III. Culte de Śiva
p. 36-74
Texte intégral
Préparation de l’officiant
1Le passage qui commence par atha donne la règle relative à la pūjā, annoncée à. la fin du chapitre précédent. Telles sont les connexions : celle avec le chapitre1 et les autres.
1. Maintenant, dans la maison réservée au culte, pure, protégée par un rampart d’ASTRA, enveloppée totalement par VARMAN, il faut que [le fidèle], transformé en Śiva, adore Śiva au-dedans et au-dehors.
2Le mot atha veut dire : après le (les ?) bain. Dans une pièce réservée au culte (pūjāgṛha, glosant arcābhavana)2 ; “pure”, c.-à-d. débarrassée de toutes les saletés, les épines et le reste ; dont la protection est assurée par un rampart d’Armes3 ; et qui est entourée de la Cuirasse (Kavaca), [le fidèle,] transformé en Śiva par le sakalīkaraṇa4, par la pensée constante [qu’il a atteint] l’état suprême, etc., doit adorer Śiva au-dedans et au-dehors.
3[Indra] décrit l’imposition [des Mantra] sur les mains, qui sert [plus tard] au sakalīkaraṇa5
2-3. Les rites comme l’imposition des Mantra, et d’autres encore, se font avec les deux mains. [L’adorateur] doit donc d’abord “mantrifier”6 celles-ci, c’est-à-dire, après les avoir purifiées par ASI (ASTRA) et inondées [d’amṛta], déposer sur elles ce qui suit : [les Mantra] à partir d’Īśāna sur les doigts à partir des pouces ; le tattva partout ; les Membres, en procédant à l’envers ; la Splendeur sur les deux pouces et l’Arme (Śastra) qui menace les obstacles, sur les deux index.
4C’est avec les deux mains en vérité qu’après avoir brûlé son corps, [l’officiant] effectue les opérations que sont l’imposition des Mantra et les autres7, de façon à obtenir un corps pur, contruit avec les “parties” du Mantra8. Donc il doit, dès le début, déposer les Mantra sur ces mains. Comment fait-il ? Il le dit : avec ASI, c.-à-d. le m. d’Astra, il doit, pour manifester la Puissance d’Action9, les purifier totalement, c.-à-d. faire pour les deux mains le rôtissage (dahana), le lancer-vers-le-haut (upaplavana)10, le “soufflage” (pūyana)11 et le reste. Ensuite il les inonde, c.-à-d. les asperge avec le phonème OṂ qui est un vase d’amṛta déversant continuellement un flot abondant [de nectar]. Ceci fait, il doit déposer sur les doigts, en commençant par le pouce et en terminant par le petit doigt, les [Brahman] à partir d’Īśāna. “Le tattva partout” : cela veut dire qu’on impose sur les deux mains les trois tattva nommés ātma-, vidyā- et śiva-tattva12, qui sont “partout” parce qu’ils perméent les deux mains. “Les Membres, à l’envers”, c.-à-d. en sens contraire du sens suivi pour les Brahman : on place les cinq Aṅga, à partir du Cœur13, sur [les doigts], en commençant par le petit doigt et en finissant par le pouce14. Enfin, on dépose sur les deux index Astra, [l’Arme] qui effraie les obstacles et, sur les deux pouces, la Splendeur (Dhāman)15, c.-à-d. le Mūlamantra16.
5Après le karanyāsa, il faut procéder à la dehaśuddhi17 Il la décrit :
4. Tourné vers l’Est ou vers le Nord, il fait trois exercices de maîtrise du souffle (prāṇāyama) ; puis il brûle son corps de paśu18 par l’ardeur d’Astra, qui touche le niveau de Sadāśiva19.
5. Ayant soufflé sur la cendre par le Vent fait de Śakti, il contemple, semblable au disque du Soleil, la sphère de Connaissance et d’Action de son esprit (cit).
6Tourné vers l’Ε. ou le N., il maîtrise trois fois son souffle – c.-à-d. qu’il le retient longtemps. Avec le feu d’Astra, dont la flamme a été avivée par le kumbhaka, et qui a surgi de son orteil droit20, il brûle le corps fait de māyā.
7Maintenant, voici ce qui se passe au moment où l’on fait le prāṇāyāma21. L’ātman, logé dans le corps octuple (puryaṣṭaka)22 et rayonnant comme de l’or en fusion, se trouve dans le Lotus du Cœur, que l’inspiration et la rétention de l’air ont fait s’épanouir. Par un recaka23, on le tire vers le haut à travers la nāḍī centrale, jusqu’au siège du Bindu24 ; ouvrant alors la porte supérieure25, on l’envoie, monté sur le Bindu26, dans l’espace extérieur. Tel est le procès décrit dans les autres traités, et que, selon mon guru, il faut suivre. On lit en effet dans le Kiraṇa27 :
“L’ātman qui se tient là, on s’en saisit ; par un recana, on le fait pénétrer dans le Bindu ; après quoi, on brûle le corps, en se représentant un ASTRA de flammes.”
8D’autres disent [simplement] que chacun doit procéder comme on le lui a enseigné.
9Mais cette incinération du corps est-elle réelle ou imaginaire ? Si elle est imaginaire (kālpanika), il revient au même de ne pas l’accomplir. Si elle est réelle (satya), la phrase nirdahet pāsaviṃ mūrtim est en contradiction avec ce qui sera dit dans le chapitre sur la dīkṣā. Car tandis que, lors de la dīkṣā, on maintient fermement le corps grossier, en le plaçant sous la domination de la Śakti de Parameśvara, [ici] on l’empêche de consommer les fruits (bhoga) du karman dont les effets ont commencé à se manifester28.
10De plus, cette même injonction contredit ce qui sera dit dans le caryāpāda29 :
“Et il ne faut pas se débarrasser de son corps (=se suicider), même si l’on est dans la peine.”
11Mais il n’y a là aucune faute logique. Car la dīkṣā ne permet au dīkṣita d’obtenir aisément le fruit [qu’il désire]30 que grâce à la consommation du karman dont les effets ont commencé à se manifester, elle-même accompagnée d’un comportement régulier, qui inclut [l’obéissance à] l’injonction présente31.
12Pas autrement. Car on dira dans le chapitre sur la dīkṣā32.
“Ainsi a été proclamée la règle qui est un moyen de libération pour les [disciples] capables de se garder des fautes que sont les déviations à la conduite juste dont on parlera plus tard.”
13Et pour ceux qui, comme les vieillards, les enfants, les faibles, etc., sont incapables [de suivre une discipline], c’est une dīkṣā “sans graine” qui leur est donnée. Comme on le dira plus loin, cette obligation ne leur est pas applicable33.
14En outre, ce n’est que dans la mesure où la combustion est réelle que la production d’un corps pur est réelle aussi. Ainsi n’y a-t-il aucune faute (aucune contradiction). Il est dit en effet dans le Kiraṇa34 :
“Il doit se faire un corps de Mantra, fait des trente-huit parties [de Sadāśiva].”
15Quant à l’interdiction de se tuer, que l’on trouve dans le Svāyambhuva et ici même, elle concerne les égarés, qu’il faut plaindre, et n’entend pas exclure la purification du corps sous forme de combustion, inondation, etc. Car dans le même traité, à l’occasion de la purification, il est déclaré35 :
“Puis il doit brûler ce corps fait de pāśa, avec le feu qu’est le praṇava.
16Si maintenant on dit de tout ce qui est imaginaire qu’il revient au même de ne pas l’accomplir, il s’en suivra qu’une masse de rites qui appartiennent à la dīkṣā ou à d’autres procès n’auront aucune efficacité : la “saisie” du caitanya du śiṣya ou d’autres objets, son établissement en soi, son installation en Lui36, etc. ; ou encore le sacrifice mental37 et le reste ; car tout cela est imaginé. Mais cela suffit sur ce point38.
17Ensuite, avec le Vent pur qui s’élève lorsque la Śakti est excitée39, il élimine cette cendre et contemple, brillant comme mille Soleils levants, le maṇḍala de Vision et d’Action de son esprit (cit), c.-à-d. la nature propre, faite de Connaissance et d’Action, de son ātman. [Cette nature] brille, parce que les liens [de l’ātman] ont été ôtés.
18Maintenant que l’ātman, à la suite de la combustion du corps qui était pour lui un obstacle, est devenu pur (niṣkala)40, aucune action [de sa part] n’est plus possible41. La connaissance et l’activité sont logiquement impensables pour qui est dépourvu de corps, etc.42 [Indra] explique :
6a1. C’est cela, le seul corps de cet [ātman].
19Ce maṇḍala de Connaissance et d’Action, par nature non obstruant43, est [appelé] son corps – le corps de l’ātman – parce qu’il est pour lui comme un corps : c’est grâce à lui que [l’ātman] est capable d’accomplir les actes qui doivent l’être44.
20S’il en est ainsi, pourquoi les Āgama demandent-ils de “construire” un corps fait des trente-huit kalā ? Il le dit :
6a2b. Mais on sait bien qu’un [corps] qui45 ne possède pas de membres distincts ne peut rien effectuer46 Il faudra donc ici se représenter les membres47 la tête et les autres, sous forme de Mantra.
21Toutefois, le maṇḍala de Connaissance et d’Action qui a été décrit, n’ayant pas de membres distincts, est considéré comme incapable d’effectuer – d’accomplir – les actions envisagées : le culte, la méditation et le reste. Aussi longtemps en vérité qu’on ne lui aura pas superposé le corps de Śiva, avec des membres bien séparés, il ne pourra faire ni pūjā, ni dhyāna, ni le reste. Donc ici – c.-à-d. pendant la pūjā et les autres activités rituelles –, il faudra se représenter des membres, la tête et les autres, qui sont des Mantra.
22Voici comment :
7. Avec Īśāna, [l’adorateur] construit les cinq têtes : celle du haut, celle de l’Est, etc. ; avec Vaktra (Tat-Puruṣa), les quatre visages de lotus ;
23Avec48 les cinq kalā d’Īśāna49, il construit [en pensée] les cinq têtes : du haut, de l’Est, du Sud, de l’Ouest et du Nord50. Avec les quatre kalā de Tat-Puruṣa, les quatre visages de lotus. Il faut savoir que la construction du cinquième visage, celui d’Īśāna, qui est en haut, est effectuée par la construction même de la tête correspondante ; ne pas croire surtout que le corps de Parameśvara n’a que quatre visages51. Puisqu’on dit qu’il a dix bras, il faut accepter qu’il ait cinq visages. – Mais la śruti elle-même dit nettement qu’il a quatre visages, et cela n’entraîne aucune contradiction avec les bras, puisque ceux-ci étant dans les différentes directions52, et celles-ci étant au nombre de huit, il doit avoir huit bras. - Sûrement pas ! Car le passage “épée, bouclier, arc, flèche, etc.”53 montrera que le corps [de Śiva] a ici dix bras54.
24Puis :
8-9. avec Bahurūpa (Aghora), le cou, les deux épaules, la poitrine, le dos, le coeur, l’estomac et le nombril ; avec Vārna, la ceinture pelvienne55, le pénis, l’anus, les deux fesses, les deux côtés [du tronc], les deux cuisses, les deux genoux et les deux jambes ; avec Sadya, les deux pieds, les deux bras, les deux mains, le nez et la tête56
C’est ainsi qu’il construit [ce corps], avec les différentes kalā.
25Les huit [parties du corps] que sont le cou, les deux épaules… (voir texte)57, on doit les construire avec les huit kalā d’Aghora. Le bas du dos, le pénis… (voir texte), avec les treize kalā de Vāmadeva. Les deux pieds… (voir texte), avec les huit kalā de Sadyojāta. C’est ainsi qu’avec les différentes kalā [des Mantra] on forme la mūrti aux trente-huit kalā.
26Il décrit l’imposition des Membres, qui se fait pour [assurer] la protection du corps précédent :
10. Il crée alors mentalement le Cœur (Hṛd), la Tête (Śiras) et la Touffe (Cūḍā) à leurs places naturelles, comme éléments protecteurs. Sur son corps, il place la Cuirasse (Bala=Kavaca) et, dans sa main, l’Arme (Astra) étincelante.
27Après quoi, il place, comme éléments protecteurs (rakṣāṅgāni), les Mantra : Hṛdaya, Śiras et Śikhā à leurs places : sur le Cœur, etc. Ce n’est pas pour fabriquer le Cœur et le reste, puisque la construction de ces derniers est assurée par le kalā-nyāsa58 Le mot “Force” (Bala) désigne conventionnellement la Cuirasse, parce que celui qui est enveloppé d’une cuirasse ne peut être vaincu, il a une force irrésistible. Ensuite, après avoir placé la Cuirasse sur le corps, il doit déposer dans sa main droite l’Astra étincelant.
Culte intérieur
28Il parle du culte intérieur (antaryāga) :
11. Cela fait, [l’officiant] doit se représenter le Dieu dans le Lotus de son Cœur : soit la forme commune de Parameśvara, soit une autre. Il Lui rend hommage selon la méthode qu’on va dire.
29Ensuite – après cela –, étant donnée l’injonction scripturaire : “Transformé en Śiva, il adorera Śiva”59, il doit adorer le Dieu dans le Lotus de son Cœur, selon la méthode qu’on va dire. D’abord, il se représentera en lui, soit la forme commune de Paramesvara, c.-à-d. Sadāśiva, soit une autre forme, Bhairava etc., c.-à-d. une forme spéciale, transmise par une école particulière et conforme au rite qu’il veut accomplir60 il s’identifiera en pensée à telle ou telle forme.
30Comment [faire ce culte] ? Il explique :
12. Il offre d’abord dans son Cœur un Trône à Prabhu. Puis, à l’extrémité des trois maṇḍala, il L’invite dans la mūrti [choisie], en l’attirant vers le bas61 à partir du [Lieu qui est à] la fin du mantra.
31Dans le Lotus de son Cœur, il donne un Trône à Prabhu. Ce trône a la forme d’un lotus62 qui, du fait qu’il s’étend du [tattva] “Terre” au [tattva] “sakti”63, a trente-cinq parties. Il se termine par trois maṇḍata, celui du Soleil et les autres64. Il est dit dans le Kiraṇa65 :
“[Il faut construire le Trône]66 dont les Grands Pieds sont les quatre yuga. Son bulbe est le tattva “Terre”, sa tige unique s’étend jusqu’au tattva “Temps”, ses épines sont les cinquante dispositions (bhāva) de la buddhi, son gros nœud est le tattva “māyā”, et il est orné du lotus de la Connaissance Pure (“śuddhavidyā”). Les Vidyeśvara occupent ses pétales, les [huit] Śakti sont sur ses étamines, et Śiva et les deux Śakti67, installés sur les graines du péricarpe, l’illuminent. C’est ainsi qu’il faut imaginer le Trône, constitué du Chemin tout entier.”
