La typologie des systèmes de propriété de C. R. Noyes
Un outil d’évaluation contextualisée des régimes de propriété privée, publique et commune
p. 89-125
Résumé
C. R. Noyes' Typology of Property Systems. A Tool for the Contextualized Evaluation of Private, Public and Common Property Regimes.
One of the major achievements of law and economics in the field of environmental studies is to have recast the economic analysis of problems of pollution and depletion of scarce natural resources in an institutional perspective. It is now widely known that many, if not all, environmental problems stem from deficiencies in the way property rights over those resources are defined, distributed and enforced (Coase 1960). Nevertheless, the microeconomic theory of property rights suffers from many methodological and theoretical shortcomings. We can mention its reductive anthropological assumptions, its lack of a sound conceptual basis regarding ownership, as well as its inability to trace and explain the origin of structural insufficiencies in positive municipal systems of property. Free-market environmentalism relies, for example, on confusion between regimes of common property and regimes of open access (Bromley 1991). The methodological question of a case by case assessment of the environmental efficiency of diverse regimes of property according to their cost in specific institutional, economic, technological and cultural contexts is very complex and, in the end, remains open (Cole 2002).
In this regard, the typology of systems of property defined in 1936 by the institutional economist Charles Reinold Noyes appears to be of prime utility. This typology would seem to act as a cognitive adaptor that helps to build a bridge not only between the legal cultures of civil law and common law pertaining to land law, but also between legal formalism and the instrumentalist approach and assumptions of microeconomics. Indeed, according to Noyes, systems of property stem from the interplay of two fundamental dimensions : the institutional substance, that is, the type of legal relations that are effectively practised in economic life, and the legal form in which this moving institutional substance is crystallised and through which it is refracted. Noyes then goes on to distinguish between systems of property inherited from the Romanist tradition, which are direct and collateral, and systems of property rooted in the feudal background of common law, which are derivative and lineal.
This typology helps to account for many conceptual differences, or even misunderstandings, between civil and common lawyers, as well as between civil lawyers and legal economists, when one is speaking of landownership and property rights. It also helps to understand why some property regimes, whether public, private or common, prove to be more efficient in one legal system than in another. Exclusion and coordination costs, linked to the introduction or modification of a property regime, are indeed not the same, according to the kind of systems of property in which one is working and according to the way this system of property is legally formalised. This typology thus helps us to further our understanding of transaction costs arising from institutional changes that are introduced in the matter of property regimes in order to improve the allocation of scarce natural resources. Legal form and legal formalism are not neutral. They are to be taken seriously by the economist.
Texte intégral
INTRODUCTION
1Les problèmes fonciers, que suscitent ou mettent en lumière la mise en œuvre des objectifs de bonne gouvernance et de développement durable en matière de gestion des ressources naturelles rares, ne sont pas posés de la même manière, selon que l’on se situe en Afrique francophone, anglophone ou en Inde. Ces différences d’approches ne tiennent pas seulement aux différences culturelles dont les systèmes coutumiers locaux sont l’expression. Elles s’expliquent également par les différences de traditions juridiques coloniales, qui sont venues s’y superposer en matière d’appropriation foncières, et dont ces pays ont hérité à l’indépendance.
2Le propos de la présente contribution est de mettre en relief la portée théorique et l’utilité épistémologique toute particulière de la typologie des systèmes de propriété, élaborée en 1936 par l’économiste américain Charles Reynold Noyes, dans une étude classique intitulée The Institution of Property : A Study of Development Substance and Arrangements of the System of Property in the Modern Anglo - American Law.
3Paradoxalement, tant l’auteur que les résultats de ses travaux sont restés ignorés par le courant institutionnaliste de l’analyse économique du droit, dans la perspective duquel il avait pourtant inscrit son étude. On n’en trouve aucune mention dans les recensions canoniques de la matière (Hodgson, Samuels & Tool 1994 ; Rutherford & Samuels 1997). Il faut dire qu’il ne s’est jamais pleinement inscrit dans ce courant1. Il n’en est pas moins cité par le sociologue du droit Wolfgang Friedman (1973) comme l’un des classiques de l’analyse socio - économique des institutions juridiques du droit privé, aux côtés de K. Renner (1949). Dans la doctrine comparatiste française, c’est à Marie-France Déterville Papandréou que revient le mérite d’avoir employé, la première la typologie de Noyes dans le contexte d’une comparaison franco-anglaise (Déterville - Papandréou 1996).
4Or, cette typologie constitue un outil méthodologique particulièrement précieux. Nous voudrions montrer en quoi elle se présente comme un véritable adaptateur cognitif, permettant de connecter et d’articuler entre elles sur un même objet, à savoir la question foncière dans sa dimension environnementale, plusieurs perspectives étrangères les unes aux autres d’un point de vue tant disciplinaire que culturel. Elle nous permet en effet de comprendre pourquoi les différences formelles, par lesquelles il est possible d’opposer la manière dont est juridiquement organisée l’appropriation du sol dans les traditions juridiques de common law et romano - germaniques, ne sont pas de simples clauses de styles. Au contraire, elles recouvrent des différences institutionnelles substantielles qu’il est possible de caractériser à partir d’une modélisation de la structure des systèmes de propriété, conçus comme systèmes de relations entre personnes à propos d’un bien immeuble.
5Par propriété, il faut entendre ici, à la fois, la relation juridique reliant le propriétaire à la chose appropriée et les relations que le propriétaire entretient avec les tiers relativement à cette même chose. Il s’agit d’un méta - concept de la propriété, c’est-à-dire d’un concept suffisamment large et dépris des catégories propres à chacun des systèmes pour permettre à la comparaison de rester neutre et objective2. Parler, avec Noyes, de système de propriété, c’est affirmer que la globalité des rapports juridiques gouvernant l’appropriation immobilière, dans chacun des ordres juridiques positifs nationaux, forme un tout cohérent comportant des caractéristiques constantes qui permettent de l’identifier comme système. C’est affirmer que le droit foncier ne se réduit pas en un corps modulable de règles opérationnelles variables, mais se compose également d’« éléments plus fondamentaux et plus stables, à l’aide desquels on peut découvrir [ou élaborer] les règles, les interpréter et en préciser la nature » (David, Jauffret-Spinozi 2002 : 21).
6Interprété par Noyes comme structure de relations gouvernant les rapports du propriétaire avec la chose appropriée ainsi qu’avec les tiers eu égard à cette chose, le système de propriété issu de la common law est caractérisé comme dérivé et linéaire, par opposition au système de propriété développé par la tradition romaniste, qui est direct et collatéral.
7L’apport de cette construction typologique est double.
8Permettant d’affranchir l’analyse institutionnelle du formalisme juridique sans pour autant nier son importance, cette typologie des systèmes de propriété jette un pont entre l’analyse économique du droit et le formalisme des juristes. Elle montre pourquoi et comment les formes concrètes du droit positif, telles qu’elles sont mises en œuvre par les juristes doivent être prises au sérieux par les économistes (I).
9En effet, cette typologie ne permet pas seulement de lever plusieurs incompréhensions fondamentales entre common lawyers et juristes de tradition romano-germanique, en matière de propriété, droits de propriété et d’environnement, elle permet également d’affiner, en la contextualisant, l’évaluation instrumentale des régimes de propriété privé, publique ou commune, envisagés à chaque fois comme des structures discrètes de droits et devoirs réciproques liant les parties prenantes intéressées à une même ressource naturelle et organisant ainsi un système collectif de gestion. Elle éclaire en effet l’incidence du contexte juridique sur la plus ou moins grande efficacité économique et environnementale d’un régime de propriété, les coûts de transactions liés à sa mise en place n’étant pas les mêmes selon le type concret de système de propriété dans lequel on se situe, qu’il soit direct et collatéral, ou bien au contraire, dérivé et linéaire (II).
I. Prendre au sérieux les formes juridiques de l’appropriation : l’autonomie institutionnelle des systèmes de propriété
10L’étude comparée systématique des systèmes de propriété concrets, telle que Noyes l’a développée s’inscrit dans une démarche résolument institutionnaliste, visant à approfondir la compréhension des coûts de transaction liés aux changements institutionnels en matière de propriété. A cet égard, Noyes distingue rigoureusement entre les deux aspects de la chose juridique que sont d’un côté, la substance institutionnelle formalisée par le droit, entendue comme le système de relations juridiques effectivement pratiqué dans la vie économique (institutional substance), et, de l’autre, la formalisation juridique elle-même, présentée comme une abstraction conventionnelle de faits relationnels et institutionnels (legal form) (Noyes 1936 : 18). La finalité théorique de cette distinction est de mettre en évidence l'autonomie institutionnelle des systèmes de propriété (A).
11L’intérêt méthodologique de son projet tient tout entier dans sa souplesse, dans la mesure où elle permet de mettre en regard un diagramme descriptif de la structure institutionnelle d’interrelations constitutives d’un système de propriété et la forme juridique sous laquelle ce système s’organise concrètement. D’un côté, il devient possible d’identifier, au-delà de la forme juridique, le type de structure institutionnelle et relationnelle que cette forme organise, en vue d’une appréciation des coûts de transactions qui lui sont associés. De l’autre, la prise en compte des particularités de la formalisation juridique concrétisant cette structure vient jouer comme un coefficient d’adaptation permettant d’évaluer l’incidence de ce formalisme sur l’agencement de la structure institutionnelle (B).
