Chapitre 6. Enseignement
p. 93-110
Texte intégral
I. Cadre linguistique et culturel
1Pour bien apprécier l’enseignement qui a été prodigué à Pondichéry, il est nécessaire de le situer dans le cadre dans lequel il s’est développé. Les Français s’installent dans différents endroits de l’Inde ; dans chacun d’eux on parle la langue de la région, soit : le tamoul à Pondichéry et Karikal, le bengali à Chandernagor, le maléalam à Mahé et le télougou à Yanaon. La langue officielle de l’empire mogol est le persan. La lingua franca dans tout l’océan indien est le portugais. Pour les actes religieux c’est le sanscrit, l’arabe et le latin qui sont en usage respectivement pour l’hindouisme, l’islam et le christianisme. C’est dans cette mosaïque que le français doit s’insérer.
2Pour ce qui est de l’enseignement élémentaire, il se donne dans la langue de la région. Cela se fait généralement dans des petites écoles de quartier, le plus souvent dans la partie extérieure d’une grande maison. L’aspect le plus intéressant de cet enseignement, c’est la méthode mutuelle utilisée de façon systématique et codifiée. Les élèves les plus jeunes étaient instruits par leurs aînés qui consolidaient ainsi leurs connaissances. Le maître supervisait cet enseignement et instruisait les élèves avancés. Le système était très économique. Le maître était récompensé pour ses efforts seulement par les parents. Il jouissait d’une autorité absolue sur les élèves ; les peines corporelles étaient considérées comme normales ; la formule consacrée, prononcée par le père en confiant l’enfant au maître, était « Épargnez seulement les yeux ».
3Le pays possédait une bonne tradition littéraire. La littérature tamoule, vieille d’environ deux mille ans, était encore très vivante à Pondichéry et Karikal. Des grands poètes et écrivains, comme Sivapragassa Swamy, Baradiar, Baradidassane, Sankaradas Swamigal ont vécu à Pondichéry. Le renouveau des lettres bengalies qui culmine avec Tagore fait sentir son effet à Chandernagor. Le poète moderne maléali Vallatol captive les habitants de Mahé. La langue télougoue, pratiquée à Yanaon, dans laquelle la musique carnatique a atteint son apogée, fait sentir son influence jusqu’à Pondichéry.
4Dans le reste de l’Inde, l’enseignement anglo-indien s’installe avec des universités prestigieuses comme Madras, Calcutta et Bombay. La presse anglaise et en langues indiennes se développe vite et se répand. De même la radio. Ce sont les seuls media à la portée de la population jusqu’au transfert et même un peu après.
5Quant à la population, elle est diverse, ses besoins en matière d’éducation sont divergents. Division de la population en Européens et non-Européens et de ceux-ci en gens de caste et hors caste. Les premiers ne voulant pas que leurs enfants soient mêlés avec les seconds et ces derniers ne voulant pas des troisièmes ; il fallait créer des écoles séparées pour les uns et les autres. Les premiers se distinguaient des deux autres du fait que leur langue maternelle était le français et qu’ils ne connaissaient pas le tamoul. Quant aux autres ils avaient comme langue maternelle une langue indienne développée, mais ils ignoraient tout du français. Parmi les gens de caste, il y avait en gros trois catégories : la population rurale peu intéressée par l’enseignement à la française qu’on voulait lui offrir, l’élite rurale et urbaine qui voulait avoir une éducation française pour pouvoir prétendre aux postes administratifs et la classe commerçante qui était tournée vers l’Inde et qui désirait une éducation à l’instar de celle en vogue dans le reste de l’Inde. On voit de quels atouts disposaient les responsables chargés de promouvoir l’enseignement et à quelles difficultés ils étaient confrontés.
II. Premiers Établissements français
A. Le collège
6La deuxième génération de population française apparaît dans le pays vers 1700 ; certains parents envoient leurs enfants en France pour leur instruction. Mais tous ne peuvent pas s’offrir ce luxe. Un prêtre jésuite commence à enseigner le latin à quelques jeunes Français et Portugais qui se destinent à l’état ecclésiastique. Pour les autres enfants, un missionnaire leur apprend à lire et à écrire et enseigne l’arithmétique, le pilotage et autres sciences afin qu’ils puissent gagner leur vie.
7Un collège jésuite s’ouvre à Pondichéry en 1730. Le programme comme en France consiste essentiellement en l’apprentissage du latin et de la philosophie. La langue française n’est pas une matière d’enseignement, elle intervient seulement pour les traductions. Elle est subordonnée au latin comme en France à pareille époque. Ce collège connut un grand rayonnement. Vers les années 1750 il y avait 30 pensionnaires, ceux de Pondichéry, des villes avoisinantes de l’Inde et même de plus loin : des Iles, des Philippines, du Pégou (Birmanie), du Bengale, d’Ispahan. Les élèves étaient des enfants de hauts dignitaires.