32Après cela, dans la mūrti dont on dira l’aspect plus loin68, et que l’on place à l’intérieur des trois maṇḍata69, il accomplit l’Invite70 (āvāhana) [du Dieu], à partir du Lieu où le son s’apaise à la fin de la prononciation du mantra, c.-à-d. à partir du dvādaśānta71.
33Ensuite :
13-14a. À ce [Dieu], éclatant comme le Soleil levant, il donnera des Membres – tout ceci par le geste-d’Invite. Avec le geste-qui-installe, il doit faire l’Installation [du Dieu] dans cet habitacle qu’est le corps d’Énergie (śāktavigraha). Avec le geste-de-Salutation, il assure Sa Présence ; puis il fait la Détention avec le geste-qui-retient72.
34Dans la forme (mūrti) ou corps [mentionnée plus haut] se trouve [maintenant] Bhagavat, brillant comme le Soleil qui vient de se lever. Il faut imaginer Ses Membres, le Cœur, etc., chacun à la place qu’il doit occuper73. Comment fait-il l’Invite et l’imposition des Membres ? Il le dit : “par le geste-d’Invite”, c.-à-d. l’āvāhanī [-mudrā], que l’on décrira74.
35Dans ce support qu’est le corps d’Énergie, il fait l’Installation par le geste-qui-installe (sthāpanī)75. Par le geste-de-Salutation (praṇati, glosé par namaskāramudrā)76, il effectue la Présence. Par le geste-qui-retient (nirodhanī)77, la Détention.
36Notons que l’expression “ce support qu’est le corps d’Énergie” désigne ici deux mūrti : l’une sans caractéristiques, semblable à un bâton, est appelée “corps de mantra” (vidyāmūrti) ; l’autre, qui a des caractéristiques [particulières], est appelée “corps de Śiva” (śivamūrti)78. Quant à celle qui se présente comme l’éclat du soleil levant, c.-à-d. comme une lumière extraordinairement intense, c’est la première mūrti79. Ainsi a-t-on parlé de trois mūrti. Il ne faut pas ici tenir compte de l’ordre où elles sont mentionnées, mais faire le nyāsa dans l’ordre qu’impose le sens80.
14b-15a. Ensuite, en se représentant [le Dieu sous] un aspect conforme à l’acte voulu, il offrira l’eau pour les pieds (pādya) sur les deux pieds, l’arghya sur les têtes et, dans les bouches, l’eau pour l’ācamana.
37En se représentant, selon l’action que l’on envisage, un des aspects [du Dieu] dont on parlera en traitant de la contemplation81 soit l’aspect commun, soit un aspect particulier, il offrira82 – et ce verbe est à ajouter chaque fois – l’eau destinée aux pieds sur les deux pieds, l’arghya sur les cinq têtes et l’eau qui sert à l’ācamana dans les bouches de lotus. L’arghya, c’est l’arghya de Śiva (śivārghya)83, car on dira dans le chapitre sur la dīkṣā84 :
“[L’arghya] nommé ‘Śiva’ à la fin de la pūjā, ainsi qu’en guise de pādya et d’ācamana85
15b-17. Le bain, les vêtements, le cordon sacré, les fumigations, les parfums, les onguents, l’ensemble de tous les ornements, le chasse-mouches, les lumières, le miroir, les armes divines, les guirlandes, le bétel, la boisson et la nourriture ; le dais, le parasol et la bannière étincelante, tenue haut : tout cela, il le donnera86 avec HṚD ou avec l’udgītha (OṂ), ou bien avec un mantra (manu) utilisable dans les rituels.
38Tout, depuis le bain et les vêtements jusqu’à la blanche bannière dressée, il le donnera avec le mantra du Cœur, ou avec l’udgītha, c.-à-d. le praṇava. Ou bien avec un manu qui fait partie du yāga” : on peut offrir [ce qui précède] avec un manu, c.-à-d. un mantra, qui est enjoint dans d’autres traités comme part du rituel87 Il est dit en effet dans le Mataṅga88
“Toutes les fois que le mantra n’est pas indiqué, on prendra la Gāyatrī, qui est excellente dans les rituels.”
39Les parfums (gandha) sont l’agalloche (agaru), le turuṣka, etc. Les onguents (vilepana) sont le safran, le camphre, le santal, etc.
40Le reste est très clair.
41[Indra] décrit l’imposition des Visages (vaktranyāsa)89
18-19. Après cela, il doit [adorer] : sur le pétale de l’Ouest, Ajāta (Sadyojāta), couleur de conque, de Lune ou de jasjasmin; au Nord, Vāma, de couleur rouge ; au Sud, Aghora, noir ; à l’Est, Nara (Tat-Puruṣa), jaune ; Īśāna enfin, semblable à un cristal, sera sur la partie Nord-Est du réceptacle.
Il fait d’abord l’Invite comme plus haut90 puis rend hommage.
42Après cela, il invite, comme plus haut : Sadyojāta, blanc, sur le pétale de l’Ο. ; sur celui du N., Vāmadeva, rouge ; sur celui du S., Aghora, noir ; sur celui de l’Ε., Tat-P., jaune ; et sur la karṇikā, vers le N.-E., Īśāna, pur comme un cristal. Puis il leur rend hommage.
43Il parle maintenant de l’imposition des Membres91
20-21a. Il adore ensuite en pensée [les Membres]92 au Sud-Est, le Cœur, étincelant93 au Nord-Est94 la Tête, couleur de fumée ; au Sud-Ouest, la Touffe, noire ; au Nord-Ouest, la Cuirasse, verdâtre ; enfin, dans les quatre directions [principales], à l’extrémité [des pétales], l’Arme (Astra), éblouissante comme le Soleil de la fin des temps.
44Au S.-E., N.-E., S.-O., N.-O., il se représente mentalement le Cœur et les autres [Membres], avec la couleur voulue, puis il leur rend hommage. Bala signifie Kavaca (Cuirasse) et harita signifie nīla (bleu sombre)95 À l’extrémité des pétales des directions principales96 en commençant par l’Est, [il adore] l’étincelant Astra.
45Pour rendre hommage au cercle des Vidyeśvara97 il faut se les représenter. Il dit comment :
21b-22a. Les Grands Seigneurs [des Mantra] sont [vus dans les huit directions,] à partir de l’Est. Les [six premiers] sont respectivement couleur d’or, de feu, de tamāla98, d’abeille99, de neige, et de rosée. Les deux derniers sont respectivement rouge et jaune pâle.
46Les Grands Seigneurs (Maheśāna) sont les Seigneurs des Mantra (Vidyeśvara)100, c.-à-d. Ananta, etc. Il faut les imaginer – le verbe se trouve plus loin101 – dans les huit directions à partir de l’Ε., puisqu’ils sont huit ; respectivement couleur d’or, etc. Les deux ultimes – les deux derniers – sont Śrīkaṇṭha et Sikhaṇḍin.
22b-23a. Les Gaṇa sont Nandin, Mahākāla, Gajavaktra, Vṛṣa, Abala, Skanda, Umā et Caṇḍa102 ; ils ont la même couleur que les Vidyeśvara [correspondants].
3b-24a. Il en va de même des Porteurs des Directions ; mais ces derniers tiennent en mains les Armes, le vajra et les autres, et ils sont montés sur [des animaux], l’Éléphant, etc. Quant aux Maîtres des Mantra103 (Manubhṛt), ils sont assis sur des lotus, et tiennent un lotus en main.
47De même, dans un deuxième cercle, [il imagine] les Gaṇa, à partir de Nandin. Ils ont la même couleur que les Vidyeśvara que l’on vient de décrire et ils occupent [comme eux] les huit directions à partir de l’Est. Gajavaktra, c’est Gaṇesa ; Abala (le Sans-Force), c’est Bhṛṅgin, parce que ce dernier est décharné. Dans un troisième cercle sont les Lokapāla, Śakra etc., de la même couleur que les précédents. Il faut en outre imaginer ces derniers avec leurs Armes104 foudre (vajra), lance (śakti), bâton (daṇḍa), épée (khaḍga), lacet (pāśa), bannière (dhvaja), massue (gadā) et trident (triśūla), et assis sur leurs Montures : Éléphant, Perroquet, Buffle, Niśācara (=Rākṣasa), Poisson, Antilope, Trésor105 et Taureau. Quant aux Vidyeśvara, ils ont comme siège un lotus et tiennent un lotus en main106
24b-26a. Les Gaṇa sont sur des chars (vimāna)107 et ils ont trois yeux. Parmi eux, Umā tient un miroir, Skanda une lance, Gaṇeśa une défense [d’éléphant] et les autres un trident (śūla), excepté le Taureau (Vṛṣa).
Ou bien108 la Déesse sera montée sur un Lion et Skanda sur un Paon. Tous regardent vers le Grand Seigneur.
[L’adorateur] peut aussi les imaginer sous un aspect conforme au but qu’il vise.
48Disons encore ceci : les Gaṇa ont trois yeux et sont montés sur des chars. Parmi eux, Bhagavatī porte un miroir, Kumāra tiént une lance (śakti) et Vināyaka, une dent. Les autres, Taureau excepté, tiennent un trident. Gaurī monte un Lion. Kumāra sera, soit sur un Lotus, soit sur un Paon109 Les autres, sur des Lotus. Ils font face à Parameśvara.
49“Ou bien selon le but visé” : tous110 peuvent être adorés sous un aspect paisible ou sous un aspect terrible, selon l’action que l’on a en vue.
50[Indra] indique ici l’usage des mudrā que l’on décrira plus loin111 :
26b-27. Pour parfaire le rite, [l’officiant] doit montrer les “sceaux” (mudrā). Ce sont : pour les Brahman, les gestes de la Cuillère, du Makara, du Trident, du Lotus et de la Vache ; pour Prabhu, la Joie-du-Cœur ; pour les autres, le geste-de-Salutation, qui assure la Présence112
51Ensuite – après cela –, pour parfaire le procès rituel, il devra montrer à Parameśvara le geste appelé “Joie-du-Cœur”. Les gestes de la Śakti113, du Makara, du Trident, du Lotus et de la Vache sont pour les cinq Brahman, en commençant par Sadyojāta. Pour les autres, le geste-de-Salutation. En rendant le rite “plein”, les mudrā scellent (ou retiennent, mudrayanti) la masse des Obstacles qui auraient pu trouver le moyen [de s’approcher] ; elles les privent de leur liberté114 D’où le nom de mudrā (sceau).
28. Après avoir ainsi rendu hommage, il offre [à tous ?], avec VAṢAṬ, l’arghya qui appelle l’attention.
Ensuite il fait un japa [du mantra] de Siva, et un japa dix fois moindre des autres [mantra].
52Ayant ainsi – de cette façon – accompli le culte115, il doit, à la fin, offrir, avec l’exclamation VAṢAṬ, l’arghya qui fait que [l’Adoré] se tourne vers [l’adorateur]116 C’est, parmi les arghya dont on parlera, celui qui est nommé śivārghya, et ceci en vertu du passage scripturaire : “[L’arghya] nommé Śiva à la fin de la pūjā…”117 Le japa des aṅga[mantra], des brahma[mantra] et des autres118 est dix fois moindre que celui du mūlamantra.
53Et ensuite, que faut-il faire ? Il le dit :
29-30. Celui qui vise la libération doit offrir son japa119 en prononçant le [mantra du] Cœur au début et à la fin ; il le fait en se prosternant, sans rien souhaiter [en retour], et en utilisant le datif : “À Toi, j’offre [ce japa]”.
Le sādhaka le remet en pensant à ce qu’il désire, et en indiquant le nombre [de récitations qu’il a faites] : “Ô Bhagavan ! Garde [ce japa, pour moi] !” Cela est à faire chaque jour.
54Ce japa, [l’homme] qui aspire à la libération doit chaque jour l’offrir à Śiva, avec le mantra du Cœur au début et à la fin120, en utilisant le datif : “À Toi, j’offre…”. Il le fait en se prosternant, sans désirs. Celui qui désire les pouvoirs (siddhi)121 le remet122 à Bhagavat chaque jour, en ayant en vue ce qu’il désire, c.-à-d. ce qu’il souhaite [obtenir]. “Ô Prabhu ! Ce japa, comprenant tel nombre [de répétitions], garde-le !”123
31. Ensuite124, il rend aux Mantra un hommage collectif, leur offre l’arghya en procédant dans l’ordre inverse [de celui suivi pour le culte], et les fait rentrer en Śiva.
Après avoir accompli l’Union, il entreprend le culte extérieur.
55Ensuite, après avoir rendu hommage à l’ensemble des Mantra – le Mūlamantra, les Aṅga et les autres – et avoir offert l’arghya, il fait se tourner face à Parameśvara tous ces Mantra, en opérant dans l’ordre inverse de l’ordre de la pūjā125. Puis il fait à leur égard l’union des nāḍī126 et le reste, et commence le culte extérieur.
56Ou bien : Après avoir rendu hommage aux Mantra, collectivement, et offert “l’arghya de détour”127, il fait disparaître les Mantra dans le Mūlamantra, comme on le dira plus tard à propos du culte extérieur128. Ensuite, il opère l’Union, c.-à-d. qu’il se représente Śiva et les Mantra comme non différents de lui-même129 ; puis il fait le culte extérieur. Cela est dit130 :
“Pour obtenir jouissances ou libération, le mantrin131 doit, devenu Śiva, adorer Śiva avec déférence. Il se sera auparavant fait un corps de Mantra grâce à la Puissance de Connaissance et d’Action [de Śiva].”
Culte extérieur
57[Indra] dit ce qu’il faut faire concernant le vase à arghya :
32. [L’officiant prend]132 un récipient fait de l’un [des matériaux acceptables], l’or ou un autre, le purifie avec ASTRA, l’enveloppe avec la Cuirasse (GHANA=KAVACA), et le remplit d’eau filtrée à travers un linge, tout en prononçant l’udgītha (OṂ).
33. Après avoir déposé là les Mantra (Aṇu), depuis Ajāta jusqu’à l’Arme133, et obtenu [la transformation de l’eau en] nectar suprême, il asperge [de cette eau] le matériel du culte, pour le rendre digne [d’être accepté par Śiva]134.