A. L’inertie des systèmes de propriété réfractés par leur formalisation juridique
12L’étude comparée des systèmes juridiques de propriété que mène Noyes en qualité d’économiste procède de la conviction, partagée avec l’ensemble du courant institutionnaliste, que les dispositifs institutionnels et juridiques ne sont ni transparents ni malléables, et qu’il n’est pas possible de les modifier à volonté à raison des besoins fonctionnels du moment. Noyes postule au contraire ce qu’il appelle la réfraction des dispositifs institutionnels sur les comportements individuels (Noyes 1936 : 10)3.
13A cet égard, la finalité de l’économie institutionnelle, telle qu’il la conçoit - en filant la métaphore médicale-, est de permettre l’étude « des économies individuelles, de leur ontogenèse, de leur anatomie, de leur physiologie, et de leur pathologie » (Noyes 1936 : 5). Elle a pour volet essentiel ce qu’il appelle l' analyse fonctionnelle des institutions, c’est-à-dire la description des « habitudes comportementales de la collectivité, les voies, mouvements, et activités qui peuvent être ou ne pas être formulés en termes de règles, mais tendent cependant à se cristalliser sous formes de conventions » (ibid. : 6). Mais pour être rigoureuse, cette analyse fonctionnelle doit avoir pour préalable leur analyse statique, laquelle a pour objet de dresser le « diagramme structurel du système institutionnel différencié et du réseau complexe d’interrelations qu'il organise » (ibid.). C’est à ce prix qu’il est possible de produire une nomenclature reconnue et standardisée de données institutionnelles qualitatives, telles que la propriété. Une nomenclature susceptible d’être prise en compte pour expliquer les mesures quantitatives et statistiques de l’économétrie, voire de procurer le fondement d’un évaluation probabiliste des « chaînes de séquences fonctionnelles et comportementales » caractérisant la vie et le fonctionnement desdites institutions (Noyes 1936 : 15). L’étude comparée à laquelle nous convie Noyes n’est donc rien d’autres que des prolégomènes à une économie institutionnelle de la propriété.
14La portée et l’originalité méthodologique de son effort de caractérisation et de classification, et de la distinction entre substance institutionnelle et forme juridique sur laquelle il repose, se mesure à l’aune de la distinction fondamentale, introduite par Thorstein Veblen à la fin du XIXème siècle, reprise et reformulée par Ayres après la seconde guerre mondiale, entre processus instrumental et résistance cérémonielle4. Approfondissant la compréhension de cette inertie institutionnelle (2), la distinction entre substance institutionnelle et forme juridique permet également de nourrir la critique de la manière dont la question des rapports entre propriété et environnement est ordinairement posée par l’analyse microéconomique du droit (1).
1. Les postulats de la microéconomie confrontés à l’inertie du droit
15La distinction entre processus instrumental et résistance cérémonielle est au fondement de l’analyse économique institutionnelle. Considérant le facteur institutionnel comme la contrainte principale pesant sur la diffusion des innovations technologiques, Veblen distingue en effet entre le processus instrumental, consistant essentiellement dans des activités techniques visant à la résolution des problèmes pratiques (problem-solving activities), et la résistance cérémonielle, qu’il caractérise comme des activités de résistance au changement (change-resisting activities) (in Swaney 1994).
16Or, l’application à la règle de droit d’un calcul d’efficience micro-économique, la volonté de promouvoir une surdétermination de celle-là par celui-ci, qui caractérise si bien l’analyse microéconomique du droit telle que l’a développée l’école de Chicago, représente le parfait exemple du processus instrumental. Le propre en effet de cette démarche est de partir, non du droit tel qu’il est, mais de vouloir, au contraire, reconstruire ce dernier à partir d’un calcul économique d’allocation optimale des ressources rares, érigé en norme d’efficience (Strowel 1992). L’un des apports majeurs de la théorie économique des droits de propriété que ce courant a ainsi développé est d’ailleurs d’avoir replacé dans une perspective juridique et institutionnelle la réflexion sur les problèmes de pollution et de dégradation des ressources naturelles rares. Il était classique de considérer cet éventail de phénomènes physiques comme l’expression d’une limite du marché, la conséquence de l’absence d’un système de prix reflétant la rareté relative desdites ressources et susceptible d’en sélectionner spontanément les différents usages selon leur utilité respective et d’en provoquer ainsi l’allocation rationnelle (Hugo 1993). La théorie microéconomique des droits de propriété a démontré que cette inaptitude des mécanismes économiques classiques d’allocation des ressources à réguler l’usage des biens d’environnement provenaient moins des caractéristiques physiques intrinsèques de ceux-ci que de l’absence d’un système de droits privatifs et négociables portant sur ces derniers, et de nature à permettre la prise en compte de leur rareté et la détermination de leur valeur économique (Coase 1960, Kirat 1999).
17La solution proposée à partir de ces prémisses pour résoudre les problèmes de pollutions est le type même du processus instrumental. Le principe de l’environnementalisme de marché est en effet de privatiser les biens d’environnement, c’est-à-dire d’attribuer sur les ressources naturelles des droits d’usage exclusifs et librement transférables, usuellement dénommés droits de propriété ou property rights, leur répartition et leur agencement réciproque étant par suite pleinement ouverts et soumis aux mécanismes du marché.
18Le paradoxe est que cette approche économique novatrice du droit et des problèmes liées à la gestion des ressources naturelles souffre d’insuffisances méthodologiques souvent décriées, liées à l’absence d’une véritable prise au sérieux de l’incidence du droit et des institutions positives sur les comportements des acteurs économiques. Elle s’appuie toute entière sur un individualisme méthodologique assimilant, à titre de postulat, le sujet de droit à l’agent économique doté d’une rationalité parfaite et tout entier dévolu à la maximisation de son utilité et à la minimisation de ses pertes (Rutherford & Samuels 1997). Ainsi, affirmer la surdétermination du droit par une logique d’efficience économique visant à l’allocation optimale des ressources rares implique de postuler que tout sujet de droit adopte, concernant la règle de droit, le point de vue externe dont parle Hart (1994 : 89), ce qui revient à s’appuyer sur un postulat anthropologique des plus contestables5.
19Il ne faut pas dès lors s’étonner de l’impressionnisme conceptuel de cette littérature concernant la notion même de propriété. L’environnementalisme de marché, qui propose la privatisation de l’environnement comme panacée universelle, procède d’une méconnaissance des caractéristiques juridiques concrètes des régimes de propriété commune, la tragédie des communs décrite par G. Hardin (1968) étant d’abord une tragédie des régimes d’accès ouvert (Bromley 1993). Par ailleurs, la question du coût de la définition et de l’attribution de droits de propriété privatif sur les ressources naturelles n’est généralement pas posée (Cole 2002).
20L’analyse économique institutionnelle (ou institutional economics - pour reprendre l’expression de Noyes) part au contraire du droit tel qu’il est. Elle s’intéresse aux coûts de transaction associés aux institutions et aux changements institutionnels, tels qu’ils sont provoqués par les activités de résistance au changement. Veblen distingue entre les activités de résistance cérémonielle, selon qu’elles sont actives ou passives. Les premières sont le fait de groupes d’intérêt organisés, lesquels utilisent leur contrôle de l’information et leur pouvoir économique et politique aux fins de protéger leurs positions privilégiées, dans le cadre d’un « combat pour le droit ». C’est là le champ d’analyse privilégié des sciences politiques ou de l’analyse économique des choix publics. Les secondes sont liées au contraire aux habitus, aux structures cognitives caractérisant une culture donnée, et plus particulièrement, une culture juridique (Legrand 1996).
21C’est sur ce dernier aspect qu’insistent les institutionnalistes, en affirmant l’importance de la connaissance du droit et des institutions telles qu’elles sont. Refusant d’assimiler le sujet de droit à l’homo oeconomicus doté d’une rationalité parfaite, ils ne vont pas pour autant jusqu’à présumer l’altruisme des agents économiques. Ils appréhendent au contraire le sujet de droit comme un agent doté d’une mentalité institutionnalisée (institutionalized mind), c’est-à-dire d’une rationalité limitée et affectée tant par la règle et les institutions que par leur incertitude et leur mobilité ; un agent préoccupé de sécurisation de ses relations et de ses attentes (expectations) plus encore que de maximisation de son utilité (Rutherford & Samuels 1997). A cet égard, l’un des facteurs majeurs de résistance au processus instrumental est bien sûr le formalisme des juristes, c’est-à-dire le fait pour les juristes de se préoccuper, dans un souci de sécurité juridique, de la règle de droit pour elle-même, de sa validité ainsi que de la cohérence formelle du système juridique pris dans sa globalité, indépendamment des effets pragmatiques de l’application de la règle.
22Refusant d’identifier le sujet de droit au maximisateur rationnel, les institutionnalistes refusent également de réduire le marché à n’être qu’un simple mécanisme de fixation des prix qui serait mû par les forces abstraites de l’offre et de la demande. Ils considèrent au contraire le marché comme un mécanisme économique complexe composé d’une pluralité d’institutions, où la règle de droit ne peut se réduire à une simple tarification des agissements de ses acteurs. Ils se caractérisent par une approche évolutionniste des institutions centrée sur la multiplicité et la complexité des processus de changement et d’ajustement institutionnels (Rutherford & Samuels 1997). Noyes s’inscrit entièrement dans cette perspective, puisque les institutions sont pour lui le fruit d’une invention au coup par coup et d’un processus d’amélioration graduelle (Noyes 1936 : 8). Evolutive, loin d’être figée, les institutions du droit ne s’en caractérisent pas moins par une inertie génératrice de coûts transactions, qu’il est nécessaire de prendre en compte lorsque l’on s’avise de modifier les régimes de propriété en vue d’améliorer les systèmes de gestion environnementaux.
