1. Migrer ou pas ?
p. 3-29
Texte intégral
1L’Inde est de plus en plus sensible à l’acuité des problèmes urbains qu’il lui faut affronter. A ne prendre en compte que les chiffres de population urbaine, force est de reconnaître, il est vrai, l’ampleur du défi. Au recensement de 1981, les villes indiennes comptaient 160 millions d’habitants, soit plus que la population urbaine de toute l’Afrique, plus que l’ensemble des populations du Brésil, du Pérou et du Venezuela réunis. Dix ans plus tard, en 1991, on recensait 217 millions d’urbains. Les douze plus grandes agglomérations indiennes – celles dépassant le million d’habitants – totalisaient en 1981 42 millions de résidents, soit trois fois l’ensemble de la population de la Malaisie, ou cinq fois celle de la Côte-d’Ivoire. En 1991, 23 agglomérations dépassaient le million d’habitants, et totalisaient 70 millions de résidents. On sait ce que des chiffres d’une telle ampleur signifient en termes de besoins (toujours insuffisamment satisfaits), qu’il s’agisse de logements, de services publics, de santé, d’éducation, d’emploi... Mais il est une autre façon de voir les choses.
La problématique et ses enjeux indiens
2La perspective change considérablement, en effet, si l’on considère non plus l’ampleur bien réelle des chiffres absolus, mais les pourcentages. Car les chiffres relatifs, eux, mettent en lumière, par contraste, le très modeste degré d’urbanisation de l’Inde : en 1981, moins de 25 % des Indiens (23,7 % exactement) étaient citadins. De 1981 à 1991 la population urbaine indienne a crû de 36 %, mais le pourcentage de citadins par rapport au total de la population a crû à peine : il s’est haussé, en 1991, à 25,72 %. Pas de bouleversement structurel, donc. Les grands États les plus urbanisés, tels le Maharashtra, le Tamilnad ou le Gujarat présentaient des taux d’urbanisation de l’ordre de 31 à 35 % en 1981. Dix ans plus tard, les pourcentages se sont haussés de quelques points, de 34 à 39 %. Le Karnataka, qui nous retiendra ici, comptait 29 % de citadins en 1981, il en comptait 31 % en 1991. L’Uttar Pradesh, le plus peuplé des États indiens, ne comptait, malgré 110 millions d’habitants et deux villes « millionnaires », que 18 % de citadins en 1981. Dix ans plus tard, avec 139 millions d’habitants et trois villes « millionnaires », la part des citadins y reste inférieure à 20 % (19,9 %). Des chiffres très modestes au regard de ce qu’on peut observer ailleurs dans le monde, et en particulier dans bien des pays d’Amérique latine, l’Afrique offrant pour sa part un tableau contrasté, l’Asie du Sud et du Sud-Est étant plus dans les normes indiennes (tableau 1).
3On peut interpréter de façons très diverses cette absolue prédominance de la population rurale. Longtemps les analystes voyant dans l’histoire occidentale des deux derniers siècles le modèle essentiel d’une croissance indissociable d’une forte urbanisation n’ont pas manqué de corréler ce poids des campagnes à la modestie des résultats économiques obtenus par l’Inde indépendante. Mais on peut aussi souligner, sinon les effets positifs d’une si grande prédominance rurale, du moins les effets prévisibles qu’aurait en Inde une croissance urbaine accélérée. Mesurons bien l’enjeu, en effet : aussi aigus soient pour l’heure les problèmes urbains auxquels l’Inde est affrontée, ils seraient tragiquement aggravés si le pays devait connaître des taux d’urbanisation observés en bien d’autres pays en développement, en particulier en pays latino-américains.
Tableau 1. Pourcentages de population rurale dans quelques pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie (estimations pour 1990)
Pays | % | Pays | % |
Burkina Faso | 90 | Bangladesh | 84 |
Ethiopie | 87 | Thaïlande | 77 |
Sénégal | 62 | Indonésie | 69 |
Côte-d’Ivoire | 50 | Inde | 74 |
Pérou | 30 | Chine | 74 |
Mexique | 27 | ||
Brésil | 25 | ||
Venezuela | 10 |
4Avec en 1991 seulement 8 % des siens vivant dans ses vingt-trois plus grandes agglomérations (celles dépassant le million d’habitants), l’Inde connaît une situation très différente des pays souffrant de ce que l’on peut baptiser « macrocéphalie ». Heureusement pour elle, car si les États indiens connaissaient une macrocéphalie à l’aune de celle du Mexique (un Mexicain sur cinq vit aujourd’hui à Mexico), Madras « hébergerait » 11 millions d’habitants, Bhopal – qui connaissait Bhopal hors de l’Inde avant la catastrophe qui l’a frappée ? – dépasserait ce chiffre et Patna, capitale du Bihar, compterait 17 millions d’habitants. Une seule grande agglomération indienne approchait du ratio mexicain : Calcutta, qui regroupait près de 20 % de la population du Bengale en 1981, mais qui ne regroupait plus que 16 % de la population du Bengale en 1991, tout en ayant gagné près de 2 millions d'habitants entre temps.
5Il faut donc bien tenter de comprendre le pourquoi de ce qui, en première analyse, apparaît comme un paradoxe majeur, à qui compare Brésil et Inde, pour s’en tenir à de très vastes pays. Au Brésil, d’immenses terres cultivables restent inoccupées, tandis que plus des deux tiers de la population vit dans les villes : des villes qui génèrent et que génère, dans les tensions que l’on sait, une société très inégalitaire, une société à deux vitesses. A l’inverse, avec trop peu de terres pour tous et de lourdes densités de population rurale, l’Inde réussit à maintenir dans ses villages près de 75 % de ses citoyens. D’évidence, comptent ici de puissants facteurs d’enracinement de la population rurale indienne qui a su, au fil d’une longue histoire, bâtir une civilisation peuplante : une population qui quitte ses villages à un rythme bien plus faible que celui observé dans nombre de pays.
Tableau 2. Évolution de la population rurale en Inde 1951-1991
Année | % de pop. rurale | millions de ruraux | taux de croissance décennal |
1951 | 82,7 | 298,6 | + 8,8 |
1961 | 81,7 | 347,2 | + 16,3 |
1971 | 79,8 | 421,9 | + 21,5 |
1981 | 76,3 | 501,9 | + 18,9 |
1991 | 74,3 | 627,1 | + 24,9 |
6Il faut se demander pourquoi. Car si cet enracinement devait faiblir, si l’exode rural devait spectaculairement s’accélérer, l’image entière de l’Inde changerait, avec d’immenses conséquences sur le tissu social et la structure économique du pays, pour ne rien dire de son équilibre politique.
