Chapitre XIII. Le monde
p. 286-352
Texte intégral
1V. A partir de : “Alors”, en vue de poser (dans l’existence) l’objet dont on a parlé, on aborde la description des inondes dont la liaison (au contexte) et la justification ont été indiquées à la fin du chapitre précédent.
Ā. 1. Alors, en vue de poser (dans l’existence) l’objet dont on a parlé, le grand Seigneur a façonné les mondes à partir d’éléments originels communs, kalā etc.
2V. “Alors”, immédiatement après (que soit apparue en lui) l’intention de créer, en vue de mettre un terme aux liens du karman qui font obstacle au bonheur suprême, ces instruments des diverses jouissances que sont les corps, les organes et les mondes, “le grand Seigneur”, le Seigneur Ananta, désireux de “poser”, de réaliser complètement l’objet indiqué, à savoir l’expérience affective de l’âme transmigrante, façonna les mondes à partir d’éléments originels communs tels que kalā etc. Ce façonnement n’est pas une création ex nihilo mais plutôt, comme on l’a dit en exposant la doctrine de la préexistence des effets, l’émergence hors de sa cause de ce qui existait déjà à l’état potentiel.
3D. On introduit maintenant le chapitre sur le monde. Il est destiné à compléter celui sur la catégorie du lien. Ainsi s’effectue la liaison au niveau de la catégorie, puisque le monde relève de la catégorie du lien. En ce qui concerne la Section, on se trouve (toujours) dans celle de la Doctrine. La liaison au niveau du chapitre a été indiquée à la fin du chapitre précédent. Au niveau du sūtra, elle s’effectue avec le sūtra qui commence par : “le réseau de liens”. Au niveau de la phrase explicative, elle s’effectue avec des phrases telles que : “Ainsi mis en mouvement, l’Esprit (fait l’expérience), à l’aide d’organes qui ont (certains) effets pour support et qui sont accompagnés d’autres (organes) d’origine cosmique”. Les mondes — a-t-on dit — sont les sièges de l’expérience affective car ils produisent les divers corps et objets (de jouissance). Et ceux-ci procèdent d’éléments “communs” aux âmes.
Ā. 2. Ces mondes qui s’étagent de Kālāgni à kalā forment l’univers, la transmigration. Les connaisseurs de la réalité le décrivent comme le lieu de l'expérience affective.
4V. Il s’agit des mondes qui vont de Kālāgni à kalā. Les connaisseurs de la réalité suprême les décrivent comme formant l’univers de la transmigration, le terrain de l’expérience affective. L’ensemble des objets de jouissance dont on a parlé plus haut et qui forme l’univers1 procède de principes tels que kalā etc. et non pas (directement) de la māyā. Celle-ci, en effet, d’après le vénérable Svāyambhuva et d’autres textes, ne les a pas pour effets (directs). Afin d’éviter la conséquence de sa périssabilité dans le cas où, en tant que composée, elle serait, telle une cruche etc., objet d’expérience, on doit nécessairement admettre qu’elle n’est pas composée de parties et (ainsi) n’est pas objet d’expérience.
5— Mais si la māyā n’est pas pour l’âme un objet d’expérience, comme il n’existe pas d’autres objets d’expérience que ses effets, il n’y aura plus aucun objet d’expérience et l’âme sera purement et simplement privée d’expérience !
6— Certes, mais on a dit que (seuls) ses effets à l’état développé seront connus par l’âme, non ceux qui existent sous une forme purement potentielle.
7D. “Jusqu’aux mondes de kalā” signifie : “jusqu’aux mondes du Seigneur de la māyā qui se tient (juste) au-dessus de kalā”. On va déclarer aussitôt après : “Dans la māyā aussi il est question de régents tels que Gahaneśa”. A la question : “Pour qui (cet univers) est-il le siège de l’expérience affective ?” on répond : “Pour l’âme caractérisée comme sakala”. “Et non pas (directement) de la māyā” : même les mondes de la māyā ne sont pas manifestés comme se tenant dans la sphère de la māyā mais ils se tiennent (juste) au-dessus de kalā, son effet ; tel est le sens.
8V. S’il en est ainsi — déclare-t-on — comme la Tradition nous parle de tel ou tel monde particulier placé dans le sein (de la māyā) et comme les mondes ne sauraient être ce qu’ils sont sans l’existence d’un arrangement particulier de parties, ne va-t-il pas s’en suivre que le principe de māyā lui-même devra comporter un assemblage de parties ?
Ā. 3. Dans la māyā aussi il est question de régents tels que Gahaneśa etc. et la cérémonie de l’initiation comporte la purification des principes. Tout cela se tient en tête de l’effet (de la māyā).
4. (La māyā), présentée par la Tradition sacrée comme éternelle et omni-présente, demeure, mais les objets d’expérience visibles, cités etc., ont une forme solide et sont sujets à la dissolution.
9V. Il peut bien être question, au niveau du principe de māyā, de divers Rudra régents des mondes, tels que les Seigneurs des régions cosmiques, Gahaneśa etc. On dira plus loin : “Ananta, Trikala, Goptr, Kṣemīṣa, Brahmanaspati, les deux Rudra régents, et Gahaneśa qui règne sur tout. Ces Rudra remplissent leur office dans le domaine de la māyā et sont les Seigneurs des régents des cercles”. D’autre part, la purification des principes, en tant qu’ils se tiennent dans le domaine de la māyā, sera expliquée dans la Section du Rituel. En dépit de cela, on ne peut pas poser que (la māyā comporte un assemblage de parties. Au contraire, ces mondes dont on a dit qu’ils se tenaient au niveau de tel ou tel principe et ces régents des provinces cosmiques, “tout cela”, doit être considéré comme se tenant au sommet de kalā qui est son “opération”, son effet.2 Kalā est la première manifestation de la māyā sous forme potentielle et tout cela se tient à son sommet ; tel est le sens.
10Comment le sait-on ? On répond : “présentée par la Tradition... etc.”. (On le sait) parce que son éternité et son omniprésence, déjà démontrées, sont (aussi) révélées dans les Āgama. En tant que matrice des mondes elle serait composée de parties et donc périssable aussi, bien que dépourvue d’omniprésence. On justifie aussi cela par le raisonnement : “mais les objets d’expérience... etc.”. Tout ce qui, de par une cause quelconque, est effectivement vu, ainsi des remparts etc., étant objet d’expérience, comporte une forme solide et s’avère dissoluble. Les mondes, assemblages de parties, se tiennent dans le sein (de la māyā). Mais, considérant que si le caractère d’objet d’expérience est réellement admis (pour la māyā) il s’en suivra qu’elle aura une forme solide et sera périssable, nous posons que seuls ses effets manifestés, kalā etc., sont (directement) reliés aux mondes. Ainsi, notre position est sans défaut.
11D. En vue d’exposer ce point on introduit par une objection le couple de sūtra commençant par : “Dans la māyā aussi...”. La purification des principes désigne aussi indirectement celle des mondes. On résume simplement le contenu de ce qui a été exposé : “Mais, considérant... etc.”. Dans ces mondes, Śiva est dans son “état de gouvernement”.
12V. Cette règle — indique-t-on — vaut également pour le principe du “pur Savoir” (suddhavidyā) appelé (aussi) “la grande māyā”.
Ā. 5. Ces régents dont on indique que, sur la voie pure, ils vaquent à un office relevant de l’autre māyā, se tiennent pareillement en tête des effets de celle-ci.
13V. On parle d’une autre māyā appelée “pur Savoir” et située sur la voie pure. C’est ainsi qu’il est dit dans le Raurava : “Au-dessus de la māyā il y a la grande māyā”. De ces régents affectés là à leurs “offices” ou tâches respectives on doit savoir qu’ils se tiennent au sommet des effets (de celle-ci), selon un ordre qu’indiquent des textes comme le vénérable Mataṅga.
14D. “Cette règle... etc.” : parmi eux se trouvent aussi des mondes tels que Indhikā etc. “Le pur savoir” : il s’agit de la grande māyā et non de son effet. On a dit : “Vāgīśvarī a été posée comme la vidyā supérieure, māyā comme la vidyā inférieure”.3 Le commentaire a dit que le mot “opération” (utilisé) précédemment avait le sens de “office”. “De ces régents... etc”. Śiva, résidant à l’intérieur de ces divers mondes dans son “état de gouvernement”, revêt telle ou telle désignation en fonction des conditions limitantes extrinsèques et est appelé “Seigneur des mondes”. Mais — dira-t-on— il existe une différence essentielle entre les mondes qui se trouvent dans les conditions de bindu etc. Cela — remarque le commentaire — a déjà été dit dans des textes comme le Mataṅga etc. On a dit aussi : Śiva sera métaphoriquement “sujet de l’expérience”, “gouvernant”, “résorbé”. Ici, par l’expression : “affectés à leurs offices”, c’est la même idée qu’on cherche à communiquer. Considérant que le terme “régent” employé dans le sūtra fait référence à ces mondes (où réside Śiva) en son “état de gouvernement”, on parle de ces régents comme installés à la tête de ces mondes, parce que (ces mondes) sont arrangés dans un certain ordre.
15On doit savoir qu’ainsi est établie la grande māyā, matière première de la voie pure à commencer par le “pur Savoir”. Les corps des Vidyā, Vidyeśvara etc. ne sont donc pas faits de māyā, puisqu’ils sont au-delà de la māyā et dépourvus (de souillures telles que le) karman etc. C’est la grande māyā appelée (encore) “kuṇḍalinī”, qui forme la matière première de ces mondes et des corps (de leurs habitants).