2. Substance institutionnelle et forme juridique
23C’est le mécanisme de cette inertie cérémonielle que la distinction entre substance institutionnelle et forme juridique vise en définitive à mieux cerner.
24La démarche de Noyes est tout à fait rigoureuse. En effet - et il l’admet d’emblée - ce diagramme d’un système institutionnel d’interrelations réelles que l’analyse statique a pour vocation de produire, est nécessairement conventionnel (Noyes 1936 : 12). Il ne décrit pas une réalité existant en soi, mais vise seulement à mettre en place les cadres de compréhension nécessaires à l’analyse fonctionnelle. Pas question par conséquent d’hypostasier le système de relations d’appropriation qu’il cherche à mettre en évidence dans chacune des traditions juridiques qu’il compare. Pas question non plus de nier l’importance déterminante du formalisme juridique, dont la visée institutionnelle a pourtant permis de s’affranchir.
25Certes, en employant le terme de substance institutionnelle pour désigner le complexe d’interrelations réelles constitutives de la propriété, Noyes souligne son autonomie et sa primauté, par rapport à la forme juridique qui l’organise. La formalisation juridique n’est alors toujours qu’une cristallisation seconde. Elle ne produit guère que « les habits juridiques dans lesquels une institution est enveloppée ainsi que les droits sur le fondement desquels ces relations sont analysées et classifiées lorsqu’elles ont besoin d’être validées et protégées » (Noyes 1936 : 18).
26Mais si elle est toujours seconde par rapport à la substance institutionnelle, nous dit Noyes, la forme juridique n’est pas neutre et transparente pour autant. Bien au contraire, elle interagit avec la substance institutionnelle, voire rétroagit sur elle. D’où la nécessité de prendre en compte « la manière dont la substance institutionnelle est fonctionnellement contrainte et structurellement modifiée par la forme » (Noyes 1936 : 19). La forme juridique n’est pas neutre. Les différences de formalisation juridique d’une même catégorie d’institution juridique ne sont pas seulement le fruit de différences structurelles affectant le fait institutionnel, mais également le facteur essentiel de différenciation des systèmes institutionnels.
27C’est ici sans doute que Noyes affirme son originalité par rapport à la plupart des économistes du droit qui, même parmi les institutionnalistes, ont trop souvent tendance à balayer d’un revers de main, comme purement conventionnelles et non significatives, celles des distinctions formelles des juristes dont la prise en compte remettraient en cause leurs postulats. Noyes ne se démarque pas seulement du constructivisme de nombre d’économistes du droit, mais également du fonctionnalisme de certains comparatistes, pour qui les différences de formalisation juridique ne sont guère que des clauses de styles recouvrant une réalité économique et fonctionnelle identique.
B. La distinction des systèmes de propriété dérivés et linéaires, d’un côté, et directs et collatéraux, de l’autre
28L’étude comparée que mène Noyes des systèmes de propriété romain et anglais réalise parfaitement son programme méthodologique. Il met en évidence l’existence de deux types opposés de systèmes de propriété : le système direct et collatéral du droit romain et le système dérivé et linéaire, hérité de la Common Law. Ces systèmes sont, à l’origine, l’expression de deux types différents d’organisation sociale (1). Pour autant, il convient de garder à l’esprit que cette typologie des systèmes de propriété ne vise pas à décrire une réalité objective existant en soi, mais à disposer des repères pour saisir le fonctionnement d’un système institutionnel mouvant d’interrelations, qui trouve dans sa formalisation juridique un point d’ancrage et de stabilisation momentané. C’est en tout cas ce qui apparaît de manière particulièrement manifeste lorsque l’on confronte les termes de la comparaison droit romain/droit anglais, menée par Noyes, et la transposition de sa typologie dans le contexte d’une comparaison franco-anglaise par Marie-France Déterville-Papandréou (2).
1. La forme juridique, facteur d'autonomie institutionnelle
29Si les configurations différenciées des systèmes de propriété identifiés par Noyes tirent leurs origines des contraintes d’organisations économiques et sociales différentes, c’est à travers leur cristallisation sous une forme juridique que ces systèmes conquièrent l’autonomie institutionnelle propre à les affranchir de leur base économique et sociale initiale.
30Par système de propriété collatéral ou allodial, Noyes entend un système organisant « la détention du sol selon un droit original et absolu par des unités [individuelles ou familiales] indépendantes et coégales ; les intérêts ainsi détenus ayant des caractéristiques identiques » (Noyes 1936 : 222). Le propre d’un tel système est d’aménager des relations horizontales entre propriétaires, au sens où chacun est doté d'un statut équivalent de maître exclusif de sa parcelle de terre, et où aucun ne peut prétendre avoir juridiction sur les autres (Getzler 1999 : 85). Il implique en particulier « qu’en cas de disposition de la chose par son propriétaire, la transmission de la propriété est complète et définitive, sans possibilité de se réserver une part de contrôle ». Par ailleurs les titulaires de droits réels démembrés constituent également « des unités égales et séparées investies des prérogatives ni dépendantes, ni dérivées les unes des autres ». Par exemple, les droits de l'usufruitier et du nu-propriétaire sont « maintenus aussi séparés que possible : ces droits se trouvent sur deux parallèles qui, par définition, ne sont pas destinées à se rencontrer » (Déterville-Papandréou 1996 : 58).
31Par système de propriété linéaire ou féodal, Noyes désigne au contraire une organisation juridique disposant « la détention du sol selon un droit indépendant et dérivé par des unités [individuelles ou familiales] successives et hiérarchisées conformément à des degrés variables d’ascendance ; le caractère des intérêts fonciers étant mutuellement exclusif » (Noyes 1936 : 222). A la différence du système collatéral, dans le système linéaire, les transferts de droit sont rarement, voire jamais complets ni définitifs : chaque personne aliénant ou démembrant un droit est susceptible de conserver une part de contrôle sur la chose objet de l'opération. C’est de cette manière qu’un agencement de ces droits concurrents et simultanés en une série hiérarchique peut se mettre en place.
32Le droit romain sous sa forme classique, tel qu’il a été codifié par les Institutes de Gaius et de Justinien, s’est développé pour répondre aux besoins suscitées par les profondes transformations subies par la société romaine de l’époque classique, du fait de la conquête, de l’affirmation du fait urbain et du développement des relations commerciales (Gaudemet 2002). La thèse de Noyes est qu’il est cependant resté profondément marqué par l’organisation initiale de la société romaine archaïque en groupes sociaux indépendants, dénommés familiae, se tenant les uns vis-à-vis des autres sur un pied d’égalité. Cette société se caractérisait par une dualité marquée entre le domaine privé intrafamilial, soumis à la puissance du chef de famille et des coutumes familiales, et le domaine public interfamilial de l’organisation politique, à partir duquel le droit de la cité s’est développé pour absorber progressivement dans son champ le domaine privé (Noyes 1936 : 213)6.
33Ainsi, la donnée première du système collatéral, sa contrainte structurelle fondamentale se trouve dans l’évidence intuitive et pré - juridique, hérité de la société romaine archaïque, agraire et rurale, d’une maîtrise initiale, souveraine et sans partage exercée sur l’intégralité des êtres et des choses situés sur le territoire approprié par le groupe familial (Noyes 1936 : 122 et s.). Le dominium n’est qu’une dénomination tardive, et jamais explicitement définie par la doctrine romaine, de cette maîtrise si absolue de la chose qu’elle se confond avec elle dans sa matérialité (Noyes 1936 : 176 ; Ellul 1999 : 355 & 411). C’est elle pourtant que présuppose la distinction fondamentale entre les res corporales et res incorporates, selon que la procédure judiciaire a pour cause une chose ou un être tangible que l’on revendique comme sien, ou seulement un droit incorporel vis-à-vis d’une personne libre (obligatio) ou sur la chose d’autrui (ius in re aliena). C’est elle qui explique le caractère collatéral du système, en interdisant de facto l’enchevêtrement de maîtrises concurrentes sur un même bien. Ainsi est-ce par la construction de liens de droit (vinculum juris) entre unités indépendantes et co égales, sous la forme d’obligations personnelles (droits de obligations) ou de droits démembrés sur la chose d’autrui (droit des servitudes) que le droit romain a répondu aux besoins de coordination inhérents au commerce et à la conquête (Noyes 1936 : 201 et s.). C’est également pour satisfaire ces besoins que les juristes romains ont introduit une distinction subtile et contre-intuitive entre la maîtrise de fait de la chose (possessio) et le lien intellectuel, direct et perpétuel, unissant le propriétaire à la chose appropriée indépendamment de cette maîtrise (proprietas) (Gaudemet 2000).
34Le système de propriété directe et collatérale, adapté aux exigences d’une société urbaine et commerciale, qu’a développé le droit romain classique, eut donc l’impossibilité d’organiser des maîtrise concurrentes sur un même bien pour contrainte fondamentale, et le partage antique rigoureux entre deux champs distincts de pouvoir, le domaine public interfamilial et le domaine privé intrafamilial, pour pierre angulaire. Noyes va même en retrouver des traces jusque dans le plan des Institutes de Gaius et de Justinien, qui traitent séparément du droit des personnes et du droit des biens, puis dans un troisième temps, du droit des obligations (Noyes 1936 : 168).