7Les planificateurs et les décideurs indiens le savent bien : n’ont-ils pas précisément, une fois établi le bilan de la « révolution verte » des années soixante-dix, révisé les stratégies de développement afin d’adjoindre aux effets de la croissance agricole une série de programmes de développement visant à créer dans les campagnes de nouvelles ressources susceptibles de maintenir en milieu rural une large population qui risquerait sans cela de grossir dangereusement les bidonvilles des grandes métropoles ? C’est dans ce contexte, c’est en fonction de pareils enjeux que l’on présente ici cet ouvrage.
8Si l’on tient pour valides les observations qui viennent d’être faites, se dégage en effet un champ d’études trop peu parcouru jusqu’à présent. Tandis que les chiffres absolus de la croissance urbaine ont suscité nombre d’études conduites en milieux urbains sur ceux qui ont migré vers les villes1, les chiffres soulignant la modestie relative de ces mouvements nous ont paru légitimer de nouvelles études à conduire en milieux ruraux pour comprendre aussi bien les facteurs de non-migration que les facteurs migratoires, les logiques d’enracinement aussi bien que les logiques de mobilité. D’où la formulation retenue au départ de ce travail de recherche : « Migrer ou pas ? Changement rural, logiques de mobilité, logiques d’enracinement en Inde du Sud. »
9Car il s’agissait bien, fondamentalement, d’insérer notre analyse dans le contexte du changement qui transforme les campagnes indiennes : enracinement n’est nullement ici synonyme d’immobilisme, ni même, sans jouer sur les mots, synonyme d’immobilité. Et c’est bien parce que ces campagnes bougent que l’on a abordé cette problématique en prenant en compte la dynamique des systèmes ruraux auxquels appartiennent les divers villages-témoins retenus pour nos enquêtes : parce que l’Inde est en pleine dynamique, et que l’analyse de systèmes ruraux représentatifs fournit une échelle essentielle d’investigation pour comprendre les logiques et les choix à l’œuvre, pour replacer les types caractéristiques d’acteurs retenus dans les milieux géographiques et socio-économiques qui sont les leurs. C’est à cette échelle, en des espaces mesurés, que se conjuguent le plus significativement, d’une part, la spécificité des milieux « naturels » et des formations sociales qui définit, dans leur diversité, chacune des unités géographiques de base, et d’autre part les effets des forces exogènes qui contribuent à transformer ces milieux et ses formations. Le concept de système agraire est très usité, mais il peut tendre à enfermer l’analyse dans les seules activités agricoles. Usant du concept de système rural, on entend ici souligner que l’agriculture, si essentielle soit-elle, n’est que le corps majeur de la ruralité. Par système rural, on entend l’ensemble des structures et des relations qui donnent à un espace rural son identité fonctionnelle. Les paramètres agro-écologiques, la structure agraire et le système de production agricole sont le cœur même de tout système rural, et à ce titre la plupart des chapitres qui suivent donneront tout leur poids à ces dimensions, à commencer par le chapitre 2. Mais un système rural n’est pas simplement agraire ou agricole. Les relations établies entre sphère rurale et sphère urbaine, entre l’agriculture et les secteurs non agricoles, entre la base villageoise et la pyramide des pouvoirs agissant au-dessus d’elle et sur elle : voilà autant d’éléments qui font partie du système rural ou qui interfèrent avec lui. Et il convient de les prendre en compte, si l’on veut tenter de comprendre le contexte complexe dans lequel les logiques paysannes s’insèrent, délibérément ou non. C’est d’autant plus vrai qu’en observant ces logiques, on mesure combien mobilité et rétention de la population rurale jouent de stratégies de diversification qui favorisent l’enracinement villageois en faisant flèche de tout bois, en tirant parti de la ville, du non agricole, ou d’opportunités de travail saisonnier liées à des productions commerciales – sucre, café – dont les mécanismes sont liés fortement aux modulations de marchés nationaux ou mondiaux, sur lesquels l’État interfère puissamment.
10Qu’un membre d’une famille villageoise migre en laissant les siens au village, c’est jouer à la fois du rural et de l’urbain, comme d’autres migrants saisonniers jouent de leurs maigres terres sèches et des riches périmètres irrigués ou des plantations des Ghâts (chapitres 4, 5, 6). Mais il est d’autres diversifications qui aident (jusqu’à quel point ?) au maintien sur place de la population rurale : celles qu’illustrent les tentatives d’industrialisation des campagnes, ou de rénovation d’un important artisanat traditionnel, tel celui du tissage de la soie (le chapitre 7 s’arrêtera sur ce point). La capacité à diversifier – par la mobilité temporaire des hommes ou par celle des investissements – est ainsi l’une des clés de la stabilisation de la population rurale.
11Pour l’essentiel, on a donc cherché à inverser les questions le plus fréquemment posées en matière de migration. Alors que la plupart des études migratoires portent sur ceux qui ont migré et qui sont citadins, on a ici porté l’attention sur le monde rural en conduisant des enquêtes villageoises pour tenter de comprendre comme beaucoup d’études l’ont fait, pourquoi on migre, mais surtout, et de façon peut-être plus novatrice ou du moins plus délibérée, pourquoi, en dépit d’une difficile situation villageoise, on ne migre pas ; ou encore, entre ces deux pôles, pourquoi et comment on trouve des substituts à la migration définitive (changer d’emploi tout en restant rural, combiner dans une même famille emploi agricole et non agricole, migrer temporairement en laissant la famille au village, recourir aux mouvements pendulaires entre village et ville...) : des substituts qui expliquent que la mobilité ne soit pas nécessairement le moteur de l’exode rural.
12Car on forcerait à peine en avançant l’idée que l’Inde ne connaît pas l’exode rural, si l’on entend en effet par cette expression un mouvement puissant et continu qui non seulement abaisse notablement la part relative de la population rurale, mais aussi et surtout abaisse cette population dans l’absolu, ou la laisse stagnante. Or, et on l’a dit d’emblée, la part relative de la population rurale indienne ne diminue que lentement, et reste absolument prédominante dans le pays, avec presque 75 % de la population totale. Quant à l’autre aspect des choses, l’évidence est indiscutable : la poussée urbaine n’entraîne nullement une stagnation et moins encore un amenuisement de la population rurale. Tout au contraire, celle-ci, de recensement en recensement, continue de croître. Que son taux de croissance soit moindre que le taux de croissance de la population urbaine n’est pas pour surprendre. Qu’il s’amoindrisse n’est même pas vrai sur le plan national, puisqu’on n’a enregistré une baisse du taux de croissance de la population rurale indienne que pour la décennie 1971-81 (tableau 2). En revanche ce taux de croissance de la population rurale s’amenuise bien au Karnataka (+ 19 % en 1971-81 ; + 17 % en 1981-91). Mais l’évolution essentielle reste celle qu’illustre la figure 1 : en Inde, la croissance de la population urbaine n’entraîne nullement une réduction de la population rurale, qui a plus que doublé en quarante ans, passant de 300 à 627 millions de personnes. L’émigration vers les villes existe assurément. Elle est puissante. Mais nul exode rural ne vide les campagnes indiennes, qui tout au contraire portent, année après année, des densités toujours plus lourdes. Ce qui est vrai sur le plan national l’est aussi au Sud Karnataka qui retient ici l’attention : nous l’allons voir en détail un peu plus loin.
