préféra-t-il quitter la partie. Cf. Tibyān, p. 24-25 ; Ḏaḫīra, 1/1, p. 457-459 ; Bayān, III, p. 128-129 ; A‘mal. p. 229 ; H.E.M., II, p. 331, n. l ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 54-55.
11 Bayān, III, p. 111-112, 115 ; Iḥāṭa, I, p. 312-313 ; A‘mal, p. 229 ; H.E.M., II, p. 319-320 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 50-51.
12 Tibyān, p. 25 ; Ḏaḫīra, 1/1, p. 459-461 ; Bayān, III, p. 129 ; A‘māl, p. 229 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 56.
13 Tibyān, p. 25-26.
14 Ḏaḫīra, VI, p. 460-461.
15 Tibyān, p. 26.
16 Sur l'origine des Banū al-‘Arif, cf. Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 58-59 et n. 7.
17 Infra, 120, 121.
18 Tibyān, p. 30-31 ; Poésie, p. 268 ; Andalus, XXIX. 1964, fasc. 1, p. 59 ; Ṭawā’if, p. 133.
19 Bayān, III, p. 190-191 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 61-63 ; Ṭawā’if, p. 126.
20 Bayān, III, p. 264 ; Iḥāṭa, I, p. 305 ; A ‘māl, p. 229 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 61.
21 Cette date est donnée par Ibn al-Ḫaṭīb dans Iḥāṭa, I, p. 275 ; mais, dans A‘mal, p. 233, le même polygraphe grenadin avance aussi la date de 469 H. que l'on retrouve dans d'autres sources. Le Tibyān, qui présente une lacune allant de la fin du règne de Bādīs au début de celui de ‘Abd Allāh, n'apporte pas de précision sur ce point. Cf. Andalus, XXIX, 1964. fasc. 1, p. 94-96.
22 Tibyān, p. 27-29.
23 Ibid., p. 32-34.
24 Poésie, p. 268-269.
25 Tibyān, p. 31-32.
26 Tibyān, p. 37-40 ; Bayān, III, p. 264-265 ; A‘māl, p. 230-231 ; Poésie, p. 270 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 79 sqq.
27 Infra, 122, 123.
28 Tibyān, p. 40 ; Bayān, III, p. 265 ; A‘māl, p. 231 ; Poésie, p. 271 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 81-83.
29 Sur le rôle joué par les Banū al-Qarawī sous Bādīs et leur disgrâce tramée par leur ex-protégé Joseph b. Nagrālla, voir Tibyān, p. 36, 38-39, 42 et passim ; Bayān, III, p. 265 ; A‘māl, p. 231 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 59, 78, 80, 82, 131.
30 Tibyān, p. 50-54 ; Bayān, III, p. 266 ; Poésie, p. 270 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 86-88.
31 Tibyān. p. 54 ; Ḏaḫira, 1/2, p. 769 ; Bayān, III, p. 275 ; Iḥāṭa, I. p. 448 ; A‘māl, p. 233 ; Nafḥ, IV, p. 322 ; Poésie, p. 273 ; Andalus. XXIX. 1964. fasc. 1. p. 88-89.
32 Le poète Abū Bakr b. ‘Ammār, louant al-Mu‘taḍid. l'ennemi juré des Berbères, lui déclara : « Ton épée a sévi contre un peuple qui n'a jamais cru qu'aux Juifs, bien qu’il se donne le nom de Berbère. » (Cf. Qalā‘id, p. 109 ; trad. dans Poésie, p. 268-269.) À une autre occasion, il le glorifia d'avoir vaincu « des Juifs, mais qui étaient des Berbères ». (Cf. Qalā‘id, p. 99 ; trad. dans Poésie, p. 269.) Voir aussi Qalā‘id, p. 20 ; Munk, J.A., 4e série, 1850, p. 213 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 70 et n. 20.