16V. Maintenant, en vue d’indiquer la hauteur et l’extension de l’œuf de Brahmā, dont l’emplacement est situé sur la voie inférieure, ainsi que les dimensions des mondes qu’il contient, on donne la mesure du yojana à partir de celle des atomes invisibles.
Ā. 6. Une poussière visible dans un rayon de soleil pénétrant obliquement à travers un grillage forme, multipliée deux fois par huit, une pointe de cheveu.
7. L’“œuf de pou”, le “pou”, le “grain d’orge”, le “pouce” s’obtiennent par le même procédé. La “main” (s’obtient) en le multipliant par ce nombre même, lui-même multiplié par le nombre des cordes (du luth). L’“arc” (s’obtient) en multipliant (la “main”) par le nombre des Veda.
8. Deux “arcs” font un daṇḍa et deux mille daṇḍa un krosa.
On a dit que la vyāpti valait deux krośa et le yojana deux vyāpti.
9a. La coque de l’œuf de Brahmā, qui est d’une taille colossale, mesure dix millions de yojana (en épaisseur).
17V. Une poussière très subtile peut être aperçue dans des rayons de soleil filtrant à travers un réseau grillagé (de fenêtre). Si on multiplie (sa dimension) par huit, et le résultat à nouveau par huit, on obtient, au troisième niveau de grandeur, l’unité de mesure appelée “pointe de cheveu”. Il est dit dans le vénérable Svatantra : “Lorsqu’on assemble huit atomes invisibles on obtient ce qu’on appelle une “poussière tremblante” ou “grain de pollen”. Un groupe de huit “poussières tremblantes” forme — ô Déesse — une “pointe de cheveu”4. L’“œuf de pou” est formé de huit (“pointes de cheveu”) et le “pou” de huit “œufs de pou”. De même le “grain d’orge” est formé de huit “poux” et le “pouce” de huit “grains d’orge”. Ce (“pouce”), multiplié par ce nombre même (i.e. huit), lui-même multiplié par celui des cordes (du luth, i.e. trois), forme une “main”. Comme les Veda sont quatre, 1’“arc” sera formé de quatre “mains”. Le daṇḍa est formé de quatre “arcs”, le “krośa” de deux mille daṇḍa, la vyāpti de deux krośa, le yojana de deux vyāpti. Et la coque de l’œuf de Brahmā mesure dix millions de yojana (en épaisseur).
18D. Par les mots : “Maintenant, en vue... etc.” on relie (au contexte) le groupe de trois sūtra et demi qui commence par : “Une poussière...”.
Ā. 9b. A l’intérieur se trouve la maison d’or de Kālāgni qui a cette dimension même.5
10. et dans laquelle se tient le célèbre dieu Kālāgni. Il a l’éclat de dix millions de rayons ardents de fin du monde et il est entouré par des Rudra semblables à lui.
11. Là, les êtres placés sur toutes les voies conçoivent de la frayeur devant un éclat multiplié et qu’excite encore la puissance de rétraction du Seigneur.
19V. A l’intérieur de cet œuf de Brahmā (se trouve) la maison d’or de Kālāgni qui mesure dix millions (de yojana). Là, dans cette maison, se tient Kālāgni. Il a l’éclat de dix millions de soleils à la fin d’un kalpa et il est entouré de multiples Rudra semblables à lui. Là, les êtres postés sur toutes les voies sont saisis de crainte à la vue de cet éclat enflammé que la puissance du suprême Seigneur, appelée “rétractrice”, excite en vue de la destruction (cosmique).
20D. Le commentaire indique qu’à partir de : “A l’intérieur” on décrit, en donnant leurs dimensions, les mondes situés à l’intérieur de l’œuf (de Brahmā)
Ā. 12. Ses flammes s’étendent naturellement sur cent millions (de yojana) et sa fumée sur la moitié ; celle-ci est épaisse et difficile à supporter.
21V. Par nature ses flammes s’étendent sur cent millions (de yojana). Sa fumée sur cinquante millions ; elle est “épaisse”, lourde, et difficile à supporter.
Ā. 13. Ensuite (viennent) trente-trois enveloppes mesurant chacune dix millions moins un (de yojana). A l’intérieur on trouve trente-deux domaines.
14a. Ceux-ci, mesurant chacun cent mille yojana, ont été établis par le créateur de la voie (impure) pour que les méchants y peinent.
22V. “Ensuite”, immédiatement après, (viennent) trente-trois enveloppes qui constituent le domaine d’extension des enfers, chacune mesurant neuf millions de yojana. A l’intérieur (de ces enveloppes) on trouve trente-deux domaines dont chacun s’étend sur cent mille yojana. Ils ont été établis par le “créateur de la voie (impure)”, c’est-à-dire le Seigneur Ananta, pour que les méchants y peinent.
Ā. 14b. Je vais t’en indiquer les noms — ô le meilleur des deux fois nés — écoute-moi :
15. Raurava, Dhvānta (“obscurité”), śīta (“froid”), Uṣṇa (“chaud”), Saṃtāpa (“ardeur”), Abja, Mahāmbuja, Kālasūtra sont les enfers.
23V. Voici maintenant les noms des huit grands enfers :
Ā. 16. Sūcyāsya (“aiguilles et épées”), Kālakhaḍga (“glaive du Temps”), Kṣuradhāra (“tranchant du rasoir”), Ambarīṣaka (“poêle à frire”), Taptāṇgāra (“charbons ardents”), Mahādāha (“grand brasier”), Saṃtāpa (“ardeur”).
17a. Tels sont ces huit enfers terribles — ô ascète — qu’il faut toujours faire précéder de l’adjectif “grand”.
24V. Ils sont “terribles”, c’est-à-dire effroyables ; le qualificatif de “grand” s’attache à eux, d’où leur nom de “grands enfers”.
25On cite maintenant (les noms des) huit rois des enfers :
Ā. 17b. Lākṣāpralepa (“enduit de laque”), Māṃsāda (“mangeur de viande”), Nirucchvāsa (“qui ne respire pas” ?), Nasocchvasa (“qui respire par le nez” ?),
18. Yugmādri (“paire de montagnes” ?), Śālmalīlohapradīpta (“où brille le rouge (des fleurs) du cotonnier épineux” ?), Kṣutpipāsaka (“faim et soif”), Kṛmīnāṃ nicaya (“monceau de vers”). C’est ainsi que l’on énumère les rois (des enfers).
26V. On indique ensuite, en commençant par Lohastambha, les noms des huit rois des rois (infernaux) :
Ā. 19. Lohastambha (“pilier de fer”), Viṇmūtra (“excréments et urine”), Vaitariṇï nadī (“rivière infernale”), Tāmisra (“ténèbres”), Andhatāmisra (“épaisses ténèbres”), Kumbhīpāka (“cuisson des pots”) et Raurava.
20a. Enfin Avīcī qu'il faut faire précéder de l'adjectif “grand”. Tels sont les noms des rois des rois (parmi les enfers).
27V. Maintenant est indiquée l’extension (totale) de ces enveloppes et des espaces qu’elles renferment :
Ā. 20b. Ces enveloppes, avec les enfers, mesurent en yojana ; 21 a. Trois cent millions deux cent mille — ô toi le meilleur des deux fois nés !
28V. Trois cent millions deux cent mille yojana, telle est la dimension totale de ces enveloppes avec les espaces qu’elles renferment.
Ā. 21b. Ensuite vient une terre de neuf cent mille yojana (d’épaisseur), séparée (des enfers) par un intervalle de trente mille yojana.
22a. Elle est constituée pour moitié de fer et pour moitié d'or.
29V. La terre qui vient ensuite mesure neuf cent mille yojana (d’épaisseur) et se trouve à trente mille yojana (de la zone des enfers).
Ā. 22b. La couche inférieure est constituée pour moitié de glaise et pour moitié de fer.
23. Là se tient le maître de ces trente-deux enfers ; on le connaît sous le nom de Kūśmānda. Il a l'éclat enflammé des rayons dardés par le soleil lors de la dissolution cosmique.
24. Son visage est terrible ; il est cruel avec ses yeux aux orbites circulaires. Il tient un pic à la main et est entouré d'une nombreuse troupe d'êtres semblables à lui.
30V. Dans cette terre épaisse de neuf cent mille yojana dont on vient de parler, la couche de fer située sous celle d’or est, en fait, constituée pour moitié de fer et pour moitié de glaise. Là se trouve le Seigneur des trente-deux enfers qui ont été mentionnés. Il s’appelle “Kūsmāṇḍa” et se caractérise notamment par un visage terrible. “Ses yeux aux orbites circulaires” : il a des yeux en forme d’écuelle, logés dans des orbites parfaitement rondes. Son “pic” est la hache dont on a déjà parlé.
31D. En comptant à partir de la face externe de l’œuf (de Brahmā) jusqu’au (sommet de) la fumée de Kālāgni, on trouve que la zone inférieure s’étage sur cent soixante dix millions de yojana. Quant à l’extension totale des espaces intermédiaires supérieur et inférieur, elle se monte à trois cent trente millions de yojana. Les trente-deux enfers, Raurava etc., ont été décrits ici pour l’essentiel. En fait, on en dénombre (en tout) cent quarante, dont trente-deux “rois”. Comme leur maître se tient dans le monde de Kūsmāṇḍa, il sera purifié dans la cérémonie d’initiation “par la voie des mondes” et avec lui les enfers ; tel est le sens.