58[Il prend] un vase fait d’or, d’argent, de cuivre ou d’autre [matériau]135, purifié par ASTRA, entouré avec KAVACA, et le remplit avec de l’eau filtrée à travers un linge, en récitant la syllabe OṂ. Là-dedans, il dépose les Mantra en commençant par Sadyojāta et en finissant par l’Astra de Śiva136. Ayant, par une expiration, fait descendre le long de la nāḍī de gauche un flot de nectar (sudhārasa) issu de siège du Bindu137, il opère la transformation de l’eau en nectar suprême en formant le geste-de-la-Vache, qui déverse cet amṛta par les dix nāḍī aboutissant aux dix doigts [deux à deux] opposés138, et en prononçant “VAUṢAṬ”. Ensuite il doit, avec cela, asperger les choses nécessaires au culte (yajanāṅgāni), pour leur conférer la qualité d’être utilisables [par Śiva], c.à.d. la pureté.
34. Après139 cela140, il rend hommage, avec des fleurs et d’autres offrandes, à Brahman, sur son emplacement ; puis, à partir du Nord-Ouest, à Gaṇeśa, à Kamalā et aux Sandales du Guru.
59Avec des fleurs et autres produits tirés “de là”141, c.-à-d. [mouillés avec l’eau] du Vase à arghya, il rend hommage, en se tenant à l’emplacement de Brahman142, à Gaṇapati ; puis, du côté N. et en commençant par le N.-O.143, à Lakṣmī et aux Sandales du Guru144.
35. S’inclinant devant eux, un genou fermement posé à terre, les mains en añjali, il leur demande la permission de rendre un culte à Parameśvara :
36. “Ô145 Maître des Gaṇa ! Ô Ambikā ! Ô Guru !146 Permettez-moi d’adorer, avec ce que j’ai pu me procurer, le Maître du Monde !”
60S’inclinant devant eux, un genou fermement posé sur le sol, [les mains] formant l’añjali, il demande [la permission de procéder au] culte de Śiva, après les avoir appelés l’un après l’autre. Il leur dit ceci : “Donnez-moi la permission d’entreprendre le culte du Maître du Monde, avec ce que j’ai pu rassembler comme matériel !”
37. Ensuite147, sur un Trône qui commence avec la Śakti et se termine avec Rudra, il doit comme plus haut inviter Saṅkara dans un corps et L’adorer, entouré par la Roue des Mantra.
61Ensuite, c.-à-d. après avoir reçu la permission [demandée], il doit, dans un corps, c.-à-d. dans une forme concrète (mūrti), un liṅga ou autre chose148, adorer Parameśvara, qui a comme cour, c.-à-d. comme entourage, la Roue des Mantra. Il L’adore après L’avoir invité comme plus haut. Et où L’invite-t-il ? – “Sur un Trône149 qui commence avec la Śakti et se termine avec Rudra”, c.-à-d. sur un Trône qui commence avec la Puissance de Base (Ādhāraśakti) et s’étend jusqu’au Seigneur Rudra, le Gouverneur du mandata de Feu qui est le dernier des trois maṇḍata150. Il est dit en effet dans le Kiraṇa151 :
“Il faut alors construire un Trône qui est fait de tout l’adhvan. Ses grands pieds sont les quatre yuga, son bulbe est le tattva ‘Terre’, etc.”
62Là-dessus est le corps ou mūrti du Dieu, et [l’officiant] adore Bhagavat dans cette mūrti. “Sur un Trône… dans un corps” : ces deux termes au locatif désignent deux objets différents. Car le sens est nécessairement celui-ci : il fait, sur le liṅga ou toute autre [mūrti], l’hommage aux Mantra dont le premier est le Mantra qui évoque la Forme (Mūrtimantra)152 ; et, sur le pīṭha, l’hommage aux Mantra qui servent de support. Car on lit dans le Maya153.
“On placera sur le pīṭha les Mantra du Trône, et sur le liṅga, qui représente le corps, les Mantra à partir du Mūrtimantra.”
38. Lorsqu’il a offert le troisième arghya, il ramène en Śiva les Mantra (Aṇu), se saisit [du Dieu] avec HṚD et, par le chemin du Souffle, Le fait entrer dans le Lotus de son Cœur154.
63Le troisième arghya, c’est l’arghya “de détention” (rodhārghya), que l’on a fabriqué en le faisant s’étendre jusqu’au tattva “vidyā”155. [Le texte] dira en effet : “Pour l’Invitation et le Congé, on utilise l’arghya de détention156.” Quand il en a terminé avec cet arghya, c.-à-d. après qu’il l’ait offert, il réunit à Parameśvara tout l’ensemble des Mantra qui étaient autour de Lui, puis se saisit [du Dieu] et L’installe dans le Lotus de son Cœur avec le mantra du Cœur, en empruntant le chemin du Souffle et en montrant le geste-de-dissolution (layamudrā). Il est dit en effet157 :
“S’étant représenté [les Mantra] qui constituent le corps lumineux, on amène chacun à disparaître à sa place naturelle158. On [fond ensuite] dans le Mūlamantra les autres Mantra, ceux qui se trouvent dans les “lieux de jouissance”159. Puis on imagine que le Mūlamantra disparaît dans le bindu étincelant. On fait disparaître le bindu dans le nāda, le nāda dans la Puissance de Connaissance160, et celle-ci dans le Suprême, qui se trouve dans l’éther du Cœur. Le lieu d’où les Mantra sont issus, c’est en ce lieu-même qu’ils disparaissent.”
64Que fait-il avant cela ? On le dit :
39a1. Auparavant, il a médité [sur Śiva] et opéré la jonction, comme plus haut.
65Comme on l’a dit pour le culte qui a lieu dans le Cœur161 il doit méditer sur Prabhu entouré de sa cour, puis opérer la jonction162, c.-à-d. unir [à Śiva ?] les Mantra adorés dans les cercles, en procédant dans l’ordre inverse de celui indiqué pour le culte qui précède, de façon à163 les replacer face à Śiva. Puis il accomplit l’offrande du troisième arghya et le reste. Tel est l’ordre des opérations.
66Et une fois qu’il a fait rentrer les Mantra dans son Cœur, que fait-il ? [Le Maître] le dit :
39a2b. En remontant de tattva en tattva164, il165 pénètre dans la Réalité Parfaite ; le sādhaka, dans le corps [de la Puissance] à maîtriser.
67Se retirant successivement du tattva “Terre”, puis des autres, c.-à-d. des tattva qui occupent le Cœur, la Gorge, le Palais [et les autres centres] et sont gouvernés par [les divinités] dont la première est Brahman ; [passant ainsi] d’un tattva à celui qui est au-dessus et abandonnant successivement les [cinq] Kāraṇa, il pénètre dans le śivatattva, qui est sans tache, libre depuis toujours de souillure, et se trouve au-dessus du dvādaśānta166 Il y pénètre, c.-à-d. qu’il y disparaît.
68“Le sādhaka, dans le corps à maîtriser” : Quant au sādhaka, après avoir fait comme plus haut le culte, la contemplation et le reste, jusqu’à la remise du mantra167, il se retire des tattva inférieurs pour entrer dans le “corps à maîtriser”, c.-à-d. la forme particulière de la Divinité qu’il veut se concilier168 : il imagine qu’il ne fait qu’un avec elle. Étant donné qu’il veut obtenir des pouvoirs (siddhi), il ne convient pas en effet qu’il acquière la nature [du Śiva] niṣkala.
69C’est en vue d’abréger le traité que [son auteur] profite de l’occasion présente pour étendre au cas du sādhaka, dont on va parler plus loin169, les règles concernant le culte, la méditation170, l’union des Mantra, le congé et le reste.
70Réfléchissant sur le mot dhyātvā prononcé plus haut, [le disciple] demande :
40. La contemplation (dhyāna) du Puissant, c’est la représentation mentale de Son aspect. Dis-moi, ô Hari, en m’en indiquant les caractéristiques, quels sont l’aspect commun et les aspects spéciaux [du Dieu], en fonction de l’acte qu’il doit accomplir !
71O Hari ! Indra !171 La contemplation de ce Prabhu dont on vient de parler, c’est la représentation mentale d’un de Ses aspects. Dis-moi – enseigne-moi –, en précisant leurs caractéristiques, [les aspects] commun, spéciaux, etc. [du Dieu], en fonction de ce qu’on souhaite [Lui voir accomplir] :
Différents aspects de Śiva
72Voici la réponse :
41. [Śiva, en vérité] n’a pas de corps172 Quel que soit l’acte qu’il accomplit, Il prend dès lors un corps semblable à celui que doit avoir l’auteur d’un tel acte.
42. Puisque ce corps présente un certain aspect, et que cet aspect de Prabhu est fonction de l’acte à accomplir, les sages décrivent dans ce traité l’aspect commun et les aspects particuliers [du Dieu],
73Il est certain que, selon la vérité ultime, Bhagavat est sans forme. Or, on a établi plus haut par des arguments173 qu’il était tout-puissant. Comme on sait que l’accomplissement d’une action est impossible pour qui est sans corps, [on dira ceci :] lorsque Śiva accomplit une action, quelle qu’elle soit, Il prend un corps qui ressemble à celui que doit avoir l’auteur de cette action. Les [fidèles], dans leurs méditations, Le verront sous un aspect favorable lorsqu’il accorde Sa grâce ou dans les cas semblables ; sous un aspect furieux dans les actions qui impliquent la colère ; suintant de nectar pour les rites d’engraissement, etc. Il est dit en effet dans le Sarvasrotaḥsaṃgrahasāra174 :
“Quelle que soit la forme [de Śiva] sur laquelle le sàdhaka arrête sa pensée, Īśvara, pareil au joyau qui exauce tous les désirs, la prend.”
74On dit que le “corps” (vapus) a un certain aspect, parce que c’est nécessairement l’enveloppe extérieure (deha) qu’habite une réalité spirituelle (dehin) qui peut prendre tel ou tel aspect175. En conséquence, les sages, ceux qui ont fait descendre les Tantra, décrivent dans ce traité, tels qu’on les leur a enseignés, l’aspect commun et les aspects particuliers – paisible, terrible, etc. – [de ce corps de Śiva], qui s’accordent avec les choses que [l’adorateur] peut souhaiter176.
75[Indra] décrit [ces aspects de Śiva] :
43. La nature gracieuse d’Īśa, l’immobilité de Puruṣa, la nature terrible de Bahurūpa, sont respectivement causes de la libération [des âmes], du maintien et de la fin [du monde].
76Il faut se représenter le Seigneur Īśa comme gracieux, parce que Sa fonction est d’accorder la grâce ; Tat-Puruṣa immobile : étant à l’Est, Sa nature en effet est de ne pas bouger177 Bahurūpa, c.-à-d. Aghora, est terrible. Ces trois [aspects de Śiva] sont respectivement causes de la libération, du maintien et de la fin. Le suffixe “ka” ne change pas le sens du mot (d’où la terminaison °hetukam). Le fait qu’Īśa soit favorable opère la mukti. Le fait que Tat-P. soit immobile est cause de la sthiti, et sert aussi à l’immobilisation, etc.178 Le fait que Bahurūpa soit terrible est cause de la fin [du monde], et aussi cause de destruction, etc. On sait en effet que c’est Lui qui accomplit l’acte nommé “reprise” (ādāna)179.
77Ainsi a-t-on parlé des trois fonctions que sont la grâce, le maintien et la reprise. Il reste à parler des deux fonctions de Vāmadeva180 et de Sadyojāta :
44ab1. L’aspect séducteur de Vāma et l’aspect contemplatif d’Aja sont respectivement causes de l’occultation181 et de la création.
78Vāma, c.-à-d. Vāmadeva, est un séducteur. C’est Lui qui “vomit”, c.-à-d. précipite en bas182 les âmes dont la fosse a été préparée (?) dans les expériences du samsara. Il est dit à ce sujet183 :
“Ceux-là mêmes qui se meuvent dans les tattva purs brûlent leur excellence dans la fosse des plaisirs de ce monde. Le Seigneur leur est caché par la puissance de Vāma, ils deviennent esclaves184.”
79L’aspect contemplatif [d’Aja], c’est le fait qu’il est uniquement occupé à contempler185. Cela, ces deux [caractéristiques], ont respectivement pour effet, comme plus haut, de cacher et de créer. L’action d’occulter (tirobhāva) est ce qui est nommé ailleurs saṃrakṣaṇa ; c’est la préservation186 [pour les âmes] des expériences qu’elles souhaitent. C’est pour qu’il accomplisse cette fonction qu’on doit imaginer Vāma comme un séducteur187. La création, c’est la production de corps de toutes sortes. C’est pour qu’il accomplisse cet acte qu’on doit imaginer Sadyojāta plongé dans la contemplation188.
80Après avoir indiqué que, pour accomplir tel ou tel acte, il fallait voir [le Dieu] sous tel ou tel aspect, pris isolément, [Indra] dit comment la représentation de tous ces aspects ensemble permet d’atteindre n’importe quel objet :
44b2. L’aspect global est universellement efficace.
81L’aspect que constitue l’ensemble de ces mêmes cinq Visages, pris globalement, c.-à-d. sans les séparer les uns des autres, est universellement efficace : on doit se le représenter afin d’accomplir n’importe quelle action.
82Sur ce, il ajoute :
45a. Tel est l’aspect commun.
Les aspects particuliers sont différents.
83“Différents” : comme on va le voir, les aspects spéciaux sont différents de cela.
45b-47. Pour obtenir la libération, il faut voir en pensée [le Dieu] semblable à un cristal, l’air avenant.
Pour les rites d’immobilisation et les autres semblables, il faut Le voir jaune, souriant un peu, hautain.
Pour les actes de destruction, Il aura l’air terrible, Il sera noir, avec un haut chignon roux formant tiare.
Pour l’aveuglement, Il sera rouge189 avec un corps et des ornements plaisants à voir.
Pour la naissance de tous les êtres, on L’imaginera plongé dans la méditation.