8Malheureusement, ce collège a été sujet à bien de vicissitudes. Il a été fermé à plusieurs occasions. La direction a changé de main à plusieurs reprises : les prêtres jésuites, ceux des Missions étrangères, les Pères du Saint Esprit, les professeurs laïcs, sont ceux qui en ont assumé tour à tour la responsabilité. À partir de 1899, il est entre les mains des fonctionnaires de l’éducation nationale de manière continue.
9Il a reçu le nom de collège royal quand il fut pris directement en charge par l’administration pour la première fois en 1826. Il prit le nom de collège colonial en 1848 quand le mot colonial avait du prestige et que tous les établissements publics, hôpital, jardin, etc. ont été affublés de l’adjectif « colonial ». Après la deuxième guerre le mot est devenu tabou. Par décision du 11 octobre 1949, le gouverneur ordonne la suppression de la terminologie « colonial » dans la désignation des établissements publics. Le collège a été alors baptisé « collège français ». En ville, il était connu sous le nom de collège tout simplement. Il est maintenant appelé lycée français.
10Le programme d’enseignement a évolué, toujours pour se conformer aux changements qui s’opéraient en France. On y ajoutait le tamoul. Pour se faire une idée de l’inadaptation du programme au pays, il suffit de considérer le régime des repas et des bains prescrits pour les pensionnaires par l’arrêté du 18 mars 1855 :
Repas
Petit déjeuner : café au lait et pain
Second déjeuner : deux plats de viande(filet et côtelettes), un cari, du pain et un dessert
Goûter : pain et fruit
Dîner : potage, un plat de viande, un plat de légumes, ou de la salade, un cari et un dessert
Du vin au dîner tous les jours et au déjeuner le jeudi, le dimanche et les jours fériés
Bains
Chaque semaine 2 bains pendant l’hiver et 3 bains pendant l’été.
11C’est le régime français avec en supplément le cari ; de même, le tamoul s’ajoutait au programme des études de France. Malgré son inadaptation, l’élite indienne voulait faire admettre ses enfants dans ce collège, conçu pour les Européens et qui leur était réservé, car il permettait d’obtenir le diplôme du baccalauréat, donnant accès aux postes administratifs et aussi aux études supérieures. Il fut ouvert à tous en 1879 quand, sous la IIIe République, les Indiens devinrent politiquement puissants. On comptait, en 1880, 25 % d’Indiens ; on en dénombrait 75 % en 1920.
12Les professeurs du collège n’étaient pas tous pleinement qualifiés. Malgré ses handicaps, il a produit quelques sujets d’élite.
B. Le Petit séminaire
13Les missionnaires ouvrirent vers 1773 un séminaire pour former des prêtres malabars qui les épauleraient. En 1844, quand on fit un bilan, on constata que les études étaient assez médiocres sauf en ce qui concernait le latin et la théologie. On décida de redoubler d’efforts ; à cet effet on érigea de nouveaux bâtiments, qui furent bénis, le 19 mars 1846, jour de la fête de Saint Joseph, patron de l’école. Le soir de cette journée de jubilation, il se produisit un incident. Le père supérieur voulut fêter l’événement en restant à dîner avec les élèves. Chose à ne pas faire. Il était certes le gourou mais intouchable en tant qu’Européen. Le résultat ne se fit pas attendre : révolte des chrétiens. On fut contraint de clore le séminaire sous le nom de vacances illimitées. Cet incident est très révélateur de la position respective des prêtres et des convertis et de la fragilité de l’autorité des missionnaires enseignants. Situation paradoxale et gênante pour les uns et les autres. On imagine l’effort qu’il a fallu faire des deux côtés pour l’acceptation mutuelle. Cet incident a dessillé les yeux des missionnaires ; ils ont pu se rendre compte des écueils dans leur voie, écueils qu’on a de la peine à imaginer de nos jours.
14Après des tractations et des compromis, le séminaire rouvrit ses portes. Malgré les efforts déployés, il ne donna pas les résultats escomptés en matière de formation de prêtres. La Mission se rendit compte par ailleurs de l’utilité d’un enseignement chrétien au profit de ses fidèles indépendamment du sacerdoce. Elle divisa alors le séminaire en grand et petit séminaires. Ce dernier reçut le nom de Petit Séminaire– Collège et devint un établissement d’enseignement secondaire vers 1850. Les professeurs étaient tous loin d’être qualifiés, mais certains ont compensé leur déficience initiale par l’autodidactisme. Tous ont fait preuve de dévouement et ont obtenu que les élèves travaillent et que la discipline règne.
15L’administration locale s’alignant sur la politique scolaire française adopta par la suite une politique anti-cléricale. L’institution fut fermée à plusieurs reprises et rouverte chaque fois avec changement de nom. Elle conduisait les élèves jusqu’à la première partie du Baccalauréat après quoi ils entraient au collège colonial en terminale pour la deuxième partie. Mais une sourde opposition entre les professeurs laïcs du collège et le clergé subsista pendant longtemps et se manifestait à l’occasion des examens publics dont les professeurs laïcs étaient maîtres. Les supérieurs des établissements religieux entretenaient une certaine appréhension pour leurs élèves jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale.
