Livre VI. TakkaN
p. 174-226
Texte intégral
1. Instruction
1Un jour que MalarayaN (Brahman) était assis dans son palais, entouré de ses enfants et des tēvar, TakkaN, son fils aîné, lui demanda qui était l’Etre Suprême, le plus grand des trois dieux. Le père lui répondit que CivaN seul était l’Etre Suprême, car il s’était présenté sous la forme d’une immense colonne de feu, de façon à ce qu’on n’en aperçoive ni la base ni le sommet, lorsque lui et NāraṇaN se disputèrent la supériorité de l’un sur l’autre. (st. 1-5).
2TakkaN lui demanda alors comment ῙcaN (CivaN), qui a pour fonction la destruction, pouvait être considéré comme l’Etre Suprême, alors que lui, créateur et NāraṇaN, protecteur, jouaient des rôles plus nobles que lui. (st. 6).
3« Tu n’as pas bien saisi le sens des maRai, répliqua le père. Sache que c’est PirāN (CivaN) qui, lors du déluge, détruit tout. C’est lui qui crée les êtres et les détruit pour les recréer. De lui je suis sorti, ainsi que Tirumāl. Etant en nous, il exécute, par notre organe, les fonctions respectives de création et de conservation. C’est lui qui est l’auteur des maRai. Il nous les a enseignés lui-même et nous avons pu savoir les vérités grâce à lui. » (st. 7-13).
4« Pourquoi alors les Vētam qualifient-ils de Piramam les tēvar et les autres êtres ? » continua TakkaN. (st. 14).
5« Tout ce qui est dit dans les maRai relativement à ῙcaN (CivaN), répondit Kamalattaṇṇal (Brahman), constitue une règle immuable, tandis que ce qui est dit en dehors de CivaN ne doit pas être pris au sérieux, mais doit être considéré comme simple éloge. Quel que soit l’être qu’on vénère, c’est à Pacupati (CivaN) que va cette vénération. Il n’a ni commencement ni fin. Il est la pureté absolue. Il est omniprésent et omniscient. Il est le dieu des dieux. Il est incomparable. Il échappe à toute imagination, au point que Tirumāl et moi ne parvenons pas à le connaître parfaitement. Il est l’Etre suprême, déclarent les vētam. C’est de lui qu’on peut obtenir le salut. Il est glorifié par la moitié des MaRai, tandis que l’autre moitié loue KaṇṇaN (Viṣṇu), moi-même, les tēvar, les cinq éléments de la nature et toutes autres choses. Ceux qui prennent Tirumāl ou moi pour l’Etre Suprême, vont en enfer et nous les considérerons comme nos ennemis. (st. 15-30).
6AraN (CivaN) est pati (Seigneur Suprême), tandis que nous sommes des pacu (âmes ordinaires) atteints de pācam (passion ou illusion). Ceci est établi par les maRai. Va donc visiter ses différents temples pour avoir sa grâce, sans laquelle il n’y a point de salut. » (st. 31-32).
2. Pénitence de TakkaN
7Malgré l’instruction d’AyaN, TakkaN n’aspira pas au salut. Il voulut jouir d’une richesse considérable et, partant, d’un bonheur mondain sans borne. Pensant qu’il pourrait l’obtenir par une pénitence rigoureuse, il demanda à son père de lui indiquer un lieu convenable à cet effet. NāNmukaN lui conseilla d’aller à Maṇipperuntaṭam (Mānacacarōvam). (st. 1-3).
8TakkaN s’installa à proximité de cette pièce d’eau et mena une vie austère pendant mille ans, adorant l’Etre Suprême et récitant souvent ses noms. (st. 4-6).
9Le Seigneur (CivaN) eut pitié de lui. Monté sur son taureau avec Umai, il apparut devant lui et, sur sa demande, il lui accorda le don d’exercer ses autorités, tant sur le monde terrestre que sur le monde céleste et d’avoir des enfants en grand nombre. Il lui accorda également le don de voir Parāparai (Umai) naître une de ses filles et de la marier à lui-même (CivaN) lorsqu’il se présenterait devant lui, sous la forme d’un maRaiyavaN (brahmane). Il ajouta que tous ses vœux seraient réalisés s’il suivait toujours le droit chemin. (st. 7-15).
10TakkaN, satisfait des dons reçus d’ῙcaN (CivaN), voulut voir son père et pensa à lui. NāNmukaN qui le sut par le pouvoir de sa sagesse, s’affligea des conséquences fâcheuses que pouvaient produire les dons que son fils avait reçus de CivaN, étant donné que tous ces dons avaient trait à des choses matérielles conduisant à la malignité et à la bassesse. Il se présenta néanmoins devant son fils et, selon son désir il créa une ville magnifique à laquelle il donna le nom de Takkamāpuri. (st. 16-22).
11TakkaN prit possession de la ville, entra dans le palais royal et commença à exercer son autorité. Tous ces faits furent rapportés par PoN (ViyāLapakavāN) à VācavaN (IntiraN) et les autres célestes qui allèrent de suite à Takkamāpuri pour se mettre au service de TakkaN. (st. 23-25).
12Le guru des tāNavar (Cukkirācāriyar) parvint à le savoir. Il alla voir le roi des tayittiyar (acurar) qui s’était refugié au pied du mont Mēru pour échapper aux sévices de PurantaraN, lui dit qu’il n’aurait pas à craindre ce dernier s’il allait demander protection à TakkaN. AvuṇarkōN (roi des avuṇar) suivit son conseil. (st. 26-28).
13TakkaN, respecté par les célestes et les gardiens des points cardinaux, exerça son autorité sur tous et régna en maître absolu sur tout l’univers. (st. 29-30).
3. Progéniture de TakkaN
14TakkaN se maria avec une fille belle et vertueuse du nom de MaRaikkoṭi (Vētavalli), sortie d’un des pieds du dieu sur le lotus (NāNmukaN). De son union avec elle, il eut mille enfants. Il fit célébrer pour eux les cérémonies de muppuri (cordon sacré) et leur fit donner une instruction solide des maRai. Il leur dit un jour d’aller à MātaNappokai (Mānacacaram) et d’y faire une pénitence afin d’obtenir d’AraN le don de créer les êtres. (st. 1-4).
15Les enfants se rendirent à cet étang, y firent leurs ablutions et, se trouvant dans l’eau, entrèrent en pénitence. (st. 5).
16Plusieurs années après, NārataN vint à passer près de l’étang. Il leur demanda dans quel but ils s’étaient obligés à faire cette pénitence. Ils lui répondirent qu’ils obéissaient à l’ordre de leur père. (st. 6-7).
17NārataN leur fit alors un discours. Il leur expliqua que le pouvoir de créer les êtres ne leur donnerait que des ennuis et des angoisses et leur conseilla de solliciter le don d’obtenir le Salut. (st. 8-21).
18Les fils de TakkaN changèrent d’idée. Ils aspirèrent au Salut. NārataN leur enseigna les mantiram et les sciences védiques et les quitta. (st. 22-24).
19Les mille enfants de TakkaN reprirent leur pénitence et obtinrent le bonheur céleste. (st. 25).
20TakkaN sut par sa vision mentale ce que devinrent ses fils. Il les détesta. Il eut plus tard mille autres fils. Il les envoya également à MāNatattaṭam pour y faire des pénitences en vue d’obtenir du dieu à l’œil frontal, le don de créer les êtres. (st. 26-29).
21Pendant que ces enfants étaient en pénitence, NārataN vint les voir. Il leur fit le même discours qu’aux premiers, parla du bonheur éternel qu’ils eurent et changea ainsi leur intention. Puis, sur leur demande, il leur enseigna les sciences spirituelles. (st. 30-50).
22Les mille enfants du second groupe firent leur pénitence dans un but plus noble et obtinrent le salut. (st. 51).
23TakkaN parvint à le savoir, toujours par sa vision mentale. Il eut cette fois une grande aversion à l’égard de NārataN et lui lança une imprécation, disant qu’il serait toujours errant dans l’univers, sans se reposer. (st. 52-55).
24Vexé de la conduite de ses fils, il ne voulut avoir désormais aucun enfant mâle. Il eut donc vingt-trois filles, nommées respectivement Cuputti, Putti, Curacai, Tiruti, Tuṭṭai, Kiriyai, Kīrtti, Cirattai, Ilaccai, Mētā, Katti, Cāntai, Vapu, Kiyāti, Campūti, NāricaN Nati, Miruti, Piruti, ŪRcai, ANacuyai, Cuvā, Kamai et Cuvatai. Il maria les treize premières filles à TaNmaN (Darman) et les dix autres respectivement à Piruku, Marīci, PulattiyaN, Aṅkira, PulakaN, VaciṭṭaN, Attiri, AkkiNi, Kiratu et Pitāra.
25TaNmaN eut vingt-sept enfants mâles.
26Piruku eut deux garçons : Vitāta et Tāta et une fille Ilakkumai (Lakṣmi) qu’il maria à Tirumāl.
27Marīci eut quatre filles qui eurent de leur côté plusieurs enfants.
28PulattiyaN eut beaucoup d’enfants.
29Aṅkīra eut deux garçons : AṅkitīraN et ParataN, et quatre filles, lesquelles donnèrent naissance à des muNi.
30PulakaN eut un fils, Tattātiri et, par lui, un petit-fils du nom de KumpaN.
31Vaciṭṭar eut une fille et sept garçons.
32Attiri eut quatre fils nommés respectivement CattinēttiraN, CantiraN, CaNi et CaṅkatāNaN.
33AkkiNi eut trois garçons.
34Kiratu eut également trois garçons.
35Pitāra eut deux filles : MēNai et Pūmi.
36Le roi des Himālaya se maria avec MēNai.
37Mēru épousa Pūmi et eut un enfant, Mantarakiri.
38Mantarakiri fit une pénitence implorant le dieu à trois yeux, qui lui promit de résider sur son sommet.
39Mēru eut ensuite une fille, nommée Vēlai, qu’il maria au dieu des océans (VaruṇaN).
40Celui-ci eut une fille, Caravaṇi, qui se maria avec PirāciNaN.
41PirāciNaN eut dix enfants mâles. (st. 56-66).
4. Malédiction de CantiraN
42TakkaN, dont la postérité était déjà très nombreuse, eut enfin vingt-sept filles qui représentaient les vingt-sept constellations. Il les maria à Taṇmatikkaṭavuḷ (CantiraN) et lui dit de ne faire aucune distinction entre elles et d’avoir le même amour à l’égard de chacune d’elles. (st. 1-2).
43Tiṅkaḷ (CantiraN) mena une vie heureuse avec ses vingt-sept femmes. Mais quelque temps après, il s’éprit d’Aral et de sa sœur cadette (Kārttikai et Urōkani), les plus belles de ses nouvelles femmes, et témoigna de l’indifférence à l’égard des autres. Celles-ci s’en plaignirent auprès de leur père qui lança une malédiction contre son gendre, disant qu’il perdrait ses doigts* un à un et qu’ainsi il s’anéantirait complètement. (st. 3-6).
44Tiṅkaḷ commença à disparaître petit à petit. Il diminuait d’un doigt par jour. Il arriva qu’il ne lui en restait qu’un seul sur seize. Il alla voir le roi des célestes (IntiraN) et lui exposa ses doléances. Celui-ci lui rappela la malédiction qu’il avait eue déjà de la part d’IpamukaN (VināyakaN), qui, grâce à l’intervention de TicaimukaN (PiramaN) et des tēvar en sa faveur, l’avait atténuée, disant qu’il ne serait invisible qu’une fois dans l’année, le quatrième jour de la nouvelle lune du mois de VeyyōN* (soleil). Il ajouta que la nouvelle malédiction étant de nature à le ruiner entièrement, il pourrait avoir recours à Viti (NāNmukaN) pour s’en délivrer. (st. 7-15).
45Tiṅkaḷ alla de suite au monde de MuḷariāN (NāNmukaN), lui fit part de son malheur et le pria d’intervenir auprès de TakkaN pour retirer sa malédiction. Tiṅkaḷ lui dit que TakkaN avait changé de caractère et qu’il ne l’écouterait pas. Il lui conseilla d’aller se plaindre auprès de CivaN et lui rappela la grâce que ce dernier avait accordée au jeune (MārkkaṇṭeyaN). (st. 16-34).
46CantiraN alla à la montagne d’argent (Kayilai). Autorisé par le gardien (Nanti), il pénétra dans le palais du Maître à la chevelure rousse (CivaN), le salua, lui parla du danger qui le menaçait et le pria de le sauver. (st. 35-40).
47De sa main, le Maître saisit Tiṅkaḷ qui n’avait à ce moment qu’un seul doigt et le serra dans sa chevelure. Il lui dit qu’il n’avait rien à craindre et que dans quinze jours il reprendrait ses autres doigts, à raison d’un par jour, pour les perdre ensuite un à un pendant la quinzaine suivante, de façon qu’il lui resterait toujours un doigt et que ce système se reproduirait perpétuellement. (st. 41-45).
48Mati (CantiraN) le remercia et retourna à sa demeure habituelle. Son corps décroissait et recroissait ensuite, ainsi que lui avait dit CivapirāN. (st. 46-48).
49TakkaN parvint à le savoir. Il se fâcha contre NakkaN (CivaN) et parla mal de lui. Le sage PulakaN qui était avec lui, le calma, lui fit remarquer que le dieu à l’œil frontal, en accordant sa grâce à CantiraN, son dévot, n’avait pas supprimé totalement son imprécation contre lui et lui dit que ce même dieu pourrait devenir un jour son gendre, comme Tiṅkaḷ. (st. 49-62).
5. Umai quitte le Kayilai
50Un jour que le Maître sans tache (CivaN) et Caṅkari (Umai) se trouvaient dans leur palais, sur le mont Kayilai, la déesse demanda à son époux quels étaient son état et son rôle réels. Le Maître lui parla alors de son omniprésence, étant cependant sans forme et sans caractère aucun, de la création par lui des cinq catti (Parācatti, Āticatti Iccācatti, ÑāNacatti et Kiriyācatti) des vingt-cinq formes (de Makēcuvarar) qu’il avait prises ensuite, de la création des trente-six propriétés (provenant des Cuttamāyai, Acuttamāyai et Pirakiruti), des cinq fonctions qu’il assume pour le bien des êtres et enfin de la destruction par lui de tous les êtres et de son indestructibilité. (st. 1-8).
51Cuntari (Umai) lui fit remarquer qu’il était en contradiction avec lui-même, en disant d’abord qu’il n’avait pas de forme et ensuite qu’il prenait les vingt-cinq formes (de Makēcuvarar). (st. 9).
52Le père de KantaN (CivaN) maintint qu’il n’avait point de forme et que les diverses formes dont il avait parlé n’étaient que des manifestations de sa grâce. La déesse, satisfaite de cette réponse, lui dit que la grâce étant sa propre représentation, toutes ces formes étaient les siennes et s’en vanta. (st. 10-11).
53Le Maître répliqua : « Je suis dans tous les êtres. Grâce à ma présence chaque être à sa conscience. Mon absence en lui entraînera l’absence de sa conscience ou de son intelligence et partant sa propre destruction. Je suis également en toi, sinon tu n’aurais point de clarté d’esprit. Je vais te le prouver. » (st. 12-14).
54Ceci dit, il cessa un instant ses activités. Tous les êtres devinrent aussitôt inactifs. Cuntari eut peur de cette situation. Elle se rendit compte de l’état réel d’AraN. Elle lui demanda de pardonner son orgueil et le pria de faire reprendre aux êtres leur conscience et leurs actes. (st, 15-20).
55CivaN pensa d’abord aux différents Uruttirar. Ceux-ci, reprenant leur connaissance, surent que leur inertie était due à sa volonté. Ils voulurent ranimer les autres êtres et faire à cet effet un arccaNai (adoration) au dieu à l’œil frontal. Ils allèrent donc au monde terrestre, s’installèrent au lieu dit AruccuNavaṭṭam (Tiruviṭaimarutūr) qui était plongé dans les ténèbres et firent leur pūcai (pūja) selon les règles prescrites. (st. 21-29).
56Le dieu à trois yeux satisfait de l’adoration des Uruttirar se présenta devant eux. Sur leur demande, il fit sortir de l’inertie tous les êtres. Ils se prosternèrent alors à ses pieds et sollicitèrent la faveur d’accorder à tous ceux qui l’adoreraient, comme eux, pendant la nuit, le profit qu’on tirerait en l’adorant pendant le civarāttiri, c’est-à-dire la nuit qui suit le quatrième jour de la quinzaine noire du mois de māci (février-mars). Il leur accorda ce don et les quitta. (st. 30-39).
57AmpuyaN (PiramaN) et les célestes allèrent au mont Kayilai et prièrent NampaN (CivaN) de leur indiquer le moyen d’abolir la faute qu’ils avaient inconsciemment commise en n’observant pas les règles rituelles pendant qu’ils étaient sans connaissance et sans mouvement. Le Maître leur dit que seule Umai était responsable de cette faute et qu’ils n’avaient pas à s’en inquiéter. PankayācaNaN (PiramaN) et les tēvar le remercièrent et rentrèrent chez eux. (st. 40-42).
58Umai demanda alors à son époux comment elle était responsable de la faute des autres. Il lui fit remarquer qu’à cause de son orgueil il avait mis dans l’immobilité tous les êtres, dont l’inaccomplissement des devoirs leur causait un malheur qui, au lieu de les affecter directement, devait avoir son influence sur elle, en raison de son orgueil qui en était la cause primordiale. (st. 43-45).
