I. De la formation des Mantra1
p. 3-15
Texte intégral
1. Apprends maintenant, ô toi, le Meilleur des deux-fois-nés2, ce qu’est, en bref, la Roue des mantra (manucakra)3, [cet instrument] qui, en tranchant l’ensemble des liens de l’âme (aṇu)4, lui procure le fruit qu’elle désire.
1M’étant prosterné devant le Corps du Seigneur, ce corps fait de Mantra5, qui assure les fonctions de création, de maintien et de résorption [du monde], je vais expliquer, dans l’ordre, les différentes injonctions de la section du rituel, que [l’Āgama] expose en se servant de mots aux sens multiples et cachés6.
2On a fait allusion, à la fin de la section de la connaissance, à la multitude des Mantra7, en la présentant comme la cause efficace (nimitta) de la disparition (litt. “apaisement”) du filet des liens. Cette multitude, qui appartient à Śiva, et qui traverse de sa lumière le rite d’adoration, le sacrifice au Feu, etc., c.-à-d. tout ce qui va être exposé dans la section des rites, on va maintenant en parler. Telles sont les différentes connexions – avec le paṭala [précédent], avec le sūtra, avec le thème, etc8 – qu’il faudra, comme on l’a fait jusqu’ici, donner pour chaque paṭala.
3Le mot atha est utilisé parce qu’on en a fini avec la section de la connaissance et qu’on aborde la section sur le rites. “Ô, meilleur des dvija !” – “Ô, excellent Muni !” – apprends, en bref, ce qu’est la collection (samūha) des mantra, qu’on va exposer.
"La science (manana), c’est la connaissance universelle ; la protection (trāṇa), c’est la grâce accordée à l’âme migrante. Ce qui a comme attribut science et protection est appelé Mantra.”9
4Bien que, en vertu de cette définition, le mot mantra s’applique à la réalité signifiée (vācya), il convient également aux signifiants (vācaka) par une extension de sens (upacāra) qui supprime la différence [entre signifiant et signifié]10.
5Comment se présente cette “Roue de mantra” ? Il répond que [les mantra] procurent à l’aṇu, c.-à-d. à l’ātman11, le fruit qu’il désire – qu’il souhaite –, à savoir la jouissance (bhukti) et la libération (mukti) ; et cela en coupant, lors de la dīkṣā, etc., le filet des liens (pāśajāla) de cet aṇu. On a dit plus haut que ce filet est fait de l’āṇava[mala], du karman et des dérivés de la māyā12. Son coupage, ou tranchage, consiste en ceci : faire cesser le pouvoir d’obstruction de ces liens [vis-à-vis de l’aṇu]. Telle est la nature [de cette Roue de mantra].
6C’est pour cela que [les mantra] sont comparables au cakra [de Viṣṇu]. Car, en tranchant ce qui est à trancher, le cakra [de Viṣṇu], lui aussi, donne le fruit souhaité13.
7[Indra]14 décrit l’ordre de production [de ces mantra] :
2. De la Śakti15 est issu le nāda, puis le bindu, puis l’impérissable, enfin la Mère, cette première expression concrète (mūrti) du Grand Seigneur, qui peut se conformer à tous les Exprimables.
8La Śakti du Bienheureux dans sa forme apaisée16, du Puissant, c’est Kuṇḍalinī, sous l’aspect de la Parole suprême (parāvāc)17. D’elle, naît d’abord le nāda, écoulement en forme de résonance suprême (paradhvani), non frappée18. De ce dernier, à la suite d’un léger épaississement, naît à son tour le bindu19, qui consiste en murmure intérieur, et que l’on nomme “bindu” parce qu’il est comme une goutte, étant fait de parole comprimée20. Ensuite l’inaltérable (akṣara), c’est-à-dire la syllabe OṂ, qui ne connaît ni diminution (kṣaya) ni aucun défaut de ce genre.
9Puis, de ce OṂ, naît la première mūrti21 de Bhagavat, qui est appelée Mère (Mātṛkā) parce que, comme une mère, elle engendre tout ce qui est fait de Son. Elle se conforme à (litt. : chante à la suite de)22 tout ce qui doit être exprimé, autrement dit, c’est à partir d’elle qu’au début de la création, se développent les mantra, les tantra, etc.23
10On peut encore expliquer le ādyatva de cette mūrti de Śiva appelée Mātṛkā en disant qu’elle commence par A (elle est a-ādyā).
11Mais c’est Śakti qui est la première mūrti de Parameśvara ; et la Mātṛkā provient de cette Śakti de manière indirecte. Comment peut-on dire qu’elle est première” ?24 [Il répond :]
3. L’une quelconque25 des [neuf] classes de cette [Mātṛkā], ornée du bindu, de la salutation (NAMAḤ) et du prạṇava, sera le signifiant (vācaka) [de Śiva] ; ou bien ce sera une lettre [quelconque], avec comme chignon la sixième [voyelle], la Lune, et le reste.
12La Mātṛkā [qui est une mūrti] de Śambhu, comprend cinquante phonèmes répartis en neuf sections26. Le vācaka de Parameśvara sera formé de la façon suivante : [prendre] l’un quelconque de ces varga27, la classe du A (KA ?) ou toute autre, comme on le veut ; accompagner chaque lettre28 du praṇava au début et de la salutation à la fin, et orner sa tête du bindu. Ou bien, [prendre] une lettre au choix appartenant à cette [Mātṛkā], à laquelle on joindra “la sixième”29, c.-à-d. la voyelle Ū qui permet de s’installer dans Suṣumnā30. [Cette lettre] sera suivie du nāda, forme de la lettre HA31. Son sommet sera décoré – sa tête ornée – du bindu, de l’ardhacandra et du reste. Par ādi, il faut entendre [que l’ornement est aussi fait de] la śakti32, avec la cinquième voyelle dépourvue de “tête”33.