16Les frais scolaires étaient moins élevés au petit séminaire qu’au collège ; l’établissement répondait ainsi aux besoins de la classe moyenne ; il recevait presque uniquement des enfants ne parlant pas français. D’abord réservé aux catholiques de caste, le petit séminaire s’ouvrit progressivement aux autres catégories. En 1873, il reçoit les non-chrétiens ; les catholiques hors caste ne seront admis que plus tard en 1899. Mais les protestants devront attendre le vent de l’œcuménisme des années 1960.
C. Pensionnat de jeunes demoiselles
17Si l’enseignement pour jeunes gens s’est mis en place spontanément grâce à la diligence des missionnaires, il n’en a pas été ainsi de l’instruction pour jeunes filles. L’administration a fait venir à cet effet en 1738 trois sœurs ursulines et a ouvert un pensionnat de jeunes demoiselles. Mais ce fut loin d’être un succès. En raison de leur conflit avec l’administration et de la mésentente entre elles, elles durent repartir. L’école a été confiée en 1826 aux sœurs de Saint Joseph de Cluny. Après la laïcisation du personnel en 1903, elles ont quitté l’établissement et ouvert par la suite leur propre école. Les programmes et les examens étaient les mêmes que ceux du collège où les jeunes filles pouvaient continuer leurs études après la classe de troisième Cet établissement, d’abord réservé aux Européennes, fut ouvert à toutes les couches de la population à partir de 1879.
D. Traits communs à ces établissements
18L’enseignement était payant dans tous ces établissements. Un système de bourses aux candidats méritants fut instauré au collège ; cela a permis aux élèves des dépendances de venir y poursuivre leurs études. Les enfants des enseignants furent exemptés de rétribution.
19La scolarisation des enfants non francophones dans un établissement de type purement français posait des problèmes pédagogiques. Faute d’adaptation de l’enseignement, les résultats furent désastreux. Les enfants confiés à ces écoles au début de la scolarité se trouvaient être des illettrés après plusieurs années d’études. Ils ne connaissaient pas l’alphabet tamoul. Ils avaient appris l’alphabet français, connaissaient un certain nombre de mots ou de phrases en français, mais ne pouvaient pas s’exprimer en français même en ce qui concerne les faits de la vie courante. Au moment de la deuxième guerre mondiale, quand ils s’engagèrent dans l’armée de la France combattante en tant que volontaires et qu’il fallait écrire des lettres à leur famille, ils ne purent faire autrement que de les rédiger en tamoul avec l’aide des caractères français.
20On préparait les élèves au baccalauréat classique avec le grec et le latin. Quand le collège a été pris en charge définitivement par les professeurs de l’Éducation nationale, l’enseignement dispensé à Pondichéry a été reconnu par les autorités universitaires françaises, qui ont consenti à conférer le titre de bachelier aux candidats méritants du collège après toutefois un examen d’équivalence à subir en France. À partir de 1863, ils ont pu obtenir sur place le brevet de capacité de l’enseignement secondaire. En 1871, ils ont acquis la possibilité d’échanger ce diplôme contre celui du baccalauréat. Les sujets provenaient de France et la correction des épreuves se faisait sur place.
21Ceux qui allaient faire des études supérieures en France ont pu constater qu’ils étaient à l’aise. Certains ont pu réussir à des concours prestigieux. Un nommé Samy Sarava Retti est sorti lauréat de l’École Coloniale en 1904. Quand il s’est arrêté à Pondichéry avant d’aller rejoindre son poste en Indochine, les notables de la ville lui firent une belle fête et leur doyen, Gnanapragasa Moudaliar, lui offrit une bague en diamant. Ce fut une occasion de fierté pour les Pondichériens et de regain de confiance en l’avenir pour les jeunes.
III. Efforts d’expansion
A. Enseignement primaire
1. Institutions
22Les missionnaires ont été les premiers à créer des écoles primaires, la première ouvrit ses portes en 1820. L’administration coloniale de son côté jugea nécessaire de répandre les bienfaits de l’enseignement aux classes défavorisées. Une école primaire gratuite fut ouverte en 1827 au profit des Indiens de toutes religions et castes. On s’aperçut vite que les hors caste ne pouvaient pas fréquenter cet établissement. L’administration s’empressa d’ouvrir une deuxième école l’année suivante à leur intention. La première cantine scolaire fut ouverte dans la deuxième école en 1931. Par la suite, des écoles ont été ouvertes dans les communes rurales et dans les dépendances, avec cantines aussi. Mais les enfants hors caste n’y avaient pas accès à cause de l’opposition des gens de castes. L’Administration a essayé d’y parer en ouvrant des écoles destinées à eux dans les quartiers des hors caste.