59Umai trembla de peur. Elle pria son époux de lui indiquer le moyen de réparer cette faute. Il lui dit : « Va faire une pénitence dans le fleuve Kāḷinti en prenant la forme d’une conque. TakkaN viendra un jour la prendre. Tu te transformeras alors en un bébé qu’il portera à sa femme. Pendant que tu seras élevée chez eux, je viendrai t’épouser et je te ramènerai ici. » (st. 46-49).
60Umai alla au fleuve Kāḷinti, prit la forme d’une conque et entra en méditation en se mettant sur une fleur de lotus, près du bord de ce fleuve. (st. 50-52).
6. Kāḷinti
61Le fleuve Kāḷinti (appelé aussi YamuNai) avait un caractère sacré. Ses eaux se couvraient de toutes sortes de fleurs que les différents arbres de ses bords y laissaient choir et présentaient un aspect ravissant. Kāḷinti charriait dans son cours, perles et pierres précieuses, santal et corail. Les filles célestes admiraient son charme. Les habitants de la terre comparaient ce fleuve à la mer, car il était si large que d’une rive on voyait à peine la rive opposée. Il alimentait toutes les régions qu’il traversait. Le bruit que produisait son cours était si grand qu’il atteignait les cieux. En somme, il était tel qu’on ne pouvait jamais en faire une description complète. (st. 1-13).
62C’était le jour de la fête de Mācimakam. Hommes et femmes allèrent prendre leur bain dans la YamuNai. TakkaN voulut en faire autant. Il envoya d’abord son épouse Vētavalli à la rivière avec d’autres femmes et y alla lui-même ensuite, accompagné des célestes qui étaient alors à son service. Après ses ablutions, il aperçut une conque sur un lotus blanc. Attiré par son charme, il alla la prendre. Elle se transforma dans sa main en un bébé du sexe féminin. Etonné et ravi, il le porta à sa femme qui sortait de son bain non loin de lui. Il pensa au don que lui avait accordé Vēṇiaṇṇal (CivaN) et se dit que le bébé n’était autre que Kavuri. (Umai). (st. 14-19).
63Vētavalli reçut l’enfant avec joie. Le lait ayant jailli alors spontanément de ses seins, elle l’allaita. Elle rentra ensuite à son palais, suivie de ses compagnes. TakkaN retourna à sa cour avec les célestes. (st. 20).
7. Pénitence d’Umai
64Vētavalli élevait avec beaucoup d’affection son enfant. Celle-ci atteignit sa sixième année. Elle eut un jour l’idée de faire une pénitence, implorant celui qui l’avait dans une moitié de son corps (CivaN). Elle communiqua son intention à ses parents et leur demanda de construire pour elle une salle spéciale de pénitence. Les parents acquiescèrent à son désir. Ils firent construire en dehors de la ville, en un endroit isolé, une belle salle avec tout le confort voulu et y installèrent leur fille. Ils y envoyèrent également d’autres jeunes filles, à son service. (st. 1-6).
65Après le départ de sa fille, Vētavalli demanda à son mari comment elle avait pu, à son âge, concevoir l’idée d’une pénitence envers CivaN. TakkaN lui parla alors de sa propre pénitence et du don que CaṅkaraN (CivaN) lui avait accordé. Il ajouta que selon ce don Umai s’était présentée sous la forme de cette fille et que celle-ci deviendrait après sa pénitente l’épouse de CivaN. (st. 7-10).
66Ampikai (Umai) mena une vie austère pendant six ans, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de douze ans. Le dieu à trois yeux voulut lui accorder sa grâce. Il prit la forme d’un vētiyaN (brahmane) et se rendit à la salle de pénitence de Caṅkari (Umai). Celle-ci pensa qu’il était un dévot de CivaN et le salua. (st. 11-18).
67Le visiteur lui dit qu’il était venu chez elle dans l’intention de épouser. Ces mots l’irritèrent. Elle ferma de ses mains ses oreilles et remarquer qu’elle faisait sa pénitence en vue de se marier avec l’Etre Suprême (CivaN). Le dieu lui répliqua que toutes ses austérités étaient vaines, étant donné que l’Etre Suprême ne daignerait jamais épouser une fille de son genre. (st. 19-22).
68La pénitente se mit en colère. D’un ton furieux elle lui dit qu’elle n épouserait personne autre que ParamaN (CivaN) et que, si ce dernier ne l’accueillait pas, elle continuerait sa pénitence jusqu’à sa mort. Ceci dit, elle invita le visiteur à se retirer. (st. 23-24).
69Le dieu lui fit voir alors sa forme réelle. Amalai (Umai) trembla à sa vue. Elle sut que c’était PirāN (CivaN) qui s’était présenté devant elle sous la forme d’un vētiyaN. Elle se prosterna à ses pieds et le pria de lui pardonner pour l’indifférence qu’elle venait de montrer à son égard.
70Ses compagnes qui ne comprenaient rien à ses gestes, allèrent rapporter cet incident à TakkaN. Celui-ci parvint à savoir, par sa sagesse, que celui qui n’a ni commencement ni fin était descendu en vue d’épouser sa fille et décida de célébrer leur mariage. (st. 25-30).
8. Le mariage
71TakkaN pensa qu’il était opportun de célébrer le mariage de sa fille le jour même. Il donna des ordres pour embellir la ville et envoya chercher les célestes. Il alla ensuite à la salle de pénitence de sa fille. Il y trouva l’Etre Suprême. Il lui fit part de son intention et le pria de venir à son palais, avec sa fille, lui disant qu’il avait fait tous les préparatifs de leur mariage. (st. 1-5).
72Le dieu quitta la salle de pénitence et se rendit avec Umai au palais de TakkaN. Ils furent reçus à la porte cérémonieusement par des jeunes femmes qui conduisirent Umai dans un appartement spécial, où elles l’ornèrent de beaux bijoux et l’habillèrent de riches vêtements, après des ablutions somptueuses. Vētavalli embrassa sa fille avec joie et l’amena au siège nuptial où elle prit place à côté du Maître. (st. 6-11).
73MātavaN (Tirumāl) et les autres dieux, ainsi que les célestes assistèrent au mariage. Des instruments de musique de diverses sortes retentirent. TakkaN, tout en récitant les maRai (Veda) mit la main de sa fille dans celle d’AraN (CivaN) tandis que sa femme versait de l’eau dans leurs mains. Puis il dit : « Seigneur ! Je vous ai donné la main de ma fille. Elle est donc votre épouse. Il vous incombe désormais le devoir de la protéger. » Les dieux et les célestes chantèrent ensuite les louanges des mariés. (st. 12-20).
74Soudain le Maître s’éclipsa. La déesse s’affola de sa disparition. Elle quitta son siège et alla rejoindre précipitamment le groupe des femmes. Elle se lamenta et pleura à chaudes larmes. (st. 21-26).
75Vētavalli désolée de voir sa fille dans cet état, essaya de la consoler. Tiru (Lakṣmi) et Nāmakaḷ (Sarasvati) la calmèrent par des paroles douces. Cependant la déesse ne put se rassurer. Elle quitta le palais de son père et retourna à la salle de pénitence pour y reprendre ses austérités. Les dieux qui avaient assisté au mariage s’affligèrent eux aussi de la disparition subite du Maître. (st. 27-31).
76TakkaN, vexé et courroucé, maudit CivaN et se plaignit de son geste. Il laissa partir les invités et se retira seul dans une chambre de son palais. (st. 32-35).
77Pendant que Kavuri (Umai) faisait sa pénitence d’une façon plus rigoureuse que précédemment, PaṇṇavaN (CivaN) se présenta devant elle sous la forme d’un ascète, le corps frotté de cendre, portant autour du cou une guirlande de crânes et tenant à la main un trident. Antari (Umai) le salua, le prenant pour un dévot de PirāN (CivaN). Soudain l’ascète changea d’aspect. Il reprit sa forme réelle et se fit voir, monté sur son taureau. Il y était seul ; on ne voyait point la déesse à sa gauche. (st. 36-39).
78Pārppati (Pārvati), la pénitente. se prosterna devant lui et lui demanda s’il était venu cette fois pour lui accorder sa grâce et l’accueillir pour toujours ou pour la tromper comme auparavant. Le dieu à la gorge noire l’invita à venir s’asseoir à côté de lui sur le taureau. Umai obéit. Il retourna alors, avec elle, à la montagne d’argent (Kayilāyam). (st. 40-43).
79Les compagnes de la pénitente qui avaient assisté à tous ces faits allèrent chez TakkaN et lui contèrent ce qu’elles avaient vu. Ces nouvelles attisèrent davantage sa haine contre CivaN. Il dit aux célestes qui se trouvaient alors dans sa cour que CaṅkaraN avait déshonoré sa famille par ses actes blâmables et se moqua de lui en disant qu’il avait autrefois mendié et qu’ensuite il avait commis un vol, en enlevant subrepticement sa fille· (st. 44-53).
80Les curar (tēvar) prirent congé de lui et rentrèrent chez eux. TakkaN ne pouvant oublier le tort que lui avait fait le dieu (CivaN) ne cessa de le mépriser. (st. 54-55).
9. Voyage de TakkaN à Kayilai
81Les tēvar tinrent conseil. Ils délibérèrent sur l’attitude de TakkaN. Ils se dirent que, s’il ne respectait pas ῙcaN (CivaN), il serait vite tué par lui et qu’ils subiraient eux aussi le même sort, étant à son service. Ils pensèrent qu’une visite de TakkaN à CivaN les réconcilierait et qu’ils pourraient, grâce à cette réconciliation, vivre en paix. Ils allèrent donc le voir, lui parlèrent des relations qu’il devait avoir avec sa fille et son gendre, malgré leur indifférence, et le décidèrent à se rendre à Kayilai. (st. 1-6).
82TakkaN, accompagné de quelques individus de sa cour, alla au palais d’AmalaN (CivaN). Les pūtar qui gardaient la porte, l’empêchèrent de pénétrer dans le palais. Il leur dit qu’il était venu voir sa fille et son gendre. Les gardiens lui reprochèrent la haine qu’il avait à l’égard de leur maître et lui dirent qu’ils ne le laisseraient entrer que s’il consentait à l’adorer. (st. 7-14).
83Vexé par ces mots, TakkaN les dédaigna, se fit fort de sa puissance, s’en prit de cette insulte à sa fille et à son gendre et quitta aussitôt Kayilai. (st. 15-19).
84Rentré dans son palais, il convoqua ViriñcaN (Brahman) et les célestes. Il leur fit part de l’affront dont il avait été l’objet de la part des gardiens du Kayilai et leur donna l’ordre de ne témoigner aucun respect à l’égard de sa fille et de son gendre. Les dieux promirent de se conformer strictement à ses instructions et rentrèrent chez eux. (st. 20-23).
10. Piramayākam
85Viti (Brahman) eut un jour, l’idée de faire un sacrifice. Au mépris de l’ordre donné par TakkaN, il voulut inviter à ce sacrifice le dieu porteur de lune à la tête (CivaN) et lui offrir l’avi (havis) en premier lieu. Il appela ses fils et leur dit d’aller prier de sa part MukuntaN (Tirumāl) et consorts de venir assister au sacrifice et de recevoir l’avi à leur tour. Puis il alla lui-même au mont Kayilai et entra dans la cour de Dieu (CivaN), autorisé par le gardien Nanti. CivaN lui demanda quel était l’objet de sa visite. TicaimukaN (Brahman) lui parla du sacrifice qu’il se proposait de faire et l’invita à y assister et à lui accorder sa grâce pour l’accomplir avec succès. Le dieu destructeur des trois forteresses (CivaN) lui dit qu’il enverrait Nanti à sa place, sous sa forme. (st. 1-5).
86TicaimukaN quitta Kayilai et alla voir TakkaN. Il lui communiqua son intention de faire le sacrifice et le pria d’y assister. il revint ensuite à sa ville de MaNōvati et commença les cérémonies. TakkaN, accompagné de MāyavaN (Tirumāl), du roi des célestes (IntiraN) et des muNi arriva au lieu du sacrifice, dans le dessein d’empêcher le dieu à trois yeux de recevoir l’avi (havis). (st. 6-10).
87Nanti, entouré des Kaṇa, se présenta. NāNmukaN le reçut avec respect et le fit asseoir sur un siège splendide. Ce geste courrouça TakkaN. Celui-ci reprocha à son père d’avoir invité au sacrifice celui qui, avalant du venin, dansait sur le terrain de crémation et lui dit de ne point lui donner l’avi, mais de le distribuer aux célestes, après en avoir offert une partie, en premier lieu, à Māl, sans avoir égard aux maRai qui déclarent que l’Etre Suprême est le dieu à trois yeux. (st. 11-19).
88A ces mots, Nanti ferma de ses mains ses oreilles pour ne pas entendre davantage les paroles outrageantes de TakkaN. Il se chagrina de sa présence au sacrifice. Cependant il eut un accès de colère au point que TicaimukaN (Brahman), Māl et les tēvar tremblèrent. Il se leva brusquement de sa place et menaça de mort TakkaN s’il continuait à parler mal de son maître. Puis Il lança des malédictions contre lui et les célestes qui étaient à son service. Il s’écria : « Que la tête de celui qui exécute le sacrifice se détache de son corps ! Que les richesses de TakkaN disparaissent vite ! Que sa tête soit changée en une autre plus vilaine ! Que les célestes qui sont ici périssent et ressuscitent ensuite pour se mettre sous l’autorité d’un avuṇaN appelé CūraN qui les torturera constamment ! » (st. 20-27).
89Après ces imprécations, Nanti partit avec sa suite pour la montagne d’argent (Kayilai) et rapporta au Seigneur de cette montagne (CivaN) tout ce qui s’était passé dans la ville de MaNōvati. (st. 28).
90Après le départ de Nanti, ViriñcaN (NāNmukaN) resta perplexe pendant quelques instants, craignant d’un côté l’effet de la malédiction de Nanti et de l’autre l’autorité de TakkaN. Néanmoins, il abandonna brusquement les cérémonies dont il était chargé. (st. 29-31).
91TakkaN devint stupéfait. Il quitta sans mot dire le lieu du sacrifice, suivi des tēvar qui l’avaient accompagné et rentra dans son palais. Le dieu à la fleur (Brahman) et les autres tēvar retournèrent à leurs demeures respectives, attendant avec angoisse les conséquences de la malédiction de Nanti. (st. 32-33).
11. Construction de la salle du sacrifice
92Les curar et les muNi avaient cessé depuis longtemps leurs sacrifices. Un jour TakkaN leur en demanda la raison. Ils répondirent qu’ils ne pouvaient les accomplir à cause de la malédiction de Nanti, dont ils avaient été l’objet à la suite de la défense qu’il leur avait faite de donner à AiyāNaNaN (CivaN) l’avi du sacrifice exécuté par son père NāNmukaN. (st. 1-4).
93TakkaN les méprisa et leur dit que, pour commencer, il allait faire lui-même un sacrifice, selon les règles prescrites à cet effet. Les tēvar et les muNi l’approuvèrent. (st. 5-6).
94Il donna l’ordre à MayaN de construire une salle de sacrifice. Cet architecte la construisit immédiatement au bord de la rivière Kaṅkai, à l’endroit appelé KaNakalam. La salle était entourée d’une haute muraille avec des kōpuram aux quatre côtés. A l’intérieur, la fosse et l’autel du sacrifice présentaient un aspect attrayant ; des sièges resplendissants étaient installés pour les invités, autour de la fosse et de l’autel, ceux réservés à NāNmukaN et TuḷavōN (Tirumāl) étaient incrustés de pierres précieuses et paraissaient plus beaux que les autres. (st. 7-20).
95TakkaN visita la salle. Il fut satisfait du travail de MayaN qu’il félicita. Il ordonna ensuite aux muNi qui étaient à son service de faire chercher tout ce qui était nécessaire au sacrifice et d’en faire les préparatifs. Ses ordres furent immédiatement exécutés. Il envoya ensuite des messagers à tous les pays pour inviter les dieux, les célestes, les muNi, les sages, les ermites etc., sauf NakkaN (CivaN). (st. 21-31).
96Les muNi, préposés au sacrifice, commencèrent les cérémonies. MāyavaN (Tirumāl), accompagné de Tiru (Citēvi) et de Pār (Pūtēvī), vint à KaNakalam, monté sur le roi des oiseaux (KaruṭaN). TicaimukaN (NāNmukaN) vint sur son cygne, en compagnie de ses trois épouses (Caracuvati, Cāvittiri et Kāyattiri). MakavāN (IntiraN) vint également avec son épouse Cad (Intirāṇi), monté sur son éléphant blanc. Les tēvar, les filles célestes, les gardiens des points cardinaux et autres répondirent aussi à l’invitation. Les vingt-sept étoiles (AcuvaNi et ses sœurs), filles de TakkaN, étaient également présentes. (st. 32-44).
97TakkaN fit asseoir les invités chacun à sa place. Les femmes allèrent se mettre sur leurs sièges dans l’emplacement à elles réservé et où se trouvait Vētavalli qui les accueillit très aimablement. (st. 45-47).
98Sur ces entrefaites, les messagers vinrent dire à TakkaN que parmi les invités AkattiyaN, CaNakaN, Attiri, VaciṭṭaN, Piruku, Tatīci, CāpattiyōN (muNi à la malédiction brûlante, TuruvācaN) et ParâcaraN, les avaient tournés en dérision et qu’il n’étaient pas encore arrivés. (st. 48-50).
99A ces mots le fils d’AyaN (TakkaN) devint furieux et éclata en reproches contre ces muNi. (st. 51).