4a. De même pour le groupe des Brahman et des Aṅga : [la lettre précédente]34 sera suivie des voyelles courtes [dans le premier cas], des longues [dans le second].
13Étant donné, que, parmi les varga ou varṇa dont on a parlé, un varga ou varṇa quelconque peut représenter Parameśvara, les [mantra] désignant les cinq Brahman35 à partir de Sadyojāta seront construits en faisant suivre une lettre, KA ou une autre36 choisie parmi [les lettres possibles], des voyelles courtes : A, I, U, E, O37. Les cinq mantra désignant les cinq Membres protecteurs38 à partir du Cœur [seront formés] en joignant [à cette même lettre] les voyelles longues à partir de Ā39.
4b-5. Pour [tous les éléments du Trône divin40, à savoir :] la Puissance-de-Base, Ananta, les Lions dont le premier est Dharma, les autres constituants, le Lotus et ses différentes parties, les Sakti, et les trois maṇḍata avec leurs Seigneurs, [pour tout cela,] le vācaka sera OṂ.
14La Puissance-de-Base (Adhaśśakti), c’est la Puissance-qui-Supporte (Ādhāraśakti)41. Ananta, c’est le Vidyeśvara qui sert de Trône au Puissant et gouverne les mondes inférieurs42. Dharma et les autres [pieds] sur lesquels il repose sont ses pouvoirs spéciaux ; ils sont vus comme des Lions parce que leur vigueur excède tout [ce que l’on peut imaginer]. Ananta soutient [les mondes] grâce au pouvoir nommé Dharma ; il connaît tout, grâce [au pouvoir nommé] Jñāna ; il est essentiellement non attaché, grâce [à ce pouvoir] qu’est Vairāgya ; et, grâce à Aiśvarya, il est un Seigneur universel.
15“Les autres”, ce sont les [constituants] autres que la Puissance-de-Base, etc., déjà mentionnés ; à savoir, ces parties du support que sont le matelas et le reste43. [Les parties du Lotus] sont le bulbe, les graines, les pousses, etc. Les Śakti, ce sont : Vāma, etc.44 ; Vibhavā, etc.45 ; Gāyatrī et Sāvitrī46.
16Les maṇḍala sont le Soleil, la Lune et le Feu, respectivement posés sur les pétales, les étamines et le péricarpe du Lotus ; il forment une triade47, qui est “accompagnée des Seigneurs”, c.-à-d. accompagnée des Régents [des maṇḍala] : Brahman, Viṣṇu et Rudra.
17Le Svatantra déclare en effet48 :
“Déposant sur les pétales le disque du Soleil, et sur les étamines celui de la Lune, il faut, ô Déesse, faire entrer celui du Feu dans le réceptacle. Brahman, Viṣṇu et Hara sont les Régents de ces maṇḍala.”
18Parameśvara enseigne que le vācaka de cette [triade] est le praṇava.
19De plus :
6. Pour les Seigneurs de la Parole, les Maîtres, les Porteurs des Orients, pour Caṇḍeśvara, Gaṇādhyakṣa, Vāstu[pati] et les Supports des tattva, ce sera leur nom propre, au datif.
20Les Vāgīśa, ce sont les huit Vidyeśvara49, d’Ananta à Śikhaṇḍin, dont on dira qu’il faut les adorer dans le premier cercle autour de Śiva50. Les Pati, ce sont les Gaṇeśvara et les suivants51. Les Digbhṛt sont Indra, etc.52 Gaṇādhyakṣa, c’est Gaṇapati. Bien qu’il fasse partie des Gaṇa, il faut l’adorer séparément53 pour que le culte se fasse sans obstacles ; c’est pourquoi il est nommé à part. Il est dit en effet dans le Pauṣkara54 : “Pour qu’il n’y ait pas d’obstacles, il faut au début [du culte] adorer le Roi des Gaṇa.” Les Tattavabhṛt sont les Seigneurs des tattva, Brahman et les autres55 ; et par implication, les Seigneurs des Mondes (Bhuvaneśvara), c.-à-d. Ananta, Kāla, Kūṣmāṇḍa, etc., qu’on a énumérés plus haut56. Pour tous ceux-là, le mantra sera formé avec leur nom propre au datif, associé au praṇava (au début) et à la salutation (à la fin).
7. Pour toutes les mudrā, [on prendra] leur lettre propre, accompagnée de leur nom et de la terminaison [convenable].
Pour les “supports” (dhāraṇā) ce seront [respectivement] les lettres LA, VA, RA, YA, HA.
21Les mudrā, ce sont (les gestes) de la cuillère, du makara, etc., dont on parlera57 Leur mantra sera constitué par la première lettre de leur nom, suivie de ce nom et d’une terminaison (jāti)58 – la salutation ou une autre – qui convient aux caractéristiques du rite que l’on fait alors59.
22Les dhāraṇā dont la première est de Terre, on en parlera dans le yogapāda60. Pour elles, [le mantra sera constitué par] les lettres correspondantes : LA, VA, RA, YA, HA, avec le bindu, cette “annonce”61 qui, même lorsqu’on ne la mentionne pas, est de règle pour tous les mantra. On lit en effet dans le Kālottara62 et ailleurs : “Il se tient au-dessus de tous [les autres éléments du mantra]”, ce qui montre que sa particularité est de couronner tous les mantra.
8. Pour les Gardiens du Domaine (Kṣetrapāla), la lettre KṢA, avec sa tête ornée du bindu63.
Pour les autres, leur nom propre, ou la lettre commune.
23Pour les Kṣetrapāla64, la lettre KṢA avec l’anusvāra. Pour les autres, ceux que l’on n’a pas mentionnés, tels les Mantra, etc.65, ce sera leur nom propre, au datif, comme plus haut. Ou bien une lettre commune66 comme le HA, le praṇava, etc., ou l’une quelconque des lettres de la mātṛkā67.
