Les orientations de la coopération franco-indienne
p. 447-497
Texte intégral
1Au début de l’année 1949, Mayer décrit la perception de la France qu’il a observée chez les Indiens :
« Autant que j’ai pu m’en rendre compte, notre pays est actuellement aux Indes, à peu près inconnu. La mémoire de Napoléon, à qui on est reconnaissant à la fois de ne pas avoir aimé les Anglais et d’avoir envisagé une expédition vers les Indes, est parfois évoquée. À part ce souvenir historique et notre présence dans les comptoirs de l’Inde, qui actuellement ne nous attire pas de sympathie, nous ne sommes connus que des Indiens qui sont venus en Europe, et là encore, pas comme un pays industriel. Les Indiens savent que la France produit des vins et des parfums. Ils n’ont jamais entendu parler des possibilités de notre pays comme producteur de matériel industriel. Toute action de la France devra être précédée d’un effort d’information considérable. »1216
Enseignement et formation
2Alors que, rapidement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Inde rentre dans une phase de transition, la question de la langue et celle de la formation de ses élites représentent des enjeux certains. Au-delà de l’héritage culturel propre à la péninsule et à son histoire et aux évolutions connues pendant la période sous administration britannique, des espaces apparaissent ouverts à la coopération française.
3Après la Seconde Guerre mondiale, l’enseignement du français reste au premier plan des préoccupations de l’action culturelle française dans le monde. Dans leur étude de l’histoire de la diplomatie culturelle française, Piniau et Roche rappellent cette primauté :
« Le rayonnement culturel extérieur de la France se confond avec l’expansion et le rayonnement de sa langue. C’est le premier concept, linguistique, autour duquel s’articule cette présence de la France dans le monde. Et celui à partir duquel tout devient possible. Du moins le conçoit-on ainsi (…). La progression de la langue anglaise- perçue comme une rivale menaçante- lui confère une actualité nouvelle ».1217
La situation linguistique en Inde et les choix du Quai d’Orsay
4En 1948, le S.K. Chatterjee, rapporteur de la commission gouvernementale chargée de déterminer la lingua franca de l’Inde, interpelle le conseiller de l’ambassade au sujet d’une possible coopération franco-indienne sur le plan linguistique : « … il n’a cessé d’insister sur la nécessité de maintenir l’anglais pendant la période transitoire et de préférer à l’avenir le français comme canal vers les connaissances occidentales ».1218
5Ainsi que le souligne S.K. Chatterjee, l’Inde connaît une période de transition au moment de l’Indépendance. Au cours de cette période, différentes modalités concernant l’établissement des structures de l’État restent à définir. Par une politique de traduction, mais également par le développement d’une coopération linguistique plus large, il apparaît alors possible pour la langue française de jouer un rôle dans la formation des élites indiennes. Cependant, tout va très vite, et déjà en 1950, Pierre Gourou traitant de cette question, évoque l’obstacle de la langue :
« Le français est vraiment très peu compris, très peu parlé, et même très peu lu. Le développement des langues nationales, hindi dans l’Inde, ourdou au Pakistan, ne pourra qu’aggraver l’ignorance du français car beaucoup d’intellectuels devront ajouter la langue nationale à la liste des langues qu’ils doivent connaître (langue nationale, sanscrit, anglais par exemple).
Ces perspectives peu brillantes montrent combien il est nécessaire de maintenir notre appareil de diffusion du français (lecteurs, alliances) et de le développer. Elles montrent aussi qu’il serait nécessaire de faire connaître notre pensée et notre production scientifique en favorisant la traduction de nombreux ouvrages français tant en hindi qu’en ourdou ».1219
6L’anglais confirme donc sa place incontournable en Inde, le français se trouvant cantonné à l’usage de cercles francophiles. Ainsi, en 1952, évoquant la venue des conférenciers français en Inde, l’ambassadeur écrit :
« En ce qui concerne l’organisation de conférences, je dois signaler au département qu’il est impossible d’en prévoir ici qui soient faites en langue française pour les universités indiennes. C’est un peu comme si un écrivain indien demandait à faire à la Sorbonne des conférences en hindi ou en ourdou. Ce projet ne présente aucun intérêt du point de vue de notre influence et de notre rayonnement aux Indes ».1220
7Les Alliances françaises de Calcutta et de Bombay réunissent bien une clientèle fidèle autour de manifestations en langue française, toutefois, ainsi que le souligne l’ambassadeur, il est impossible d’envisager une action culturelle, scientifique et technique en Inde qui se fasse exclusivement par le biais de la langue française. C’est pourtant cette orientation que la direction générale des Affaires culturelles va définir. Nommé à sa tête, en 1952, Jacques de Bourbon Musset affirme la volonté de soutenir la diffusion de la culture française uniquement par le français, au détriment des autres formes de rayonnements possibles :
« Il m’a paru tout de suite nécessaire de faire un choix essentiel. Deux conceptions globales étaient, en effet, possibles. Ou bien concentrer les efforts sur le rayonnement de la culture française sous toutes ses formes, quitte à recourir au truchement de la langue dominante, la langue anglaise. Ou bien s’attacher, coûte que coûte, au développement de la langue française dans le monde, quitte à sacrifier certaines possibilités de rayonnement culturel. C’est ce second parti que j’ai pris avec l’accord de mes principaux collaborateurs, et auquel je me suis tenu pendant les quatre années qu’a duré ma mission. »1221
8Ce qui était une inclination naturelle des Affaires étrangères devient donc un choix politique déterminé comme le souligne Bourbon Musset : « La priorité donnée à l’enseignement de la langue française avait comme conséquence l’obligation de recourir exclusivement au français comme véhicule de (la) culture (française). »1222
9Ce choix revient donc à limiter considérablement les possibilités de développement de la culture française en Inde, à moins qu’une action d’envergure ne soit menée pour la diffusion de la langue française, qui passerait nécessairement par l’envoi de professeurs français, la formation de professeurs indiens, des contacts directs avec les universités et les autres établissements d’enseignement, etc.
10La langue est un enjeu et un axe de réflexion incontournables pour l’action de la France dans l’Inde indépendante. London le souligne à de nombreuses reprises. Selon lui, si les élites du sud de la péninsule montrent des prédispositions pour la culture française, l’apprentissage de la langue de Hugo n’est pas le corrolaire obligatoire de cet intérêt, surtout dans le contexte socio-culturel de la seconde moitié du XXe siècle :
« Un problème fondamental est apparu aux administrateurs de l’Alliance de Madras. C’est que si le français était naguère à la fois langue d’usage et de culture, le premier de ses attributs est devenu, au XXe siècle, l’apanage de l’anglais dans nombre de contrées y compris l’Inde dravidienne et que seul son caractère de culture subsiste. En d’autres termes, les milieux s’intéressant à la France n’ont pas besoin d’apprendre le français pour étudier nos disciplines philosophiques, politiques ou techniques ; ils ne l’éprouveront que s’il s’agit d’obtenir un diplôme ou si leurs penchants, leurs loisirs les y poussent. »1223
11L’action des élites de l’Inde méridionale contribue au maintien de la langue anglaise comme langue nationale. Cette démarche est motivée par leur refus d’accepter la langue hindie comme seule et unique langue nationale, ce qui équivaudrait pour elles, dont les langues appartiennent au groupe dravidien, à une reconnaissance d’une domination culturelle du Nord. En décembre 1957, le gouvernement de Madras promulgue une décision en faveur du maintien de l’anglais comme seconde langue officielle de la nation, aux côtés du hindi.1224 Les enjeux de la question linguistique sont donc peut-être plus importants dans l’Inde du Sud où elle participe à la détermination identitaire par rapport à l’Inde du Nord.
12Après l’Indépendance, l’emprise de la langue anglaise sur les élites idiennes va donc en se renforçant, s’imposant toujours un peu plus comme la lingua franca du nouvel État indien. L’ambassadeur peut se faire le témoin de cette évolution qui réduit l’audience potentielle de la langue française à des catégories très circonscrites :
« La préoccupation traditionnelle d’une large connaissance de notre langue doit ici être oubliée ; l’anglais est partout présent et les chercheurs qui sollicitent l’envoi d’ouvrages scientifiques, par exemple, retournent parfois nos livres s’ils ne sont pas traduits dans l’idiome de Shakespare. Ne cherchent, en effet, à parler français que les candidats à nos bourses, les employés ou les fonctionnaires qui obtiennent un complément de traitement s’ils peuvent faire état d’un diplôme de langue étrangère autre que l’anglais, les membres de certaines professions qui estiment avoir avantage à consulter des revues et des ouvrages qui les intéressent professionnellement (techniciens de la construction, docteurs, mathématiciens, spécialistes de la fonction publique, sociologue, etc…), enfin les étudiants ayant choisi le français pour leurs examens supérieurs et quelques amateurs désintéressés ».1225
13Si les programmes proposés par les cercles francophiles que sont les Alliances françaises de Calcutta et de Bombay se donnent en français, lorsqu’il s’agit de toucher une audience plus large, l’usage de l’anglais ou d’une langue indienne devient impératif.
14Dès 1953, on retrouvait cette constatation sous la plume du très actif secrétaire de l’Alliance française de Bombay, Henri Murcia. L’analyse de ce dernier, concernant le rôle de la langue dans l’action culturelle de la France, rejoint celle du consul à Madras. Murcia utilise un exemple très précis Presentation of France, un livre qu’il décrit comme donnant « une idée assez précise des multiples visages de la France :
« Je ne saurais vous dire combien ce livre a intéressé nos amis indiens. C’est un des livres les plus lus dans la salle de lecture de l’Alliance. De nombreuses personnes ont manifesté le désir d’avoir ce livre. Malheureusement, je n’en ai qu’un exemplaire et les fonds de l’Alliance française ne permettent pas la diffusion gratuite de ce livre.
A mon avis, ce livre correspond exactement aux besoins de l’action culturelle française en Inde, qui en est semble-t-il à son premier stade. Dans certaines régions, le seul moyen de franchir ce premier stade est peut-être la diffusion d’une brochure de ce genre, imprimé en anglais. L’obstacle de la langue nous gêne beaucoup dans la diffusion des informations sur la France. Ce premier stade passé, il est certain que beaucoup d’Indiens désireront mieux connaître la France et sa langue. J’ai pu remarquer bien souvent qu’on ignorait la situation géographique exacte et les caractères principaux de notre pays. D’autre part ce livre faciliterait nos réponses aux demandes de renseignements que nous recevons constamment ».1226
La question de la traduction
15Au moment de l’Indépendance, la République indienne doit donc se déterminer sur la question de la langue nationale dans un contexte de grand multilinguisme. En outre, avec l’élargissement des responsabilités de l’administration indienne et de l’accès à l’enseignement, des besoins importants apparaissent pour faire face aux lacunes du fonds bibliographique en hindi, la première langue nationale, que ce soit dans le domaine administratif, juridique, scolaire, universitaire etc. À cela s’ajoute la volonté, toujours présente chez les élites dirigeantes, de ne pas être tributaires des seules références anglo-saxonnes.
16Ces perpectives sont soulignées par le professeur Pierre Gourou, après une entrevue à Delhi, en 1950, avec le pandit Kunzru, président de l’Indian Council of World Affairs :
« Nous avons débattu le point suivant qui me semble important sur le plan culturel : le hindi étant appelé à prendre une place grandissante dans la vie intellectuelle de l’Inde, particulièrement dans l’enseignement universitaire, et à devenir une grande langue de culture, ne serait-il pas utile à notre influence de favoriser la traduction directe d’ouvrages français en hindi ? … les besoins sont immenses, non seulement en matière littéraire, mais en ouvrages techniques de toutes sortes. Il résulte de nos entretiens que des personnalités indiennes bien placées seraient très favorables à tout ce qui pourrait être fait dans le sens d’une large traduction d’ouvrages français en hindi . »1227
17Elles avaient déjà été signalées deux ans plus tôt par le conseiller à l’ambassade après sa visite à l’université d’Allahabad, en 1948, qui observait à l’issue de ses entretiens avec le docteur Chatterjee :
« Une conclusion pratique paraît se dégager du point de vue français : notre pays aurait intérêt à mettre à profit cette période de transition prévue pour l’établissement obligatoire du hindi en vue de faire traduire dans cette langue les publications essentielles qui renferment les principales contributions françaises aux sciences historiques et sociales.
Si toutes les universités sont aussi favorables à l’introduction de la culture française dans leur enseignement que le sont celles d’Allahabad et de Delhi, où le vice-chancelier est lui-même de formation française, il semblerait possible d’établir en accord avec les autorités indiennes, une liste d’ouvrages français historiques, juridiques et économiques qui, une fois traduits en hindi, seraient adoptés comme base de l’enseignement supérieur. Une expérience analogue faite en Turquie a donné les meilleurs résultats. C’est d’abord par la traduction qu’il conviendrait de familiariser les jeunes esprits indiens avec la culture française. Il ne faut pas espérer les voir lire les textes originaux avec une compréhension suffisante, aussi longtemps que le français ne sera pas normalement enseigné avant à l’université. »1228
18La direction des Affaires culturelles confirmant, au début des années 1950, son orientation vers une action uniquement par le biais de la langue française, les possibilités de développement de la culture française parmi la population estudiantine de l’Inde se trouvent considérablement limitées, si ce n’est écartées. Ce choix rend également presque impossible une action culturelle à travers les langues indiennes – dont certaines, comme le hindi, le bengali ou le tamoul, réunissent parmi les plus grandes communautés de locuteurs dans le monde – en s’interdisant la traduction de la production écrite française en langue indienne.1229 Ce faisant, le rôle d’intermédiaire de la langue anglaise pour l’accès à la culture française en Inde se trouve consacré et les structures de formation à la traduction se voient privées d’un élément dynamique et d’un débouché essentiels. Sur un plan plus général, les relations culturelles franco-indiennes sont privées de cette matière indispensable d’échanges que la traduction met à la disposition des deux pays pour une meilleure connaissance réciproque. Ceci constitue donc une régression par rapport au XIXe siècle, la traduction occupant alors une place centrale dans les sciences humaines et plus largement dans les mouvements de la pensée. Dès lors que le Quai d’Orsay met de côté l’outil de la traduction, une politique d’enseignement du français n’en devient que plus nécessaire.
Boursiers-lecteurs, enseignants détachés ou centre de formation ?
19La question des bourses occupe une place centrale dans les relations culturelles. Au cours des périodes précédentes, privilégiant les relations avec d’autres régions du monde, la France a accumulé en Inde un retard dans ce domaine par rapport à l’Allemagne, aux États-Unis, et bien évidemment à la Grande-Bretagne. Conscients que l’établissement de programmes de bourses peut servir de levier au développement de la coopération franco-indienne, l’ambassadeur et les services culturels vont œuvrer activement dans cette direction, entre 1947 et 1962. À travers les programmes d’échanges franco-indiens, la question des lecteurs rejoint celle des boursiers.
