I. Les échanges de l’Inde et de l’empire Romain aux premiers siècles de l’ère chrétienne1
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Texte intégral
1Il y aura bientôt un siècle, l’illustre arabisant Reinaud, qui possédait l’esprit d’un grand historien, avec, dans plusieurs domaines, l’expérience consommée d’un spécialiste, consacrait un très long mémoire aux relations de Rome avec l’Inde et les pays circonvoisins.2 Par une étude et une discussion approfondies des sources latines, il avait cherché à montrer que les Romains des débuts de l’Empire se préoccupaient bien plus qu’on n’aurait pu le croire des pays indiens et de leurs souverains. Peut-être attachait-il trop d’importance à de brèves allusions à l’Inde et aux Indiens relevées chez les poètes latins. Toujours est-il que les historiens spécialisés du monde occidental, peu préparés à concevoir que l’Inde ait pu jouer un rôle dans l’histoire universelle telle qu’ils l’envisageaient, ont généralement prêté peu d’attention au mémoire de Reinaud. Mais, aujourd’hui, les travaux des historiens du commerce et de la navigation, les études et les découvertes des indianistes viennent montrer que dans l’ensemble, Reinaud avait vu juste.
2On aurait dû de bonne heure s’en douter. Non seulement les témoignages grecs et latins sont nombreux et formels, non seulement les données géographiques des Pline, des Pomponius Mela et des Ptolémée attestent une grande connaissance de l’Inde, mais encore on a depuis longtemps multiplié les études qui tendent à prouver qu’un grand nombre d’emprunts ont été faits par l’Inde à la Grèce et au monde hellénistique. Dès le début du XVIIIe siècle, un des plus grands missionnaires indianistes de cette époque, le P. Pons, avait décelé la présence de termes techniques grecs dans des traités d’astronomie indienne. Ces termes appartenaient à la science alexandrine relativement tardive et on en a constamment fait état pour marquer que l’Inde avait connu la science grecque jusqu’à des stades avancés de son développement. Mais on n’a pas assez remarqué que cette connaissance impliquait des relations à l’époque romaine et que, si, dans ces relations, l’Inde avait profité du monde hellénistique, celui-ci n’avait pu rester assez aveugle pour ignorer l’Inde.
3Il est vrai que certains auteurs, à diverses époques, ont admis la possibilité d’échanges réciproques entre l’Inde et l’Occident, mais ils ont été rarement écoutés. La vogue des théories sur le miracle grec s’est opposée à l’étude approfondie des rapports avec l’Orient. Tout, dans la civilisation hellénique, devait s’expliquer par une évolution interne. C’était dans une création ex nihilo de tout ce qui appartenait à la culture occidentale que consistait le miracle grec et il n’y avait pas lieu d’étudier les spéculations orientales qui relevaient de mondes étrangers et inférieurs. Nos connaissances sur l’Orient ancien étaient loin, d’ailleurs, d’être aussi avancées que les études sur le monde classique. De plus, elles n’étaient pas mises à portée des non-orientalistes. Si les orientalistes avaient, par leurs études classiques, des lumières sur l’Occident, les philologues classiques, plus strictement spécialisés, ne possédaient, eux, aucun moyen de s’informer d’une façon suffisante des choses de l’Orient.
4Aujourd’hui, l’étude de cet Orient, et de l’Inde en particulier, a fait des progrès considérables. Les résultats acquis sont assez sûrs pour devoir être introduits désormais dans la culture historique générale. L’importance et le rayonnement de la civilisation indienne sont trop bien établis pour que la nécessité d’étudier le problème de ses rapports avec l’Occident n’apparaisse pas comme impérieuse et urgente.
5Aux environs de l’ère chrétienne, la civilisation de l’Inde, non seulement est déjà ancienne, mais encore a atteint un plein développement. Elle a puissamment organisé un immense groupement de sociétés, elle a créé trois grandes religions, elle a élaboré ou amorcé tous les grands courants de spéculations qu’elle continuera à développer, elle a constitué un système de technique psychophysiologique, le yoga, qui restera un de ses traits les plus caractéristiques, elle a conçu les éléments fondamentaux des sciences qu’elle codifiera bientôt. Elle est prête à donner toute sa mesure, prête aussi à lancer son expansion vers l’Asie centrale et vers l’Extrême-Orient.
6Les temps lointains où les tribus indo-aryennes, qui lui ont légué les hymnes védiques, envahissaient la vallée de l’Indus, antérieurement habitée par des peuples plus civilisés, et combattaient sans cesse entre elles et avec les autochtones, sont presque oubliés. A travers toute la péninsule et à Ceylan qui s’y rattache, cent peuples divers ont adopté un fonds commun de culture et déjà l’Inde presque entière, sous les Maurya, a été durant plus d’un siècle politiquement unifiée. Elle l’est linguistiquement aussi dans une certaine mesure car partout elle utilise le sanskrit et des dialectes prâkrits qui ne présentent pas encore les grandes différenciations provinciales qui se sont peu à peu établies et ont abouti au morcellement linguistique moderne du pays.
7Au temps des Achéménides, la vallée de l’Indus, conquise par Darius, était restée deux cents ans rattachée à l’empire iranien, au même titre que l’Égypte, la Syrie, l’Asie Mineure et la Mésopotamie, et elle avait participé à de larges échanges avec tous ces pays. Mais le centre de la civilisation indienne était alors dans la vallée du Gange, où florissait surtout le royaume oriental du Magadha. Alexandre avait rapidement parcouru, après avoir traversé l’Empire Perse, l’ancienne satrapie indienne de celui-ci. Il n’avait pu pousser au delà. Sa prise de possession de la région, loin d’en constituer une conquête, avait eu plutôt pour résultat de bientôt laisser cette région faire à l’Inde indépendante le retour que les Achéménides avaient évité.3 Les préfets d’Alexandre avaient été chassés par les Indiens, dont le chef, Candragupta, avait conquis le trône du Magadha et fondé la dynastie des Maurya en 313 av. J.C., réunissant sous sa loi les deux vallées de l’Indus et du Gange. Le petit-fils de Candragupta, Asoka, après diverses extensions de pouvoir, faites sous son père et sous son propre règne, avait dominé de l’Arachosie au Bengale, et de l’Afghanistan au Mysore. Ses nombreuses inscriptions l’attestent car elles ont été retrouvées dans toute l’aire immense, qui couvre toute l’Inde actuelle, hormis l’extrême-sud, resté aux mains des peuples dravidiens qui l’habitaient et l’habitent encore.
8Asoka avait été le plus grand roi de son temps. Il avait régné de 264 à 226 av. J.C. A cette époque, Rome et Carthage étaient aux prises ; les principaux souverains régnant à l’ouest de ses États, les Ptolémées et les Séleucides, ne disposaient point pacifiquement comme lui de territoires aussi étendus où leur autorité fût incontestée ; la Chine, enfin, était mise à feu et à sang par Che hoang ti, qui lui forgeait une unité. L’empire Maurya s’était fragmenté assez peu de temps après la mort d’Asoka. Il n’avait pas moins puissamment contribué à former une unité culturelle indienne. Il avait rayonné par son influence pacifique sur les pays dravidiens indépendants et sur l’île de Ceylan, Asoka avait même tenté de répandre jusque chez les rois grecs l’idéal, qu’il mettait en œuvre dans son empire, celui d’un gouvernement selon le Bon Ordre universel, le Dharma.
9Au siècle des Maurya, époque de grandeur et de haute culture unifiée, avait succédé une période troublée. Les Grecs de Bactriane, au IIè siècle av. J.C. avaient envahi l’Inde et poussé un instant jusqu’à la capitale même du Magadha. Ils s’étaient maintenus au Panjâb jusqu’à l’arrivée de nouveaux envahisseurs, des Iraniens cette fois, Saces et Parthes. Ceux-ci avaient rétabli à leur profit l’ancienne domination des Perses achéménides sur les contrées de l’Indus, empiétant même parfois un peu plus à l’Est. La plus grande partie de la péninsule était restée toutefois libre. Les envahisseurs étrangers n’avaient pas nui à l’essor naturel de la civilisation indienne, ils avaient créé seulement une zone de larges échanges avec elle et préparé une voie à son extension continentale.
10Vers 130 av. J.C., des nomades de la Haute-Asie, refoulés vers l’ouest par de violents remous aux confins chinois, étaient venus se heurter aux Parthes et s’établir en Bactriane. Par vagues successives, ils avaient déplacé vers l’Inde les populations qu’ils supplantaient. Ils ne devaient pas tarder à déboucher à leur suite, dès le premier tiers du Ier siècle de l’ère chrétienne, pour établir bientôt le grand Empire indo-scythe, englobant avec l’Inde de l’Ouest l’Afghanistan d’aujourd’hui et une partie de l’Asie centrale. Adoptant dans l’Inde la culture propre du pays et la religion bouddhique, ils devaient assurer la diffusion de toutes deux, dans le reste de leurs États et sur les routes de la Haute-Asie qui couraient vers la Chine.
11Dans le même temps, les États indiens de l’Est et du Sud, sans être demeurés politiquement unifiés, comprenaient des royaumes très importants, notamment celui des Andhra, couvrant le Dekkan, et les royaumes dravidiens toujours florissants dans l’Extrême-Sud.
12Tel est, au moment de la formation de l’Empire Romain, l’état du monde indien. Rome n’est pas, comme on l’a cru longtemps, le seul grand centre de civilisation de l’époque. Par delà les contrées iraniennes le monde indien fait pendant à celui de la Méditerranée et la grande coulée de peuples qui recouvre l’Iran oriental et l’Inde de l’Ouest relie de proche en proche tout cet ensemble à la Chine. C’est seulement s’il avait été un foyer de civilisation fermée, resté à l’écart des grands courants mondiaux, que l’Empire Romain aurait pu demeurer sans communications importantes et sans échanges avec une civilisation aussi pleine de vitalité et de puissance expansive que celle de l’Inde.
13En fait, les communications, bien attestées par les textes grecs et latins, sont confirmées par les textes indiens et par les découvertes archéologiques récentes. Quant aux échanges, ils se décèlent mieux au fur et à mesure que progresse l’étude de l’Inde, dont il fallait d’abord mieux connaître la pensée pour la retrouver éventuellement dans ses répliques occidentales.