9. Après les [noms des] Membres, en commençant par le Cœur, [on utilisera respectivement] NAMAḤ, VAṢAṬ, HUṂ, VAUṢAT et PHAṬ68
À la fin des mantra [des Membres] de Caṇḍeśvara, la même chose. C’est ce qu’a dit Hara.
24À la suite des signifiants des cinq [Aṅga], à partir du Cœur, on utilisera recpectivement les [terminaisons mentionnées], à partir de NAMAḤ. À la suite [du mantra] d’Astra, PHAṬ. Et de même que Ton utilise les six jāti, NAMAḤ et les autres, à la fin des six Membres du mūlamantra [de Śiva]69 on les utilise à la suite des six Membres de Caṇḍeśvara.
25“Hara l’a dit” : [cette phrase] est là pour nous faire savoir que c’est Parameśvara qui est l’auteur des mantra. Il est dit en effet70 :
“Śambhu, qui connaît les propriétés générales et les propriétés particulières des Vidyā71 et des Vidyeśa, a [lui-même] fait les mantra. On sait en effet que c’est celui qui connaît un objet qui le nomme.”
26Mais ce mantra de Caṇḍeśvara, qu’est-il ? Quels sont ses Membres, à la fin desquels on enjoint l’usage des jāti [précédentes] ? [Indra] l’explique :
10. Le mantra [indiqué]72, ou une lettre commune, [l’un ou l’autre] suivi de la terminaison [convenable, sera le vācaka de Caṇḍa].
Le groupe des Membres sera [désigné par] la première lettre [du nom], associée aux voyelles longues.
27“Lui (saḥ) : c’est ce qui a été indiqué plus haut, en parlant de Caṇḍeśvara, Gaṇādhyakṣa, etc., par les mots : “leur nom, au datif’73 ; c’est de ce [nom] qu’il s’agit. Ou bien une lettre commune, avec le praṇava : tel est le mantra de Caṇḍeśvara. De quelle sorte de jāti est-il assorti ? Il est uni aux jāti mentionnées juste avant, elles-mêmes précédées de HUṂPHAṬ. Car il est dit dans le Haṃsatantra74 :
“Les mantra de Caṇḍa, après le mantra lui-même (= le nom), ont toujours la terminaison HUṂPHAṬ75.”
28La première lettre du nom qui sert de vācaka à Caṇḍa est dotée des voyelles longues : Ā, etc. D’où le suffixe “ac” dans le mot dīrghasvaram. Le sens est le suivant : la première lettre du nom, unie successivement aux cinq voyelles longues, À et les autres76, est à connaître comme vācaka du groupe des Aṅga.
29Il conclut en déclarant l’excellence du fruit des mantra :
11. Ainsi ont été dites les masses de mantra. On les a présentés pour qu’ils soient utilisés. Leur action est réelle, et ils conviennent à la Terre Pure [que vise] l’adorateur-sacrificateur en état de pureté77.
30Ainsi avons nous exposé les multitudes de mantra. Ils ont été “présentés” [à l’officiant] pour être utilisés, selon l’occasion ; autrement dit, ils ont été placés près [de lui]78, pour la pūjā et le reste. “Leur action est réelle” veut dire que leur action donne un fruit.
31Quelle est leur nature ? Il le dit : “Ils conviennent à la Terre Pure [que vise] l’adorateur-sacrificateur en état de pureté” ; ce qui signifie qu’ils conviennent à la Terre – la Terre visée, sur le Chemin79 – qui est pure (śuddha), c.-à-d. purifiée par celui qui est à la fois adorateur et sacrificateur, ce dernier étant lui-même en état de pureté (śuci) grâce aux rites que l’on va décrire : les ablutions et le reste.
32À celui qui s’impose les restrictions et les pratiques voulues, qui connaît la série des actes rituels, à lui les mantra confèrent sans difficulté des fruits dans tel ou tel monde80.
Notes de bas de page
1 Le terme de mantroddhāraṇa que N. R. Bhatt donne comme titre à ce chapitre (il apparaît en effet dans le colophon) est le terme couramment utilisé dans les Āgama pour désigner la description qu’ils font des mantra (m.) à partir de leurs éléments constituants. Litt., il signifie “extraction des m.”, à comprendre probablement dans le sens où, à partir d’un matériau donné – ici, la Mātṛkā –, on “extrait” tel ou tel produit dérivé – ici, les mantra.
Le problème a été traité en détail par A. Padoux, “Contribution à l’étude du Mantraśāstra” I, pp. 65-85. L’auteur s’appuie là essentiellement sur des textes de la tradition cachemirienne. Le mantroddhāraṇa décrit par les Āgama n’implique pas nécessairement, à notre avis, un rite complexe utilisant un maṇḍala où est “étalée” la Mātṛkā ; et, par ailleurs, le terme ne recouvre pas dans nos textes le second sens que Padoux lui donne, à savoir le choix d’un mantra parmi plusieurs m. possibles (op. cit., pp. 75 sq.).
2 Malgré quelques rares passages où N.K. exprime soudain un autre avis, nous admettrons une fois pour toutes que les mots du Mṛg sont mis dans la bouche d’Indra s’adressant à un groupe de Muni, et plus particulièrement à Bharadvāja, choisi pour les représenter. Voir vp, 1, 18-19 (Hulin, p. 42) et ici. Intr., p. xx.
3 Pour cakra, voir comm. et n. 13. Le mot manu est syn. d’aṇu, qui est un des termes courants signifiant mantra (parce que les Puissances appelées Mantra sont des êtres individuels : vp, 4, 6-8).