12. Tatīci
100Le sage Tatīci, accompagné des autres muNi, vint à la salle du sacrifice de TakkaN. Celui-ci, en les voyant, revint sur ce qu’il avait pensé d’eux. Il leur présenta ses respects et leur offrit des sièges splendides. (st. 1-4).
101Tatici lui demanda à quelle fin il faisait le sacrifice. Il lui parla alors du mariage de sa fille avec NakkaN (CivaN), de la disparition subite de ce dernier le jour même du mariage, de l’enlèvement par lui de sa fille quelques jours après, de sa visite au mont Kayilāyam, du refus par les pūtar de le laisser entrer dans le palais, de l’indifférence témoignée à son égard par sa fille et son gendre, de la défense qu’il avait faite à son père de donner l’avi à Ara N (CivaN) lors du sacrifice exécuté par lui et de la malédiction de Nanti. Il ajouta que pour mieux dénier à CivaN le droit de recevoir l’avi dans les sacrifices, il exécutait lui-même un sacrifice auquel il avait invité tout le monde sauf CivaN. (st. 5-15).
102A ces mots Tatīci eut un sourire ironique, ce qui attisa davantage la colère de TakkaN. Le sage lui dit : « CaṅkaraN est l’Etre Suprême Il est le maître des sacrifices. Vous lui faites une insulte en ne l’invitant pas à ce sacrifice, où son droit à l’avi doit primer celui des autres. Les maRai (Veda) disent qu’il est le plus grand des dieux, le dieu des dieux, le plus puissant des Trois, l’âme des âmes etc… Viti (NāNmu kaN) et autres sont des pacu tandis qu’il est pati. Vous cherchez vous-même votre malheur en dérogeant à la règle établie par les maRai. Vous ne réussirez jamais dans votre entreprise. » (st 16-25)
103TakkaN resta ferme dans sa décision. Il dit qu’il donnerait l’avi à MātavaN (Tirumāl) ou à ῙcāNa UruttiraN, un des onze Uruttirar, comme le sien (CivaN). Tatīci lui fit remarquer alors qu’ils ne pouvaient jamais égaler l’Uruttirar, forme que l’Etre-Suprême (CivaN) prenait lors des déluges et que les autres Uruttirar n’étaient pas dignes d’être invités à un sacrifice, même au rang de VācavaN (IntiraN) et des autres dieux. (st. 26-32).
104TakkaN répondit qu’en présence de NāraṇaN, et de NāNmukaN, un UruttiraN, destructeur, ne pouvait jamais être l’Etre Suprême. (st. 33).
105Tatīci continua : « Vous faites erreur. Votre confusion vous trouble l’esprit. Mon Maître (CivaN) n’a ni commencement ni fin. Il est la plénitude la plus absolue. Il n’a ni nom ni forme. Si on lui donne des noms et des formes, c’est parce qu’il les assume temporairement selon les circonstances pour écarter les péchés des âmes et pour leur accorder la félicité. Les fonctions de création et de protection sont par lui déléguées à TicaimukaN (NāNmukaN) et Tirumāl, à qui il enseigne, afin d’accomplir bien ces fonctions, l’AinteLuttumantiram et conseille de se frotter le corps de cendres sacrées. Quant aux fonctions de destruction, elles sont assurées par lui-même, car personne autre que lui ne peut les réaliser. Le fait par lui de réduire à néant les afflictions et les souffrances des êtres, lui valut le nom d’UruttiraN. Ce nom fut également donné à ses fils et à ceux qui ont obtenu sa grâce. » (st. 34-46).
106Tatici poursuivit : « Jadis les célestes entrèrent en guerre contre les avuṇar après avoir confié tous leurs biens à la garde de KaNal (AkkiNi). La guerre terminée, ils les réclamèrent. KaNal voulut se les approprier et prit la fuite. Il fut poursuivi et torturé par les tēvar. Il se mit alors à pleurer. On l’appela donc UruttiraN. De cette façon plusieurs reçurent le nom d’UruttiraN. Par conséquent, il ne faut jamais mettre sur le même pied tous ceux qui portent ce nom. Il faut savoir faire la distinction entre tous ces Uruttirar et reconnaître par là la supériorité de mon Maître (CivaN). (st. 47-50).
107Ecoutez encore. Les muNi discutèrent une fois sur le point de savoir qui était l’Etre Suprême. Ne pouvant s’accorder entre eux, ils eurent recours à PiramaN. Celui-ci leva ses mains et jura que CankaraN était l’Etre-Suprême et que les cinq fonctions lui appartenaient. Les muNi surent la vérité. Ils se prosternèrent aux pieds de NāNmukaN et, selon ses conseils, ils observèrent le culte d’ῙcaN (CivaN). (st. 51-62).
108Je vous dis tout cela, non pas parce que j’aime ῙcaN mais plutôt pour que vous sachiez la vérité. Votre père vous en a déjà parlé ; c’est ce qui vous a permis de faire une longue pénitence et d’obtenir d’AraN des avantages très grands. Vous l’avez aujourd’hui oublié. Si vraiment vous aimez le salut, exécutez ce sacrifice en présence d’AraN et donnez lui l’avi en premier lieu. » (st. 63-65).
13. Réplique de Tatīci
109Aux observations faites par le sage Tatīci, le fils du dieu au lotus (TakkaN) éclata de rire. Puis il lui parla en ces termes : « Vous prétendez que votre maître est l’Etre Suprême. Peut-il se permettre de sa parer d’os, de guirlandes de crânes et de serpents ; de se frotter le corps des cendres provenant de l’incinération des tēvar ; de porter le squelette (Kaṅkāḷa) dans la main ; de s’orner de la corne de sanglier et de la carapace de tortue ; d’exterminer les êtres ; de se vêtir de peaux de tigre et d’éléphant ; de porter dans les mains le feu, la hache, l’antilope et le trident ; de se livrer à la mendicité ; d’exécuter des danses, surtout sur le terrain de crémation ; d’errer avec des troupes de cāratar (bhūta) ; de se promener tout nu ; de prendre toutes sortes de formes ; de monter sur le taureau ; d’avaler le venin ; de porter une femme sur la tête et une autre sur le corps ? Il n’a donc aucune qualité louable. C’est pourquoi je n’ose pas lui donner l’avi dans les cérémonies du sacrifice que je fais. » (st. 1-6).
110Ces paroles outrageantes prononcées à l’égard du maître de Tatīci, vexèrent ce dernier qui déplora tant d’ignorance. Il voulut cependant lui donner quelques explications. Il répliqua. (st. 7).
111« Mon Maître, lui dit-il, est la grâce parfaite. Il crée AyaN et MāyavaN à qui il donne pouvoir respectivement de créer et de conserver. Il accorde la félicité aux âmes qui se délivrent des péchés et des souillures. Il détruit ensuite tous les êtres et l’univers pour les recréer. Et il continue ainsi de suite. A chaque destruction, il s’orne des os de PiramaN et des autres ; de leurs crânes il fait une guirlande qu’il porte autour de son cou ; leurs cheveux lui servent de cordon sacré ; parfois il les pique de son trident qu’il porte à la main ; par le feu sortant de son œil frontal, il les réduit en cendre dont il se frotte le corps. Tous ses actes sont le fruit des pénitences faites par les êtres, à qui il ne manque jamais d’accorder sa grâce. (st. 8-15).
***
112Jadis il y avait un acuraN du nom d’ĀṭakkaṇṇiNaN (Hiraṇyākṣa). Un jour il s’empara du monde terrestre et alla se réfugier dans les régions inférieures de l’univers. Le dieu au corps noir (Tirumāl) prit alors la forme d’un énorme sanglier, le poursuivit et le tua en le piquant de ses cornes. Puis il ramena la Terre à sa place normale. De ce fait il devint orgueilleux, crut être le Tout-Puissant et creusa le sol avec ses cornes de façon que la mer déborda. Le Maître qui a le venin à la gorge (CivaN) se présenta alors devant lui et lui brisa une corne. Viṇṭu (Tirumāl) cessa son orgueil. Saisi de peur, il se prosterna devant lui. Celui-ci disparut aussitôt avec la corne brisée qu’il porta sur lui comme une parure, en souvenir de cet exploit. (st. 16-21).
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113Les tēvar et les avuṇar avaient une fois baratté l’océan de lait avec le mont Mantaram qui servait de baraton. Soudain ce mont s’enfonça. Tirumāl prit alors la forme d’une tortue et le soutint sur sa carapace, ce qui permit d’achever le barattement qui produisit l’ambroisie. Les amarar voulurent se l’approprier, mais les avuṇar prétendirent qu’ils avaient le droit de la prendre. Les uns et les autres se disputèrent ensuite. MayaN (Tirumāl) au lieu d’intervenir dans leur affaire et de les concilier, devint orgueilleux de son acte et alla troubler les mers. La Terre en souffrit. Kaṇṇutal (CivaN) se transporta alors à l’endroit où se trouvait la tortue, l’attrappa et exerca des sévices à son égard. Tirumāl reprit sa forme normale et l’adora. Le dieu à la chevelure rousse (CivaN) lui donna l’ordre de distribuer l’ambroisie aux tēvar seulement. KaṇṇaN (Tirumāl) le fit en assumant la forme d’une courtisane et en écartant les avuṇar par un moyen perfide. VimalaN (CivaN) prit la carapace de la tortue et s’en para avec la corne de sanglier qu’il portait déjà sur lui. (st. 22-29).
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114Les muNi de la forêt TārukāvaNam, sans aimer ĪcaN (CivaN) pratiquèrent des austérités et des sacrifices, pensant que par ces moyens ils pouvaient obtenir la félicité suprême. L’âme de toutes les âmes (CivaN) alla à TarukāvaNam, accompagné de MukuntaN (Tirumāl) à qui il donna l’ordre de prendre la forme de courtisane qu’il avait prise autrefois, assumant lui-même la forme d’un beau jeune homme nu, portant dans les mains un trident et un vase de mendiant. Arrivé dans la forêt, il dit à Mal de se rendre auprès des MuNi, de les séduire et de les détourner de leurs austérités. A la vue de la courtisane les sages s’éprirent d’elle. Ils abandonnèrent toutes leurs austérités et la suivirent en groupe partout où elle allait. Le feu de la passion leur lit perdre leur prestige. (st. 30-43).
115CivaN, le mendiant, alla devant les maisons des épouses des muNi et chanta les maRai (Veda). Les femmes sortirent de leurs demeures, s’extasièrent à sa vue et, hors d’elles, laissèrent leurs vêtements se détacher de leurs corps et leurs bracelets s’échapper de leurs bras. Le mendiant alla d’une rue à une autre. Elles le suivirent et perdirent ainsi leur chasteté. La conception s’opéra en elles. Sans douleur d’enfantement elles donnèrent naissance à quarante-huit mille garçons qui se livrèrent immédiatement à la pénitence, sur les conseils de leur père. (st. 44-85).
116La courtisane, suivie des muNi et le mendiant suivi des femmes des muNi, se rencontrèrent en un endroit de la forêt. Les muNi, voyant leurs femmes accompagner le mendiant, presque nues et sans honte, devinrent stupéfaits. Ils tinrent conseil et vinrent à savoir que le mendiant et la courtisane, qui avaient entre temps disparu, étaient respectivement Kaṇṇutal (CivaN) et MāyavaN (Tirumāl) et que le premier était la cause de leurs tourments. Ils adressèrent des reproches à leurs femmes et les engagèrent à rentrer chez elles. (st. 86-97)
117Le dieu à la guirlande de tuḷavam (basilic) reprit sa forme normale. (st. 98).
118Les muNi eurent donc une inimitié profonde à l’égard de CivaN et cherchèrent le moyen de le tuer. Ils firent un sacrifice. De la fosse du sacrifice sortit un tigre furieux, auquel ils donnèrent l’ordre d’aller tuer ĪcaN (CivaN). Le tigre poussant des cris épouvantables se présenta devant lui. Celui-ci le saisit et le tua en déchirant sa peau qu’il porta sur lui en guise de vêtement. (st. 99-101).
119Un trident sortit ensuite du feu du sacrifice. Les muNi l’envoyèrent tuer CaṅkaraN, qui le saisit de sa main et le garda comme une de ses armes. (st. 102).
120Surgit ensuite une antilope. Elle se précipita sur AraN. Saisie par lui, elle resta dans sa main gauche. (st. 103-104).
121Puis vinrent des serpents en grand nombre. Le Maître les attrapa et s’en orna en guise de parures. (105).
122Des démons sortirent ensuite. Ils se précipitèrent vers CaṅkaraN. D’un geste de main, il apaisa leur fureur et leur donna l’ordre de former une armée à son service. Ils obéirent. (st. 106-107).
123Après les démons, un crâne fit son apparition. Les muNi le dépêchèrent. Ils s’élança sur MukkaṇaN (CivaN). Celui-ci le saisit et le serra dans sa chevelure. (st. 108-109).
124Devant ces échecs successifs, les sages de TārukāvaNam firent appel à leurs mantiram. Ceux-ci se mirent ensemble et prirent la forme d’un tuṭi. Cet instrument de musique s’approcha d’AmalaN (CivaN) avec un son formidable. Le dieu le saisit et le garda dans sa main. (st. 110-112).
125Ce nouvel échec fit enrager les muNi. Ils décidèrent de faire un autre sacrifice. Du feu du sacrifice sortit un démon nommé MuyalakaN. Les muNi lui demandèrent ainsi qu’au feu du sacrifice, d’aller tuer ĪcaN. Celui-ci prit le feu et le garda dans une de ses mains. Il terrassa MuyalakaN et se tint debout sur son dos. (st. 113-115).
126Les muNi devinrent confus. Ils lancèrent des malédictions contre ParamaN (CivaN). Mais aucun d’elles n’a été efficace. (st. 116-119).
127MuyalakaN écrasé par les pieds du Maître (CivaN) tourna la tête de part et d’autre et essaya de se débattre. Le dieu commença alors à danser sur lui. Tout l’univers trembla. Quand il cessa sa danse, les sages de TārukāvaNam se prosternèrent à ses pieds et chantèrent ses louanges. Il leur conseilla d’observer strictement son rite (rite relatif au civaïsme) et de continuer leur pénitence. Il retourna ensuite à la montagne blanche couverte de neige (Kayilai) (st. 120-127).
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128Jadis, il y avait un acuraN sous la forme d’un éléphant. On l’appelait KayācuraN. A la suite d’une pénitence qu’il avait faite, PaṅkayāceNaN (Brahman) lui accorda le don d’être immortel et d’avoir une force physique extraordinaire, à condition d’éviter toute rencontre avec le dieu de la couleur du feu (CivaN). (st. 125-130).
129KayācuraN alla en guerre contre le roi des amarar (IntiraN) et les gardiens des points cardinaux. Il dévasta leurs pays et les subjuga. Puis il alla au monde terrestre et y sema la terreur. Les muNi effrayés se rendirent à Kāci (Banares), entrèrent dans le temple MaṇikaNNikai et adorèrent AkilanāyakaN (Viśveśvara), implorant sa grâce. KayācuraN le sut. Voulant les châtier, il alla à Kāci et pénétra dans le temple. Le dieu à la gorge noire (CivaN) apparut devant lui sous une forme et dans une attitude effroyables. Le méchant (acuraN) oubliant ce qu’AyaN lui avait dit, essaya de l’attaquer. D’un coup de pied, le Maître (CivaN) le renversa sur le sol. Puis il l’écrasa en mettant un pied sur sa tête et un autre sur sa cuisse. De ses ongles il déchira sa peau et s’en couvrit le buste. Les amarar et les hommes, enchantés, vénérèrent ĪcaN. (st. 131-153).
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130Māl et AyaN se trouvaient une fois sur un des pieds de la montagne d’or (Mēru). Les tēvar et les muNi se rendirent auprès d’eux et leur demandèrent qui était le plus grand des trois dieux. VētaN (Brahman) répondit qu’il était le Piramam (Etre Suprême). NāraṇaN prétendit que c’était lui, VētaN ayant été créé par lui. Là-dessus tous les deux se disputèrent. Les tēvar et les muNi ne voulant plus assister à leur débat s’éloignèrent. Les vētam et le Kuṭilai (Praṇavam) se présentèrent alors devant les antagonistes, assumant des formes diverses et leur dirent que seul CivaN était l’Etre Suprême. Ils n’en firent pas cas et continuèrent leur dispute. (st. 154-159).
131CivaN, en compagnie d’Umai, apparut en l’air, entouré d’une flamme. Le dieu de la couleur de nuage (Tirumāl) l’aperçut. Son illusion s’étant dissipée, il se prosterna devant lui, tandis qu’AyaN, toujours arrogant, lançait des invectives contre lui par la bouche de sa tête du milieu ; il avait donc alors cinq têtes. VētanāyakaN (CivaN) créa alors Vayiravar et lui donna l’ordre de trancher au dieu au lotus rouge (Brahman) la tête dont la bouche avait proféré des injures à son égard et de demander aux tēvar et aux muNi orgueilleux leur sang en aumône. Il lui dit également de les ressusciter, s’ils venaient à perdre leur vie, en effaçant en eux tout orgueil. Ceci dit, il disparut. MāyōN retourna à son pays (Vaikuṇṭam). (st. 160-170).
132Kāri (Vayiravar) pinça et trancha de ses ongles la tête du milieu de VētaN (BrahmaN). Le sang coula comme un torrent. La victime expira. Vayiravar ouvrit son œil frontal et le feu qui en sortit absorba tout le sang. Il ressuscita alors VētaN. Celui-ci reconnut son tort et le pria de garder dans sa main, pour toujours, la tête tranchée par lui. Il acquiesça et s’éloigna. (st. 171-177).