Les Voies de Communications
14On a eu longtemps l’habitude de faire dater les origines d’un important commerce entre l’Inde et l’Occident de la découverte de la mousson par Hippale peu avant le milieu du Ier siècle de notre ère. Un passage célèbre de Pline (Hist. nat., VI, 26 ; 5-11)4 donne, en effet, un historique précieux des découvertes des routes maritimes de l’Inde. Après avoir rappelé l’itinéraire de la flotte d’Alexandre conduite par Néarque, il ajoute que, “par la suite (postea), il a paru qu’on pouvait atteindre Patale”, c’est-à-dire les bouches de l’Indus, “en toute certitude, à partir du cap Syagrum d’Arabie, grâce au vent favonius (d’Ouest) appelé là hippalus.” Il dit ensuite que l’âge suivant (secuta aetas) a indiqué une voie plus courte et plus sûre du même cap à un port de l’Inde, qu’on a navigué longtemps (diu) ainsi, jusqu’à ce qu’on ait trouvé des raccourcis. Il ajoute qu’il se fait un voyage tous les ans et il donne le détail de l’itinéraire depuis l’Égypte en observant qu’on en a “à présent pour la première fois une connaissance certaine” (nunc primum certa notitia patescente). Des indications du Périple de la mer Érythrée (57), on conclut habituellement que le vent hippalus de Pline, c’est-à-dire la mousson du sud-ouest soufflant de juin à octobre, portait ce nom pour avoir été découvert par un certain Hippale en des temps récents.5
15A vrai dire, à s’en rapporter aux indications de Pline, on devrait faire remonter assez haut la découverte attribuée à Hippale, si elle s’est faite sur une route d’Arabie en Inde remplacée successivement à assez longs intervalles par deux autres plus avantageuses. Mais, quoi qu’il en soit d’Hippale lui-même, il résulte du témoignage de Pline que, si des détails précis sur la route de l’Inde suivie de son temps (il est mort en 79) étaient alors d’acquisition récente en Italie, cette route elle-même et d’autres routes avant elle étaient régulièrement parcourues depuis longtemps.
16Strabon nous offre à la fois sur ce point une confirmation décisive et des précisions capitales. Son témoignage6 nous reporte à la fin du Ier siècle av. J.C. et il est direct. C’est au temps où son ami Aelius Gallus était préfet de l’Égypte (24 av. J.C.), qu’ayant remonté le cours du Nil jusqu’à Syène et aux frontières d’Éthiopie, c’est-à-dire sur la route commerciale d’Alexandrie vers la mer Rouge, il apprit que 120 vaisseaux partaient annuellement du port de Myoshormos pour l’Inde. Il spécifie que ce sont les marchands d’Alexandrie qui ont commencé depuis peu à envoyer de pareilles flottes, alors qu’au temps des Ptolémées, il n’y en avait qu’un petit nombre qui osassent entreprendre la traversée.
17C’est donc dès la création ou même un peu avant la création de l’Empire romain que le commerce maritime d’Égypte en Inde a pris la grande extension qui n’a fait que continuer au temps de Pline. C’est à cette époque que remonte, selon toute probabilité, la recherche dont Pline a résumé les étapes, de routes toujours plus courtes, plus directes ou plus sûres.
18On doit donc faire remonter le trafic d’Égypte en Inde bien plus haut que le milieu du Ier siècle ap. J.C., jusqu’au siècle précédent. On doit même se demander s’il n’est pas plus ancien encore.
19Tout d’abord, Strabon, en attestant qu’au temps des Ptolémées le voyage des marchands alexandrins dans l’Inde était rare, prouve qu’il avait lieu. De plus et surtout, les indications de Strabon et Pline datent les origines de la connaissance qu’ont eue les Méditerranéens des routes maritimes de l’Inde, mais n’impliquent pas que ces routes n’étaient auparavant connues de personne.
20Les riverains de l’océan Indien n’ont, bien entendu, pas eu à attendre l’intervention directe des marchands alexandrins pour connaître et utiliser les moussons, qui permettent comme l’explique Pline, de traverser chaque année à dates fixes leurs mers dans les deux sens. D’autre part, non seulement Scylax, envoyé par Darius en 519 explorer le bas Indus, était rentré par l’Égypte, mais encore une bonne partie du commerce arabe, célèbre dès avant le temps d’Hérodote, suppose un trafic entre l’Inde et Ceylan, d’une part, l’Arabie et l’Afrique orientale, d’autre part. Le cinnamome et la casia sont des écorces odoriférantes que Pline décrit, qu’il considère comme provenant des mêmes régions (XII, 41-43), et dont l’une au moins doit être identifiée à la cannelle. Hérodote (III, 111) avait rapporté un conte invraisemblable sur la façon dont les Arabes se procuraient le cinnamome. Pline (XII, 42) a relevé que des contes de ce genre étaient faits pour augmenter le prix des marchandises et qu’en réalité, le cinnamome et la casia venaient dans une Éthiopie où des relations matrimoniales avec les Troglodytes (ou Trogodytes) étaient fréquentes, que ceux-ci transportaient les produits à travers de vastes mers jusque chez des Gébanites (peuple de l’Arabie méridionale, VI, 32, 11) entre les mains desquels tout le commerce des épices se trouvait (XII, 42, 3 et 6). L’Éthiopie en question ne peut être celle proche de l’Egypte, en dépit de ce qui est dit des relations matrimoniales avec les Troglodytes d’ordinaire localisés sur la côte occidentale de la mer Rouge, autrement il n’y aurait pas eu de vastes mers à traverser. Or, la cannelle est essentiellement un produit de Ceylan, de l’Inde orientale et du Sud-Est asiatique dont beaucoup d’habitants, par leur teint foncé, sont des Éthiopiens au sens large d’hommes au visage brûlé. C’est là, qu’il faut chercher la Cinnamomophore, le pays qui donne la cannelle, bien plutôt qu’à Madagascar ou en Afrique méridionale, où la cannelle existe, mais est plus rare. Cette opinion n’est d’ailleurs pas nouvelle. Strabon rapporte que, selon quelques auteurs, les Arabes recevaient de l’Inde la plus grande partie de la casia qu’ils exportaient (XVI, 4, 25). La Cinnamomophore est bien constamment distinguée de Taprobane ou Ceylan, mais elle n’a jamais été connue géographiquement d’une manière exacte, elle représente sans doute tout l’ensemble des pays d’Extrême-Orient producteurs de cannelle et spécialement Ceylan, non seulement parce que Ceylan est le principal de ces pays, mais encore parce que bien des caractéristiques attribuées aux deux contrées par les géographes sont les mêmes. La Cinnamomophore et Ceylan sont pour Strabon à la même latitude (II, 1, 14) et, tandis que la Cinnamomophore est la dernière terre habitée au sud (II, 1, 12), Pline relève que Taprobane a été longtemps considérée comme un autre monde appelé celui des Antichthones (VI, 24, 1), c’est-à-dire un continent contre-balançant le monde connu. Il est donc probable que Taprobane ne fait qu’un avec la Cinnamomophore, quoique les renseignements anciens relatifs à elles n’aient pas été reliés. Le trait même des mariages entre les Troglodytes et les Éthiopiens du pays de production du cinnamome peut s’expliquer si ces Ethiopiens sont des Indiens ou des Singhalais. Il est fréquent de nos jours que les Indiens, qui commercent régulièrement, à la faveur de la mousson, avec l’Arabie du Sud et les régions circonvoisines et y passent plusieurs mois chaque année, prennent femme dans ces pays. Cet usage peut remonter à l’antiquité. Mais, en ce cas, les mariages en question auraient plutôt été ceux des Troglodytes en Inde ou à Ceylan, ou même en Indochine, que ceux des Indiens dans les parages arabes, car, selon Pline, c’étaient les Troglogytes qui transportaient le cinnamome à travers les mers. Nous verrons, de plus, qu’un détail encore donné par Pline, et selon lequel les marchands de cinnamome rapportaient comme fret de retour des verreries et des bijoux, semble bien corroboré par les découvertes archéologiques dans l’Inde du Sud et la Cochinchine.
21Il y a donc tout lieu de croire que le trafic entre l’Inde et l’Égypte entrepris par les marchands d’Alexandrie au moment des débuts de l’empire Romain continuait et concurrençait ou supplantait un trafic depuis longtemps établi, mais réservé aux marins des parages d’Arabie. Ce sont eux, sans doute, qui ont guidé les premiers Méditerranéens aventurés dans ces mers, tout comme plus tard un pilote arabe a guidé Vasco de Gama. Il n’est pas même exclu que les Indiens et les Singhalais aient participé aux grandes navigations d’Inde en Occident. Les textes bouddhiques, comme l’a mis en relief Sylvain Lévi,7 font de très fréquentes allusions au grand commerce maritime indien, et Pline a recueilli des renseignements sur les marins indiens. Il indique (VI, 24, 3) que les Singhalais naviguaient sur des bateaux à deux proues d’un tonnage de 3.000 amphores, c’est-à-dire en gros de soixante-quinze tonneaux, sans observer les astres (le pôle septentrional n’étant d’ailleurs pas visible) et en emportant des oiseaux qu’ils lâchaient pour en suivre le vol vers la terre. Il ajoutait qu’ils se mettaient en mer seulement pendant quatre mois de l’année, s’en abstenant pendant cent jours après le solstice d’été. Ces renseignements sont confirmables pour la plupart. Les bateaux à deux proues sont encore d’usage courant dans l’Inde du Sud, quoique avec un tonnage bien plus réduit. Il est exact que le pôle septentrional est fort bas sur l’horizon. Il est sûrement exagéré de dire que les astres n’étaient pas observés, car nous savons par toutes les littératures indiennes anciennes quelle importance on y attachait. Par contre, il est encore exact que les marins singhalais se servaient d’oiseaux “découvreurs de rivages” (tîradassî sakunâ) pour reconnaître s’ils étaient proches d’une terre et dans quelle direction elle se trouvait. Quand ils en étaient éloignés, les oiseaux revenaient au navire. Nous le savons par une allusion d’un texte du canon bouddhique pali de Ceylan, le Kevaddhasutta (Dîghanikâya, 11). L’arrêt de la navigation pendant cent jours à partir du solstice d’été correspond à la saison des pluies aux orages violents.