4 Rappelons les principaux termes par lesquels l’âme liée peut être désignée : paśu, aṇu, kṣetrajña, caitanya, et même cit et ātman (voir n. 11).
5 Voir vp, 3, 8b-9a.
6 Trop multiples et trop cachés pour l’intelligence du lecteur moyen. D’où la nécessité d’un comm.
7 vp, 13, 199. Ce dernier verset de la "Section de la Doctrine” annonce comme il se doit la section suivante, qui est celle des rites ; et en particulier son premier chapitre. Il se termine par les mots śāmbhavī mantrasampat, repris ici par N.K. (le terme sampat équivaut au cakra de notre śloka).
On notera que dans son comm. à vp. 13, 199, N.K. avait expliqué que le rite de dīkṣā (dīkśākriyā) aiguisait la puissance de ces Mantra ; tandis qu’ici il envisage l’action efficace, dans l’accomplissement des autres rites que l’on va décrire, de ces mêmes Mantra déjà activés.
8 Voir vp. intr. au paṭ. 3, où N.K. donne la liste des cinq sambandha que le commentateur se doit de faire apparaître. Ce sont les connexions avec : (1) le triple objet du traité (tantravastutraya) ; (2) le verset (sūtra) ; (3) l’expression (vākya) ; (4) le thème (prakaraṇa) et (5) le chapitre (paṭala). Apparemment, N.K. estime que les explications qu’il vient de donner sont suffisantes pour mettre en évidence ces cinq “connexions”.
On notera que notre commentateur ne prend pas toujours le mot prakaraṇa dans le même sens. Dans le passage cité, il comprend que ce terme désigne le thème général de toute une section ; tandis que dans l’introd. de kp, 3 par ex., il le prend dans le sens de “chapitre” – comme le fait d’ailleurs le Mṛg lui-même dans tous ses colophons.
9 PKām, 2, 2. On trouve des analyses du même type à peu près dans tous les Āgama.
10 Toutes les fois que ce sera possible de distinguer les deux aspects, nous écrirons mantra pour le signifiant (formule) et Mantra pour le signifié (Puissance, conçue comme un Personnage).
11 Noter l’identification aṇu=ātman.
12 Voir vp, paṭ. 7, 8 et 9.
13 Ces dernières explications, qui mettent en parallèle le mantracakra et le Disque de Viṣṇu du point de vue de leur effet, ne doivent pas faire oublier la première glose de N.K. : mantrasamūha. ni le mot mantrasampat de vp, 13, 199 (voir n. 7). L’idée d’une agglomération semble dominante. Nous gardons toutefois “Roue” dans la trad., à cause des composés similaires (yoginīcakra, mātṛcakra, etc.) courants dans la littérature tantrique. Il se peut que la disposition en cercle de certains Mantra dans le culte (voir 3, 20-24) soit suggérée par le terme de manucakra. Voir le ch. du Vātulaśuddha intitulé : Cakrabhedapaṭala.
14 Voir śl. 1, n. 2.
15 Ce śloka, et surtout sa première ligne, est très souvent cité par les commentateurs pour rendre compte de l’origine des sons.
16 śānta. Le Dieu est conçu sous trois aspects, en réalité non différents, et qui sont, à partir du plus élevé, désignés par les adjectifs suivants : śānta (parfois śakta, qui exprime une autre caractéristique de la même condition divine), udyukta et pravṛtta (voir Mrg, éd. crit., p. 255, vers donné en Appendice comme provenant de notre traité : śaktodyuktau..., où ces mêmes adjectifs caractérisent n’importe quel kartṛ). Les noms de Śiva qui leur correspondent sont Paraśiva, Sadāśiva et Īśvara, encore appelés Laya-Śiva, Bhoga-Śiva et Adhikāra-Śiva. Voir Pau, 1, 16b-28.
17 Kuṇḍalinī est dans l’école un syn. de Bindu, la source de tous les existants de l’Univers. Bindu est considéré comme la Matière primordiale si l’on envisage la production des tattva, comme le Son primordial (parāvac, la Parole sous sa forme la plus élevée) si l’on envisage l’émanation des sons. C’est dans cette dernière perspective qu’on se place ici. Il faut prendre garde au fait que, pour le Mrg, ce Bindu (ou Kuṇḍalinī) est différent de Śiva. C’est une Sakti qu’il emprunte, ou “adopte”, ou “épouse” (parigrahaśakti), et non la Sakti qui lui est inhérente.
18 On comprend mieux l’image de “résonance” ou d’“écho”, qui paraît contredire celle d’“écoulement”, si l’on se place dans la perspective inverse de celle qui est adoptée ici : la prononciation du phonème nasalisé qu’est un mantra, HAUṂ par ex. Cf. SP3, pp. 380-396 et n. 424. Sur le son non-frappé, voir Padoux, Recherches, pp. 86-87.
19 Pour ne pas confondre ce bindu avec le Bindu originel (voir n. 4), on l’appelle souvent “bindu-effet” (kāryabindu) et l’autre, Bindu suprême (parabindu). Voir ṠT, 1, 7-9, comm.
20 L’image est souvent transférée au Bindu suprême, "goutte” où tout l’Univers est contenu en puissance. Voir n. 4.
21 Première mūrti, parce que ce qui la précède dans la liste n’est sûrement pas assez “solidifié pour mériter le nom de mūrti. Mais voir plus loin.
22 On trouve sakalābhidheyānanugāyantī (T. 266), sakalābhidheyānugāgāyatrī (T. 539) et sakalābhidheyasvagāsti (T. 677), aucun des mss. nouveaux n’ayant le tad de la leçon imprimée. On peut adopter la leçon de T. 539 en supprimant un gā, ou celle de T. 266 en lisant sakalābhidheyān anugāyantī. De toutes façons, on a là la glose des deux termes du composé qui forme le dernier pāda du śloka.