Ā. 25. Notre terre est la huitième à partir de celle formée par les couches d’or et de fer. Six autres ont une épaisseur de mille yojana et la septième de vingt-huit millions huit cent mille yojana.
26. Les intervalles mesurent chacun neuf mille yojana, sauf le dernier qui mesure dix mille yojana. Cet ensemble de sept (intervalles) est appelé par les sages : “les sept enfers”.
32V. La huitième des terres qui s’étagent à partir de celle formée par les couches d’or et de fer est celle où nous nous trouvons. On compte encore six autres terres épaisses chacune de mille yojana. La septième a une épaisseur de vingt-huit millions huit cent mille yojana. Les intervalles entre ces huit terres mesurent chacun neuf mille yojana, sauf celui du dessus qui mesure (en tout) dix mille yojana, parce qu’il inclut le domaine du royaume de Hāṭaka, couche d’or épaisse de mille yojana et dont on reparlera. Ces intervalles sont donc au nombre de sept et les sages disent que ce sont là les sept enfers.
33D. On commente (le groupe de sūtra) qui commence par : “Notre terre...”. Le sens est celui-ci : entre la première terre épaisse de neuf cent mille yojana et la septième épaisse de vingt-huit millions huit cent mille on a six intervalles de neuf mille yojana chaque. On en aura sept avec celui qui sépare (la septième) de la huitième terre et qui mesure dix mille yojana, augmenté qu’il est du royaume de Hāṭaka, épais de mille yojana et qui forme la partie inférieure de la huitième terre. La partie supérieure de cette dernière forme le “dos de la terre” qui s’étend (en épaisseur) sur mille yojana. Ainsi, depuis le dos de la terre jusqu’aux enfers (exclus) il y a vingt neuf millions huit cent mille yojana. L’extension totale des (grands) enfers et de leurs intervalles est de trois cent millions deux cent mille yojana. La zone inférieure mesure — comme on l’a déjà dit — cent soixante dix millions de yojana jusqu’au sommet de la fumée de Kālāgni. On parvient ainsi à un total général de cinq cent millions de yojana. Ce nombre est le même dans tous les traités. Si d’aventure on rencontre une modification de ces nombres elle aura été introduite par quelqu’un pour une raison quelconque. En tenant compte de cela on ne trouvera pas de (véritable) contradiction.6
Ā. 27-283. Je vais les nommer ; écoute moi ! Ābhāsa, Para tāla, Nitala, Gabhastimat, Mahātala, Rasāṇka et Pātāla. Tels sont — ô ascète — les sept enfers.7
34V. Après les avoir nommés on indique quels sont leur régents :
Ā. 28b. Dans ces sept (enfers) on compte un Indra des Daitya, un serpent et un être nuisible,
29a. sept (de chaque espèce) pour les sept (enfers). Apprends de moi (leurs noms) :
35V. Dans chacun (de ces enfers) il y a un Indra des Daitya, un Nāga et un Rākṣasa. On en compte sept (de chaque espèce) en rapport avec les sept (enfers). Apprends (leurs noms) tandis que je les prononce :
Ā. 29b. Les Daitya Śaṅkuśruti, Prahlāda, Śiśupāla,
30a. Karkanduka, Hiraṇyākṣa, Bṛhadgarbha et Bali.
36V. Il existe ainsi sept Daitya pour les sept (enfers).
37On indique quels sont les Nāga :
Ā. 30b. Ces descendants de Kadru sont Kuṭilaka, Vāsuki, Kambala, Kārkoṭaka, Kālāṅga, Durdarśa, Takṣaka.
38V. On appelle la descendance de Kadru : “les Kādraveya”.
39Aussitôt après avoir cité les Nāga, on passe aux Rākṣasa :
Ā. 31b. Les Rākṣasa sont : Vikaṭa, Lohitākṣa, Yamākṣa, Vikaṭānana,
32a. Karāla, Bhīmanirhrāda et Piṅgala.
40V. On (décrit) maintenant le monde du Seigneur Hāṭaka8 :
Ā. 32b-34a. Au-dessus d’eux, dans une suite de maisons d’or s’étendant sur mille yojana, habite Hātaka, Seigneur de tous les régents des enfers, lui que les femmes des rois des Daitya, des Yakṣa, des Asura et des Nāga louent, dans leur dévotion, au moyen de tendres paroles ornées par les pauses de la voix, désireuses qu’elles sont d’obtenir ce qui leur est cher.
41V. Au-dessus de ces enfers se tient leur maître, le Seigneur Hāṭaka. lui, le le Bienheureux à qui les femmes des Dānava, des Guhyaka, des dieux, des Nāga adressent d’agréables paroles de louange. Dans quelles dispositions (d’esprit) ? “Dans la dévotion”, dans de pieuses dispositions. De quelles paroles de louange usent-elles ? “de paroles ornées par les pauses de la voix”. Une “pause” est une façon de réciter qui ralentit un débit rapide. Ce sont de ces tendres paroles qu’elles usent, en les colorant par le chant, pour lui adresser leur louanges ; tel est le sens. Dans quel but ? Celui “d’obtenir ce qui leur est cher” : elles sont en effet sous l’emprise du désir.
42D. (Selon le commentaire) le texte (des sūtra), cherchant à montrer que le groupe des sept enfers qui fait partie du monde (régi) par le Seigneur Hāṭaka sera purifié par la cérémonie d’initiation “par la voie des mondes”, énonce, à partir de : “Au-dessus d’eux” la souveraineté (d’Hāṭaka) sur ces (enfers).
Ā. 34b. Ensuite (vient) la terre qui s’étend (en largeur) sur un milliard (de yojana)
35a. Elle abrite diverses (espèces) d’hommes et se pare d’une couronne d’îles, de montagnes, de rivières, d’océans.
43V. “Ensuite”, immédiatement après (vient) la terre qui porte diverses (espèces) d’hommes et qui est ornée d’îles, d’archipels et d’océans dont on aura à parler.
44D. On vient d’indiquer la hauteur (de l’œuf de Brahmā) jusqu’au “dos de la terre”. On va maintenant indiquer qu’à ce niveau (celui du diamètre) la terre s’étend transversalement à l’œuf sur un milliard de yojana.9 C’est en vue de montrer cela qu’on commente (le sūtra) qui commence par : “Ensuite (vient) la terre...”. L’univers est appelé “œuf” parce qu’il a la forme d’un œuf. On a dit dans le Sarvajñānottara : “Cet (univers) qui a la forme d’un œuf de poule est appelé “œuf de Brahmā”.
45V. On indique les dimensions et les noms des îles :
Ā. 35b-36a. Les îles sont Jambū, Śāka, Kuśa, Krauñca, Śālma, Gomeda et Puṣkara. La première s’étend (en largeur) sur cent mille yojana et leur étendue double ensuite avec chaque (terme de la série). Elles sont entourées d’océans tels que Kṣāra etc.
46V. Comme on l’indiquera, les océans Kṣāra, Kṣīra etc. “doublent”, possèdent une étendue double avec chaque (terme de la série), et cela en partant de cent mille yojana. Et chacune des sept îles, Jambū etc., est entourée d’un océan d’une largeur égale à la sienne propre.
Ā. 36b-36a. Alors vient le continent d'or avec la montagne Lokāloka. Au-delà s'étend l'obscurité ; ensuite on trouve (l'océan) Garbhoda et la coquille (de l'œuf cosmique). Telle est la surface de la terre.
47V. Ensuite vient un continent fait d’or avec la montagne appelée “Lokāloka” au-delà de laquelle règne l’obscurité. (Viennent ensuite) l’océan appelé “Garbodha” et la coquille de l’œuf cosmique.
48Alors l’ascète, désirant connaître cette division en détail, interroge :
Ā. 37b-38a. Je désire connaître en détail — ô Śakra — la sainte terre avec la diversité des montagnes, rivières, îles, forêts et océans dont elle s'orne.
38b-39a. Mon esprit, attiré par le désir d'une connaissance complète, est impatient de l'apprendre de toi, le roi des dieux, qui perçois directement toutes ces choses.
49V. Je désire entendre une description détaillée de la terre ornée de la diversité de ses montagnes, rivières, îles, forêts et océans. Si toi, qui perçois directement toutes ces choses, me les montre, ma connaissance ne laissera plus rien à désirer. Et c’est mû par un tel espoir que mon esprit a hâte de t’entendre.
50A partir de : “Je décrirai...” c’est Indra qui parle :
Ā. 39b-40a. Je décrirai — ô toi le meilleur des deux fois nés — les îles, les rivières et les forêts, tout ce qui forme la matière de ce sujet. Ecoute, l'esprit concentré.
51V. A partir d’ici, le chapitre sur le monde, en raison de sa clarté, n’appelle plus que de loin en loin un commentaire. “Je décrirai” signifie : “J’énoncerai” dans l’ordre ce qui a trait au sujet.
Ā. 40b-41a. L'île Jambū forme le centre de (la surface de) la terre. Elle mesure (en largeur) cent mille yojana. Elle est entourée par l'océan Kṣāra de même largeur.
52V. “De même largeur” : c’est-à-dire de cent mille yojana de large.
Ā. 41b-42a. Au centre de cette (île) se dresse, fait d’or, fréquenté par les dieux, le souverain des monts, le Meru, qui éclipse l’éclat du soleil.