133Vayiravar créa ensuite les démons KālavēkaN, CōmakaN, ĀlakālaN et ĀtipalaN. En leur compagnie, il alla demander aux muNi et aux célestes leur sang en aumône et l’obtint. Après leur mort, il les ressuscita en leur faisant avoir des sentiments nobles. Puis il alla au pays de Māl. Le gardien (ViṭuvaccēNaN) ne le laissa pas entrer. Vayiravar le piqua à la pointe de son javelot. Il pénétra dans le palais et alla auprès de Māl, qui le salua en compagnie de ses épouses. Il lui demanda son sang en aumône. NāraṇaN se fit une blessure au front avec ses ongles et laissa couler le sang dans le crâne que tenait Vayiravar. L’écoulement dura des années et des années mais le crâne ne se remplit pas. CitaraN (Tirumāl) perdit toute sa force et s’écroula sur le sol. Ses épouses Tiru (Cītēvī) et Ñālam (Pūtēvī) sollicitèrent la grâce de Vayiravar et le prièrent de faire reprendre à leur mari son état normal. Il leur donna satisfaction. Il dégagea ensuite le gardien (ViṭuvaccēNaN) de son javelot et le ressuscita. (st. 178-193).
134Sur l’ordre de CivaperumāN, Vayiravar détruit tout. Puis il se promène sur le terrain de la crémation, monté sur un chien, forme que prennent alors les maRai (Veda). Tous ces actes sont exécutés par lui en vue d’amender les êtres et de leur accorder sa grâce. (st. 194-197).
***
135Un jour IntiraN voulut faire une visite à AraN. D’un air orgueilleux, il alla au mont Kayilai. Le dieu sans fin (CivaN) le sut. Il prit la forme d’un démon et se tint à la porte de son palais. Le visiteur l’aperçut et l’interpella. Le démon ne fit aucune réponse. Il se mit alors en colère et lança sur lui son Kulicam (Vajrāyudha). Cette arme se heurta contre le corps du dieu et se brisa en morceaux. Le Maître devenant furieux, reprit sa forme d’UruttiraN. Makapati (IntiraN) trembla de frayeur, se prosterna à ses pieds et implora son pardon. CivaN constatant l’humilité de PurantaraN (IntiraN), lui pardonna et lança dans la mer ouest la colère qui surgit en lui. (st. 198-211).
136Cette colère prit la forme d’un enfant. Le roi des eaux (VaruṇaN) le recueillit et l’éleva. Un jour que l’enfant pleura, tous les êtres, tant du monde terrestre que du monde céleste, l’entendirent. NāNmukaN alla voir le roi de la mer. Celui-ci lui présenta l’enfant qu’il avait trouvé. NāNmukaN le prit et le fit coucher sur son giron. L’enfant saisit ses quatre barbes et les tira à tel point que les larmes sortirent de ses yeux. Il le remit alors à son père et lui dit, après réflexion, qu’il était l’incarnation de la colère de ParamaN (CivaN) et que, sauf ce dernier, il ne serait vaincu par personne. Le roi de la mer le pria ensuite de donner un nom à son fils. PiramaN le nomma CalantaraN (enfant soutenu par la mer) et retourna à sa ville (st. 212-230).
137Dans son adolescence CalantaraN s’associa avec les avuṇar et conquit tous les pays du monde. VācavaN (IntiraN) et les célestes ne pouvant plus résister à son attaque, allèrent se réfugier sur la montagne d’or (Mēru). Il ordonna ensuite à l’architecte des tāNavar de construire une nouvelle ville. L’ordre fut immédiatement exécuté et la ville prit le nom de Cālāntaram. Sur les conseils de son guru (Cukkirācāriar), il se maria avec Viruntai, fille de l’avuṇaN Kalanēmi. (st. 231-235).
138Plus tard il eut l’idée de subjuguer les tēvar. Il alla au mont Mēru. Les amarar tremblèrent de frayeur. Ils prièrent le dieu qui couche sur le serpent (Tirumāl) de venir à leur aide. Il arriva et engagea une lutte avec CalantaraN. Le combat dura plusieurs années. Tirumāl, convaincu qu’il ne pourrait triompher de CalantaraN, cessa le combat, fit ses éloges et retourna à sa demeure. VācavaN et les aṇṭar (tēvar) se rendirent au mont Kayilai. (st. 236-240).
139CalantaraN ne trouvant aucun ennemi sur le mont Mēru, regagna sa ville. Quelques jours après il apprit que ses ennemis se trouvaient sur le Kayilai. Il alla assiéger cette montagne. Son épouse l’en empêcha et lui conseilla de ne faire aucun acte haineux à l’encontre de NittaN (CivaN). Il ne l’écouta pas. (st. 241-244).
140VācaN et les siens allèrent au palais de NīlakaṇṭaN (CivaN) et implorèrent sa protection. Celui-ci les calma en leur adressant des paroles rassurantes. Il assuma la forme d’un vieux muNi, prit dans ses mains un kuṇṭikai (kamaṇṭalam), un bâton et un parasol et alla à la rencontre de CalantaraN. Il l’interpella et lui dit que s’il allait en guerre contre KaṇṇutaRpirāN (CivaN), il serait certainement tué par lui et lui conseilla de retourner à sa ville. CalantaraN devint furieux et se fit fort de sa bravoure et de sa puissance. Le muNi dessina alors de son orteil une roue sur le sol, laquelle se transforma en un disque réel. Il lui demanda s’il pouvait le soulever et le porter sur sa tête. CalantaraN souleva difficilement le disque, car il le trouva très lourd, et le plaça sur sa tête. L’arme commença à tourner et coupa en deux son corps. Le muNi reprit sa propre forme et ouvrit son œil frontal. Le feu qui en jaillit consuma toute l’armée de CalantaraN. PurantaraN (IntiraN) et les autres chantèrent les louanges du Maître sans tache (CivaN). (st. 245-270).
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141L’époux de Tiru (Lakṣmī), épris de la femme de CalantaraN, assuma la forme d’un ascète et s’installa dans un bocage, à proximité de son palais. Viruntai s’inquiéta du sort de son mari. Ignorant encore son décès, elle alla se promener dans le bocage. Elle arriva près de l’endroit où se trouvait l’ascète. Deux des gardiens de Vaikunṭam se transformèrent en lions et se précipitèrent sur elle, tout en rugissant. Saisie de peur, elle courut vers l’ascète et implora sa protection. L’anachorète la calma ; les lions s’éloignèrent. Viruntai, qui s’inquiétait toujours de son mari, demanda au sage s’il pouvait lui donner quelques renseignements sur la guerre que CalantaraN avait engagée contre ĪcaN (CivaN). (st. 271-278).
142A ce moment les gardiens de MātavaN (Tirumāl), prenant la forme de singes, apportèrent le cadavre de CalantaraN et le placèrent devant Viruntai. Celle-ci se lamenta à sa vue et tomba en syncope. Tirumāl la releva et la consola. La femme le pria de faire ressusciter son mari. MātavaN rajusta les deux parties du corps de CalantaraN et, disparaissant subitement du lieu, il pénétra dans ce corps et se leva. Les singes s’éloignèrent. Viruntai pensant que son mari était revenu en vie, l’embrassa. MāyavaN resta avec elle pendant plusieurs jours dans ce bocage, toujours dans le corps de CalantaraN, usant de son pouvoir magique et jouissant d’un plaisir lascif. (st. 279-287).
143Un jour il se plongea dans un profond sommeil, oubliant son māyai. Viruntai parvint alors à savoir la vérité. Convaincue que MāyaN l’avait trahie, elle lança des malédictions contre lui. Elle lui dit qu’il deviendrait roi sur terre, que les deux lions, qui n’étaient que ses gardiens, deviendraient ses rivaux, que sa femme serait enlevée par ses ennemis par un moyen factice, qu’il errerait çà et là en en compagnie des singes et qu’il serait l’objet de la risée publique. Cela dit, elle prépara un bûcher qu’elle alluma et se suicida en s’y jetant. Tirumāl s’en affligea. Il s’étendit sur les cendres de Viruntai et s’y roula en se lamentant· (st. 288-292).
144AmpuyaN (NāNmukaN) et les célestes allèrent en faire part à NittaN (CivaN). Catti (Umai) qui les entendit, leur remit une graine et leur dit de la planter dans les cendres de Viruntai ; ce qu’ils firent aussitôt. La graine poussa en une plante de basilic. Cette plante se transforma ensuite en une jeune fille. MātavaN s’éprit d’elle et oublia Viruntai. AyaN et les aṇṭar (tēvar) marièrent la jeune fille à Māl, qui retourna avec elle à son pays. (st. 293-296).
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145Tirumāl voulut avoir de CivaN le disque qui avait tué CalantaraN. Il se fit un devoir de l’adorer tous les jours, en déposant à ses pieds mille fleurs de lotus. Un jour, il lui manqua une fleur. Il s’arracha alors un œil et le mit à ses pieds à la place du lotus. CivaN, satisfait de sa dévotion, lui donna le disque, ce qui lui valut le nom de NēmiyāN (porteur de disque). (st. 297).
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146Deux mille Caturyukam font un jour pour AyaN. Trente jours calculés de cette façon forment pour lui un mois et douze mois de ce genre, un an. La durée de sa vie est donc cent ans ainsi comptés. La durée de la vie d’AyaN forme un jour pour Māl. Lorsque celui-ci passe cent fois la durée de la vie d’ĀyaN, il périt. A ce moment tout l’univers prend feu et se purifie. ÑāNanāyakaN (CivaN), l’Etre Suprême, se met alors à danser, en présence de son épouse. (st. 298-302).
147Cet évènement se produisit jadis. La déesse de la vertu fut alarmée. Elle voulut échapper à l’incendie. Elle assuma la forme d’un taureau, se rendit auprès d’ĪcaN et le pria de la protéger, en la prenant comme sa monture. Le dieu porteur du trident (CivaN) lui accorda une vie éternelle. Le taureau devint sa monture. N’est-ce pas en connaissance de cet acte de grâce que MāyavaN, prenant la forme d’un taureau, s’offrit comme monture à AraN (CivaN) lorsque celui-ci incendia les puram (Tiripuram ou Muppuram) ? (st. 303-315).
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148Il y eut autrefois une guerre entre les avuṇar et les amarar. Bon nombre de guerriers furent tués de part et d’autre. Tous les combattants allèrent voir le dieu à quatre têtes, le prièrent de baratter l’océan de lait et de leur donner l’ambroisie qui en sortirait, afin qu’ils puissent, en l’absorbant, lutter le plus longtemps possible, sans trouver la mort. AyaN les amena auprès de MāyavaN et lui communiqua l’intention des tēvar et des avuṇar. NeṭiyōN (Tirumāl) leur promit de leur donner satisfaction. Il installa le mont Mantaram dans l’océan de lait, l’entoura du serpent Vācuki en guise de corde et ordonna aux amarar et aux avuṇar de le saisir les uns par la tête et les autres par la queue et de le tirer de part et d’autre pour baratter l’océan. Il soutint lui-même le baraton sans le laisser s’enfoncer. Au cours du barattement le serpent, sans pouvoir supporter la douleur occasionnée par le mouvement de va et vient imposé à son corps, cracha du venin. De son côté, l’océan de lait laissa également jaillir du venin de prime abord. Les célestes et les tāNavar abandonnèrent le barattement et prirent la fuite. Le dieu aux yeux de lotus (Tirumāl) laissa le baraton et courut vers le venin qui s’attaqua à lui. Son teint rouge devint bleu. Il décampa de son côté. (st. 316-331).
149Puis il alla au mont Kayilai, accompagné d’AyaN et des aṇṭar. Laissant à la porte ces derniers, les deux dieux entrèrent dans le palais du Parfait (CivaN), autorisés par le gardien Nanti. Le dieu destructeur des puram (CivaN) demanda à Ari comment et pourquoi il avait changé de teint. Le dieu au corps noir lui conta son histoire et le pria de stopper l’effet du venin. Ceux qui étaient restés à la porte chantèrent les louanges du Maître (CivaN). Celui-ci les fit entrer dans le palais. Ils lui exposèrent eux aussi leurs doléances. Il ordonna alors à son serviteur CuntaraN, qui se trouvait près de lui, d’aller chercher le venin, ce qu’il fit aussitôt. NimalaN (CivaN) en fit une boule aussi petite que possible et demanda aux célestes s’il devait l’avaler ou la lancer au loin. Ils lui répondirent que le venin se trouvant dans sa main avait sensiblement diminué de volume mais que s’il était lancé, il se répandrait partout et détruirait tous les êtres. Ils le prièrent donc de l’avaler. Nimalan le mit dans sa bouche. Les amarar lui demandèrent de le retenir dans la gorge, craignant un danger quelconque pour lui. Il le fit. Le venin resta dans sa gorge comme un saphir. (st. 332-359).
150Le dieu dont la tête est ornée de lune (CivaN) conseilla ensuite à ses visiteurs de reprendre le barattement de l’océan de lait. Ils recommencèrent alors leur opération. L’ambroisie étant sortie de l’océan, les célestes s’en emparèrent. (st. 360-361).
151AmalaN (CivaN) a absorbé le venin dans l’unique but de protéger les êtres. A l’époque de la destruction tous les êtres s’assemblent en un lieu de retraite, qui n’est qu’un terrain vague de crémation. C’est là que notre Maître (CivaN) danse en présence de son épouse. (st. 362-363).
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152Un jour que ĪcaN était assis dans un bosquet sur le mont Kayilai, son épouse y arriva. Se tenant derrière lui, elle lui ferma de ses deux mains les deux yeux par plaisanterie. Tout l’univers fut plongé aussitôt dans les ténèbres. Les êtres en furent affligés. CaṅkaraN voulut les soulager. Il se créa un œil sur le front et l’ouvrit. Une lueur intense sortit de cet œil et fit disparaître toute l’obscurité. Kavuri (Umai) trembla de peur et retira ses mains. Comme elle transpirait, des gouttes de sueur tombèrent de ses dix doigts. Elles formèrent dix rivières, appelées toutes du nom de Kaṅkai. Elles se répandirent dans tous les sens. MāyaN, AyaN et le roi des célestes s’effrayèrent et prièrent VimalaN (CivaN) d’arrêter leur courant. Le dieu fit appel à ces rivières, les prit dans sa mains et les serra dans sa chevelure où elles s’unirent toutes ensemble. (st. 364-372).
153Le dieu au lotus (Brahman), Māl et IntiraN demandèrent à NātaN (CivaN) de leur en donner à chacun d’eux quelques gouttes pour les porter à leurs pays, parce que cette Kaṅkai avait un caractère sacré, étant sortie de la main de son épouse et siègeant sur sa tête. Dieu (CivaN) leur donna satisfaction. (st. 373-374).
154PakīrataN fit une pénitence et fit venir au monde terrestre la Kaṅkai qu’AyaN avait transportée à son pays. Elle descendit avec fureur. Les habitants de la terre tremblèrent. Pour les sauver, le dieu à l’œil frontal se précipita vers elle et la reçut sur sa tête. Elle s’apaisa, Il la laissa alors couler sur le sol. Elle passa par le bûcher où les Cakarar étaient incinérés. Ceux-ci obtinrent la félicité, leurs os ayant été submergés par elle. Puis elle alla se jeter dans la mer.
155Les deux autres rivières sont restées aux endroits où elles étaient transportées. (st. 375-376).
156Le dieu à la gorge noire porta la Kaṇkai sur sa tête pour l’empêcher d’inonder toute la terre et de la détruire. (st. 377).
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157Jadis, le dieu au lotus (Brahman) voulut créer les êtres. Il créa d’abord ses quatre fils, CaNakaN et autres. Ceux-ci apprirent toutes les sciences et devinrent des sages. De ce fait la création ne put continuer. VētaN (Brahman) s’en affligea. Il alla avec ses fils, voir MukuntaN (Viṣṇu) lequel les amena à la montagne d’argent (Kayilai). Il exposèrent la situation au Maître (CivaN). Celui-ci extermina tous ses visiteurs. Se trouvant ensuite seul, il jeta un regard sur son épaule gauche, d’où sortit Umai. Il la retint dans la partie gauche de son corps. Puis il recréa ceux qu’il avait détruits et dit à MāyavaN (Viṣṇu) qu’il n’y aurait désormais aucun obstacle pour les fonctions de création de VētaN (Brahman), Umai, la force gracieuse, s’étant unie à lui. Les dieux satisfaits rentrèrent à leurs demeures respectives, après avoir vénéré le Père (CivaN) et la Mère (Umai). (st. 378-385).
158C’est en vue de favoriser le rôle du dieu au lotus (Brahman) que le destructeur des trois puram (CivaN) a cédé une partie de son corps à Umai, incarnation en femme de sa propre Catti (Force).
159« Insensé TakkaN, lui dit Tatīci, sache que c’est par un sentiment de miséricorde que CivaN exécuta tous ces actes et qu’il est au dessus des tēvar avec qui il ne faut jamais le confondre. (st. 386-388).
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14. Naissance de KayamukaN
160Il y eut autrefois une guerre entre PākacātaNaN (IntiraN), roi des célestes et AcurēntiraN, roi des acurar. Celui-ci vaincu, alla demander à son guru (Cukkirācāriar) de lui indiquer le moyen de compenser ses pertes. Le sage lui conseilla d’envoyer une jeune fille acura auprès du sage MākataN, descendant de VaciṭṭaN et lui dit que de leur union naîtrait un enfant au visage d’éléphant qui, grâce au destructeur des puram (CivaN), aurait beaucoup de richesses et que sa race redeviendrait alors prestigieuse. (st. 1-12).