35Le système anglais de propriété dérivé et linéaire s’est constitué selon une dynamique inverse. Il est issu d’une société féodale issue de l’effondrement du système dualiste romain et de l’absorption des fonctions politiques et juridiques par la villa, unité économique et foncière de production agricole, héritière tardive de l’antique familia (Noyes 1936, p. 232). Une société organisée selon une hiérarchie verticale d’unités familiales interdépendantes ayant pour colonne vertébrale le système des tenures articulé autours du fief foncier. Dans le cadre d’un tel système de propriété, ce sont les relations d’obligations personnelles entre le ou les propriétaires et les tiers eu égard au bien approprié qui sont premières, et non le lien par lequel la chose appropriée leur est attachée. Selon la doctrine des tenures, en effet, aucune terre n’était détenue en pleine propriété, mais seulement par tenure, c’est-à-dire sous condition d’obligations personnelles vis-à-vis du supérieur féodal.
36La donnée première ne fut donc pas ici une maîtrise du bien immobilier initiale, absolue et exclusive de tout partage, mais au contraire, les relations d’obligations personnelles entre le ou les propriétaires et les tiers eu égard au bien approprié. Dans le cadre d’un tel système, la propriété est dérivée notamment parce qu’elle y est conquise sur des relations personnelles préexistantes. Elle ne doit donc pas s’analyser comme un pouvoir consacré par le législateur et s’exerçant sur la chose hors de tout lien d’obligation, mais plutôt comme une protection garantie par le juge au détenteur d’un fief contre l’abus de pouvoir de supérieur féodal ou les interférences de ses pairs : dans la sphère de Common Law, le right in rem se définit négativement comme « une protection contre autrui de la possession non perturbée des objets physiques » (Noyes 1936 : 284 et 288).
37Plus précisément, en droit anglais, le propriété du sol est fondamentalement une situation juridique résultant du fait de la possession, accordant à son bénéficiaire une jouissance dont l’exclusivité s’est construite indirectement, à l’intersection des règles destinées à en protéger le bénéfice contre l’interférence des tiers (trespassory rules), à en transmettre le bénéfice ou le répartir dans le temps (doctrine of estates), et à en régler l’usage, qu’il s’agisse du droit des nuisances (law of nuisance) ou des clauses restrictives d’usage (restrictive covenants) (Harris 1986). De même, le trust, mécanisme fiduciaire permettant l’exercice de la propriété pour le compte d’autrui, s’est imposé en droit anglais comme l’outil privilégié permettant de concilier libre aliénabilité du sol d’un côté, et fragmentation des intérêts fonciers de l’autre, c’est-à-dire de libéraliser le marché foncier tout en maintenant, au moins formellement, l’existence de mécanismes patrimoniaux visant à préserver les patrimoines familiaux (Gray 1993). Là encore, c’est par le jeu croisé du formalisme de ces divers corps de règles que les juristes anglais ont retravaillé de l’intérieur le système de propriété linéaire hérité de la société féodale, pour y permettre l’émergence d’une appropriation exclusive en l’affranchissant de sa base sociale initiale.
2. La rétroaction de la forme juridique sur la configuration du système institutionnel
38Si un système de propriété trouve son point d’ancrage et de stabilisation dans les modalités de sa formalisation juridique, réciproquement, celle-ci rétroagit sur sa configuration. Ainsi, la typologie établie par Noyes ne suffit pas à elle seule pour procurer une description exacte d’un système donné de propriété. Il faut, pour en acquérir une vision exacte, la mettre en regard avec la manière dont le système est juridiquement formalisé. C’est par la mise en regard de ces deux dimensions institutionnelle/relationnelle, d’une part, et juridique/formelle d’autre part, que l’on acquiert une vision exacte et globale du système.
39Si les systèmes de propriété romain et anglais s’opposent par leurs caractéristiques tant structurelles que formelles, en revanche, le mode opératoire de leur formalisation juridique est très semblable. A chaque fois en effet, la formalisation juridique du système a été l’œuvre progressive et incrémentale des docteurs et/ou des juges. Les structures institutionnelles héritées du passé ont été appréhendées comme des contraintes, avec lesquelles il faut composer, et qu’il faut retravailler de l’intérieur pour les concilier avec les évolutions que l’on veut réaliser, mais non comme des archaïsmes qu’il faudrait abolir. C’est d’ailleurs là toute l’originalité du droit foncier anglais au regard du droit français : La propriété privée exclusive et librement aliénable s’y est formée progressivement au cœur même de l’ordre féodal, auquel elle a emprunté ses formes alors même qu’elle cristallisait une réaction contre ses contraintes.
40Au contraire, si le système de propriété français partage avec son homologue romain des caractéristiques structurelles identiques, il s’en différencie tant par le mode de constitution que par les caractéristiques de sa formalisation juridique. Le système français de propriété directe et collatérale résulte d’une rupture historique avec le système féodal des tenures, survenue dans la nuit du 4 août 1789 et consacrée tant par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août suivant que par l’entrée en vigueur du Code civil de 1804. Sous sa forme classique, il est le fruit d’une transaction entre le droit coutumier français et la tradition romaniste dont les termes ont été élaborés par la doctrine française sous l’ancien régime. Au partage antique entre domaine public et domaine privé, on a substitué un autre formalisme, celui du droit subjectif, et de la distinction, inconnue des common lawyers - pour ne rien dire des économistes de l’école de Chicago - entre la jouissance du droit et l'exercice du droit. Initiale, théoriquement antérieure à l’État, la propriété est donc en droit français l’expression d’un pouvoir de droit, fondé en titre et consacré par le législateur, sous les traits d’un domimium désormais rigoureusement conceptualisé comme la faculté d’user (usus), de jouir (fructus) et de disposer (abusus) de la chose appropriée, et par là clairement distingué de l’imperium, le pouvoir de commander aux hommes (Arnaud 1969, Halpérin 1996). On est loin ici de la propriété foncière telle que l’appréhende le common lawyer, c’est-à-dire une situation juridique résultant du fait de la possession, constatée par le juge et accordant à son bénéficiaire une jouissance exclusive dont le contenu et les prérogatives n’ont jamais été formellement définies par la jurisprudence.
41Le paradoxe est que les systèmes de propriété anglais et français, qui s’opposent tant par leur structure institutionnelle que par leur formalisme juridique sont pourtant informés par des valeurs rigoureusement identiques : celles de l’individualisme possessif et libéral occidental. Ainsi souligne-t-on régulièrement la relativité des différences conceptuelles qui opposent les deux droits. En effet, depuis le Law of Property Act de 1922 et l’abolition du copyhold7, la doctrine des tenures n’est plus qu’une curiosité historique subsistant parce qu’elle permet d’expliquer formellement pourquoi, en Common Law, la relation d’appropriation est analysée de manière médiate et indirecte. Toute terre étant en Common Law, tenue de la Couronne en vertu du principe « nulle terre sans seigneur », le propriétaire foncier n’est pas directement propriétaire du sol en lui-même, mais d’un estate sur le sol, lequel se définit classiquement comme « du temps sur le sol et le sol pour un temps »8. Mais cette particularité elle-même est à relativiser. Depuis le Law of Property Act de 1925, le seul estate en détention libre opposable sur le terrain du Common Law est l'estate en fief simple absolu en possession (estate in fee simple absolute in possession), c’est-à-dire une jouissance du sol (estate) transmissible aux héritiers (in fee), que ceux-ci soient en ligne directe ou non (simple), sans condition, notamment de délais (absolute) et ouvrant accès à une possession immédiate de la terre (in possession par opposition à l'estate in reversion qui ne donne accès qu’à une possession différée). Or celui-ci constitue une approximation du dominium romain, dans la mesure où il autorise une appropriation perpétuelle de l’intégralité des utilités du biens.
42La tentation est donc grande de conclure à la convergence des droits fonciers et au caractère fictif des différences liées au formalisme juridique. L’œuvre de Noyes nous permet de comprendre que ces différences ne sont pas neutres et expriment au contraire des divergences substantielles dans la manière dont ces systèmes de propriété sont structurés.
II. La prise en compte des distorsions conceptuelles et pratiques générées par la particularité des contextes juridiques positifs
43Sur le plan théorique, l’interaction que Noyes met en évidence entre les deux dimensions de l’autonomie des systèmes de propriété, juridique et formelle, d’un côté, et institutionnelle et relationnelle, de l’autre, permet de mieux discerner le bon usage tant des notions de « droits de propriété » véhiculées par le discours de l’économie du droit que des conceptualisations théoriques du rapport ou des rapports entre propriété et environnement que l’on peut faire dans l’un et l’autre contexte. Plus précisément, elle permet non seulement de mettre en lumière la surdétermination de ces théorisations par les formalismes juridiques concrets, mais aussi le coefficient d’adaptation dont il est nécessaire de les affecter lorsqu’on les transplante dans un contexte juridique autre que celui qui leur a donné naissance (A).
44D’un point de vue pragmatique, la prise en compte de cette interaction permet de comprendre pourquoi les différents régimes de propriété ne se concrétisent pas sous la même forme dans les différents systèmes et pourquoi leur efficience économique et environnementale diffère selon le contexte institutionnel (B).
A. Une généalogie des conflits de perception et de conceptualisation
45L’avantage de la modélisation proposée par Noyes est qu’elle permet de rendre compte non seulement des formes du droit positif mais également des variations doctrinales dans l’analyse théorique de la propriété d’une famille de droit à l’autre. Sur le terrain théorique, l’avantage majeur de cette modélisation tient en effet à ce qu’elle permet de lever nombres de malentendus et d’incompréhensions concernant l’usage que les économistes du droit font de la notion de « droits de propriété » (1) ou d’éclairer des divergences dans la manière dont sont abordés et problématisés les rapports entre propriété et environnement (2).