33 Tibyān, p. 30-32.
34 Ibid., p. 32 ; Esp. mus. xe s., p. 39 ; H.E.M., I, p. 81, 343-344 ; Poésie, p. 265.
35 H.E.M., I, p. 81 ; Poésie, p. 268 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 132-133 ; E.I.2, I, p. 505-506, art. « Andalus » (E. Lévi-Provençal).
36 Tibyān, p. 32.
37 Grâce à sa richesse et à sa culture, sa communauté l'avait nommé nāğīd, prince des Juifs. Cf. infra, 121.
38 Tibyān, p. 32 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 60.
39 Tibyān, p. 31. Selon R. Dozy, les princes zīrides de Grenade se défiaient trop des Arabes pour les admettre à leur service. Cf. H.M.E., III. p. 19-20 ; Poésie, p. 268 et n. 2.
40 La berbérophobie du vizir de Zuhayr, Ahmad b. ‘Abbās, qui dressait son maître contre les Grenadins, serait à l'origine de cette brouille. Cf. Tibyān. p. 34-35 ; Ḏaḫīra. 1/2, p. 656 sqq ; Bayān. III. p. 170-172 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 63.
41 Bayān, III, p. 169 sqq ; A‘māl, p. 216-217. 230 ; Abbadidis, II, p. 34 ; H.M.E., III, p. 26-29 ; Andalus. XXIX, 1964, fasc. 1. p. 67-70.
42 Bayān, III, p. 201-202 ; lhāta, I, p. 287 ; ‘Ibar, VI. p. 180 ; Abbadidis, II. p. 33-34 et passim ; H.M.E., III, p. 31-32 Andalus, XXIX. 1964, fasc. 1, p. 70-71 ; Ṭawā’if, p. 130.
43 Tibyān, p. 43 ; Bayān, III. p. 218 ; Nafḥ. I. p. 435 ; 'Ibar, IV. p. 155 : H.M.E., III, p. 41-42 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1. p. 73-74 et n. 39.
44 Infra, 177.
45 Tibyān, p. 43. 57-59 ; Qalā‘id, p. 20-22 ; Bayān, III, p. 273-275 ; H.M.E., III, p. 67-70 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 90 ; Ṭawā’if, p. 131-132.
46 Tibyān, p. 55.
47 Ibid., p. 56-57.
48 Sur la personnalité de Bādīs et le bilan de son règne, voir Tibyān, p. 27 ; Qalā‘id, p. 20 ; Iḥāṭa, I, p. 443 ; A‘māl, p. 230.
49 Ce fut le général al-Nāya, devenu premier ministre après la disparition de Joseph b. Nagrālla, qui enleva Baéza au fils de Muġāhid, seigneur de Dénia. Cf. Tibyān, p. 62-63 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 91-92.
50 Supra, 111.
51 Tibyān, p. 48-49.
52 Bayān, III, p. 266.
53 A‘māl, p. 233.
54 A‘māl, p. 234.
55 Tibyān, p. 84-88 ; A‘māl, p. 235.
56 Tibyān, p. 90-95, 102, 106.
57 Il s'agit de la forteresse de Belillos (Balīllus), édifiée à six parasanges environ de Grenade. Cf. Tibyān, p. 70 ; Andalus, IV, 1936, p. 114 et n. 5 ; ibid., XXIX, 1964, fasc. 1, p. 99 et n. 15.
58 Tibyān, p. 69-71.
59 Ibid., p. 69-70.
60 Ibid., p. 71.
61 Infra, 178, 200.
62 Ibn ‘Ammār trahit al-Mu‘tamid en se déclarant souverain indépendant de Murcie qu’il venait de conquérir pour le compte de son maître. Celui-ci l'exécuta de ses propres mains. Cf. infra, 150, 188.
63 Tibyān, p. 82.
64 Ibid., p. 71-72.
65 Tibyān, p. 72-76.
66 Infra, 201, 202.
67 Tibyān, p. 104. Tamīm de Malaga avait vainement sollicité auparavant l'aide des Almoravides dans le conflit qui l'opposait à son frère ‘Abd Allāh. Cf. ibid., p. 102 ; Los Almorávides, p. 130.