23L’Alliance française créée en 1888 commença à s’occuper activement à répandre l’enseignement du français. Mais elle connut vite des déboires. L’enseignement pour adultes qui avait d’abord soulevé de l’enthousiasme, rencontra bientôt des obstacles. Les dames de la ville y mirent un frein disant que si l’on apprenait à lire aux bonnes, celles-ci liraient leurs lettres. C’était une époque où les billets doux et aigre-doux circulaient beaucoup en ville. Une autre entreprise de l’Alliance française qui prit un bon départ fut une école pour jeunes indiennes de caste ; cette école fut close par ordre de l’administration, qui a cédé à la pression de l’archevêque qui trouvait que l’Alliance faisait concurrence aux écoles de la mission. De plus, l’Alliance était perçue par le clergé comme une institution républicaine dont il craignait l’action pernicieuse sur les jeunes esprits.
24L’administration encouragea l’action des écoles privées par l’octroi de subventions qui étaient fonction des résultats à des examens conduits régulièrement à la fin de l’année à divers niveaux du primaire. Les premières à en bénéficier furent les écoles catholiques. Cette mesure incita les anciennes écoles traditionnelles à adopter les programmes des écoles publiques pour bénéficier de cette manne.
25Le gouvernement français voulut aller plus loin. Il décida de rendre l’enseignement obligatoire pour les Européens, les descendants d’Européens et les renonçants par décret du 25 mars 1893. Un deuxième décret du 24 mai 1898 décida de rendre l’enseignement obligatoire pour tous, mais ce décret ne fut pas promulgué par le gouverneur. Les finances de la colonie ne permettaient pas de le réaliser. Même le premier ne fut pas mis à exécution ; l’inscription resta toujours volontaire.
26En plus de la pénurie financière, il y avait d’autres raisons structurelles qui entravaient le progrès. Ce sont l’exiguïté des comptoirs, leur dispersion et leur hétérogénéité linguistique. Les langues indiennes enseignées dans les différents comptoirs n’étaient pas les mêmes ; aucune d’elles n’était connue du chef du service qui se trouvait toujours désemparé et parfois soupçonneux car il ne pouvait pas en contrôler le niveau.
27Le chef de service de l’instruction publique, Valmary, dans son « Rapport sur l’enseignement dans l’Inde française du 18e siècle à nos jours » indique qu’en 1922, soit à peu près un siècle après l’ouverture de la première école primaire gratuite, 72 % d’enfants ne sont pas du tout scolarisés et se console en disant que dans le reste de l’Inde c’est pire. En 1954 au moment du transfert on trouve seulement 70 % d’enfants scolarisés. Toutefois l’enseignement gratuit jusqu’au niveau du Brevet, et la sollicitude particulière de l’administration française vis-à-vis des hors caste, a permis un relèvement social sensible des classes défavorisées par rapport au reste de l’Inde dont on peut se féliciter.
28Pour avoir un enseignement élémentaire universel dans le plus bref délai, il n’y avait qu’un moyen, c’était d’adopter la méthode d’enseignement mutuel bien implantée dans le pays et la développer. Les Anglais en ont vite saisi l’intérêt et l’ont utilisée pour répandre l’instruction dans leur propre pays. Les responsables de l’enseignement français n’y ont pas prêté attention. Les instructions de la Métropole étaient aussi de suivre le modèle français.
2. Programme d’études
29Même pour le peu d’enfants scolarisés, les résultats obtenus n’étaient pas satisfaisants en raison de l’inadaptation du programme d’études. L’arrêté de 1827 créant à Pondichéry une école gratuite prescrivait que les élèves devraient apprendre à lire, écrire et calculer en français. Une ordonnance du 30 septembre 1843 a défini avec plus de précision le but : donner à l’enseignement élémentaire gratuit une organisation aussi rapprochée que possible de celle des écoles primaires de France. Cette politique est en contraste avec celle adoptée par les Anglais en Inde. Dans le fameux Woods’Education Despatch du 10.07.1854, la directive s’énonce ainsi :
« Dans tout système général d’éducation, la langue anglaise devrait être enseignée partout où on la désire ; mais un tel enseignement devra être toujours combiné avec une grande attention à l’étude de la langue utilisée dans le district et avec telle instruction générale qui pourra être dispensée dans cette langue. »
30Dans ces écoles primaires ouvertes dans l’Inde française, il n’y avait pas d’enfants européens et les maîtres étaient Indiens, aussi l’usage de la langue indienne s’est glissé par la force des choses, les maîtres voulant éviter un dialogue de sourds en utilisant uniquement le français.
31L’enseignement primaire élémentaire pour Indiens fut par la suite réorganisé avec six années d’études. Dans la première année il y avait une heure de français par jour et le reste se faisait en langue indienne. Le nombre d’heures de français augmentait chaque année pour ne plus laisser qu’une heure par jour à la langue indienne dans la dernière année, à la fin de laquelle les élèves devaient passer le certificat d’études primaires français. Cet arrangement, à première vue satisfaisant pour l’esprit, ne tient pas compte de la dynamique de l’apprentissage d’une langue étrangère. Il aurait fallu dès le départ une forte dose de français pour profiter du jeune âge des enfants. Il n’aurait pas fallu non plus supprimer si drastiquement la part de l’enseignement en tamoul dans les dernières années ; en effet cela empêchait ceux qui n’avaient pas mordu au français de poursuivre leur instruction.