161AcurēntiraN fit venir Viputai, une des plus jolies filles acura et lui donna l’ordre de se rendre à la montagne d’or (Mēru), où MākataN se livrait à une pénitence rigoureuse et de le séduire. (st. 13-17).
162Viputai alla à l’endroit où se trouvait le sage. Elle le trouva plongé dans une profonde méditation et se vit incapable de l’en détourner. Néanmoins, elle se tint debout devant le pénitent et commença elle-même à faire une pénitence implorant le Maître de la montagne d’argent (CivaN). (st. 18-23).
163Il arriva qu’un jour MākataN ouvrit ses yeux. Il vit alors à quelque distance devant lui un éléphant et une éléphante s’accoupler. Absorbé par le feu de la passion, il abandonna sa pénitence. Il aperçut au même moment Viputai. Il alla vers elle et l’interpella. La fille lui répondit que voulant devenir son épouse, elle était venue faire une pénitence en ces lieux. Le sage conseilla à Viputai d’assumer la forme d’une éléphante et prit lui-même celle d’un éléphant. Ils s’unirent. De leur union naquit un enfant avec une tête d’éléphant. On l’appela KayamukaN. Des pores de la peau de Viputai surgirent des guerriers qui se mirent au service de KayamukaN, en une armée terrible. Les père et mère de ce dernier s’effrayèrent et reprirent leurs anciennes formes. (st. 24-39).
164MākataN conscient de sa faute, congédia Viputai. Il se répentit et recommença sa pénitence. (st. 40-42).
165Viputai rejoignit le roi des tayittiyar (AcurēntiraN) et lui conta ce qui s’était passé, Il en fut satisfait. (st. 43-44).
166KayamukaN, accompagné de sa troupe, errait partout et tuait tous ceux qu’il rencontrait. Les muNi et les tēvar s’en inquiétèrent. AcurēntiraN envoya son guru Veḷḷi (Cukkirācāriar) auprès du guerrier à tête d’éléphant pour lui parler du néant des choses mondaines, l’incita à chercher le bonheur éternel et l’engagea à se livrer à la pénitence, implorant AraN. (st. 45-68).
167AcurēntiraN félicita Cukkirācāriar. (st. 69).
168Après l’instruction spirituelle du guru, KayamukācuraN se rendit au mont Mēru et se mit en pénitence. (st. 70-72).
169Cette pénitence dura très longtemps. Le pénitent passa plusieurs années en ne mangeant que des feuilles et des herbes. Fuis il se priva d’aliment. ĪcaN (CivaN) n’osa pas encore faire son apparition. (st. 73-78).
170Il alluma alors un feu intense, se plaça en son milieu et continua sa pénitence. ALaRperuṅkaṭavuḷ (Akkini) lui accorda sa grâce. Son corps devint dur comme le diamant et brillait comme l’or. Le dieu à la chevelure rousse, touché de la sévérité de sa pénitence, se présenta devant lui, monté sur son taureau et lui demanda ce qu’il attendait de lui. (st. 79-88).
171KayamukaN se prosterna devant lui et sollicita le don de vaincre Māl, AyaN et IntiraN, de n’être tué par aucun homme, aucun amaraN et aucun avuṇaN, d’exercer son autorité sur tous les mondes et, si par un moyen astucieux il venait à perdre la vie, de ne plus renaître. CivaN lui accorda ces dons et disparut. Le roi des avuṇar et Veḷḷi le félicitèrent. (st. 89-98).
172L’acuraN au visage d’éléphant vainquit le roi des célestes et les tēvar. Il se rendit ensuite au monde terrestre, fit venir l’architecte des acurar et lui ordonna de construire une ville belle et grande. L’ordre fut immédiatement exécuté. KāppiyaN (Cukkirācāriar) donna à cette ville le nom de Mataṅkapuram. KayamukaN s’installa dans cette ville avec d’autres avuṇar. Il se maria avec la fille du roi des tāNavar, la nommée Vicittirakānti et épousa ensuite plusieurs filles, dans diverses classes : céleste, acura, nāka etc. Il régna sur les sept mondes, ayant pour ministres Pukar (Cukkirācāriar) et le roi des avuṇar. (st. 99-115).
173Un jour KayamukācuraN enjoignit à tous les gens de sa cour, dont VācavaN (IntiraN), de le saluer d’une façon spéciale. Il leur dit de se donner d’abord des coups de poings sur les tempes, de se prendre ensuite le bout des oreilles par les mains, tout en se croisant les bras et de s’accroupir et se relever trois fois. Ils obéirent. (st. 116-118).
174Le roi des célestes ne put tolérer ces règles de la politesse qu’il considérait comme une brimade. Il alla s’en plaindre auprès de ViriñcaN (Brahman) et Māl. Ces derniers l’amenèrent à Kayilai et prièrent le destructeur des puram de mettre un terme aux mauvais traitements de KayamukaN. ĪcaN (CivaN) leur accorda sa grâce et leur dit qu’il aurait un enfant qui tuerait l’avuṇaN. Les visiteurs satisfaits de sa parole, rentrèrent chez eux. (st. 119-128).
175Celui qui est le sens des MaRai (CivaN) et Kavuri allèrent un jour se promener dans un jardin au fond duquel se trouvait un salon, garni de beaux tableaux. Ils pénétrèrent dans ce salon. Kavuri aperçut un tableau où figurait la toute première lettre (praṇavam). A sa vue cette lettre se transforma en deux éléphants, mâle et femelle, qui se mirent à s’accoupler. Stupéfaite, elle demanda à son époux à quoi cela était dû. Le dieu à la gorge noire lui fit remarquer que son regard gracieux en était la cause, Les éléphants reprirent la forme de Kuṭilai (praṇavam) en donnant naissance à un enfant, avec un visage d’éléphant, ayant cinq bras, trois yeux et portant dans sa chevelure le croissant de lune. (st. 129-150).
176Cet enfant salua le dieu et la déesse qui le caressèrent. Le dieu lui dit : « Accorde ta grâce à tous ceux qui t’adorent avant d’entreprendre quoi que ce soit et fais obstacle aux entreprises de ceux qui ne pensent pas à toi. En prenant à tes ordres tous les kaṇa, tu iras tuer KayamukācuraN et tu délivreras les tēvar de leur situation misérable. En attendant tu resteras à la porte de notre palais avec les kana ». Ceci dit, CaṅkaraN rentra dans le palais avec son épouse, l’enfant au visage d’éléphant étant resté à la porte. (st. 151-157).
177Un jour NemiyāN (Tirumāl) alla rendre visite au dieu aux cheveux tressés (CivaN). Celui-ci voulut lui jouer un tour. Il demanda à la femme qui occupe sa partie gauche (Umai) de se livrer avec lui au jeu de dés, convenant que celui qui perdrait donnerait au gagnant toutes ses parures et choisit Ari (Tirumāl) comme arbitre· (st. 158-162).
178Ils commencèrent le jeu. Celui qui n’a pas connu de défaite (CivaN) perdit ; mais il prétendit qu’il avait gagné et demanda à son épouse de lui remettre ses parures. Umai protesta. Elle eut recours à l’arbitre. Mais celui-ci dit que c’était ParaN (CivaN) qui avait gagné. Umai se mit en colère. Elle reprocha à Tirumāl sa partialité et lança contre lui une malédiction, disant qu’il deviendrait serpent. (st. 163-174).
179Tirumāl se transforma immédiatement en un serpent et demanda à CivaN comment et quand il pourrait reprendre sa forme normale. CivaN lui conseilla de se rendre à la forêt des banians (Ālaṅkāṭu), dans la partie méridionale du continent et de faire une pénitence en s’installant dans le creux d’un vieil arbre. Il ajouta que son fils à la tête d’éléphant (VināyakaN) y viendrait pour le délivrer. Murāri (Tirumāl) suivit ce conseil. (st. 175-198).
180IntiraN et consorts, ne pouvant plus supporter les mauvais traitements de KayamukācuraN, allèrent s’en plaindre auprès de VināyakaN. Celui-ci leur promit sa protection et leur dit qu’il tuerait KayācuraN sans tarder. (st. 199-210).
181Il monta sur les épaules du démon AcalaN et, entouré des pūtam, alla en guerre contre l’avuṇaN au visage d’éléphant. Il arriva à Mataṅkamāpuram. Les espions de KaymukācuraN lui annoncèrent l’entrée en campagne de VināyakaN. Cette nouvelle l’irrita. Suivi de son armée, il alla au devant de son ennemi et l’attaqua. (st. 211-226).
182L’armée des pūtam battit en retraite. VināyakaN ordonna alors à AcalaN d’aller droit vers KayamukaN. Celui-ci lui rappela les dons que son père lui avait accordés et l’invita à rebrousser chemin. Le fils du destructeur des puram lui fit remarquer alors que c’était sur l’ordre de son père qu’il était venu assièger sa ville et l’engagea à laisser PurantaraN (IntiraN) régner sur son pays céleste, s’il ne voulait pas perdre sa vie dans la bataille. KayamukaN ne l’écouta pas (st. 227-241).
183Ils recommencèrent à se battre. Ils se servirent de toutes sortes d’armes. Finalement VināyakaN brisa une de ses défenses et la lança sur l’avuṇaN. La défense fendit sa poitrine d’où jaillit un flot de sang qui coula comme une rivière et alla se poser dans la main de son maître. L’acuraN s’affaissa sur le sol et perdit connaissance, L’endroit où se produisit cet évènement prit le nom de Ceyyakāṭu (Ceṅkāṭu ou Tiruccerikāṭu)*, où la terre est encore de couleur rouge. (st. 242-250).
184KayamukaN reprit connaissance. Il assuma la forme d’un rat et revint à la charge. VināyakaN descendit des épaules d’AcalaN et sauta sur le dos du rat qui se soumit et devint sa monture. VācavaN (IntiraN) et les siens dansèrent de joie et vénérèrent VināyakaN. Celui-ci ressuscita les pūtam morts sur le champ de bataille. (st. 251-259).
185Affligé par cet évènement inattendu, le roi des acurar (AcurēntiraN tint conseil avec son ministre (Cukkirācāriar). Il assuma la forme d’un oiseau et alla se réfugier sur la montagne d’or (Mēru). Cukkirācāriar se transforma également en un oiseau et rentra dans son domaine. Les pūtam firent irruption dans la ville de Mataṅkamāpuram et massacrèrent les avuṇar. (st. 260-263).
186La bataille terminée, VināyakaN alla à Ceṅkāṭu. Il y installa une idole de son père (Civaliṅkam) et l’adora. L’endroit où se trouve cette idole est appelé Kaṇapatīccaram. (st. 264).
187Après l’adoration, il remonta sur le rat et alla, en compagnie des célestes, de leur chef et d’AyaN, à la forêt des banians où MālōN (Viṣṇu) vivait sous la forme d’un serpent. (st. 265).
15. ANantaN est délivré de la malédiction
188Lorsque VināyakaN arriva à Alaṅkāṭu, Tirumāl qui faisait sa pénitence dans le creux d’un arbre, sortit de sa retraite et le salua. Il reprit aussitôt son ancienne forme. Le cœur plein de joie, il formula respectueusement un vœu. « Seigneur ! lui dit-il, je suis heureux de vous voir et vous saluer aujourd’hui, qui est le sixième jour de la quinzaine claire du mois qui porte le nom de l’arc (dhanurmāsa ou mārkaLi). Daignez délivrer de leurs souffrances, tous ceux qui, en pareil jour, vous feront leurs dévotions. (st. 1-4).
189« Qu’il en soit ainsi », répondit VināyakaN. Puis il monta sur le rat et se rendit à Kayilai, avec les kana. (st. 5).
190Quelque temps après Ari, AyaN et d’autres allèrent saluer le Maître à l’œil frontal, à Kayilai. Ils trouvèrent à la porte du palais l’enfant à la tête d’éléphant. Ils voulurent le révérer. Ils lui demandèrent l’autorisation de le saluer de la façon que leur avait imposée KayācuraN. VināyakaN acquiesça. Les trois dieux se donnèrent d’abord des coups de poing sur les tempes et, se prenant ensuite le bout des oreilles par les mains en se croisant les bras, s’accroupirent et se relevèrent trois fois. Cette façon de saluer ayant plu au fils de la fille des montagnes (VināyakaN), les dieux le prièrent de la prescrire à tous ses dévots. Il leur donna satisfaction. (st. 6-15).
191Tatīci parla ensuite à TakkaN du caractère vicieux (Tamōkuṇam), que ce dernier attribuait à CivaN. Il lui dit : « AmalaN (CivaN) est exempt de tout kuṇam (caractère). En vue d’accorder sa grâee aux êtres, il conféra à AyaN les fonctions de création et à Māl celles de conservation se réservant les fonctions de destruction. Il attribua à ces trois sortes de fonctions, trois kuṇam (Cāttuvikam, Irācatam et Tāmatam). Bien que la destruction soit l’effet du tāmatam, on ne peut pour cela lui reprocher d’avoir un caractère vicieux. Si cela était, il aurait été incapable de créer les maRai et les ākamam et d’enseigner la science spirituelle aux muNi. Donc, il n’est jamais sujet au tāmatam qui ne lui est pas propre, mais qui lui est fictif, jouant son rôle temporairement, lors de la destruction seulement. (st. 16-22).
192Tel n’est pas le cas du dieu armé du disque (Tirumāl) et de AyaN (NāNmukaN), qui se laissent pousser par l’orgueil, la vanité, l’arrogance ou l’illusion. Il faut en outre savoir que CivaN est omniprésent. Il est dans tout être vivant, comme dans toute chose inanimée. Donc, il ne peut être la proie d’aucun vice. » (st. 23-31).
193TakkaN ne changea pas d’opinion. Il dit à Tatīci qu’il ne donnerait jamais l’avi à CivaN, lors du sacrifice qu’il allait entreprendre. Le muNi devint furieux et lança une malédiction contre lui, disant que lui et les célestes qui étaient à son service, seraient complètement ruinés. Puis s’adressant aux officiants, il leur dit qu’il deviendraient des hommes ordinaires sur terre, n’appartenant pas au culte établi par les maRai, parce qu’ils avaient dérogé aux règles imposées par ces maRai. (st. 32-37).
194Après ces imprécations, il quitta le lieu du sacrifice et retourna à son ermitage. (st. 38).
16. Le don
195Après le départ du sage Tatīci, le drapeau de TakkaN se détacha du mât et tomba sur le sol, des corbeaux et des aigles vinrent se poser sur la colonne du sacrifice, le cordon nuptial de Vētavalli (épouse de TakkaN), se détacha également de son cou. Tous ces mauvais présages n’inquiétèrent nullement l’organisateur du sacrifice. Il fit commencer les cérémonies, après avoir complimenté son père (Brahman) et NāraṇaN (Viṣṇu) (st. 1-2).
196Sur son ordre Tēnu (Kāmatēnu, vache d’abondance qui donne tout ce qu’on désire) apporta des plats délicieux à tous les invités. Maṇi (Cintāmani, pierre précieuse qui procure à son possesseur tout ce qu’il veut), Caṅkam (Caṅkaniti, or qui ressemble à la conque) et Ampuyaniti (Patumaniti, or qui ressemble au nénuphar) apportèrent diverses sortes de bijoux et de vêtements. (st. 3-13).
197Les gens porteurs du cordon sacré (Brahmanes) mangèrent jusqu’à satiété et ne cessèrent de parler entre eux de l’exquisité des mets servis. (st. 14-29).
198Après les repas on leur distribua du santal, du bétel et des fleurs. (st. 30-33).
199Puis le fils d’AyaN (TakkaN) fit des dons nombreux aux muNi et autres. Des vêtements, des bijoux, des vaches laitières, etc., leur furent donnés. (st. 34-39).
200Le faucon (KaruṭaN), monture d’Ari, le cygne, monture de NāNmukaN, l’éléphant blanc (Airāvatam), monture d’IntiraN, le bélier, monture d’AkkiNi, le buffle, monture d’IyamaN et les chevaux du soleil poussèrent des cris de joie. Les filles célestes exécutèrent des danses magnifiques, au son des instruments de musique de diverses sortes. Les habitants du ciel et de la terre, groupés en grand nombre, attendaient avec patience l’accomplissement des cérémonies du sacrifice. (40-46).
17. Le sacrifice
201Après entente avec Māl et AyaN, TakkaN donna aux sages qu’il avait convoqués, l’ordre d’allumer les trois sortes de feu prescrites pour le sacrifice. Cet ordre fut exécuté. S’adressant ensuite aux officiants, il leur dit de commencer les cérémonies. Douze d’entre eux préparèrent l’avi, l’herbe darbha (Saccharum spontaneum) et les bois du sacrifice. L’un d’eux procéda aux oblations. Un autre récita les mantiram relatifs aux tēvar en les invitant à accepter l’avi, pendant qu’un autre les appela par leurs noms. Un des officiants versa l’avi dans le feu alors qu’un autre surveillait attentivement les cérémonies. (st. 1-7).
202TakkaN, placé devant le feu du sacrifice, offrait par la pensée, l’avi à chacun des tēvar, lorsque leurs noms étaient prononcés par l’officiant. Bien que cet avi fût du goût de l’ambroisie, il leur semblait être amer comme le poison, à cause de l’exécution du sacrifice en l’absence du Maître (CivaN). (st. 8-9).