13Pour s’en tenir à la recherche sur l’Inde, nombreuses sont, certes, les études qui ont mis en lumière « les éléments de sélectivité qui déterminent qui migre vers les villes ». (Rao 1986 : 5.) Bien plus rares sont en revanche les travaux qui posent explicitement le problème de la non-migration et de la rétention de population rurale dans des campagnes en pleine évolution. Jan Breman dans une étude d’importance sur la société rurale du Gujarat s’est avancé dans cette voie, soulignant « l’inadéquation de quelques explications banales » des mouvements migratoires, confrontant mobilité et immobilité, distinguant ce qu’il appelle « circulation » de la vraie migration. (Breman 1985.) Plus spécifiquement, mais plus brièvement, Monica Das Gupta a attiré l’attention sur le rôle des « systèmes de sécurité informels » contribuant à la « rétention de la population dans l’Inde rurale » (Das Gupta 1985 : vol. 4, 249-266) : une formule qui fait écho au thème d’un colloque tenu à Ottawa en 1981 : « Développement rural et rétention des populations rurales dans les campagnes des pays en voie de développement2 ».
14C’est dans ce champ de réflexion que la recherche nourrissant ce livre a été mise en œuvre, annoncée en 1988 sous une forme interrogative : «Migrer ou pas ? » (Racine 1988 : vol. 7, no 2, 123-135.) Effets de la pression anthropique sur le milieu, évolution de la structure sociale des campagnes, poids du sous-emploi rural, étendue d’un vieux réseau urbain : beaucoup de facteurs sembleraient pousser à l’exode vers les villes. Pourtant, au carrefour du géographique et de l’anthropologique, au croisement de l’économique, du social et du culturel, le monde rural ne se délite pas, sans être figé pour autant. Six cents millions de ruraux, hommes, femmes et enfants, sont les acteurs de ce jeu décisif, dont on a évoqué les enjeux, pour l’Inde même d’une part, et en termes de géographie comparée d’autre part. Attaches de l’homme, croissance urbaine, développement rural : ces grandes questions sont bien au cœur de notre problématique.
Migrer ou pas ? Une question omniprésente
15Migrer ou pas ? D’une façon ou d’une autre, et quel que soit son statut socio-économique, chaque famille de l’Inde rurale se pose cette question, en ce sens qu’au moins un de ses membres est sujet à migrer.
16Pour fuir chômage et pauvreté, les familles pauvres d’ouvriers agricoles peuvent être tentées par le départ. Mais toutes savent qu’il est d’autres voies à envisager. La mobilité temporaire peut être un substitut à l’émigration définitive : quelques mois l’an un ou plusieurs membres – (masculins) – de la famille partent vers des campagnes plus riches couper la canne à sucre par exemple, ou vers les grandes villes se faire coolie ou charretier. La mobilité professionnelle (et non géographique) est sans doute plus aléatoire, mais c’est bien elle que tentent de développer nombre de programmes gouvernementaux s’attachant à créer dans les campagnes des emplois non agricoles : autre logique d’enracinement des plus pauvres.
17Migrer ou pas ? Les paysans microfundiaires se posent différemment la même question. De tous les agriculteurs, ils sont les plus vulnérables aux effets des pressions accrues sur le milieu : sécheresses, déforestation, érosion, les touchent au premier chef Ce qu’on peut appeler la « logique de la révolution verte » accroît leur fragilité, puisqu’ils sont les moins armés pour cette course aux capitaux et aux marchés qui fonde l’agriculture moderne en quête d’une productivité accrue. Quand ces paysans marginaux perdent leur terre, ou perdent du moins les ressources minimales que leur lopin leur procurait, se pose, inéluctable, la question : partir, ou accepter de devenir journalier au village ?
18Voyant le futur d’un autre œil, la nouvelle classe moyenne et les notables ruraux sont également tentés de jouer le jeu urbain – mais sans se séparer pour autant de leurs biens villageois. Les familles de ces paysans qui ont le plus profité de la modernisation de l’agriculture lorgnent vite, pour l’un des fils, vers une instruction plus poussée qui lui ouvrira la porte d’un emploi urbain. Un cran au-dessus, les familles de notables cherchent toujours à renforcer les liens avec les réseaux de pouvoirs urbains qui confortent leur puissance : l’administration, le droit, les affaires offrent, dans les villes voisines, de telles opportunités. (Racine 1985.) Pareilles motivations ne sont sans doute pas négligeables, en termes statistiques, car au-delà des migrations de la misère, existe bien une attraction urbaine, voie de promotion sociale, qu’on doit estimer à sa juste mesure si les conclusions d’une étude faite au Bengale sont généralisables : Sudhansu Mukherjee y a montré que, une fois franchie la zone la plus proche de Calcutta, ce sont les districts les plus dynamiques qui envoient vers la grande ville le plus de migrants. (Mukherjee 1986 : 416-417.) Parallèlement, le cas d’Hosur, récemment analysé au Tamilnad, témoigne de ce que les nouveaux pôles industriels attirent moins les villageois avoisinants que les citadins venus d’autres districts. (Meijer, Keins 1986.)
19Il apparaît donc qu’en complément des enquêtes déjà conduites en milieu urbain auprès de ceux qui ont migré, des enquêtes rurales sont indispensables pour qui tente de comprendre l’entier faisceau des mécanismes et des logiques qui gouvernent à la fois migration et rétention. Conduites là d’où les migrants sont partis, là où les non-migrants ont choisi de rester, les enquêtes villageoises permettent de juger de la diversité des logiques en jeu et, ces logiques dûment replacées dans le contexte plus large des systèmes ruraux, de prendre en compte les facteurs régionaux d’ordre géographique ou socio-économique, les effets des programmes de développement, les relations ville-campagnes, la dynamique sociale, l’évolution des mentalités, entre autres facteurs...
20Les enquêtes rurales permettent en premier lieu d’identifier les flux à destination des villes, proches ou lointaines (puisque très souvent une part de la famille reste au village) : il est dès lors possible – mais nous ne l’avons pas fait ici – de poursuivre l’enquête en milieu urbain, en connaissant bien (à l’inverse de la plupart des enquêtes conduites uniquement en ville) le milieu d’origine du migrant, dont les motivations pourraient alors être replacées dans leur exact contexte.
21Les enquêtes rurales permettent ainsi de tenter de comprendre pourquoi le taux de migration, ou plus exactement le taux d’urbanisation, est ce qu’il est en Inde, c’est-à-dire beaucoup plus bas que celui des pays en développement qui comptent plus de 50 ou 60 % de citadins.