22Les données de Pline sont valables pour la période qui a précédé le règne de Claude (41 à 54), car Pline les classe parmi celles qu’on possédait avant l’ambassade singhalaise venue à Rome au temps de Claude, à la suite d’un voyage accidentel à Ceylan fait par un affranchi du fermier des revenus commerciaux de la mer Rouge. L’indication concordante du canon pali est valable sensiblement pour la même époque. Mais nous savons par les chroniques singhalaises (Dīpavaṃsa, Mahāvamsa) que, dès les derniers siècles avant l’ère chrétienne, les Tamouls de la côte de Coromandel ont fréquemment débarqué à Ceylan des armées capables de conquérir une grande partie de l’île, ce qui suppose l’armement de flottes déjà considérables, comme ils en ont possédé plus tard sur les routes maritimes de l’Indochine et de l’Indonésie. Il n’est donc pas impossible que les marins indiens du Sud et de Ceylan aient participé aux navigations vers l’Ouest avec les Arabes avant que les Méditerranéens ne trouvent eux-mêmes la route de leur pays.
23Quoi qu’il en soit, au temps de Pline, et probablement depuis le moment où Strabon rapporte qu’on envoyait annuellement cent vingt vaisseaux marchands dans l’Inde, le commerce maritime avec l’Égypte et le bassin méditerranéen faisait passer dans l’Inde cinquante millions de sesterces (Pline, VI, 26 ; 6) soit la moitié de la somme totale absorbée par l’Inde, la Sérique et l’Arabie (XII, 41, 2), en échange des produits de ces contrées. Ce détail prouve que l’Occident importait beaucoup plus qu’il n’exportait et il a depuis longtemps servi à expliquer les trouvailles fréquentes d’or romain dans l’Inde et les influences manifestes exercées par les monnayages romains sur ceux des souverains indiens. Cependant, des textes indiens, d’accord avec le Périple de la mer Érythrée, et d’autres renseignements de Pline8 attestent que les importations de marchandises occidentales n’étaient pas absentes des échanges. Ces textes indiens ont été étudiés par M. Meile9 et ils montrent que, non seulement à une époque qui se rapporte au début de l’ère chrétienne, des denrées méditerranéennes, comme le vin, étaient célèbres au pays tamoul, mais encore que les vaisseaux des Grecs étaient bien connus comme fréquentant des ports du Malabar, tel que Muciri (en grec Muziris, moderne Cranganore), et que même les mercenaires yavana, “méditerranéens”, étaient réputés dans l’Inde du Sud.
24L’itinéraire indiqué par Strabon fait passer la grande voie commerciale par le Nil et la Mer Rouge avec embarquement à Myoshormos et relais à Coptos (II, 5, 12, et XVI, 4, 24). Celui que décrit Pline est plus détaillé et un peu différent et indique une escale en Arabie. La route passe d’Alexandrie à Juliopolis, de là, par le Nil, à Coptos en douze jours, de Coptos au port de Bérénice sur la mer Rouge en douze jours également, de Bérénice à Océlis d’Arabie en trente jours, enfin d’Océlis à Muziris en quarante jours. Il fallait donc au total un peu plus de trois mois pour aller d’Alexandrie au Malabar et, l’embarquement à Bérénice se faisant au moment de la canicule, le retour avait lieu avant les ides de janvier. Le séjour dans l’Inde ne pouvait donc excéder un ou deux mois. La brièveté de cette relâche suppose que les marchandises indiennes destinées à être chargées sur la flotte étaient réunies à l’avance dans ce que le Périple appelle les ports “désignés” à cet effet par les autorités du pays.
25Jouveau-Dubreuil,10 s’appuyant en partie sur E. H. Warmington, a supposé que de véritables loges ou factoreries romaines étaient installées dans les ports en question avec des fonctionnaires officiels romains y demeurant d’une façon permanente et recevant des ordres d’Occident. Il a fait valoir que ce qu’il appelle une “loge romaine” est mentionné dans le poème tamoul du Silappadigâram, à Kaviripatnam, sur la côte de Coromandel, sous le nom de yavanarirukkai. Il a observé aussi que, comme l’a pensé Sewell, des monnaies romaines de cuivre à valeur très faible, trouvées sur la côte de Coromandel, ont dû être frappées dans l’Inde, et non apportées, comme l’ont sûrement été les monnaies de métal précieux, et ceci supposerait des établissements romains analogues à ceux des Compagnies des Indes des temps modernes.
26Il apparaît, toutefois, que Jouveau-Dubreuil est allé trop loin. Il a interprété plusieurs passages de Ptolémée tout à fait abusivement. Lorsque Ptolémée écrit, par exemple (VII, 1, 86) ; “Pounnata où se trouve le béryl”, il entend : “P., factorie où nous exploitons des mines de béryl.” Or, la présence de marchands, et surtout de fonctionnaies officiels de l’Empire Romain à demeure dans les ports, n’était pas indispensable à l’achat des marchandises et à la constitution des stocks destinés à l’exportation. Les marchands indiens avaient assez d’intérêt à recevoir l’or romain en échange de leurs produits pour qu’ils aient d’eux-mêmes été attentifs à préparer le chargement des vaisseaux des Yavana. Il était normal, si des commerçants étrangers étaient, soit en permanence, soit périodiquement, établis dans des ports indiens, qu’il leur soit assigné un quartier de résidence particulier. La séparation, dans la vie sociale, des castes dont ils formaient une de plus l’exigeait, sans impliquer qu’ils aient des “concessions” autonomes ou des domaines acquis comme les loges des Européens aux temps modernes. Une autre hypothèse relative à un établissement des Yavana avait déjà été faite, mais M. Meile a montré qu’elle ne s’imposait nullement.11 De plus, il n’est pas impossible que la menue monnaie romaine de cuivre ait été apportée de Rome ou d’Égypte. Beaucoup de petites transactions commerciales se sont toujours effectuées dans l’Inde à prix très bas et cette monnaie pouvait avoir une valeur suffisante pour être importée et pour remplacer souvent les cauris couramment employés et de valeur encore plus faible. Il n’est donc pas certain que les Romains battaient monnaie dans l’Inde. D’autre part, si les pièces en question y ont été frappées, elles peuvent l’avoir été par les Indiens eux-mêmes. On a de nombreux exemples en numismatique indienne de frappes exécutées sur modèles étrangers en dehors de l’intervention directe des étrangers eux-mêmes. De même, les trouvailles de trésors romains en maints endroits de l’Inde ne prouvent pas, comme le pense M. Wheeler,12 la pénétration de trafiquants occidentaux. Leurs voyages dans l’intérieur sont très probables, mais l’or qui payait les marchandises devait aller, même en dehors d’eux, aux commerçants qui envoyaient ces marchandises à la côte pour les leur livrer.
27Des renseignements que nous avons, nous ne devons donc rien inférer pour le moment touchant le statut des marchands de l’Empire Romain dans les ports indiens. Étant donné que le commerce de l’Inde avec l’Occident était établi avant qu’ils viennent en profiter sans intermédiaires, il n’y a pas lieu de supposer qu’ils aient fait beaucoup plus que venir charger leurs vaisseaux aux entrepôts préparés et augmenter l’activité de ces entrepôts sans avoir eu à les organiser ni à les administrer. Au temps où Pline nous dit qu’ils font directement le voyage de l’Inde, les marchandises étaient simplement apportées pour eux sur les marchés où ils fréquentaient, témoin l’indication de Pline qu’on leur apportait le poivre au port de Barace sur des chaloupes “monoxyles”, qui n’étaient assurément pas des bâtiments romains (VI, 26,10) ; nous n’avons pas le droit d’affirmer qu’ils intervenaient dans ce trafic autrement que comme clients.
28L’étude des voies terrestres et fluviales du commerce indien montre, d’un autre côté, que l’activité de ce commerce dépendait de la production indienne bien plus que de l’esprit d’entreprise des marchands occidentaux car nous savons que les productions de l’Inde parvenaient, par ces voies terrestres et fluviales, dans le bassin de la Méditerranée sans que les marchands occidentaux allassent les quérir sur place. Tout d’abord, il est connu que beaucoup de ces marchandises étaient acheminées par caravanes en passant par Pétra et la Nabatène ou par Palmyre bien avant l’intervention des Romains. Pour atteindre ces grands entrepôts, elles disposaient depuis l’Inde de plusieurs voies. Elles étaient amenées d’abord par mer à Leucecômé, sur la mer Rouge, d’où elles étaient transportées à Pétra, puis à Rhinocolure, sur la Méditerranée. Cette voie, au moment de l’expédition d’Aelius Gallus en Arabie (22 av. J.C.) subissait la concurrence heureuse de la voie maritime aboutissant à Myoshormos (Strabon, XVI, 4, 24). Une autre voie traversait l’Arabie du golfe Persique à la Nabatène. Vers Palmyre convergeaient des routes traversant la Mésopotamie et l’Arabie. Déjà, du temps des Achéménides, les marchandises indiennes passaient par les routes de terre à travers les pays iraniens et mésopotamiens pour parvenir chez les Grecs. Dans un traité hippocratique, qui peut être, il est vrai, un peu postérieur à la chute des Achéménides, le poivre est mentionné sous le nom de peperi, donné pour perse (Des maladies des femmes, 205) et qui est en réalité indien(pippali), preuve que le produit arrivait aux Grecs par l’intermédiaire des Perses.
29D’autre part, nos sources ordinaires, Strabon et Pline, indiquent une voie du Nord par laquelle les marchandises indiennes venaient aisément en Occident avant l’établissement du commerce impérial. Strabon (II, 1, 15) indique que l’Oxus, séparant la Bactriane de la Sogdiane, passe pour de navigation si facile que les marchandises de l’Inde parviennent aisément par lui jusqu’aux régions de la Caspienne, d’où elles sont portées par les fleuves jusqu’au Pont-Euxin. Pline précise, d’après M. Varron, qu’il a été reconnu sous Pompée pendant la guerre de Mithridate, donc en 66 av. J.C., que les marchandises de l’Inde, mettaient sept jours à passer à travers la Bactriane aux rives d’un affluent de l’Oxus, qu’elles pouvaient, parvenues dans la Caspienne, être remontées dans le Cyrus, puis transportées par terre, en cinq jours, jusqu’au Phase, qui se jette dans le Pont-Euxin (VI, 19, 2). Il est évident qu’à pareille époque ce trafic ne pouvait être organisé par les commerçants romains, d’autant plus que Strabon, répétant au livre XI ses renseignements du livre II, nous indique qu’ils remontent à Aristobule et Patrocle, donc à l’époque d’Alexandre (XI, 7, 3)13
30Mais il est certain que toutes ces routes sont restées fréquentées au temps de l’Empire Romain et qu’elles ont contribué à multiplier les échanges avec l’Inde.