18. L’arrivée d’Umai
203Le sage NārataN qui était toujours en pérégrination, vint au monde terrestre. Il vit le sacrifice fait par TakkaN et constata que tous les dieux y étaient présents, sauf celui qui a du poison à la gorge (CivaN). Il s’étonna de l’absence de ce dernier et de l’arrogance de TakkaN qui ne l’avait pas invité. Il alla de suite au mont Kayilāyam. Autorisé par Nanti, il entra dans le palais du dieu à l’œil frontal et lui fit part du sacrifice exécuté par TakkaN sur le bord de la Kaṅkai avec l’assistance de MāyōN (Tirumāl), de Viti (Brahman) et autres, en son absence, contrairement au principe général. (st. 1-6).
204Parāparai (Umai) qui l’entendit, voulut voir le sacrifice fait par son père et sollicita de son époux l’autorisation d’y aller. Le Maître (CivaN) lui dit que TakkaN, devenu audacieux, n’aurait aucune considération à son égard et lui conseilla d’y renoncer. Mais la déesse (Umai) ayant insisté, il acquiesça. (st. 7-13).
205Elle monta sur un char. Les filles à son service, Cumāli et MāliNi portèrent des parasols, Maṅkalai et CumaNai agitèrent des éventails, tandis que les autres jetèrent des fleurs sur le char. Cukēcai, épouse de Nanti, suivit le char en portant dans ses mains les chaussures d’Umai. Deux domestiques, KamaliNi et ANintitai, accompagnèrent Cukēcai avec des guirlandes de fleurs dans les mains. D’autres filles dansèrent et chantèrent. Le ministre Cōmananti devança Umai, monté sur un taureau et entouré des milliers de Kaṇa. (st. 14-26).
206Kavuri arriva à l’endroit du sacrifice. TakkaN la vit. Il se mit en colère. Il la réprimanda et lui demanda pourquoi elle était venue, alors qu’il ne l’avait pas invitée. Sa fille lui fit remarquer que ses agissements étaient vexatoires et qu’ils auraient des conséquences fâcheuses. (st. 27-32).
207TakkaN répliqua : « Je te méprise, parce que, épouse de celui qui détruit tout, qui danse avec les démons et qui, en conséquence, est toujours en délire, tu es devenue, toi aussi, orgueilleuse et arrogante. Tandis que les autres me respectent et m’aiment. Je les estime et je leur donne l’avi du sacrifice que je refuse à toi et à ton époux. » (st. 33-37),
208Cette réplique irrita la déesse. Elle commença à s’agiter. Ses yeux devinrent rouges comme le feu et son haleine brûlante. La terre trembla. Le dieu qui siège sur le lotus (NāNmukaN), MāyaN et les amarar tressaillirent. Vimalai, une des compagnes d’Umai, l’exhorta au calme en lui adressant des paroles douces. (st. 38-44).
209Umai s’apaisa. Elle dit à son père qu’elle ne faisait pas cas des propos qu’il avait tenus à son égard, mais qu’elle ne pouvait pas tolérer les paroles outrageantes qu’il avait proférées à l’encontre de son époux. Elle ajouta que son rôle de destructeur n’avait aucun caractère malveillant, mais au contraire il émanait de sa sagesse et de ses sentiments de grâce parfaite envers tous les êtres. (st. 45-53).
210« Aussi ceux qui prononcent, continua-t-elle, les deux lettres Ci et Va qui composent son nom, sont sûrs d’obtenir la béatitude finale. Ceux qui le méprisent sont punis sans nul doute. Comme tu as commis un affront à son encontre en ne l’invitant pas au sacrifice que tu fais maintenant, tu seras sûrement châtié. » (st. 54-56).
211Cela dit, Umai retourna avec sa suite à Kayilai. Elle fit part à son époux des agissements de TakkaN et le pria de réduire à rien son sacrifice. Le Maître fit semblant de ne pas l’écouter. Mais Ampikai insista en disant qu’elle en serait contente et satisfaite. (st. 57-61).
19. VīrapattiraN
212Le Maître (CivaN) voulut détruire le sacrifice de TakkaN. Il fit sortir de son œil frontal VīrapattiraN. Celui-ci avait mille têtes, ayant chacune trois yeux et une bouche béante, avec des dents saillantes et crochues. Il était orné de guirlandes d’os, de crânes et de carapaces de tortue et armé du sabre, du javelot, du trident, du disque etc. Il portait aux chevilles des anneaux de guerrier. (st. 1-14).
213Umai qui le vit, devint furieuse. De sa fureur surgit Pattirakāḷi. Elle avait mille têtes et deux mille bras. Elle devint la compagne de VīrapattiraN. (st. 15).
214Tous les deux saluèrent CivaN et Umai. VīrapattiraN dit à CivaN qu’il était prêt à exécuter ses ordres. (st. 16-19).
215Le dieu à l’œil frontal lui dit : « TakkaN procède à un sacrifice, sans nous y inviter. Tu iras lui demander l’avi qui nous est dû. S’il le refuse tu troubleras son sacrifice, tu couperas sa tête et tu massacreras les siens. Et nous viendrons là à ce moment. » (st. 20-21).
216VīrapattiraN créa de son souffle, de sa sueur et des différentes parties de son corps, bon nombre du pūtam, sous des formes diverses et avec des teints divers, portant chacun des armes diverses. Pattirai (Pattirakāḷi) créa de son côté des Kāḷi qui avaient également des aspects différents. Entourés de toute la bande, VīrapattiraN et Pattirakāḷi se dirigèrent vers le lieu du sacrifice de TakkaN. Parmi les pūtam, PāNukampaN et autres marchaient en tête, au son de la musique. TaṇṭaN, PiNāki et CiṅkaN portaient des parasols et des éventails. Les Kāḷi précédaient Pattirai, tout en parsemant de fleurs le chemin qu’elles suivaient. La poussière soulevée par la marche de l’armée des pūtam, obscurcissait le ciel. (st. 22-57).
217VīrapattiraN arriva près de l’endroit du sacrifice. Il donna l’ordre à son armée de cerner le bâtiment où l’on faisait les cérémonies et de le surveiller. Les guerriers obéirent. (st. 58-60).
20. Destruction du sacrifice
218VīrapattiraN et Pattirakāḷi pénétrèrent dans la salle du sacrifice. A leur vue les dieux et les tēvar tremblèrent d’effroi. Les uns disaient qu’ils tueraient TakkaN et tous ceux qui avaient répondu à son invitation au sacrifice, les autres se lamentaient et cherchaient le moyen d’échapper au malheur imminent qu’ils allaient encourir. Ils avaient tous l’attitude des éléphants au milieu d’une forêt en flamme. (st. 1-6).
219VirapattiraN s’excita. Il prit sa corne et y souffla. Le son qui en sortit secoua le mont Mēru, la terre se fendit et les êtres tressaillirent de crainte. (st. 7-10).
220CiRuviti (TakkaN) s’attrista à la vue de ces évènements. Il demanda à VirapattiraN qui il était et pourquoi il était venu en ces lieux. VīrapattiraN lui dit qu’il était le fils de CaṅkaraN (CivaN)et lui demanda de sa part l’avi, qui lui était dû. TakkaN lui répondit que désormais personne ne donnerait à CivaN l’avi du sacrifice. Les quatre maRai (Veda) et le Kuṭilai (Praṇava) surgirent à ce moment. Ils lui dirent que seul AraN était qualifié pour présider aux sacrifices et lui conseillèrent de lui donner son avi. CiRuviti persista. Les maRai et le Kuṭilai quittèrent la salle du sacrifice. VīrapattiraN réitéra alors sa demande. TakkaN lui répondit qu’il ne donnerait jamais l’avi à celui qui danse avec une femme sur le terrain de crémation. (st. 11-17).
221AmpuyaN (NāNmukaN) et les autres étant restés cois en entendant ces mots, VīrapattiraN devint furieux. Il s’élança sur Ari et lui porta un coup à la poitrine avec sa massue. Ari s’affaissa. Il donna ensuite un coup de poing au dieu sur les lotus (NāNmukaN) qui tomba sur le sol et coupa les nez et les seins de ses épouses. Les tēvar essayèrent de sortir de la salle du sacrifice et de se sauver. VīrapattiraN les poursuivit. Se servant de ses armes, il les tua les uns après les autres. (st. 18-37).
222Le fils d’AyaN (TakkaN) devint stupéfait. Il se repentit de ses actes. Mais il pensa qu’il n’était pas digne de sa part de s’enfuir comme les autres. Il préféra lutter avec VīrapattiraN. (38-49).
223Il se présenta devant lui. VīrapattiraN·lui coupa la tête avec son épée. Avant qu’elle ne tombe sur le sol, il la saisit de sa main et la remit à PāvakaN (AkkiNi) qui l’absorba. Les femmes et les filles de TakkaN accoururent. Pattirakāḷi s’élança sur elles et les tua, se servant de son épée. (st, 50-53).
224VīrapattiraN et Pattirakāḷi se dirigèrent ensuite vers le groupe des aṇṭar (tēvar) et des muNi qui se trouvaient encore dans la salle du sacrifice. Les pūtam qui faisaient la garde à l’extérieur, pénétrèrent dans le bâtiment en démolissant le mur de clôture. Ils se mirent à massacrer les tēvar et les muNi. Ils éteignirent ensuite les feux sacrés allumés à l’occasion du sacrifice. Ils cassèrent les pots et les cruches qui étaient placés autour des fosses. Ils endommagèrent les autres objets qui ornaient la salle. Le sacrifice fut donc complètement désorganisé. (st. 54-82).
225MāyavaN (Tirumāl) qui s’était affaissé sous le coup de VīrapattiraN, reprit ses forces et se releva. Il vit le sinistre et devint confus. Cependant il voulut entrer en guerre contre VīrapattiraN. Il pensa à KaruṭaN, sa monture. Celui-ci étant mort au cours du massacre, ne se présenta pas. Il transforma alors sa colère en un KaruṭaN. Il monta sur lui et se dirigea vers les pūtam, en sonnant de sa conque. Il lança des flèches sur l’armée de VīrapattiraN. Les pūtam et les Kāḷi attaquèrent Tirumāl. ĀtināyakaN (CivaN) envoya à VīrapattiraN un char, tiré par mille chevaux. (st. 83-93).
226Sur ces entrefaites PaṅkayācaNaN (NāNmukaN) qui était également tombé sous le coup de VīrapattiraN, reprit connaissance et vit le combat. Il regretta son acte et voulut se mettre sous la protection de VīrapattiraN. Il alla le saluer et lui dit qu’il désirait être le conducteur de son char. VīrapattiraN lui pardonna et acquiesça à sa demande. Il monta avec Pattirakāli sur le char qui fut dirigé sur MāyaN (Tirumāl). Une lutte terrible eu lieu. L’un et l’autre se servirent d’armes de diverses sortes. Le combat se prolongea, ce qui excita la colère de VīrapattiraN. Celui-ci essaya de s’élancer sur Tirumāl avec une attitude très menaçante. Il entendit alors une voix au ciel, celle de Kaṇṇutal (CivaN) qui disait : « Calme-toi ». VīrapattiraN s’apaisa. Tirumāl qui l’entendit également cessa le combat et alla implorer le pardon de VīrapattiraN, à qui il dit qu’il était lui-même une des quatre catti de CivaN, les trois autres étant Aiyai (Turkkai) Kāḷi et Kavuri. VīrapattiraN lui accorda alors sa grâce. (st. 94-136).
227L’Infini (CivaN), monté sur son taureau en compagnie d’Umai, arriva. VīrapattiraN ainsi que Mal et AyaN le saluèrent. Kavuri vit les cadavres démembrés de TakkaN, des aṇṭar (tēvar) et des muNi. Elle eut un sentiment de pitié et pria son époux de les ressusciter. (st. 137-142).
228AraN donna l’ordre à VīrapattiraN de le faire. Celui-ci obéit, Les célestes et les muNi, ressuscités, virent CivaN et son épouse. Ils tremblèrent de peur et prièrent le Maître à la gorge noire de pardonner la faute qu’ils avaient commise en assistant au sacrifice de CiRuviti (TakkaN). Celui dont une partie du corps est occupée par son épouse, leur accorda sa grâce. Puis il dit à AyaN et autres qu’ils pouvaient rentrer dans leurs royaumes et reprendre leurs pouvoirs et leurs autorités. (st. 143-158).
229TicaimukaN (NāNmukaN) ne trouvant pas son fils TakkaN parmi les gens ramenés à la vie, se prosterna aux pieds du Maître (CivaN) et le pria de le ressusciter comme les autres. Umāpati (CivaN) donna encore l’ordre à VīrapattiraN de le faire. Sur la demande de celui-ci, PāNukampaN apporta le corps sans tête de TakkaN. VīrapattiraN prit la tête d’un bouc qu’il trouva mort près de la salle du sacrifice, l’ajusta au corps de TakkaN et le ramena à la vie. TakkaN vit VimalaN (CivaN) et son épouse et trembla de frayeur. Tout confus, il les salua de sa tête de bouc et implora leur grâce (st. 159-168).
230Le Père à trois yeux (CivaN) s’adressant à Māl, NāNmukaN, aux muNi et à TakkaN, dit qu’ils les avait châtiés à cause de leur démesure, due à leur destin et qu’ils n’avaient rien à craindre désormais. (169-170).
231Cela dit, il les quitta en compagnie de son épouse, pour se rendre au mont Kayilai, Nanti les précéda. VīrapattiraN et Pattirakāḷi ainsi que les pūtam les suivirent. Après être rentré dans son palais, il créa un monde nouveau pour VīrapattiraN et Pattirakāḷi. Ces derniers le saluèrent ainsi que son épouse et allèrent vivre dans ce monde avec les pūtam. Ils voyagèrent dans le char envoyé par le Père (CivaN) lors de la bataille. PāNukampaN leur servit de conducteur de char. (st. 171-176).
21. Recherche de la hase et du sommet
232Après le départ de l’Omniprésent (CivaN), le dieu au lotus rouge (NāNmukaN) fit remarquer à son fils TakkaN que le malheur qu’il venait d’avoir était dû à son illusion mentale et l’incita à faire ses dévotions au dieu à l’œil frontal (CivaN). Il lui dit que beaucoup d’êtres étaient sujets quelquefois à cette illusion, dont les conséquences désastreuses ne pouvaient être remédiées que par sa grâce. Il ajouta que lui et Māl avaient une fois souffert de cette illusion qui ne se dissipa que par la bienveillance de VimalaN (CivaN). TakkaN demanda alors à son père de lui conter cet évènement. (st. 1-11).
233TicaimukaN (NāNmukaN) parla : « La nuit étant venue, c’est-à-dire, à la fin de mille Caturyukam qui font pour moi le temps où il fait jour, je me suis endormi. Tout l’univers fut détruit. La mer envahit le monde entier, sauf la ville où Āriyai (Umai) avait fait sa pénitence (Kāñci). Celui qui est orné de feuilles de tuḷaci (basilic) à la tête (Tirumāl) se coucha alors à la surface de l’eau, sur une feuille de banian et s’endormit· A son réveil il constata la disparition de la terre. Il prit alors la forme d’un sanglier et la chercha. Il la trouva engloutie dans les abîmes. Il la souleva de sa corne et la ramena à sa place normale. Orgueilleux de cet acte, il alla se coucher sur l’océan de lait et se plongea dans un sommeil spirituel. C’était à ce moment la pointe du jour pour moi. Mille Caturyukam s’étaient écoulés. Je me suis réveillé et j’ai repris mes fonctions de créateur. Comme tous les êtres meurent pendant mon sommeil et qu’ils sont ensuite recréés par moi, à mon réveil, je pensais que personne ne pouvait m’égaler. (st. 12-26).
234Je vis Māl couché sur l’océan de lait. Je le réveillai et lui demandai qui il était, feignant de l’ignorer. Il répondit qu’il était mon père. Cette réponse m’ayant irrité, je lui dis qu’il ne pouvait pas prétendre être mon supérieur du fait que je suis sorti de son nombril et lui fis remarquer que le bois qui produit le feu ne peut pas être le créateur de cet élément et que la colonne d’où il est sortit lui-même ne serait jamais plus estimée que lui. Je lui rappelai en outre qu’il avait pris dix naissances à la suite d’une imprécation lancée contre lui par Piruku, mon autre fils. (st. 27-32).
235« NampaN (CivaN) t’a tranché, répliqua-t-il, une tête que tu n’as pas encore reprise. Sache que tous les êtres dépendent de moi et que je suis leur maître, leur dieu. » (st. 33-38).
236Ces paroles m’irritèrent davantage. Je lui proposai un duel. Nous nous battîmes. Le sage NārataN fit son apparition. Il nous dit qu’aucun de nous n’était l’Etre Suprême. Il nous reprocha d’avoir oublié notre dieu et nous conseilla de cesser le combat, faute de quoi le souverain maître (CivaN) se présenterait devant nous sous la forme d’une flamme. (st. 39-53).
237Sans faire attention à ses paroles, nous continuâmes la lutte qui dura mille ans. Beaucoup de choses animées et inanimées périrent. Une nuit, celle du quatrième jour de la pleine lune du mois de māci (février-mars), Parañcōti (CivaN) s’interposa entre nous deux sous la forme d’une flamme colossale. Nous entendîmes une voix qui nous demandait si nous pouvions voir la base et le sommet de cette flamme, ajoutant que celui qui verrait le premier la base ou le sommet, serait l’Etre-Suprême. Je répondis que je verrais le sommet. MātavaN (Tirumāl) se fit fort de trouver la base. (st. 54-66).