23 La Mātṛkā est l’ensemble des 50 ou 51 phonèmes, donnés en général dans l’ordre naturel, de A à KṢA, à partir desquels sont construits les mots et les traités. Il faut donc qu’elle soit capable d’exprimer n’importe quel “exprimable”, en particulier les Puissances divines et, parmi elles, les Mantra qui font l’objet du chapitre actuel. La Mātṛkā peut donc être vue comme une sorte de matière encore informe à partir de laquelle les mots propres à désigner telle ou telle Puissance sont formés, ou comme une Mère dont la matrice se moulerait sur les vācya divers pour engendrer les vācaka (ici, les mantra) qui leur correspondent. Telle semble être l’idée sous-jacente à notre commentaire.
24 Cette introduction montre que N. K. accepte pour “ādyā” la première des gloses qu’il a données.
Mais est-ce bien l’introduction au śl. 3 ? L’absence des mots usuels ity ata āha, et la disparité entre l’introduction et les śloka qui suivent (ils vont évidemment montrer comment on construit des m. à partir des éléments de la Mātṛkā, mais l’objection présentée restera sans réponse) fait deviner que quelques lignes sont perdues : une partie du comm., et peut-être un ou plusieurs śloka. Sans doute ce fragment aurait-il contenu la clé de la lecture dû très obscur śl. 3.
25 Le śl. 3 entend exposer la loi de formation du m. fondamental de Śiva, le mūlamantra. Nous en donnons ici une traduction littérale qui est compatible avec le comm. de N.K., mais en aucune façon satisfaisante. Voir une autre lecture à la n. 6.
26 Voir Aj, 1, 14b-20, où le neuvième varga est constitué par les phonèmes HA et ḶA. Mais il n’est pas du tout certain que ce découpage s’applique ici, car le contenu des derniers varga varie avec les textes : le neuvième est souvent constitué de HA et KṢA (sans ḶA) ; HA passe souvent dans le huitième, et KṢA peut le faire aussi. Dans ce dernier cas il n’y a plus que huit varga, comme en SP3, p. 558, śl. 18. En Vâtula, 4, 9-13, il y a 51 phonèmes, et 8 varga dont le dernier a six lettres.
27 Il est clair que N.K. lit tat vargo comme s’il signifiait tasyāḥ [mātṛkāyāḥ] vargaḥ, varga ayant le sens de “classe de lettres”. On pourrait cependant interpréter l’expression tout autrement :
(1) varga signifiant toujours “classe de lettres”, on pourrait comprendre que tad signifie sambhoh, et tadvarga signifierait “le groupe de lettres qui expriment Śiva” – c.-à-d., soit les voyelles seules, qui, on le sait, représentent Śiva (voir Pau, 8, 22b), soit plutôt la classe du ŚA lorsqu’il n’y a que huit classes, car c’est celle du N.-E. (voir Vātula, 4, 13b : aṣṭaṃam tu śavargam syāt īśavargam udāhṛtam).
(2) varga pourrait se référer au vācya, et non aux lettres. L’expression tad varga exprimerait alors la “catégorie de Śiva” – groupe où l’on peut inclure Śiva, Śakti, Sadāśiva et Īśvara, tous aspects du même Śiva. La symétrie serait totale avec la ligne 4a, où l’expression brahmāṅgavarga intervient. Une de nos sources (T. 677), qui lit en 3a tadvargasya, accuse encore davantage cette symétrie, mais la suite est corrompue. Si l’on accepte cette interprétation, le śloka se lit : “Pour la catégorie de Śiva, le vācaka sera...”. Nous préciserons la suite plus loin.
28 Nous lisons prativarṇaṃ (non attesté) au lieu de prativargaṃ ; car la récitation, à la suite les unes des autres, de toutes les lettres d’un varga, chacune étant nasalisée, est une pratique connue. Soit par ex. le varga de KA. On aura : “Oṃ kaṃ namaḥ”, “Oṃ khaṃ namaḥ”, etc.
29 Relevons cependant que trois mss. (A et B de Bhatt, et T. 539) lisent ṣaṣṭhaś candra-. N. K. ne retient pas cette lecture, qui changerait totalement le sens. Il s’agirait alors de choisir, non pas n’importe quelle lettre, mais “la sixième”, ornée du bindu (non signalé) et du reste, c.-à-d. nasalisée.
Or cette “sixième” lettre peut être identifiée. Dans le découpage de la Mātṛkā en huit varga (selon le sthitimārga) que donne le Vātulaśuddha (4, 8-14) — découpage qui sert, selon ce texte, à former les mantra de Sadāśiva et ceux des Brahman et Aṅga – le seul varga qui ait plus de cinq lettres (si l’on excepte celui des voyelles) est le dernier, qui en a six : Śa, etc. Le commentateur ne donne pas explicitement la liste des six lettres à cette occasion, mais plus loin. Ce sont ŚA, ṢA, SA. HA, ḶA et KṢA. La “sixième” est donc KṢA. Or il est bien connu que KṢA est une des lettres préférées pour désigner Śiva. Voir d’ailleurs Rau, vol. I, p. 17, śl. 3 et n. 8.
Dans ces conditions candrādi pourrait signifier “ce qui vient avant la Lune (ici M)”, dans la série des voyelles, donc AU. Le mantra serait KṢAUṂ. et sa nasalisation serait à prendre dans la ligne 3a. Il faudrait alors admettre que “vā” est explétif. Nous aimerions pouvoir lire :
tad vargasyā[ntimo] bindu[r] natipraṇavabhūṣitaḥ/
varṇo[vā] vācakaḥ ṣaṣṭhaś candrādikṛtaśekharaḥ//
et traduire, en tenant compte de la remarque faite n. 4 :
“Le vācaka de la classe de Śiva est la sixième lettre (KṢA), sur la tête de laquelle est posé AU, avec bindu en dernier. Elle est accompagnée de la salutation et du praṇava.”