20Le Quai d’Orsay présentant des limites très restrictives concernant le détachement de professeurs qualifiés en Inde, le conseiller d’ambassade évoque dès 1948 l’idée du soutien à une école pour la formation des enseignants de français, une idée déjà évoquée par le consul de France à Bombay en 1929 :
« L’effort de base de l’enseignement direct de la langue devrait être fait dans les écoles. Ici encore, l’exemple turc mériterait d’être suivi. Le "Ghazi Enstitusa" d’Ankara a formé des professeurs et des instituteurs destinés à enseigner le français. La formation de ces professeurs et de ces instituteurs avait été confiée à des Français. Cette méthode indirecte d’enseignement direct est la seule qui soit possible dans un pays de civilisation ancienne et de nationalisme récent. C’est également la seule qui soit possible dans un pays où les traitements des professeurs et des instituteurs ne peuvent pas permettre à un Européen de vivre convenablement ».1230
21L’Alliance française de Delhi connaît des débuts timides et une audience limitée faute d’avoir un professeur suffisament disponible. Celle de Madras connaît également des temps difficiles et se maintient dans un équilibre précaire, à cause de l’absence de professeurs qui puissent se consacrer au développement de l’association. Enfin, celle de Bombay présente le visage d’une association moribonde et le nombre de ses élèves dépasse difficilement la douzaine jusqu’en 1950, date de l’arrivée d’un professeur qualifié qui va marquer le début d’une période d’expansion amenant, neuf ans plus tard, le nombre des élèves à dépasser les 500. La vitalité des Alliances de Calcutta et de Bombay est impulsée par la présence d’enseignants qualifiés : Bossennec, Batbedat, Amado, Murcia, Sanna, Bourgeot… Toutefois, ni l’Alliance de Calcutta, ni celle de Bombay ne peuvent alors assurer le rôle de centre de formation pour des professeurs. Ceci nécessiterait une structure permanente et spécifiquement consacrée à cette tâche, dans le cadre d’une action coordonnée entre les deux États.
22Faute de professeurs détachés, la France va tenter de s’appuyer sur les boursiers français du gouvernement indien, en leur attribuant le rôle de lecteur. Au nombre de neuf, en 1949, ils sont ensuite au nombre de six ou sept les années suivantes. L’approximation des chiffres disponibles traduit assez bien l’instabilité d’un système qui ne semble faire l’objet d’aucun suivi systématique. L’ambiguïté de la mission et de ses conditions d’exécution – le montant de la bourse est seulement de 500 roupies – rendent évidemment difficile toute exigence de résultat. Sans parler de l’essentiel : la capacité à enseigner de chercheurs ou de jeunes étudiants, dont ce n’est bien souvent pas la spécialité. L’ambassadeur écrit à leur propos : « Ils ont rendu et ils rendent encore des services, mais ils ont aussi causé beaucoup de déboires. »1231
23Quelques exemples suffisent à illustrer les déboires qu’évoque l’ambassadeur. Ainsi, pour remédier à ses conditions par trop modestes, le prédécesseur de Nicole Gondallier de Tugny,1232 à Patna, n’hésite pas à utiliser de façon illicite les fonds de l’institution qui l’emploie. Un autre lecteur, passionné de chasse, consacre la majeure partie de son temps à cette activité avant d’écourter son séjour. Les archives font également état de cas remarquables d’absentéisme, pour d’autres la passion amoureuse l’emporte sur le travail. En 1958, le consul général de Calcutta évoque le cas de mademoiselle Martel, boursière du gouvernement indien, qui a dû quitter son poste « suite à des démêlés avec une fraction du corps enseignant de cette université », reconnaissant à sa décharge, « la position de misère à laquelle elle est condamnée par la modicité de la bourse qui doit lui être servie ».1233 Bien sûr quelques boursiers s’illustrent dans le sens inverse, comme Jean Fournier, France Montérou1234 ou Nicole Gondallier de Tugny.1235 Toutefois, la mise en place d’un système plus efficace s’avère rapidement nécessaire à l’ambassadeur qui propose l’envoi de jeunes enseignants français pouvant faire office de lecteurs dans certaines universités, comme celles d’Allahabad, de Delhi, de Bénarès, de Calcutta, de Bombay, de Lucknow, ou de Pune. Si un tel plan a l’avantage d’une plus grande efficacité par rapport au système des boursiers-lecteurs, son application est relativement coûteuse. Anticipant sur les restrictions budgétaires du Quai d’Orsay, l’ambassadeur propose également une solution intermédiaire qui consiste en la mise en place d’un système de lecteurs itinérants qui dispenseraient, dans différentes institutions, des conférences, des cours et des exercices pratiques. Cette solution présente évidemment l’avantage de toucher un nombre d’institutions plus large, et de pouvoir coordonner les efforts des professeurs indiens de français qui s’y trouvent. Une économie résulterait du nombre réduit des lecteurs, deux ou trois. En revanche, leurs déplacements représenteraient une dépense supplémentaire.
24La dernière solution envisagée, la plus économique, reviendrait à utiliser les bourses du gouvernement indien pour soutenir les lecteurs des universités indiennes :
« On obtiendrait des résultats bien meilleurs en ne demandant au Gouvernement de l’Inde que deux ou trois bourses attribuées à des chercheurs qui ne feraient plus office de lecteurs et en amenant les universités qui le désirent à recruter des "lecturers" permanents de français qui auraient pu être formés en France ou à Pondichéry. Les traitements offerts par les universités indiennes (250 roupies par mois, d’ordinaire) ne permettent pas d’envisager le recrutement de Français pour de pareils postes ».1236
25Il faut toutefois noter que l’application de cette proposition changerait la nature des bourses en les faisant passer d’aides à des chercheurs étrangers à soutien à des postes de professeurs indiens. Or, ce que l’ambassadeur ne note pas, c’est que ceci impliquerait un traitement privilégié de la part du gouvernement indien pour les professeurs de français par rapport aux autres professeurs des universités indiennes, ce qui semble difficilement envisageable. En outre, cette solution suppose préalablement la mise en place d’un système pour la formation de ces lecteurs indiens à Pondichéry ou en France, un point qui reste également irrésolu jusqu’en 1962.
26Ces différentes propositions apparaissent comme autant de tentatives de l’ambassadeur afin de mener à bien une action culturelle tout en s’adaptant à la faiblesse de l’investissement de la France en Inde. Finalement, c’est la solution du détachement de lecteurs que le Quai d’Orsay adoptera. À partir de 1959, l’université d’Hyderabad et celle d’Annamalai accueillent un lecteur de même que, à partir d’août 1960, celle Delhi et de Madras, et celle de Calcutta et de Pune l’année suivante. Cette mise en place d’un réseau de lecteurs est trop tardive pour qu’on puisse en mesurer les effets au cours de la période couverte par cette étude. Il est néanmoins possible de noter le succès immédiat du détachement d’un professeur à l’université d’Osmania. Ainsi les effectifs vont-ils augmenter en deux ans de 2000 %, et trois assistants indiens seront formés en moins de trois ans. Avec l’aval du recteur, Chouraqui va également créer un département de français qui comprend un M.A. French et forme des professeurs de français pour le secondaire.1237 Après les Alliances de Calcutta et de Bombay, l’affectation de professeurs qualifiés dans les universités indiennes montre donc des résultats rapides.
La coopération artistique
27De 1945 à 1962, malgré un public demandeur et des structures d’accueil qui offrent de couvrir les frais de séjours et un cachet, les passage d’artistes français en Inde restent exceptionnels. Hormis le séjour de Jean Renoir mentionné plus haut et réalisé indépendamment, la tournée du mime Marceau et la visite officielle de Malraux, aucune tournée d’artistes et d’intellectuels français d’envergure n’est à signaler pour cette période.
Artistes français en Inde, l’exception Marceau
28Le gouvernement indien prouve à plusieurs reprises sa préoccupation de développer les relations culturelles sur le plan artistique avec la France. Ainsi, une note signale qu’en 1958 : « Le gouvernement indien a officiellement invité, pour le mois de février prochain, en prenant à sa charge tous les frais de voyage et de séjour à sa charge, une mission culturelle française qui comprendra neuf personnalités des sciences, des arts, des lettres, du cinéma. »1238
29En 1960, le passage du mime Marceau dans la ville marque l’histoire artistique française à Bombay. Cette tournée donne lieu à une Semaine Mime Marceau.1239 Au cours de cette semaine, deux représentations sont organisées dans un théâtre de 1 200 places par l’Alliance française et le Time and Talent Club de la ville. Face au succès de ces représentations, une troisième représentation est organisée, et, une demi-journée après le début de leur mise en vente, tous les billets sont vendus. Enfin, une grande soirée de gala est organisée en présence du gouverneur du Maharastra.
30Ce séjour est également l’occasion pour Marceau de rencontrer les représentants des milieux artistiques. Sous les auspices de l’Indian National Theater, il présente deux conférences devant une audience nombreuse, composée d’acteurs, danseurs, peintres, sculpteurs, musiciens, etc. En outre, le mime montre son film Jardin Public, à la demande de J.R.D. Tata, devant le personnel du siège social des sociétés de ce dernier. C’est un succès total. Une seconde tournée est même envisagée pour un public encore plus large, notamment le public des banlieues ouvrières. L’enthousiasme suscité par cette tournée amène le consul à soutenir sans retenue ce projet : « … les occasions de faire connaître la France ou certains de ses aspects à un tel public sont exceptionnelles ».1240
31La venue d’artistes français de premier plan, en l’occurrence celle de Renoir ou de Marceau, rappelle la possibilité d’un dialogue culturel de haut niveau intellectuel et de grande qualité artistique. Finalement, hormis la tournée du grand mime, les spectacles français en Inde restent essentiellement ceux que les Alliances françaises organisent elles-mêmes, pièces de théâtres, expositions ou projections de films. En dehors de la grande exposition Les Trèsors de l’Inde, en 1960, la représentation de spectacles ou les expositions d’artistes indiens en France est laissée à l’initiative privée.
Art et artistes indiens en France
« Dans le champ de vision de la presse indienne, l’Angleterre couvre toute l’Europe. Depuis l’Indépendance, quelques excursions sont tentées (..). Le nom de Malraux est bien connu aux Indes. Il s’éclaire d’une auréole ou la poésie s’associe à l’action. C’est à ce titre que la presse locale a repris un article de Juliet Mc Innes, sur la conférence du 9 mars et la réforme entreprise dans nos théâtres nationaux. Peu d’Indiens font la différence entre Racine et Labiche (…). Mais les lecteurs du Hindustan Standard comprennent, à la lumière de la foi, le sens d’une révolution entreprise par l’auteur des Conquérants et du Musée Imaginaire ».1241
32En décembre 1958, les relations franco-indiennes sont marquées par la visite d’André Malraux. Au-delà des retrouvailles entre Nehru et Malraux, c’est l’occasion pour le ministre d’État chargé des affaires culturelles de présenter au Premier ministre indien son idée grandiose de musée imaginaire qui offrirait à voir les merveilles de l’art indien et tenterait d’en présenter la signification : « Un musée imaginaire de toutes les valeurs indiennes est bien fait pour séduire Nehru… La réponse fut donc immédiate et sans autre réserve que les conditions matérielles à fixer ».1242
33L’ambition initiale du projet de Malraux est grandiose : révéler l’âme de l’Inde, non seulement à la France mais à l’Occident. L’écrivain déclare la France prête pour une telle œuvre. Pour cela, le ministre propose : « … une manifestation d’ensemble, présentée à Paris sur les plus vastes scènes, au Grand Palais, à l’Opéra, au Louvre, au Collège de France, à la Sorbonne, allant de la sculpture, la peinture et la musique indiennes jusqu’à l’expression de la philosophie et de l’éthique hindoues par des maîtres qualifiés, professeurs ou directeurs spirituels… »1243
34Malraux rentré à Paris, il revient à Ostrorog de tenter de concrétiser le projet d’exposition. L’ambassadeur rencontrera de nombreuses difficultés, les dispositions de la France à organiser l’événement se révélant souvent aussi imaginaires que l’idée de musée de Malraux. Aussi, le grand projet de présenter, dans les lieux les plus prestigieux de Paris, tous les aspects de la culture indienne va-t-il prendre la forme plus réalisable d’une exposition dans un lieu unique. Ce sera l’exposition Trésors de l’Inde qui se tient à Paris, au cours des mois d’avril et de mai 1960. C’est de fait une exposition itinérante, dont l’initiative revient à l’Allemagne.
35Déjà, lors de sa visite, Nehru suggérait à Malraux que l’exposition prévue en 1959, en Allemagne, pouvait aider à la réalisation de son projet. Faute de signe de la France, ce sont les autorités indiennes qui, elles-mêmes, « reviennent à la charge » pour que l’exposition puisse se tenir en France. La lettre de Ostrorog à François Seydoux, ambassadeur de France en Allemagne, permet de saisir toute l’importance qu’il accorde à cette manifestation culturelle attachée à l’Inde :
« Permets-moi de faire appel à ton action personnelle pour assurer le succès de cette entreprise. L’intérêt qu’elle présente n’est pas seulement d’ordre culturel. À un moment où il importe de maintenir avec l’Inde des relations amicales alors que de nouveaux sursis interviennent pour la ratification du traité de cession, nous devons nous efforcer de donner des témoignages de sympathie. Cette exposition, avec le succès qu’elle aura dans le cadre de Paris, m’aidera dans ma tâche qui devient difficile. Accorde-moi donc un appui.
Ton collègue indien Tyabji1244 est d’ailleurs un homme de qualité. Outre nos entretiens politiques, nous montions à cheval ensemble. Parlant le français, il sait que la culture occidentale ne se confine pas au monde anglo-saxon. Peut-être pourrais-tu voir aussi M. Puri, directeur de l’exposition, et lui donner ce qu’il faut d’encens pour incliner le cœur des hommes vers le bien. Il a d’ailleurs une grande compétence professionnelle. Rappelle-moi à son souvenir. J’écris un mot à Tyabji ».1245
36Lors de son séjour en France, en mai 1959, l’ambassadeur présente le projet à Seydoux, Joxe et Malraux, et obtient leur accord.1246 Suite à cela, Jeannine Auboyer, attachée au Musée Guimet, est envoyée en Allemagne pour y suivre l’organisation de l’exposition. Mais, faute de démarches des autorités françaises à Paris auprès du gouvernement indien, l’étape à Paris dans l’itinéraire de l’exposition n’est programmé qu’en 1961, après les villes de Zurich, de Vienne, de Prague et de Rome, juste avant de rejoindre Londres et New York.
37L’ambassadeur doit intervenir à nouveau pour que les autorités indiennes reviennent à leur plan initial, et que l’exposition ait lieu en France après celle de Zurich, au cours de l’année 1960. C’est à cet effet qu’il rencontre le Premier ministre de l’Inde le 4 juillet,1247 puis le 8 juillet, Humayun Kabir.1248 Ses qualités exceptionnelles de diplomate et ses excellentes relations personnelles avec Nehru lui permettent d’obtenir gain de cause. L’exposition Trésors de l’Inde est finalement inaugurée le 4 avril au Petit Palais. Le Premier ministre indien se rend alors en France dans le cadre d’une visite privée. Il rencontre le président de Gaulle, et visite l’exposition le 8 mai, après un déjeuner à l’Elysée, en compagnie de Malraux. L’exposition a finalement eu lieu, mais son envergure apparaît loin du projet initial.