68 Tibyān, p. 102-103 ; H.M.E., III, p. 124 ; Los Almorávides, p. 132-133. Outre le cadi de Grenade, cette délégation présidée par Abū Bakr b. Zaydūn, le premier ministre d'al-Mu‘tamid, comprenait les cadis de Cordoue et de Badajoz. Cf. supra, 70 ; infra, 189, 190.
69 Supra, 170 et n. 26.
70 Infra, 150, 151.
71 Tibyān, p. 109-110 ; H.M.E., III, p. 134-138 ; Los Almorávides, p. 141.
72 H.M.E., III, p. 141-142 ; Los Almorávides, p. 210 ; Andalus, XXIX, 1964. fase. 1, p. 111-114.
73 Tibyān, p. 109-110.
74 Ibid., p. 149 sqq ; A'mál, p. 235 ; H.M.E., III, p. 143.
75 Aucun des Mulūk al-Ṭawā’if n'a essayé de le secourir. Cf. Tibyān, p. 164 sqq.
76 Ibid., p. 151 sqq ; A‘māl, p. 235.
77 A‘māl, p. 236 ; H.M.E., III, p. 181-182 ; Andalus, III, 1935, p. 26 et n. 56 ; Los Almorávides, p. 148.
78 Tibyān, p. 171.
79 Ibid., p. 162-163 ; A‘māl. p. 236.
80 W.Tibxān, (2e appendice), p. 208-209 ; A‘māl, p. 235 ; Andalus, III, 1935, p. 27-28.
81 Ḏaḫīra, 1/1, p. 460 ; Zīrides, I, p. 7. Bādis b. Zīrī est considéré comme Yéménite himyarite par le poète Ibn al-Ḥağğ al-Lūraqī. Cf. infra, 197, 198.
82 Ḏaḫīra, 1/1, p. 460.
83 A‘māl, p. 234 ; Poesie, p. 60 ; Andalus, XXIX, 1964, fase. 1, p. 97, n. 7.
84 Supra, 114-118.
85 A‘mal, p. 235.
86 Muḥammad b. ‘Abd al-Wāḥid al-Ġāfiqī (m. à Grenade en 619/1222) est l'auteur d'une histoire des savants de la région d'Elvira, souvent citée par Ibn al-Ḫaṭīb dans son Iḥāṭa.
87 Tibyān, (2e appendice), p. 208 ; trad. dans Andalus, III, 1935, p. 27.
88 Sur la valeur documentaire de cet ouvrage, cf. supra, 12.
89 Tibyān, p. 195 et passim.
90 Tibyān, p. 8, 198-199.
91 Ibid., p. 8.
92 Ibid., p. 198.
93 Ibid., p. 3 sqq.
94 Ibid., p. 178.
95 Ibid., p. 179-183, 188-191 et passim.
96 Ibid., avant-propos, p. 6.
97 Les Juifs d'Espagne étaient presque exclusivement des citadins. Cf. H.E.M., I, p. 81.
98 Idem.
99 H. Gräetz, Les Juifs d'Espagne, p. 150 ; Poésie, p. 37, n. 3 ; E.I.2, III, p. 793-794, art. « Ibn Gabirol » (G. Vajda).
100 Cf. S. M. Stem, dans Andalus, XIII, 1948, p. 335, n. 1 ; trad. dans H.E.M., l, p. 81, n. 1.
101 Cf. Poésie, p. 266-268.
102 Ce nom se présente sous des formes variables selon les sources. On constate par ailleurs une confusion entre le père Ismā‘īl (Samuel) et le fils Yūsuf (Joseph), désignés tous les deux, dans la plupart des sources, par le nom d'Ibn Nagrālla, sans prénom, ou tout simplement par la périphrase : al-wazīr al-yahūdī. Cf. Ḏaḫīra, 1/2, p. 761 et n. 4 ; Muġrib, II, p. 114 ; Andalus, III, 1935, p. 12, n. 23 ; ibid., XXIX, 1964, fasc. 1, p. 79, n. 54.