84Pour la libération, on imaginera Parameśvara sous la forme d’Īśāna, sous un aspect favorable, transparent comme un cristal. Pour l’immobilisation d’une armée et les autres rites semblables, on se représentera [le Dieu] sous la forme de Tat-Puruṣa qui, comme on l’a dit plus haut, est immobile ; et Il sera souriant et jaune. Pour la destruction, on imaginera Aghora sous une forme terrible190 de couleur noire, l’air formidable, orné d’un haut chignon roux et d’horribles serpents. Les rites qui aveuglent sont l’asservissement et l’attraction191 Pour les accomplir, on s’imaginera [le Dieu] sous la forme de Vāmadeva, flamboyant, avec un corps et des ornements charmants192 Pour [effectuer] la naissance, c.-à-d. la production de tous les êtres, mobiles et immobiles, on se représentera Bhagavat sous l’aspect de Sadyojāta, plongé dans la méditation193
48a. Pour effectuer quoi que ce soit concernant les réalités spirituelles (cit), on imaginera l’aspect commun, complet, avec trois yeux.
85Pour obtenir la Puissance ignitive (Indhikā)194 ou toute autre [Puissance] permettant d’activer les cit, c.-à-d. les Mantra195 lors de toutes les actions [que ceux-ci doivent accomplir], on imaginera Bhagavat sous l’aspect de totalité, cette forme quintuple qui englobe Sadyojāta et les autres. Il aura trois yeux196.
86En outre :
48b-49ab1. Pour la dīkṣā et les rites quotidiens, ainsi que lors d’une calamité quelconque, on devra [de même] contempler l’aspect commun.
Pour les actes intéressés, ô Muni, ce sera l’aspect qui s’accorde avec son désir : blanc, cuivre, roux, noir, etc.
87Pendant la dīkṣā et le rituel quotidien, on contemplera cet aspect de Bhagavat qui est dit commun, avec les couleurs qu’il faut pour le visage de l’Est et les autres, comme les instructions qui suivent le diront, et avec les Armes que l’on dira aussi. [De même,] dans tous les cas où un malheur survient197 Le “ca” signifie : pour d’autres actes aussi198.
88Si l’on désire quelque chose, comme l’engraissement, l’échauffement, l’éloignement, le meurtre, etc., on doit contempler le Dieu avec la couleur qui convient, soit respectivement blanc, rouge, roux clair, ou noir199 Par ādi, on entend : bleu foncé, gris sombre, rouge sombre, gris pigeon, etc., pour telle ou telle pratique de magie noire (abhicāra).
49b2-54a. Émergeant d’une tête noire, avec quatre visages-de-lotus respectivement couleur d’or, d’abeille, de neige et rouge ; du bleu sur le cou, des épaules larges, de beaux bras ronds et longs [qui symbolisent] les directions, la poitrine large, bien en chair et haute, les côtés, le ventre et le nombril parfaits, le milieu du corps enveloppé d’un beau tissu, les deux cuisses pleines et bien rondes, les genoux et les jambes bien faits ; blanc jusqu’aux chevilles, mais avec les pieds et les mains rouges ; tenant en mains l’épée, le bouclier, l’arc, les flèches, la massue (khaṭvāṅga), une tête d’homme, le kamaṇḍalu, un rosaire de rudrākṣa et [faisant avec les deux autres] le geste-qui-octroie et le geste-qui-rassure : tel est l’aspect suprême sous lequel il faut contempler, pendant le homa, le culte, le japa, ainsi que dans tous les autres rituels, Celui que les Maîtres des créatures adorent, afin d’obtenir, pour soi ou pour les autres, le résultat souhaité.
89Les Seigneurs des créatures (Bhūteśa), ce sont Brahman, Indra, et les autres, qui gouvernent les quatorze classes d’êtres200 Celui qui est élu par eux, digne d’être choisi, celui qu’ils doivent adorer, c’est le Seigneur Śiva. Pendant le homa, l’arcana, le japa, etc., ainsi que dans les autres rituels, c’est Son aspect commun – seulement l’aspect commun – qu’il faut contempler. Dans quel but ? Pour obtenir ce que l’on désire, pour soi ou pour d’autres. Comment est cet aspect ? – Suprême, c.-à-d. plus excellent que tout.
90[On décrit le Dieu :] Il “émerge d’une tête noire” : il est monté sur une tête noire201 Les mots “couleur d’or, d’abeille, de neige, et rouge” et les suivants signifient que les quatre visages, à commencer par celui de l’Est, sont respectivement jaune, noir, blanc et rouge202 Bien qu’on ne mentionne pas le cinquième visage, celui d’Īśāna, on est sûr qu’il est blanc, puisque la tête correspondante est blanche203 Il a des bras bien ronds, longs et ornés, en nombre égal à celui des directions, donc dix. Le milieu de Son corps, c.-à-d. le bas du torse, est couvert, entouré, d’un beau tissu. On trouve parfois la leçon channasarvāṅgam. Dans ce cas, il faut comprendre que le haut et le bas du corps sont enveloppés par le vêtement supérieur (uttarīya) et le pagne (śroṇyaṃśuka). Il est blanc jusqu’à la cheville, c.-à-d. l’articulation entre la jambe et le pied. Les deux pieds sont rouges, c.-à-d. couleur d’aurore ; les [dix] mains aussi. Le mot nṛ-ka signifie tête d’homme. Le reste est clair.
Particularités du culte sur un liṅga
91Jusqu’ici, [Indra] a parlé du culte sur un sthaṇḍila204 et, pour terminer, de la méditation [sur Śiva]. Il parle maintenant du culte sur des supports comme le liṅga :
54b-55a. On205 fera la même chose sur les liṅga, ceux où les traits du Dieu sont représentés, et les autres. Mais dans ce cas, après avoir rassemblé les Mantra (Aṅu) qui siégeaient dans les “lieux de jouissances”, il faut les installer206 dans la mūrti, et ne pas mettre fin [à leur présence],
92[Quand le culte a lieu] sur des liṅga, ceux dont on parlera et qui peuvent avoir [des traits] manifestés, non manifestés ou mixtes207, il faudra faire “la même chose”, c.-à-d. faire – ajouter le verbe – le culte, le dhyāna et le reste selon la méthode qu’on a dite. Mais avec cette différence : les Mantra qui ont été adorés sur les “lieux de jouissances” (bhogasthāna)208, on les rassemblera à la fin de la pūjā pour les faire entrer dans la mūrti de Parameśvara qui a été adorée, c.-à-d. dans le liṅga ou tout autre [support matériel du culte]. Il ne faut pas, comme lors du culte sur un sthaṇḍila, les retirer en soi209.
93Dès lors :
55b. Dans le cas de ces [liṅga], le dernier arghya est offert pour indiquer que le culte s’arrête là, non pour congédier.
94Pour ceux-là, les liṅga à traits manifestés et les autres, le dernier arghya de la pūjā, le troisième210 n’est pas donné pour effectuer le congé (visarjana, glosant visṛṣṭi), mais pour effectuer la détention (nirodha)211 à la fin de la pūjā, dont on pense qu’elle a atteint sa limite212.
95Cependant, le texte lui-même dit plus loin : “Pour l’Invite et le Congé, on utilise l’arghya de détention213.” Si, avec le nirodhārghya, on ne fait pas le Congé, on ne doit pas non plus faire l’Invite214 ? [Le Maître] explique :
56a. L’Invite n’a plus alors pour rôle de provoquer la Présence [du Dieu dans l’image] ; c’est pour demander [au Dieu] la permission de faire son culte qu’elle est répétée chaque jour.
96Sur le liṅga et les autres [supports de ce genre], on fait assurément l’āvāhana. Mais il ne faut pas penser que ce rite est accompli pour provoquer la Présence [du Dieu]215. Ce n’est que lors de l’Établissement (pratiṣṭhā] que l’on doit provoquer, la Présence216. S’il faut chaque jour donner l’arghya-d’Invite (āvāhanārghya], c’est pour demander [au Seigneur] : “Permets-moi d’entreprendre ton culte !”
Supports de culte autres que sthaṇḍila et liṅga
97Ce n’est pas seulement sur un sthaṇḍila, etc., que l’hommage aux Mantra peut être fait, mais encore sur un vidyāpīṭha. Il le dit :
56b-57a. Celui217 qui désire abréger peut aussi rendre un culte à Īśvara sur un vidyāpīṭha, en offrant des guirlandes, des parfums, des fumigations, un repas, etc. Par la prononciation d’un seul [mantra], il pensera que [tout est accompli] de la même façon que plus haut.
57b-58a. L’homme plein de foi [peut également adorer Śiva] dans le disque du Soleil ou de la Lune, dans l’espace, dans le guru, dans l’eau, dans le feu ou sur sa propre tête – ceci pour détruire ses souillures.
98De la même façon : En pensant, c.-à-d. en envisageant en esprit, que, par une seule prononciation de mantra, la construction mentale du Trône qui commence avec l’Ādhāraśakti [est achevée]218, celui qui veut faire court219 peut adorer Parameśvara sur un vidyāpīṭha220, avec des guirlandes, etc.
99L’homme plein de dévotion peut L’adorer de même dans le disque du Soleil ou de la Lune, dans l’espace – c.-à-d. l’éther, qui se présente là comme une mūrti parmi les huit mūrti [de Śiva]221 –, dans le corps de l’ācārya, dans ses sandales, dans l’eau, dans le feu ou dans son propre corps – ceci dans le but de détruire la masse des péchés222.
100[Indra] conclut :
59. Ainsi t’ai-je décrit brièvement le culte de Celui qui illumine de Sa Gloire223 [toute la manifestation,] depuis le Feu de la Destruction jusqu’à Ananta.
Oubliant [pour le moment] les autres fruits incomparables de ce culte, [note celui-ci :] après s’être identifié à son Sādhya, [l’adorateur de Śiva] obtient sur-le-champ l’égalité avec le Maître.
101“Ainsi”, par l’exposé précédent, t’ai-je dit de façon succincte l’arcana de Paramesvara, Lui qui est Cause de la Gloire de la Lumière qui existe sur le Trône, depuis le Feu de la Destruction, c.-à-d. Kālāgni, jusqu’à Ananta224. La Gloire de la Lumière, c’est la Splendeur des Śakti, Vāmā et les autres. Paramesvara est la Cause (nimitta, glosé par hetu) de la manifestation de cette Gloire pour ceux qui, enclins à l’adoration, attendent leur grâce225.
102C’est ce que dit à son disciple le Muni Hārīta226.
103Cet arcana, celui qu’on a décrit, qu’il ait comme fruit général les jouissances et la libération. Mais en outre, l’adorateur qui est déjà identifié à son Sādhya, c.-à-d. qui s’est fait un corps de Mantra227, atteint, en prenant appui sur la Réalité Suprême228, à l’égalité avec Parameśvara. Ce qui est dit [par le verset suivant]229 :
“Pour obtenir jouissances ou libération, le mantrin doit, devenu Śiva, adorer Śiva avec déférence. Il se sera auparavant fait un corps de Mantra grâce à la Puissance de Connaissance et d’Action [de Śiva].”
Notes de bas de page
1 Voir 1, 1, n. 8.
2 Pièce ou maison ; probablement, à l’origine, une hutte sommaire au sol de terre battue. D’où le souci d’écarter les épines et les autres saletés.
3 śastra- ou astraprākāra. Nous avons ailleurs traduit cette expression par “rampart d’ASTRA”. Les deux sens sont superposés ; car on récite ASTRA, tout en imaginant que se construit une sorte de rampart d’armes autour du lieu destiné au culte. Voir une technique de protection semblable mais plus complète en cp, 1, 99b-102a.
4 Voir śl. 7-10.
5 Le sakalīkaraṇa (voir n. 4) sera décrit en 7-10 sous le nom de kalā-nyāsa. Voir ausi SP1 : karanyāsa p. 102, avant l’ātmaśuddhi ; sakalīkaraṇa p. 132, ensuite. Pour les détails du karanyāsa, voir SP1, App. I (pp. 322-325) ; Aj, 20, 73b-80a ; PKām. 4, 39b-51a.
6 On nous permettra ce néologisme pour éviter la périphrase “déposer les M. sur…’’, qui au demeurant ne traduit pas bien l’idée que l’on veut exprimer, à savoir la transformation en Puissance (celle qui est représentée par la formule : mantra) de l’objet “mantrifié”.
7 Voir śl. 4b-5, puis 7-10.
8 mantrakalā. Ces “parties” sont aussi des fragments de Puissance ou d’Énergie, donc des Puissances (voir plus loin, śl. 7, n. 2). Mais l’idée de “fragment”, “partie”, nous semble première : c’est avec ces “parties” que l’on construit le tout, qui sera justement dit “composite” (sakala), le rite de construction étant nommé sakalīkaraṇa.
9 En d’autres termes : pour leur donner le pouvoir d’accomplir les actions qu’on attend de ces deux mains : le véritable agent sera la Śakti de Śiva qui, sous forme de différents Mantra, les habite.
10 Ou utplavana. Ce terme s’applique à toutes sortes de techniques, en particulier à celle du vannage : on fait sauter les grains pour que le vent (ou un souffle artificiel) en sépare la balle.
11 Ou ventilation. Cet acte accompagne naturellement l’utplavana dans l’exemple du vannage. Finalement, la série mentionnée, c.-à.-d. un rôtissage suivi de vannage, évoque la préparation très indienne du riz soufflé (analogue au pop-corn américain). Mais il est étrange d’appeler cette image à l’aide pour expliquer la purification des mains.
12 Voir plus haut, 1, 6, n. 7. Mais s’agit-il bien de ces trois tattva ? La plupart des textes, après le nettoyage par ASTRA, mentionnent le nyāsa du Mūlamantra (voir Aj, 20, 75a ; PKām, 4, 41-42a ; Di, 23, 12 cité in Aj I, p. 207, n. 4) et nous pensons que le terme de tattva (d’ailleurs singulier) le désigne ici. Voir SP3, Index. Dans le texte d’A. cité en SP1, App. I, le Mūlamantra (nommé prāsāda) est déposé plus tard, mais avec une explication analogue : parce qu’il pénètre tout.
13 On ne dit pas quel est le dernier Aṅga, mais c’est Astra pour tous les textes qui le précisent et nous admettrons qu’il en va de même ici. L’hypothèse est d’ailleurs confirmée par le śl. 10. Pour Netra, voir n. 12.
14 Selon le PKām (4, 43b-48), le nyāsa à partir du pouce est considéré comme fait dans le sens de la sṛṣṭi ; et le nyāsa à partir de l’auriculaire, dans le sens du saṃhāra. Cette règle doit être complétée par un enseignement relatif au sens “d’émission” et au sens “de résorption” des Puissances déposées elles-mêmes. Le même texte le donne : on prend les Brahman dans l’ordre d’émission si l’on commence avec Īśāna, dans l’ordre de résorption si l’on commence avec Sadyojāta ; pour les Membres : l’ordre d’émission fait commencer par Astra, l’ordre de résorption par Hṛdaya. Voir aussi Dī, 23, 13b-15a cité en Aj I, p. 207, n. 4. Ces instructions concordent bien avec le procès qui est décrit ici.