38En ce qui concerne l’art contemporain, Paris reste pour les peintres indiens un lieu de pèlerinage. Ils sont, en effet, nombreux les grands peintres indiens à se rendre en France. Ces artistes viennent des grandes villes de l’Inde, et particulièrement de Bombay et Calcutta. Paritosh Sen, membre du mouvement d’art contemporain Calcutta Group, qui voit le jour après la Seconde guerre mondiale, écrit à ce sujet :
« Dans cette situation sans précédent, les artistes sentirent qu’un langage nouveau et une nouvelle expression étaient nécessaires (…). Plusieurs jeunes peintres formèrent un groupe et se baptisèrent The Calculta Group. Ils essayèrent de développer un langage qui synthétisait les valeurs classiques indiennes et celles proposés par les artistes contemporains en Europe, spécialement en France (…).
Dans le but d’expérimenter directement la révolution de l’art moderne en Europe, quelques jeunes artistes du devant de la scène tels Nirode Majumdar et Paritosh Sen ressentirent le besoin d’aller travailler à Paris, alors Mecque du monde de l’art ».1249
39Ces séjours d’artistes indiens donnent lieu à plusieurs expositions dans les galeries parisiennes. C’est finalement, comme le souligne le Quai d’Orsay, grâce à l’initiative privée que l’activité artistique indienne est présente en France :
« Sur le plan privé, un certain nombre de galeries parisiennes ont pu, avec succès, exposer des peintres indiens modernes, dont certains ont remporté des prix. Il y a là, en dehors de toute action des pouvoirs publics, un mouvement sans doute lent à se développer mais fécond, pour les relations artistiques des deux pays. »1250
40Les artistes du groupe concurrent à Bombay, the Progressive Artists, font également dans Paris une destination privilégiée, presqu’un passage obligé.
41Il faut rappeler aussi la consécration du premier film de Ray, Le Monde d’Apu, au festival de Cannes de 1956 qui reçoit la palme du meilleur film documentaire. L’immense cinéma indien d’attire toutefois que ponctuellement l’attention de quelques cinéphiles.1251
42Dans le cadre des initiatives privées touchant au domaine artistique, la venue de troupes indiennes de danse classique doit également être signalée, comme par exemple la troupe de Vijanthimala au Théâtre des Nations à Paris du 26 au 30 mai 1959.1252 En dehors de ces manifestations artistiques, on peut relever encore la semaine franco-indienne organisée en 1960 à Mulhouse. Emmanuel Pouchepadass,1253 un des principaux acteurs des relations culturelles entre les deux pays, notamment à travers ses fonctions à l’ambassade d’Inde en France, prend une part déterminante dans cette initiative.
43Une présence artistique indienne se maintient donc en France, dans la tradition des décennies précédentes. Elle concerne essentiellement la danse et la peinture. Toutefois, on ne note pas la même dynamique créatrice qui avait vu naître ou reconnaître de grandes œuvres d’artistes indiens, comme ce fut le cas entre les deux guerres avec Tagore, Sher Gill ou Uday Shankar. L’organisation de l’exposition Les Trésors de l’Inde montre les difficultés pour organiser en France des événements officiels d’envergure touchant à la culture indienne.
L’axe prioritaire : la coopération scientifique et technique
44Dans l’Inde indépendante, les terrains scientifiques et techniques apparaissent aux yeux des représentants français sur place, ambassadeurs, conseillers culturels et chargés de mission successifs comme les plus propices pour le développement d’une coopération entre les deux pays. Ayant hérité de structures de type colonial, les autorités indiennes doivent tenter de mettre en place des partenariats afin de consolider les infrastructures du nouvel État indépendant. Un conseiller auprès de l’ambassade, en octobre 1948, résume ainsi la situation de l’équipement productif :
« Cet équipement a partiellement été réalisé aux Indes dans le courant du XIXe siècle, lorsque les aristocrates s’intéressaient encore à ce pays. Il a été fort peu modernisé depuis, sauf en partie pendant les hostilités, pour une production de guerre, avec des capitaux en grande majorité indiens, et sous un contrôle technique, dans une assez large mesure, américain. »1254
45La coopération technique est une priorité pour l’Inde. Voulant conserver une certaine distance par rapport aux grandes puissances, une collaboration avec la France est bienvenue et un champ immense s’ouvre pour les échanges entre les deux pays. Moins de trois semaines après son arrivée à Delhi, le chargé d’affaires souligne ces opportunités :
« Je n’ignore pas que le moment est assez mal choisi pour faire des propositions ou suggestions dont la réalisation compterait des dépenses budgétaires imprévues. Mais l’Inde aujourd’hui est, à certains égards, un monde nouveau qui s’éveille à la vie. Ceux qui sauront aider les deux dominions à faire leurs premiers pas ne perdront sans doute pas leur temps, car les jeunes États ont beaucoup à apprendre et à faire avant d’acquérir leur maturité et ils devront nécessairement faire appel à des techniciens et à des équipements étrangers (…). Sur les deux plans, économique et culturel, en effet, il y a désormais pour l’influence intellectuelle et pour l’économie française une partie importante à jouer. Sans nourrir de vaines illusions, sans exagérer l’importance que nous pourrons y occuper, il est certain que l’Inde se trouve, aujourd’hui, à un tournant de son histoire qui devrait nous faciliter l’établissement de positions intéressantes. L’influence britannique demeure très grande, celle des États-Unis sera considérable du point de vue économique… Mais deux grandes puissances, l’Allemagne et le Japon, ont momentanément disparu. Si nous ne pouvons nous flatter de remplir entièrement le vide qu’elles ont laissé, nous devons du moins essayer de mettre à profit leur absence temporaire.
Nous disposons de techniciens, de savants et de professeurs qui sont susceptibles de remplacer les techniciens, les professeurs et les savants allemands, autrefois nombreux aux Indes, qui y sont regrettés et que, ni les Britanniques, ni les Américains ne sont susceptibles de faire complètement oublier. »1255
46Dès 1947, le TIFR tente d’organiser une coopération avec les scientifiques français. En 1948, deux hauts fonctionnaires français du secteur industriel sont invités en Inde à l’initiative du gouvernement indien.1256 Il s’agit du professeur Nagelstein, conseiller du gouvernement français, et de Mirlés, directeur de la Recherche et de l’Industrie pour une mission de trois mois.1257
47Rapidement, les autorités indiennes concrétisent leur volonté d’entreprendre une coopération scientifique et technique et organisent un grand nombre de congrès internationaux qui sont l’occasion pour les différentes nations d’exposer leurs capacités scientifiques et techniques. Un de ces grands rassemblements est le Congrès Indien des Sciences, qui se tient depuis 1912. Ostrorog ne manque pas de signaler à la direction générale des Relations culturelles l’importance pour la France d’y être représentée :
« … la majorité des Indiens croient encore que l’Europe est toute anglaise et qu’un rôle assez secondaire est dévolu aux autre pays du monde occidental. Nous avons évidemment intérêt à réformer ce jugement, et toute présence française dans les réunions de caractère international qui sont organisées en Inde est en principe souhaitable. »
48En revanche, en 1947, le chargé d’affaires expose les raisons pour lesquelles la participation française aux réunions à caractère exclusivement culturel lui paraissent susceptibles de ne trouver que peu d’échos en Inde :
« Les conférenciers proprement culturels – écrivains, artistes et même savants – ont peu de chances d’avoir en Inde une action utile à notre pays. L’emprise britannique a trop marqué ici la formation intellectuelle de l’Inde pour que nous puissions songer la concurrencer d’une façon profitable : seule une toute petite élite pourrait être touchée sans que nous puissions retirer de ce contact de bénéfices substantiels. »1258
49En 1947, l’axe scientifique et technique est donc identifié comme prioritaire par les représentants français, notamment en ce qui concerne la venue des conférenciers français en Inde.1259 Au début de l’année 1948, le Quai d’Orsay approuve cette démarche :
« À la suite de la lettre collective du département en date du 06.12 (1947), vous avez bien voulu me faire parvenir des informations sur les besoins de votre résidence en matière de conférence. Le département est en effet disposé à accentuer son effort dans le domaine de la technique. »1260
La même année, Claude Journot confirme cette orientation : « Les questions scientifiques et techniques prennent de plus en plus d’importance dans ce pays. »1261
50En 1948, le chargé d’affaires rappelle à nouveau cette priorité. Selon lui, l’action culturelle de la France doit quitter le champ de la culture classique : « Ce n’est pas avec La Fontaine qu’on attirera surtout les gens ici vers la France, mais au moyen de nos réalisations scientifiques et techniques. »1262
51Dans les domaines scientifique et technique, l’Inde possède des représentants dont les compétences autorisent des échanges fructueux, comme le signale Yves Letort, chargé de mission scientifique en 1955 : « Du point de vue scientifique, les jeunes gens et chercheurs indiens, formés à l’instruction anglaise (et même française) sont parfaitement au courant des questions et travaux de physique et chimie concernant leur branche d’activité. »1263 C’est d’ailleurs de scientifiques et de techniciens indiens ayant séjourné dans l’Hexagone, que viennent généralement les initiatives d’échanges directs.
52Au lendemain de l’Indépendance, les capacités techniques des États-Unis séduisent, mais la crainte de subir leur hégémonie, et le problème du coût constituent des obstacles. En 1947, les sciences et les technique françaises, alors peu ou pas connues, éveillent l’intérêt lorsqu’elles sont promues. La technologie française offre alors l’avantage d’un moindre coût, par rapport à celle des États-Unis, tandis que l’Allemagne est momentanément absente.
53Cependant au cours des années 1950, les États-Unis mettent au point des systèmes de crédits très importants, bien plus avantageux que ceux proposés par la France, ce qui rend plus difficile sa participation aux projets de très grande envergure. En outre, les techniciens allemands refont bientôt leur apparition, tandis que les techniciens belges, suédois et danois développent également leur présence. Malgré cela, les secteurs dans lesquels des partenariats peuvent être mis en place restent nombreux.
54En 1951, Journot, insiste à nouveau, à propos de la venue des conférenciers français, sur l’utilité des spécialistes de questions techniques. Puis, en 1952, c’est au tour d’Ostrorog de rappeler : « Les sujets techniques sont toujours les meilleurs, dans un pays où ce n’est pas par la littérature qu’on attirera les gens vers l’étude de notre langue. Et, dans les circonstances actuelles, l’anglais demeure la langue dans laquelle les contacts doivent s’établir ».1264 En revanche, en ce qui concerne les conférenciers littéraires ou philosophiques, il exprime un certain scepticisme : « Sans doute nos intellectuels ne manqueraient-ils pas d’être intéressés par cette perspective : mais nous ne devons pas nous faire d’illusion sur de telles conférences. La supériorité dont l’Inde s’est toujours prévalue dans ce domaine nous place, en effet, aux yeux des Indiens, en position mineure, et les disgrâces de toute nature par l’Europe depuis vingt ans les confirment dans ce sentiment. »1265 Les analyses des agents du Ministère des Affaires étrangères en Inde montrent donc une continuité quant aux orientations à donner à l’action culturelle de la France en Inde. Au cours de cette période, on remarque d’ailleurs le refus de plusieurs candidatures pour des missions à but archéologique, ou historique.1266
55La coopération franco-indienne dans les domaines scientifique et technique est envisagée de manière large. Dans le domaine technique, elle concerne tout autant les experts du domaine social que les techniciens dans le domaine industriel. En bref, il s’agit de tous les professionnels susceptibles d’apporter une contribution pratique à la coopération franco-indienne. À partir de là, toute venue de conférencier, qui se distingue dans sa spécialité et maîtrise l’anglais, est vivement appréciée.
56A l’issue des rencontres entre scientifiques et techniciens des deux pays, des projets de coopération sont souvent envisagés. Par exemple, la participation de Laroque, conseiller d’État, à la Conférence internationale du Service social provoque l’organisation de deux conférences à Bombay. Celles-ci sont saluées par le secrétaire de l’université de Bombay, à la suite desquelles le doyen du département d’économie politique à Delhi manifeste son désir d’inviter un professeur français de sciences sociales l’année suivante.1267 L’ambassadeur se félicite de la venue de conférenciers de cette qualité : « Les conférenciers de cette valeur sont toujours les bienvenus, surtout lorsque les sujets traités sont d’ordre technique et qu’ils sont exposés en anglais ».1268 Malgré l’analyse des services français en Inde, les différents rapports de missions ainsi que les sollicitations nombreuses des autorités indiennes, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que l’Indépendance se profile, la France n’entreprend la coordination d’une action scientifique et technique qu’à partir de la fin des années 1950.
1944-1955, Les tâtonnements
57Avant la fin des années 1950, la coopération scientifique et technique reste essentiellement réduite à des initiatives personnelles et ponctuelles. À la fin des années 1950, le Quai d’Orsay prend conscience de son retard par rapport aux autres nations, et consent alors à donner suite aux requêtes des représentants français en Inde. Il accompagne le soutien à un programme pour la venue de scientifiques français avec la mise en place d’un programme de boursiers de l’assistance technique. C’est le résultat des efforts combinés de l’ambassadeur Ostrorog, d’Amado attaché culturel à Calcutta, et de Dumont, consul général de France à Bombay. Les efforts de ces représentants français répondent aux initiatives et aux sollicitations des représentants de différents établissements indiens, notamment le TIFR à Bombay, et l’All Indian Institute of Medical Sciences à Delhi.
La coopération technique
58Dans le domaine technique également la situation paraît favorable au développement d’une coopération avec la France. Le chargé d’affaires porte à la connaissance du Quai d’Orsay quelques facteurs qui militent en ce sens :
« Dans le domaine technique, quelques considérations générales s’imposent ici : L’Inde affirme sans cesse son désir de développer son potentiel industriel dans tous les domaines : il n’est pas de jour où la presse ne mentionne un nouveau projet d’irrigation, des plans pour des centrales électriques ou des efforts pour développer telle ou telle industrie.
Or public et techniciens connaissent tous les possibilités de la Grande-Bretagne à cet égard. Ils regrettent ouvertement l’absence de la technique allemande qu’ils appréciaient particulièrement avant la guerre ».1269
59En 1948, il souligne à nouveau le vide laissé par l’absence des techniciens allemands : « Les hommes politiques et les techniciens indiens regrettent ouvertement l’absence de la technique allemande qu’ils apprécièrent particulièrement avant-guerre. » Il attire également l’attention sur les raisons économiques pouvant alors justifier un partenariat franco-indien : « Il importerait au plus haut point de montrer aux Indiens que la science et la technique françaises, moins coûteuses que celle des U.S.A., sont en fait mieux adaptées… »
60Le champ de la coopération technique avec l’Inde ne reste pas longtemps inoccupé. Anglais et Américains travaillent activement sur le marché indien. Ces derniers sont d’ailleurs signalés comme ayant fait depuis la fin des hostilités « un effort considérable et pris une place très importante ».1270 Dès 1948, le déroulement de la mission de Beaudoin, architecte en chef des Monuments nationaux, confirme l’opinion du chargé d’affaires. Henri Roux doit rapidement préciser sur les conditions à remplir pour que les visites de conférenciers français puisse permettre à une coopération de voir le jour. Les conférenciers doivent obligatoirement s’exprimer en anglais, et leur venue doit être préparée en concertation avec les services culturels français en Inde afin que ces derniers puissent contacter les organismes indiens concernés, et qu’une documentation appropriée, rédigée en anglais, leur soit adressée. Ces remarques seront reprises par le chargé de mission Armand Mayer, par Daniel Lévi, Journot, puis par Ostrorog . Leur rappel indique les difficultés de la France à établir les outils d’une coopération en dehors des régions francophones.