32Le succès de l’enseignement bilingue pour les non francophones dépendait de l’apprentissage rapide et effectif de la langue française à l’aide d’une méthode appropriée. Or, on s’est contenté d’utiliser les manuels de France et l’on enseignait comme en France. Il est évident que cela ne pouvait pas donner des résultats. Une pédagogie de l’enseignement du français aux jeunes Indiens a fait cruellement défaut. Il leur fallait plusieurs années d’études avant de pouvoir comprendre les manuels qu’on mettait entre leurs mains. De plus les manuels de géographie, de sciences naturelles, préparés en France, leur présentaient des choses inconnues ou trop éloignées d’eux ; les manuels d’arithmétique leur posaient des problèmes basés sur des réalités absolument étrangères, exprimées en francs et souvent dans un style compliqué, contenant des mots rares et des structures de phrases complexes. À l’examen du certificat d’études primaires de français, il était devenu de coutume de traduire oralement l’énoncé en tamoul ! Dans certains cas le traducteur « bienveillant » en profitait pour expliquer l’énoncé en présence du président de la commission qui ne connaissait pas le Tamoul.
33Avec un tel système d’enseignement, il était difficile aux jeunes Indiens d’acquérir en langue française le niveau de certificat d’études primaires français en 6 ans. Les redoublements étaient fréquents ainsi que la discontinuation des études. Valmary, chef du service de l’instruction publique dans son rapport précité déclare :
« Au point de vue de la diffusion de notre langue nos maîtres ont beau faire on ne voit jamais ou que bien peu les résultats de leur travail. »1
B. Enseignement secondaire
1. Organisation générale
34L’enseignement secondaire qui existait dans les anciens établissements fut d’abord étendu à d’autres écoles qui ont été créées à Pondichéry et les dépendances. Parallèlement, l’enseignement primaire supérieur préparant au brevet élémentaire s’est mis en place. L’enseignement se trouvait dans une situation chaotique. Pour réorganiser l’enseignement dans les comptoirs on fit venir de France un spécialiste de l’Éducation nationale en 1879. Après étude de la situation locale, cet éminent éducateur a pensé que, pour pouvoir répandre l’enseignement de façon plus facile et plus économique, il était désirable d’avoir un type unique d’enseignement dans la colonie. Il a estimé que le baccalauréat avec grec et latin était trop éloigné des besoins et des possibilités de l’ensemble de la population et que l’enseignement du type primaire jusqu’au plus haut niveau, soit le brevet supérieur tel qu’il existait en métropole, serait la meilleure solution. Il fit dans cette perspective un certain nombre de recommandations qui furent progressivement appliquées.
35Les différents examens de l’enseignement primaire, le certificat d’études primaires de français, le brevet élémentaire, le brevet supérieur, le certificat d’aptitude pédagogique furent mis sur pied à partir de 1885. L’enseignement avec grec et latin au collège Calvé et au pensionnat de jeunes filles fut remplacé par des cours d’enseignement primaire supérieur à partir de 1885. De pareils cours furent créés dans les dépendances. À Pondichéry on mit sur pied un cours normal.
36Pour parfaire l’uniformisation, on a voulu étendre l’enseignement primaire supérieur au collège colonial et supprimer le baccalauréat au profit du brevet supérieur. L’opposition fut vive. Le brevet supérieur n’ouvrait pas les portes de l’université. Les parents des élèves du collège alertèrent leurs élus au conseil général. L’arrêté du 25 août 1899 supprimant l’enseignement secondaire à partir de 1905 fut rapporté dès l’année suivante. La tentative d’unification de l’enseignement échoua. Avec la création du baccalauréat moderne, c’est le brevet supérieur qui a disparu après quelques années. La création au collège colonial d’une section sciences-langues vivantes, sans latin, par le décret du 25 décembre 1902, a permis à ceux qui ont passé le brevet élémentaire de poursuivre les études jusqu’au baccalauréat. Il est à signaler que les diplômes du brevet et du baccalauréat délivrés à Pondichéry était reconnus en France et dans tout l’Empire français.
2. Programme d’études
37Si la question de l’organisation générale des études s’est résolue de cette manière de façon assez tardive, les problèmes des enfants qui voulaient entrer dans l’enseignement secondaire sont restés intacts. D’abord tous ceux qui avaient obtenu le certificat d’études primaires n’étaient pas admis dans les cours d’enseignement secondaire. Seulement une faible partie réussissait au concours d’entrée où le nombre de places était fixé. Même pour ceux-là l’enseignement offert présentait des difficultés car ils avaient un retard en langue française à rattraper. Les deux premières années de l’enseignement secondaire ne furent pas du tout aménagées compte tenu de l’enseignement primaire que les élèves avaient reçu. Le programme d’études français a été implanté tel quel avec l’anglais comme langue vivante étrangère 1 à partir de la sixième.