22Les enquêtes rurales permettent aussi d’estimer l’importance des migrations intra-rurales : une mobilité considérable, qui n’élève pas le taux d’urbanisation. Mobilité des femmes s’installant après leur mariage dans leur belle-famille : mobilité culturelle donc, à faible rayon souvent, mais qui statistiquement pèse très lourd. Migration permanente, par ailleurs, de familles dynamiques venant se fixer dans des terres en pleine transformation : montagnes des Ghâts s’ouvrant aux plantations établies par une caste de brahmanes venues du Dakshina Kannada voisin (Nagaraj 1981), ou terres nouvellement irriguées par la Tungabhadra et mises en valeur par des riziculteurs venus de loin3. (Mahadev s.d.) Importantes sont donc ces migrations intrarurales spontanées, particulièrement dans une perspective comparée car elles témoignent d’une évolution indienne distincte à la fois de l’exode rural massif caractéristique de l’histoire occidentale, et de ce qu’on peut observer dans les pays en développement où les gouvernements ont organisé des fronts pionniers (en Asie du Sud-Est) ou ont laissé s’avancer des fronts anarchiques en des terres très peu peuplées (Amazonie brésilienne).
23Reste la grande question des migrations temporaires ou saisonnières (les mouvements circulatoires de Breman), par lesquelles des hommes quittent leur village et leur famille, quelques semaines par an, pour trouver un emploi urbain ou rural. Ces substituts aux migrations permanentes ont souvent été analysés, particulièrement le cas des ouvriers agricoles4. Mais il importe de mieux étudier pourquoi des migrants temporaires allant depuis des années travailler quelques mois par an en ville ne sautent pas le pas et, quelle que soit la modestie de leurs ressources villageoises, refusent de devenir citadins. Il importe de se demander pourquoi, parmi tous ceux qui partent en ville pendant des années, peu de villageois emmènent leurs proches et moins encore abandonnent leur village pour de bon : nous sommes là, bien sûr, au cœur des questions liées aux logiques d’enracinement.
Le rural et l’urbain au Sud Karnataka : structure et dynamique
24Entre l’évolution indienne d’ensemble, brièvement évoquée ci-dessus, et le détail des enquêtes villageoises qui constituent, en seconde partie, le corps de cet ouvrage, il faut cerner les dynamiques propres à la région retenue pour notre enquête : le Sud Karnataka.
Une longue et riche histoire
25Au sud-ouest du triangle indien, le Karnataka est à la fois une terre de très vieille histoire, et une entité politique récente. Un ruban côtier étroit (districts d’Uttara Kannada et de Dakshina Kannada), puis la chaîne des Ghâts occidentaux ou Malnad, vers 1300-900 m), conduisent au vaste plateau du Deccan ou Maidan, qui fut depuis plus de deux millénaires le siège de multiples empires, royaumes ou sultanats. Sans remonter aux épopées – Bali et Sugreeva, les rois-singes du Ramayana, auraient régné sur le nord du Karnataka actuel – notons qu’aux temps classiques le grand empire Maurya, basé dans la vallée du Gange, s’étendait jusqu’au nord du Karnataka d’aujourd’hui. Suivront nombre de dynasties locales, royaumes hindous au riche héritage, parfois fort étendus. Satavahanas du nord (iiie siècle av. J.C.-iie siècle ap. J.C.), Chalukyas et Rashtrakutas de Badami (vie-viiie siècles ; viiie-xe siècles), tandis que le sud du Karnataka voyait se succéder les Kadambas (iiie-vie siècles), les Gangas (iie-xie siècles) et, venus des Ghâts, les Hoysalas, dont l’apogée aux xiie-xive siècles fut des plus remarquables. L’islam s’implante politiquement au xive siècle, avec le royaume de Bahmani. C’est aussi au xive siècle que se fonde, en réaction contre la poussée politique de l’islam, le dernier des grands empires hindous de l’Inde du Sud, celui de Vijanayagar. La gloire de Vijayanagar s’effacera en 1565 devant les sultanats du Deccan : Bijapur, Golconde, héritiers du royaume de Bahmani. Une dynastie hindoue, pourtant, tiendra bon : celle des Wodeyars, devenus puissants au xvie siècle, et alors établis sur les rives de la haute Kaveri, à Srirangapatnam. Renversée au xviiie siècle, par un de ses généraux musulmans, le brillant Tipu Sultan avec qui Bonaparte songea à s’allier dans les guerres du Carnatic où s’affrontaient Français et Britanniques, chacun uni à des princes indiens, la dynastie des Wodeyars sera rétablie par les Britanniques raflant la mise. Elle dirigera un état princier, protégé mais prestigieux, celui du maharaja de Mysore. Grande figure de l’Inde des princes, le maharaja restera en place jusqu’à l’indépendance, et même un peu après. Il garde aujourd’hui, dans son palais du centre de Mysore, un prestige à peine affaibli. Après l’indépendance, la réorganisation de l’Inde sur la base de grands États linguistiques donna naissance à l’État de Mysore, regroupant, autour de l’ancien État princier, toutes les terres de langue kannadiga, l’une des quatre grandes langues dravidiennes parlées en Inde du Sud. Furent ainsi regroupés autour du sud du Maidan, le Dakshina Kannada appartenant jusque-là à l’État de Madras, héritier de la vieille province britannique ; le Coorg, ancienne petite principauté ; une part de l’ancienne province de Bombay ; et l’ouest de l’ancien État princier du riche nizam d’Hyderabad. Ce nouvel État de 192 000 km2, se donna en 1973 un nouveau nom, enraciné dans sa tradition : Karnataka.
26Cette riche histoire a partout laissé ses traces, structurant une société majoritairement hindoue ; ouvrant par la guerre, le commerce ou les pèlerinages le Karnataka à tous les horizons du sud, comme aux influences du nord ; constellant le Maidan de sites remarquables. Sont aussi ancrés dans l’histoire quelques hauts lieux spirituels dont, proche de nos villages-témoins de Naragalu-Mayagonahalli, le monolithe de Shravana Belgola, pèlerinage majeur des Jains (et de nombre d’Hindous). Ou encore dans les Ghâts, Sringeri, siège d’un des Sankaracharyas, pontifes de la philosophie advaita, courant dominant de la haute pensée védantique depuis Sankara. Mais le Karnataka vit naître aussi Madhava, qui promut contre Sankara une philosophie dualiste croyant à la réalité du monde, et surtout Basaveswara, le fondateur, au xiie siècle, du virasivaïsme, entendant libérer la société hindoue de la hiérarchie des castes. Les Lingayats sont aujourd’hui encore ses héritiers spirituels... tout en étant considérés comme une caste de bon statut.