53V. Au centre se dresse, fréquenté par les dieux, le roi des monts, qui surpasse la splendeur du soleil. C’est le Meru.
Ā. 42b-43a. Il s’enfonce dans la terre sur seize mille yojana.
Il s’élève au-dessus du sol de cent mille diminués de ce nombre.
A sa base il est large de seize mille yojana.
54V. Le Meru s’enfonce dans la terre à une profondeur de seize mille yojana. Au-dessus du sol il s’élève à une hauteur de quatre-vingt-quatre mille yojana. A sa base il est large de seize mille yojana. Sa forme évasée fera que sa partie supérieure mesure le double (en largeur). Il est dit dans le vénérable Svatantra : “Il s’enfonce vers le bas de seize mille yojana et telle est aussi sa largeur à la base. Mais, au sommet, (sa largeur) est double. Tel est — ô Déesse — le Meru à la forme évasée, le séjour des dieux, le roi des monts”.10
Ā. 43b. Dans les trois autres quarts (de ce mont), à leurs jonctions qui croissent selon une progression de raison quatre mille,
44· sont placés des cercles en forme de bracelets, revêtus d’un brillant éclat. L’un mesure dix mille yojana, l’autre contient mille Manu.
45. Dans le (troisième) cercle, près du sommet, résident les protecteurs des mondes. Il brille de l’éclat de tous les joyaux et est appelé : “Cakravāṭa”.
55V. En laissant de côté un quart, soit vingt-cinq mille yojana, de la hauteur (totale) de “ce mont”, c’est-à-dire du Meru, (on obtient trois) “jonctions”, ou zones de raccordement dont la largeur (mesurée en surplomb ?) croît à chaque fois de quatre mille yojana. Là se trouvent trois cercles ou ceintures, en forme de bracelets, très brillants. L’“une”, la première (à partir du bas) mesure (en largeur) dix mille yojana. La seconde, qui compte mille Manu, mesure (en largeur) quatorze mille yojana, en fonction de la progression de raison quatre mille qui est indiquée. La troisième s’étendra donc (en largeur) sur dix-huit milleyojana. Cette dernière, située près du sommet et résidence des protecteurs des mondes, brille de l’éclat de multiples joyaux. Les connaisseurs de la Tradition l’appellent : “Cakravāṭa”.
56L’ensemble formé par les trois parties du Meru (entre les ceintures et le sol) mesure (en hauteur) soixante-quinze mille yojana, alors que la hauteur totale du Meru (au-dessus du sol) est de quatre-vingt-quatre mille yojana. La Tradition sacrée indique que les trois bracelets ont une hauteur totale de neuf mille yojana, chacun étant haut de trois mille yojana11.
57D. On commente le passage qui commence par : “Dans les trois autres...”. La progression indiquée concerne la dimension transversale (des ceintures), puisque leurs dimensions en hauteur seront indiquées ensuite... Quant à leur élévation au-dessus du sol, on la connaîtra, avec la hauteur des intervalles, en se reportant à d’autres textes sacrés. C’est ce que dit le commentaire : “Les trois parties” : ce sont les trois intervalles (entre les ceintures) mesurées depuis le sol jusqu’à Cakravāṭa. “Les trois bracelets” sont les trois cercles.
Ā. 46. Dans les zones situées en dessous de ce (cercle) se trouvent les résidences des Siddha, des Gandharva et des Marut. Dans ce (cercle) sont installées, sur huit pics, huit cités.
47a. Elles appartiennent, en partant de l’Est, à Indra et aux autres (dieux). Laisse-moi te dire leurs noms :
58V. Dans les (trois) intervalles qui s’étagent en-dessous de Cakravāṭa se situent les domaines (respectifs) des Siddha etc. Mais c’est dans la ceinture supérieure elle-même, dans Cakravāṭa, (que sont établies) les cités (des dieux). Le reste est clair.
59D. On commente ensuite le sūtra qui commence par : “Dans les zones...”.
Ā. 47b-48a. Parée d’une couronne qui brille de l’éclat de joyaux nombreux et variés, aimée des Siddha, des Sādhya et des Marut, pavée d’or, ainsi se présente Amarāvatī, (cité) d’Indra.
60V. La cité d’Indra, appelée Amarāvatī, est située à l’Est. Son sol est en or. Elle est fréquentée par les Siddha etc. et s’orne de la beauté de joyaux variés, groupés en cercle autour d’elle.
Ā. 48b-49a. Tejovatī, cité d'Agni, possède des remparts et des gopura d'or constellés de joyaux rouges et jaunes. Elle est fréquentée par des êtres semblables à Agni.
61V. Un gopura est un portail. “Semblables à Agni” : l’idée est que (cette cité) est fréquentée par des êtres à l’éclat semblable au sien.
Ā. 49b-50a. Saṃyaminī, cité de Yama, s’entoure de hauts remparts de fer. Elle est fréquentée par Kālapāśa (“lacets de la Mort”), par les Ancêtres, par la Maladie, par les Trépassés et par Mārī (“la Peste”).
62V. Dans la région du Sud se trouve Saṃyaminī, la cité de Yama. Elle possède une multitude de très hauts remparts de fer. Des êtres tels que Kālapāśa la fréquentent. L’entité appelée Mārī, qui provoque simultanément la mort de nombreux individus, représente une divinité spécifique. Sur l’ordre du roi des morts, elle remplit son office ici ou là.
Ā. 50b-51a. Kṛṣṇā, cité du chef des Daitya, ressemble à la rédence de Yama. Elle est fréquentée par les Daitya. Elle s'orne de dais spendides, rehaussés par l'éclat de joyaux bleus.
63V. La cité de Nirṛti est appelée “Kṛṣṇā” et elle est fréquentée par les Daitya. De couleur sombre comme la cité de Yama, elle s’orne de dais spendides où abonde l’éclat du corindon et du saphir.
Ā. 51b-52a. Śuddhavatī, (cité) de Varuṇa, construite en pierre de cristal, est fréquentée par les dauphins. Elle offre une image brillante avec ses demeures semblables à des nuages blancs.
64V. La cité de Varuṇa, appelée Śuddhavatī, est construite en pierre de cristal. Elle est fréquentée par les Makara, les tortues (marines) etc. Ses claires demeures ont la beauté des nuages blancs.
Ā. 52b-53a. Gandhavatī, (cité) de Vāyu, se couvre d’oriflammes blancs et jaunes (flottant) haut. Elle est fréquentée par des êtres pleins de force. Elle est construite en toutes sortes de joyaux.
65V. Pourvue d’oriflammes blancs et jaunes, construite en divers joyaux, fréquentée par des êtres puissants, (telle) est Gandhavatī, la cité de Vāyu.
Ā. 53b-54a. Mahodayā, (cité) de Soma, est blanche, construite en perles etc., louée par la foule des deux fois nés. Elle offre une image brillante avec ses maisons qui ont l’éclat de l’Himālaya.
66V. Au Nord se trouve la cité de Soma appelée “Mahodayā”. Elle est blanche, “construite en perles etc.” : le terme “etc.” désigne ici la pierre de lune. Elle est louée par la foule des brahmanes et offre une image brillante avec ses palais qui ont l’éclat de la montagne Prāleya.
Ā. 54b-55a. La cité de Yaśobhṛt, dont le regard issu de son front enflammé a consumé Smara et Mṛtyu, est Yaśovatī. Elle est faite de toutes sortes de joyaux et des Rudra la fréquentent.
67V. La cité du Seigneur Īśāna, “porteur de gloire” (Yaśobhṛt) pour avoir de son troisième œil incandescent consumé Kāma et Kāla et apporté la destruction à tout ce genre d’ennemis du monde, est construite en toutes sortes de joyaux. Fréquentée par des Rudra, elle se trouve au Nord-Est.
Ā. 55b-57a. Ainsi les poètes proclament-ils sur la terre que ces huit cités, agréables en toutes saisons, qui s’étendent sur la moitié de Cakravāṭa et sont rouges du pollen de l’arbre Pārijāta secoué par le vent, ont été construites au ciel pour le bien de ceux qui appartiennent au cercle des protecteurs des mondes.
68V. (Les cités) sont dites “agréables en toutes saisons” parce qu’elles procurent des plaisirs12 en rapport avec chaque saison. Elles “s’étendent sur la moitié de Cakravāta”, c’est-à-dire sur neuf mille yojana. Les poètes proclament qu’elles sont là, dans le ciel, pour le “bien”, le bien-être d’intercesseurs tels qu’Indra etc. “Pārijāta” désigne une espèce particulière d’arbres célestes auxquels la couleur rouge de leur pollen confère un charme (particulier).
69(On décrit) maintenant la cité de Brahmā :
Ā. 57b-58a. La cité de Svayambhū, appelée “Manovatī”, se trouve au centre (i. e. au sommet du Meru) et s’étend sur quatorze mille yojana. Elle est louée par les Seigneurs du monde.
58b-59a. Elle a rougi le ciel au-dessus d'elle (parce que rouge elle-même). Resplendissante, dépassant tous les désirs du ciel, elle est jalousée par Sāvitrī.
70V. Elle est “resplendissante”, pleine d’éclat. Les “désirs du ciel” sont les désirs qui ont le ciel pour objet. Elle les “dépasse” en ce sens qu’en elle ils s’éteignent. Elle est jalousée par Sāvitrī à cause de sa splendeur et parce qu’elle donne accès au séjour de Brahmā.