38Infliger à ces élèves l’apprentissage de l’anglais dès la sixième, alors qu’ils ne maîtrisaient pas suffisamment le français, était une grossière erreur. Il aurait fallu donner à l’anglais le statut de langue vivante 2 et reporter à la quatrième le début de son apprentissage. Cela aurait permis de renforcer la connaissance du français en sixième et cinquième avec un horaire allégé pour le tamoul où ils avaient une forte avance et qui pouvait être considéré comme langue 1.
39Les meilleurs arrivaient quand même à passer le brevet élémentaire et ceux qui n’étaient pas trop âgés entraient au lycée pour obtenir le baccalauréat - Sciences. Mais le niveau de ces élèves en français était en général plus faible que celui de leurs camarades ayant eu toute leur scolarité dans une école française. Pour y remédier, on ne trouva rien de mieux que d’instituer une note éliminatoire en français au baccalauréat par le décret du 29 décembre 1923 pris sur l’initiative du gouvernement local. La raison avancée était d’empêcher que des élèves révélant une faiblesse extrême dans les épreuves écrites de français réussissent à l’examen à l’aide des notes excellentes qu’ils recevaient en anglais et en mathématiques. Cette note éliminatoire, fixée à 6/20, ne paraît pas exagérée de prime abord et aurait dû inciter les professeurs de français à améliorer leur approche pédagogique. Mais elle produisit l’effet contraire : les professeurs qui se retrouvaient aussi examinateurs se sont arrogé le droit de décider du sort des candidats.
40Des candidats étaient recalés session après session pour cause de note éliminatoire en français bien qu’ayant une moyenne générale nettement au-dessus de la moyenne. Ils savaient écrire correctement le français mais manquaient de culture littéraire française et de la technique de la dissertation qu’on ne leur avait jamais apprise. Certains professeurs de français de la classe de première proclamaient en pleine classe avec une outrecuidance incroyable que tel ou tel ne passerait pas le Bac. Au lieu de cultiver l’amour pour la langue française, on a créé ainsi auprès des élèves l’appréhension et l’antipathie pour le français. Au fil des années, les mauvais résultats scolaires ont suscité un mécontentement auprès des élèves qui par ailleurs ont acquis un esprit militant avec le grand vent de nationalisme qui déferlait dans le pays. Alors, le proviseur du collège français a payé pour tous ses collègues dont il était le chef de file. Au moyen de grèves répétées au collège français, appuyées par les hommes politiques, les élèves ont obtenu son rapatriement en cours d’année scolaire.
3. Résultats obtenus
41Le système d’enseignement mis en place était donc mal structuré. Ce qu’on exigeait des élèves était nettement au-dessus de leurs moyens. Ils ployaient sous le poids d’une tâche trop lourde, redoublaient plusieurs classes et vieillissaient sur les bancs de l’école. Ce qu’on leur enseignait ne correspondait pas aux centres d’intérêt de leur âge. Un bon nombre quittait l’école à des niveaux divers. Seule l’insistance des parents ou leur persévérance les maintenaient à l’école. Même jusqu’au milieu du 20e siècle on pouvait voir des élèves de 25 ans en terminale !
42Le pourcentage de succès dans les examens était de l’ordre de 24 % au brevet élémentaire et de 38 % au baccalauréat entre 1910 et 1920. Il décline par la suite jusqu’aux années 1940 avec parfois le résultat « néant » proclamé solennellement, sans la moindre gêne, par le président du jury flanqué de ses collègues. L’intronisation dans la communauté des titulaires de diplômes français se faisait au compte-goutte. Le fait que le niveau exigé était trop élevé est apparu au grand jour quand les copies ont été corrigées en France et que le taux des réussites a immédiatement doublé. En effet, un centre d’examen du baccalauréat rattaché à l’Université de Paris a été créé à Pondichéry par l’arrêté ministériel du 9 août 1951 pour éviter l’influence des hommes politiques locaux sur les résultats. La correction des copies s’effectue depuis en France.
43Excellents résultats d’élite, échec scolaire de grande envergure et non scolarisation de la majorité des enfants, tel est le tableau à la fin du régime français. Le Chef de la colonie dans son discours au conseil général le 21.11.1936 a porté ce jugement sévère :
« Le service de l’enseignement tel qu’il fonctionne actuellement a fait faillite. »
C. Remarques d’ensemble
44Paris désirait faire des Indiens des Français parfaits et leur conférer tous les droits y afférents. Généreuse politique, mais il y eut peu d’élus ; la majorité de la population est restée illettrée. Vouloir franciser en faisant abstraction du capital linguistique de l’enfant et de sa famille n’était certainement pas une solution sage. Il aurait fallu profiter de la culture locale que nous avons évoquée au début et viser la double culture. Ainsi à quelque stade qu’il se soit arrêté, l’élève aurait eu un bagage correspondant en français et en langue indienne et aurait mérité véritablement son titre de ressortissant de l’Inde française.