1. Généalogie de la compréhension implicite et pré-conceptuelle de la notion économique de « droits de propriété »
46L’une des sources majeures de malentendus voire de contresens occasionnés par la réception, dans un contexte romano-germanique, du discours de F analyse économique sur les droits de propriété tient précisément à la notion que les économistes du droit se font des droits de propriété. D’une part, ils entendent par « droits de propriété » un simple droit d’usage exclusif et transférable sur la ressource et non à son appropriation au sens romain du terme. Mais surtout, il ne s’agit pas d’une notion juridique. Tout le malentendu tient à ce que cet usage non juridique de la notion de « droits de propriété », qui peut paraître paradoxal et déroutant pour un juriste de tradition romaniste, ne l’est pas dès lors qu’on le replace dans la perspective culturelle et conceptuelle du contexte de Common Law qui l'a vu naître, tel que Noyes permet de le caractériser. En fait, la notion économique, ajuridique et préconceptuelle de « droits de propriété », comprise comme « droits exclusifs et transférables », telles que l’emploient les économistes, constitue comme le négatif photographique des différentes dimensions de la culture juridique des common lawyers en matière de propriété immobilière.
47Tout d’abord, le caractère ajuridique de la notion de « droits de propriété », n’a rien pour choquer les juristes de Common Law, pour qui la propriété se conçoit avant tout en termes de protection, contre toute interférence des tiers, de la jouissance exclusive du sol. Pour eux, en effet, le concept substantiel de propriété privée, compris comme droit subjectif, comme pouvoir exercé sur la chose appropriée, n’est pas un terme de l’art, il ne revêt pas une signification juridique technique, même s’il imprègne l’ensemble du droit foncier applicable et constitue une référence philosophique et politique constitutive de la « moralité » des institutions britanniques. Pour la majorité de la doctrine britannique, le concept de propriété (ownership) est avant tout une grille de lecture du droit positif, visant à en exprimer la réalité substantielle (Harris 1986). Ceci explique que la notion de « droits de propriété », au sens de droits d’usage exclusif et transférable attribué sur une ressource, n’ait pas de caractère juridique. Ceci explique également pourquoi les économistes aient pu employer une notion a-juridique de « droits de propriété », sans que quiconque, parmi les juristes de common law, ne songe aucunement à s’en offusquer.
48D’autre part, l’attribution, sur une ressource naturelle, de « droits de propriété » compris comme « droits d’usage exclusifs et transférables » ne peut se comprendre qu’en termes de saisine, c’est-à-dire conformément à la compréhension traditionnelle que les common lawyers ont de la jouissance exclusive en matière immobilière (Gray 1993, Lawson & Rudden 2002). Dans le contexte de l’histoire du droit français, Anne-Marie Patault a parfaitement montré que le terme de saisine doit se comprendre en terme de propriété - jouissance, de maîtrise des utilités de la chose ne s’accompagnant pas d’une maîtrise de la chose dans l’intégralité de sa matérialité, à l’opposé de la notion de dominium, de propriété - matière, qui implique une confusion étroite entre la chose et les prérogatives exercées sur elle (Patault 1989).
49Par ailleurs, la notion de « droits de propriété » des économistes, qui est a priori indifférenciée, cadre mal avec la structuration abstraite a priori des prérogatives du propriétaire, telle que l’a élaborée la doctrine romaniste depuis Bartole, en usus, fructus et abusus. A cet égard, on peut même affirmer que la notion économique de « droits de propriété » a quelque chose de profondément destructurant, et on comprend le malaise que les juristes romanistes peuvent éprouver à cet égard. Or tel n’est pas le cas des common lawyers. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter à la célèbre analyse de la notion d’ownership par Tony Honoré (1961). Définissant de manière typiquement britannique la propriété comme « le plus grand intérêt qu’il est possible de détenir sur une chose dans un système de droit arrivé à maturité », il tente d’en définir le paradigme substantiel à travers l’énumération empirique et non exhaustive de la série, potentiellement fractionnable, « d'incidents standards » du real estate, c’est-à-dire de prérogatives, telles que le droit de possession, d’usage, de gestion, le droit au revenu, le droit à la sécurité de la possession, la transmissibilité et l'absence de termes, la prohibition des usages producteurs de nuisances et l’obligation d’exécuter les jugements de dettes et d’inviolabilité (Honoré 1961 : 107).
50Enfin, les juristes de traditions romanistes sont également très mal à l’aise devant la propension des économistes du droit à appliquer indistinctement la notion de « droits de propriété » aux rapports d’obligation personnelle (Atias 1987). Or, un tel glissement conceptuel peut parfaitement s’envisager dans un contexte de Common Law où aucune distinction rigide entre le personnel et le réel n’a jamais été pleinement reçue (Samuel 1994).
51L’intérêt de la typologie de Noyes est de mettre en lumière la profonde cohérence des différentes dimensions de la culture juridique des common lawyers, en dépit même de l’absence d’une formalisation juridique propre à permettre de les articuler en une théorie juridique systématique de la propriété au sens romain des Institutes Civilis de Gaius (Samuel 1987). Elle permet ainsi de rendre compte tant de la véritable congruence qui existe entre le discours des économistes sur les « droits de propriété » et plusieurs traits majeurs de la culture juridique des common lawyers en matière immobilière, que du malaise des juristes de tradition romaniste lorsqu’ils appréhendent lucidement la notion et ne commettent pas de contresens à son propos.
2. Généalogie des conflits de conceptualisation concernant les rapports entre propriété et environnement
52Le second intérêt de la typologie des systèmes de propriété dressée par Noyes tient à ce qu’elle permet de rendre compte des divergences théoriques, qu’ont suscitées les traditions romanistes et de Common Law, en ce qui concerne tant le concept de propriété lui-même que l’analyse des rapports entre propriété et environnement. Elle permet de comprendre pourquoi la propriété est analysée en terme de droit subjectif dans les systèmes romano-germaniques et pourquoi c’est sur le terrain du common law que s’est épanouie la métaphore du « faisceau de droits » (a). Elle permet également de saisir pourquoi la relation entre propriété et environnement est posée en terme de fonction dans la doctrine française (fonction sociale, fonction écologique de la propriété), tandis que la doctrine anglo-américaine insiste plutôt sur l’idée d’éthique de gestion patrimoniale (land ethics ; steward-ship) (b).
a. L’analyse théorique de la propriété foncière
53La question de la conceptualisation du rapport juridique de propriété ne se pose pas dans les mêmes termes selon que l’on se situe dans un contexte romano-germanique ou dans celui du Common Law.
54La collatéralité des relations entretenues par le propriétaire avec les tiers titulaires de droits réels démembrés sur son bien, en permettant l’attribution du dominium sur la chose à un seul, ménage également la possibilité d’analyser la propriété comme un droit subjectif à caractère réel, et de mettre ainsi surtout l’accent sur le lien rattachant le propriétaire à la chose : « Place au droit réel, s'exclame Demolombe dans une tirade célèbre, et que tous les rangs s'ouvrent pour lui faire place lorsqu'il s'avance tout puissant et absolu, par sa seule et propre force, sans l'intermédiaire d'aucun débiteur, vers la chose même sur laquelle il porte directement... » (Demolombe 1845-1882 : t. 9, no 473). Dans le contexte d’un tel système collatéral de propriété, le courant doctrinal personnaliste ne pouvait que rester minoritaire, lui qui, à la fin du XIXe siècle, contestant que le droit réel puisse s’analyser comme un pouvoir sur un chose, n’y voyait au contraire qu’une variété de droit personnel s’accompagnant d’une obligation passive universelle (Ripert 1902 ; Zénati & Revet 1997 : no 211).
55Il faut dire que la conceptualisation réaliste classique du rapport juridique de propriété liant le propriétaire à la chose appropriée ne pose plus guère de problèmes pour la doctrine juridique française, depuis que le législateur français en a donné, dans le cadre de l'article 544, une définition législative conforme à la notion qu’en avait construite plusieurs siècles de doctrine romaniste depuis Bartole (Arnauld 1969). Cette clôture législative du concept de propriété s’est d’ailleurs accompagnée d’un appauvrissement considérable de la réflexion théorique sur le sujet même si des efforts récents ont été menés pour la revivifier (Xifaras 2004).
56Dans la sphère du Common Law, où prévaut un système de propriété linéaire laissant dans l’indétermination le contenu des prérogatives du propriétaire, la question de la notion de propriété s’est révélée beaucoup plus problématique dès lors qu’il s’est agi d’en produire une conceptualisation cohérente avec le droit positif. Cette question s’est posée avec une virulence toute particulière dans le contexte du droit constitutionnel américain, où il est apparu nécessaire de proposer des critères substantiels cohérents de la privation de propriété (taking) au sens du Ve amendement. En Common Law anglaise en effet, la pluralité des grilles de lectures applicables au droit positif a conduit à ce que Noyes appelle un conflit des schématisations du rapport de propriété, sans qu’aucun effort théorique ne soit conduit pour réduire la contradiction. La tradition britannique a pu ainsi laisser cohabiter paisiblement une tradition théorique d’inspiration romaniste, dépourvue de toute influence sur la pratique juridique et contentieuse des juristes, et à l’opposé, la permanence en droit positif de formes et de classification juridiques informant encore la pratique des juristes tout en étant complètement déconnecté des réalités économiques et sociales (Noyes 1936 : 286 ; Lobban 1991).