31Nous connaissons bien à présent, par une monumentale publication de A. Foucher,14 la route de Bactriane en Inde. Nous savons qu’elle drainait non pas seulement des marchandises du Nord-ouest de l’Inde, mais de tout le pays, la Bactriane étant reliée par des routes usuelles avec des ports de l’Ouest, au sud des bouches de l’Indus, en sorte que, par ces routes, la voie terrestre et fluviale passant par la Bactriane se raccordait à la voie maritime aboutissant aux mêmes ports.15 De la sorte, lorsque la route terrestre transiranienne était coupée, comme elle le fut souvent dans les luttes entre l’Empire Romain et les Parthes ou les Sassanides, on pouvait gagner la Bactriane par l’océan Indien, le Sindh et le Panjâb. Lorsque, sous Antonin le Pieux (138-161), des ambassadeurs hyrcaniens, venus des bords de la Caspienne, voulurent retourner chez eux, ils demandèrent, pour éviter le territoire parthe, à s’embarquer en mer Rouge.16
32Toutes nos données certaines sur les voies reliant l’Inde et l’Empire Romain nous les montrent donc établies dès avant cet Empire et courant aussi bien par terre que par mer, par le nord, par le centre et par le sud du Moyen-Orient.
Les Trouvailles Archéologiques
33L’art gréco-bouddhique du Gandhâra témoigne tout entier de l’apport considérable du monde gréco-romain dans l’Inde du Nord-Ouest. Comme l’a établi A. Foucher dans son ouvrage classique17 et dans sa Vieille route de l’Inde,18 cet art est né au sud de l’Hindoukouch, dans la région de Peshavar, sous les derniers rois indo-grecs, avant de se continuer et de s’épanouir longuement sous les Indo-Scythes, après l’ère chrétienne. Certains auteurs veulent cependant minimiser le rôle de l’héritage indo-grec dans Part gréco-bouddhique et en faire essentiellement le produit des influences romaines sous les Indo-Scythes.19 Dans cette dernière hypothèse, l’influence des apports d’objets d’art et des venues d’artistes de l’Empire Romain par les voies du commerce aurait été assez grande pour créer à elle seule, au Ier et au IIe siècles, un art profondément hellénique dans l’Inde sous le patronage d’envahisseurs iraniens d’Asie centrale. Il y a là sans doute quelque exagération. Au Ier et au IIè siècles, la route principale des échanges était celle du Sud qui aboutissait aux ports de l’Inde de l’Ouest sur lesquels dominaient les Indo-Scythes ou leurs satrapes. L’influence artistique gréco-romaine passant par là aurait dû se faire sentir dans tout le pays qu’elle devait traverser avant d’arriver au Gandhâra. On comprend aisément, au contraire, qu’elle ait fructifié surtout au Gandhâra si, là, s’était déjà formé, par la domination des Indo-Grecs, un art d’inspiration hellénique qu’elle pouvait revivifier. Il est vrai que sur la route de terre, à Palmyre, se retrouvent des traits caractéristiques de Part gréco-romain et gréco-bouddhique qui illustrent bien le fait que Palmyre était une des étapes sur une des routes des échanges entre le Gandhâra et l’Empire Romain.20 Il n’en reste pas moins que la floraison de Part gréco-bouddhique au Gandhâra et non ailleurs ne s’explique bien que par l’existence là d’un foyer hellénique préétabli qui, là seulement lui avait préparé un terrain propice.
34Quoi qu’il en soit, les communications avec l’Inde ont répandu Part gréco-romain dans ce pays, au point que les Chinois ont noté, dans les Annales des Han postérieurs, que l’Inde était en communication avec le Ta-t’sin (ou Empire Romain) et qu’on y trouvait des objets précieux de ce Ta-t’sin,21 Elles ont aussi fait connaître en Italie des produits de l’art indien. Un ivoire trouvé à Pompéi22 a été reconnu par A. Foucher comme analogue à certains de ceux que les fouilles de Hackin ont mis en jour au Bégrâm (c’est-à-dire à la ville ruinée) de Kāpiśi, au sud de l’Hindoukouch, en même temps que des objets de provenance syrienne.23 Puisqu’il a été trouvé à Pompéi, l’ivoire, un manche de miroir, a été apporté en Italie avant 79, date de l’ensevelissement de la ville. Mais, tandis qu’on trouvait en Italie cette preuve d’apport indien au Ier siècle, des fouilles dans l’Inde du Sud montraient que, là comme au Gandhâra, les objets italiens parvenaient aisément à la même époque.
35Un peu au sud de Pondichéry, la rivière d’Ariancoupam se jette à la mer au nord du village côtier de Vîrapatnam ou Vîrampatnam24 (VîrapaṭṭaNam) après avoir laissé sur sa rive droite, sud-est, les bourgs d’Ariancoupam et de Kakayentope. Entre Kakayentope et l’embouchure, la rivière, perdant sa direction générale de l’ouest à l’est, s’infléchit vers le nord-nord-est avant de repartir vers l’est et l’océan. Elle laisse ainsi entre elle et la côte une langue de terre d’un kilomètre de large et de 1.200 mètres de long qui est l’arrière-pays de Vîrapatnam. La rive infléchie est plate, couverte de cocotiers et de manguiers, mais surélevée, escarpée et rongée par la rivière. Dans l’escarpement miné par les eaux se découvrent aujourd’hui par places, comme en une coupe archéologique, les ruines fort étendues d’une ancienne cité. Ces ruines ont été signalées et sommairement étudiées au XVIIIè siècle par l’astronome Le Gentil, qui séjourna longuement à Pondichéry entre 1761 et 1769 et en a profité pour faire nombre d’observations importantes sur le pays.25 Le Gentil a seulement recueilli des habitants du voisinage l’indication que les ruines auraient été celles d’un fort d’un Radja nommé “Vira-Raguen” (VīrarācaN) et ces habitants nommaient la ville “Vîrapatnam”. Ce nom est donc celui-là même qu’a conservé le village côtier du voisinage. Il signifie “ville des Héros” ou “du Héros”, et l’on serait tenté de penser que la cité ensevelie a légué ce nom prestigieux au modeste établissement moderne qui le porte encore, d’autant plus que paṭṭaNam désigne normalement non pas un village, mais une grande cité. Le Gentil avait remarqué aussi que, dans la plaine de Vîrapatnam, se trouvait une grande statue de granit à moitié enfouie, qui ne représentait aucune des divinités alors honorées dans le pays, mais ressemblait à l’image du “Sommonacodum” des Siamois et était appelée “Baouth”. Cette statue, aujourd’hui dégagée, est toujours en place à quelque distance de la rivière, en amont des ruines. C’est une statue bouddhique, comme l’indiquait le nom de Baouth (bauttaN, “bouddhique”) et comme l’avait bien vu Le Gentil, puisque Sommonacodum (Samana Gotama) est précisément le Bouddha. Délaissée au XVIIIè siècle, elle a reçu un culte régulier au XIXè siècle et elle est encore constamment honorée aujourd’hui. Il y a cent ans, on célèbrait chaque année déjà la fête spéciale de Vîrapatnam, et tous les vendredis on apportait des offrandes en l’honneur de “Baouth”.26 L’épithète de Vira “héros” est parfois donnée au Bouddha, et l’on pourrait supposer que, dans le nom de Vîrapatnam, elle désigne le Buddha, ce qui ne serait pas inconciliable avec la notion que VîrarâcaN était un roi, car le Bouddha était de lignée royale. La présence de cette statue et le nom de la ville et de la plaine riveraine où se trouvent les ruines et la statue pourraient donc être liés. Mais la statue est de plus de mille ans moins ancienne que les ruines, qui, comme nous allons le voir, remontent au Ier siècle de l’ère chrétienne, et la présence de cette statue est sans rapport avec ces ruines. Une tradition locale, actuellement vivante, fournit encore une autre possibilité pour l’identification du “héros” de Vîrapatnam. Comme a bien voulu me l’indiquer M. S. Kichenassamy, on raconte encore dans la région l’histoire d’un prince venu s’y établir et qu’on appelle MaduraivîraN, le “Héros” de Madurai. Il existe en effet une histoire populaire publiée de ce héros (Maduraivirarkadai) lequel est un prince de la dynastie des Pâṇḍiyar sans rapport avec le Buddha ou le Jina mais dès le Ier siècle avant l’ère chrétienne en relation avec Rome, un “Pandion” ayant envoyé une ambassade à Auguste (Strabon, XV, 1, 4 et 73). C’est manifestement à lui que pensaient les informateurs de Le Gentil quand ils parlaient de “Vira-Raguen”. Mais MaduraivîraN est un prince du Moyen-Age. Si le nom de Vîrapatnam faisait allusion à lui, ce nom ne nous apparaîtrait pas plus ancien que s’il se référait au Bouddha, désigné comme Vîra “héros”. En définitive, l’hypothèse la plus satisfaisante serait actuellement celle que Vîrapatnam est bien dénommée par référence au Bouddha du culte local duquel la présence de la statue fait foi. En effet, d’autres indices concordants existent dans les dénominations des localités voisines. Ariancoupam, c’est-à-dire AriyaNkuppam, “village de l’Ariya”, qui est à l’intérieur des terres mais tout proche, peut se référer à la désignation du Bouddha comme Ariya (skr. arya), bien que AriyaN soit communément une dénomination de la divinité AiyaNar. Le nom d’Arikamedou pourrait, comme nous le verrons dans un instant, se rapporter au Bouddha en tant qu’arhant et il s’applique au site des fouilles, dans la mesure où il est authentique.
36Rien en tout cas n’indique que le nom de Vîrapatnam puisse remonter à l’ancienne cité enfouie.
37C’est à partir de 1937 que l’ancienneté et l’importance du site ont été reconnues par le regretté Jouveau-Dubreuil et le R. Fr. Faucheux, à la suite de la trouvaille de débris de pierres et de verres sur la rive, au-dessus des ruines. Plusieurs fouilles ont, depuis lors, successivement été faites par le R. Fr. Faucheux, M. Surleau et Μ. P. Z. Pattabiramin, puis par M. Mortimer-Wheeler pour le compte de l’Archaelogical Survey of India, enfin par MM. Marchai et Casal, envoyés de Paris en mission à cet effet.
38Les résultats des premières fouilles ont été publiés successivement par le R. Fr. Faucheux27, M. R. E. Mortimer-Wheeler28 et M. P. Z. Pattabiramin,29 la publication de M. Wheeler comprenant, outre les résultats propres de la mission de l’Archaelogical Survey, une partie de ceux des fouilles françaises. Ceux des dernières fouilles ont été publiés par M. J. M. Casal en collaboration avec Mme G. Casal,30 reprenant la question dans son ensemble.