238KaṇṇaN (Māl) assuma la forme d’un sanglier, creusa le sol et alla dans les mondes inférieurs. Prenant la forme d’un cygne, je montai dans les cieux. J’ai voyagé mille ans sans pouvoir atteindre le sommet. Soudain je vis des cittar sortir de la flamme. Ils se disaient que Māl, fatigué, avait abandonné ses efforts et, revenu sur la Terre, il avait imploré la grâce de CivaN et que moi je finirais par perdre ma vie si je poursuivais ma recherche. A ces mots mon orgueil disparut. Je descendis sur le sol et me réconciliai avec KaṇṇaN (Tirumāl). (st. 67-85).
239Nous installâmes tous deux une idole de CivaN (Civaliṅkam) que nous adorâmes. Le Maître (CivaN) fit son apparition à proximité de la flamme, en compagnie de son épouse. Nous nous prosternâmes à ses pieds et nous implorâmes son pardon. Il nous accorda sa grâce et demanda ce que nous souhaitions de plus. Nous sollicitâmes alors le don d’avoir sans cesse un amour intense pour lui. Il nous accorda ce don et disparut avec son épouse dans la flamme. (st. 86-93).
240Nous adorâmes ensuite la flamme qui s’abaissa petit à petit et se transforma en une montagne ayant la forme d’un Civaliṅkam. Nous fîmes le tour de cette montagne, qui prit le nom d’ANalakiri (Aruṇācalam) et nous rentrâmes dans nos demeures respectives. La nuit où la flamme apparut fut appelée Civarāttiri. Ceux qui adorent CivaN pendant la Civarāttiri obtiennent par sa grâce la sagesse spirituelle. (st. 94-98).
241O mon fils (TakkaN) ! Comme tu connais maintenant la vérité, fais tes dévotions au Maître et obtiens ton salut. » (st. 99).
22. TakkaN adore CivaN
242CiRuviti (TakkaN) promit à son père (NāNmukaN) de pratiquer le culte de CivaN. Il alla à la ville de Kāci (Banaras) et érigea un temple sur le bord du fleuve Kaṅkai, à proximité de MaṇikaNRikai (Maṇikarnikai). Il y installa une idole de CivaN (Civaliṅkam) qu’il adora pendant mille ans. (st. 1-4).
243Le dieu à l’œil frontal (CivaN) fit son apparition. TakkaN se prosterna à ses pieds. Il lui exposa ses doléances et sollicita sa grâce. CivaN pardonna toutes ses fautes. Il le plaça à la tête de ses kana et disparut. (st. 5-7).
244Au moment où TakkaN partit pour Kāci, Māl, AmpuyaN (NāNmukaN) et le roi des célestes (IntiraN) saluèrent VīraN (VīrapattiraN) et retournèrent chacun chez soi. Ils adorèrent MātōrpākaN (CivaN) et vécurent en parfaite santé. Les antaṇar (brâhmanes) qui avaient assisté au sacrifice de TakkaN et qui avaient été tués par les pūtam et ressuscités ensuite, rentrèrent également chez eux. (st. 8-11).
245L’histoire (de TakkaN) ayant été ainsi racontée par KuravōN (ViyāLapakavāN), le fils de celui qui avait coupé les ailes des montagnes (CayantaN) s’en réjouit et alla au monde céleste, où il mena une vie paisible et tranquille. (st. 12).
23. Le culte de KantaN
246L’empereur MucukuntaN alla voir un jour le sage VaciṭṭaN et lui demanda en quoi consistait le culte de VēlavaN (KantaN) et comment il fallait l’observer. (st. 1-2).
247Le sage lui dit :
248« Parmi les sept jours de la semaine, vendredi est recommandable pour les austérités à l’égard de celui qui a sauvé le monde des célestes (MurukaN). Ceux qui les pratiquent ce jour-là sont sûrs de la réalisation de tous leurs désirs. (st. 3).
249Il y avait un roi du nom de PakīrataN. Il régnait sur tout l’univers. Un nirutaN (acuraN) appelée KōraN envahit son royaume. Il alla alors s’en plaindre auprès de PukaravaN (Cukkirācāriyar). Celui-ci lui conseilla d’observer le jeûne en l’honneur de celui qui a un javelot à la main (ĀRumukaN), tous les vendredis et ce pendant trois ans. Le roi suivit ce conseil. Il jeûnait tous les vendredis et ne mangeait qu’une seule fois la veille et le lendemain. Trois ans s’étant écoulés, le javelot d’ĀRumukaN vint absorber la vie de KōraN. PakīrataN reprit alors son pays et ses pouvoirs (st. 4-7).
250Parmi les sept sages importants, NārataN voulut avoir la supériorité. Il adora le fils aîné de Pārppati (Pārvati) qui se présenta devant lui et lui dit que son vœu serait exaucé s’il vénérait son frère ĀRumukaN, en observant pendant douze ans le jeûne les jours où la constellation kārttikai est prépondérante. NārataN alla au monde terrestre et mena une vie austère. Ne mangeant qu’une seule fois la veille, le jour de kārttikai il se baignait dès l’aube, s’habillait de vêtements blancs, maîtrisait ses sens, se livrait à la méditation, adorait Cevvēḷ (ĀRumukaN) et lisait son purānam. Le soir il couchait sur l’herbe taruppai et passait la nuit sans dormir, toute sa pensée étant portée vers ĀRumukaN· Le lendemain matin après son bain, il adorait encore Kantavēḷ et prenait son repas, le seul pour toute la journée. Au bout de douze ans, il devint le principal de tous les sages. (st. 8-16).
251Un maRaiyōN (brâhmane) qui avait observé le jeûne de kārttikai devint le premier maNu et régna sur le monde entier. Un autre antaṇaN (brâhmane) au moyen de la même austérité devint le roi Tiricaṅku. Jadis un roi et un chasseur, en observant la mortification le jour de kārttikai, devinrent respectivement AntimāN et CantimāN, de la première classe des vaḷḷal (célébres par leurs libéralités) et exercèrent leurs autorités sur toute la terre. (st. 17-19).
252Les observances rituelles relatives au service d’ĀRumukaN sont nombreuses. Mais celles pratiquées pendant six jours, au mois d’aippaci (octobre-novembre), depuis le premier jour de la quinzaine claire, sont importantes. Après leur bain matinal, les dévots doivent se livrer à la méditation et à l’adoration de KantaN. Le soir ils chanteront ses éloges. Ne buvant qu’une petite quantité d’eau, ils s’abstiendront de tout autre aliment. Le septième jour, ils feront un pūcai (pūja) spécial pour MurukaN et déjeuneront ensuite. En observant ces rites, les célestes et les muNi ont pu se délivrer de la tyrannie des avuṇar. (st. 20-23).
253L’empereur manifesta alors au sage VaciṭṭaN le désir de faire lui aussi ces austérités. Il les commença le jour même et les observa pendant longtemps. Un jour ĀRumukaN, monté sur son paon et entouré de ses guerriers, dont Vīravāku et ses kaṇa, se présenta devant lui et lui demanda ce qu’il souhaitait. MucukuntaN sollicita le don de régner sur tout l’univers, avec l’assistance de Vīravāku et de ses guerriers. MurukaN lui accorda ce don. Les guerriers mécontents, lui dirent qu’après avoir détruit la race de CūraN (CurapaNmaN), ils ne voulaient pas se mettre au service d’un homme de la dynastie solaire. Cette désobéissance leur valut une imprécation d’ĀRumukaN qui leur dit qu’ils deviendraient hommes et formeraient l’armée de MucukuntaN et qu’en faisant ensuite une pénitence ils reprendraient leur état primitif. Cela dit, il disparut. Vīravāku et autres devinrent des guerriers humains et se mirent au service de l’empereur. (st. 24-34).
254MucukuntaN s’installa dans la ville de Karuvūr et administra sainement son pays. Il fit construire dans des quartiers spéciaux, de beaux bâtiments pour Vīravāku et les guerriers. La ville était si belle que les filles célestes prirent naissance dans des familles royales de la terre et vinrent l’habiter. L’empereur les maria à Vīravāku et ses camarades. Puṭpakānti une des filles célestes qui épousa Vīravāku, donna naissance à une fille, qui fut appelée Cittiravalli, et à deux garçons nommés respectivement ANakaN et CaNakaN. Cittiravalli épousa MucukuntaN. (st. 35-39).
255La femme de TarumaN (YamaN) vit un jour dans la maison de Cittiravalii un perroquet que cette dernière élevait soigneusement. Elle voulut l’avoir pour elle. Elle en fit part à ses serviteurs qui allèrent l’attraper sans que personne ne le sache. Ils le portèrent à leur maîtresse qui en fut contente. Cittiravalli constata la disparition de son perroquet et s’en plaignit à son époux. MucukuntaN parvint à savoir que l’oiseau se trouvait entre les mains de la femme de maRali (YamaN). Il donna l’ordre à Vīravāku d’aller le chercher. Celui-ci accompagné de ses guerriers se rendit à la ville de TarumaN (YamaN), vainquit ce dernier et rapporta le perroquet. (st. 40-44).
256Quelque temps après Cittiravalli devint enceinte. Elle eut l’envie de manger des fruits. MucukuntaN envoya ses serviteurs chercher des fruits dans les pays montagneux. Les habitants de ces régions les empêchèrent de les cueillir. Vīravāku se rendit alors dans ces pays et livra bataille avec eux et les vainquit. Il apporta une grande quantité de fruits à l’impératrice qui en fut satisfaite. Cittiravalli eut ensuite un enfant qui prit le nom d’AṅkivarmaN (AkkiNivarmaN). (st. 45-48).
257Durant le règne de MucukuntaN un avuṇaN du nom de ValācuraN alla avec son armée assiéger le monde céleste. MakavāN (IntiraN) se défendit, mais il ne put vaincre l’ennemi. Il envoya un émissaire auprès de MucukuntaN, pour demander son assistance. L’empereur alla au monde céleste en compagnie de ses guerriers. Il massacra bon nombre d’avuṇar (Voir Pl. XXI Fig. 2). MakavāN parvint à tuer ValācuraN avec son kulicam (Vajrāyuda) et prit le nom de Valāri. Il amena ensuite MucukuntaN à son palais et lui adressa ses remerciements et ses félicitations. Puis il adora le dieu vénéré par Tirumāl. (st. 49-56).
258MucukuntaN le vit et en fut ravi. C’était un assemblage de trois idoles : Kaṇṇutal était assis ; à ses côtés se trouvaient Umai et son fils, comme sur le mont Kayilai. Ce spectacle éveilla en MucukuntaN un sentiment de piété profonde. Il commença à chanter les éloges du Dieu et dansa. (st. 57-67).
259Le Maître lança un regard gracieux sur l’empereur et lui dit que ĀLiyāN (Tirumāl) l’avait remis à UmparkōN, (IntiraN) après l’avoir longtemps vénéré. Et sans que celui-ci l’entende, il ajouta : « Porte moi sur la Terre et vénère-moi là. » (st. 68).
260Après son adoration, IntiraN offrit un repas somptueux à MucukuntaN, lui donna en cadeau des vêtements, des parures et des armes. Il lui demanda ensuite ce qu’il souhaitait de plus. MucukuntaN lui répondit qu’il désirait porter au monde terrestre le dieu qu’il vénérait et en sollicita l’autorisation. (st. 69-72).
261IntiraN lui dit : « Jadis Tirumāl fit une pénitence implorant CivaN. Celui-ci apparut avec Kavuri. Il sollicita et obtint de lui le don d’avoir un enfant. Comme il ne salua pas à ce moment Kavuri, celle-ci devint furieuse et lança une imprécation contre lui, disant que le fils qu’il attendait serait vite tué par la colère de son époux même (st. 73-81).
262Affligé par cette malédiction, AccutaN (Tirumāl) fabriqua les statues du dieu, de la déesse et de leur fils cadet (MurukaN), les installa ensemble à l’endroit même où il se trouvait alors et les adora. Puis il se livra à une pénitence rigoureuse pendant des millions d’années. CivaN fit de nouveau son apparition, accompagné toujours de Catti (Umai). Tirumāl alla se prosterner d’abord aux pieds de la déesse et ensuite à ceux du Maître (CivaN). Celui-ci dit à son épouse de lui accorder sa grâce. Umai fit remarquer à CītaraN (Tirumāl) que le don à lui accordé par son époux et la malédiction lancée par elle ne pouvaient pas disparaître, mais seulement être atténués dans une certaine mesure. Elle ajouta que son fils serait brûlé par le feu jaillissant de l’œil frontal de son époux et qu’il serait ensuite ressuscité. « Qu’il en soit ainsi », dit le Maître (CivaN). Les deux époux disparurent ensuite. (st. 82-89).
263De la pensée de Tirumāl naquit Kāmavēḷ, d’une beauté excellente. De son arc de canne à sucre, il lançait des flèches de fleurs sur les hommes et les femmes et éveillait et attisait l’amour en eux. Un jour il lança sa flèche sur Kaṇṇutal (CivaN). Celui-ci ouvrit son œil frontal et la flamme qui en sortit le brûla. Ensuite il le ressuscita lui-même. Quant à NēmiyāN (Tirumāl), il alla se coucher sur l’océan de lait en gardant sur sa poitrine les trois statues qu’il adorait. » (st. 90-95).
264IntiraN continua : « A cette époque vivait un acuraN du nom de VāRkali. Il attaqua le monde des immortels. Vaincu par lui. je suis allé me plaindre auprès du dieu qui dort sur le serpent (Tirumāl). Je l’ai vu couché sur l’océan de lait. Il avait sur la poitrine les statues du dieu, de la déesse et de leur enfant qu’il serrait d’une de ses mains. Je l’ai réveillé et lui ai demandé protection. Il me remit alors ses statues et me dit de les adorer. Je les ai placées sur ma tête et je l’ai quitté. (st. 96-101).
265AccutaN (Tirumāl) se retira de l’océan de lait. Il se rendit au salon d’or de Tillai, où notre Maître danse. Il se prosterna à ses pieds et y resta pendant quatre mois, admirant sa danse. Puis il engagea une guerre contre VāRkali et le tua. Après la mort de l’acuraN, il retourna à l’océan de lait. Je suis rentré au monde céleste et je continue à y adorer les trois divinités qui m’avaient été données par Māl. Si ce dernier consent, je n’aurais aucune objection à vous les remettre. » (st. 102-108).
266MucukuntaN alla à l’océan de lait et fit part à KēcavaN (Tirumāl) de l’objet de sa visite. Ce dernier lui dit d’aller prendre les statues qui se trouvaient entre les mains d’IntiraN, de les porter au monde terrestre et de les adorer. MucukuntaN rapporta à PurantaraN (IntiraN) cette réponse qui le peina beaucoup. Il ne voulut nullement se dessaisir des statues. Il eut recours à un moyen astucieux. (st. 109-110).
267Il fit venir le sculpteur de son royaume et fit fabriquer six séries de ces statues, identiques à celle qu’il possédait. Il les remit une à une à MucukuntaN qui, à chaque fois, s’exprima : « Ce n’est pas la vraie série », car aucune des statues ne lui dit mot. Enfin IntiraN apporta la série que lui avait donnée Tirumāl et la tendit à l’empereur. Sans que son possesseur l’entende, le dieu à trois yeux dit à MucukuntaN : « Nous venons à toi, porte-nous sur la Terre ». A ces mots, l’empereur affirma que ces statues étaient celles adorées par ĀLiyāN (Tirumāl) et demanda de les lui remettre. Le roi des imaiyavar (tēvar) les lui donna ainsi que les six autres séries et lui recommanda de les installer dans des lieux saints comme Kamalālayam (Tiruvārur). (st. 111-116).
268MucukuntaN retourna au monde terrestre. Il installa à Ārur (Tiruvārūr) dans le temple de CivaN les statues adorées par le dieu à la guirlande de tuḷavu (basilic) et les six autres séries respectivement à Nākai, NaḷḷāRu, KāRāyal, Kōḷariyūr, Vāymiyūr et MaRaikkāNam (TirumaRaikkāṭu). Il organisa ensuite une fête en l’honneur des divinités d’Ārūr. (st. 117-119).
269Le roi des célestes (IntiraN) qui pensait avoir commis un péché en remettant à MucukuntaN les statues qu’il avait adorées, assuma la forme d’un pulayaN (paria) et vint sur la Terre. Monté sur un éléphant, il annonça au son du tambour la fête des divinités installées à Ārur et invita les gens à y assister. (st. 120-121).
270MucukuntaN organisa également d’autres fêtes spéciales, à des époques différentes, dans chacun des six autres lieux où il avait installé les trois divinités. (st. 122).
271MakavāN (IntiraN) resta longtemps à Ārūr, vénérant le « Parfait » et assistant à ses fêtes. Il fit ensuite une pénitence. Il reprit alors sa forme primitive et retourna au monde céleste. (st. 123).
272Après avoir longtemps exercé ses pouvoirs à Karuvūr, MucukuntaN confia son royaume à son fils AṅkivaNmaN et fit une pénitence après laquelle il se rendit au mont Kayilai. Vīravāku et les guerriers laissèrent leurs fils au service d’ĀṅkiVaNmaN, reprirent la forme d’habitants du ciel et allèrent vivre sur le mont Kantakiri où ils firent leurs dévotions au dieu armé de javelot (MurukaN). (st. 124-126)
273L’importance et la gloire du culte du « Maître Absolu » (KantaN) sont si grandes que, ceux qui le suivent obtiennent tout ce qu’ils désirent et sont respectés même par les imaiyavar (tēvar). (st. 127).