Mais cette interprétation fait complètement fi du comm. de N.K.
30 La voyelle Ū fait partie du mantra HŪṂ, souvent présenté comme une flamme capable de frayer la voie, dans la Suṣumnā, à un autre m. (ou au jīva identifié avec son m.) : voir SP1, pp. 106-110, śl. 12-14 et n. 4 et 5 à la p. 108. Mais dans ce cas elle passe devant, pourrait-on dire, elle n’est pas incorporée au mantra considéré. La remarque de N.K. est pour nous incompréhensible. Voir n. 6.
31 Si par le mot nāda, N.K. nous renvoie au śl. 2, comme nous le croyons, il ne faut pas interpréter ce terme comme désignant la lettre HA, mais bien la résonance subtile qui suit le bindu dans la prononciation, ou le précède dans la création. L’expression hakārākṛtinā veut alors simplement dire que ce nāda est une forme du HA, sa réplique subtile à l’extrémité de la chaîne des éléments du son. Voir SP3, p. 386, n. 426.
Mais la lettre particulière de Śiva dans les Āgama étant très souvent HA (SP3, ibid.), on pourrait se demander si N.K. ne songe pas à l’introduire ici dans sa description, comme par force. Il faudrait alors éviter de donner à anuga son sens immédiat. HA serait incorporé dans le m., mais au début naturellement, avant la “lettre quelconque”. Encore faudrait-il que celle-ci s’y prête, ce qui limite en pratique la chose aux semi-voyelles. On aurait des m. tels que HRŪṂ ou HLŪM.
32 Voir SP3, p. 392 et Pl. XI à XIII. La śakti suit le nāda dans la prononciation du m., elle s’identifie fort probablement à la Śakti nommée au śl. 2 et interprétée par N.K. comme signifiant Bindu (ou Kuṇḍalinī).
33 “Dépourvue de tête” signifie “sans nasalisation”. Mais que vient faire ici cette “cinquième voyelle” ? Le passage est pour nous incompréhensible.
De toutes façons, on voit que N.K. propose, comme une alternative à la règle qu’il avait lue en 3a, un m. formé comme suit :
lettre quelconque (prob. une consonne) + Ū + nasalisation.
On remarquera que la nasalisation ne peut commencer avec le nāda, le bindu est obligatoire avant. Par ailleurs, le m. commence par OM et se termine par NAMAḤ. Il faut donc admettre que la fin de la ligne 3a concerne aussi bien la seconde formation que la première. En définitive, le śloka est lu de la façon la plus compliquée possible.
34 Telle n’est pas, semble-t-il, l’interprétation de N.K. Mais c’est, à notre avis, celle qui s’impose, même si on lit le śloka 3 comme le fait le commentateur. Elle est d’ailleurs confirmée par la pratique courante.
35 Liste ici en 3, 18-19.
36 N.K. semble renoncer à utiliser un varga entier, comme il le proposait plus haut ; il se contente d’une lettre. Il faut sûrement limiter le choix aux consonnes.
37 Rappelons que dans le mantroddhāra, E et O sont courts. Les voyelles seront suivies de la nasalisation habituelle.
38 Lire rakṣāṅga avec B (en supprimant yajña) et T. 539. Il s’agit des Membres de Śiva conçus comme éléments de protection (voir 3, 10 b : rakṣāngāni).
On pourrait aussi lire yajñāṅga avec C et T. 677. Il s’agirait alors probablement des Membres conçus comme séparés du Dieu (voir 3, 20-21a) et adorés autour de Lui. La liste, dans le Mṛg, en est la même.
39 Soit À, Ī, Ū, AI et AU, ce qui est un peu gênant, car AU est traditionnellement attaché à NETRA, tandis que les listes d’aṅga de notre texte (réf. n. 5) ne le nomment pas. Si l’on met en relation les instructions données ici et les listes d’aṅga du ch. 3, AU sera pour ASTRA, à qui d’ordinaire est réservé le visarga (cf. SP3, p. 400). C’est peut-être pour éviter de soulever ce problème que N.K. ne donne pas ici la liste des voyelles longues.
40 Voir SP1, pp. 154-176 et Pl. V. Ce Trône est évoqué plusieurs fois ici (3, 12 et 3, 37), mais jamais décrit avec précision. Une description détaillée se trouve en revanche dans le PKām, 4, 288-319. Voir aussi Aj, 20, 129.
41 Voir SP1, pp. 154-156.
42 Les comm. ne veulent pas admettre en général que l’Ananta du Trône soit identifiable au Serpent qui supporte Viṣṇu (voir SP1, pp. 158-160, notes). On insiste, comme le fait ici N.K., pour que ce soit le premier des huit Vidyeśvara, celui-là même à qui Śiva confie le gouvernement des mondes impurs (submāyiques) ; et les commentateurs citent tous la ligne du Kir qui l’affirme (vp, 3, 27b) : śuddhe ‘dhvani śivaḥ kartā prokto ‘nanto ‘site prabhuḥ/
43 Voir SP1, p. 162, n. 2 (mais pour chadana, lire “couverture” au lieu de “couche”). Ces éléments sont mentionnés en PKāṁ, 4, 297b-298, et en Aj, 20, 147.
44 Liste de ces neuf Śakti en SP1, p. 166 et p. 170 (où la traduction de quelques noms est à revoir), ou en PKām, 4, 300b-303a.
Elles sont associées aux Vidyeśvara (sauf la neuvième, qui est la Śakti de Sadāśiva), ce que le Mṛg lui-même affirme (vp, 4, 2), sans toutefois donner la liste de ces Śakti.