39Le nom donné au site dans ces diverses publications doit nous arrêter un instant. Jouveau-Dubreuil l’avait appelé Kakayentope,31 du nom du du village le plus proche. Le Fr. Faucheux a gardé la désignation de Virapatnam, recueillie par Le Gentil et il a contesté l’authenticité de celle d’Arikamedu, qui ne figure pas au cadastre, qui était, selon lui, ignorée de tous, y compris le propriétaire du terrain, et résulterait d’un malentendu d’interprète. En fait, la forme même du nom Arikamedu est très mal établie. Jouveau-Dubreuil écrivait Arikêmodu32, M. K. R. Srinivasan33 a proposé Arukkumêḍu “mound of ruins” ou Arukumêḍu “mound of a river bank”. Et il est possible que l’interprète, interrogeant les habitants, ait pris une expression de ce genre pour un toponyme véritable. La carte de l’Afrique est pleine de prétendus noms géographiques qui sont des réponses à côté de la question et qui signifient : “c’est une montagne” ou “je n’en sais rien”. Arikamedu, qui est une forme inintelligible en elle-même, est interprétée par M. Pattabiramin34 comme une altération d’Arugamêḍu “la colline d’ArugaN”, ArugaN (sanskrit arhant-) pouvant être le Bouddha ou le Jina. De fait, l’interprétation est phonétiquement plausible en raison de confusions fréquentes en langage parlé entre i et u (cf. tamiL tamuL) et ka et ga. Ces deux sons sont notés par la même lettre, prononcée ka à l’initiale ou quand elle est géminée, mais la règle souffre dans la pratique beaucoup d’exceptions quand on suit la prononciation réelle ou supposée des mots sanskrits empruntés. En tout cas il paraît vain d’épiloguer sur une désignation incertaine. M. Wheeler l’a adoptée bien à tort, en disant que pour les villageois le site est connu comme étant Arikamedu et que ce nom peut servir aussi bien qu’un autre35. Il est vrai que le site s’appelle aujourd’hui “Arikamedu” pour tous les habitants, mais il n’est pas prouvé qu’il s’appelait ainsi avant les fouilles et ce nom ne peut assurément servir aussi bien que celui de Vîrapatnam, dont l’authenticité n’est pas douteuse. Non seulement, en effet, Vîrapatnam est le nom indiqué au XVIIIe siècle à Le Gentil et convient mieux à une grande ville disparue qu’au village du voisinage qui le porte aujourd’hui, mais, surtout, le nom a toujours été appliqué depuis le XVIIIe siècle à tout le site. Un séminaire des Missions Etrangères, dont les ruines existent encore à quelques pas des lieux de fouilles, construit en 1770 et qui fut illustré par le séjour de Pigneau de Béhaine, évêque d’Adran, a toujours été connu sous le nom de séminaire de Vîrapatnam (ou Virampatnam).36 La statue du Bouddha dressée à quelques centaines de mètres en amont était considérée au siècle dernier comme divinité de Vîrapatnam,37 bien que le village actuel de Vîrampatnam soit plus loin au bord de la mer.
40Les constructions mises au jour à Vîrapatnam sont, comme l’avait déjà noté Le Gentil, en très grandes briques liées sans mortier avec une terre appelée, disait-il, “caliment”, terme en lequel il faut manifestement reconnaître le tamoul kaḷimaṇ, “terre à brique”.38 Un édifice assez grand a été découvert par M. Wheeler, qui le considère comme un entrepôt. Les puits sont nombreux, souvent groupés sur de très petits espaces. Ils avaient les parois soutenues par de vastes poteries rondes sans fond, emboîtées les unes dans les autres. Mais les trouvailles les plus importantes sont celles de menus objets et fragments de poteries. Les menus objets les plus nombreux sont des perles de verre ou de pierres semi-précieuses (cornaline, agate, jaspe, grenat, quartz, fausse améthyste, fausse topaze). Un chaton de bague en cornaline, a été recueilli en mai 1939 par M. Goloubew, venu en mission de l’École française d’Extrême-Orient. Il a été décrit comme portant l’effigie d’Auguste et il est en tout cas effectivement romain. Plusieurs des principaux spécimens de perles de verre ont été donnés par Jouveau-Dubreuil au musée de Madras.39 Les trouvailles de meules, pierres à broyer et polissoirs de granit et celles de pierres brutes, de nuclei et de pierres à peine clivées, à côté de pièces achevées, prouvent que le travail des lapidaires avait lieu sur place.40 Quelques figurines de terre cuite et quelques objets de stéatite ont été recueillis.
41Les fragments de poteries surtout sont précieux. Des débris d’amphores avaient été parmi les premières trouvailles qui avaient révélé la présence d’objets méditerranéens. Une série de fragments très caractéristiques ont permis à M. Wheeler d’apporter une précision remarquable à l’étude archéologique du site. Non seulement un certain nombre de fragments se sont révélés à son examen comme étant de facture italienne, mais encore plusieurs portaient des marques de potiers connus d’Arretium (Arezzo en Toscane).41 La période pendant laquelle les fabriques d’Arretium étaient en activité se trouvant bien fixée, M. Wheeler a pu préciser que l’apport dans l’Inde des pièces dont les fragments ont été retrouvés se place entre 20 et 50 de l’ère chrétienne,42 quoique de nouveaux apports romains aient continué d’avoir lieu pendant une longue période consécutive à cette époque.
42Un certain doute pourrait subsister quant à l’exactitude de cette datation, car l’exportation vers l’Inde des poteries d’Arretium ne date pas nécessairement de la période même où elles étaient fabriquées. Il n’est pas rare qu’on exporte au loin les objets dont l’emploi a cessé d’être de mode dans la métropole. Les poteries arretines pourraient n’être parvenues dans l’Inde qu’un temps indéterminé après être sorties des ateliers toscans. Mais nous verrons qu’une donnée épigraphique paraît bien corroborer la datation de M. Wheeler.
43Un certain nombre d’inscriptions ont été trouvées, surtout dans les fouilles françaises (vingt et une énumérées dans le tableau de M. Pattabiramin, face pages 32 et 33). Elles sont toutes en l’écriture usuellement appelée brâhmî, c’est-à-dire “de Brahman”, parce qu’elle est la plus ancienne écriture indienne connue, Brahman étant censé avoir enseigné aux hommes l’écriture primordiale.43 C’est une écriture employée dans la plupart des édits d’Asoka (c. 250 av. J.C.), à travers l’Inde entière, sauf dans le Nord-Ouest, où elle est remplacée par une écriture araméenne adaptée à la phonétique indienne et dite kharoṣṭhî ou kharoṣṭrî.44
44Les inscriptions sont pour la plupart dans la langue du pays, en tamoul, mais un certain nombre sont en indo-aryen, au stade linguistique moyen-indien, celui auquel était déjà arrivée la langue courante dans l’Inde centrale au temps d’Asoka. Celles qui sont en moyen-indien sont les témoins d’une influence venue du Nord et l’emploi dans toutes de l’écriture asokéenne témoigne dans le même sens. Mais, dans les inscriptions tamoules, l’écriture asokéenne est adaptée à la phonétique spéciale de la langue ; plusieurs lettres sont créées qui répondent à des sons existants en tamoul, mais non en indo-aryen. Le syllabaire tamoul ainsi formé est déjà, quant au nombre des caractères, sensiblement le même que celui d’aujourd’hui, mais dans ce dernier la forme des caractères s’est sensiblement modifiée. La plupart des épigraphistes qui ont examiné ces inscriptions et dont M. Wheeler et M. Pattabiramin ont reproduit les opinions ont estimé qu’elles devaient remonter en principe jusque vers le IIe siècle av. J.C., époque assez proche de celle d’Asoka, donc notablement plus haute que celle des poteries romaines trouvées au-même site. Mais les opinions en question sont essentiellement fondées sur l’Indische Palaeographie de Bühler, qui a eu le tort de ne tenir presque aucun compte de l’épigraphie de Ceylan. Or, nous avons à Ceylan des inscriptions émanant de rois dont l’époque est fixée d’une manière assez approchée par les chroniques, et ces inscriptions nous montrent une conservation prolongée des caractères d’Asoka dans cette île. Rien n’empêche donc, en principe, d’admettre que les caractères anciens se soient conservés longtemps dans le pays tamoul comme à Ceylan. De plus, nous pouvons à la fois préciser les dates de certaines inscriptions singhalaises en caractères d’Asoka et découvrir dans une des inscriptions de Vîrapatnam un élément de datation qui supprime tout désaccord entre la donnée archéologique et l’épigraphie du site.
45Dans deux des plus anciennes inscriptions de Ceylan, celles du roi Gamiṇi Abaya, à Tonigala, on trouve des caractères qui ont paru longtemps énigmatiques, mais qui sont des chiffres exprimant les nombres 200, 10 et 3 et représentant au total 213. La lecture de ces chiffres est rendue certaine par la comparaison de leurs formes avec celles des mêmes chiffres dans les inscriptions de la péninsule et dans l’épigraphie sanskrite d’Indochine45. Le nombre 213 correspond, selon toute apparence, à une date comptée depuis l’introduction, sur l’initiative d’Asoka, du bouddhisme à Ceylan. Nous savons précisément qu’on datait ainsi au moins certains événements au temps du roi Vaṭṭagâmaṇi Abhaya des chroniques, qui est le même que le roi des inscriptions de Tonigala. Interprété de la sorte, 213 correspond à 29 av. J.C.. A une date aussi proche de l’ère chrétienne, l’écriture asokéenne était donc encore usitée à Ceylan.
46Or, une des inscriptions de Vîrapatnam46, malheureusement mutilée, présente à sa fin trois signes, qu’on a voulu lire comme des lettres, mais qui sont, en réalité, des chiffres. L’un, 200, est fort voisin de la forme présentée à Tonigala. Les autres sont 70 et 5. Le nombre exprimé est 275. Les mots conservés avant ce nombre ne l’expliquent pas. Il est vraisemblable de penser qu’il s’agit d’une date, sans qu’il soit possible de l’affirmer absolument. En ce cas, il est naturel de supposer que cette date peut correspondre à la même ère usitée à Ceylan dans les inscriptions similaires et où précisément la date est exprimée par un nombre du même ordre de grandeur. Il est d’autant plus indiqué de songer à cette ère que l’influence de la culture indo-aryenne d’Asoka s’est exercée en même temps sur Ceylan et sur les royaumes tamouls, comme nous l’indique le deuxième édit d’Asoka sur roc. En tamoul, mais mêlée à des inscriptions en moyen-indien importé du nord de l’Inde, notre inscription en caractères asokéens peut utiliser une datation partant de l’introduction de la culture asokéenne dans le pays tamoul. Cette introduction date le plus vraisemblablement de 251 av. J.C., l’inscription de Vîrapatnam de 275 doit alors être de 24 ap. J.C..47
47Elle tombe donc dans la période calculée par M. Wheeler comme étant celle de l’apport des poteries d’Arretium. Elle confirme la datation de M. Wheeler et montre qu’il n’existe aucun désaccord entre l’épigraphie et l’archéologie du site de Vîrapatnam.