Ā. 59b-60a. Dans cette cité, les dieux et les ascètes, pleins d'énergie, rendent par leurs disciplines etc. un culte à ce Seigneur des grand yogin, afin qu'il leur procure le succès.
71V. Dans cette cité, les dieux et les grands “voyants” rendent “un culte”, un hommage, par leurs disciplines et réfrènements, à ce Créateur que même les grands yogin doivent respecter, s’ils veulent obtenir le succès. Les réfrènements sont la non-violence, la véracité, l’honnêteté, la chasteté, la non-acceptation des dons. Les disciplines sont la propreté, le contentement, la droiture, la récitation du Veda, la dévotion au Seigneur.
Ā. 60b-61a. Là, du côté d'Īśāna (i. e. au N.E.), se dresse un pic de cette montagne, brillant comme le soleil. On l'appelle “Jyotiṣka”. C’est la résidence favorite de Paśupati.
72V. Dans cette cité de Brahmâ, dans la direction d’Īśāna, se dresse, enflammé, un pic du Meru appelé “Jyotiska”, (résidence) favorite du suprême Seigneur.
73D. Śrīkaṇṭha, disciple d’Ananta, qui se tient au-dessus du Satyaloka a dit dans le Mataṅga : “Dans la région du Nord-Est se dresse un grand pic lumineux. C’est là — ô tigre parmi les ascètes — que j’ai établi ma résidence pour dispenser la Grâce au monde”13. D’autres Āgama nous apprennent que Visnu lui-même réside au sommet du Meru. Il est dit dans le Kiraṇa, dans le texte qui commence par : “Une très belle chaîne de montagnes, à mi-chemin sur le flanc du Meru...” : “Il comporte trois pics faits d’or, d’argent et de joyaux. Le pic d’argent est réputé être la résidence de Kṛṣṇa, le pic d’or celle de Brahmā, le pic de joyaux celle de Śaṃkara ; en-dessous habitent les immortels”14. De même, dans le vénérable Parākhya : “A son sommet, se tenant sur un pic multiple, Brahmā et le Seigneur, orgueilleux de leur souveraineté...”.
Ā. 61b-62a. Sur ses pentes neigeuses et parsemées de joyaux sont installés les chefs des troupes (de divinités secondaires), orgueilleux de leur souveraineté, Skanda, Nandin, Mahākāla, Gaṇeśa etc.
62b-63a. Au sommet se trouve la résidence du “destructeur de la triple ville”, du Dieu des dieux. Elle est fréquentée par des myriades de Rudra et par les plus grands dieux, Brahmā etc.
74V. Sur les pentes douces du pic Jyotiṣka sont installés les plus humbles des êtres supérieurs — on indiquera plus loin qu’ils se situent en-dessous du principe de Sadāśiva — Skanda, le Seigneur Nandin et les autres chefs des troupes (de divinités secondaires). Mais, au sommet, se trouve la résidence du véritable Tout-puissant qui dirige Brahmā, Indra et les autres. Elle est fréquentée par d’innombrables Rudra ainsi que par Brahmā et les autres dieux.
Ā. 63b-64a. Voilà pour le Meru. A un niveau inférieur se trouvent d'autres montagnes situées dans les diverses directions. Laissons-les de côté et apprends (plutôt) de moi quelles sont les régions de la neuvième île :
75V. Voilà pour la description du Meru. En-dessous de lui se dressent quatre montagnes dont on indiquera plus loin les dimensions, largeur etc. En les laissant (provisoirement) de côté, apprends quelles sont les régions situées sur cette neuvième île, le Jambū.
76On commence par nommer les montagnes qui séparent ces régions :
Ā. 64b-65a. Au Sud du Meru se trouvent les nobles montagnes Niṣadha, Hemakūṭa et Himavat ; au Nord, Nīla, Śveta et Śṛṅgin.
65b-66a. Elles mesurent en largeur deux mille yojana et en hauteur dix (mille). Elles sont à neuf mille yojana les unes des autres. Elles s'étendent dans le sens Est-Ouest, possèdent de belles régions et sont baignées par l’océan.
77V. Au Sud du Meru se trouvent (en allant vers le Sud) Nisadha, Hemakūṭa et Himavat ; au Nord, (en allant vers le Nord) Nīla, Śveta et Śṛṅga. Ce sont les montagnes qui séparent (les régions). Elles mesurent deux mille yojana de large, dix mille de haut et sont à neuf mille yojana les unes des autres. Leur pourtour est baigné, à l’Est comme à l’Ouest, par l’océan Kṣāra. Elles ont “de belles régions” : les régions situées entre ces montagnes, et dont on va parler, sont plaisantes.
Ā. 66b-67a. (Les montagnes) Mālyavat et Gandhamādana ont la largeur (des autres) diminuée de moitié. Elles sont situées à l’Est et à l’Ouest du Meru et sont séparées par le même intervalle que celui qui existe entre les deux montagnes (Nïla et Ni ṣadha) situées (immédiatement) au Nord et au Sud (du Meru).
78V. Elles ont une largeur moitié moindre que celle des autres montagnes, Niṣadha etc., soit mille yojana. Situées respectivement à l’Est et à l’Ouest du Meru, elles s’étendent dans le sens Nord-Sud. “Par le même intervalle” : l’extension des régions et montagnes, Niṣadha etc., qui se fait dans les quatre directions, laisse entre les (premières) montagnes septentrionale et méridionale un intervalle de trente-quatre mille yojana et c’est aussi la mesure de la distance entre (Mālyavat et Gandhamādana).
79Délimitant (les régions) séparées par ces montagnes, on déclare :
Ā. 67b-68a. A l’Ouest de Mālyavat, à l’Est de Gandhamādana, au Sud de la montagne Nīla et au Nord de Niṣadha, s’étend la région Ilāvṛta.
80V. A l’Ouest de Mālyavat, à l’Est de Gandhamādana, au Sud de la montagne Nīla, au Nord de la montagne Niṣadha, au milieu de l’île Jambū, s’étend la région Ilāvṛta.
81D. “Délimitant (les régions)... etc.” : il s’agit des quatre (alignements de) montagnes, Niṣadha etc. qui divisent l’île selon les quatre directions et de l’espace entre elles et le Meru.
Ā. 68b-69a. La région Bhadrāśva s’étend ā l’Est de Mālyavat. Elle est habitée par les Bhadra. Ketumāla, aux belles demeures, s’étend à l’Ouest de Gandhamādana.
82V. A l’Est de Mālyavat se trouve la région Bhadrāśva. A l’Ouest de Gandhamādana se trouve (la région) appelée “Ketumāla”, aux belles habitations.
Ā. 69b-70a. Au Sud de Niṣadha s’étend (la région) Hari ; (au Sud) de Hemakūṭa celle appelée “Kiṃpuruṣa” ; (au Sud) de Himavat la région Bhārata.
70b-71a. Au Nord de Nīla s’étend (la région) Ramyaka ; (au Nord) de la montagne Śveta (la région) Hiraṇya. La région au Nord de Śṛṅgavat s’appelle “Kuru”.
83V. Dans les (trois) zones au Sud des montagnes Niṣadha, Hemakūṭa et Himādri s’étendent (respectivement) les régions Hari, Kiṃpuruṣa et Bhārata. De même, au Nord des montagnes Nīla, Śveta et Śṛṅga s’étendent les régions Ramyaka, Hiraṇya et Kuru.
Ā. 71b-72a. Quatre (autres) chaînes de montagnes ont été construites, hautes de cinquante mille yojana, par le Créateur. Elles sont destinées à servir de contreforts au Meru. A l’Est se trouve Mandara la blanche,
72b-73a. Au Sud Gandhamādana qui a l’aspect de la poudre de safran. A l’Ouest Vipula la bleue ; au Nord Supārśva la rouge.
73b-74a. Sur ces (montagnes) se dressent, (de l’Est) jusqu’au Nord, les arbres “qui comblent les désirs”, Kadamba et Jambū, Asvattha et Nyagrodha, (tous) hauts de mille yojana.
84V. En vue d’assurer la stabilité du Meru, des montagnes, blanche, jaune, bleue et rouge ont été créées. Ce sont, à partir de l’Est, Mandara, Gandhamādana, Vipula et Supārśva, (toutes) hautes de cinquante mille yojana. Sur elles se dressent les arbres “qui satisfont les désirs”, Kadamba, Jambū etc.
Ā. 74b-75a. Une rivière fut produite par le suc des fruits de l’arbre Jambū ; elle contourna le Meru, pénétra à sa base et changea le sol en or.
75b-76a. Les oiseaux, serpents, rats, arboricoles etc. qui en burent virent (leur corps) transformé en or et il en fut également ainsi pour les êtres qui s’y baignèrent.
85V. Elle contourna”, à savoir par la droite. “Sa base” : il s’agit de celle du Meru. Les arboricoles” sont les singes ; le terme “etc.” fait référence aux éléphants, aux chevaux etc.
Ā. 76b-77a. L’arbre Jambū devint l’emblème d’une île. En dépit de la présence (sur elle) d’autres arbres “comblant les désirs”, elle fut appelée : “île (du) Jambū ”, à cause de la prééminence de celui-ci.
86V. (Le Jambū étant) 1’“emblème” le signe de certaines îles, est appelé : “emblème d’îles”.