103 Sur Ibn Nagrālla, voir Tibyān, index ; Ḏaḫīra, 1/2, p. 761-769 ; Bayān, III, p. 264-266 ; Muġrib, II, p. 114 ; Iḥāṭa, I, p. 446-447 ; A‘mal, p. 230 ; Abraham ben David, dans Munk, J.A. 4e série, XVI, p. 230 sqq ; H. Gräetz, Les Juifs d'Espagne, p. 129 ; H.M.E., III, p. 18 sqq ; Andalus, III, 1935, p. 12-17 ; ibid., XXIX, 1964, fasc. 1, p. 58-59 et index ; Poésie, p. 269-270 ; E.I.1, IV, art. « Zīrides » (E. Lévi-Provençal).
104 Cf. Iḥāṭa, I, p. 446-447 ; Munk, J.A. 4e série, XVI, p. 203-205 ; H. Gräetz, Les Juifs d'Espagne, p. 129 ; H.M.E., III, p. 18-19.
105 Cf. E.I., art. « Zīrides », loc. cit.
106 Bayān, III, p. 264 ; Muġrib, II. p. 114 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 60-61.
107 Tibyān. p. 31-32 ; Iḥāṭa, I, p. 446-447 ; Munk, J.A., 4e série, XVI. p. 209, 222-224 ; H.M.E., III. p. 20-22 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 60-61.
108 Poésie, p. 269 ; infra, 125. 126.
109 Nous renvoyons aux mêmes références bibliographiques que pour Samuel, d'autant que beaucoup de sources arabes prennent le fils pour le père et, finalement, ne font des deux qu'un seul personnage. Cf. supra, 120 n. 102.
110 Ce titre princier, tombé quelque peu en désuétude, fut rétabli en l'honneur de Samuel. Ibn Bassām précise, avec ironie, qu'Ibn Naġrālla adopta un titre auquel ses ancêtres avaient renoncé depuis bien longtemps. Cf. Ḏaḫīra, 1/2, p. 767.
111 Idem ; Bayān, III, p. 276 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 79.
112 En parlant de Samuel, l'émir ‘Abd Allāh, qui l'appelle « Abū Ibrahim » ou « al-šayḫ Abū Ibrāhīm », semble avoir beaucoup d'estime pour lui. (Cf. Tibyān, p. 30, 31, 33, 36-37.) En revanche, il juge sévèrement Joseph qu’il traite de pourceau. Cf. Tibyān, p. 34 et passim.
113 Cf. Ḏaḫīra, 1/2, p. 766 ; Risālat al-radd ‘alā Ibn al-Niġrīla, éd. I. ‘Abbās, Le Caire, 1960.
114 Poésie, p. 270.
115 Infra, 125. 126.
116 Recherches 2, I, p. 264 ; supra, p. 59, 62.
117 Bugya, n° 520, p. 210 ; Takmila, n° 352, p. 167 ; Muġrib, II, p. 132-133 ; A‘mal, p. 231-233 ; Nafḥ. III. p. 491. IV, p. 86 et index ; Recherches 3. I, p. 282-294 ; H.M.E., III, p. 70-73 ; G.A.L., S. I, p. 479-480 ; E. García Gómez, Un alfaqui español : Abū Isḥāq de Elvira, Madrid-Grenade, 1944 ; Poésie, p. 272-273 ; Andalus, III, 1935, p. 20 et n. 37 ; ibid., XXIX. 1964. fasc.l, p. 79-80 ; E.l.2, I, p. 134, art. « Abū Isḥāq al-Ilbīrī » (E. García Gómez).