48Dès la première moitié du Ier siècle de notre ère, les produits romains parvenaient sur la côte de Coromandel. Mais il faut ajouter que le site a été actif durant plusieurs siècles encore ensuite, car on y a trouvé quelques cachets inscrits beaucoup plus récents.
49Il était habité aussi antérieurement à la période de relations avec l’Empire romain ; car les fouilles de M. et Mme Casai non seulement ont confirmé les résultats des fouilles précédentes mais encore ont poussé jusqu’au sol vierge, mettant en évidence la présence d’une culture mégalithique préétablie caractérisée par l’absence totale de constructions en dur et par une céramique apparentée à celle de Brahmagiri et Adichanallur48.
50Jouveau-Dubreuil, qui, comme nous l’avons vu, considérait la situation archéologique de Vîrapatnam comme un établissement romain administré par les Romains eux-mêmes, a proposé aussi d’identifier cette station avec la Podoukè du Périple de la mer Erythrée et de Ptolémée49, et même Podoukè avec Pondichéry. Pondichéry est, en effet, une déformation de Puduceri, “Nouveau village”, et, de fait, la fondation de Pondichéry est assez moderne. Mais cette fondation aurait pu reprendre un ancien nom donné dans l’antiquité à une fondation de nature similaire qu’on aurait nommée de même Pudu, “La Nouvelle” (kè étant un suffixe grec). De la sorte le Pondichéry d’aujourd’hui aurait été précédé d’une Podoukè, située presque au même endroit, dans son rôle d’établissement européen pour le commerce de l’Inde avec l’Occident.
51L’identification de la station de Vîrapatnam avec Podoukè est fort séduisante. Les parages où les anciens ont localisé Podoukè sont bien ceux où se trouve Vîrapatnam et les fouilles archéologiques ont fait découvrir là tout ce qu’on devait s’attendre à rencontrer dans les ruines de Podoukè. L’explication du nom de Podoukè comme signifiant “La Nouvelle” paraît certaine. Quant à l’analogie de ce nom avec celui de Pondichéry, nous ne pouvons savoir si elle n’est pas le fait d’une coïncidence, car rien ne nous indique que le souvenir de Podoukè ait pu être encore vivant lors de la fondation de Pondichéry.
52En revanche, l’hypothèse de Jouveau-Dubreuil, entièrement adoptée par M. Wheeler, d’après laquelle nous serions en présence d’un véritable établissement romain, est beaucoup plus contestable. Rien ne prouve, comme nous l’avons vu, que les Romains ou les Alexandrins, pas plus que leurs prédécesseurs, Arabes ou autres, aient eu besoin pour commercer avec l’Inde d’y posséder de véritables établissements.
53On trouve, il est vrai, des preuves que les objets d’importation romaine étaient imités dans l’Inde. Les perles et pièces de bijouteries en verre et en pierres semi-précieuses étaient, comme il a été dit plus haut, en partie fabriquées ou façonnées sur place. La poterie arettine a été imitée. On suppose donc facilement que les Romains avaient ouvert des succursales locales de leurs propres fabriques et dirigeaient là à leur profit une main-d’œuvre indienne. Cette hypothèse est plausible, mais il est certain qu’elle ne s’impose pas. Il faut compter, en effet, avec les aptitudes commerciales et industrieuses des peuples de l’Inde. Au nord-ouest, les compagnons d’Alexandre en avaient été tout de suite frappés. Néarque50 a noté avec quelle habileté ils ont fabriqué pour leur propre usage de fausses éponges, des étrilles et des flacons à huile pour imiter ce dont ils voyaient les soldats grecs se servir.
54Les textes bouddhiques, notamment ceux de Ceylan, qui se rapportent à des états de choses déjà largement antérieurs à l’ère chrétienne, font d’innombrables allusions au grand commerce et à l’artisanat indiens. Les peuples du pays tamoul où se trouve Vîrapatnam n’étaient, certes, aucunement en retard sous le rapport de la civilisation et de l’activité sur les autres peuples de l’Inde. Les trois grands royaumes tamouls qui dominaient l’extrême sud au temps de l’Empire Romain, ceux des Cera, des Pâṇḍya et des Cola, sont déjà mentionnés comme indépendants par Asoka. Or, dans l’ordre spirituel, ils ont créé de bonne heure une grande littérature, qui n’a jamais cédé à l’influence prestigieuse de la littérature sanskrite et, dans l’ordre matériel, ils ont possédé une puissance considérable, comme le prouve la fréquence de leurs conquêtes du royaume indo-aryen de Ceylan, dès avant l’ère chrétienne. Tout nous les montre trop prospères et trop actifs pour qu’il ne soit pas naturel de penser qu’ils avaient la maîtrise du commerce de leur pays avec l’Empire Romain et qu’ils avaient créé eux-mêmes une industrie d’imitation des objets de luxe importés du monde méditerranéen.
55Pareille industrie atteste combien ces objets étaient appréciés, mais elle devait réduire la demande des modèles importés ou en abaisser le prix et empêcher les Romains de payer les épices en marchandises. Ceci peut expliquer en partie la plainte de Pline relativement à la grande quantité d’or romain enlevée annuellement par le commerce de l’Inde, malgré l’envoi d’objets romains, surtout si l’industrie d’imitation était aux mains des Indiens.
56De toute façon, la trouvaille d’objets romains de bijouterie, particulièrement des perles et ornements de verre et de pierres, évoque le souvenir du renseignement de Pline que nous avons déjà relevé et d’après lequel des marchands portaient, en échange de la cannelle, des ornements, et, en particulier, des verreries, dans la Cinnamomophore. Et ceci milite fortement en faveur de l’identification de cette Cinnamomophore avec les contrées des mers indiennes.
57Des trouvailles de Cochinchine, plus récentes que celle de Vîrapatnam, permettent d’étendre à l’Indochine les conclusions auxquelles nous sommes conduits relativement au commerce de l’Empire Romain avec l’Inde.
58Les fouilles de l’École française d’Extrême-Orient, pratiquées en 1944 par M. Louis Malleret, à Oc-èo, dans le Transbassac cochinchinois.51 ont montré non seulement que la Basse-Cochinchine n’était pas, comme on l’avait cru longtemps, une terre sans passé et sans vestiges archéologiques importants, mais encore que le commerce de tout l’Orient y était actif. En dehors d’un cabochon sassanide et d’un fragment de bronze chinois, des pâtes de verre, des intailles et des monnaies romaines (notamment une d’Antonin le Pieux) y ont été trouvées ainsi que de nombreux bijoux indiens d’or et d’autres métaux et des sceaux indiens à inscriptions sanskrites. L’ensemble des objets recueillis appartient à une époque un peu plus récente que les principales trouvailles de Vîrapatnam et qui peut même descendre jusqu’au VIIIe siècle environ De là aussi pouvaient être emportées vers l’Occident les épices en l’échange desquelles le pays recevait et de l’or romain et des ornements. Nous avons le droit de penser que les régions indochinoises où la cannelle est toujours l’objet d’un commerce notable, régions situées plus au Nord qu’Oc-èo même où il ne s’en trouve pas, faisaient encore partie de la légendaire Cinnamomophore. S’il en est bien ainsi, l’éloignement de ce pays justifie tout spécialement l’assertion recueillie par Pline que de très vastes mers devaient être parcourues pour se rendre à la Cinnamomophore et que les marchands revenaient à peine au bout de cinq ans (XII, 42, 3). Ce dernier détail est sans doute exagéré et devait faire partie des contes destinés à augmenter le prix des marchandises, mais il donne bien à penser qu’on allait chercher les épices plus loin encore que Ceylan et l’Inde.
59A l’époque de l’activité du site d’Oc-èo, il est certain que les marchands de l’Empire Romain allaient eux-mêmes en Extrême-Orient. Ce site semble bien avoir été une étape ultérieure de la route qui passait par Ceylan ou l’Inde pour gagner les parages chinois, route qui fut celle de la fameuse “ambassade de Marc-Aurèle” en Chine.52 Mais, pas plus que dans l’Inde, il n’y a lieu de supposer que les Romains aient eu là des établissements permanents et autonomes. L’influence indienne en Cochinchine, manifestée par les sceaux inscrits et par nombre d’objets indique que le commerce romain devait son extension vers l’Indochine à l’expansion indienne déjà puissante dans l’Extrême-Orient aux premiers siècles de notre ère. C’est, selon toute apparence, à la suite des navigateurs indiens que ceux de l’Empire Romain qui fréquentaient leurs ports ont poussé si loin. Le commerce de l’Inde a été le relais et le vecteur de celui de l’Occident sur la route maritime de la Chine. Il est évident que l’apport romain n’a pu que se placer dans le grand courant de l’expansion indienne vers l’Est et les mers du Sud. Aussi a-t-il dû participer nécessairement aux caractères de cette expansion.
60Nous savons que l’expansion indienne a été profondément culturelle en même temps que commerciale, sans être jamais conquérante. Sans acquérir de possessions territoriales, sans lutter ou bien rarement, avec les peuples des pays qu’ils fréquentaient, les Indiens ont fait dans ces pays fructifier leur commerce et fleurir leurs arts et leur pensée53. Nous ne pouvons encore dire si, sur leurs traces et à leur exemple, les marchands de l’Empire Romain ont porté jusqu’en Indochine les éléments de la culture occidentale en même temps que les objets d’art méditerranéens, mais nous savons qu’ils ont introduit dans l’Inde des idées de chez eux et nous pouvons constater que le monde romain, de son côté, a eu communication exacte d’idées indiennes.