57L’équilibre des positions doctrinales s’est inversé, en faveur d’une approche personnaliste, depuis que Hohfeld a établi que tout droit sur la chose (right in rem) est susceptible de s’analyser en un composé d’une ou plusieurs relations entre le propriétaire et les tiers vis-à-vis de la chose, parmi ce qu’il présente comme les quatre relations juridiques fondamentales. Ainsi la propriété s’analyse-t-elle, non comme un dominion exclusif exercé par un propriétaire sur son bien conformément à la définition qu’en donnait encore Blackstone, mais comme un faisceau de droits, reliant le propriétaires à d’autres personnes à propos de son bien, et se composant d’une masse de revendications, privilèges, pouvoirs et immunités ayant pour corrélats respectifs des devoirs, l'absence de droits, des responsabilités et l'absence de pouvoirs (Hohfeld 1913 et 1917)9. Plus précisément, la métaphore du « faisceau de droits » a pour origine l’amalgame entre cette analyse théorique par Hohfeld des relations juridiques fondamentales et l’énumération empirique des prérogatives du propriétaire par Honoré (Penner 1996).
58Cette métaphore a été doublement critiquée. D’une part, elle a l’inconvénient de conduire à la négligence complète du fondement matériel de la relation d’appropriation et finalement, selon une formule désormais célèbre, à une « désintégration de la propriété » (Grey 1980). Aujourd’hui, dans la sphère de Common Law américaine, l’effort doctrinal tend plutôt à restituer à la relation d’appropriation l’intégrité de son fondement matériel, dans la perspective notamment d’une meilleure analyse de ses rapports avec l’environnement (Arnold 2002). Par ailleurs, la doctrine britannique est aujourd’hui unanime à reconnaître que cette métaphore ne reflète pas fidèlement l’approche que le droit anglais a de l’appropriation immobilière (Penner 1997 ; Bright 1999). Conservant cependant l’approche personnaliste, K. Gray propose de définir la propriété comme « une prérogative (power-relation) consistant en un contrôle juridiquement sanctionné sur l'accès au bénéfice d'une ressource excluable » (Gray 1991).
b. Les rapports entre propriété et environnement
59La question du rapport entre propriété et environnement est posée de manière très différente selon que l’on se situe dans le contexte du Code civil ou dans celui du Common Law. Certes, il s’agit, dans chaque cas, d’apprécier dans quelle mesure les règles qui régissent l’appropriation du sol permettent ou non de mettre en œuvre les principes généraux d’une éthique patrimoniale de développement durable, visant à « satisfaire les besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Brundtland 1988 : 51). Toute la différence entre le système de propriété dérivée et linéaire, tel qu’on le trouve dans le cadre du Common Law, d’une part, et le système de propriété directe et collatérale consacré par le code civil, d’autre part, tient à ce que le premier autorise une réinterprétation des règles gouvernant la maîtrise foncière, dans le sens d’une redéfinition de sa nature et de son étendue, tandis que le second l’interdit. Là encore, les termes du débat théorique sont en grande partie surdéterminés par la configuration du droit positif.
60La littérature juridique anglo-saxonne est unanime à considérer la notion de garde ou d’intendance (stewardship) comme la caractérisation de la maîtrise foncière reflétant le plus fidèlement l’objectif de développement durable : « la notion de surintendance [stewardship] (...), qui impose un devoir de garde et peut-être aussi d’amélioration de l’environnement, est étroitement liée à celle de développement durable. Les deux impliquent un souci des générations futures, et les deux requièrent du propriétaire de choisir la manière de promouvoir le développement la plus respectueuse de l’environnement » (Aider & Wilkinson 1999). Contre le principe de prérogatives exercées discrétionnairement par le propriétaire hors de toute obligation patrimoniale à l’égard de la société, l’idée de garde ou de surintendance (stewardship), telle que l’appréhende la littérature anglo-saxonne, souligne au contraire « l’interpénétration structurelle des obligations sociales et des droits invidivuels » (Gray 1994).
61Or, l’opposition entre propriété (ownership) et garde ou surintendance (stewardship) réactive de manière laïcisée un vieux débats traversant la tradition judéo-chrétienne occidentale, et plus particulièrement la théologie catholique, opposant deux visions différentes de la relation de l’homme à Dieu à l’égard du monde (Passmore 1974 ; Friedman 1967 : 110-111). D’un côté, l’homme est appréhendé comme ayant reçu de Dieu mandat pour exercer une domination sans partage. Selon cette tradition, l’homme est maître de droit du monde qui l’entoure et qui a vocation à lui être soumis (Lucy & Mitchell 1996 : 571). On trouve l’idée d’un droit général de l’homme sur les choses qui, reprise sous une forme laïcisée par l’Ecole protestante du Droit de la Nature et des Gens, est à l’origine du concept moderne de propriété, tel que le définit par exemple l'article 544 du code civil (Renoux-Zagamé 1987). L’autre tradition, dans laquelle s’enracine l’idée de garde ou de surintendance (stewardship), considère au contraire l’homme comme le lieutenant de Dieu sur terre, activement responsable devant lui de la garde de la création. Dans sa version moderne, la notion de garde ou de surintendance substitue la relation de l’homme au reste de la communauté humaine à celle de l’homme à Dieu (Lucy & Mitchell 1996 : 571).
62La spécificité du débat anglo - américain concernant les relations entre propriété et environnement tient à ce que les rapport entre les deux grilles d’interprétation possibles de la maîtrise foncière, restent indéterminées, du fait de l’absence en common law, d’une définition juridique positive des prérogatives attachés à l’appropriation du sol. En fait, le droit anglais de la propriété foncière, tel que l’a rendu possible le système de propriété dérivée et linéaire au sein duquel il s’est développé, se caractérise, pour reprendre une expression célèbre, par sa texture ouverte, c’est-à-dire qu’il laisse ouvert un espace d’interprétation où peut se nouer le dialogue entre plusieurs valeurs opposées (Hart 1994 : 128). C’est ainsi que la littérature anglo saxonne insiste régulièrement sur la possibilité de combiner, de superposer, voire de substituer l’une à l’autre les deux grilles de lecture du droit de la propriété immobilière. Ainsi, le développement du droit des torts, tels que nuisance ou trespass, visant à protéger la jouissance exclusive du propriétaire foncier contre les interférences extérieures, a-t-il favorisé la notion de propriété (ownership), tandis que les doctrines de l'estate et du trust renvoient de manière latente ou expresse à la notion de garde et de surintendance. La notion de trustee (fiduciaire) en particulier est quasiment l’équivalent de celle de steward (Gray 1994 & 1996, Aider & Wilkinson 1999, entre autres)10. En fait, certains auteurs prétendent même qu’il serait parfaitement possible, au regard tant des doctrines jurisprudentielles que des dispositifs législatifs de restrictions administratives informant le droit anglais de la propriété foncière, de substituer, à droit constant, la notion de garde ou de surintendance à celle de propriété comme grille d’interprétation du droit positif en la matière (Lucy & Mitchell 1996).
63Un tel bouleversement des conceptions indépendamment d’une réforme législative de l’article 544 serait inenvisageable en droit français. Si la doctrine française présente quelques références éparses au rôle de « gardien » du propriétaire du bien environnemental (Malafosse 1979), on ne trouve en revanche aucune thématisation de la notion, pour ne rien dire d’une élaboration théorique. Imbue qu’elle est de ce consensus inébranlable sur la nature et la définition des prérogatives du propriétaire, le doctrine française est en quelque sorte hémiplégique : elle ne marche que sur une jambe. Pas question pour elle de réactiver pour l’instant la vieille dichotomie scholastique. Depuis la révolution française et l’entrée en vigueur du Code civil, la dichotomie entre droit de garde et droit de propriété n’a été employée qu’en matière de droit public, pour discuter les prérogatives des personnes publiques sur les biens appartenant au domaine public (Yolka 1996). Au sein du droit privé, la notion de garde est confinée au droit des obligations, éclatée entre le droit de la responsabilité et celui des contrats11.
64C’est sous la figure de la fonction sociale de la propriété que l’antique conception scholastique de la « propriété - mandat » a été réintroduite dans la doctrine juridique française (Duguit 1920, Gilli 1975). Dans l’impossibilité de proposer une réinterprétation du concept de propriété, la doctrine française a eu recours, pour en faire évoluer l’exercice, à un facteur de limitation externe à l’institution juridique proprement dite, non pas immanent mais transcendant à celle-ci, à savoir sa finalité, laquelle constitue l’étalon au regard duquel il est légitime ou non d’imposer des restrictions à l’exercice de ses droits par le propriétaire. Par ailleurs, en l’absence des outils juridiques du trust et de la « propriété équitable », le droit français et plus généralement, les droits de tradition romaniste, ont été amenés à développer la notion de patrimoine commun de la nation ou de l'humanité. Ainsi, selon la culture juridique dont est issu sont interprète, une même convention internationale pourra être interprétée en termes de patrimoine commun (Kiss 1983) ou de public trust (Gray 1994), voire d’intergenerational trust (Redgwell 1999).