87On indique maintenant quels sont les lacs et les forêts de ces montagnes :
Ā. 77b-78a. Au pied de la montagne de l’Est se trouve la forêt Caitraratha. Il y a (aussi) un lac appelé “Arunodaka”, orné de lotus d’or.
88V. Cela est clair.
Ā. 78b-79a. Au pied de la montagne du Sud se trouvent Nandana, une (forêt) emplie de Gandharva, de dieux, de Siddha et d’Apsaras, ainsi qu’un lac appelé “Mānasa” qui ravit l’esprit (mānasataskaram).
89V. Vers le Sud, au pied de la chaîne de montagnes, se trouvent une forêt appelée “Nandana” et un charmant lac appelé “Mānasa”.
Ā. 79b-8oa. Au pied de Vipula se trouvent (la forêt) Vaibhrāja et le splendide lac Sitodaka. Il est fréquenté par les dieux et couvert de lotus qui ont l’éclat du soleil.
90V. Au pied de la montagne appelée “Vipula” se trouvent la forêt appelée “Vaibhrāja” et le lac appelé “Sitodaka”. Celui-ci s’orne de lotus qui ont l’éclat du soleil et il est fréquenté par les dieux.
Ā. 80b-81a. A Supārśva (appartiennent) la forêt appelée Dhṛtimat et le lac Bhadraka. Celui-ci, couvert de lotus parfumés, est toujours fréquenté par les Ancêtres.
91V. Au pied de la montagne Supārśva se trouvent la forêt appelée “Dhṛtimat” ainsi que le lac Bhadra fréquenté par les Ancêtres et couvert de lotus très parfumés.
92On va maintenant décrire la nourriture, la durée de vie, la beauté etc. des habitants des “îles” telles que Ilāvṛta etc.
Ā. 81b-82a. Les habitants d’Ilāvṛta vivent treize mille ans, se nourrissant du suc du fruit de l'arbre Jambū. La lumière du du Meru leur révèle les objets et leur peau est belle.
93V. Ils connaissent les objets grâce à “la lumière du Meru”, à la clarté qu’il diffuse. “Leur peau est belle” : leur teint est agréable.
Ā. 82b-83a. Vivant dix mille ans, ayant l'éclat des lotus bleus, se nourrissant du suc (du fruit) de l'arbre à pain, pourvus d'un corps divin, les habitants de Ketumāla sont heureux et forts.
94V. Leur durée de vie est de dix mille ans. Ils mangent “le suc”, ce qui s’écoule du fruit de l’arbre à pain.
Ā. 83b-84a. (Les habitants) de Bhadravājin ont l’éclat du disque de la lune et se nourrissent de lotus bleus. Ils vivent dix mille ans et sont exempts de la douleur, du chagrin et de la peur.
95V. Bhadravājin est la région Bhadrāśva.
Ā. 84b-85a. Au pays Kuru les gens vivent trente mille ans.
Ils mangent à leur gré les fruits des arbres et donnent naissance à des jumeaux. Ils ont l’éclat de la fleur Śyāmā.
96V. Ils mangent “à leur gré”, selon leur bon plaisir, les fruits des arbres. Le sens est qu’ils évaluent librement la quantité de fruits qu’ils désirent manger. Ils “donnent naissance à des jumeaux”, c’est-à-dire à une fille et à un garçon simultanément. “Śyāmā” est la plante Priyaṅgu. Ils ont l’éclat de la fleur de cette plante, c’est-à-dire qu’ils ont la beauté (d’un teint) dont le blanc tire sur sur le jaune.
Ā. 85b-87b. Sur quarante-cinq mille yojana s’étendent deux îles, Candra et Bhadrākara. Résidences (respectives) de Soma et de Vāyu, fréquentées par les Siddha et les Ascètes, elles se situent à la limite de (deux) directions de l'espace. Les habitants de l’une ont la beauté de la lune. Ceux de l’autre ont la beauté des lotus rouges. Leur durée de vie est celle (des habitants) d’Ilāvṛta. Ils se nourrissent de fruits et de racines. Ces (îles) sont sur l’océan qui baigne le pays Kuru et ont été mentionnées ensemble à cause de leur proximité.
97V. Dans l’océan Kṣāra, qui borde le pays Kuru, s’étendent sur quarante-cinq mille yojana deux îles appelées “Candra” et “Bhadrākara”. Elles “se situent”, se laissent repérer “à la limite de (deux) directions”, à savoir sur une ligne entre le Nord et le Nord-Ouest. Elles sont fréquentées par les Siddha etc. Dans l’île Candra les habitants ont l’éclat de la lune, dans l’île Bhadrākara l’éclat des lotus rouges. La durée de vie est celle mentionnée pour Ilāvṛta. Leur nourriture consiste en fruits et en racines. Le locatif : “sur l’océan” se rapporte à la localisation seulement approximative impliquée dans la formule : “Sur quarante cinq mille yojana s’étendent (deux îles)”. “A cause de leur proximité”, de leur voisinage.
98D. Le commentaire indique qu’à la faveur de la description du pays Kuru on décrit les deux îles qui en dépendent.
Ā. 88. Dans Hiraṇmat les gens vivent douze mille cinq cents ans. Ils ont l’éclat de la lune et se nourrissent perpétuellement du fruit (de l’arbre) Lakuca.
99V. Dans le pays appelé “Hiraṇyavat” les gens ont la beauté de la lune. Ils se nourrissent du fruit (de l’arbre) Lakuca et vivent douze mille cinq cents ans.
Ā. 89. Dans Ramyaka les gens ont l’éclat des lotus, se nourrissent du fruit du banian et vivent douze mille ans.
100V. Dans le pays appelé “Ramyaka” les gens ont la beauté des lotus, se nourrissent du fruit du figuier indien et vivent douze mille ans.
Ā. 90. Dans Hari les gens ont cette même durée de vie. Ils ont l’éclat de l’argent et se nourrissent de canne à sucre. Dans Kiṃpuruṣa ils ont l’éclat de l’or, se nourrissent (du fruit) de l’arbre Plaksa et vivent dix mille ans.
101V. Dans le pays Hari les gens ont l’éclat de l’argent et jouissent de cette durée de vie dont on a parlé (douze mille ans). On les appelle “mangeurs de canne à sucre”, car leur nourriture est composée de cela exclusivement. Dans le pays Kiṃpuruṣa les gens ont l’éclat de l’or, mangent le fruit de l’arbre Plakṣa et vivent dix mille ans.
Ā. 91. Dans ces pays, Kiṃpuruṣa etc., que je viens de te décrire, la succession des âges du monde, Kṛta etc., ne modifie pas les conditions de vie (des habitants).
92. Dans le pays Bhārata, au contraire, sagesse, durée de vie, beauté, force, richesse et descendance sont déterminées par les âges du monde. Les hommes s’y nourrissent des fruits de la nature et des produits de l’agriculture et ils connaissent la triple douleur.
93. Son seul avantage est que l’homme peut y travailler à se procurer tout ce qu’il désire. De cette terre du karman, en effet, dépendent toutes les terres de jouissance.
102V. Dans les pays ainsi décrits, Kiṃpuruṣa etc., la succession des âges du monde n’apporte aucun changement dans les conditions de vie. Dans ce pays Bhārata, au contraire, les habitants voient leur intelligence, leur vie, leur grâce, leur énergie, leur progéniture dépendre des âges du monde. L’idée est que ces biens, intelligence etc., diminuent progressivement avec la succession des âges. Les hommes y sont exposés à la triple douleur, interne, externe, ou envoyée par les dieux. Ils se nourrissent des produits de l’agriculture et de ce qui pousse naturellement.
103Mais (ce pays) a un avantage unique : celui qui déploie des efforts peut y travailler à se procurer tout ce qu’il désire. Cette terre suffit pour faire obtenir toutes choses. Comment cela ? “Parce que (d’elle dépendent) toutes (les terres de jouissance)”. On a dit cela ailleurs, en omettant l’expression hyperbolique “toutes” : “Cette terre — ô brahmane — est celle du karman, cette autre, celle des jouissances. De tous les actes accomplis ici on récolte les résultats là-bas”15.
104D. On explique l’expression : “toutes les terres de jouissance” et cela en réponse à la question : “Comment cela ?”. On n’a tenu compte ici que de la prédominance des jouissances dans ces terres là-bas et de la prédominance des activités dans celle-ci. En fait, ici même il y a jouissance des fruits de (certains actes). Aussi bien les textes révélés parlent-ils de bonnes et de mauvaises actions accomplies là-bas par Indra etc., comme par Nahuṣa et Yayāti. Donc (le commentaire) est fondé à apporter la citation : “Cette terre... etc.” pour faire comprendre ce point.
Ā. 94. Dans cette (terre) aux neuf fleuves-océans, et dont la surface est semi-aquatique, se trouvent neuf sub-continents, Indradvpa etc. Je vais te les énumérer, écoute-moi :
105V. Ce pays Bhārata possède neuf fleuves-océans. Sa surface est “semi-aquatique”, c’est-à-dire à demi recouverte d’eau. Comme le dit le vénérable Kiraṇa : “L’eau fait cinq, les plaines cinq”.16 Dans ce pays Bhārata ainsi constitué on trouve neuf sub-continents, Indradvīpa etc. Prête l’oreille à l’énumération que je vais t’en faire.