24. Le mariage de Vaḷḷiammai
274Il y a une montagne appelée VaḷḷiveRpu (Vaḷḷimalai), à proximité de la ville de MeRpāṭi, dans le pays Toṇṭaināṭu. Dans un village situé au pied de cette montagne, vivait un chasseur du nom de Nampi. Il avait des enfants qui étaient tous des garçons. L’absence de fille le chagrina. (st. 1-18).
275Sur le flanc de la montagne un sage nommé CivamuNi faisait sa pénitence. Un jour une biche vint à passer devant lui. Quand il la vit, il eut des pensées lascives. Son regard amoureux fit opérer la conception en la biche. La fille de Māl pénétra dans son embryon. La biche erra ça et là et mit bas dans un fossé, creusé par les femmes des chasseurs pour déterrer des tubercules de vaḷḷi (patate). La mère constata que son petit n’était pas de son genre. Elle l’abandonna dans le fossé et s’éloigna. C’était une charmante enfant, ornée de bijoux et vêtue de feuillage. Elle poussait des vagissements. (st. 19-32).
276Nampi, accompagné de son épouse (Voir Pl. XXII Fig. 1) et de sa suite, arriva à cet endroit en promenade. Il entendit le cri du bébé. Il courut vers le fossé et il y vit l’enfant à son grand étonnement. Heureux d’avoir trouvé une fille, il la prit dans ses bras et la porta à son épouse qui en fut ravie. Tous deux rentrèrent à la maison avec l’enfant et organisèrent des fêtes. On lui donna le nom de Vaḷḷi, parce qu’elle a été trouvée dans un fossé de vaḷḷi (patate). (st. 33-43).
277L’enfant grandit à la joie des parents. Elle eut douze ans. Selon les us et coutumes de la classe des chasseurs, Vaḷḷi fut envoyée aux champs de millet pour surveiller les cultures. S’installant dans un itaṇam* construit au milieu des champs, elle surveillait les moissons. (Voir Pl. XXII Fig. 2). Se servant de claquettes, elle effrayait les perroquets et les autres oiseaux. A l’aide de la fronde, elle chassait et éloignait les animaux, tels que sangliers, cerfs etc. (st. 44-54).
278ĀRumukaN voulut accorder sa grâce à Vaḷḷi. Il quitta le mont Kantavarai (Kantamalai ou Kantakiri) et arriva à Taṇikai. Le sage NarataN vint le rejoindre, après avoir visité Vaḷḷimalai. Il lui parla de Vaḷḷi. Il fit état de sa beauté et de sa dévotion pour lui. (st. 55-64).
279ĀRumukaN assuma la forme d’un chasseur (Voir Pl. XXIII Fig. 1). Armé d’un arc et muni des flèches, il arriva aux champs de millet gardés par Vaḷḷi. Il s’approcha du paraṇ où elle se trouvait et lui adressa des paroles douces. Il lui demanda quel était son nom et à quel village elle appartenait. A ce moment Nampi vint voir sa fille, accompagné d’autres chasseurs. ĀRumukaN se transforma alors en un arbre vēṅkai (Pterocarpus bilobus). Nampi donna à sa fille de la patate, du miel, de la farine de millet et du lait pour se nourrir. Les chasseurs constatèrent la présence spontanée de l’arbre. Pensant qu’il pouvait porter malheur, ils voulurent l’abattre. Nampi demanda à sa fille comment cet arbre se trouvait à cet endroit. Elle répondit qu’elle n’en savait rien. Il défendit alors à ses hommes de l’abattre et quitta les champs. (st. 65-81).
280Après le départ de Nampi, le Maître (ĀRumukaN) reprit la forme d’homme. Il s’avança vers Vaḷḷi et engagea avec elle une conversation au cours de laquelle il manifesta le désir de l’épouser (Voir Pl. XXIII Fig. 2.) Par pudeur Vaḷḷi baissa la tête. Elle répondit qu’il ne serait pas digne de sa part d’aimer une fille appartenant à la classe basse des chasseurs. A ce moment ils entendirent le son des tambours et des cornes. Nampi revenait aux champs avec sa troupe. Vaḷḷi dit à son interlocuteur que les chasseurs étaient méchants et qu’ils lui feraient du mal s’ils venaient à le voir en ces lieux. Elle lui conseilla de s’enfuir. (st. 82-93).
281KumarēcaN (MurukaN) se transforma anssitôt en un dévot civaïte, très âgé. Il alla droit vers le chef des chasseurs, lui remit une pincée de cendre sacrée et le bénit. Nampi se prosterna à ses pieds et lui demanda ce qu’il désirait. Le dévot lui dit qu’il était venu dans l’intention de prendre des bains purificateurs dans le ruisseau qui descendait de sa montagne. Le chasseur lui promit toute son aide et le pria de tenir compagnie à sa fille. Il remit à cette dernière sa nourriture habituelle et rentra chez lui, suivi de ses hommes. (st. 94-99).
282Le vieillard dit à Vaḷḷi qu’il avait faim. Elle lui donna de la farine de millet mélangée avec du miel. Il la mangea. Il dit ensuite qu’il avait soif. La fille lui indiqua une source à quelque distance de là et lui dit d’aller s’y désaltérer. Le dévot lui fit remarquer que ne connaissant pas bien la disposition des lieux il ne pouvait pas y aller seul et la pria de l’accompagner. Vaḷḷi le mena à la source, où il but à satiété. (st. 100-103).
283Après s’être désaltéré, il lui dit : « Tu as apaisé ma faim et ma soif. Maintenant j’ai une fièvre d’amour, c’est à toi de la guérir, » A ces mots Vaḷḷi lui adressa des repioches,-le quitta et se précipita vers les champs. (st. 104-109).
284MurukaN pensa à son frère au visage d’éléphant (VināyakaN). Celui-ci, sous la forme d’un gros éléphant, surgit devant elle. Elle s’effraya, rebroussa chemin et courut vers le vieillard pour lui demander secours et protection. Elle lui promit en outre de se soumettre à son désir. Le vieillard salua l’éléphant et l’invita à s’éloigner, ce qu’il fit aussitôt. Il amena alors Vaḷḷi dans un bosquet et l’embrassa. Puis il se montra sous sa forme réelle, avec six têtes, douze bras, armé de javelot et d’autres armes et monté sur un paon. Ravie de cette vision, Vaḷḷi se prosterna à ses pieds (Voir P). XXIV Fig. 1). Il la releva et lui dit qu’il s’était présenté à elle pour lui accorder sa grâce car, fille de Tirumāl dans sa vie antérieure, elle avait fait une pénitence longue et rigoureuse pour l’avoir comme époux. Il lui conseilla de retourner à ses champs de millet, ajoutant qu’il irait là la retrouver ensuite Vaḷḷi obéit. (st. 110-120).
285Une amie qui surveillait un champ voisin vint voir Vaḷḷi, dont l’attitude éveilla en elle des soupçons. Elle la questionna sur son absence momentanée et sur le changement de sa physionomie. Vaḷḷi répondit, mais ses réponses étaient évasives. A ce moment celui qui s’était transformé en un arbre revint sous la forme d’un chasseur et demanda aux deux filles si elles avaient vu passer un éléphant saignant de la bouche et couvert de blessures qu’il prétendait lui avoir faites avec ses flèches. L’amie constata alors que Vaḷḷi et le chasseur se lançaient mutuellement des regards amoureux. Elle demanda donc au chasseur de s’éloigner. Celui-ci lui dit qu’il aimait sa compagne et qu’elle devait faciliter leur rencontre, faute de quoi il irait en maṭal* dans les rues de son village, avec un portrait de Vaḷḷi à la main. Elle le pria alors de ne pas le faire et lui promit d’amener son amie à un bois voisin où il pourrait la retrouver. Le chasseur alla à ce bois et attendit Vaḷḷi. La compagne y amena cette dernière, lui dit de se reposer au pied" d’un arbre et la quitta pour aller lui chercher des fleurs. Le chasseur profita de cette occasion et s’approcha de Vaḷḷi qui se prosterna à ses pieds. Il la souleva et l’embrassa. Puis il lui dit d’aller à son paraṇ et de surveiller les cultures avant que son père n’y vienne. Cela dit, il se sépara d’elle. Vaḷḷi retourna à sa place où son amie vint la rejoindre avec des fleurs. (st. 121-146).
286Les épis de millet vinrent à maturité. Les montagnards devant faire la moisson, ordonnèrent à Vaḷḷi de rentrer au village. Le cœur gros, elle revint à la maison de ses parents. Sa rencontre avec Puṅkavar (MurukaN) devint impossible. Elle s’en affligea et commença à dépérir. La mère fit venir une pythonisse qui dit que son dépérissement était dû au manque de dévotion à MurukaN. On organisa alors une cérémonie en son honneur. (st. 147-157).
287Un jour Cevvēḷ (MurukaN) revint aux champs de millet. N’y trouvant pas Vaḷḷi, il se désespéra et erra çà et là. Au milieu de la nuit, il alla à son village. L’amie de Vaḷḷi l’aperçut devant sa maison. Elle se précipita vers lui et lui dit que sa rencontre avec son amante étant difficile, il lui serait loisible de l’enlever. Et elle lui amena Vaḷḷi. Tous les deux quittèrent subrepticement le village. (st. 158-169).
288Le lendemain la femme de Nampi se réveilla de bonne heure. Elle constata la disparition de sa fille. Elle se désola et en fit part à son époux. Celui-ci devint furieux et alla à sa recherche, accompagné de ses guerriers montagnards. Vaḷḷi les aperçut de loin. Elle trembla de peur. ĀRumukaN la consola. Les poursuivants hâtèrent leurs pas et cernèrent les fugitifs. Ils lancèrent des flèches sur MurukaN. Le coq qui se trouvait avec lui chanta. Dès qu’ils entendirent son chant, les chasseurs tombèrent évanouis sur le sol et périrent. (st. 170-184).
289En voyant ses parents morts, Vaḷḷi se lamenta. KantaN quitta aussitôt cet endroit et continua son chemin avec elle. Le sage NārataN se présenta devant eux et dit à MurukaN qu’il n’était pas logique d’emmener Vaḷḷi, sans accorder sa grâce à ses parents. Il retourna alors à l’endroit où se tronvaient les cadavres et demanda à Valli de les ressusciter. Cette dernière jeta un regard gracieux sur eux. Nampi et ses compagnons se relevèrent comme s’ils étaient tirés du sommeil. Le Maître (MurukaN) prit aussitôt sa forme naturelle. Frappé d’admiration et d’étonnement, le chef des chasseurs lui fit ses révérences et le pria de revenir à son village avec Vaḷḷi pour se marier légitimement avec elle et de retourner ensuite chez lui. (st. 185-192).
290ĀRumukaN regagna la demeure de Vaḷḷi. NārataN les accompagna. Tout le village fut en fête. Les fiancés s’assirent sur une peau de tigre. ĀRumukaN regarda gracieusement sa fiancée qui, perdant aussitôt son aspect de fille de chasseur, reprit sa forme divine. Tous les invités se réjouirent de ce changement. Nampi mit la main de Vaḷḷi sur celle de KantaN et déclara lui donner sa fille en mariage. NārataN, servant d’officiant (Voir Pl. XXIV Fig. 2), fit les cérémonies du mariage. (st. 193-200).
291Le dieu des dieux (CivaN), accompagné de la fille du roi des montagnes (Umai) et entouré d’Ari, de NāNmukaN et du roi des célestes (IntiraN), apparut en l’air. Lui et son épouse bénirent les mariés, tandis que les autres leur présentèrent leurs respects. Les noces terminées, ils disparurent tous. Nampi offrit ensuite aux mariés et aux invités un repas où furent servis à profusion du miel, de la farine de millet et des fruits. (st. 201-209).
292ĀRumukaN dit à Nampi qu’il désirait aller au mont Ceruttaṇi (Taṇikai) et y rester quelque temps. Les deux époux prirent congé de leurs parents et se rendirent à cette montagne par la voie aérienne. Ils s’installèrent dans un temple que l’architecte des tēvar y avait construit pour eux (Voir PL XXV Fig. 1). (st. 210-214).
293Un jour Vaḷḷi demanda à son époux de lui parler de la gloire du mont Ceruttaṇi.
294« Cette montagne, lui dit-il, prit le nom de Ceruttaṇi* parce que ma fureur contre CūraN (CūrapaNmaN) et autres s’est apaisée lorsque je suis arrivé ici. Etant située non loin de Kāñci, elle est célèbre comme cette ville. Le dieu à la gorge noire (CivaN) préfère Kayilāyam aux autres montagnes ; quant à moi, je préfère Ceruttaṇi aux autres. IntiraN a planté au bord d’une source de cette montagne trois plantes de néuuphar bleu donnant chacune une fleur par jour, l’une le matin, une autre à midi et la troisième le soir. Ceux qui révèrent cette montagne sont délivrés de leurs péchés. Ceux qui nous adorent, après un bain dans sa source, arrivent facilement à notre royaume. Ceux qui nous font leurs dévotions en ces lieux pendant cinq jours obtiennent tout ce qu’ils désirent, même la félicité suprême. Un acte de charité fait ici, donne le fruit de plusieurs actes accomplis en d’autres endroits. (st. 215-228).
295Vaḷḷi trouva ces explications satisfaisantes. Elle resta avec son époux à Ceruttaṇi pendant quelque temps, adorant avec lui une des cinq formes (Civaliṅkam) de celui dont la grandeur échappe à Māl et AyaN. (st. 229-231).
296ĀRumukaN quitta Ceruttani et se rendit avec son épouse à sa montagne de KantaveRpu (Kantakiri), située non loin de la montagne d’argent (Kayilāyam). La fille d’IntiraN (TeivayāNai) qui était seule dans le temple alla devant eux, salua ĀRumukaN et le reçut avec joie. Vaḷḷi se prosterna à ses pieds. TeivayāNai l’embrassa et lui dit qu’elle était heureuse de trouver en elle une bonne compagne. Le dieu armé de javelot (MurukaN) alla ensuite se placer sur son trône. Vaḷḷi et TeivayāNai se mirent à ses côtés (Voir Pl. XXV Fig. 2). (st. 232-237).
297Sur la demande de TeivayāNai, MurukaN lui conta l’histoire de Vaḷḷi. Il lui dit : « Toi et Vaḷḷi, vous êtes toutes les deux filles du dieu armé de disque (Tirumāl). Vous avez voulu m’épouser et, à cet effet, vous avez fait une pénitence pendant douze ans. Je me suis présenté devant vous et vous ai dit de prendre naissance, toi au monde céleste et Vaḷḷi sur la Terre. En conséquence, tu es devenue fille de celui qui a le nuage pour monture (IntiraN) et je suis venu t’épouser. Vaḷḷi devenue fille de CivamuNi, a été élevée par une famille de chasseurs de VaḷḷiveRpu (Vaḷḷimalai). Je suis allé la trouver et, par des mystères, je lui ai fait reprendre ses anciens sentiments. Ses parents ont consenti à son mariage. Après l’avoir épousée, je suis resté avec elle pendant quelque temps sur la montagne sacrée (Ceruttaṇi), d’où je suis venu ici. » (st. 238-251).
298TeivayāNai se réjouit de cette histoire. Vaḷḷi se prosterna encore une fois à ses pieds et lui dit qu’elle était heureuse d’être sa sœur, comme dans la vie antérieure. TeivayāNai la souleva et l’embrassa, disant qu’il n’y avait pas de bonheur plus grand que de vivre avec elle, sous la protection gracieuse du Maître (MurukaN). (st. 252-254).
299Les deux femmes vécurent en bonne harmonie, vénérant leur époux, comme les rivières Kaṅkai et YamuNai qui se jettent à la mer où elles s’unissent. KumaraN, leur accordant toujours sa grâce, resta en leur compagnie sans se séparer d’elles, de façon qu’on pût dire qu’ils étaient tous les trois, comme les trois yeux sur le visage de PiññakaN (CivaN). (st. 255-259).
300Le coq qui représente le drapeau du dieu à six têtes, le paon qui lui sert de monture, son char (MaNavēkam), le bélier (qui est sortit du sacrifice de NārataN), son javelot et ses autres armes, lui rendaient leurs services, se trouvant tantôt dans son temple, tantôt aux environs du temple, (st. 260-265).
301Ceux qui lisent l’histoire de KumarēcaN (KantaN), ceux qui la racontent et ceux qui l’entendent obtiennent, par sa grâce, la béatitude finale. Vénérons donc sans cesse ses pieds sacrés. (st. 266-267).
Notes de fin
* Un doigt est le seizième du diamètre de la lune.
* Veyyōn = Soleil. Le soleil étant le maître du Lion, le mois dont il s'agit est le mois de Simha ou Āvaṇi.
* Appelé aujourd’hui Tirrucceṅkāṭṭāṅkuṭi
* Itaṇam dit aussi paraṇ est une sorte de hutte assez élevée, soutenue par quatre poteaux.
* Le maṭal est le fait par un amoureux désespéré de monter sur un cheval fabriqué avec des branches dentées de palmier et de se faire traîner dans les rues pour en mourir de douleur.
* Ceru = fureur ; tapi = apaisement.
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La création d'une iconographie sivaïte narrative
Incarnations du dieu dans les temples pallava construits
Valérie Gillet
2010
Bibliotheca Malabarica
Bartholomäus Ziegenbalg's Tamil Library
Bartholomaus Will Sweetman et R. Ilakkuvan (éd.) Will Sweetman et R. Ilakkuvan (trad.)
2012