118 Le texte de ce poème, qui figure dans A‘mal, p. 231-233, a été reproduit et traduit par R. Dozy dans ses Recherches 3, texte, I, appendice, LXIII-XVIII, trad., p. 286-289. La même traduction se trouve aussi dans H.M.E., III, p. 71-72. Sur cette qaṣīda, voir aussi Muġrib, II, p. 132-133 ; Nafḥ, IV, p. 322 ; Poésie, p. 272-273 ; Andalus, III, 1935, p. 20 et n. 37 ; ibid., XXIX, 1964. fasc. 1. p. 79-80 ; Dīwān, pièce XXV, p. 151-153.
119 Supra, 111.
120 Rime -in, mètre mutaqārib, trad. dans Poésie, p. 273.
121 Dans ses Mémoires, l'émir ‘Abd Allāh ne souffle mot de ce poème qui pourtant a particulièrement retenu l'attention des historiens. Il est curieux aussi qu'Ibn Bassām ait totalement ignoré al-Ilbīri qui n'a jamais été mentionné dans la Ḏaḫīra.
122 Le Dīwān d'al-Ilbīrī a été publié par E. García Gomez. Madrid-Grenade, 1944. (Voir références bibliographiques, supra, 122, n. I 17.)
123 Ḏaḫīra, 1/2, p. 882-904 ; Ğaḏwa, p. 193 ; Muṭrib, p. 93 ; Muġrib, II, p. 100-101 ; Nafḥ, index ; Recherches 3, I, p. 261 ; H.M.E., III, p. 136 ; Andalus, III, 1935, p. 27-28, notes 60 et 209 ; Poésie, index.
124 Ses satires ont été réunies dans un recueil qu’il avait intitulé Šifā‘al-amrāḍ fī aḫḏ al-a‘rāḍ. Cf. Muṭrib, p. 93 ; Nafḥ, IV, p. 108 ; Recherches 3, I, p. 261.
125 Nafḥ, III. p. 412 ; Poésie, p. 14.
126 Ḏaḫīra, 1/2. p. 887 ; Nafḥ, III, p. 412 ; Poésie, p. 246.
127 Ḏaḫīra, 1/2, p. 883 sqq ; Nafli, passim.
128 Ḏaḫīra, 1/2, p. 885 ; H.M.E., III, p. 136 ; Poésie, p. 104.
129 Ḏaḫīra, 1/2 ; Muġrib, II, p. 100-101 ; Nafḥ, III, p. 291 ; Poésie, p. 447.
130 Ḏaḫīra, 1/2. p. 889-890.
131 Ibid., p. 889-892.
132 Supra. 25.
133 Nafḥ, I, p. 527-528 ; Poésie, p. 126.
134 Poésie, p. 127.
135 Ḏaḫīra, 1/2, p. 754-769 ; Ğaḏwa, p. 366-367 ; Buġya, n° 1510 ; Muġrib, II, p. 99 ; Nafḥ, III, p. 264, 332, 387-388 ; H.M.E., III, p. 20-21 ; Poésie, p. 269-270 et index ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 61 et n. 10.
136 Ḏaḫīra, 1/2, p. 761-763.
137 lbid, p. 763-765.
138 Rime -rā, mètre ṭawīl. Ḏaḫīra, 1/2, p. 765. La traduction des six derniers vers du poème figure dans H.M.E., III, p. 20-21, et celle des neuf derniers (dont font partie les deux vers que nous citons) dans Poésie, p. 269-270.
139 Ḏaḫīra, 1/2, p. 754-761.
140 Ḏaḫīra, 1/2, p. 760 ; Muġrib, II, p. 182-184 ; Nafḥ, III, p. 332, 387-388 ; Poésie, p. 58, n. 6, p. 271 ; S. Munk, dans J.A., 4e série, XVI, 1850, p. 220-222 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 89, n. 79.
141 Muġrib, II, p. 182-183 ; Nafḥ, III, p. 387-388 ; Poésie, p. 271.
142 Nafḥ, III, p. 387-388.
143 Supra, 125.
144 Ḏaḫīra, 1/2, p. 760 ; Muġrib, II, p. 184 ; Nafḥ, III, p. 387-388.