61Si une coopération paraît susceptible de se mettre en place dans le secteur technique, il reste cependant encore à amener les Indiens à connaître les capacités de la France. L’inspecteur général des Mines, Mayer, certainement le principal promoteur de cette coopération, rappelle, en effet, « la nécessité d’une propagande ». Car, comme le souligne Roux : « Les possibilités offertes par l’industrie française sont extrêmement peu connues : ni propagande, ni aucun d’effort d’aucune sorte n’a d’ailleurs jamais été efficacement organisé pour faire connaître en Inde la valeur de nos techniciens et le succès de nos réalisations. »1271 Un « effort organisé » s’impose donc au lendemain de l’Indépendance.
62En janvier 1949, la coopération technique entre l’Inde et la France semble connaître ses premiers développements avec la mission de l’ingénieur Coyne Gognel, spécialiste des barrages et du béton précontraint.1272 Presque au même moment, Treille, chef adjoint de la mission des Travaux publiques, est candidat à la direction du Road Research Institute. Sa candidature est soutenue par le consul général à Calcutta :
« Je crois, comme vous, qu’il serait extrêmement intéressant pour la technique française et l’avenir des entreprises en Inde que ce soit un ingénieur français qui prenne ce poste. »1273
63La première mission d’Armand Mayer se déroule du 9 décembre 1948 au 9 février 1949. Elle donne lieu à un long et précieux rapport qui s’intitule : Note sur les perspectives françaises aux Indes. Il y souligne en détail les possibilités de coopération technique qu’offre l’Inde, et étudie avec la même précision les moyens d’y prendre part. Il déclare : « L’Inde est un pays dont les possibilités et les besoins sont illimités, et où il est de première importance de s’assurer une place. »1274
64Ce rapport commence par la présentation de la situation générale en Inde, mettant en avant le poids de l’héritage colonial au lendemain de l’Indépendance. S’ensuit une présentation du personnel administratif et technique, de ses compétences et de ses besoins. Le niveau élevé des techniciens indiens souvent formés dans les écoles américaines ou anglaises, mais également leur manque d’expérience, faute d’avoir pu accéder aux postes de direction, sous l’administration britannique. La coopération avec des techniciens étrangers expérimentés est donc nécessaire dans un premier temps. Toutefois, il faut s’assurer de ne pas juxtaposer aux ingénieurs et techniciens indiens, des ingénieurs et des techniciens français d’égale compétence et surpayés.
65Armand Mayer revient également sur la situation en matière d’irrigation, de logement, de transports – rappelant à ce sujet l’existence d’un réseau de chemin de fer très important qui souffre de l’absence d’industrie d’équipement – et de travaux publics. Il note l’intérêt des Indiens pour la technique française en matière d’utilisation du béton précontraint.
66Son rapport présente ensuite les moyens pour la France de développer l’action technique en Inde. À ce sujet, il rappelle l’utilité d’organiser pour les responsables indiens des visites des régions industrielles françaises,1275 ainsi que la venue d’industriels français en Inde afin de nouer des relations personnelles. L’ingénieur en chef des Mines s’arrête également sur l’importance de la diffusion d’information en général, et en particulier de documentation filmée et d’articles scientifiques. À cette occasion il préconise la coordination de l’action des services du Tourisme et de ceux de l’Industrie. Il traite également de la question des stages pour les ingénieurs indiens, des questions financières, des grands programmes de travaux publics lancés par le gouvernement indien, des secteurs les plus favorables à l’action française, de l’action des autres nations, des personnalités prédisposées à collaborer avec la France, des conditions financières de coopération, etc.
67Son tableau de la coopération technique internationale en Inde fait ressortir le maintien des positions acquises par les Anglais, celles gagnées par les États-Unis, mais aussi par la Belgique, la Suisse, la Suède et le Danemark. Dans ce tableau la France se distingue par son absence, une absence qui s’explique par son retard à établir les moyens pratiques d’une action sur le terrain : « Le départ des Anglais n’a pas laissé un vide que les Indiens attendent patiemment de voir se combler. Dans le domaine économique, les Anglais ne sont pas partis, ils sont restés. Mais les autres pays sont venus, ils se sont installés, se sont équipés. Nous n’avons jusqu’ici envoyé que des missions d’information qui ont beaucoup circulé, mais qui n’ont pas abouti. Il faut absolument clore ce chapitre et conclure ».1276
68Une fois encore, la France ne profite pas des opportunités qui s’offrent au moment de l’Indépendance. Malgré cela des perspectives importantes demeurent. L’ingénieur en chef des Mines définit la ligne d’action à suivre : « Si véritablement la France veut s’intéresser aux Indes, il est indispensable de prévoir sur place, un ou des bureaux permanents auxquels les ingénieurs en chef pourront s’adresser. Ces bureaux devront avoir une documentation par photos et par films sur les réalisations faites. Ils devront intervenir auprès des administrations et suivre constamment la marche des administrations. »1277 Agissant également dans le cadre du secteur privé, Mayer retourne une première fois en Inde dès la fin de l’année 1949.1278 Il va continuer à œuvrer pour la coopération technique franco-indienne juqu’au début des années 1960. En dépit de ses indications, aucune politique d’ensemble ne se dégage réellement de la part de la France. En 1951, un recensement du consul à Bombay dans sa circonscription permet de dénombrer quatre ingénieurs français, et quatre ingénieurs de formation française, un Grec et trois Indiens.1279 En outre, on note que le Quai d’Orsay ne peut toujours pas assurer une présence française lors des nombreux événements qui permettent la rencontre entre les entreprises, les responsables, les ingénieurs et les techniciens indiens avec leurs homologues étrangers. C’est le cas, par exemple, du Comité Indien des Grands Barrages en 1951, un domaine où la France dispose pourtant d’atouts.1280
69Au milieu des années 1950, quelques grands projets de coopération industrielle et technique se mettent en place, notamment avec l’électrification du réseau des chemins de fer indiens, dans le nord-est du pays, et un chantier naval à Vishakhapatnam en Andhra Pradesh, ou encore à Bangalore.
La coopération scientifique
70De 1947 à 1950, on peut percevoir les prémices d’une coopération scientifique de haut niveau autour du TIFR, dirigé par Homi Bhabha. Ce dernier est aussi responsable de la Commission de Recherche sur l’Énergie Ato-mique.1281 Dès le mois de février 1947, il organise d’un cycle de conférences de Jacques Hadamard, professeur de physique. Il faut rappeler aussi le rôle joué par le physicien Frédéric Joliot-Curie. Ses travaux dans le domaine de la recherche nucléaire, lui valent une attention particulière des autorités indiennes.1282 Après avoir contribué à la découverte du neutron,1283 il prend la tête, du Centre National de la Recherche Scientifique en 1944, puis du Commissariat à l’Énergie atomique (CEA), à partir de 1945. Le 12 décembre 1948, Zoé, la première pile atomique française est présentée. La même année, Irène Joliot-Curie reçoit le titre de membre honoraire de la Société indienne de Chimie.1284 Invité une première fois en 1949, le couple Joliot-Curie participe, en janvier 1950 à l’All Indian Scientific Congress. Un importateur de Bombay s’intéresse aux appareils fabriqués par le CEA. Des liens se nouent alors entre le CEA et son équivalent indien.
71L’année 1949 voit le détachement d’André Gandy, ancien élève d’Irène Joliot-Curie, au Tata Memorial Hospital de Bombay. En juillet, S.S. Bhatnagar, directeur de recherche scientifique en Inde, se rend pour une mission d’étude en France, en Grande-Bretagne, et aux États-Unis pour recruter des techniciens et acheter du matériel.1285 Parallèlement on note un séjour d’études d’une année du professeur P. C. Gupta à l’Institut du Radium.
72Après une première invitation déclinée en 1949,1286 le couple Joliot-Curie est invité à la 37e session du Congrès indien des Sciences de Pune (2-8 janvier 1950) pour un séjour de deux mois. Ils reçoivent le titre de docteur honoris causa de l’université de Delhi. Louis Dumont, et Pierre Auger, délégué de l’Unesco participent au Congrès en leur compagnie. Ce séjour, financé par le gouvernement indien, comprend des visites dans les universités, quelques cours et des rencontres avec des sociétés scientifiques.1287 Le succès des Curie en Inde révèle les intentions du gouvernement indien d’initier une coopération scientifique dans le domaine de l’énergie, et particulièrement dans le secteur atomique.
73Lors de la venue du couple de physiciens, la presse annonce prématurément l’engagement d’un savant français en vue de l’établissement d’un laboratoire de recherche sur l’énergie atomique.1288 Nehru, lui-même, ne fait pas mystère de ses intentions de prendre une part active dans la recherche nucléaire, en collaboration avec la France et le Canada.
74L’année 1950 est également marquée par les venues, à l’invitation du TIFR, des physiciens Leprince Ringuet, de l’école Polytechnique, et Francis Perrin, professeur au Collège de France et successeur de Frédéric Joliot-Curie au Commissaire à l’Énergie atomique, ainsi que de Fleury, directeur de l’Institut d’Optique à Paris.1289
75A partir de 1950, les séjours de physiciens français vont devenir réguliers et fréquents, toujours à l’invitation du TIFR. Ces scientifiques jouent un rôle majeur dans le plus grand institut de recherche fondamental de l’Inde. Cet institut est directement lié au département de l’Énergie nucléaire du gouvernement indien, par l’intermédiaire de Bhabha, leur directeur commun. La coopération franco-indienne se développe rapidement dans le domaine de la physique nucléaire. Alors que des pourparlers sont engagés avec Perrin, la presse indienne annonce une nouvelle fois la venue d’un savant français à la tête de la recherche atomique en Inde. Au début de l’année 1951, l’information selon laquelle Nehru aurait offert à Frédéric Joliot-Curie cette direction est à nouveau diffusée dans la presse.1290
76La coopération scientifique franco-indienne se poursuit également à Calcutta par l’intermédiaire de S. Bose et de son laboratoire.1291 Ce dernier est invité en France en 1955. Par ailleurs, T. K. Bhattacharya, futur chercheur au Department of Atomic Energy, à Calcutta étudie pendant quatre ans au Laboratoire de Minéralogie de Fontenay, entre 1951 et 1955.
77Les qualités scientifiques de Claude Journot, agrégé de géographie, lui permettent de prendre part directement à quelques grands congrès scientifiques, notamment lors de la célébration du centenaire de Geological Survey. Les relations franco-indiennes dans le domaine de la cartographie se développent à partir des années 1950. Ainsi, Laclavière, ingénieur en chef géographe se rend à la conférence cartographique régionale de Mussorie en février 1955.1292 La collaboration autour de la cartographie se poursuivra ensuite au sein de l’institut français de Pondichéry.
78A partir de 1954-1955, la mission du professeur Laurent Schwartz ouvre une coopération1293 qui se concrétise en 1959 par le développement des relations entre l’Alliance française et le Post Graduate Training Center, le TIFR, et le laboratoire de recherche nucléaire de Trombay, également placé sous l’autorité de Bhabha.
79Si une coopération scientifique franco-indienne s’engage à partir de 1950, notamment par le biais du TIFR, elle n’est toutefois pas encore établie. À l’approche du Congrès indien des Sciences de 1952, la France s’apprête à nouveau à se distinguer par son absence. Ostrorog doit alors signaler que cette absence risque de compromettre un accord intervenu entre le Commissariat à l’Énergie atomique, et la Commission indienne.1294
80Avant le milieu des années 1950, la coopération scientifique et technique tarde donc à s’institutionnaliser. Un chiffre est évocateur ; sur 123 experts internationaux venus en Inde au cours de l’année 1953, 2 sont Français.1295
De 1955 à 1962 vers le développement d’une coopération…
81De 1955 à 1962, les questions techniques et scientifiques apparaissent toujours prioritaire. En 1956, l’ambassadeur écrit au sujet de la nomination d’un nouveau conseiller culturel adjoint : « La venue d’un agent scientifique sera, en outre, de la plus grande utilité ».1296 Au cours de la deuxième moitié des années 1950, les alliances françaises à Calcutta et à Bombay participent directement au développement de la coopération scientifique et technique. Au cours de la même période, les premières grandes réalisations en matière de coopération technique de la France en Inde voient le jour. Les ingénieurs de la TSF. participent à l’installation d’une usine de récepteurs électriques à Bangalore, ceux de la SNCF participent à l’électrification du chemin de fer dans le nord-est de l’Inde, et ceux des Chantiers de la Loire participent au chantier naval de Vishakhapatnam en Andhra Pradesh. Afin que cette coopération technique s’inscrive sur le long terme, l’ambassadeur tente de mettre en place un programme de bourses pour les techniciens indiens.
82En 1957, Ostrorog dresse un premier bilan de la coopération technique entre les deux pays :
« La France n’a pas d’accord de coopération technique avec l’Inde. Les projets en cours entre les deux pays se réduisent à trois missions industrielles1297 et à une mission agricole (sériculture) à la création de deux centres de formation professionnelle (Bangalore et Vishakhapatnam), à notre enseignement à la faculté de Médecine de Pondichéry et à l’offre de soixante-quinze bourses techniques pour 1957. Le bilan des premiers mois de notre action dans le domaine de la coopération technique révèle que nous avons réussi dans les deux domaines de l’électronique et des chemins de fer. »1298
83Après quelques projets et missions ponctuels, l’ambassadeur préconise donc le passage à une politique à long terme en matière de coopération technique. Par ailleurs, en 1960, plusieurs missions dans les domaines de la médecine, mais aussi de la physique et des mathématiques sont confiées à des scientifiques français. Suivant la requête de l’ambassade, le Ministère des Affaires étrangères signifie son accord pour une augmentation du nombre de visites en Inde de scientifiques français.