45Valmary dans son rapport précité avait déjà constaté avec lucidité dès 1922 que l’enseignement ne correspondait pas aux besoins du milieu local, mais il a écarté la voie de l’adaptation en pensant qu’on ne pourrait plus alors délivrer des diplômes français monnayables en dehors de Pondichéry. Il aurait fallu en effet mettre sur pied un enseignement bien coordonné de la classe enfantine à la terminale, avec un dosage approprié du français et du tamoul, avec un niveau en ces deux langues défini pour chaque classe en fonction des possibilités des élèves et avec les mêmes connaissances scientifiques qu’au baccalauréat en fin de compte. Il aurait fallu obtenir pour cette filière du baccalauréat la reconnaissance des autorités de France. Ce n’était pas chose facile compte tenu de la manière de penser de cette époque. L’impérialisme culturel qui régnait alors est formulé par l’Inspecteur Carré en 1922, la même année que le rapport de Valmary, en ces termes :
« Mais nos écoles primaires doivent être entièrement françaises et ne servir qu’à l’enseignement du français. Laissons aux parents le soin de transmettre leur langage à leurs enfants et attendons tranquillement ensuite l’œuvre du temps…
Nous amènerons insensiblement les populations soumises à notre domination à s’incliner devant la force des choses et à accepter notre langue et notre civilisation, comme elles ont été forcées de reconnaître notre autorité et la force matérielle de nos armes. »2
46Pour aller à l’encontre de ce courant, il aurait fallu une forte intervention politique locale. Or, la voix de la population ne s’est pas fait entendre de façon clairvoyante et vigoureuse. Le Conseil Général qui aurait pu infléchir les décisions en la matière était entre les mains des colons et des assimilés qui désiraient pour leurs enfants francophones un enseignement purement français.
47Dans ces conditions, il était difficile au chef de service de l’instruction publique d’entamer une véritable adaptation de l’enseignement. Cependant, il était dans ses attributions de faire commencer l’anglais en quatrième pour les élèves qui avaient un retard à rattraper en français. Cette simple mesure aurait amélioré considérablement les résultats. Mais il s’est résigné à s’accommoder de ce qui existait.
48Entre les deux guerres, la mentalité a changé. Un autre chef de service qui avait été longtemps professeur au collège, Paul Josselin, pensait qu’il fallait aller de l’avant dans la voie de l’adaptation. Il a pu aussi constater le succès du choix fait par les Britanniques. Dans un article publié pendant la deuxième guerre mondiale, il s’exprime ainsi :
« Dans notre politique scolaire, il faut nous montrer réalistes et ne pas avoir peur de reconnaître qu’un enseignement purement français ne répond pas aux besoins réels et aux aspirations profondes de la grande majorité de la population et que notre culture et notre prestige n’ont rien à gagner à vouloir utiliser la langue française comme seul véhicule. »3
49La prédominance politique des colons a cessé en 1946. Une réforme de base aurait pu être envisagée alors. Mais l’Inde a acquis son indépendance en 1947. On s’est mis de suite à penser au rattachement. Et la migration vers l’enseignement anglo-indien a commencé.
IV. Enseignement anglo-indien
50Alors qu’une partie de la population, surtout parmi les chrétiens, était tournée vers la France et désirait acquérir une instruction française parfaite, une autre partie, surtout parmi les hindous, était tournée vers l’Inde et désirait pour leurs enfants le même enseignement que dans le reste de l’Inde. Aussi l’enseignement anglo-indien mis en place par l’administration anglaise s’introduisit-il dans les comptoirs. Cet enseignement était bilingue au niveau primaire ; après, l’enseignement se faisait en anglais et la langue indienne prenait rang de deuxième langue, mais le niveau requis en cette langue était égal sinon supérieur à celui prescrit pour la langue anglaise. Les résultats des examens de cet enseignement adapté aux possibilités des élèves étaient très satisfaisants, de l’ordre de 90 %. Cet enseignement permettait de faire des études supérieures variées dans l’Inde même, au cours desquelles les étudiants amélioraient leur niveau en langue anglaise. Il convenait très bien à une partie de la population indienne qui désirait un enseignement moderne sans rupture avec la culture du pays.
51Sur la demande des parents, l’administration s’est vue obligée de créer des écoles publiques de ce type à Chandernagor, Pondichéry et Mahé. Ces écoles préparaient à l’examen de Matriculation des universités indiennes, qui est équivalent au Brevet élémentaire. Le Petit séminaire ouvrit une section anglaise compte tenu des aspirations des parents. Quoique payant, cet enseignement avait la prééminence sur l’enseignement français à Chandernagor et Mahé. Le clivage de la population entre pro-Indiens et pro-Français se reflétait dans le miroir de la scolarisation des enfants.
52Après l’indépendance de l’Inde, cet enseignement connut un grand essor. Même une partie de la population, jusque-là attachée à l’enseignement français se tourna vers l’enseignement anglo-indien. Le censeur du collège français de Pondichéry plaça ses enfants dans une école anglo-indienne ! Certains parents allèrent même jusqu’à retirer leurs enfants en cours d’études dans les écoles françaises pour les mettre dans une école anglo-indienne. Ce type d’école se mit alors à se développer rapidement. Une école privée s’installa à Karikal. La congrégation des sœurs de Saint Joseph de Cluny ouvrit une école anglaise pour les jeunes filles à Pondichéry. Le Petit séminaire, où la demande pour la section anglaise gonflait alors que les inscriptions pour la section française étaient en baisse, décida la suppression de la dernière par voie d’extinction.