Une tradition urbaine
27Empereurs, sultans, rajas et princes ont inscrit leur puissance dans un réseau de capitales, de forts, de villes-relais. Bien des cités autrefois brillantes sont devenus simples bourgs, gardant d’un riche passé des temples de toute beauté, tels les sites hoysalas de Somnathpur, Halebid et Belur, dans les districts de Mandya et d’Hassan. N’importe. Compte surtout cette présence d’un encadrement séculaire fondé sur des pôles structurés, villes du pouvoir, villes de marchés. La ville fait ainsi partie d’une tradition millénaire de maîtrise accomplie de l’espace rural. Urbanisation longtemps modeste, il est vrai, surtout dans les Ghâts où, dans l’espace retenu par cette étude, Sakleshpur ne compte que 19 000 habitants et Madikeri (Mercara), chef-lieu du Coorg (aujourd’hui Kodagu), n’atteint pas encore 30 000 habitants. Au Dakshina Kannada, la situation est autre. Dans une tradition de type kéralais – forte densité de population (319 h/km2), imbrication du rural et de l’urbain – nombreuses sont les petites villes, certaines perdant d’ailleurs d’un recensement à l’autre leur statut urbain aux termes des critères officiels5. Mais l’essor des fonctions industrielles et tertiaires de Mangalore devenu un des grands ports indiens, gros exportateur de minerai, et des fonctions tertiaires dans et autour d’Udupi ont fortement renforcé le réseau urbain du Dakshina Kannada. Avec 425 000 habitants en 1991, Mangalore est devenue la quatrième agglomération urbaine du Karnataka, et connaît un taux de croissance soutenu (+ 37 % en 1971-81, + 39 % en 1981-91). Le Maidan, plus largement étendu, reste aussi porteur des plus grandes villes. Les villes jumelles d’Hubli-Dharwad, au nord de l’État, sont en dehors de la région retenue ici mais, avec 647 000 habitants en 1991, font contrepoids à la vieille capitale du sud, Mysore, 652 000 habitants, qui connaît elle aussi une croissance soutenue (+ 35 % en 1971-81, + 36 % en 1981-91). Mysore, qui s’industrialise, n’est pourtant plus capitale depuis les années trente. Fondée au xvie siècle, Bangalore, aujourd’hui tout à fait excentrée, lui a été alors préférée. Elle est devenue depuis la sixième métropole de l’Inde et, après Delhi, celle qui fut marquée par la croissance la plus rapide : 786 000 habitants en 1951, 4 millions d’habitants quarante ans plus tard. Longtemps ville-jardin, au climat agréable, Bangalore est aujourd’hui, outre capitale d’État, un pôle industriel majeur, particulièrement pour les industries de pointe. La garden-city (Mahadev 1978 :242-272) est devenue, pour beaucoup d’émules locaux de la Californie, la silicon-city de l’Inde – comparaison sans doute exagérée. A ce réseau de grandes villes sans équivalent dans le reste de l’État, le Sud Karnataka ajoute, pour les districts qui nous concernent, deux chefs-lieux de plus de 100 000 habitants : Mandya et Hassan. Hors des districts étudiés, mais assez proches, Shimoga, Bhadravati et Tumkur comptent entre 150 000 et 200 000 habitants. Bhadravati, croissant faiblement aujourd’hui, fut longtemps pôle d’immigration, quand se développa son aciérie. Le tableau 3 présente l’évolution récente des plus grandes agglomérations du Sud Karnataka.
28Pour le reste, comme l’illustre la figure 2, un réseau assez dense de petites villes ponctue les campagnes, mais leur dynamisme, et donc leur capacité d’attraction, sont fort inégaux : beaucoup de ces villes ont crû de moins de 20 % au fil de la dernière décennie6
29Le poids de Bangalore est naturellement ressenti sur tout le Sud Karnataka, qui en est l'hinterland naturel. Dans les villages étudiés ci-dessous, au Maidan comme au Dakshina Kannada, on trouve des familles ayant des migrants à Bangalore. Une capitale, un pôle industriel de cet ordre, une métropole de quatre millions d’habitants drainent les hommes, diffusent leurs effets, font sentir leur puissance. Mais son dynamisme très remarquable n’implique pas pour autant que Bangalore polarise à elle seule la vaste région qui nous retient. A fortiori, sa croissance spectaculaire (tableau 4) n’a-t-elle pas vidé les campagnes du Sud Karnataka. Dans leur étude classique sur la grande ville, Prakasa Rao et Tiwari brossaient, dans les années soixante-dix, le tableau des flux migratoires qui l’ont nourrie. (1979 : ch. 3, 245-254.) Sur un échantillon de plus de 1 000 chefs de famille, 58 % des immigrants étaient venus du Karnataka et 21 % du Tamilnad très proche (la limite des deux États est à moins de 30 km de la ville). Kérala et Andhra Pradesh suivaient logiquement (8 % chacun), le reste de l’Inde ne comptant que pour 4 %. Rayonnement encore macro-régional, donc. Plus précisément, son aire d’attraction connaissait de rapides affaiblissements. Parmi les migrants venus du Karnataka, 27 % venaient du district de Bangalore lui-même, 14 % de celui de Kolar, autant de celui de Tumkur. Du district de Mysore venaient 11 % des migrants. Et le district si rural de Mandya, pourtant plus proche, ne comptait que pour 9 %. Les cinq districts les plus proches comptaient donc pour 75 % des migrants venus de l’État, la déperdition s’accroissant vite avec la distance. Mysore comptant plus que Mandya plus proche ne doit pas étonner : si les migrants issus du Karnataka étaient en majorité ruraux, l’inverse était vrai pour l’ensemble des migrants, déjà urbains à 52 % avant de s’établir à Bangalore. Marque de l’importance des villes-relais ? Voire : quand les filières existent, on le verra plus loin, les hommes des campagnes profondes, comme ceux de Naragalu, filent directement vers la grande ville, et pas nécessairement vers la plus proche. Pour eux, sans relais, Bombay s’impose.
Tableau 4. La croissance de Bangalore
Année | Population | Croissance décennale |
1951 | 786 343 | |
1961 | 1 206 961 | + 53,5 |
1971 | 1 664 208 | + 37,9 |
1981 | 2 921 751 | + 75,6 |
1991 | 4 086 548 | + 39,9 |
30Le recensement de 1981 (le dernier paru sur les mouvements migratoires) n’altère guère le tableau esquissé par Prakasa Rao et Tiwari. Dans l’agglomération urbaine de Bangalore (2 921 000 habitants en 1981) le recensement relève 1 099 000 migrants7. Venaient du Karnataka 59 % d’entre eux. Parmi ces migrants de l’État, 34 % venaient du district de Bangalore lui-même. Et l’ensemble des migrants était déjà, pour 52 %, d’origine urbaine : l’échantillon de Prakasa Rao et Tiwari était, de toute évidence, significatif... Il n’en montrait que mieux le fait qu’on veut ici souligner, et qui prend d’autant plus de force que de 1951 à 1991 Bangalore a toujours été, juste derrière New Delhi, la métropole indienne connaissant la plus forte croissance : l’essor urbain, si important soit-il, doit être mis en perspective, et doit être replacé dans un double contexte. Celui du réseau urbain tout entier, où les villes moyennes, plus que les petites parfois stagnantes, jouent un rôle régional essentiel ; et surtout celui d’un espace, d’un hinterland à population majoritairement rurale, comme en témoigne le tableau 5, récapitulant quelques données essentielles de l’ensemble géographique principalement considéré ici.