145 Ḏaḫīra, 1/2, p. 624-643, III/l, p. 146-147 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 63-64 et n. 21.
146 Ḏaḫīra, III/1, p. 146.
147 Après s'être emparé de Huelva et de Saltès, en 443/1051, al-Mu‘taḍid en confia le gouvernement à son fils aîné Ismā‘īl, l'héritier présomptif, qui avait comme principal collaborateur et conseiller, Abū ‘Abd Allāh al-Bizilyānī (Ḏaḫīra, 1/2, p. 624). Celui-ci aurait incité le prince à se rebeller contre son père. (D'après Ibn Ḥayyān cité par Ibn Bassām dans la Ḏaḫīra, III/1, p. 146-147.)
148 Ḏaḫīra, 1/2, p. 625-627 ; Andalus, XXIX. 1964. fasc. 1, p. 63, n. 21 ; supra, 84.
149 Ḏaḫīra, 1/2, p. 627-628 ; Andalus, loc. cit.
150 Ḏaḫīra, 1/2, p. 630 ; Andalus, loc. cit.
151 Ğadwa, p. 173 ; Ḏaḫīra, IV/1, p. 124-126 ; Sila, p. 125 ; Udaba’, VII, p. 145-148, XIII, p. 210 ; Iḥāṭa, I, p. 287-288, 462-466 ; Nafḥ, II, p. 647 ; H.M.E., III, p. 30-35 ; Andalus, III, ¡935, p. 14-15 ; ibid., XXIX, 1964, fasc.l, p. 66-67, 71 ; Poésie, p. 42, 308, n. 3.
152 Ḏaḫīra, IV/1, p. 125.
153 Supra, 110.
154 Udaba, VII, p. 145-148, XIII, p. 210 ; H.M.E., III, p. 30-31 et n. I ; Andalus, III, 1935, p. 14-15 ; ibid., XXIX, 1964, fasc. 1, p. 66.
155 Attaqué par le roi de Séville, le prince berbère de Carmona demanda l'aide des Ḥammūdides de Malaga et celle de Bādīs. Cf. supra, 84 ; infra, 175.
156 Al-Ǧurğānī courut ce risque dans l'espoir de retrouver sa famille restée à Grenade. Cf. Iḥāṭa, I, p. 287 ; H.M.E., III, p. 34 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. I, p. 70-71.
157 Ǧaḏwa, p. 306 ; Ḏaḫīra, 1/2, p. 853-870 ; Maṭmaḥ, p. 60 ; Bugya, p. 47, 371 ; Udaba, XVI, p. 167 ; Muṭrib, p. 84 ; Muġrib, I, p. 317-318 ; Nafḥ, index ; Recherches 3, I, p. 269 ; Poésie, p. 59, 461 ; Andalus, XXIX, 1964, fasc. 1, p. 82, note 65.
158 Supra, 53.
159 Buġya. p. 47 ; Recherches 3, I. p. 269 et appendice, p. LII-LIII ; trad. dans Poésie, p. 59.
160 Ḏaḫīra. 1/2, p. 868-870 ; Nafḥ, III, p. 398. Dans ce thrène, le poète ne fait pas la moindre allusion aux circonstances controversées de la mort de Buluggīn.
161 Rime -avili, mètre basit. Ḏaḫīra, 1/2, p. 859-860 ; Muġrib, I, p. 317 ; Nafḥ, III. p. 265. 398. 447. 596. IV. p. 28 ; trad. dans Poésie, p. 461.
162 Supra, 127.
163 Abū Isḥāq al-Ilbirī et al-Sumaysir furent parmi les chefs de file les plus redoutables de ce courant contestataire. Cf. supra, 122-125.
164 Les poètes al-Munfatil et Ibn al-Farrā’ firent preuve de beaucoup de dévouement et de fidélité à l'égard de leurs mécènes juifs. Cf. supra, 125, 126.
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