15 Noter ce terme dans le sens de Mūlamantra. On le retrouve avec cette acception dans le SvT (passim) ; et Ksemaràja explique une fois (comm. à SvT, 15, 2) que le Dieu suprême – qui dans ce traité est Bhairava – est appelé “Dhāman”, d’une part parce qu’il fait briller la Lune, le Soleil et le Feu, d’autre part, parce qu’il sert de lieu de repos au monde tout entier. La seconde vision s’accorde mieux avec la doctrine moniste de Kṣemarāja qu’avec le dualisme du Mṛg ; mais elle n’est pas inconnue des Àgama.
16 C.-à-d. Śiva. En définitive, les cinq Brahman, les cinq Aṅga et le Mūlamantra se disposent ainsi :
pouces : Īśāna | et | Astra, plus le Mūlam. ; |
index : Tat-P. | et | Varman, plus Astra encore ; |
majeurs : Aghora | et | Śikhā ; |
annulaires : Vāmadeva | et | Śiras ; |
auriculaires : Sadyojāta | et | Hṛdaya. |
Ce tableau correspond à celui qui avait été donné en SP1, App. VI (p. 331), avec la différence que Netra ici n’apparaît pas. Selon PKām, 4, 45b et Aj, 20, 77b, ce Mantra devrait être déposé sur les paumes des mains, ce qui est normal si le Mūlamantra, qu’il accompagne en général, y a lui-même été déposé.
Notons que le tableau ci-dessus nous révèle la saṃhitā du Mṛg (on sait que le contenu de ce terme varie avec les textes : voir SP3, pp. 71-73, n. 193) : elle est formée de onze mantra, comme N.K. le précisera en commentant 7, 43.
17 Les śl. 4-5 décrivent ce que l’on nomme souvent ātmaśuddhi (Aj, 20, 37-50) ; on la fait en général suivre d’une tattva- ou bhūtaśuddhi (SP1, pp. 118-128 ; Aj, 20, 51-72 ; PKām, 4, 61-89) que le Mṛg ne note pas.
Les 3 lignes 4b-6a sont citées par N. in AP, p. 75 avec une variante à la fin.
18 L’expression pāśavīṃ mūrtim dit plus que māyeyāṃ tanuṃ par laquelle elle sera glosée : le corps à détruire est bien fait des produits de la māyā ; mais s’il existe, c’est parce que l’âme qui l’anime est un paśu, ayant encore au moins (en supposant les autres pāśa détruits par la dīkṣā) le prārabdha-karman à consommer.
19 Ces mots, qui ne sont pas commentés par N.K., nous donnent l’extension verticale du domaine à brûler. Aj, 20, 49b parlant des flammes, dit la même chose en des termes plus clairs : pādāhguṣthaṃ samārābhya mastakāntaṃ…
Le mot sadāśivapada du texte désigne la tête, du centre des sourcils au brahmarandhra (domaine de la kalā Śāntyatītā, gouvernée par Sadāśiva : voir SP3, p. 182 et Pl. IV), et plus précisément ce dernier point, où siège Sadāśiva. Autrement dit, il faut faire disparaître le corps tout entier. Quant à la partie spirituelle, elle a échappé à ce feu grâce à un processus qui accompagne le prāṇāyāma et que N.K. précisera.
20 Voir SP1, Index, sous Agni.
21 Détails sur ce procès en SP1, pp. 106-112 ; Aj, 20, 40b-48a ; et surtout AP, pp. 56-59, avec le comm, de N.
22 Voir SP1 et SP3, Index.
23 Il ne s’agit pas d’une expiration au sens habituel du terme, mais d’une poussée de l’air vers le haut à l’intérieur du corps. Le terme propre est ūrdhvarecaka, à lire sous l’injonction recayaty ūrdhvaṃ. Voir SP3, p. 140, śl. 19 et n. 40, où le contexte est comparable.
24 C.-à-d. de Sadāsiva : c’est le brahmarandhra. Bindu ici est mis pour Śāntyatītā.
25 Le brahmarandhra.
26 Le Bindu lui sert de “corps” ; car en dépassant le niveau de la māyā (gorge), il a perdu son corps subtil (le puryaṣṭaka signalé haut), qui n’est fait que des produits de la māyā.
27 Kir, kp, 2, 3 (avec début différent : voir Bhatt, éd. crit., n. 15).
28 Ajouter : ce qui était la raison d’être de la préservation du corps lors de la nirvāṇadīkṣā. Voir 8, 144 et comm.
29 Passage perdu ; mais voir l’éd. crit., App. II, p. 254, dern. 1. Des instructions semblables se trouvent ailleurs, par ex., comme va le dire plus loin N.K., dans le Svā, qui commence son ch. sur l’antyeṣṭi (paṭ 31 : T. 39, p. 114) par le śloka suivant :
athātmano vadhaṃ mantrī na kuryāt phalavāñchayā /
na ca duḥkhasamutpattau kāmado deham utsṛjet//
30 mukti ou bhukti.
31 Autrement dit : la vie après la dīkṣā, qui n’a d’autre fin que la consommation du prārabdhakarman, est vaine si l’on n’obéit pas aux règles, y compris à celle-ci. Il est évident que cet argument d’autorité ne résout pas la difficulté soulevée.
32 8, 136b-137a.
33 La dīkṣā nirbījā (ou nirapekṣā) n’implique pas l’obéissance aux règles. Cf. 8, 2 et notes.
34 Kir, kp. 2, 7a.
35 Svā, 7, 2b (T. 39, p. 17, avec dagdhvā au début).
36 Voir par ex. 7, 77b-79a ; 8, 66-68 ; 8, 117-18 ; etc.
37 śl. 11-31.
38 Aucune réponse satisfaisante n’a finalement été donnée à la question posée ; mais il est remarquable qu’elle ait été posée.
39 Lorsque la Śakti (c.-à-d. le Bindu) est excitée par Śiva, on parle plus souvent d’un écoulement de nectar. Voir par ex. le passage cité dans le comm. à 2, 31 bc, ou celui donné sous [15a] en SP3, p. 477.
40 niṣkala ici serait mal traduit par “indivis”. L’épithète souligne la condition spéciale de total isolement où se trouve l’ātman au stade actuel. Il annonce le procès décrit plus loin de sakalīkaraṇa : imposition des “parties”.
41 Allusion à tous les rites qui suivent et pour lesquels justement l’officiant vient de se préparer.
42 Voir vp. 3, 7b.
43 apratibandha-svarūpam s’oppose au mot bandakadeha utilisé pour désigner le corps qui a été brûlé.
44 Mais voir la suite, qui nuance cette affirmation.
45 Traduction pas tout à fait en accord avec le comm.
46 N., qui cite nos lignes 4b-6a (AP, p. 75) pour montrer comment, à la fin de la bhūtaśuddhi, le corps subtil est simplement fait de Dṛk et Kriyā”, termine la ligne 6a par itīṣyate. Mais c’est probablement parce que le mot asādhakam gênait l’argumentation où la citation s’insérait.
47 Il s’agit ici des différentes parties du corps, et non des cinq Membres, dont il ne sera parlé qu’au śl. 10.
48 Le procès décrit dans les śl. 7-9 est le sakalīkaraṇa annoncé dans l’intr. aux śl. 2-3. Il consiste en une ‘‘construction” magique, avec des Mantra dont chacun est un “fragment” (kalā) de Sadāśiva, du corps de ce Dieu (défini en vp, 3, 8b-9a), à la place du corps impur de l’adorateur. Pratiquement, celui-ci récite chaque mantra (voir quelques modèles en Rau I, pp. 22-25 et notes ad loc., pp. 26-28) en touchant la partie de son corps où est censée apparaître telle ou telle kalā de Sadāśiva, d’où le nom de kalā-nyāsa (“imposition des kalā”) donné aussi à ce rite.
La plupart du temps, ce kalā-nyāsa est précédé d’un rite de même type, mais où les cinq Mantra, au lieu d’être divisés en kalā, sont pris en bloc : ce sont alors des piṇḍamantra (Aj, 20, 84b) et le rite porte le nom de piṇḍabrahma-nyāsa, ou mālābrahma-nyāsa, ou plus souvent d’aṅganyāsa : “nyāsa [des cinq Brahman] sur les parties du corps”. Là on “dépose”, en accord avec vp, 3, 9b-13. Īśāna sur sa tête, Tat-P. sur son visage, Aghora sur sa poitrine, Vāmadeva sur ses parties intimes et Sadyojāta sur ses pieds. Voir PKām, 4, 91-92 et surtout SvT, 1, 46. En commentant ce dernier passage, Kṣemarāja explique que le procès aboutit à la formation d’une mūrti semblable à un bâton, sans membres distincts - explications qui nous seront utiles pour comprendre le comm. au śl.13.
Le procès du kalā-nyāsa se présente alors comme un complément du précédent : il fait apparaître, sur le fond indivis de cette première mūrti, les cinq têtes, les visages, et toutes les autres parties du corps. Voir PKām, 4, 94-117 et SvT, 1, 47b-53a.
Notons que l’ordre indiqué ici est l’ordre d’émission, qui convient pour les gṛhastha ; l’ordre inverse, dit de résorption, est réservé aux ascètes (voir PKām, 4, 42-43a et 48).
49 Īśāna, Tat-Puruṣa, Aghora, Vāmadeva et Sadyojāta (ou les formules qui les représentent) ont respectivement 5, 4, 8, 13 et 8 “parties” nommées kalā. Le terme désigne d’une part les 38 fragments en lesquels le mantra initial du Taittirīya Āraṇyaka (texte : Rau I, p. 26) est découpé ; d’autre part les 38 “fragments” de cette Puissance qu’est Sadāśiva (ou, si l’on veut, la Śakti de Śiva) qui leur correspondent. Dans cette dernière acception, on voit chaque kalā comme une Śakti (voir Aj, 20, 86), qui porte un nom et vient se loger à sa place (sthāna) pendant le nyāsa.
Liste en Rau, paṭ 3 (vol. I, p. 22 sq) ; Aj, 20, 85-98 ; PKām, 4, 93-117.
50 L’ordre est ici l’ordre naturel des directions. Celui dans lequel les cinq Brahman sont déposés lorsqu’on les détache du Dieu pour les besoins du culte (cf. śl. 18-19) est différent.
51 Question controversée. On dit souvent que le cinquième visage existe mais échappe à la vision ordinaire, tout comme la cinquième kalā de Tat-P.. (Śāntyatītā) à laquelle il correspond. Cette kalā est non manifestée (avyaktā : PKām, 4, 100b). Selon l’Aj, 20, 90b-91a, l’officiant ne la dépose pas lors du nyāsa qu’il fait sur son propre corps, mais seulement quand il opère sur le liṅga (lors de la pūjā. stade pas clairement noté ici, mais signalé en Aj, 20, 170, et ailleurs). Si l’on s’en tient au texte du Mṛg, Sadāśiva n’a que quatre visages.
52 Voir śl. 50b.
53 śl. 52b-53a. Il est curieux que N.K. n’ajoute pas que le nombre total des directions est bien de dix.
54 En tout cas pour notre texte, ce qui n’entraîne nullement qu’il ait cinq visages.
55 Impossible de dire “les reins”, ou “les hanches”, car cette partie du corps ne compte que pour une. C’est d’ailleurs toute la bande annulaire, sous la taille, qui est appelée kaṭi.
56 Dans la perspective du Mṛg, qui ne parle pas de nyāsa mais de “construction” (kalpana) du Dieu, I apparition de ce nez et de cette tête (au sing. !), alors que les têtes et les visages sont déjà formés, est incompréhensible. Elle est moins choquante dans les descriptions qui parlent de nyāsa, l’officiant déposant à ce moment-là deux kalā de Sadyojàta sur son nez (sing.) et sa tête (sing.). Voir Aj, 20, 98 ou Rau I, 2, 2b. Il faut alors oublier que chaque mantra est censé construire une “partie” du corps divin assimilable à un élément du corps humain, et penser uniquement que vient se loger là une certaine Puissance, qui contribue à construire la Puissance globale dont le nom est Sadāśiva.
57 Le comm. répète la liste, en utilisant parfois un syn. du mot employé par le texte. Il est inutile de la reproduire. La remarque vaut pour tous les passages semblables.
58 Cette interprétation des Membres, à ce stade, est valable pour tous les textes qui prévoient un kalā-nyāsa (ou même un nyāsa des Brahman, non divisés en kalā : voir śl. 7, n. 1) au début du sakalikaraṇa.
Mais il n’en va pas de même partout. En SP1 par ex. (pp. 132 et 194-196), le sakalīkaraṇa consiste en la seule imposition du Mūlamantra et des Aṅga. À ce moment-là, les Aṅga ne représentent plus les protections d’un corps déjà construit, mais les Perfections mêmes de Śiva, qui lui appartiennent en propre et le constituent. Voir sur ce point SP3. pp. 400-405, n. 440. Donner ces “Membres” à Śiva, c’est construire Dieu lui-même. Une difficulté inhérente à cette représentation est que le Śiva pourvu de ces Membres (de ces Perfections) peut très bien être un Śiva indivis (voir SP1. p. 186, śl. 63 où l’expression “ṣaḍaṅga” nous avait arrêtée), et que le terme de sakalīkaraṇa ne se justifie plus aussi aisément. Voir notre article “Les Membres de Śiva”, à paraître.
59 Voir śl. 1.
60 Voir śl. 39b et 45-49.
61 Le terme de sṛśṭi-vartmanā ne veut pas dire autre chose ici, car il n’y a pas de phases successives dans l’āvāhana, qui permettraient d’imaginer un certain ordre dans un processus. Il faut faire descendre le Dieu de son Royaume situé hors du cosmos dans le lieu de culte : ici le Cœur de l’officiant. Même procès en SP3, p. 348.
62 Le premier Lotus représente le Coeur subtil dans lequel on construit le Trône, le second est le Trône lui-même.
63 Donc sur tout le cosmos, tattva “śiva” excepté – ce qui fait 35 tattva.
64 Voir 1,5b.
65 Kir, kp, 2, 19b-22a.
66 Voir dans le comm. au śl. 37 la ligne précédente du Kir, qui donne le substantif, pīṭha, que les épithètes suivantes qualifient.