106Il déclara alors ceci :
Ā. 95-96. Dans le pays appelé “Bhārata” on connaît neuf subcontinents qui possèdent une diversité de montagnes et de rivières et sont remplis de gens de diverses espèces. Ce sont : Indradvīpa, Kaśeru, Tāmravarṇa, Gabhastimat, Nāgadvīpa, Cāndramasa, Gāndharva, Vāruṇa et Kumārika en neuvième.
107V. On mentionne les neuf sub-continents, occupés par des peuples divers, qui composent le pays appelé “Bhārata”. Le terme “dvīpa” (ici : “sub-continent”) peut être considéré comme masculin parce que du type ardharca.17
108D. Les dimensions des sub-continents, Indradvīpa etc., ainsi que des fleuves-océans qui les séparent, ont été indiquées dans le vénérable Svatantra : “Chacun des sub-continents est réputé s’étendre sur mille yojana. On doit savoir que les terres (émergées) occupent sur chacun cinq cent yojana et les eaux cinq cents”. Ainsi se subdivise le pays - qui s’étend (en tout) sur neuf mille yojana. Etant donné que les sub-continents, Indradvīpa etc., se disposent à partir de l’océan méridional, celui appelé “Kumārika”...
Ā. 97. Jadis un roi appelé “Āgnīdhra”, et qui descendait de Manu, régnait sur le Jambū. Les pays, Bhārata etc., portent les noms des rois qui furent ses descendants.
109V. Il y avait jadis un roi de la lignée de Manu qui s’appelait Āgnīdhra et régnait sur le continent Jambū. Il eut neuf fils, Bhārata etc. Il est bien connu que les neuf portions du continent Jambū furent appelées “Bhārata” etc., d’après les noms de ceux à qui elles échurent.
110On parle maintenant des sept continents (ou “îles”) séparés par les sept océans :
Ā. 98. Les continents, Jambū etc., dont la dimension double (avec chaque terme de la sérié) en partant de cent mille yojana, sont entourés par les océans Kṣāra (“d'eau salée”), Kṣīra (“de lait”), Dadhi (“de caillé), Sneha (“de crème”), Rasa (“de suc”), Madya (“de liqueur énivrante”) et Amṛta (“de liqueur d'immortalité ou ambroisie”.)
111V. Il faut savoir que les sept continents, Jambū etc., sont séparés par les océans d’eau salée, de lait etc., dont les dimensions vont doublant à partir de cent mille yojana. On a justifié plus haut l’expression : “Jambūdvīpa” en disant : “Elle fut appelée “île (ou continent) du Jambū, à cause... etc”.
112On montre maintenant comment les îles, Śāka etc., méritent leurs noms :
Ā. 99. Dans Sāka se dresse un teck (śāka) de haute taille. C'est lui qui a donné son nom (à ce continent). Lorsque Svayambhū voulut sacrifier, de l’herbe kuśa en or apparut sur Kauśa.
113V. Sur le continent Śāka se trouve un grand arbre appelé “śāka” (teck). Sur le continent Kauśa, (un jour) Brahmā voulut sacrifier, et alors apparut de l’herbe kuśa en or ; d’où le nom (de ce continent).
Ā. 100-101. Sur (le continent) Krauñca, le Daitya Krauñca fut tué, à l'issue d'un long combat, par Skanda qui le surpassa en puissance magique. Cela se passa dans une caverne d'or creusée par ce Daitya au flanc d’une montagne à laquelle il donna ainsi son nom. La montagne devint l'emblème du continent qui fut aussi appelé “Krauñca”.
114V. Sur le continent Krauñca le Daitya appelé Krauñca combattit Kārtikeya et fut tué par lui dans une caverne d’or de la montagne Krauñca. Ainsi, par association avec la montagne Krauñca, le continent lui-même fut appelé de ce nom.
Ā. 102. Sur Śālmala se dresse un cotonnier (śālmalin) en or, haut de mille yojana, possédant l'éclat du soleil et aimé des immortels. Emblème de ce (continent), il lui donne son nom.
115V. Sur le continent Śālmala se dresse un cotonnier (śālmalin) haut de mille yojana et qui a l’éclat du soleil. C’est à cause de lui que le continent est connu sous ce nom.
Ā. 103. Sur Gomeda (“graisse de vache”) régnait jadis un roi appartenant à la lignée de Manu et nommé “Gopati” (“maître des vaches”). Il s'apprêtait à accomplir le Gosava (“sacrifice des vaches”). Il était le sacrifiant (et les prêtres) étaient des descendants d’Utathya, semblables à Agni.
104. Alors que ceux-ci étaient engagés dans un sacrifice à Hari, (le roi) choisit les Bhṛgu pour maîtres spirituels. Alors, dans sa colère, le descendant de Gotama le maudit et il alla à sa perte.
105. Sur l'emplacement même du sacrifice, les vaches furent consumées par le feu de la colère de l'ascète. La terre qui avait porté ce sacrifice reçut alors le nom de “Gomeda”.
116V. Il y avait jadis un roi appelé “Gopati” de la lignée de Manu. Il éxécuta le sacrifice Gosava et, en tant que sacrifiant, il avait pour prêtres les descendants d’Utathya qui possédaient la force et l’éclat d’Agni. Alors que ces descendants d’Utathya s’apprêtaient à faire un sacrifice à Indra, (ce roi) choisit les Bhṛgu pour maîtres spirituels. De colère, le descendant de Gotama le maudit. Il alla à sa perte : ses vaches qui avaient déjà été conduites au lieu du sacrifice furent brûlées par le feu de la colère de ce descendant de Gotama. Le continent fut appelé “Gomeda” parce que son sol avait porté ce sacrifice.
Ā. 106. Le continent Puṣkara est ainsi nommé à cause de la rivière Puṣkariṇī, ornée de lotus d’or. Il est fréquenté par les dieux.
117V. Le continent Puṣkara, aimé des dieux, est caractérisé par la présence de la rivière Puṣkariṇī aux lotus d’or.
Ā. 107-108. Il en va dans les continents Śāka etc. comme dans les pays Kiṃpuruṣa etc. : les hommes y vivent toujours dans le Kṛtayuga. Ils se nourissent de lait etc. et ont la splendeur ici de l’or, là de la neige, ou encore de la lune, des lotus bleus, des gemmes, du cristal. Ils vivent dix mille ans et ont rejeté l’unique épine de la douleur.
118V. De même que dans les régions Kiṃpuruṣa etc. les gens connaissent toujours la condition du Kṛtayuga, en dépit de la succession (ailleurs) des âges du monde, de même (en va-t-il) dans les continents Śāka etc. Se nourrissant de lait etc., ces hommes qui ont respectivement la beauté du givre, de la lune etc. vivent dix mille ans et sont libérés de cette grande peine appelée “douleur”.
Ā. 109. (La distance) entre le septième océan et le centre de la montagne d’or, mesurée selon le diamètre, est de vingt-cinq millions trois cent cinquante mille yojana.
119V. En partant du septième océan la distance jusqu’au (centre du) Meru est de vingt-cinq millions trois cent cinquante mille yojana. Elle est mesurée “diamétralement”, c’est-à-dire selon une sécante à la région Ilāvṛta délimitée par les montagnes transversales.18
120D. Le commentaire résume sa propre explication. “Vingt-cinq millions... etc.” Ce nombre se justifie en considérant que le continent Jambū a (un rayon de) cinquante mille yojana, moitié du diamètre de l’océan Kṣāra qui l’entoure des deux côtés, et qu’ensuite les six océans et continents doublent à chaque fois de largeur.
Ā. 110. Ensuite vient une terre tout en or, possédant divers joyaux, arbres et montagnes. Elle mesure cent millions de yojana et a été établie par le Créateur pour le plaisir des dieux.
121V. Là se trouvent divers joyaux, arbres et montagnes. Cette terre d’or a été désignée par le Créateur pour servir de terrain de récréation aux dieux. Elle s’étend sur cent millions de yojana.
Ā. 111. Au-delà se dresse (la montagne) Lokāloka (“monde et non-monde”) qui sépare le monde de ce qui n'est plus le monde.
Elle mesure transversalement dix mille yojana et est couronnée de pics élevés.
122V. Elle “sépare le monde de ce qui n’est plus le monde” en ce sens que ce qui est en-deça d’elle forme le monde et ce qui est au-delà le non-monde. Au-delà d’elle il n’y a plus de monde. Elle s’étend en largeur sur dix mille yojana et est coiffée de pics extrêmement élevés.
Ā. 112. Sur ces pics les rayons du soleil ont la chaleur de ceux de la lune. A cause de l'éloignement ils ne rendent pas brûlantes — ô ascète — les demeures des gardiens des régions cosmiques.
123V. A cause de la hauteur de la montagne Lokāloka, les protecteurs des mondes, dont les demeures de plaisance sont installées sur ses pics, ne souffrent pas de la chaleur. L’éloignement du soleil fait que ses rayons produisent seulement une lumière comparable au clair de lune.
Ā. 113. Au-delà, sur trois cent cinquante et un million neuf cent quarante mille yojana, s’étendent d’épaisses ténèbres.
114. (Puis vient) le roi des océans qui s’étend sur douze millions sept cent mille yojana. Son nom est “Garbhoda”. (Puis vient) la coquille d’or qui entoure (l’œuf cosmique) de toutes parts et mesure (en épaisseur) dix millions de yojana.
124V. Au-delà de Lokāloka s’étendent, sur trois cent cinquante et un millions neuf cent quarante mille yojana, d’épaisses ténèbres. Au-delà on trouve le grand océan appelé “Garbhoda” et qui s’étend sur douze millions sept cent mille yojana. Au-delà se trouve la coquille d’or (de l’œuf cosmique) qui mesure (transversalement) un milliard de yojana.