45 Les autres leçons : vibhavyādi (B et T. 677) et vibhāvyādi (T. 266 et T. 539), ne semblent pas acceptables. On aimerait avoir vibhvyādi ou vibhvādi ; car la liste évoquée ici est probablement celle de Kir, kp, 2, 25b-26a, corrigée avec MVT, 8, 65b-66a : Vibhū, Jñānī, Kriyā, Icchā, Vāgīśī, Jvālinī, Vāmā, Jyeṣṭhā, Raudrī. Selon le Kir, c’est la liste à utiliser lorsqu’on installe les neuf Śakti dans le sens inverse du sens habituel.
46 Gāyatrī et Sāvitrī ne sont mentionnées ni en PKām, ni en Aj, ni en SP1. Mais l’AVS nomme la première parmi un groupe de Sakti formant ce qu’il appelle le Śakti-maṇḍala. Ce “cercle”, composé de Icchā-, Jñāna- et Kriyāśakti accompagnées de Gaurī et de Gāyatrī (voir Aj, vol I, p. 220, n. 3) est cependant adoré dans l’AVS après les trois maṇḍala cités par notre texte. Il forme l’extrémité supérieure du Trône, celle sur laquelle s’assied directement Śiva (d’où le nom de śivāsana encore donné à ce groupe de Śakti) ; tandis que les huit Śakti dont la première est Vāmā se rencontrent à un niveau légèrement inférieur.
47 Affirmation qui permet d’annuler le ādi (karṇikādi-) du comm.
48 Toutes les citations que N.K. attribue au Svatantra se trouvent, à quelques minimes variantes près, dans le Svacchanda-Tantra. Il est probable que les deux titres ne désignent qu’un seul ouvrage. Pour la citation actuelle, voir SvT, 2, 92b-93.
49 Les mots Vāgīśa et Vidyeśa sont équivalents si on prend vidyā dans le sens de mantra (ce qui est normal) et si l’on pose l’équation mantra=vāc.
Liste des Vidyeśvara en vp, 4, 3-4a ou SP1, p. 166. Leur culte est décrit ici en 3, 21b-22a.
50 Voir 3, 21b-22a et notes.
51 Voir 3, 22b-23a. Le ādi renvoie peut-être aux 18 Mantreśvara inférieurs (vp, 4, 9).
52 Voir 3, 23b, qui les nomme Āśābhṛt (syn. de Digbhṛt). Ils sont plus couramment appelés Lokapāla ou Dikpāla.
53 Voir 3, 34-46.
54 Le kp du Pau, auquel appartient cette ligne, de même que les autres citations du même Āgama que fait N.K., est perdu.
55 Les deux seuls groupes de tattva dont les Seigneurs forment une série commençant par Brahman sont : (1) les trois tattva nommés “ātman”, “vidyā” et “śiva”, respectivement gouvernés par Brahman, Visnu et Rudra (voir SP1, p. 42, n. 3 et SP3, pp. 428-448) ; (2) les cinq tattva, identifiés aux cinq kalā, qui ont pour nom ceux des éléments, et dont les Seigneurs sont les cinq Kāraṇa : Brahman, Viṣṇu, Rudra, Īśvara et Sadāśiva. C’est à la seconde de ces listes que renvoie expressément N.K. en commentant 2. 16a, où une expression semblable intervient (voir n.8 ad loc.)·, et il est possible qu’il ait la même à l’esprit ici.
Dans ces deux passages de son commentaire, N.K. refuse implicitement de comprendre tattva dans le sens des 36 réalités secondes qui constituent l’Univers matériel. Il existe pourtant une liste de Seigneurs de ces tattva (utilisée dans le rite de liṅga-pratiṣṭhā) et il ne serait pas impossible a priori que le Mṛg ait eu ces personnages en vue en parlant de Tattvabhṛt.
Quoi qu’il en soit, les m. de toutes ces divinités sont habituellement formés comme l’indique notre śl. 6.
56 En vp, 13. Le plus bas y est, là comme ailleurs, nommé Kālāgni (voir 13, 2 et 13, 9b-10), simplifié ici en Kāla.
Ananta n’apparaît pas à ce niveau en tant que Seigneur d’un bhuvana ; mais on trouve un Ananta (d’ailleurs entouré d’autres Serpents) parmi les dix Rudra du nadir (vp. 13, 135b-136a). Il se peut que N. K. pense à ce dernier, puisque ce groupe de Rudra est situé sous l’Œuf de Brahman. Mais plus probablement il se réfère simplement à la tradition panindienne qui place le Serpent Ananta à la base des mondes, à qui il sert de support.
57 Au ch. 5.
58 Les jāti sont énumérées au śl. 9. Voir note ad loc.
59 Ex. de mantra : “Oṃ Maṃ makaramudrāyai namaḥ”. Noter l’allusion aux kāmyakarman.
60 Voir yp, 33sq, en particulier 35, où l’on explique comment ce terme, qui désigne d’abord la fixation de l’esprit, en vient à désigner le support ou lieu (sthāna) de cette fixation et, en pratique, uniquement les cinq éléments sur lesquels s’appuie le dhyāna (32-33a) qui la précède.
Ces éléments (Terre, etc.) sont alors vus comme les “corps” de Śiva. C’est dans ce sens d’“éléments servant de lieu à la fixation de l’esprit” que ce terme (en général pluriel) est employé dans la section des rites. Voir SP3, Index.
61 saṃvedana. Il faut probablement comprendre que la présence de la nasalisation (le bindu et le reste) suffit pour montrer que telle syllabe est un m. et non une exclamation quelconque : différence entre KA et KAṂ.
62 SārK, 1, 10a.
63 On pourrait lire mūrdhni binduvibhūṣitam avec B, C, T. 539 et T. 677. Mais le sens n’en serait pas changé.
64 Le pluriel s’explique si l’on songe que tous les Bhairava (on connaît la liste de 64) peuvent jouer le rôle de Kṣetrapāla.