31Ce tableau met en lumière une double réalité, qui est au cœur de notre problématique. A voir les taux de croissance 1981-1991, et particulièrement les taux ruraux, on perçoit l’existence d’un flux migratoire affectant les campagnes. Assurément, on émigre. La comparaison entre les taux de croissance effective ici notés et les taux de croissance naturelle estimés pour le Karnataka en 1986-88 le suggère assez, en particulier dans les districts du Dakshina Kannada et du Coorg, dont la population rurale n’a crû que de 7,5 % et 4 %.
32Le Coorg ne se vide pas, mais il est menacé de stagnation8. Les districts du plateau du Maidan, eux, connaissent de plus forts taux de croissance, mais leurs chiffres pour 1981-91 restent inférieurs à ceux de la décennie 1971-81 (qui enregistra + 20 à + 22 % de croissance de la population rurale à Mandya, Hassan et Mysore, + 22 % au Coorg, + 16 % au Dakshina Kannada). Surtout, ils restent très en deçà des taux de croissance naturelle moyens estimés pour l’ensemble du Karnataka en 1986-88, que présente le tableau 6.
Tableau 6. Taux de natalité et de mortalité au Karnataka en 1986-88
Taux | Natalité | Mortalité | Croissance naturelle |
Général | 28,9 | 8,7 | 20,2 |
Rural | 29,9 | 9,5 | 20,4 |
Urbain | 26,0 | 6,6 | 19,4 |
33Certes, la comparaison entre taux de croissance effective des districts et taux de croissance naturelle pour tout l’État reste incertaine : le tableau 6 masque, à l’échelle qui est la sienne, d’éventuelles disparités régionales dans les comportements démographiques. La tendance reste pourtant indéniable.
34Cependant, autre versant de la réalité des choses, la part des ruraux reste très largement prédominante (le district de Bangalore étant naturellement à part), et les densités rurales remarquablement fortes. D’autant plus remarquables, en fait, qu’elles vont croissant, décennie après décennie, comme nous l’allons voir.
Les dynamiques démographiques du monde rural
35Couvrant 91 taluks du Sud Karnataka (et débordant donc les six districts les plus méridionaux de la figure 2) un ensemble de cartes mettra aisément en lumière les traits les plus remarquables des dynamiques en jeu depuis trente ans9.
36Un premier jeu de cartes illustre les taux de croissance de la population rurale du Sud Karnataka depuis 1971. Sur deux décennies, seuls quelques taluks ont vu leur population rurale décroître. Encore faut-il interpréter avec prudence ces mouvements, dont les causes peuvent être fort différentes. Sur la figure 3 A (1971-1981), le déclin de la population rurale est confinée aux taluks de Bangalore (nord et sud) et de Mangalore. L’urbanisation d’immédiate proximité est à l’œuvre : elle attire des ruraux ou, plus simplement, l’expansion de limites urbaines transforme en citadin qui était classé comme rural au recensement précédent. On retrouve sur la figure 3 B (1981-91) la même dynamique urbaine ou périurbaine autour de Bangalore (quatre taluks perdent de 7 à 18 % de leurs ruraux, soit 50 000 personnes) comme autour de Mangalore (- 5 %, soit 12 000 personnes). Le phénomène s’étend cette fois à Udupi, devenue entre temps « agglomérationtion urbaine » : 3 000 ruraux, de fait ou par simple décision administrative, sont ainsi devenus citadins.
37Deuxième type d’évolution, celle, contrastée, des Ghâts. En 1971-81, deux taluks du district de Shimoga n’ont connu qu’une faible croissance inférieure à 10 % comme Sulya, taluk de piémont. En 1981-91, le phénomène s’est étendu : trois taluks des Ghâts, Hosanagara, Madikeri et Virajpet (ces deux derniers dans le Coorg) ont vu leur population décroître, tandis qu’autour de Sakleshpur la croissance restait faible, même sur le piémont de Karkal. Même faiblesse dans trois taluks secs du Maidan. Deux remarques à cet égard. Dans les Ghâts, si la récolte de café est bonne (comme en 1981), la saison de la cueillette se prolonge, et les migrants saisonniers sont enregistrés comme résidents lors du second passage des recenseurs, en mars. En 1991, la récolte fut moins bonne, et les saisonniers sont rentrés plus tôt chez eux. La baisse enregistrée pour la décennie peut ainsi résulter d’un surnombre erroné porté en 1981. Cette baisse résulte aussi, au Coorg, d’une modeste urbanisation locale. Les taluks de Madikeri et Virajpet perdent à eux deux 25 000 ruraux, mais la ville de Madikeri (28 000 habitants en 1991) en reçoit une part, et croît (+ 16 %). Mais de toute évidence l’émigration, ici, joue son rôle.
38Seconde remarque : sur les 91 taluks répertoriés ici, 24 ont connu de 1971 à 1981 un taux de croissance de la population rurale supérieur à 25 %. Sept seulement sont dans ce cas, pour la décennie 1981-91, dont Bangalore nord et sud10. Ce ralentissement, qui se distingue de la tendance nationale soulignée plus haut, tableau 5, doit être replacé dans le cadre géographique qui est le sien. l’Inde du Sud dans son ensemble a confirmé, en 1991, qu’elle s’était engagée plus que l’Inde du Nord vers la sortie de la phase de transition démographique marquant le pays depuis des décennies. La baisse de la mortalité, couplée à une natalité toujours forte, explique la forte croissance nationale (+ 23,50 % en 1981-1991). A l’inverse, l’Inde du Sud voit sa natalité décroître, et sa croissance démographique se ralentir notablement. C’est particulièrement vrai au Tamilnad et au Kérala. Ce l’est aussi dans une moindre mesure au Karnataka (tableau 7) et sans doute davantage dans le sud de l’État. Nulle émigration massive au départ de l’Inde du Sud ne peut expliquer pareille tendance, dont le moteur premier est bien la baisse de la natalité, tant attendue par les responsables indiens11. Pareille évolution d’ensemble (urbains et ruraux mêlés) a nécessairement ses racines dans les comportements de la population rurale, dont la figure 4 B porte à sa façon témoignage.