La description du Kir concorde assez bien avec celle de la Śivārcanacandrikā reproduite en SP1, p. 155, sous [47a] et représentée ibid., Pl. V.
67 S’il s’agit bien de deux Śakti, ce sont les suivantes : (1) la neuvième du groupe qui orne le Trône : selon la liste habituelle (voir SP1, p. 166-168), c’est Manonmanī, couramment identifiée avec la Śakti de Śiva dite “épousée” (parigrahaśakli) et nommée aussi Bindu, Kuṇḍalinī, Mahāmāyā ; (2) la Śakti inhérente à Śiva. Mais on pourrait lire aussi : “le couple formé par Śiva et Sakti”, cette dernière étant la seule Manonmani.
68 Voir śl. 40-54a.
69 Cette glose engagerait à traduire le “prānte” du texte par “à l’intérieur”. Cependant nous croyons que l’idée dominante est ici celle de sommet : le Trône est le Cosmos, à la pointe supérieure duquel va être appelé Śiva.
70 Nous modifions la trad, que nous avions jusqu’ici acceptée (SP1, SP2 et SP3) pour āvāhana, car “Invocation” présente l’inconvénient de suggérer l’utilisation de paroles. “Évocation”, au sens où ce terme est utilisée en magie, serait très bon si sa signification courante ne masquait le sens technique qui seul devrait ici s’y attacher. “Invite” (nous évitons “invitation”, qui traduit bien āmantraṇa) a l’avantage d’être assez peu commun pour qu’on puisse le charger du sens souhaité : “faire venir, dans un endroit où elle n’est pas, une Puissance quelconque”.
71 Voir 2, 31 bc, n. 1.
72 Pour les quatre rites mentionnés ici, voir SP1, pp. 188-192 ; Aj, 20,174-181 ; PKām, 4, 349-361.
73 Même stade qu’en SP1, p. 194, où le procès est appelé sakalīkaraṇa. Les Membres sont ici parties intégrantes du Dieu, dont ils représentent les Perfections ou Pouvoirs (voir śl. 10, n. 1). La vision est différente à la fois de celle du śl. 10 et de celle des lignes 20-21a.
74 Voir 5, 12.
75 Voir 5, 13.
76 Voir 5, 11 ; on notera la différence avec SP1, p. 188.
77 Voir 5, 13.
78 Voir śl. 7, n. 1. L’explication donnée alors concernait la construction du corps divin de l’officiant. Mais le procès est exactement le même lorsqu’on veut “construire” le corps du Dieu pour le placer sur le Trône. Voir PKām, 4, 349a :
“yathā dehe tathā deve mantranyāsaṃ prakalpayet”, où deva représente l’image divine concrète.
79 Cette Lumière représente le Śiva suprême. Il est indivis (niṣkala), mais cependant pourvu de ses Membres, c.-à-d. de ses Perfections. L’appellation de mūrti pour cette splendeur divine est à peine justifiée.
80 Le nyāsa se fera ainsi : 1) on construit la vidyāmūrti avec les cinq brahmamantra pris en bloc (procès non décrit) ; 2) on construit la śivamūrti avec les 38 kalā (comme aux śl. 7-9, mais en se représentant intensément les traits caractéristiques de la forme choisie) ; 3) on fait descendre dans ce corps, à partir du dvādaśānta, la masse lumineuse qui représente Śiva (śl.12b-13a).
Si N.K. insiste sur le fait que ce nyāsa ne se fait pas dans l’ordre “selon la lettre”, c’est qu’il pense probablement au passage actuel seul (13-14a), où la première mūrti mentionnée est en fait installée en dernier lieu.
Notons que ces différents phases ne se retrouvent pas partout de façon identique. Cf. par ex. Aj, 20, 258-278.
81 Voir śl. 40-54a.
82 En pensée.
83 Préparation : śl. 32-33.
84 7, 12b.
85 Donc la même eau sert aux trois rites enjoints ici.
86 En pensée.
87 N.K. pense donc qu’on peut emprunter à un autre traité (que le sien ? – saṃhitāntara) tel ou tel mantra, s’il est dit là que ce mantra est bon pour les rituels en général. D’où sa référence. On aurait pu comprendre le texte autrement : “avec n’importe lequel des mantra mentionnés dans le rituel décrit par notre texte” ; par ex. un brahmam. ou un aṅgam.
88 MatP, kp. 3, 82 (une variante). Il s’agit de la śivagāyatrī.
89 Les mêmes cinq Puissances qui avaient fourni leurs kalā pour constituer le corps de Sadāśiva sont maintenant placées autour de lui. On se rappelle que le Dieu a été invité à siéger sur le réceptacle du Lotus qui lui sert de Trône dans le coeur du fidèle : c’est autour de lui, Īśāna un peu plus près que les autres, que se placent les cinq Personnages que N.K. nomme Vaktra. Le texte ne dit pas qu’ils se réduisent à des visages, comme ce terme pourrait le faire croire : ce serait en contradiction avec ce qu’il a enseigné plus haut (śl. 7b : le Dieu n’a que quatre visages) et avec toute la tradition qui, à ce moment du culte, détache de Sadāśiva les Puissances énumérées et les imagine chacune sous la forme d’un corps complet à cinq visages, dix bras, etc. Voir par ex. PKām, 4, 450-451a et SvT, 2, 106-107. Ces deux textes ont exactement la même ligne (et les śloka suivants sont les mêmes aussi) :
vinyaset pañcavaktrāṇi pañcavaktrayutāni ca,
qui montre que l’on n’hésite pas à appeler Vaktra ces divinités, même au moment où elles apparaissent tout autres. Ainsi peut s’expliquer la présentation que N.K. fait de ces deux śloka. Le terme de Brahman (qui sera utilisé ici au śl. 27a) est cependant plus courant pour désigner ces divinités. Celui de “Vaktra” s’explique par le fait que, selon un certain nyāsa que notre texte n’évoque pas (dans le PKām et le SvT, il prend place, sans que l’on en voie la raison, entre le piṇḍabrahma-nyāsa et le kalā-nyāsa : voir śl. 7, n. 1), ces Puissances servent à constituer les Visages de Sadāśiva ; et c’est bien ainsi qu’on se les représente le plus souvent.
90 Nous lisons avec T. 266 : yajed āvāhaya pūrvavat, qui correspond mieux au comm. et évite la répétition du verbe indiquant l’adoration.
91 Le terme d’aṅganyāsa signifie ici “nyāsa des Membres” (autour du Dieu), et non “nyāsa sur les membres (de l’adorateur) des Brahman ou des Aṅga”, comme c’est le cas śl. 7, n. 1.
92 Même remarque que pour les Brahman : les cinq Aṅga ne sont plus ici conçus comme intégrés à Sadāśiva, mais comme des Puissances distinctes. On les nomme alors bahiraṅga ou bhogāṅga, comme en SP1, pp. 208-212, pour les distinguer des premiers qui sont les antaraṅga ou layāṅga.
On considère le plus souvent que les Brahman et les Aṅga ainsi détachés du Dieu constituent le premier des cercles (āvaraṇa) de divinités que la pūjā place autour de lui. Ils occupent en effet les huit pétales du lotus qui sert de siège à Śiva (sauf Īśāna qui est sur le réceptacle, ainsi que Netra, lorsqu’il est mentionné), tandis que les divinités suivantes seront placées plus loin du centre. Voir SP1, p. 208, n. 1 ; Aj, 20, 195-197 ; PKām, 4, 448-457 (où ce premier cercle est nommé garbhāvarana).
Certains Āgama cependant ne considèrent pas que Brahman et Aṅga forment un āvaraṇa proprement dit (sans doute parce que ces Puissances ne sont pas réellement distinctes de Śiva) ; et ils commencent à numéroter ces derniers à partir du “cercle” des Vidyeśvara. C’est le cas de notre texte, que N.K. commente en plein accord avec ce que nous lirons en 8, 44-46.
Au sujet des différentes conceptions des āvaraṇa, voir SārK, Intr., pp. xv-xix.
Nos textes donnent en général la description détaillée de tous ces personnages à propos des rites solennels, où leur culte est plus élaboré, par ex. dans le ch. sur la dīkṣā (AP, pp. 226-229) ou sur la pratiṣṭhā (SP). Le Mṛg ne le fera jamais : les indications que nous trouvons ici sont les seules que comporte l’ouvrage – tout au moins la partie conservée.
93 Les couleurs données ici diffèrent à la fois de celles du PKām (4, 451b-455, identique à SvT, 2, 108-113) et de SP1, p. 210 (qui pour une fois s’écarte du PKām). »
94 Noter l’ordre dans lequel les directions sont indiquées.
95 Le terme harita suggère plutôt un jaune verdâtre. Le commentateur assombrit, probablement pour se rapprocher des autres textes qui voient la Cuirasse noire (SP1) ou très sombre (PKām, SvT, etc.).
96 Leurs bases sont déjà occupées par les quatre Vaktra périphériques.
97 Ce serait le deuxième āvaraṇa si le garbhāvaraṇa était compté ; mais le premier ici.
98 Arbre vert sombre. On peut encore lire : couleur du jus du fruit du tamāla (qui est brun sombre). Ce troisième Vidyeśa, Śivottama, est “bleu sombre” (nīla) selon la liste de couleurs, à peu près identique à la nôtre par ailleurs, que donne A. (AP. p. 226 : hemāgninīlabhṛṅgenduhimaraktasitāḥ kramāt).
99 Donc noir.
100 Vidyeśvara supérieurs ou Mantreśvara supérieurs, ou Mantramaheśvara. Voir plus haut, 1, 6, n. 1 et 3 ; et 2, 15-16, n. 7.
101 À la ligne 26a.
102 Notre liste est exactement celle de PKām, 4, 467-477, sauf que le PKām commence par le N., donc avec la Déesse (nommée là Ambikā) ; Aj, 20, 219-220a donne aussi une liste qui commence au Nord, et qui concorde avec la nôtre à deux interversions près. Ailleurs on observe quelques variations dans l’ordre des personnages.
103 Les Vidyeśvara (cercle précédent).
104 Si les Armes sont tenues par les Lokapāla, elles appartiennent au même cercle, ce qui nous donne trois āvaraṇa. Ailleurs, on les sépare souvent de leurs propriétaires pour les contempler comme des divinités indépendantes, et ce “cercle” est alors dédoublé.
Insistons une fois de plus sur le fait suivant, que le Mṛg met bien en évidence : ce ne sont pas les Armes de Sadāśiva que l’on contemple là, mais les Armes propres aux Lokapāla.
Lorsqu’on ajoute à la liste précédente des Lokapāla Viṣṇu (au nadir, mais adoré au S.-O.) et Brahman (au zénith, mais adoré au N.-E.) on introduit ici leurs Armes : le cakra et le padma : voir Aj, 20, 223, et SP2, p. 64, n. 3.
105 Le Trésor (nidhi) peut être représenté par un homme portant sur sa tête ce trésor. On peut aussi dédoubler le Trésor en śaṅkha- et padma-nidhi.
106 Selon le PKām, 4, 464a, dans une main seulement ; les autres (ils en ont dix) tenant des attributs divers, les mêmes pour tous. Même chose en AP, p. 226.
107 Instruction analogue en AP, p. 227 :
vimānasthā gaṇās tv eṣāṃ mūṣikastho gajānanaḥ /
mayuravāhanas skando vṛṣabhaḥ kevalasthitaḥ //
108 Contrairement à N.K., nous associons le “vā” à Devī et à Skanda, comme si on nous donnait ici une alternative à la première instruction : celle qui affirme que les Gaṇa sont montés sur des chars. Voir aussi AP, citée n. 1.
109 N.K. lit le texte autrement que nous : il voit tous les Gaṇa montés sur un objet autre que le vimāna (prob. dans le vimāna ?). Dans ce cas la Déesse est sur le Lion, et le “vā” ne concerne que Skanda qui peut, soit partager le sort des autres, soit avoir sa monture habituelle.
110 N. K. relie sarve à la dernière proposition, ce qui ne change pas le sens.
111 Ch. 5 : les sept mudrā mentionnées ici sont les sept premières décrites là.
112 Voir 5, 11b et ici plus haut, śl. 14a.
113 On se représente la cuillère comme une yoni (voir 5, 3-4, comm. et la photo de la sruṇmudrā face à la p. 52 de l’éd. de Bhatt). D’où l’équivalence des termes de śaktimudrā et srunmudrā. Se rappeler à ce propos que “la cuillère est Śakti, le cuilleron, Śiva” (SP3, p. 355, [255b], 1. 3).
114 Voir 5, 2, comm.
115 Noter la glose d’arcana par pūjā : les deux termes sont traités exactement comme des synonymes par nos textes.
116 Il semble que cet appel, qui fait que le Dieu – et chacun des Personnages de sa Cour – se tourne vers l’adorateur, ne soit fait qu’en vue du japa qui suit. Ailleurs (par ex. Aj, 20, 200-204) un rite parallèle (āmantraṇahavis) précède l’offrande d’une série de choses que notre texte mentionne bien avant (śl. 15b-17).
117 7, 12b. Déjà cité dans le comm. au śl. 15a.
118 Le comm. semble impliquer qu’il faut aussi faire un japa des m. des autres divinités des āvaraṇa. En général il n’en est rien. Voir SP1, p. 224, śl. 100 ; PKām, 4, 508b.
119 Voir SP1, pp. 218-222 ; PKām, 4, 510-514.
120 Probablement au début et à la fin du m. dont il a fait le japa et que l’on récite ainsi une fois de plus au moment de l’offrande, avant la formule indiquée par le texte. Rappelons que le m. du Cœur est formé de la lettre choisie pour Śiva, suivie de Ā, et nasalisée.
En SP1, p. 219, l’offrande du japa se fait différemment. Le japa tout entier est là symbolisé par une fleur, et c’est cette fleur que l’on remet à Śiva, avec certains mantra. Ailleurs, on forme au préalable autour de la fleur un “écrin” avec le m. du Cœur et d’autres m. (SP1, p. 219, [94a]).
121 Noter siddhyarthin pour gloser sādhaka. SP1 (p. 221, śl. 96) parle du bhogin, autrement dit bubhukṣu – mal traduit là par “homme du siècle”
122 Noter les verbes utilisés : “nivedayet” pour le mumukṣu, “nikṣipet” pour le sādhaka. Le premier implique abandon désintéressé, le second “dépôt” (comme d’un trésor dans une banque).