65 Mantra considérés cette fois comme des Puissances à saluer, adorer, congédier, etc., et non comme des instruments.
66 Valable pour tous, c.-à-d. dont les propriétés ne peuvent se trouver en désaccord avec la Puissance à laquelle on adresse la formule.
67 Si toutes les lettres de la Mātṛkā sont “communes”, il est inutile de signaler le HA séparément. Probablement N.K. désire-t-il mettre en évidence ce phonème, que notre texte ne signale jamais expressément, mais qui est bien connu dans la littérature âgamique comme l’une des deux lettres favorites de Śiva (l’autre étant KṢA). Or, s’il est cher à Śiva, il est bon pour tous les Personnages honorés dans le contexte śivaïte.
68 Nous intervertissons VAUṢAT et VAṢAT, en accord avec T. 22 (ms. A de Bhatt) et avec la citation que fait Nirmalamani (N.) de notre śloka dans son comm. à AP, p. 26.
La liste des six jāti est alors exactement celle que suit, pour le rite de l’aṅganyāsa, l’école dite “védique” (voir Rau. Vol I, p. 18, n. 1 de Bhatt). Elle correspond à une liste de six Aṅga où Netra occupe le cinquième rang. La règle énoncée par le śl. 9 est donnée dans la plupart des Āgama ou Tantra (PKām, 4, 172b-173a ; Rau, kp, 1, 17b-18a ; Kāraṇa, cité in Rau I p. 19 ; Makuṭa, 1, 275 ; SvT, 1, 72 ; MVT, 23, 16) et dans certaines paddhati (ĪśgP, Vol I, p. 14, śl. 49-50), parfois avec quelques irrégularités qui peuvent tenir à la corruption des textes. Elle n’est jamais, à notre connaissance, accompagnée d’une quelconque restriction quant à son application.
Pourtant cette règle n’est plus suivie dans la pratique actuelle. On considère qu’elle est annulée, en tout cas pour le rituel courant, par une loi plus générale qui concerne tous les mantra et prescrit NAMAḤ pour les rites d’adoration et SVĀHĀ pour les oblations dans le feu (sauf pour le tarpaṇa matinal où une autre règle prévaut). Voir 6, 29a et intr. à ce śloka ; et SP1 et SP3, Index, sous NAMAḤ et SVĀHĀ. Selon N. (AP, p. 26), on ne doit utiliser ces jāti à la fin des aṅgamantra que lors des rites intéressés (kāmyakarman). N. se base sur un comm. de la Mṛgendrapaddhati – un ouvrage qui, comme son nom l’indique, est basé sur le Mṛg ; mais il n’en cite qu’une ligne (donnée par Bhatt dans la note signalée plus haut), dont on ne peut savoir, l’ouvrage n’étant pas accessible, si elle parle bien des aṅgamantra. En effet, les jāti peuvent être utilisées avec d’autres mantra, ou seules, et ceci justement pour les rites kāmya. Voir ici, comm. au śl. 7 et 6, 74b-75, comm. et n. 7. Quoi qu’il en soit, c’est l’opinion de N. qui s’est imposée.
69 Le comm. est maladroit, parce que le m. principal de Caṇḍeśvara, celui auquel sont attachés six Membres, est lui ausi un mūlamantra. La règle est : que les Membres soient ceux de Śiva ou ceux de Canda, les six jāti précédentes sont enjointes dans le même ordre. On peut sans doute étendre la règle à toutes les formes divines (Pāśupatāstra, Sūrya, etc.) auxquelles sont associés des Membres. Mais elle n’est pas plus respectée pour ces divinités qu’elle ne l’est pour Śiva. Voir SP1. p. 82 ou SP3. p. 528.
70 TS, 43.
71 Vidyā = Mantra.
72 Nous lisons sa mantraḥ dans le sens de tad abhidhāna, tandis que N.K. dissocie saḥ et mantraḥ, prenant ce dernier mot dans le sens de vācaka.
73 Voir plus haut, 6a.
74 Texte inconnu, sauf par des citations.
75 Et d’autres, éventuellement. Mais HUṂPHAṬ les précède. Cf. SP1, pp. 278-282. Remarquons que la règle donnée ici par N.K. ne concerne pas seulement le mūlam. de Caṇḍa, mais aussi ses aṅga.
76 Ā, Ī, Ū, AI et AU, comme plus haut – ce qui fait cinq, comme le précise N.K., en contradiction avec ce qu’il a dit dans son comm. au śl. précédent.
77 Le dernier vers d’un paṭala doit annoncer le (ou les) suivants : d’où cette phrase bien compliquée et à première vue inutile. Elle annonce à la fois le ch. 2 (purification de l’officiant), les ch. 3, 4 et 6 (culte et rituel du Feu), et même la dīkṣā (ch. 7 et 8).
78 Exactement comme un matériel désormais disponible.
79 Allusion à la dīkṣā, lors de laquelle le disciple choisit un certain “monde” ou état d’être (le niveau de Paramaśiva s’il est mumukṣu, un niveau inférieur s’il est bubhukṣu) où le guru l’installe en principe, mais qu’il n’atteindra effectivement que grâce aux pratiques rituelles ultérieures. Voir SP3. Intr., pp. xiii et xxv.
80 N.K. pense au sādhaka. Voir Intr.
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La création d'une iconographie sivaïte narrative
Incarnations du dieu dans les temples pallava construits
Valérie Gillet
2010
Bibliotheca Malabarica
Bartholomäus Ziegenbalg's Tamil Library
Bartholomaus Will Sweetman et R. Ilakkuvan (éd.) Will Sweetman et R. Ilakkuvan (trad.)
2012