Tableau 7. La baisse des taux de croissance démographique en Inde du Sud
État | Croissance % 1971-81 | Croissance % 1981-91 |
Inde (moyenne nationale) | 24,66 | 23,50 |
Karnataka | 26,75 | 20,69 |
Tamilnad | 17,50 | 14,94 |
Kérala | 19,24 | 13,98 |
39Dernière remarque : les neuf taluks qui ont vu pour diverses raisons leur population rurale décroître (dont cinq en bordure de métropoles) et les sept qui n’ont connu qu’une croissance faible constituent d’évidence une minorité dans les 91 taluks constituant le Sud Karnataka ici illustré. C’est dire que la tendance d’ensemble est nettement en faveur de la densification des campagnes, qu’éclaire la figure 4. En 1961, 51 taluks comptaient de 100 à 200 ruraux au km2 (la plupart sur le Maidan) ; six taluks en comptaient de 200 à 300 (dont cinq bien irrigués) ; deux, sur la côte, en comptaient entre 300 et 499. Trente ans plus tard, les taluks comptant de 100 à 200 ruraux au km2 n’étaient plus que 37, car nombre d’entre eux avaient rejoint les classes les plus denses : on en relevait 32 dans la catégorie des 300 à 400, et trois, aux marges de Bangalore et de Mangalore, dépassaient 500 ruraux au km2.
40Au total, la baisse relative de la part des ruraux dans la population totale n’est pas telle qu’elle modifie profondément, à trente ans de distance, l’image du Sud Karnataka qu’offre la figure 5. Certes, en sus de Bangalore, Mysore, Mangalore, Shimoga-Bhadravati, on voit poindre en 1991 quelques pôles urbains supplémentaires (Tumkur, Mandya, Hassan), dont la prospérité doit d’ailleurs l’essentiel de son élan au dynamisme des campagnes qui les cernent. Pour le reste, la trame noire l’emporte toujours, et témoigne avec éloquence de la vigueur des enracinements villageois.
Les terrains d’enquête : quatre systèmes ruraux
41La rapide analyse des cartes présentées ci-dessus laisse deviner, derrière les disparités purement chiffrées qu’elle observe, l’existence de spécificités régionales et d’évolutions particulières, ancrées dans l’espace contrasté qu’est le Sud Karnataka. Pour rendre compte de cette diversité inscrite dans la géographie, mais aussi accrue par l’histoire, on a retenu, pour conduire les enquêtes qui nourrissent cette étude, quatre systèmes ruraux, au fil d’un transect conduisant du littoral de la mer d’Arabie, et donc du district du Dakshina Kannada au cœur du plateau de Mysore, le Maidan, via la chaîne des Ghâts, le Malnad. Dans chacun de ces systèmes ruraux, un ou plusieurs villages-témoins ont été choisis pour étude intensive12. Ces entités géographiques sont les suivantes :
Un système rural côtier, très particulier et très complexe, caractéristique du Dakshina Kannada. Entre les Ghâts et l’océan, ce district possède une forte personnalité et subit aussi une évolution proche de celle du Kérala voisin, auquel le relie la grande route nationale NH 7, conduisant au nord vers Bombay. Cet axe stimule un réel dynamisme, accru par le port de Mangalore. Continuité d’un ruban urbain ou semi-urbain sur tissu général de fortes densités (trois taluks comptent plus de 400 h/km2) ; forte alphabétisation ; excellent réseau bancaire (quatre des grandes banques nationalisées ont été fondées là) : le liseré littoral et ses anciennes communautés de pêcheurs contraste avec les basses collines de l’intérieur, menant à la raide retombée des Ghâts qui cerne le district. A la société mobile de la côte, l’intérieur oppose un monde fondamentalement rural et marqué par un archaïsme social en lent affaiblissement : grands propriétaires et ouvriers agricoles asservis y définissent comme un féodalisme à l’indienne, alors même que le Dakshina Kannada est l’un des districts du Karnataka où la réforme agraire décidée en 1974 a eu le plus d’effets. Deux villages ont été retenus pour étude, dans le taluk de Coondapoor : Navunda sur la côte, et Haladi, dans les collines de l’intérieur.
Passé la retombée des Ghâts, on entre au Malnad, très fortement arrosé par la mousson. Une ligne de forêt fait place, vers l’est, au monde des petits paysans planteurs de café et de cardamome mais aussi riziculteurs, et des grands domaines caféiers, pôles d’immigration jadis définitive, aujourd’hui saisonnière. Dans un paysage de croupes et de collines, vers 700-900 m le plus souvent, la maîtrise de l’espace se teinte de multiples nuances, qui ont conduit à grossir le nombre des lieux d’enquête, dans le taluk de Sakleshpur : petit bourg marché de Kurubathur, grand domaine caféier d’Agalatti, petits villages du café ou de la cardamome, deux coups de sonde étant lancés, hors des Ghâts, vers des villages périphériques d’où proviennent des migrants saisonniers.
Sorti des Ghâts, on entre sur le plateau du Deccan, le Maidan, qui couvre l’essentiel du Sud Karnataka. Terre de socle, terre sèche aussi, pour l’essentiel. Dans un monde où l’histoire est partout inscrite, et que domine la caste paysanne des Vokkaligas, la vie est dure, et l’agriculture traditionnelle peu rémunératrice. Dans le nord du district de Mandya, le taluk de Nagamangala est connu pour ses émigrants. Les enquêtes y ont été conduites, dans deux villages voisins, en des finages ponctués d’inselbergs : Naragalu et Mayagonahalli. Dans le même district de Mandya, mais au sud, tout a été changé quand le maharaja de Mysore et son diwan Vishveshvarayya ont décidé de barrer les eaux de la Kaveri. Depuis 1932, le périmètre ainsi irrigué s’est régulièrement agrandi (aujourd’hui, ce sont les affluents de la Kaveri qu’on met ainsi en valeur). En aval du barrage de Krishnarajasagar, un système rural irrigué a ainsi été créé de toutes pièces, autour de Mandya, ville en essor. Une « révolution verte » avant la lettre y a développé la riziculture intensive et la culture, commerciale par excellence, de la canne à sucre. Densification de la population et appel aux saisonniers des terres sèches ont suivi. Un village prospère et de bonne tenue, Mottahalli, illustrera ce cas de figure.