123 Śiva sans doute est censé totaliser ces données.
124 Ce śloka, dont le sens global est clair, se prête dans le détail à de multiples lectures et N.K. en offre deux interprétations. Notre traduction suit la seconde (à un détail près), conforme aux instructions de nombreux Āgama et traités.
125 Les Puissances qui forment les āvaraṇa regardent en temps normal vers Śiva (il. 26a). L’officiant tout à l’heure les a fait se tourner vers lui (śl. 28). Il les replace ici dans leur position habituelle. N.K. considère que c’est cette invitation à se détourner qui se fait pratilomataḥ, c.-à-d. dans l’ordre inverse de l’ordre où l’on a adoré ces divinités. Voir aussi le comm. à 39a (même stade du culte).
126 Pour le rite de nāḍīsandhāna, voir SP1, p. 260, n. 1 et SP3, Index. S’il a lieu ici, c’est pour préparer la disparition en Śiva de tous les Mantra adorés hors de lui.
127 N.K. relie vilomataḥ à arghya pour former le composé vilomārghya, qui doit être pour lui syn. des termes plus courants de parāṅmukhārghya (l’arghya qui permet aux divinités de se détourner de l’adorateur : voir n. 2) et visarjanārghya (l’arghya “de congé”). Il est certain que l’arghya offert à ce stade, de même qu’au śl. 38, a ce rôle. Nous préférons cependant interpréter vilomataḥ, non comme une indication sur la fonction de cet arghya, mais comme une instruction relative à son offrande. Voir SP1, p. 274, n. 2, où ce détail est bien précisé.
128 Phase bien connue du culte. Voir śl. 38 et SP1, p. 274, śl. 73b-74a.
129 Nous lisons avec le ms. B et T. 266 mantrasya et, partant de la leçon cātmanā de T. 266, nous suggérons la lecture : śivasya mantrasya cātmano’pṛthagrūpatām…, ce qui permet de lire apṛthak, nécessaire pour que l’affirmation ait un sens et corresponde au contenu de la citation qui suit. Le sandhāna dans cette perspective est l’unification entre l’officiant, le Dieu et les Mantra.
130 Texte non identifié.
131 Ce terme est un syn. de sādhaka (voir Index). Mais il peut être étendu à tous les initiés qui font un culte à Śiva et donc utilisent des mantra.
132 Voir SP1, pp. 138-140 ; PKām, 4, 204b-213 ; Aj, 20, 112-115. La préparation de l’arghya précède la “purification du matériel” (dravyaśuddhi, évoquée ici en 33b), qui est l’une des cinq purifications préalables au culte : ātma-, sthala-, dravya-, mantra- et liṅga-śuddhi. Voir Aj, 20, 139 et SP1, p. 148.
133 Nous lisons āyudha (et non āyuta) avec T. 677 (qui lit tato’jātāyudhāṃ tārunya…) et T. 266 (tato’jātāyudhāntāṇūn, leçon exacte). Āyudha est un syn. usuel d’Astra. Voir comm.
134 Litt. : “pour obtenir cette qualité : la capacité [à être utilisé]”.
135 La liste est ici, en 6, 53b : or, argent, cuivre ou terre. On a la même dans un passage cité en SP1, p. 139, sous [37c], Le PKām (4, 204b-205a) offre un choix de matériaux plus varié : or, argent, cuivre, noix de coco (kelihāra, kelahāra ou kelināra selon les mss., prob. pour nārikela ?), conque, feuilles de palāśa, bois ou terre.
136 Ce qui signifie qu’on récite la saṃhitā. Le mūlamantra n’est pas mentionné, mais il est nécessairement récité, prob en même temps qu’est montrée la dhenu-mudrā. Quant à la précision śivāstra, elle est nécessitée par le fait qu’il existe plusieurs mantra nommés astramantra (voir SP3, p. 340, n. 396).
La nature des mantra récités sur cette eau montre qu’il s’agit d’un des arghya dits “spéciaux” (viśeṣārghya) énumérés en 7, 12-13a. C’est sans doute ici l’arghya “de Śiva”. Notons à ce propos que l’arghya appelé ailleurs “ordinaire” (sāmānyārghya) n’est jamais mentionné sous ce nom par notre texte ; mais on rencontre l’“eau d’Astra” (astrāmbu) qui doit en être l’équivalent.
137 Voir plus haut, śl. 4-5, n. 23.
138 Parler de huit doigts deux à deux opposés serait plus exact que de parler de dix : voir 5, 8 et la reproduction de ce geste dans les planches de l’éd. crit., après la p. 52. Les bouts des doigts sont dirigés vers l’objet qui doit recevoir l’amṛta ; ils représentent les pis de la vache.
139 Le rite décrit par ce śloka et par les deux suivants est absent de la plupart des Āgama que nous connaissons. Parmi ceux qui l’enjoignent, citons l’AVS (un Upāgama) et le PKām, tous deux omettant la Déesse, et le second se contentant d’une brève évocation (4, 287) qui ne peut être la source des enseignements du Mṛg :
gaṇeśaṃ pīṭhavāyavyāṃ gandhapuṣpādibhir yajet /
aiśānyāṃ gurupaṅktīś ca pûjayed dhṛdayena tu //
En revanche, le rite est bien connu des manuels. Somaśambhu le décrit (SP1 p. 152) et, à sa suite, presque tous les auteurs de paddhati (voir AP, p. 87 ; SC, pp. 43-44 ; KD, p. 56 ; SiŚe, p. 50, les deux premiers cités partiellement en SP1). Ceci, pour le rite privé. Ce sont toutefois les manuels qui régissent le culte des temples qui traitent la question avec le plus de détails, en multipliant d’ailleurs parfois les personnages, ce qui a pour effet de brouiller les directions où ils siègent. Ces directions sont constantes pour le culte privé : Gaṇeṣa au N.-O., la Déesse au N. et le (ou les) Guru, au N.-E.
Il s’agit pour l’adorateur, avant d’entreprendre le culte de Śiva, de s’assurer la bienveillance de divinités choisies pour leurs qualités spécifiques, et de demander leur accord aux Guru. Notre texte semble considérer les trois personnages en bloc (il leur fera adresser une seule prière : voir śl. 35-36) ; mais, dans la plupart des ouvrages, chacun reçoit une requête différente. On demande à Gaṇeśa d’écarter les Obstacles, à la Déesse (souvent appelée Lakṣmī, comme dans notre comm., ou Mahālakṣmī, bien qu’elle soit vue comme une Śakti de Śiva), de multiplier le matériel d’offrande ; et aux Guru de donner la permisssion de faire le culte de Śiva (voir les prières extraites de SC et données en SP1, ibid.).
Notons que ces trois personnages sont justement ceux devant lesquels N.K. s’est incliné en commençant son commentaire (premier distique de sa vṛtti, en intr. à vp, 1, 1 ; Hulin, p. 3) ; car on peut considérer que Kamalā ici et Vāgīśvarī là ne sont que deux noms de la même Śakti de Śiva.
140 Nous ne suivons pas du tout N.K. dans l’interprétation de ce śloka. Pour commencer, nous n’acceptons pas sa glose de tataḥ par tasmād arghyapātrāt. Si N.K. refuse l’interprétation immédiate du terme (“ensuite”), c’est que l’indication de succession lui semble fournie par le ca du deuxième pāda, dont il ne saurait que faire autrement. Mais voir n. 4.
141 Voir n. 2.
142 La glose ne parait pas correcte, bien qu’elle ne soit pas absolument impossible. Si on l’accepte, il faut d’abord comprendre que brahmasthāna ne peut être pris dans son sens habituel, où il désigne le carré central du sanctuaire (ou de ce qui en tient lieu) ; car ce carré est occupé par le support du culte : liṅga dans les temples, maṇḍata ou toute autre image pour le culte personnel. L’adorateur ne peut se tenir là. En revanche, il peut se tenir à l’emplacement du Brahman que l’on adore au S.-O. en entrant dans le lieu de culte, en tant que Vastospati (ou Vāstvadhipati) : voir SP1, p. 98, śl. 4 (ce rite est décrit là très tôt, mais il se fait ailleurs peu avant le rite actuel, parfois juste avant). On pourrait donc lire le locatif pitāmaha-sthāne du texte comme le fait N.K.
Cependant, le ca qui relie ce premier locatif au suivant engage à voir dans l’expression citée l’indication d’un premier culte ; et c’est ainsi que nous comprenons l’enseignement du śloka. Les descriptions de SC ou SiŚe soutiennent cette vision ; et encore plus celle de l’Īśānasivācāryapaddhati (Parārthanityapūjāviddhi), consacrée au culte public (p. 40) : un même rite, qui est l’extension du nôtre, fait adorer autour du liṅga un cercle de divinités comprenant successivement : Vāstvadhipati (=Brahman), Gaṇeśa, Sarasvatī, Mahālakṣmī, Vāmadeva et les sept Guru.
143 Il faut comprendre par “Nord” toute la zone qui va du coin N.-O. au coin S.-E. : le mur Nord du sanctuaire, dans le cas où il y en a un.
144 Le mot “guru” est interprété différemment par nos textes. Selon les uns (par ex. KD), il s’agit du seul guru (représenté par ses sandales) de l’officiant. Selon d’autres (AP, citée en SP1, p. 153, sous [46a]), d’une série fixe de sept Guru. Selon d’autres encore (SiŚe), de toute la série des maîtres qui, à partir de Śiva, ont fait “descendre” un Tantra particulier jusqu’au guru de l’officiant (śivādi-svaguruprāntān gurūn āvāhya pūjayet : SiŚe). Dans la dernière hypothèse, on aurait ici Śrikaṇṭha, Indra, Bharadvāja, Hārīta, etc. ; et c’est bien ainsi qu’A. commente le premier-distique de la vrtti de N.K. (signalé n. 1.)
145 A. cite à la même occasion un śloka presque identique (mais le début est gaṇesa kamale) que N. dit provenir du Mṛg (AP, p. 87).
146 Litt. : “Sandales des Guru !”
147 Ce seul śloka résume tout le culte extérieur, dont il faut prendre la description dans la section consacrée au culte intérieur. La plupart des Āgama ou manuels font le contraire : la description du culte extérieur y est fort détaillée, et on explique que le culte intérieur se fait de même, mais en pensée.
148 N. K. interprète vapus dans le sens “objet représentant le Dieu”. Mais il pourrait s’agir aussi de la forme que, même dans le culte extérieur, on doit imaginer et construire par des mantra en la projetant sur l’image matérielle que l’on utilise comme support. En fait, il s’agit à la fois de la forme invisible et de la forme visible, et N.K. ne pourra s’empêcher de glisser d’un sens à l’autre au cours de son bref commentaire. (Voir aussi la citation qui termine le comm. au śl. 38.)
149 Même ambiguïté : le Trône est ici un Trône de Mantra (d’Énergie) ; mais ce Trône mantrique est projeté sur le socle matériel du liṅga, si celui-ci existe. Plus loin, N.K. utilise le même mot pour parler du socle.
150 Voir 1, 4b-5 et 3, 12, comm.
151 Kir, kp, 2, 19. La seconde ligne fait partie du fragment plus long cité dans le comm. à 3, 12.
152 Le Mūrtimantra n’a pas été cité parmi les Mantra du cercle des Mantra. Il est nommé ici, à cause de la citation suivante, qui en parle. Voir SP1, Index.
153 Les citations du Maya que fait N.K. ne se trouvent pas dans le Mayamaia édité par B. Dagens. Peut-être s’agit-il d’un autre ouvrage.
154 Processus évoqué plus haut (śl. 31 et comm.). Il ne vaut que pour les images temporaires comme les sthaṇḍila. Pour les autres, voir śl. 54b-56a.
155 Voir le comm. à 7, 11.
156 Voir 7, 12a.
157 Texte non identifié. La dernière ligne du fragment est très souvent citée.
158 Nommée pour cette raison layasthāna.
159 Bhogasthāna : voir SP1, p. 208, n. 1. Ce sont les lieux où l’on installe les Brahman et les Aṅga lorsqu’on les sépare de Śiva, comme ici en 18-21a. Ils deviennent alors des Bhogāṅga (le terme s’applique en premier lieu aux Aṅga : voir śl. 20, n. 2). Voir cependant śl. 54b-55a, n. 5.
160 Série analogue à celle que notre texte présente en 1, 2a ; mais le terme śakti y est interprété de façon différente.
161 Voir śl. 31 et comm.
162 Sens inhabituel de abhisandhāna.
163 On voit mal comment le sandhāna opère le retournement.
164 Litt. : “Par le procès qui fait se retirer [successivement] des tattva”. Comme le montrera le comm., le mot tattva est mis pour bhūta (ou kalā) : il s’agit des cinq dhāraṇā, dont les Gouverneurs, Brahman etc., siègent dans les centres subtils. Voir 2, 15-16, n. 8.
165 Nous laissons le sujet indéterminé (on remarque qu’il reste vague tout au long de ce ch.) en admettant que tous les initiés autres que le sādhaka terminent le rite de la même manière. On pourrait sans doute cependant préciser “le mumukṣu”, l’alternative offerte ici étant parallèle à celle que présentent les śl. 29-30.
166 “Dans le dvādaśānta” suffirait.
167 C.-à-d. la remise du japa. C’est la fin seule du culte qui diffère.
168 Et qui peut se trouver à n’importe quel niveau : le sādhaka ne remontera pas au-delà du domaine de son Dieu.
169 Au ch. 4. Il s’agira alors du culte que le sādhaka fait à son Sādhya ; tandis que les quelques indications qui ont été données au cours de ce ch., et ici en particulier, concernent le sādhaka en tant qu’adorateur de Parameśvara. Voir le comm. à 4, 1.
170 Lire pūjā-dhyāna- avec tous les mss.
171 Bharadvāja interroge Indra : Voir 1, 1, n. 2.
172 śloka très souvent cité.
173 Voir vp, 3.
174 Texte connu par des citations seulement.
175 Et non la partie spirituelle elle-même.
176 Nous supprimons tasmāt (avant sāmānyam) avec C, T. 266 et T. 677.
177 Mettre un daṇḍa juste avant bahurūpasya et ôter le précédent. Mais pourquoi ce qui est à l’Est ne bouge-t-il pas ?
178 Un des rites de magie noire. Mettre un daṇḍa après stambhanādikṛte et ôter celui qui précède ce mot (voir śl. 46a).
179 Ce terme, syn. de saṃhāra, semble cher à N.K. : voir le comm. à vp, 3, 8b-9a. On notera cependant une contradiction entre ce comm. et le passage actuel du Mṛg dans la distribution des cinq fonctions entre les cinq Mantra.