B. Un outil d’explication des modalités de concrétisation des régimes de propriété au sein des systèmes de droit positif
65Sur le terrain pratique, l’interaction entre les deux dimensions de l’autonomie institutionnelle des systèmes de propriété, institutionnelle - relationnelle d’un côté, et juridique - formelle, de l’autre, contribue à rendre compte de ce qui reste inexpliqué au regard de la classification conventionnelle des régimes de propriété, telles qu’un Bromley l’a conceptualisée, à savoir : la manière dont se distribuent les différents régimes de propriété, privée, publique et commune, au sein d’un même système de droit positif (Cote 2002). Mieux, elle contribue à expliquer pourquoi, pour des objectifs identiques de gestion environnementale, certains régimes de propriété se révèlent plus efficaces ou adaptés dans le contexte d’un système juridique de propriété particulier et non dans un autre. En effet, si, comme cela a été fort justement souligné, les coûts d’exclusion et de coordination occasionnés par la mise en place de systèmes de propriété ne sont pas partout les mêmes (Cole 2002), c’est que les deux types de systèmes d’appropriation n’offrent pas selon la manière dont ils sont juridiquement formalisés les mêmes outils d’exclusion des tiers ou de coordination des détenteurs de droits réels sur les biens fonciers.
66Si l’on prend l’exemple (topique) des systèmes de propriété anglais et français, on constate d’emblée, en les comparant, que les différents régimes de propriété, tels que Bromley les a caractérisés, ne se distribuent pas de la même manière d’un système à l’autre, lorsqu’il s’agit de mettre en place des systèmes de gestion des espaces naturels. Ce qui frappe, c’est l’importance du recours par le droit anglais à des mécanismes de droit privé, voire des mécanismes hybride (private charitable trust, statutory covenants), là où le droit français va recourir quasi-exclusivement à des procédés de droit public (domanialité publique, servitudes administratives, associations syndicales de propriétaires autorisées ou forcées), ne mobilisant que très peu les mécanismes du droit de la propriété immobilière, tel que l’organise le code civil.
67Le premier élément d’explication tient à ce que le système anglais de propriété, dérivée et linéaire, de par son origine féodale et de la confusion des dimensions réelles et personnelles, n’a guère favorisé une formalisation juridique claire de la distinction entre imperium, pouvoir souverain de commander aux hommes et dominium, maîtrise de l’intégralité des utilités économiques de la chose appropriée (Flogaïtis 1998). Du coup, il ne favorise pas non plus l’émergence d’un régime de propriété publique clairement formalisé et nettement différencié de la propriété privée. Le régime applicable aux biens de la Couronne n’est en fait qu’une adaptation du régime de propriété limitée déjà contenu dans le droit commun (strict settlement, trust for sale). Tout au plus les biens de la Couronne bénéficient-ils d’un régime d’immunité, en vertu duquel seules les dispositions législatives expresses leur sont applicables.
68Le second élément d’explication tient au caractère linéaire du système anglais de propriété, au fait que les titulaires de droits démembrés concurrents sur un même bien sont maintenus par le droit anglais dans des liens d’interdépendance favorisant leur coordination. Plus précisément, le droit foncier anglais, de par son caractère linéaire et dérivé, contient de nombreux mécanismes de coordination qui font traditionnellement défaut au système français de propriété, dont la formalisation juridique par le code civil a systématisé le caractère direct et collatéral.
69Il est connu que tant les révolutionnaires que les rédacteurs du Code civil ont eu le souci d’expurger le droit français de tout mécanisme de coordination entre personnes privées susceptibles de favoriser l’émergence de corps intermédiaires susceptibles de s’interposer entre l’intérêt particulier du citoyen et l’intérêt général de la République. D’où la méfiance traditionnelle du droit français vis-à-vis des baux emphytéotiques - qui n’ont été réintroduit, qu’au début du XXe siècle, par la petite porte du code rural -, vis-à-vis des fondations, des fiducies ; ou encore de l’interdiction de principe des substitutions fidéicommissaires.
70La consécration en France du régime de propriété privée exclusive s’est accompagnée du passage d’un modèle de gestion de l’environnement « autarcique - unitaire » (autarcique, parce que privilégiant les solutions autonomes impliquant seulement les personnes qui vivent sur le territoire géré ; unitaire parce que reposant sur la cohésion d’une communauté locale et impliquant des individus pluri - actifs et des actions - multifunctionnelles), à un système de gestion « ouvert - parcellisé » par « filières d’usage » verticales (ouvert, parce que largement dépendant de l’extérieur ; parcellisé parce que chaque utilité du milieu tend à être prise en charge par une filière verticale d’usage indépendante des autres - chasse, pêche, eau potable, etc...). Cet avènement des systèmes de gestion « ouvert - parcellisé » s’est accompagné d’une perte d’autonomie des territoires, ainsi que d’une perte de cohérence de la gestion de T environnement envisagée comme un tout (Barouch 1989).
71Si la sphère de Common Law anglaise a été moins touchée par ce phénomène de parcellisation des systèmes de gestion de l'environnement, c’est que le système de propriété de common law procure en matière foncière des instruments très souples de coopération, dont l’exemple topique est le trust. D’ailleurs, si le droit anglais n’a jamais eu la hantise des corps intermédiaires, c’est très probablement du fait de l’extrême souplesse de ce mécanisme qui a rendu possible une gamme très variée d’appropriation collective, sans qu’il soit systématiquement nécessaire de recourir à la technique de la personnalité morale (incorporation) pour garantir les droits de cette collectivité (Maitland 1936). En Angleterre, la technique du trust, et plus précisément du charitable trust, a permis l’émergence d’un véritable « tiers secteur » à but non lucratif, qui constitue un partenaire de premier plan pour les autorités publiques chargées de la protection de l’environnement et des espaces naturels (Hodge 1996).
72Le droit immobilier français ne dispose pas de mécanismes identiques à celui du trust. Tout au plus dispose-t-il d’équivalents, de « trust-like devices », qui tous impliquent cependant la constitution de personnalité morale (Walters 1981). Or, le recours obligatoire à la constitution de personnalité morale implique des mécanismes juridiques beaucoup plus lourds, et donc beaucoup plus coûteux, qu’il s’agisse de fondation ou d’associations syndicales de propriétaires. D’ailleurs la difficulté de constituer des associations syndicales de propriétaire est suffisamment grande pour que le législateur français ait prévu la possibilité d’en établir de manière forcée. L’association syndicale tombe alors sous le coup du droit public, puisque le Conseil d’État lui reconnaît le caractère d’établissement public. D’une manière générale, ce mécanisme est utilisé en milieu rural ou/et humide pour l’organisation de travaux d’entretien ou de gestion d’intérêt collectif, et a vu en 2004 son champ s’étendre à la prévention des risques naturels. L’idée est à chaque fois de rétablir les conditions d’une gestion collective qui soit à la fois « ouverte et unitaire » (Barouch 1989).
73Notons pour finir que la domanialité publique elle-même - dont on a pu souligner la proximité avec le régime des fondations (Lavialle 1990), résultant de l’affectation d’un bien à l’usage direct du public, est inenvisageable en dehors d’une appropriation du bien par une personne morale de droit public.
74Cette absence de flexibilité du système de propriété direct et collatéral institué par le Code civil français, et les coûts d’exclusion et de coordination qu’y implique la mise en place de mécanisme de gestion concertée d’initiative privée explique en grande partie le profond ancrage culturel d’une longue tradition d’interventionnisme public unilatéral en matière d’urbanisme et d’environnement.
Conclusion
75La portée méthodologique et explicative, l’utilité de la modélisation des systèmes de propriété proposée par Noyes, l’interrelation qu’il met en évidence entre les dimensions institutionnelles-relationnelles d’un côté, et juridiques-formelles de l’autre, dépasse bien sûr de très loin le cadre étroit d’une comparaison franco-anglaise.
76Ainsi, l’absence de tout équivalent dans le code civil français de mécanismes de droits de propriété équitables, caractéristiques de la Common Law, n’ont fait que renforcer la profonde inadaptation des catégories juridiques romanistes aux réalités coutumières africaines (Le Roy 1991), et peut contribuer à expliquer la nécessité, pour l’école française d’anthropologie du Droit de développer, aux fins de penser et d’articuler une gestion patrimoniale collective des ressources naturelles rares, une théorie du patrimoine et des maîtrises foncières (Barrière 2002), qui évoque un perception juridique des conflits fonciers familière au common lawyer.
77Cette approche peut également contribuer à éclairer la manière dont les problèmes de répartitions des droits sur les ressources naturelles sont posés dans le cadre de la Common Law indienne, et en particulier, l’emploi qui est fait par la Cour Suprême indienne des ressources de l’equity que leur offre la Common Law pour arbitrer les conflits d’usages et d’intérêts sur les ressources naturelles.
78Le juge indien procède en effet à un usage sélectif de la technique du trust, qui le conduit à une hybridation originale d’une logique de protection des droits fondamentaux et des techniques fiduciaires d’appropriation collective12. L’originalité de cette hybridation doit être soulignée. En effet, Les deux approches ne reposent pas exactement sur la même philosophie.
79Analysant les possibilités offertes par la Common Law de greffer sur les propriétés exclusives ordinaires de droits de propriété équitable, et la garantie que ces mécanismes peuvent représenter d’un droit d’accès aux ressources pour les parties prenantes (stake holders) dépourvues de titres formels de propriété, K. Gray notait fort justement :
«It may, of course, be asked why the interest represented in the new equitable property are not merely urged as human or civic rights. The answer must be one given by the Professor Mac Pherson: “we have made property so central to our society that any thing and any rights that are not property are very apt to take second place13. In adopting the terminology of equitable property we lock into the insidious powerful leverage of the primal claim ‘it’s mine’, and we harness this claim for more constructive social purposes. When important assets of the human community are threatened, we are able to say, with collective force ‘You can't do that: these assets are ours’. When you pollute our air or our rivers or exclude us unreasonably from wild and open spaces, we can mobilise the enormous symbolic and emotional impact of the property attribution by asserting that you are taking away some of our ‘property’» (Gray 1994: 210)
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Notes de bas de page
1 Douze ans après son étude sur les systèmes de propriété, qui s'inscrit dans une démarche institutionnaliste, il a publié, en 1948, un ouvrage extrêmement fouillé intitulé The Economic Man in Relation to his Natural Environment (Noyes 1948). Quiconque y cherchera un prolongement de son étude sur les systèmes de propriété appliqué aux problèmes d'environnement sera très déçu. La méthodologie institutionnaliste est évacuée en introduction. L'enjeu est ici d'établir un pont entre la biologie et l'économie. Quittant la perspective institutionnelle, l’étude se propose ici de nourrir le propos des économistes marginalistes concernant les mécanismes de formation de la valeur.