42P.J. Roca (chapitre 2) analysera plus en détail les quatre systèmes ruraux observés, en donnant au passage tout leur poids aux paramètres gouvernant l’agriculture, partout activité majeure. M.A. Kalam (chapitre 3) reposera, en anthropologue, la question de l’enracinement dans le contexte régional ici retenu. On se tournera alors vers chacun des systèmes ruraux sélectionnés, pour y observer, dans leurs villages-témoins, les structures, les dynamiques de changements, les stratégies et les logiques socio-économiques. Le Maidan étant l’armature même de la société et de l’économie kannadiga, c’est par lui qu’on commencera, pour étudier système irrigué et système sec (F. Landy, chapitre 4). Suivront système montagnard (B.N. Shivalingappa, chapitre 5) et système côtier (K. Nagaraj, chapitre 6). Dans une perspective différente et complémentaire, H. Guétat-Bernard nous ramènera au Maidan. Là, dans de multiples villages des districts de Mysore et de Mandya, elle évaluera l’impact des traditions ou des politiques de diffusion des emplois ruraux non agricoles sur la rétention de la population villageoise (chapitre 7). Enfin, J.L. Racine (chapitre 8) s’attachera à confronter la problématique retenue aux logiques individuelles et familiales telles que de multiples biographies significatives les illustrent. De la richesse de ces histoires vécues, il conviendra alors tirer les leçons, pour que résonne, au-delà du Sud Karnataka qui nous a ici retenus, la grande question : «Migrergrer ou pas ? »
Bibliographie
Références bibliographiques
Les volumes du Census of India, consultés pour établir les cartes illustrant ce chapitre sont répertoriés en fin de volume, en tête de la bibliographie générale.
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Notes de bas de page
1 K. Nagaraj, pour Madras, s’était déjà attaché à l’étude des motivations gouvernant pareils migrants : Process of Migration. An Analysis of Sample Migrants in Madras Urban Agglomeration, 1983.
2 Dont les actes ont été publiés par J. Havet : Le village et le bidonville, 1986. La plupart des études regroupées dans cet ouvrage portent sur des pays africains.
3 Voir pour un premier bilan et pour une comparaison avec les Ghâts ici étudiés : «Permanent and Seasonal Migration in Two Contrasted Rural Areas (Raichur and Sakleshpur », in J. Racine (éd.). Rural Change in Karnataka, Pondy Papers in Social Sciences, no 2, 1989, pp. 63-68.
4 Voir par exemple, pour le Karnataka, N.E.C. Vidyasagar : Subsistence and Labour Mobility, in M.S.A. Raol986. L’étude porte sur le district de Bellary.
5 Telles Beltangadi et Sulya en 1991. Sont définies comme villes par les services indiens du recensement trois types de localités :
a) celles qui comptent au moins 5 000 habitants, au moins 75 % de leurs travailleurs masculins engagés dans des activités non agricoles et une densité d’au moins 400 h/km2.
b) celles pourvues d’une municipalité ou d’une corporation (élues) et celles classées comme cantonnement militaire ou « aire urbaine notifiée ».
c) celles présentant suffisamment de traits urbains pour être reconnues comme telles par les autorités, sans satisfaire nécessairement aux critères retenus plus haut : il s’agit souvent de nouveaux pôles de développement industriel.
Sont par ailleurs définis comme « agglomérations urbaines » les continuums urbains « consistant normalement d’une ville (ou de plusieurs villes adjacentes) et de ses excroissances urbaines » : définition officielle appliquée cas par cas par le recensement.
6 Pour une analyse de l’urbanisation en Inde du Sud, voir K. Nagaraj : Towns in Tamil Nadu, Karnataka and Andhra Pradesh. A Study of Population and Spatial Configuration, 1961 to 1981, Madras, 1985. Pour une analyse focalisée sur le Karnataka, et particulièrent sur les villes du sud de l’État, voir P.D. Mahadev : Regional Settlement Systems, Urban Karnataka, 1984.
7 Census of India 1981, Series 9, Karnataka. Part V-A & B, Migration Tables, New Delhi, 1986. Voir tableau D.3, pp. 330-337. Sont migrants pour les recenseurs les résidents qui n’habitaient pas dans la même localité lors du recensement précédent.
8 Pour une étude récente de la région, voir Philippe Schar : Vivre et survivre en pays Coorg, 1992
9 Toutes les données proviennent des recensements décennaux. Pour une cartographie plus complète des dynamiques démographiques, voir J. Racine, V. Sathianarayanin : Banque de données et infographie sur le sud du Karnataka, 1992, 80 p. Pour une analyse plus détaillée de ce matériel, voir P.D. Mahadev : Rural and Urban Population in South Karnataka. Structure and Dynamics, 1961-1991, 1992, 21 p.
10 Au recensement de 1981, la Corporation de Bangalore, c’est-à-dire la ville même, était incluse dans la population de ces deux taluks. En 1991, elle en était exclue. Le taux de croissance ne porte donc ici que sur Taire définie comme rurale, mais en fait ultime front péri-urbain de la métropole.
11 Les taux de natalité (pour mille) sont tombés à 21,5 au Kérala et à 23,5 au Tamilnad (pour les seuls ruraux : 21,3 et 23,9) en 1986-88, pour des taux de mortalité de 6,2 et 9,5 (pour les seuls ruraux : 6,1 et 10,7). Les taux de croissance naturelle étaient alors de 15,3 au Kérala (15,2 pour les ruraux) et de 14 au Tamilnad (13,2 pour les ruraux, à comparer aux taux du Karnataka fournis par le tableau 6 (20,2 pour l’ensemble de la population ; 20,4 pour les ruraux). Les taux pour l’Inde entière étaient les suivants en 1988, natalité : 31,5 (33,1 pour les ruraux) ; mortalité ; 11,0 (12,0 pour les ruraux) ; croissance naturelle : 20,5 (21,1 pour les ruraux). Données extraites de Ashish Bose : Demographic Diversity in India, 1991 Census, State and District Level Data, 1991.
12 Les critères de choix ont porté essentiellement sur la représentativité des évolutions démographiques des villages choisis, par rapport au système rural dans lequel chacun se situe. Voir sur ce point de méthode J. Racine, P.J. Roca et F. Landy. « Rural Systems and the (almost) elusive quest for a representative village », in Rural Change in Karnataka 1989 :27-36.
Auteurs
Géographe, professeur à l’université de Mysore
Géographe, directeur de recherche au cnrs, membre du Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud, École des hautes études en sciences sociales, Paris
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An investigation of a process of Creolization
Animesh Rai
2008
Deep rivers
Selected Writings on Tamil literature
François Gros Kannan M. et Jennifer Clare (dir.) Mary Premila Boseman (trad.)
2009
Les attaches de l’homme
Enracinement paysan et logiques migratoires en Inde du Sud
Jean-Luc Racine (dir.)
1994
Calcutta 1981
The city, its crisis, and the debate on urban planning and development
Jean Racine (dir.)
1990
Des Intouchables aux Dalit
Les errements d’un mouvement de libération dans l’Inde contemporaine
Djallal G. Heuzé
2006
Origins of the Urban Development of Pondicherry according to Seventeenth Century Dutch Plans
Jean Deloche
2004
Forest landscapes of the southern western Ghats, India
Biodiversity, Human Ecology and Management Strategies
B.R. Ramesh et Rajan Gurukkal (dir.)
2007