84En 1955, l’action technique est à nouveau signalée comme un domaine propice à la coopération française. Cette année-là, Yves Letort, chargé de mission, dresse un état des perspectives :
« Des techniciens français seraient les bienvenus, le cas échéant. Nos prix de revient ne pouvant malheureusement entrer en compétition avec les prix allemands ou anglais pour les raisons bien connues (…), ce n’est que par la voie d’une influence technique intellectuelle que nous pouvons entrer, et préparer une influence économique, en même temps que culturelle pour l’avenir. »1299
Le domaine médical
85Au niveau médical, la France est présente avec le collège médical de Pondichéry. À partir de 1960, une coopération s’engage également à Delhi. Cette année-là, plusieurs missions sont organisées en coopération avec l’All India Institute of Medical Sciences (AIIMS),1300 notamment celle du docteur Pierre Grabar, chef de service à l’Institut Pasteur pour une visite de trois semaines, du professeur Guinier,1301 et du professeur Jean Bernard. Les conférences de Grabar se tiennent principalement à l’AIIMS, et à l’Haffkine Institute. La mission du docteur Grabar à l’AIIMS se présente comme une mission d’enseignement. Une audience enthousiaste assiste à ses exposés. C’est l’occasion pour Grabar de constater la compétence des spécialistes indiens présents.1302
86Suite à sa mission, il préconise le renouvellement du même type de programme de mission, à savoir une série de cours de niveaux élevés devant un groupe de scientifiques de différents établissements réunis pour l’occasion.1303 Dans le prolongement de cette visite, le professeur Talwar, de l’AIIMS lance une invitation au docteur Jacques Monod, chef du service de biochimie cellulaire de l’Institut Pasteur, futur prix Nobel et passionné de philosophie indienne.1304 Le rôle de Talwar, lui-même étudiant à la section biochimie de l’Institut Pasteur entre 1950 et 1954,1305 apparaît rétrospectivement déterminant dans la coopération franco-indienne puisqu’il est à l’origine de la venue de nombreux scientifiques français.1306
87La mission de Grabar marque une étape. Suite à celle-ci, le Quai d’Orsay signifie son accord pour l’augmentation du nombre de missions de scientifiques français selon le mode d’organisation proposé par le professeur. La comparaison avec l’action menée par les autres pays est le second facteur décisif, puisque le Quai d’Orsay signifie son accord pour : « … envoyer en Inde pendant plusieurs semaines des savants éminents susceptibles de donner des conférences dans les universités et les instituts de recherche indien, étant donné l’effort accompli à cet égard par d’autres pays étrangers et le succès remporté par les missions effectuées en Inde par le professeur Guinier et le docteur Grabar. »1307
88Le rôle de la mission du professeur Jean Bernard dans le domaine de la coopération médicale franco-indienne constitue un autre jalon. Au début des années 1960, le secteur médical en Inde est déjà marqué par une forte présence des États-Unis, l’URSS, l’Allemagne et l’Angleterre.1308 L’hématologie reste un terrain propice au développement d’une coopération.1309 L’AIIMS ébauche alors, avec le professeur Bernard, un plan de coopération franco-indienne dans ce domaine qui présente deux volets : un enseignement du français à l’institut par l’Alliance française de Delhi, afin de rendre accessible aux chercheurs la lecture des revues médicales françaises, et la formation de deux scientifiques indiens, par le professeur Bernard, à Paris.
89En octobre 1960, de Villelume, chargé d’affaires, écrit à propos de la création au sein de l’AIIMS d’un centre moderne de transfusion sanguine : « Sauf décision imprévue au niveau du gouvernement, on peut prévoir aujourd’hui que l’Inde fera appel pour l’organiser à des experts français ou à des techniciens formés chez nous ».1310A l’issue de sa mission, le professeur formule l’idée, déjà mise en avant par Grabar, de l’organisation de séjours de spécialistes français devant une audience de spécialistes indiens inscrits à l’avance et réunis spécialement, selon une formule déjà utilisée par la France au Chili et en Argentine, et en Inde par l’OMS et les États-Unis.1311
90A partir de 1960, on note la venue de nombreux autres spécialistes français, la plupart à l’invitation du professeur Talwar : le docteur Galuit, également chef de service à l’Institut Pasteur, en novembre 1960, en 1961 et 1962, Montreuil, assistant du professeur Boulanger à la faculté des sciences de Lille, François Gros, de l’Institut Pasteur, le professeur Segard, etc. Grâce à l’initiative du professeur Talwar, à l’Institut Pasteur et à la venue de plusieurs scientifiques français faisant autorité dans leur domaine, une coopération médicale s’instaure.1312
Sciences mathématiques et physique
91En 1959, le consul général de Bombay note au sujet de la coopération qui se développe dans le domaine des mathématiques et de la physique : « Nous sommes au début d’une importante expérience… »1313 Cette coopération se cristallise notamment autour de l’Alliance française de Bombay qui dispense des cours dans les établissements de Trombay, au Post-Graduate Training Center, aux étudiants du TIFR et au personnel administratif et scientifique du Département d’Energie Atomique.1314 En tout 281 élèves, métallurgistes, chimistes, physiciens, biologistes, personnel administratif, étudiants de physique et de mathématiques reçoivent donc un enseignement du français. En 1961, lorsque le Premier ministre de l’Inde demande à l’ambassadeur un rapport sur les relations culturelles des deux pays, ce dernier conclut en mettant en avant l’exemple de la coopération franco-indienne développée avec le TIFR : « Pour ne citer que l’exemple le plus frappant, le Tata Institute de Bombay dont la renommée est mondiale fait désormais appel à certains de nos mathématiciens et de nos physiciens les plus célèbres ».1315
92Les scientifiques français prennent une part de plus en plus importante dans les activités du TIFR, notamment en tant que membres du jury d’admission, avec les professeurs Schwartz, Goldshmidt, Godement, Hervé, Berger.1316 De 1954 à 1964, ce sont plus de cinquante mathématiciens français qui séjournent pour une durée moyenne de deux mois au TIFR.1317 Parallèlement, de nombreux mathématiciens indiens suivent des cours au Centre de Recherche scientifique en France.1318 Il faut également noter le rôle du révérend père Racine qui, depuis le département de mathématiques du collège de Loyola, agit en coopération avec le TIFR pour le recrutement des futurs chercheurs. Par ailleurs, les deux cadres dirigeants du TIFR que sont C.S. Seshadri et M.S. Narasimhan se rendent en France en 1957 et 1961, au cours de missions scientifiques à l’étranger. Les séjours relativement longs des plus grands physiciens français permettent donc d’établir une véritable coopération scientifique en Inde appelée à connaître encore de beaux jours.
La coopération technique
93En 1955, une importante équipe d’ingénieurs de la TSF s’installe à Bangalore et une équipe des Chantiers de la Loire à Vishakhapatnam.1319 Ce chantier pour l’extension du port de Bombay se poursuivra avec la compagnie française CITRA. De 1958 à 1961, la France se voit confier plusieurs autres projets techniques et industriels.
94Un premier accord de coopération économique et technique est signé le 23 janvier 1958. Il se trouve complété par un protocole signé à Delhi, le 30 janvier 1961.1320 On relève un certain nombre de projets de coopération pendant cette période : la construction d’une usine d’engrais à Nangal,1321 d’une usine de soude caustique, de quatre papeteries, d’une raffinerie de zinc, d’une usine de films cinématographiques, la fourniture de locomotives électriques par les sociétés Alsthom et Schneider – à la suite d’un contrat obtenu par la SNCF pour l’électrification d’une partie du réseau indien et de turbines1322–, la fabrication sous licence de machines-outils par la régie Renault…1323 De 1955 à 1956, l’électrification par la SNCF de la ligne Calcutta-Mughal Sarai, près de Bénarès, constitue la première électrification d’une ligne dans le réseau ferroviaire indien. Cette mission de coopération est dirigée par l’ingénieur Graff.1324 Dans les années qui suivent, les lignes indiennes adopteront ce système haute tension. Par ailleurs, des dizaines d’employés des chemins de fer indiens sont envoyés en France pour quelques mois. Au mois de juillet 1961, la voie ferrée Tatanagar-Asansol, dans l’est de l’Inde, est inaugurée, marquant la poursuite de cette collaboration autour de l’électrification en courant alternatif industriel d’une partie du réseau ferroviaire.1325
95Un partenariat se développe également dans le domaine de l’aéronautique avec l’Hindustan Aeronautics, dont le directeur fut boursier indien du gouvernement français.1326 De la fin des années 1950 au début des années 1960, une cinquantaine d’ingénieurs indiens de l’ISRO, l’Institut indien de Recherche spatiale, reçoivent une formation en France. Enfin, la France devient, au début des années 1960, le premier producteur de composants spatiaux pour l’Inde.1327
96En 1961, on note également la signature d’un accord entre les autorités indiennes et l’Institut national du pétrole, à l’initiative des autorités indiennes. C’est Malaviya, ministre du Pétrole, proche de Nehru, qui sollicite en mai 1961, une audience avec le président de Gaulle à ce sujet. Dans les mois qui suivent, un accord est conclu pour développer en Inde, en collaboration avec les experts français, un institut sur le modèle de l’Institut français du Pétrole. Cette collaboration s’étendra par la suite au secteur de la pétrochimie.1328
97Pour l’année 1959, le Ministère des Affaires étrangères dénombre 34 experts français envoyés en Inde, et 60 pour l’année 19601329. Par rapport aux 2 experts de l’année 1953, l’accroissement est significatif. Malgré ces résultats Mirlés, expert itinérant d’assistance technique, chargé à plusieurs reprises de missions, saisit en 1961 le Quai d’Orsay sur la question des modalités de l’action technique française en Inde :
« M. Mirlés estime que nos méthodes, dans le domaine de la coopération technique, pêchent par manque de perspectives (…). La mise en application des programmes de coopération technique sont livrés aux conseillers et attachés commerciaux, qui ne sont sur place, en principe, que pour deux ans et dont le principal souci est légitimement de "faire rendre" les affaires. L’assistance technique, au contraire, est œuvre de longue haleine et ne gagne pas à subir les effets de cet intéressement immédiat ».1330
98La mise en place d’un programme de bourses est un élément déterminant pour établir une coopération technique à long terme. À partir de 1957-1958, le nombre de bourses d’assistance technique connaît une augmentation très sensible, passant de cinq à 50. En 1958, un programme de formation est mis en place grâce à l’octroi de bourses pour la venue de techniciens stagiaires indiens en France. Il concerne de 100 à 120 techniciens, pour des bourses d’une durée de six à neuf mois, incluant trois mois d’apprentissage du français. Ce sont finalement 111 stagiaires qui sont ainsi reçus en France pour l’exercice 1958-1959. Il faut ajouter à ce chiffre celui des stagiaires de la coopération technique dépendant du Quai d’Orsay qui propose, la même année, le financement de vingt voyages.
99L’année suivante, le Ministère des Finances informe de sa décision de ralentir cet effort qui commence progressivement à porter la coopération de la France au niveau des autres puissances.1331 Pour 1959-1960, le Ministère des Finances n’accepte plus que le financement des frais de voyages de dix boursiers de la coopération culturelle et de vingt allers-retours pour les techniciens stagiaires titulaires de bourse de l’assistance technique, et encore précise-t-il, à titre exceptionnel.1332 Le Ministère des Finances ramène finalement ce chiffre à soixante. Cette restriction remet en cause l’impact du programme de coopération technique en train de s’établir :
« Notre programme de formation en France de techniciens indiens est actuellement freiné par le refus de prendre à notre charge le voyage des stagiaires vers notre pays dans les mêmes conditions que le font les autres pays qui offrent une coopération technique à l’Inde (et notamment l’Angleterre, les États-Unis, la Pologne, la RFA, l’URSS, la Tchécoslovaquie et le Japon). Les meilleurs candidats à des bourses de perfectionnement à l’étranger choisissent de ce fait les bourses offertes par les autres pays. Le Ministère de finances s’oppose, en effet, à ce que le département prenne à sa charge plus de 60 voyages complets en 1960 alors que le contingent a été fixé à 110.
Même si l’on peut escompter que certains candidats appartenant au secteur privé viendront en France au frais de leurs entreprises, le maintien d’une telle proposition manifeste un recul très net de notre programme de formation des techniciens indiens puisque le bilan de l’année 1959 laisse apparaître le chiffre de 111 stagiaires reçus par le service de coopération technique ».1333
100184 stagiaires partent tout de même en France, sans que l’on sache la part de ceux qui bénéficient d’une bourse du gouvernement français.1334 Le programme de formation des techniciens indiens en France se poursuit donc. Un des objectifs prioritaires de l’ambassade de France, il tend à devenir suffisamment important pour peser sur les relations des deux pays.
101Le décompte exact des bourses est rendu quelque peu complexe par les différents modes de financement mis en place. Les instructions du Quai d’Orsay à l’ambassadeur Jean Paul Garnier font état de 111 stagiaires indiens reçus en 1959,1335 et 184 en 1960.1336 Une note de 1962 fait état pour 1962- 1963 de 80 bourses de coopération technique offertes par les Affaires étrangères et de 128 bourses pour des stages de coopération à caractère technique ou économique.1337 Quoiqu’il en soit, comme l’indique une délégation indienne, le nombre d’étudiants et techniciens indiens se rendant en France reste modeste au regard de ceux qui se rendent en Allemagne, aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en URSS :
« Cette insuffisance, suivant ces interlocuteurs indiens, serait imputable à la mauvaise adaptation de nos services de documentation, qui devraient être en mesure de faire connaître à une nation de 350 millions d’habitants les possibilités techniques et scientifiques de la France. Ils suggèrent la mise à l’étude d’un Institut Technique français à Delhi ou à Bombay, à l’instar de ce qu’on fait les Américains, les Allemands et les Russes. »1338
102Ainsi, des données comparatives, d’une année ultérieure à la limite chronologique de notre étude, montrent que si le Quai d’Orsay et le Quai Branly proposent à eux deux 225 bourses, les États-Unis en proposent 3.200, la Grande-Bretagne plus de 3.000, la République fédérale d’Allemagne de 1.300 à 1.500, et, enfin, l’URSS plus de 1.000. En outre, les bourses françaises présentent un caractère financier moins intéressant, puisqu’elles sont en moyenne inférieures de 15 % à celles de l’Allemagne. Enfin, la meilleure organisation des représentations diplomatiques permet aux autres nations de répondre plus rapidement aux postulants qui, souvent, posent leur candidature auprès de différentes délégations étrangères.
103De 1955 à 1962, une coopération technique se met en place, autour de grands projets industriels et autour d’un programme de bourses. Ce développement fait suite à un effort soutenu des services de l’ambassade depuis 1947. Il met en relief la nécessité d’une coordination entre les différents services de l’ambassade, les chargés de mission et les acteurs privés. Comme la coopération scientifique, cette coopération technique franco-indienne est appelée à se prolonger. Elle prouve que, lorsque la France soutient un effort, l’Inde se révèle un terrain extrêmement fécond.
104En 1962, comme le note un rapporteur des Affaires étrangères devant l’Assemblée nationale, il manque cependant toujours une collaboration autour d’un Institut de technologie : « J’ajoute que quatre instituts de technologie fonctionnent en Inde avec coopération soviétique, allemande ou américaine, aucun avec coopération française ».1339 En outre, même si les progrès réalisés au tournant des années 1950 sont remarquables, l’écart avec les principales nations présentes en Inde reste grand.