2 Concevoir l’appropriation du sol en termes relationnels peut paraître étrange à un juriste romaniste habitué à concevoir la propriété comme un droit réel exercé directement sur la chose à titre exclusif hors de toute obligation personnelle. Mais l’exclusion, toute exclusive soit-elle, n’en reste pas moins une relation liant le propriétaire au non propriétaire vis-à-vis de la chose appropriée, si bien qu’il est parfaitement possible de construire un méta-concept de la propriété, valide quel que soit les modalités de sa formalisation juridique, et définissant cette dernière comme l’ensemble composé de la relation juridique reliant le propriétaire à la chose appropriée et des relations que le propriétaire entretient avec les tiers relativement à cette même chose.
3 Le terme de réfraction est ici employé par métaphore. Rappelons cependant qu’il désigne un phénomène physique de déviation d’un rayon lumineux ou d’une onde électromagnétique intervenant lorsque celle-ci franchit la surface de séparation de deux milieux dans lesquelles les vitesses de propagation sont différentes, le rayon réfracté restant dans le plan formé par le rayon incident et la normale à la surface de séparation.
4 La dichotomie entre processus instrumental et résistance cérémonielle est une distinction analytique fondamentale de la tradition institutionnaliste de la première génération, allant de Thorstein Veblen à Clarence Ayres. Cette dichotomie a pour fondement la distinction, courant dans toute l’œuvre de Veblen, entre modes opposés de légitimation de la conduite humaine (behavior) : les habitudes de pensée (habits of thought) et la connaissance résultant de l’expérience (matter-of-fact knowledge). Sous la plume de Clarence Ayres, cette dichotomie permet d’opposer la technologie, nourrissant une dynamique d’évolution et de progrès, permettant la résolution des problèmes, et les institutions, source d’inertie et fondement des activités de résistance au changement (Waller 1994 ; Tool 1994). Cette distinction est reprise ici pour son utilité analytique objective, sans que soient pour autant cautionnés les a priori philosophiques pragmatiques et néo-darwiniens, qui l’ont initialement inspirée, ni le jugement de valeur dont ils sont porteurs.
5 Le point de vue externe selon Hart s’oppose au point de vue interne adopté par le membre du groupe qui adhère à la règle non seulement comme à la source mais également comme à la justification de l’obligation qui s’impose à lui. Le point de vue externe est, au contraire, celui de la partie prenante (stake holder) qui, s’abstrayant du groupe par un pas de côté, et se positionnant vis-à-vis de lui en observateur, appréhende la règle en termes de régularités de conduite observables et l’obligation en termes de prédictions et de probabilités de sanction calculables. Refusant d’adhérer à la règle comme justification de l’obligation et de sa sanction, il ne néglige pas la possibilité de ne pas l’observer si son appréciation des probabilités des sanctions lui en démontre l’intérêt dans l’optique d’une maximisation de son utilité. L’analyse microéconomique du droit fait rigoureusement la même chose lorsqu’elle appréhende la règle de droit comme méthode de détermination du prix des actions des agents, et se propose de démontrer que le critère du choix de la règle appliqué par le juge est celui de son efficience économique.
6 En cela, les analyses de Noyes confirment pleinement celles de Hannah Arendt sur la distinction entre domaine public et domaine privé dans l’antiquité (Arendt 1961, p. 65 et s.).
7 C’est-à-dire les estates détenus sur le fondement d’une inscription sur le registre manorial, et soumis de ce fait aux charges manoriales coutumières.
8 Walshingham’s Case [1573] 2 Plowden 547 à 555 (cité par Simpson 1986, p. 86) : « An estate in land is time on land and land for a time ». On voit combien ce terme de vieux français ou law french est intraduisible dans le langage romaniste ; combien la notion de domaine ou dominium lui est étrangère, qui met l’accent au contraire sur une maîtrise spatiale présumée perpétuelle de l’immeuble corporel.
9 Hohfeld propose deux classifications différentes de ces quatre relations juridiques fondamentales. Il distingue en premier lieu les corrélats statiques (Droit/devoir ; Privilège/aucun droit) et dynamiques (Pouvoir /responsabi-lité ; Immunité/aucun pouvoir), selon que ces relations expriment des situations juridiques établies ou renvoient à la faculté de créer de telles situations. Il oppose en second lieu les relations actives, c’est-à-dire des relations impératives sujettes à la compétence de l’Etat (Droit/devoir ; Pouvoir/responsabilité) et les relations passives (Privilège/aucun droit ; Immunité/aucun pouvoir), qui ne sont sujettes à aucune sanction juridique directe. On dispose ainsi d’instrument théorique très puissant pour analyser, sur le terrain juridique, les phénomènes d’externalités ou de désutilités externs.
10 II semble bien que le trusteeship soit une variété particulièrement exemplaire de ce que la doctrine anglo-saxonne entend par intendance (stewardship). Comme nous l’avons rappelé, le trust est en effet un mécanisme de propriété pour le compte d’autrui. Le mécanisme du trust permet en effet de séparer et d’attribuer à des personnes différentes l’administration et la jouissance des ressources rares. Le trustee détient formellement le titre de la propriété, ainsi que toutes les prérogatives d’administration et de gestion qui s’y rattachent : il est le propriétaire nominal de l’immeuble. De la même manière, l’économe détient des prérogatives de contrôle et des droits sur la ressource rare dont il est le propriétaire nominal, mais ces prérogatives doivent, pour l’essentiel, être exercées pour le compte et dans l’intérêt d’autrui. L’espace de liberté dont dispose le propriétaire nominal est donc étroitement délimité par l’obligation morale que l’Equity greffe sur son titre, transférant ainsi aux bénéficiaires des droits équitables de propriété le bénéfice substantiel des utilités du bien. (Voir à ce sujet : Yannacone 1978, p. 71 ; Lucy & Mitchell 1996, p. 584 ; Alder & Wilkinson 1999, p. 241).
11 En droit de la responsabilité, au regard de l’article 1382 du Code civil, la garde doit s’entendre comme un fait juridique, « le pouvoir indépendant d’usage, de direction et de contrôle sur une chose qui permet de considérer celui qui l’exerce effectivement comme l’auteur responsable du dommage causé par cette chose. » En droit des contrats, la notion de garde désigne au contraire « l’obligation de veiller à la conservation d’une chose (en empêchant qu’elle ne perde ou ne se dégrade) que certains contrats font naître à la charge d’une partie (investie ou non, par ailleurs, du droit de s’en servir) et dont l’intensité a été approuvée avec plus ou moins de rigueur, suivant des critères d’équité » (Cornu 1991, pp. 407-408).
12 D’un côté, en effet, la doctrine du public trust a été reconnue, en 1997, comme partie intégrante de la Common Law indienne et développée sur le fondement de l’article 21 de la Constitution consacrant le droit à la vie (right to life), comme l’une des composante de ce dernier, à côté du droit à un environnement sain (right to a healthy environment) et de celui aux moyens d’existence (right to livelihood). Ainsi, la Cour suprême indienne a admis le principe selon lequel l’État est le trustee de toutes les ressources naturelles qui ont vocation par nature à être affectée à l’usage ou la jouissance du public. Ainsi le public en général est-il le bénéficiaire équitable du littoral, des eaux courantes, de l’air, des forêts, et des terres écologiquement fragiles. La conséquence essentielle de cette doctrine du public trust, telle qu’adoptée par la Cour Suprême indienne est que ces ressources rares ne peuvent pas être soumises à un régime de propriété privée. Pour autant, aucun droit de propriété équitable, au sens de la Common Law, n’est reconnue au bénéfice du public. Le mécanisme du trust est donc mobilisé pour garantir la mise en place d’un régime de propriété publique propre à garantir l’exercice par le public des droits environnementaux fondamentaux que lui reconnaît la constitution (Razzaque 2001).
De l’autre côté, on ne constate qu’aucun usage similaire des mécanismes de trust n’est fait pour la protection des intérêts forestiers des minorités tribales Adivasis sur leurs territoires traditionnels (voir à ce propos les contributions de A. Menon et de D. Parthasarathy), contrairement à l’évolution jurisprudentielle consacrée par la High Court du Queensland. Celles-ci a en effet reconnue l’existence de droits coutumiers autochtones (native titles) au profit des populations indigènes, sous forme d’obligations fiduciaires grevant à leur profit l’Etat fédéré australien. Ici, la dynamique du trust est employé pour préserver les intérêts traditionnels d’une communauté, et se traduit par la reconnaissance d’authentiques droits de propriété équitables sous la forme de native titles (Ortega 2005).
13 Mac Pherson 1977 : 77.
Auteur
Chercheur à l’Université Paris II Panthéon-Assas, chargé d'enseignement à l'Université de Cergy-Pontoise.
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