53L’administration, de son côté, constatant l’augmentation des effectifs dans les écoles anglaises, procéda régulièrement au dédoublement des classes dans ces écoles. À Pondichéry, la section primaire de cet enseignement fut détachée du collège Calvé pour devenir une école anglaise séparée en 1951. À la demande des parents, demande appuyée par l’Assemblée Représentative, l’enseignement fut rendu gratuit dans les classes élémentaires de cet enseignement dans les écoles publiques en 1949. D’enseignement particulier toléré, l’enseignement anglo-indien est devenu une variété d’enseignement normale de la colonie.
V. Enseignement supérieur
54Au niveau du supérieur, possibilités et besoins se sont manifestés dans deux domaines : médecine et droit.
55Des cours de droit avaient été institués dès 1838. Cette expérience a rendu possible la création d’une véritable école de droit en 1876. Les conditions d’inscription et la durée des études étaient les mêmes qu’en France. On a eu la bonne idée d’introduire l’enseignement du droit hindou et du droit musulman. Mais on les a ajoutés respectivement aux programmes de 1re et 2e années, au lieu d’en faire des matières à option de la troisième année. De ce fait, il y a eu un alourdissement de programme. Par ailleurs, l’enseignement de l’école de droit a été bien conçu car il permettait aux étudiants d’obtenir la licence en droit d’une université française après avoir subi dans une faculté de droit de France un examen oral dans les cinq codes.
56Dans cette école, l’enseignement était assuré par les magistrats et quelques avocats docteurs en droit ou expérimentés. Le niveau atteint par ceux qui passaient les examens était satisfaisant. Ceux qui ont voulu entreprendre des études de doctorat ont pu le faire sans problème. Certains se sont illustrés dans la magistrature et ont pu accéder jusqu’à la cour de cassation.
57Une école de médecine a été créée en 1863 ; elle formait, outre les infirmiers et les sage-femmes, des officiers de santé avec un programme d’études de trois ans après le brevet. La formation était assurée par les médecins et pharmaciens militaires. Le niveau de cet enseignement a été relevé par l’introduction d’un cycle d’études de cinq ans après le baccalauréat et la délivrance du diplôme de médecin local. Ceux qui sont sortis de cette école avaient une bonne formation clinique et ont donné pleine satisfaction. Mais les diplômes délivrés par l’École n’étaient reconnus ni en France ni dans les autres colonies ni dans le reste de l’Inde. Après le transfert, les diplômés de l’école de médecine ont eu à souffrir de ce fait. L’idée de soumettre les bacheliers à un cursus de cinq ans d’enseignement supérieur pour leur délivrer un diplôme à valeur purement locale était malencontreuse. On aurait dû suivre l’exemple de l’école de droit.
58Les élèves qui passaient le baccalauréat n’avaient dans la colonie le choix qu’entre la médecine et le droit. Ceux qui avaient des moyens allaient poursuivre leurs études en France. C’était le plus souvent une licence de lettres ou de sciences ou parfois la médecine en vue d’un doctorat. Après la première guerre mondiale, quelques rares bourses étaient accordées aux étudiants brillants. Quand l’université d’Hanoï s’est mise en place, on pouvait aller y faire des études supérieures dans des conditions peu onéreuses. Ce filon, qui avait une vocation à se développer, disparut à peine commencé, avec l’irruption de la deuxième guerre mondiale.
59Après celle-ci, les bourses pour études supérieures en France ont été distribuées généreusement. Pratiquement tous ceux qui désiraient poursuivre des études supérieures ont pu le faire. Certains dirigeants locaux, fiers de la science française dont ils ont été bénéficiaires, pensaient naïvement que Pondichéry pourrait devenir une pépinière de cadres supérieurs pour l’Inde ! Or, on s’est aperçu après le transfert que les diplômes français n’avaient pas une forte cote auprès des autorités indiennes. La grande majorité des boursiers ne sont pas revenus, bien qu’ils aient signé l’engagement de servir dans la colonie pendant dix ans. Le gouvernement indien n’y tenait pas. Certains qui sont revenus sont repartis après la cession de jure.
Notes de bas de page
1 Valmary, Rapport sur l’enseignement dans l’Inde française du 18e siècle à nos jours, 1922, Imprimerie moderne, Pondichéry, p. 18.
2 Carré, Méthode pratique de langage, de lecture, écriture et de calcul, Livre du maître, Armand Colin, 1922, p. 49.
3 P. Josselin, « La diffusion de la culture frrançaise dans nos établissements de l’Inde. De quelques difficultés qu’elle y rencontre », dans L’Inde française dans la guerre, Imprimerie du gouvernement, 1944.
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