Les Échanges Culturels
61De nombreuses similitudes de détail entre les civilisations de l’antiquité classique et celles de l’Inde ont frappé les premiers observateurs européens modernes et la plupart ont supposé que ces similitudes tenaient à des emprunts faits par l’Inde. Le célèbre voyageur hollandais Schouten, découvrant aux Indes la croyance à la métempsychose, croyait les Indiens disciples de Pythagore. D’autres pensaient que beaucoup d’emprunts avaient été faits aux compagnons d’Alexandre. Quand on a mieux connu les royaumes indo-grecs et indo-scythes de l’Inde, on s’est aperçu que la plus grande partie de ces emprunts dataient de beaucoup plus tard. C’est dans les milieux eurasiens formés par l’installation dans l’Inde des Grecs de Bactriane qu’a été composé le Milindapañha, les “Questions du roi Ménandre”54.
62C’est, par la suite, au temps de l’Empire Romain et des Indo-Scythes, aux premiers siècles de l’ère chrétienne, lorsque les apports commerciaux et les relations diplomatiques avaient remplacé l’occupation grecque, que sont parvenues dans l’Inde nombre de notions grecques qu’on a de bonne heure relevées. Dans le domaine scientifique, les emprunts de l’Inde à l’astronomie et surtout à l’astrologie alexandrine sont célèbres depuis deux siècles, depuis que le P. Pons a reconnu, comme nous l’avons déjà rappelé, des termes techniques grecs dans des livres astrologiques indiens.55 On peut préciser aujourd’hui que c’est dans les premiers siècles de notre ère et jusqu’aux IVe et Ve que les emprunts en question ont pu avoir lieu, mais l’importance de ces emprunts a été exagérée, car les Indiens possédaient une astronomie propre avant les apports grecs. Le système des repères célestes (nakshatra) dont ils se servaient avant d’avoir adopté le zodiaque grec et dont ils ont toujours continué de se servir par la suite remonte à l’époque védique. Leurs spéculations sur la “grande année” sont attestées depuis l’époque brahmanique ancienne.56
63En médecine, une influence grecque est probable sur une théorie des quatre éléments du corps susceptibles de causer les maladies, théorie en honneur dans une partie de la littérature bouddhique,57 bien que les quatre éléments envisagés correspondent incomplètement aux quatre humeurs de la médecine hellénique. On a surtout invoqué des influences grecques sur la théorie classique de la médecine indienne, laquelle ne reconnaît que trois éléments organiques et éventuellement pathogènes. Mais cette théorie a des antécédents indiens anciens, antérieurs à ses parallèles grecs. Ceux-ci peuvent, au contraire, dériver d’idées indiennes importées à l’époque achéménide, par conséquent bien avant la période d’échanges que nous considérons.
64La question, fréquemment soulevée, de l’influence du théâtre grec sur le théâtre sanskrit est encore débattue, mais l’influence en question se placerait dans notre période.
65Les emprunts possibles, en sens inverse, de l’Occident à l’Inde ont plus rarement été étudiés. Ils ont surtout été envisagés pour la période des origines de la pensée grecque, bien plus rarement pour celle de l’Empire Romain, où pourtant, comme nous l’avons vu, les communications étaient variées, régulières et faciles.
66On a cependant postulé des influences indiennes sur certaines doctrines des gnostiques58 ou de Plotin,59 ou encore sur le roman grec,60 la mystique du Pseudo-Denys,61 les doctrines d’Origène,62 l’équation logos anthropos.63 D’une façon générale, lorsqu’on voit apparaître dans le monde gréco-romain des idées ou des particularités de doctrines courantes dans l’Inde, on peut soupçonner une influence indienne. Toutefois, il reste loisible de supposer qu’il s’agit d’une simple coïncidence, d’une rencontre fortuite d’idées due à ce que, sur les mêmes sujets, l’esprit humain peut partout aboutir aux mêmes réflexions. La fréquence des concordances plaide bien, en principe, en faveur d’emprunts plutôt que de coïncidences. Mais on peut dire que les coïncidences se trouvent naturellement multipliées dans des milieux livrés à des spéculations de même ordre. En l’absence de circonstances historiques connues indiquant une influence, on peut donc toujours invoquer le parallélisme sans rencontre et les coïncidences sériées. Toutefois, lorsqu’il est établi que les communications ont été actives, fréquentes et faciles entre les mondes où se manifestent les spéculations similaires, la probabilité des échanges intellectuels s’accroît considérablement. Enfin, il devient difficile de tout expliquer par d’innombrables coïncidences fortuites, s’il est prouvé que les communications n’ont pas été seulement diplomatiques et commerciales, mais qu’elles ont fait passer de part et d’autre des idées.
67Or, longtemps on a pu douter que les relations entre l’Inde et l’Empire Romain aient permis aux Occidentaux de connaître les idées de l’Inde. Ceux-mêmes qui ont supposé une influence indienne sur Plotin ont éprouvé de la difficulté à l’expliquer. Ils ont fait l’hypothèse que Plotin avait pu acquérir la connaissance des idées brahmaniques au cours de son voyage en Orient à la suite de l’expédition malheureuse de Gordien contre les Perses, comme si n’avait pu parvenir à Alexandrie, où avait auparavant séjourné Plotin, aucune connaissance suffisante des idées en question. Mais l’examen d’un sommaire qui a été donné en grec au IIIe siècle de ces mêmes idées supprime toute difficulté en ce qui concerne Plotin et lève tous les doutes au sujet de la possibilité d’une transmission dans l’Empire Romain d’influences spirituelles indiennes.
68Dans les Philosophoumena ou, mieux “Réfutation” (Elenchos) de toutes les hérésies (1, 24), Hippolyte ou quelqu’un de ses contemporains a exposé, à Rome, avant que Plotin vînt s’y établir en 245, la doctrine des brahmanes en des termes qui n’ont pas attiré tout de suite l’attention des historiens. Du fait que l’Elenchos mentionne des détails connus depuis l’époque d’Alexandre, on n’a généralement pas songé à voir dans son exposé autre chose que de vieilles notions rappelées par souci d’être complet. Mais l’étude plus précise du texte montre qu’il s’agit, au contraire, d’un document dont l’essentiel est de source récente et dont l’exactitude est remarquable.64 L’Elenchos expose surtout la doctrine de brâhmanes riverains de la Tagabena (qui n’est autre que la Tungabenâ ou Tungabhadrâ) du Dekkan,65 inconnue de tous les géographes grecs et romains antérieurs. Il a sur les idées de ces brâhmanes des notions précises dont il est aisé de contrôler l’authenticité par la comparaison des textes brahmaniques, spécialement des Upanishad, où elles se retrouvent. Loin d’être un texte banal, reproduisant comme tant d’autres quelques lieux communs anciens sur la sagesse des brâhmanes, le texte grec chrétien est un témoignage décisif de la connaissance réelle des spéculations psychologiques et métaphysiques de l’Inde dans la Rome du IIIe siècle. L’engouement que l’on a noté dans l’Empire Romain pour les sages orientaux et en particulier indiens n’est pas pur snobisme,66 il correspond à un apport historique d’informations vraies, par des voies multiples, mais bien déterminées, et que nous savons avoir été régulières.
69Il ne suffisait pas que nous connaissions ces voies pour présumer qu’un pareil apport avait eu lieu. A considérer le caractère sommaire et superficiel des renseignements possédés par les auteurs grecs, on devait juger que les routes du commerce n’avaient rien porté que de matériel de l’Inde en Méditerranée. Au reste, Strabon s’était plaint amèrement de l’ignorance des marchands qui trafiquaient dans l’Inde (XV, 1, 4), et on devait penser avec A. Foucher que, loin de pouvoir se faire les truchements de doctrines religieuses ou philosophiques, ils n’avaient pu colporter tout au plus que des contes.67 Et il n’y a pas à douter du témoignage de Strabon, car, de nos jours encore, bien peu parmi les Européens que leurs fonctions ou leur négoce font séjourner dans l’Inde acquièrent une connaissance correcte des doctrines indiennes. Mais le résumé de l’Elenchos est là pour nous révéler qu’en dépit des ignorances et des négligences habituelles les communications intellectuelles ont réellement existé. Au reste, si, seuls, des ignorants avaient circulé dans l’Inde, d’où les Indiens auraient-ils tiré les notions grecques d’astrologie et autres qu’ils ont empruntées ?
70On devra donc réviser, à la lumière de ce fait et en tenant compte désormais de la puissance expansive de la culture indienne, tout le problème des influences orientales dans l’Empire Romain.
71On devra aussi traiter avec moins de mépris certains textes relatifs à l’Inde qu’on pouvait croire a priori de pure fantaisie. Déjà, on a pu constater que tout n’était pas inventé de toutes pièces dans la Vie d’Apollonius de Tyane de Philostrate. On a pu relever des détails authentiques et reconnaître qu’à propos de la ville de Taxila, Philostrate avait donné des indications vraiment topiques là où on a été souvent enclin à ne voir que supercherie littéraire.68 Dès lors on ne doit pas rejeter comme inventions de romancier les assertions de Philostrate sur la sagesse des Ethiopiens qui serait dérivée de celle de l’Inde, les gymnosophistes éthiopiens étant eux-mêmes une ancienne colonie indienne en Afrique (VI, 11 et 16). Sur les voies du commerce qui, à l’époque d’Apollonius, au Ier siècle de notre ère, unissaient normalement le sud de l’Egypte et l’Inde, la philosophie des brahmanes pouvait déjà s’être propagée. Bien que Philostrate ait représenté les gymnosophistes d’Ethiopie comme ayant renié ceux de l’Inde, on peut se demander si son récit légendaire ne garde pas un souvenir authentique d’un des relais de la pensée indienne vers l’Occident.
72Quoi qu’il en soit, le texte de l’Elenchos sur les brahmanes nous montre cette pensée parvenue, au terme du voyage, à Rome même. Il est le pendant des textes sanskrits inspirés de l’astrologie alexandrine. Ceux-ci ont prouvé depuis longtemps le passage de la science grecque de l’Empire Romain dans l’Inde ; celui-là prouve maintenant que les relations culturelles étaient réciproques. Les trouvailles archéologiques, corroborant les textes, nous confirment qu’entre le monde romain et le monde indien les échanges commerciaux de produits de luxe et d’objets d’art ont été actifs. Elles nous en livrent les échantillons, elles nous permettent d’en préciser la nature et l’importance et de les dater. De leur côté les textes religieux et scientifiques témoignent de part et d’autre à présent, que les échanges de la pensée ont accompagné ceux du commerce. Par là, ils justifient les études comparatives et légitiment l’examen des hypothèses de relations historiques à côté de celles de coïncidences fortuites.