105Ainsi l’effort de la France s’avère encore insuffisant pour renouveler de manière conséquente son image et redevenir attractive sur le plan culturel, aussi bien que technique et scientifique. En 1960, le professeur Jean Bernard fait l’observation suivante :
« D’une manière quasi générale, ils (les Indiens) ignorent les travaux réalisés en France, principalement puisqu’ils ne connaissent pas le français et en partie puisqu’ils ne reçoivent que rarement ou pas du tout de périodiques scientifiques édités en France ».1340
106Les observations que formulent les différents chargés de missions concernant la diffusion en Inde des publications des travaux des scientifiques français se rejoignent toutes. Lorsque, exceptionnellement, un scientifique français constate que ses travaux sont connus, comme c’est le cas du physicien Françon, c’est grâce à des publications en langue anglaise :
« L’accueil qui m’a été réservé dans ces différents centres et laboratoires a été extrêmement sympathique. Les physiciens connaissent déjà les travaux de mon laboratoire grâce à nos publications en langue anglaise (travaux publiés aux États-Unis) ».1341
107Toujours en 1960, V.K. Rao, ancien chancelier de l’université de Delhi et directeur de l’Institut de croissance économique, se plaint ouvertement de l’absence de documentation française disponible :
« Il s’est plaint très vivement de recevoir essentiellement de la documentation anglaise et américaine. Rien dit-il ne lui vient de France, et en superflu il voudrait que cette documentation soit traduite. Les Polonais et les Tchèques notamment, envoient de l’information en anglais. La France, dit-il, devrait organiser un établissement public d’édition en langue anglaise. J’insisterai ultérieurement sur cette observation ».1342
108La demande de documentation spécialisée de source française est également énergiquement réclamée par le directeur de l’Institut indien d’Opinion publique et de la revue The Eastern Economist :
« Comme M. Rao, M. Da Costa, (…) m’a exprimé avec beaucoup de force l’idée qu’une documentation française en langue anglaise est tout à fait indispensable en Inde, M. Da Costa a souligné, par exemple, que pour les projets d’équipements lourds, les administrations indiennes se tournent vers lui pour connaître le tarif des fournitures en provenance d’Europe. Dans l’exemple particulier qu’il m’a mis sous les yeux, il s’agissait de grues et de chemins de fer. M. Da Costa accueillerait avec beaucoup d’intérêt une documentation venant de France ».1343
109Les professeurs Curien et Abeles, ne peuvent que constater, une fois de plus, l’importance de la diffusion en anglais de la documentation et des publications scientifiques françaises :
« D’une façon générale, en ce qui concerne les bibliothèques, nous avons constaté que les chercheurs indiens étaient très intéressés par les livres d’auteurs français traduits en anglais, mais que les textes français étaient encore assez peu utilisés. Il conviendrait peut-être, au moins dans le domaine scientifique, de diffuser en même temps que nos livres français, au moins des listes d’ouvrages français traduits. Nous avons en effet constaté que le renom des auteurs scientifiques français était essentiellement fonction du fait que leurs ouvrages avaient été traduits, ou non, en anglais. »1344
Les bourses françaises pour les étudiants indiens
110Avec la question des bourses du gouvernement français aux diplômés indiens, nous touchons à un aspect déterminant des relations culturelles entre la France en Inde, comme le remarque l’ambassadeur en 1957 : « L’attribution du plus grand nombre possible de bourses à des étudiants indiens est la meilleure façon de développer notre influence culturelle dans ce pays. »1345 Les pays ayant une position importante en Inde mettent sur pied des programmes de bourses très conséquents. C’est le cas de la Grande-Bretagne, l’URSS, l’Allemagne, et des États-Unis. Les bourses influent sur le choix des étudiants dans l’apprentissage des langues étrangères, des professeurs et responsables dans le choix des pays pour le développement de projet de coopération, et même d’achat de revues ou de matériel scientifiques et techniques. C’est ce que note, par exemple, Yves Letort, chargé de mission, en 1955 :
« J’ai eu le plaisir de retrouver, à la sous-direction de ce laboratoire, un jeune ingénieur indien, que, à la fin de ses études en Angleterre, j’avais accepté de prendre comme stagiaire pendant six mois au Laboratoire du Centre National d’Etudes et Recherche Céramique à Paris. Il constitue là-bas, à lui seul, un petit foyer d’influence française, et réclame des appareils de laboratoires français ».1346
111A la base des projets de coopération franco-indienne, on retrouve le plus souvent des cadres indiens ayant étudié en France. Inciter les diplômés indiens à venir compléter leurs études dans l’hexagone est donc une question essentielle. Les propos de Talwar, un des premiers boursiers indiens en France, indiquent que la France occupe une place secondaire dans le choix des étudiants indiens : « Maintes fois on m’a demandé pourquoi, diable, j’avais choisi la France plutôt que les rivages traditionnels vers lesquels se rendent habituellement les étudiants indiens pour y compléter leurs études supérieures et accomplir une distinction (…). Tout d’abord je voulais me distinguer de la masse ».1347
112Au moment de l’Indépendance, la situation était encore favorable. Le premier attaché culturel français en Inde doit alors faire face à une telle multiplication de demandes de bourses d’études pour la France qu’il ne peut plus ni les traiter, ni les transmettre une à une.1348 À l’issue de sa visite à l’université d’Allahabad, le conseiller de l’ambassade note également un engouement des étudiants pour la France :
« Après la réunion du Cercle français comme après celle de l’Association diplomatique, nombreux ont été les étudiants qui se sont enquis de la possibilité d’aller en France. Peut-être y aurait-il intérêt à envisager en accord avec le gouvernement indien et sur la base de dons privés, la construction d’une Maison indienne à la cité universitaire de Paris, ou de faciliter le séjour des étudiants indiens à l’université de Grenoble, qui jouit parmi tous les étudiants indiens d’une réputation méritée. »1349
113Le conseiller de l’ambassade souligne à nouveau que cet engouement des étudiants indiens pour la France ne résistera pas longtemps à l’appel des autres puissances en train de mettre en place des programmes d’échanges, si le Quai d’Orsay, de son côté, ne réalisait pas « un minimum d’efforts ».
114Cet intérêt pour les études supérieures en France se retrouve dans un article de l’Hindustan Times du 26 juin 1949 qui loue la qualité du corps professoral, la modicité du prix des pensions, et l’absence de préjugés raciaux par rapport aux États-Unis et à la Grande-Bretagne.1350 L’article insiste aussi sur « l’élargissement des horizons » représenté par les études en France.
115C’est seulement dans la deuxième moitié des années 1950, qu’un programme de bourses commence à se mettre en place grâce à l’action de l’ambassade, essentiellement à destination des techniciens indiens. Avant cela, on ne retrouve pas de relevés systématiques, mais seulement quelques allusions à des cas particuliers qui posent problèmes. Pour l’exercice 1946- 1947, le consul général de France à Calcutta ne propose qu’un seul renouvellement de bourse.1351 De 1949 à 1951, Krishnan, futur chef du département de mathématiques à l’université de Madras, étudie en France, en tant que boursier des relations culturelles.
116En 1950, c’est au tour des peintres S.H. Raza et Paritosh Sen de commencer leur séjour à Paris sous l’égide du gouvernement français. En 1952, on note le renouvellement de la bourse de G.R. Raman Iyer, boursier en France au titre de l’assistance technique pour ses études dans l’industrie du textile. Les conditions d’accueil difficiles auxquelles il fait face sont d’ailleurs mentionnées.
117L’Institut Pasteur reste un pôle attractif. Ainsi, F.D. Barucha, candidat malheureux pour l’année 1952, commence ses études à Paris par ses propres moyens afin de préparer une thèse sur la fermentation de la pénicilline, sous la direction du professeur Lemoigne.1352 Ses recherches sont motivées par la décision du gouvernement de Bombay d’établir une usine de fabrication de pénicilline dirigée par l’ancien directeur du Haffkine Institute, où Barucha travaille. En 1953, il obtient finalement une bourse du gouvernement français. Les très rares boursiers indiens en France font figure de pionniers.
118Jusqu’en 1958, la France offre peu de bourses, à des conditions peu attrayantes. Son système de bourses ressemble alors plus à celui mis en place par l’Allemagne au début des années 1930. Indéniablement, il lui manque un plan général pour le guider. Toujours en 1952, Ostrorog indique que l’Allemagne, dans le seul cadre de l’assistance technique, offre déjà 200 bourses.1353 En 1953, Journot, tente d’obtenir la réciprocité concernant l’équivalence des diplômes français et indiens.1354 En 1954, le système des bourses d’assistance technique qui se met en place reste fragile, puisqu’au mois de juin, l’accord pour les bourses étant survenu trop tardivement, seuls cinq étudiants peuvent présenter leur candidature pour les 8 bourses disponibles.
119Les premiers recensements qui prennent un caractère plus systématique concernent la seconde moitié des années 1950. Procédant de différentes sources de financement, ils sont parfois difficiles à recouper avec exactitude. Toutefois une échelle de valeur peut en être donnée. Concernant les bourses de la coopération culturelle, de 1956 à 1962, leur nombre augmente, mais il reste modeste. De 22 en 1956-1957, il passe à 25 en 1957- 1958 et 1958-1959.1355 Deux ou trois de ces bourses sont attribuées chaque année à des professeurs de français dans le cadre de l’effort poursuivi pour l’amélioration de l’étude du français. Ces bourses sont généralement renouvelées pour une ou deux années et décomptées du nombre total de bourses offertes par an ; un renouvellement qui doit être considéré dans le décompte des bourses attribuées chaque année.
120Grâce à la valeur des personnalités auxquelles elles sont accordées, les bourses destinées aux étudiants de lettres françaises permettent parfois d’amorcer des parcours attachés à de grande œuvres de coopération culturelle franco-indienne. C’est le cas avec plusieurs futurs professeurs, Balblir et Bhattacharya par exemple, qui joueront respectivement un rôle majeur au sein des Langues’O, dans le domaine de la production littéraire et celui de la traduction. Nous pouvons également citer le cas du professeur Nandadulal Dé et de sa collaboration avec le professeur Etiemble. De retour en Inde, le professeur Dé participera à l’animation de plusieurs départements de français au Bengale, parmi lesquels Calcutta, Santiniketan et à la création de celui de Bardwan, toujours au Bengale. Il participera également à la traduction d’œuvres littéraires indiennes en collaboration avec l’Unesco.
121Une autre catégorie de candidats retenus pour l’attribution des bourses des Affaires culturelles est celle des indianistes, au sujet desquels l’ambassadeur se montre dubitatif : « Non pas que cela soit d’une très grande conséquence sur le plan des relations culturelles mais cela n’est pas inutile et c’est, en tout cas, inévitable. Une ou deux par an ».1356 Le restant des bourses est attribué de préférence aux étudiants des matières scientifiques, techniques, et médicales. Ces bourses s’adressent à des étudiants ayant atteint au moins le niveau de licence, afin qu’ils puissent intégrer des grandes écoles ou préparer des thèses. Pour l’année 1958-1959, 25 bourses sont réparties de la manière suivante : 9 pour les sciences, 7 pour les lettres, le reste correspondant au renouvellement de bourses d’étudiants qui en bénéficiaient déjà l’année précédente.1357 À ces bourses d’études, il faut ajouter celles de l’assistance technique déjà évoquées.
122Ne répondant pas à la demande des étudiants indiens exprimée au lendemain de l’Indépendance, l’attraction de la France auprès des futurs cadres de l’Inde diminue. Même à Pondichéry, au sujet des élèves du Lycée français, l’ambassadeur note, en 1957, que le nombre de ceux qui sont appelés à venir étudier dans l’Hexagone : « … ne pourra qu’être infime, à moins que nous augmentions considérablement le nombre de nos bourses, et encore n’est-il pas certain que cela suffise pour inviter des étudiants indiens à faire chez nous toutes leurs études ».1358 Malgré les propositions de bourses d’études dans le cadre de l’assistance technique et celles du Ministère des Finances, le nombre des étudiants en France reste faible : de 71 en 1958, il reste évalué à moins de 100 en 1962, ce qui appelle ce commentaire : « Une action discrète en vue de favoriser le départ vers la France d’étudiants indiens devra être poursuivie ».1359
123La construction du Pavillon indien à la Cité universitaire de Paris révèle également les difficultés rencontrées pour établir des échanges universitaires. Derrière sa réalisation, on trouve la ferme résolution d’Ostrorog. L’idée apparaît dans les archives en 1959.1360 Elle vient combler une lacune étonnante. Bien qu’accepté, le projet reste à concrétiser. Le gouvernement indien est prêt à ouvrir le crédit nécessaire à la construction du bâtiment, à savoir un crédit d’une valeur de 350 millions de francs en devises. Le gouvernement indien sollicite donc l’ouverture d’un crédit par le gouvernement français, en contrepartie de l’ouverture d’un compte en roupies pour le gouvernement français. Le Ministère des Finances s’y oppose, et le projet s’enlise. L’ambassadeur doit intervenir personnellement en revenant sur l’importance des échanges universitaires :
« Un autre motif intervient aussi qui est d’ordre politique. Nous voulons que ce sursis ne compromette pas nos relations avec l’Inde. Il faut donc s’efforcer de donner à notre interlocuteur des témoignages de sympathie à défaut des règlements majeurs. La construction d’un pavillon indien à la cité universitaire avec les échanges de vues qu’elle comporte, et, finalement, une cérémonie d’inauguration répond à ce souci (…). Dans les circonstances actuelles, l’ouverture d’un crédit par le gouvernement indien, même exprimé en roupies, en faveur d’une initiative avantageuse à l’extension de notre culture, mérite d’être encouragée. Bien d’autres pays accordent à l’Inde une assistance plus généreuse ».1361
124Le pavillon indien de la Cité universitaire de Paris est finalement inauguré en 1962, en présence de Humayun Kabir, ministre indien de la Recherche scientifique et des Affaires culturelles.
125Si la formation des futures élites indiennes représentent une question clé pour les relations culturelles entre la France et l’Inde, la formation des élites françaises aux questions indiennes ne l’est pas moins, particulièrement dans le cas du corps diplomatique. Concernant les agents du Quai d’Orsay, après une période intéressante suivant la seconde Guerre mondiale, période au cours de laquelle se forment aux questions indiennes des stagiaires sur le terrain, le système de formation et de recrutement se rigidifie.