L’expression kṣayādi fait allusion à des rites kāmya (voir śl. 47a).
180 Lire évidemment vāmadevasya.
181 tirobhāva ou tirodhāna : litt., l’action qui consiste à mettre un écran ou un voile devant un objet, pour le cacher. Ici l’objet est Śiva et celui dont on obstrue la vision est l’aṇu.
182 Lire avec T. 266 et T. 539 : puṃso vamaty adho. Cette même expression est utilisée par N.K., dans son comm. à vp, 3, 12b-13a. C’est probablement une citation d’Āgama.
183 Source non identifiée.
184 Ou, avec la leçon pāśyaḥ donnée par le ms. B et T. 266 : “ils sont [à nouveau] à lier”. Presque libérés des pāśa, ils redeviennent leur proie.
Le tableau que brosse ce śloka ne s’accorde pas bien avec la doctrine habituelle, selon laquelle on ne peut retomber au-dessous de la māyā une fois qu’on s’en est libéré ; mais peut-être cette doctrine n’est-elle pas acceptée par tous.
185 Mettre un daṇḍa après [ajasya].
186 Litt : “le non-abandon” : Vāmadeva fait en sorte que les expériences souhaitées échoient bien aux êtres qui les ont souhaitées. Autrement dit, il entretient leur désir et, ce faisant, cause leur chute. C’est ce que disait déjà succinctement notre texte en expliquant le nom de ce Dieu (vp, 3, 12a) ; et N.K. commentait alors dans le même sens qu’ici.
Il faut cependant se rappeler que Vāma agit ainsi pour le bien futur des âmes. Voir SP3, pp. vii-viii.
187 On se rappellera que Vāmadeva, le Beau Dieu, s’identifie parfois avec Viṣṇu sous son aspect de Mohinī.
188 Probablement parce que le Dieu qui crée est un yogin. Il ne faut pas, en tout cas, opposer ces deux dernières fonctions. Elles sont au contraire étroitement liées ; et, lorsqu’on répartit les cinq fonctions de Śiva entre trois Śakti, c’est la même Sakti, Vāmā, qui assure création, maintien et occultation. Voir MKā, 32b-33a et comm. (cités en SP3, p. 117 sous [3c]).
189 Lire raktaṃ.
190 Qui implique en général bouche béante et crocs saillants.
191 Ajouter mohana, l’égarement. Voir SP3, Index. On voit que le terme de tirobhāva prend ici un sens légèrement différent de celui qu’il avait plus haut : il désigne maintenant la privation de la capacité normale de voir, c.-à-d. de juger sainement et d’agir en conséquence.
192 Voir plus haut, śl. 44, n. 8.
193 On retrouve donc les cinq Brahman, dans des fonctions qui correspondent à leurs fonctions habituelles, mais qui sont ici adaptées, excepté la première, aux besoins d’un homme particulier. Il s’agit, soit d’actes kāmya plus ou moins maléfiques, soit de phases de la dīkṣā (ex : janana).
194 Trad, problématique. Tous les mss. lisent indhikā. Or Indhikà est le nom d’une des Śakti qui existent au niveau du nāda, dans le sadāśivatattva (Mṛg, vp, 13, 171b-172a ; ou SvT, 10, 1226 sq). C’est une Puissance très lumineuse (vp, ibid.), dont le nom exprime sa capacité d’enflammer. Il est assez normal de la mettre en relation avec l’allumage ou activation (uddīpana) des Mantra, rite que l’on doit accomplir avant d’utiliser les formules qu’ils expriment. Voir 7, 89b-90a et comm, et SP3, Index, sous “dīpana”.
195 La glose de cit par “Mantra” peut surprendre. Mais toutes les réalités spirituelles peuvent en vérité rentrer sous cette rubrique. Elle englobe en particulier toutes les Formes Divines qui font l’objet d’adoration et sont en même temps, comme on vient de le voir, les agents véritables des actes que le sādhaka souhaite accomplir.
196 Sur chaque visage.
197 Dans ce cas, on procède à un rite d’apaisement (śānti). Or ces rites, comme les rites de protection préventive (rakṣaṇa), entrent dans la catégorie des actes intéressés (kāmya). Voir SP3, p. 44 et pp. 52-54, ainsi que le texte cité là p. 165 sous [3b], N.K. semble vouloir restreindre le sens de kāmya, ici comme dans le comm. à 4, 1.
198 Cette interprétation du ca (si notre lecture est exacte) montre le souci de N.K. d’allonger la liste des actions qui, bien que spéciales, ne rentrent pas pour lui sous la rubrique kāmyakarman. Il pense peut être aux rites de protection (rakṣaṇa).
Mettre un daṇḍa après karmasu.
199 Les couleurs indiquées étant à peu près celles des quatre Visages à partir de Sadyojāta, on pourrait comprendre que, lors d’un rite kāmya, la méditation s’appuie sur un seul de ceux-ci. Ce serait en accord avec les instructions des śl. 43-44a et avec leur comm. (voir stambhanādikṛte dans le comm. à 43a), et avec les śl. 45b-47. Mais N.K. semble vouloir que ce soit le Dieu englobant (c.-à-d. Sadāśiva) qui soit ainsi vu de telle ou telle couleur, pour les actes kāmya•, et dans ce cas il n’y a pas de limite à la liste des couleurs possibles.
200 Lire bhūtasarga, qui est d’ailleurs la leçon de toutes les sources du Mṛg que nous avons pu consulter. Voir 8, 104b, comm, et SP3, p. 246, notes.
201 Ce serait donc une tête d’Asura, qui se trouverait sous ses pieds. Mais voir n. 4.
202 Ordre naturel des directions, soit : E., S., O. et N., pour Tat-Puruṣa, Aghora, Sadyojāta et Vāmadeva ; tandis qu’aux śl. 18-19, l’ordre obéissait à la hiérarchie des cinq Visages.
203 Où est-ce dit ? Au śl. 19, on dit qu’Īśāna est incolore (“couleur” assimilable au blanc) ; mais il s’agit alors du Brahman de ce nom, considéré comme une divinité détachée de Śiva. Bien qu’on puisse admettre que la tête d’Īśāna a nécessairement la couleur d’Īśāna tout entier, on aimerait une indication plus précise. Et nous nous demandons si elle n’est pas donnée au début de la description actuelle. Si en 49b2 on pouvait lire sitamūrdhajam (mais aucune source ne donne cette leçon), et comprendre ceci comme épithète de vaktrāmbujacatuṣṭayam, on aurait l’image suivante : quatre visages “sortant” d’une tête blanche, celle d’Īśāna. Il ne serait plus question de support. Mais dans ce cas, comme N.K. ne se serait pas contredit au cours du même comm., il resterait à admettre que son comm, a été “corrigé”. Nous nous en tenons donc au texte.
Pour le nombre de visages, voir śl. 7, comm. et n. 4.
204 Plateforme carrée construite en sable, en terre, ou en grains, sur laquelle on dessine en général un maṇḍata. Voir par ex. SP1, p. 233, [2a] ; Aj., 18, 114-115 et 21, 50b-51.
On notera que le texte que nous avons n’a jamais dit jusqu’ici que le culte extérieur qu’il a décrit devait se faire sur un sthaṇḍila.
205 Ces deux lignes sont citées par N. (AP, p. 130), sans variantes.
206 La leçon nirundhyāt (Bhatt, éd. crit., n. 4) serait intéressante. Voir SP2, p. 126, n. 2. Le comm. à la ligne 55b pourrait soutenir cette lecture, mais il est évident que ce n’est pas celle que N.K. commente ici, sinon il aurait relevé le terme.
207 Le passage correspondant, qui devait appartenir au caryāpāda, n’a été retrouvé que de façon fragmentaire. Voir Bhatt, éd. crit.. App. I, p. 251, qui contient justement la définition des trois sortes de liṅga (traduit ici : App. III).
208 Le terme a été rencontré plus haut dans une citation (comm. au śl. 38). Pratiquement, dans la perspective du culte, il désigne les lieux où les Mantra ont été adorés lorsqu’on les a placés autour de Śiva. Cependant Śrīkaṇṭha, dans le RT, 268, désigne par ce terme les cinq mondes qui se présentent comme des kalā du Bindu, et dont les noms sont : Bindu (ou Śāntyatītā), Śānti, Vidyā, Pratiṣṭhā et Nivṛtti (voir SP3, Pl. VII E, listes B et D, niveau du tattva “sakti”). On peut sûrement étendre l’appellation à tous les mondes supérieurs, résidences habituelles des divinités adorées dans les āvaraṇa. L’indication de Śrīkaṇṭha éclaire alors cette phase de la pūjā : placer les Mantra autour de Śiva, en différents “cercles”, c’est les imaginer chacun dans le monde qui est le sien, et donc avec une relative indépendance. C’est seulement dans ces conditions qu’ils peuvent recevoir des hommages de la part de l’adorateur de Śiva. Les faire rentrer en Śiva, c’est annuler leur existence séparée devant la Grandeur de Paramesvara.
Le bhogasthāna est donc le lieu (le monde) où ils existent en tant que souverains susceptibles de connaître (et de faire obtenir) diverses jouissances. Par opposition, le layasthāna (leur “place” en Śiva) est le lieu (l’état) où ils sont confondus avec la Divinité suprême.
209 Mêmes instructions en SP1, pp. 274-276. Le rite de clôture concernant les sthaṇḍila s’appelle nirapekṣa-visarjana (congé total), l’autre sāpekṣa-visarjana (congé relatif, où les Mantra restent dans l’image concrète). Voir SP2, Index et PKām, 4, 518-522.
210 Voir śl. 38.
211 Détention des Mantra dans l’image ; le rite les empêche de la quitter.
212 Litt. : On pense : “telle est l’extension de ma pūjā.”
213 7, 12a, déjà cité dans le comm. au śl. 39.
214 Question judicieuse, car āvāhana et visarjana sont symétriques.
215 Voir SP1, p. 190, n. 2.
216 Pour la première fois. Notre texte ne semble pas faire de différence à cet égard entre les liṅga fixes et les liṅga mobiles.
217 Ligne citée par Trilocana (voir n. 4).
218 Selon l’interprétation de N.K. Un seul mantra (au lieu de toute une série) achève ici la construction du Trône fait de Mantra, que le vidyāpīṭha représente matériellement. On peut certainement comprendre que les actes suivants (Invite, Installation, etc.), ainsi que l’adoration des āvarana et le reste, sont aussi effectués par ce m. unique. Seule est concrète l’offrande de quelques objets.
219 En règle générale, une pūjā raccourcie de telle sorte ne peut tenir lieu de culte principal de la journée. On l’accepte en revanche, soit comme culte de midi ou du soir d’un adorateur qui en fait trois par jour et qui a fait celui du matin dans tous ses détails, soit comme culte principal, dans des cas tout à fait exceptionnels.
220 Le vidyāpīṭha, que notre texte ne décrira jamais, est, selon les autres auteurs, matériellement constitué par un ou des livres. Trilocana par ex., en commentant le mot pustaka de Somaśambhu (SP1, p. 226, śl. 102), explique : “pustake, vidyāpīṭhe”. Il cite alors notre ligne 56b, puis la suivante, tirée de la Jñānaratnāvalī (T. 231, p. 154) :
vidyāpīṭhaṃ koṭimātraṃ pūjayed vā svasaṃhitām /,
que nous lisons, en considérant le vā comme explétif :
“Il doit adorer un vidyāpīṭha de dix millions [de vers ?], qui est sa propre Saṃhitā (=Āgama). Nirmalamaṇi (AP, p. 120) reprend la même citation et explique sans ambiguité que le vidyāpīṭha est pour chacun l’Āgama particulier, “le Mṛgendra ou tout autre”, auquel il est attaché (vidyāpīṭhaṃ tāvat śrīman mṛgendrādi-svasvasaṃhitā).
On peut donc comprendre le terme comme signifiant : “Trône de Science” (c.-à-d. fait de la Science de Śiva). Mais le sens “Trône de Mantra” est possible aussi, et toujours présent, semble-t-il, dans l’esprit des commentateurs, en dépit du fait que le mot usuel pour désigner une accumulation de Mantra formant Trône soit plutôt yogapīṭha (voir Index). On notera que les deux termes sont parfois appliqués au même objet : voir SP1, p. 227, sous [102b].
221 Allusion aux huit mūrti de Śiva : Terre, Eau, Feu, Air, Éther, Soleil, Lune et yajamāna. Le culte habituel utilisant un support “de Terre” (le sthaṇḍila le représente très exactement, mais toute autre image solide aussi), on trouve énumérées ici toutes les autres mūrti de la liste, sauf l’Air, avec le guru et ses sandales en plus.
222 Détruire ses souillures. Ou peut-être, éviter le péché qui consisterait à omettre totalement la pūjā parce qu’on est pressé.
223 Litt. : “qui est cause de la Puissance (ou Gloire) de la Lumière…”
224 Il faut voir le Dieu siégeant au sommet du Trône qu’est le cosmos, et sa Lumière se répandant sur tout ce qui existe. Noter qu’Ananta n’est pas ici, au contraire de ce qu’on a trouvé en 1, 6, comm., le Serpent infini à la base des mondes. C est le premier des Vidyeśvara, qui sont eux-mêmes au sommet de l’échelle des êtres (vp, 4, 2-5). Il symbolise donc naturellement le sommet du cosmos, bien que le culte du Trône répartisse les huit Vidyeśvara sur les pétales du lotus supérieur comme s’ils étaient égaux entre eux (śl. 12, comm.).
225 Plus simplement : ils recevront cette Lumière (la grâce de Śiva sous la forme d’Anugrahaśakti) lors de leur dīkṣā. (Le terme anugraha signifie dīkṣā : voir SP3, Index.)
226 Nous n’avons pas tenu compte de ce comm. en écrivant l’introd. à ce vers. Voir 1, 1, n. 2.
227 Prob. avec le Sādhyamantra et ses Membres. Voir plus haut, śl. 39b. Mais le verset cité à l’appui peut être appliqué à n’importe quel mantrin et donc à n’importe quel Mantra. De toutes façons, la seconde partie de la stance 59 est artificielle : l’auteur se doit d’établir une relation avec le chapitre suivant, et le fait comme il le peut.
228 Par le culte de Śiva.
229 Déjà cité dans le comm. au śl. 31.
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