Notes de bas de page
1 Une première édition, ici remaniée, de ce texte a paru dans Revue Historique 1949, pp. 1-29.
2 Relations politiques et commerciales de l’Empire Romain avec l’Asie Orientale (l’Hyrcanie, l’Inde, la Bactriane et la Chine), pendant les cinq premiers siècles de l’ère chrétienne. Journal Asiatique, 1863, no. 3.
3 Cf. Alexandre et l’Inde, dans L’Information historique, Juillet-octobre 1947. p. 142.
4 Pline est cité ici d’après l’édition Littré. Paris, 1848.
5 E. H. WARMINGTON, The commerce between the Roman Empire and India, Cambridge, 1928, p. 45, précise peu après 41 ap. J.C.
6 Géogr., II, v, 12.
7 Les marchands de mer et leur rôle dans le bouddhisme primitif, Bulletin de l’Assoc. franç. des Amis de l’Orient, octobre 1929, p. 19-39.
8 Par exemple Pline (XXXII, II, 3) indique que le corail est exporté dans l’Inde en telle quantité qu’il est rare dans l’Empire Romain. Ce n’était donc pas l’absence des exportations romaines, mais l’énormité des importations indiennes qui rendait la balance romaine déficitaire au point qu’indique Pline.
9 Les Yavanas dans l’Inde tamoule, Journal Asiatique 1940, p. 85-123.
10 Dupleix ou l’Inde conquise. Pondichéry, 1941, p. 26.29, et Les ruines romaines de Pondichéry. BEFEO, 1940, t. XL, fasc 2, 1941, pp. 448.450.
11 L.c., p. 118-123.
12 L.c., p. 19. La monnaie romaine a dû être apportée surtout par des Grecs, le nom du denarius a passé, en effet, en sanskrit dans quelques œuvres bouddhiques du Nord sous la forme dînâra qui correspond à la prononciation grecque î, du êta, mais ceci répond à la grande vogue de la monnaie romaine et n’implique par une installation dans l’Inde de Grecs fonctionnaires de l’Empire Romain.
13 On voit par tout cela combien est inacceptable l’opinion de Rostovtzeff, The social and economic History of the Roman Empire. Oxford, 1926, p. 173 (adoptée par M. Ghirshman, cité ci-dessous), d’après laquelle, sans les marchands alexandrins le commerce de l’Inde n’aurait pas existé.
14 A. FOUCHER. La vieille route de l’Inde de Bactres à Taxila. Mém. Dél. Arch. fr. en Afgh, Paris, 1940-1947 (2 vol.)
15 Ibid. p. 221, 238, no 5, 327.
16 Cf. L. GHIRSHMAN, Bégram, Mém. Inst. fr. d’arch. or., t. LXXIX ; et Dél. Arch. fr. en Afgh., t, XII. Le Caire, 1946, p. 128, citant Tacite, Ann. XIV, XXV.
17 L’art gréco-bouddhique du Gandhâra, Paris, 1905-1951.
18 Vieille route..., p. 306 et suiv., 337
19 Cf. L. BACHHOFER, On Greeks and Sakas in India. J. Am. Or. Soc., 64, 4, décembre 1941, 228. R. GHIRSHMAN, Bégram, p. 83-84.
20 H. SEYRIG, Ornamenta palmyrena antiquiora, Syria, 1940, p. 289-291. et Antiquités Syriennes III, Paris 1946, pp. 78, 196 et 202 Voir, en dernier lieu, H. SEYRIG, Palmyra and the East, Journal of Roman Studies, London 1950, pp. 1-7.
21 Cf. E. CHAVANNES, T’oung Pao, 1907, p. 193. GHIRSHMAN, Bégram, p. 134-135
22 Amedei MAIURI, Statuetta eburnea d’arte indiana a Pompéi, Le Arte, décembre-janvier 1938, p. III, pl. XLII-XLV.
23 La vieille route... p. 327.
24 Cependant on écrit aussi sur place même VirampaṭṭiNam (et même fautivement VirāmpaṭṭiNam) et paṭṭiNam s’applique bien à un simple village de pêcheurs.
25 Voyage dans les mers de l’Inde...fait par ordre du Roi à l’occasion du passage de Vénus sur le disque du Soleil, Paris, 1779.
26 E. SICE, Annuaire statistique des établissements français dans l’Inde pour l’année. 1842. Pondichéry, 1842, p, 59, 65 et 128.
27 Une vieille cité indienne près de Pondichéry, Virapatnam, Pondichéry, 1945.
28 Arikamedu; an Indo-Roman trading station on the East coast of India, Ancient India no 2, july 1946
29 Les fouilles d’Arikamedou (Podouke). Pondichéry, Paris, 1946.
30 Fouilles de Virampatnam-Arikamedu. Paris, 1949.—Site urbain et Sites funéraires des environs de Pondichéry, Paris, 1956.
31 Dupleix ou l’Inde conquise, 2e éd. Marseille, 1942, p. 21.
32 Les ruines romaines de Pondichéry, Bull. Ec. fr. d’Extr-Or., 1940, fasc. 2., p. 448.
33 Cité par R.E.M. WHEELER, Ancient India, no 2, juillet 1946, p. 24, no 6
34 L., c., p. 5-6. M. PATTABIRAMIN indique qu’il est arrivé à cette conclusion d’accord avec nombre d’érudits dont il donne la liste p. VII-VIII.
35 WHEELER, p. 21. M. Wheeler a exclu le nom de Vîrapatnam jusque dans le titre de la publication du Fr. Faucheux.
36 CF. Louis MALLERET, Le séminaire de Virampatnam, résidence de d’Adran près de Pondichéry, Bull. de la Soc. des Et. indochinoises, 4e trim 1943
37 E. SICÉ. Annuaire statistique..., 1942, p. 59 et 129
38 HUILLET, Hygiène des blancs, des mixtes et des indiens à Pondichéry, Pondichéry, 1867, appelle p. 11 la terre glaise dont on construit les maisons en torchis : cali-manou.
39 Cf. PATTABIRAMIN, p. 39 et pl. XXXI
40 IBID., p. 38 et 39.
41 WHEELER, p, 39 et pl. XXIII.
42 IBID., p. 35.
43 Cf. Notice des caractères étrangers de l’Imprimerie nationale, 2e éd. Paris. 1948, p. 243 et suiv. et l’Inde classique, Manuel des études indiennes, t, II, Paris 1953, p. 667 et suiv.
44 Cf, Notices..., p. 235 et suiv.
45 J. FILLIOZAT, Les inscriptions de Vîrampatnam, C.R. Ac. Inscr., Janvier 1947, p.110 et suiv.
46 FAUCHEUX, no 5, LLL, B, trouvée le 21 Mars 1942 ; WHEELER, no 19, PATTABIRAMIN, no 5, deuxième inscription de ce numéro (pl. XXI).
47 Cf. FILLIOZAT, l.c. p. 117.
48 Cf, PATTABIRAMIN, p. 40 et suiv.
49 Fouilles de Virampatnam Arikamedou p. 20 et suiv.
50 Strabon, XV, 1, 67.
51 Cf. G. COEDES, Fouilles en Cochinchine. Le site de Go Oc Eo, ancien port du royaume de Fou-nan, Artibus Asiae, X:3. Ascona, 1947 ; p. 193 et suiv. Cahiers de l’Ec. fr. d’Extr-Or., nos. 38, p. 7 ; p. 5 ; 40, p. 12 ; suppl. G, p. 13.
52 Cf. Bull. Ec. fr. Extr-Or. XXI, p. 197. C.MADROLLE, dans Cahiers de l’Ec. fr. Extr.-Or, suppl. G, 1947, p. 13. On pense qu’il s’agit plutôt d’Héliogabale (218 222) que de Marc-Aurèle (161-180), cf. B. BRELOER et P. BOEMER, Fontes Historiae religionum indicarum. Bonn, 1939, p. 131, n. sur ligne 11 ; E.R.HAYES, l’Ecole d’Edesse, Paris, 1930, p. 77.
53 Sur le caractère essentiellement pacifique et culturel de l’expansion indienne voir G. COEDES, Histoire des Etats hindouisés d’Indochine et d’Indonésie, Paris, 1948
54 Cf. A.FOUCHER, A propos de la conversion au bouddhisme du roi indo-grec Ménandre, Mém. Ac. inscr. t. XLIII, 2e partie, 1943.
55 Lettres édifiantes, éd. Lyon, 1819, t. VIII, p. 44 (lettre du 23 novembre 1740)
56 Cf. J. As. t. CCXXXVI, 1948, suppl. p. 80, où la référence au Çatapathabrâh maṇa est à lire X, 4, 2, 23.
57 Cf, P.DEMIEVILLE, Byô, dans Hôbôgirin, Paris, 1937, fasc. 3, p. 252, col. 2.
58 J.KENNEDY, Buddhist gnosticism ; the system of Basilides, Jour, Roy. As. Soc. 1902, p. 377 et suiv.
59 L.BREHIER, La philosophie de Plotin, Paris, 1928, p. 107 et suiv. cf. ci-dessous.
60 F.LACOTE, Sur l’origine indienne du roman grec, Mél. d’indianisme Sylvain Lévi, Paris, 1911 ; p. 249 et suiv.
61 J.H.LEUBA, Psychologie du mysticisme religieux, trad. Herr. Paris, 1925
62 DE LUBAC, Textes alexandrins et bouddhiques, Recherches de sc. rel. 1938
63 p. 336 et suiv.
Maryla FALK, Origine dell’equazione ellenistica logos-anthopos, Studi e mater di Storia delle Rel., XIII, 1937, p. 166-214.
64 Cf. J. FILLIOZAT, La doctrine des brâhmanes d’après saint Hippolyte, Rev. de l’Hist. des rel., juillet-décembre 1945, p. 59-91 et ci-dessous La doctrine brahmanique à Rome au IIIe Siècle.
65 L’identification a été faite par Mlle M. FALK, 1. c. p. 203, et indépendamment par M.A.M. BARUA, Asoka and his inscriptions, Calcutta, 1946, p, 240.
66 Cf. Journ. As., 1943-1945, p. 249-354.
67 La vieille route de l’Inde, p. 292 293
68 Cf. A. FOUCHER, La vieille route..., p. 221-222 et 238, n. 6. R. GOOSENS, Un texte grec relatif à l’aśvamedha, Journ. As., octobre-décembre 1930, p. 280. P. MEILE Apollonius de Tyane et les rites védiques, communication Soc. As., Journ. As 1943-1945, p. 451.
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