Les agents des Affaires étrangères et l’Inde
126A l’issue de sa mission, Pierre Gourou souligne l’aide précieuse reçue par le conseiller culturel, et ce, grâce à la connaissance du pays de ce dernier :
« Je n’ai eu qu’à me féliciter des contacts que j’ai eu dans l’Inde avec tous nos représentants. J’ai vu à l’œuvre M. Claude Journot et puis témoigner de sa complète réussite ; grâce à des efforts incessants et une activité infatigable qui le conduit en toutes parties de l’Inde, il a acquis une admirable connaissance des institutions et des hommes de ce pays et il a répandu dans les universités les plus lointaines le nom de la France et la notion de l’existence d’un service des relations culturelles auquel il est fort utile et profitable de s’adresser dés que se pose une question qui intéresse de près ou de loin notre pays. C’est un très beau succès ».1362
127De la fin des années 1940 jusqu’aux années 1950, une génération de diplomates français se forme à l’Inde sous la houlette de l’ambassadeur Ostrorog. La nécessité de reconstituer rapidement un personnel diplomatique après les bouleversements de la Seconde Guerre mondiale ouvre la porte à de jeunes candidats.1363 En Inde, leurs premiers pas accompagnent ceux de la République, jeune politiquement mais ancienne culturellement. Ils bénéficient de l’expérience diplomatique et de la connaissance des cultures asiatiques de Daniel Lévi, Olivier Lacombe, Stanislas Ostrorog, Alain Daniélou1364 ou Christine Bossennec. Au sujet de cette dernière, l’ambassadeur écrit : « Depuis vingt ans Mlle Bossennec a été pour la France un agent de liaison permanent avec l’Inde (…), elle s’est attachée à comprendre les milieux indiens où Rabindranath Tagore l’avait accueillie, leur donnant en retour une image de la France qu’ils n’avaient pas ».1365
128Le rôle joué entre 1948 et 1955 par le conseiller culturel Claude Journot, ancien élève à Langues’O du professeur Pierre Meile, est également déterminant dans le déploiement d’une présence culturelle. Sa longue période d’exercice combinée avec celle d’Ostrorog permet de façonner une période particulière de l’histoire de la diplomatie française en Inde, marqué du sceau de l’amitié, dans un contexte politique politique difficile. Dans ces temps de reconstruction du corps diplomatique, des stagiaires sont affectés dans les ambassades. C’est le cas par exemple de Jean Batbedat qui, sur place, acquiert la connaissance du hindi. En 1953, il est reçu au concours d’Extrême-Orient, puis devient adjoint au consulat général de Calcutta, avant de poursuivre une brillante carrière diplomatique, marquée par le souci de développer les relations avec l’Inde lorsque ses responsabilités le lui permettront.1366
129Un autre exemple est celui de Henri Dumont, secrétaire à l’ambassade, gérant du consulat à Bombay une première fois en 1953, puis consul général du même consulat entre 1958 et 1962. Ce dernier entretient les relations les plus amicales avec les Tata.1367 On peut mieux juger de son action en s’en référant à Stoetzel, professeur de psychologie sociale à l’université de Paris, chargé de missions en Inde et au Pakistan en 1960 : « Visiblement M. Henri Dumont s’intéresse très activement à sa circonscription, la connaît très bien et s’y déplace. J’ai tout lieu de penser que dans les domaines politiques et économiques, qui ne sont pas de ma compétence, il s’informe très exactement, mais j’ai pu juger combien il connaît avec précision la situation sociologique de l’Inde centrale et ses informations universitaires n’ont pas été moins précieuses. »
130Les liens personnels développés par la délégation française constituent la base du succès du Centre culturel de Calcutta et de l’Alliance française de Bombay. Le climat d’amitié qui y règne, et que les différents témoignages corroborent, est basé sur une connaissance culturelle de leur interlocuteur qu’ont acquis les agents tant diplomatiques que culturels au cours de leur séjour. Par ailleurs, les relations personnelles qu’Ostrorog noue avec les représentants politiques indiens contribuent à éviter une rupture entre la France et l’Inde.1368 Ses relations amicales avec Nehru ont même permis d’éviter une rupture des relations entre les deux pays sur la question des comptoirs. « L’élément d’amitié donne un accès personnel auprès de l’homme qui tient tout en mains. », note-il à propos de l’Inde.1369 Armand Mayer insiste également sur ce point concernant le développement de l’action technique de la France en Inde. Ceci se vérifie au sujet du développement de la coopération scientifique.
131Le Quai d’Orsay réformant son mode de recrutement, avec l’Ecole Nationale d’Administration en son centre, le caractère conjoncturel et fragile de l’alchimie qui a assuré ce climat propice au développement de relations fécondes entre les représentants de la délégation française et leurs interlocuteurs indiens n’échappe pas à l’ambassadeur. Aussi, celui-ci défend-il, auprès de sa hiérarchie, la mise en place d’une formation spécialisée pour les futurs agents appelés à servir en Inde . « Il importe, par ailleurs, de songer à former des agents spécialisés dans les affaires indiennes, notamment par la connaissance de leur langue »,1370 écrit-il dès 1951. L’ambassadeur développe ensuite ses idées quant à la formation du personnel destiné à servir en Inde :
« Un des projets que je formais quand le département voulut m’envoyer en Inde était d’assurer l’instruction d’agents ayant quelques connaissances des langues et des "pays indiens". L’organisation fixée depuis si longtemps pour le Proche et l’Extrême-Orient ne présentait pas moins d’intérêt en Inde. Ici, trois expériences ont déjà été faites. M. Batbedat, pendant son séjour à Bombay, a pu acquérir l’usage de la langue hindi. Ayant par la suite passé le concours, il est pour le ministère une excellente recrue et rend les plus grands services dans son poste actuel.
M. Chambard : m’étant personnellement occupé de lui depuis un an, je puis porter témoignage en sa faveur et donner l’assurance qu’il a tous les éléments nécessaires pour devenir un agent de qualité (…).1371 Dans l’intérêt du service et pour ménager l’avenir, je souhaiterais que ces initiatives ne soient pas abandonnées et que la formation d’agents spécialement instruits des choses de l’Inde se poursuive. C’est à quoi servait le poste d’attaché. Bien qu’il soit maintenant supprimé, peut-être pourriez-vous affecter au poste d’auxiliaire qui le remplace un élève de l’Ecole des Langues Orientales recommandé par Pierre Meile ? »1372
132Contrairement aux vœux d’Ostrorog, les stages pour les candidats à la carrière diplomatique sont supprimés, le nombre de candidats étant devenu trop grand.1373 Seuls quelques candidats ont finalement pu en bénificier. Une voie pour la formation aux affaires indiennes disparaît, alors même que le nombre de candidats au concours d’Extrême-Orient se réduit à moins d’une dizaine de candidatures au tournant des années 1940, parmi lesquelles on compte une majorité de missionnaires.1374
133La formation des agents diplomatiques français pour l’Inde ne semblant pas susciter d’initiative particulière de la part du ministère, l’ambassadeur en élargit le propos aux agents appelés à servir dans le continent asiatique en général, en abordant la question de ceux qui intègrent la carrière diplomatique par la voie du concours d’Orient :
« Ce qui est vrai pour l’Europe orientale l’est pour l’Asie. Je ne crois pas trahir les sentiments de mes collègues dans cette partie du monde en affirmant l’utilité des agents d’Extrême-Orient et en reconnaissant les services qu’ils rendent par leur connaissance des langues, de l’histoire, de la culture des peuples asiatiques et par les contacts que pareilles connaissances facilitent. Je n’ai personnellement qu’à me louer de la collaboration de ceux que le Département a bien voulu m’adjoindre, en déplorant de n’avoir pu contribuer davantage à la formation de jeunes stagiaires dont le nombre, en ce qui concerne ce pays, a été malheureusement limité ».1375
134Constatant la rareté des agents formés aux langues indiennes et soucieux de préparer l’avenir, Ostrorog attire donc à nouveau l’attention sur ce point, en 1957. La France affiche, en effet, un déficit d’agents spécialisés dans les langues indiennes par rapport aux autres représentations étrangères et l’ambassadeur considère urgente la nécessité de remédier à cette situation :
« À cet égard, nos efforts paraissent très insuffisants. Il n’est besoin que de les comparer à ceux que déploient les autres administrations pour s’en convaincre. Compte tenu de ce que représente l’Inde, je souhaiterais que le Département puisse assurer la formation de spécialistes à un rythme accéléré. Il ne m’appartient pas de juger les raisons pour lesquelles les agents connaissant le hindi sont aujourd’hui si rares. Mais je suis certain que pareil état des choses aura des conséquences fâcheuses dans l’avenir. Il en a déjà. Je ne citerai que deux exemples. Nous n’avons qu’un spécialiste de tamoul, M. Fabre, et un seul agent connaissant parfaitement le hindi, M. Batbedat. Or c’est par dizaines que se comptent les agents de cette spécialité actuellement en fonctions à Delhi dans les ambassades étrangères. Le recrutement des secrétaires d’Extrême-Orient ayant vocation pour ce pays présente donc un caractère urgent. Permettez moi de faire appel à vous pour qu’il soit accéléré dans toute la mesure du possible. »1376
135Le déclin des candidats au concours d’Extrême-Orient s’explique par les possibilités de carrière moindres qu’offre cette voie d’entrée dans le corps diplomatique par rapport à l’ENA. L’ambassadeur milite donc pour la revalorisation de cette formation nécessaire à la constitution d’un corps d’agents qualifiés pour la représentation française en Asie :
« Si des projets devaient être élaborés qui soient de nature à modifier les dispositions en vigueur, je souhaiterais pour ma part que le Département veille à ne pas décourager les vocations, en garantissant aux futurs agents d’Extrême-Orient une carrière correspondant aux difficultés de leur formation. Les spécialistes ne devraient en aucun cas être considérés comme de simples moyens de truchement, mais comme des collaborateurs appelés à jouer un rôle déterminant dans les pays où ils passent la majeure partie de leur carrière. Il convient donc de maintenir, en ce qui les concerne, une entière égalité de droits avec leurs collègues, faute de quoi les jeunes gens de qualité feront rapidement défaut. »1377
136Le manque d’agents d’Extrême-Orient ne tarde pas à se faire sentir en Inde et, dès 1958, l’ambassadeur réclame l’envoi de jeunes agents afin de pourvoir aux tâches qui n’entrent pas dans les fonctions des agents d’expérience.1378 Leur absence va rapidement handicaper le fonctionnement de l’ambassade.1379 Malgré les avertissements de l’ambassadeur aucune mesure n’est esquissée. Il est intéressant de comparer cette attitude avec celle des autorités britanniques qui, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, entreprennent un grand programme de formation aux cultures asiatiques de ses agents. Ne mettant en place aucune formation adaptée aux réalités culturelles indiennes, la diplomatie française s’interdit la possibilité de développer ses échanges culturels avec l’Inde, mais aussi de progresser dans sa connaissance de ce nouvel État, une condition nécessaire à l’amélioration des relations entre les deux pays et au maintien d’une présence culturelle française dans une région-clé de l’Asie.
Notes de bas de page
1216 AMAE N - consu bom n° 10 - Exposé fait par A. Mayer, Inspecteur général des Mines sur la mission qu’il a effectué aux Indes du 9.12.1948 au 9.02.1949, p. 6.
1217 PIGNIAU B., ROCHE F., Histoires de diplomatie culturelle…, p. 80.
1218 AMAE P – AO 1944-1955 - Inde 100 – AFI à AE, le 27.11.1948.
1219 AMAE P – AO 1944-1955 Inde 100 – Compte-rendu de la mission effectuée par M. Pierre Gourou… (09-10.1950), Paris, le 10.11.1950.
1220 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (11), AFI à AE, le 18.12.1952.
1221 PINIAU B., ROCHE F., Histoires de diplomatie culturelle…, p. 82.
1222 Ibid.
1223 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 193 – consu mad à AFI, Au sujet de note action culturelle, p. 2-3, le 10.12.1957.
1224 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 193 – consu mad à AFI, le 21.12.1957.
1225 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 140 - AFI à AE, Rapport de la fin de mission-L’Inde de 1961 à 1965, p. 14, le 24.05.1965.
1226 AMAE N – consu bom n° 12 - Secrétaire de l’Af de Bombay à conseiller culturel, le 02.12.1953.
1227 AMAE P – AO 1944-1955 - Inde 100 - Compte-rendu de la mission effectuée par M. Pierre Gourou… (09-10.1950), Paris, le 10.11.1950.
1228 AMAE P – AO 1944-1955 - Inde 100 – AFI à AE, le 27.11.1948.
1229 Id., p. 84.
1230 AMAE P – AO 1944-1955 - Inde 100 AFI à AE, le 27.11.1948.
1231 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 193 – AFI : Note sur l’activité culturelle française en Inde, 17.05.1957, p. 5.
Entretien avec Nicole Balbir et entretien avec Jean Batbedat.
1232 Entretien avec Nicole Balbir.
1233 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 192 – consu cal à AE, le 25.04.1958.
1234 Future professeure France Bhattacharya.
1235 Future professeure Nicole Balbir.
1236 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 193 -AFI Note sur l’activité culturelle française en Inde, 17.05.1957, p. 5.
1237 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 196 - Rapport sur la Mission en Inde de Charles Pellat, Professeur à la Sorbonne de la Section des Études arabes et islamiques, le 21.03.1962.
1238 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 -AE : Situation culturelle de la France en Iran, en Inde et au Japon (Note faite à l’occasion du voyage en Extrême-Orient de M. Malraux), p. 10, le 18.11.1958.
1239 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 195 – consu bom à AE, le 07.07.1960.
1240 Ibid.
1241 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 - AFI à AE, le 29.04.1959.
1242 OSTROROG S., « Rapport de l’ambassadeur Ostrorog », in Malraux et l’Inde, l’itinéraire d’un émerveillement, p. 61. Ce séjour de Malraux en Inde donne lieu à des conversations avec Ostrorog qui sont d’un intérêt remarquable et que l’écrivain a consignées en partie dans ses Antimémoires.
1243 Ibid.
1244 Badruddin Faiz Tyabji (1907-1995), ambassadeur d’Inde à Bonn, petit fils de Badruddin Tyabji cité précédemment.
1245 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 - AFI à ambassade à Bonn, le 28.05.1959.
1246 Ibid.
1247 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 - AFI à AE, le 04.07.1959.
1248 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 - AFI à AE, le 08.07.1959.
1249 SEN P. « Painting », p. 78, in VATIN M., Calcutta.
On peut ajouter, entre autres les venues de S.H. Raza et de Laxman Pai. De nombreux ouvrages consacrés à l’art contemporain relatent cette importance de Paris.
1250 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 - AE, Note faite à l’occasion du voyage en Extrême-Orient de M. Malraux, p. 12, le 18.11.1958.
1251 Voir Sources : Les Cahiers du Cinéma.
1252 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 – consu mad à AFI, le 15.05.1959. Il s’agit probablement de la danseuse et actrice tamoule du même nom Vyjayanthimala Bali, célébrité du cinéma.
1253 Créateur d’une revue consacrée à l’Inde, Hind, avant de promouvoir les Rrelations culturelles franco-indiennes au sein des services diplomatiques indiens, de la radio nationale et de l’Unesco.
1254 AMAE P – AO 1944-1955 - Inde 1 – AFI à AE, l10.1948.
1255 AMAE P – AO 1944-1955 - Inde 1 – chargé d’affaires de France à AE, le 24.09.1947.
1256 Id.
1257 Ibid.
1258 Henri Roux donne à titre exemple la tournée en 1947 d’un conférencier, M. Hadamard, dont l’audience a été relativement faible.
AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (11 : Congrès, Conférences), AFI à AE, le 07.02.1947.
1259 Ibid.
1260 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (13 : Subventions aux associations) - AE (Congrès et conférences) à AFI, le 12.04.1948.
1261 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (11 : Congrès, conférences) - attaché culturel à AE, le 11.01.1948.
1262 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 – AFI à AE, le 07.02.1948.
1263 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 – Compte-rendu sur la mission en Inde de M. Yves Letort du 17 au 31.01.1955.
1264 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (11), AFI à AE, le 18.12.1952.
1265 Id., le 27.02.1952.
1266 Voir différentes dépêches incluses dans le dossier Congrès et conférences : AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (11).
1267 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 101 - AFI à AE, le 18.12.1952.
1268 Ibid.
1269 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 - AFI à AE, le 07.02.1947.
1270 Ibid.
1271 Id., le 07.02.1947.
1272 Id., le 28.01.1949.
1273 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 – consu cal à AE, le 19.02.1948.
1274 Archives du MAE Nantes – Consu bom n° 10 - MAYER A., Note sur les perspectives françaises aux Indes, p. 15.
1275 Ainsi, relate-t-il les effets bénéfiques qu’ont eu de tels séjours pour des dirigeants indien dans leur connaissance des capacités françaises en matière d’équipement hydro-électrique.
1276 Id., p. 16.
1277 Ibid.
1278 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 - AE à AFI, le 24.09.1949.
1279 AMAE P – RC 1945-1959 n° 95 - consu bom à AE, le 29.01.1951.
1280 AMAE P – RC 1945-1959 n° 95 – DGRC (Service des échanges culturels) à M. le Président du Comité français des Grands Barrages, le 23.01.1951.
1281 Présidé par Nehru.
1282 AMAE N – Consu bom n° 10, conseiller culturel à consu bom, le 17.01.1950.
1283 En 1934, il découvre la radio-activité artificielle, ce qui lui vaut le prix Nobel. Il crée, et dirige, alors la section de Physique nucléaire au collège de France. En 1939 il réalise des travaux sur la fixation des noyaux d’Uranium et de Thorium. En Juin 1940, Frédérique Joliot envoie ses deux collaborateurs Halbanet et Kowaski en Angleterre en leur confiant les 165 litres d’eau lourde mis au point au cours de leurs travaux, soit à peu prés la totalité du stock dans le monde.
1284 AMAE P – RC 1945-1959 n° 95 - AFI à AE, le 10.08.1948 ; et Mme Irène Joliot-Curie à DGRC, le 22.09.1948.
1285 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 100 - AFI à AE, le 19.07.1949.
1286 En 1949, malgré des invitations, aucun scientifique français n’y participe.
1287 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 100 - AFI à AE, le 20.09.1949.
1288 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 100 – attaché culturel à AE, le 23.11.1949.
1289 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (11), consu bom à AE, le 22.09.1950.
1290 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 101 - AFI à AE, le 28.02.1951.
1291 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 101 – consu cal à AE, le.13.12.51.
1292 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (11).
1293 AMAE P – RC 1945-1959 n° 101 - DGRC (Bureau des missions) à AFI, le 12.1954.
1294 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (11), AFI à AE, le 21.11.1951.
1295 AMAE P – AO 1944-1955 – If n° 81 - Secrétariat des Conférences à Assemblée technique, le 20.12.1954.
1296 AMAE P – AO 1944-1955 – 140 – AFI à AE, le 09.03.1956.
1297 Les trois missions industrielles sont les suivantes : Société Péchiney, Fédération de la Mécanique et Télécommunication.
1298 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 – AFI à AE, le 06.03.1957.
1299 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96, Compte-rendu sur la mission en Inde de M. Yves Letort du 17 au 31.01.1955. Instruit par ses expériences avec différents instituts visités à Jamshedpur, Delhi, Calcutta et Bombay, il initie la mise en place de deux bourses de deux ans pour des étudiants indiens en France.
1300 Créé en 1956.
1301 Nous ne disposons pas de rapport quant à cette dernière.
1302 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 – AFI à AE, le 24.02.1960.
1303 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 – GRABAR P., Rapport sur la mission en Inde, p. 3, 1960, 3 p.
1304 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 – AE (DGACT) à AFI, Au sujet de l’Invitation du docteur Jacques Monod par l’AIIMS, le 26.02.1959.
Egalement : TALWAR G.P. : « Rencontres hors du commun », in 50 ans de coopération scientifique..., p. 98-100.
Jacques Monod, prix Nobel de médecine en 1965, auteur en 1970 d’un ouvrage de référence : Le Hasard ou la Nécessité. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne.
1305 AMADO P., « En ce Temps Là », in 50 ans de coopération scientifique…, p. 152-153.
1306 TALWAR G.P., « Rencontres hors du commun », id., p. 96. AFI (Éd.), 1992 : Former Indian Scholars and trainers in France, Delhi, p. 145.
1307 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 – AE à AFI.
1308 « Les États-Unis à la faveur de la Fondation Rockfeller, ont noyauté certains services de l’Institut (AIIMS). L’URSS offre de nombreuses bourses. L’Allemagne fait son effort principal avec beaucoup de succès du côté des industries pharmaceutiques et chimiques. L’Angleterre bien entendu maintient ses positions ».
AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 – Mission du professeur Jean Bernard, septembre 1960.
Le professeur Pierre Grabar constata également l’influence anglo-saxonne dans ce domaine : « La majorité des meilleurs scientifiques indiens sort d’universités anglaises ou américaines. Les américains font actuellement un effort très considérable pour établir des relations très étroites avec les universités indiennes (échanges de professeurs et d’élèves). »
AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 – Rapport sur la mission en Inde de Pierre Grabar, janvier- février 1960.
1309 « Certaines disciplines telles l’hématologie, sont très pauvrement représentées à Bombay et à Delhi (Il y a un peu plus d’hématologistes à Calcuta). Les autorités universitaires sentent profondément le besoin de combler cette insuffisance d’autant plus fâcheuse que des problèmes très spéciaux et d’une grande importance humaine sont posés par les maladies du sang en Inde. »
AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 – Mission du professeur Jean Bernard, septembre 1960.
1310 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 – AFI à AE, le 18.10.1960
1311 « A ce propos et d’accord avec notre éminent compatriote, je me permets de souligner l’intérêt que présenterait la venue, chaque année, d’une équipe de trois ou quatre maîtres de la médecine française. Cette formule a déjà été employée en Amérique du Sud par le Professeur Bernard et il pense que de telles missions par leur durée (un mois à six semaines) et leur densité de qualité, permettent d’exercer une action plus profonde et plus durable. A son avis, cette méthode serait particulièrement appropriée à une ville comme Bombay. M. le professeur Courrier avait d’ailleurs formulé le même sentiment après sa visite en Inde il y a deux ans. C’est une formule qui a également été utilisée avec succès en Inde par l’OMS et par les Américains. »
AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 – consu à AE, le 06.09.1960.
1312 Voir également GROS F. « Souvenirs d’un biologiste », p. 104-111, in 50 ans de coopération scientifique...
1313 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 – consu bom à AFI, le 04.09.1959.
1314 Ibid.
1315 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 195 - AFI à AE, télégramme, le 24.10.1961.
1316 Voir notamment AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 195 - AE à AFI, le 22.07.1961.
SHWARTZ L., « Une équation est posée », et NARASIMHAN, « La formule de la coopération », in 50 ans de coopération scientifique…, p. 26-31, et p. 32-35.
1317 AMAE N – Consu bom n° 11 - Rapport de la visite de la délégation de l’Assemblée nationale en Inde du 31.01 au 19.02.1954, p. 47. La délégation note un « accueil le plus cordial de la part de son directeur, le professeur Chandrasekharan. Celui-ci estime qu’il y a peu de pays où la coopération dans le domaine mathématiques soit plus importante qu’entre la France et l’Inde. »
1318 Cependant, en 1964, la délégation de l’Assemblée nationale note que, même pour ces derniers, les formalités de séjours restent nombreuses et compliquées
« Ces séjours de mathématiciens indiens du TIFR présenteraient un intérêt scientifique très sérieux pour eux-mêmes, mais aussi pour les institutions françaises qui les accueilleraient. Les formalités préliminaires à leur séjour en France devraient être simplifiées. » - Ibid.
1319 Les travaux de la Compagnie Générale de T.S.F. à Bangalore furent un succès qui se prolongea par le maintien de techniciens français au-delà de l’achèvement de l’usine Bharat Electronics, par l’intervention de l’un d’eux dans le cadre de cours donnés à l’Institut Indien des Sciences et par l’utilisation dans l’usine de machines de fabrication française, pour deux tiers de l’ensemble. L’usine de Bangalore fournit la plupart des grands services publics indiens en émetteurs et en récepteurs. C’est alors la seule usine de ce type en Inde.
En revanche, le chantier de Vishakhapatnam mené par les Chantiers de la Loire s’avère un échec retentissant, les premiers navires sortis du chantier montrant des difficultés à flotter.
1320 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 239 - Note : RC franco-indiennes, le 13.09.1962, 6 p.
1321 Par la société Saint-Gobain.
1322 Entretien avec Pierre Amado.
1323 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 139 - AE (DAO), Instructions à l’ambassadeur Jean Paul Garnier, p. 49-50, le 03.06.1961.
1324 Époux de Violette Graff.
1325 La voie Dangoaposi, Tatanagar, Asensol, Gomoh – au cœur de la "Ruhr indienne" – permet de relier par trains rapides et lourds, et à moindre frais, les mines de fer et de houille de la région aux aciéries de Tatanagar, Burnpur, Durgapur, puis Rourkela dans l’Etat d’Orissa. AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 141 - AFI à AE, le 03.09.1961.
1326 Entretien avec Pierre Amado.
1327 Ibid.
1328 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 140 - AFI à AE, Rapport de fin de mission, l’Inde à 1961 à 1965, 24.05.1965, p. 15.
1329 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 139 - AE (DAO), Instructions à l’ambassadeur Jean Paul Garnier, le 03.06.1961, p. 57.
1330 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 195 - Note pour M. Jean Basdevant (DGACT), le 16.01.1961.
1331 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 - AE Note au sujet du programme de bourses attribuées à des techniciens indiens, le 03.03.1960.
1332 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 - AE à AFI, le 15.03.1960.
1333 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 - AE : Note au sujet du programme de bourses attribuées à des techniciens indiens, le 03.03.1960.
1334 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 139 - AE, Instructions à J. P. Garnier, p. 57, le 03.06.1961.
1335 Une dépêche fait cependant état de 55 bourses des AE destinées aux étudiants et aux techniciens, et de 100 proposées par le secrétariat aux affaires économiques, mais peut-être faut-il en déduire un certain nombre de prolongations de bourses.
AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 - AE (DGACT) à M Finances (non daté, avril 1959).
1336 Ibid.
1337 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 239 - Note : RC franco-indiennes, le 13.09.1962, 6 p.
1338 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 - AE : note au sujet des relations culturelles et techniques franco-indiennes.
1339 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde -Assemblée nationale - Rapport fait au nom de la commission des AE sur le projet de loi (n° 1660) autorisant la ratification du traité de cession des établissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon, signé à Delhi le 28 mai 1956, par M. Boscher, député. 47 p. Ratification par l’assemblée nationale, le 12.07.1962 en première lecture.
1340 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 194 - Rapport sur la mission en Inde de Pierre Grabar, janvier- février 1960.
1341 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 193 – Rapport sur les conférences données par M. Françon, professeur à la Faculté des Sciences de Paris à l’occasion d’un voyage effectué en Inde et à Ceylan (Avril-Mai 1959).
1342 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 195.
1343 Ibid.
1344 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 192 - Rapport sur une mission en Inde du 19 au 30 septembre 1962, par F. Abeles et H. Currien, 6 p.
1345 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 193 AFI : Note sur l’activité culturelle française en Inde, le 17.05.1957, p. 5.
1346 AMAE P – RC 1945-1959 n° 96 (11), Compte-rendu sur la mission en Inde de M. Yves Letort du 17 au 31.01.1955.
1347 TALWAR G.P. : « Rencontres hors du commun », in 50 ans de coopération scientifique…, p. 96.
1348 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 100 – consu cal à AE, le 21.03.46.
1349 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 100 – AFI à AE, le 27.11.1948. On note que l’idée de la construction d’une Maison indienne à la cité universitaire de Paris apparaît pour la première fois.
1350 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 100 – AFI à AE, le 27.06.1949.
1351 Celle de Mme Seeta Idengar.
AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 100 – consu cal à AE, le 26.09.1946.
1352 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 101 -AFI à AE, le 18.12.1952.
1353 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 101 - AFI à AE, le 05.12.1952.
1354 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 101 - AFI à AE, le 11.02.1953.
1355 AMAE P – AO 1944-1955 – Inde 193 AFI : Note sur l’activité culturelle française en Inde, p. 6, le 17.05.1957.
AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 194 - AE : Note faite à l’occasion du voyage en Extrême-Orient de M. Malraux, le 18.11.1958, p. 8.
1356 Ibid.
1357 AMAE P – AO 1955-1967 – Inde 194 – AE : Note faite à l’occasion du voyage en Extrême-Orient de M. Malraux, le 18.11.1958.
1358 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 AFI : Note sur l’activité culturelle française en Inde, le 17.05.1957, p. 6.
1359 AMAE P – AO 1956-67 -Inde 239 - Note sur les RC franco-indiennes, le 13.09.1962, 6 p.
1360 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 - AE à M finances, (non daté - avril 1959).
1361 AMAE P – AO 1956-1967 – Inde 193 – AFI à AE, le 26.05.1959.
1362 AMAE P – AO1944-1955- Inde 100 : Compte-rendu de la mission effectuée par M. Pierre Gourou… (09-10.1950), Paris, le 10.11.1950.
1363 Entretien avec Henri Dumont.
1364 « La collaboration d’un érudit de cette qualité apprécié et connu de tous les milieux indiens serait à l’honneur de notre Institut. » écrit à son sujet l’ambassadeur en 1956 qui demande son admission à l’Institut français de Pondichéry. AMAE P – AO 1956- 1967 – Inde 323 – AFI AE, le 09.03.1956.
1365 AMAE P – AO 1944-1955- Inde 101 – AFI à AE, le 13.09.1952.
De retour à Paris, en 1954, celle qui a résidé en Inde pendant 20 ans va poursuivre son œuvre en faveur du développement des relations franco-indiennes. Comme le rappelle Lacombe, dans le cadre du C.N.R.S., elle va : « … pendant plusieurs années, travailler à un inventaire des collections bibliographiques françaises concernant l’indologie, et plus particulièrement de celle qui est en la possession de la vénérable Société asiatique de Paris O. LACOMBE, « J’ai fait la connaissance de Christine.. », LINÉ S., Témoignage des amis de Christine.
1366 On doit notamment à Batbedat l’impulsion donnée au développement du réseau de l’Af au début des années 1980.
1367 Entretien avec Henri Dumont
AMAE P – AO 1956-67 - Inde 195 - Rapport sur la mission de Jean Stoetzel, professeur de psychologie sociale à l’université de Paris, en Inde et au Pakistan, janvier 1961.
1368 Entretiens : M. RAGHAVAN : « Les plus grandes personnalités de l’Inde se retrouvaient chez l’ambassadeur Ostrorog grâce à Nehru ». Par ailleurs, Nehru venait régulièrement prendre le petit déjeuner chez l’ambassadeur.
1369 S. OSTROROG, 1994 : Courriers d’Orient, p. 161, Nancy, P.U.N.
1370 AMAE P – AO 1944-1955- Inde 02 – AFI à AE, le 09.11.1951.
1371 Id., le 11.11.1953.
Stanislas Ostrorog évoque également le cas de M. Lamoureux à Calcutta.
1372 Ibid.
1373 Entretien avec Jean Batbedat.
1374 Ibid.
1375 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 139 - AFI à AE, le 24.05.1957.
1376 Ibid.
1377 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 139 – AFI à AE, le 24.05.1957.
1378 « Il n’y a plus à cette ambassade que des agents de rang assez élevé. Il en faut de plus jeune pour se charger de tâches plus modestes, mais indispensables. L’été touche à sa fin. La saison est favorable et je puis assurer que pour un agent au début de sa carrière, l’expérience de l’Inde est d’exceptionnel intérêt. J’espère qu’il se trouvera des candidats valables pour la tenter. »
AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 139 – AFI à AE, le 16.09.1958.
1379 AMAE P – AO 1956-1967 - Inde 139 – AFI à AE, le 25.07.1960.
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