125D. “Qui mesure (transversalement) un milliard de yojana” : depuis la coquille de l’œuf (incluse) jusqu’à (l’extrémité de) la terre d’or la distance totale est de quatre cent soixante quatorze millions six cent cinquante mille yojana. Or, depuis le septième océan jusqu’au (centre du) Meru, on compte vingt-cinq millions trois cent cinquante mille yojana. Donc, de ce côté-ci, on aboutit à un total de cinq cent millions de yojana. Comme il en va de même de l’autre côté (le diamètre de) l’œuf de Brahmā est bien d’un milliard de yojana.19
126V. Après avoir ainsi indiqué les dimensions du monde formé par la terre on va indiquer celles des six autres mondes, Bhuvar etc., qui s’étagent en hauteur au-dessus (de la terre).
Ā. 115. Le monde Bhuvar s'étend depuis la surface de la terre jusqu’à l'étoile polaire sur une hauteur de un million cinq cent mille yojana. Le monde Svar s'élève au-dessus sur huit millions cinq cent mille yojana. Il est le séjour des meilleurs habitants du ciel.
116. Le monde Mahar s'élève sur vingt millions de yojana (et abrite) des groupes d'ascètes tels que Marīci etc. Le monde Jana s'élève sur quatre-vingt millions de yojana. Il abrite les Ancêtres et (des personnages) comme Jahnu.
117. Le monde Tapas s'élève sur cent vingt millions de yojana et abrite (des personnages) comme le grand yogin Sanandana, Rbhu, Sanatkumāra et Sanaka aux grandes austérités.
118. Ensuite vient le monde Satya qui est le siège de Svayaṃbhū à la pensée tournée vers le réel. Il contient de quoi combler tout désir et mesure cent soixante millions de yojana.
119. Là réside Sāvitrī en personne et les Veda avec leurs annexes.
127V. Le monde Bhuvar mesure en hauteur, depuis la surface de la terre jusqu’à l’étoile polaire fixée sur le cercle du zodiaque, un million cinq cent mille yojana. Le monde Svar, qui s’élève sur huit millions cinq cent mille yojana, est le séjour des meilleurs habitants du ciel. Le monde Mahar, haut de vingt millions de yojana, est le séjour de troupes d’ascètes tels Marīci. Le monde Jana s’élève sur quatre-vingt millions de yojana. Là résident les Ancêtres ainsi que des ascètes tels que Jahnu. Le monde Tapas s’élève sur cent vingt millions de yojana et abrite (des personnages) comme Ṛbhu, Sanandana, Sanatkumāra et Sanaka. Ensuite vient le séjour de Brahmā qui règne sur les kalpa parce que ses pensées sont uniquement tournées vers le réel. Ce monde Satya comporte l’acquisition de tous les pouvoirs transcendants et il s’élève sur cent-soixante millions de yojana. Là réside Sāvitrī en personne et les Veda avec leurs membres auxiliaires.
128D. A partir de : “Le monde Bhuvar...” on complète l’exposé précédent par l’indication de la hauteur (des mondes) au-dessus de la surface de la terre.
Ā. 120. Ensuite viennent les résidences de l’ennemi de Madhu et de l’ennemi de la triple ville. L’une est lumineuse et s’élève sur quarante millions de yojana. L’autre, de couleurs variées, s’élève sur soixante millions de yojana. (Vient enfin) la coquille de l’œuf (cosmique) qui est épaisse de dix millions de yojana.
121. L’œuf de Brahmā mesure ainsi, selon son diamètre (vertical) un milliard de yojana. Et cette dimension (mesurée selon le diamètre) est approximativement la même dans toutes les directions.
129V. Au-dessus (de ces mondes) la gracieuse résidence de “l’ennemi de Madhu”, c’est-à-dire Viṣṇu, s’élève sur quarante millions de yojana. Celle, multicolore, de “l’ennemi de la triple ville”, c’est-à-dire Śambhu, s’élève sur soixante millions de yojana. La coquille de l’œuf (cosmique) est épaisse de dix millions de yojana. Ainsi l’ensemble des mondes à partir de Bhur s’élève-t-il sur une hauteur totale de cinq cent millions de yojana.20 Le diamètre de l’œuf de Brahmā mesure ainsi un milliard de yojana, et cette dimension est approximativement la même dans toutes les directions, haut-bas, Nord-Sud, Est-Ouest.
Ā. 122. C’est Śakra qui surveille la région Est, Agni la région Sud-Est, “le Rétracteur des êtres” la région Sud, un Rākṣasa la région Sud-Ouest.
123. Le dieu Varuṇa surveille l’Ouest, Nabhasvān le Nord-Ouest, Soma et Kubera le Nord, Śiva le Nord-Est.
124a. Brahmā surveille en haut et Hari en bas. Ils sont toujours attentifs à toutes choses.
130V. Les gardiens des régions de cet œuf de Brahmā sont Indra etc. Au Nord ce sont Soma et Kubera. Brahmā se tient comme gardien en haut et Viṣṇu en bas. Ces (gardiens) sont sans cesse et complètement en état d’alerte.
Ā. 124b-125a. Ces (gardiens) sont eux-mêmes dirigés par cent Rudra. Et — aussi puissants soient-ils — ils n’osent pas quitter leurs sièges (respectifs) par crainte de ceux-là.
125b-126a. (Ces Rudra), équipés d’armes variées de grande puissance, sont escortés de divers personnages armés qui ont l’éclat du soleil levant. Apprends leurs noms :
131V. Des Rudra contrôlent ces gardiens du monde. Ils sont dix dans chacune des dix régions. Par crainte d’eux, et en dépit de leur puissance, les gardiens ne quittent pas leurs domaines de surveillance (respectifs). Ces (Rudra) sont munis d’armes diverses, d’aspects variés, très puissantes, et leur escorte a la beauté du soleil levant.
132D. On évoquera plus loin le culte des gardiens des régions cosmiques. Les cent Rudra devront être honorés dans le cadre de ce culte car ils dirigent (les gardiens).
133V. On indique leurs noms :
Ā. I26b-I27. Budhna, Vajraśarīra, Aja, Kapālīśa, Pramardana, Vibhūti, Avyaya, Śāstā, Pinākin et Tridaśādhipa.
134V. Tels sont les supérieurs d’Indra. Voici maintenant ceux d’Agni :
Ā. 127b-128a. Bhasma, Kṣayāntaka, Hara, Jvalana, Agni, Hutāśana, Piṅgala, Khādaka, Babhru et Dahana sont installés dans la région confiée à Agni.
128b-129a. Vidhātṛ, Dhāṭr, Kartṛ, Yāmya, Mṛtyu, Viyojaka, Dharma et Adharma, Saṃyoktṛ et Hara sont les supérieurs de Yama.
135V. On mentionne maintenant les (noms des) supérieurs de Nirrti etc. :
Ā. 129b-130a. Nirṛti, Mārana, Hanṭr, Krūrākṣa, Dhūmra et Lohita, Ūrdhvaliṅga, Virūpākṣa, Daṃṣṭṛ et Bhīma sont les protecteurs du “mangeur de chair”.
136V. Le Rākṣasa Nirrti mange de la viande, de la chair, d’où son nom de “mangeur de chair”. (Des Rudra) le protègent et sont appelés ainsi “protecteurs du mangeur de chair”.
137On indique maintenant quels sont les maîtres de Varuna :
Ā. 130b-131a. Bala, Atibala, Pāśāṅka, Sveta, Bhadra, Jalāntaka, Mahābala, Mahābāhu, Sunāda, Abdarava, sont les protecteurs de l’élément liquide.
138V. Le nom “Abdarava” signifie “qui gronde dans les nuages” (i.e. “Tonnerre”). Ils “protègent”, surveillent “l’élément liquide”, l’eau, d’où leur nom de “protecteurs de l’élément liquide”.
139On mentionne maintenant les supérieurs de Vāyu :
Ā. 131b-132a. Laghu, Śīghra, Marudvega, Sūkṣma, Tīkṣṇa, Kṣaydntaka, Kapardin, Abdeṣa, Pañcānta et Pañcacūḍa sont les protecteurs de Vāyu.
132b-133a. Nidhīśa, Rūpavān, Dhanya, Saumya, Lakṣmī, Jaṭādhara, Prakāma, Śrī, Ratnadhara et Prasdda sont les protecteurs d’indu et du Yakṣa.
140V. “Les protecteurs d’indu et du Yakṣa” : il s’agit des protecteurs (communs) à Indu et au Yakṣa (Kubera) qui, à eux deux, surveillent la région Nord.
Ā. 133b-134a. Vidyesa, Sarvavid, Jñānin, Vedavid, Jyeṣṭha, Vedaga, Vidyāvidhātṛ, Bhūteśa, Balipriya, Sukhādhipa.
141V. Vidyesa etc. sont des contrôleurs installés dans la région confiée à Īśāna. On mentionne maintenant ceux qui se trouvent en haut :
Ā. 134b-135a. Śambhu, Vibhu, Guṇa, Adhyakṣa et Tryakṣa, Tridaśeśvara, Vicakṣaṇa, Nabholipsu, Saṃvāha et Vivāha se tiennent au sommet.
142V. Ces dix Rudra, Śambhu etc., “se tiennent au sommet” : ils occupent une position d’où ils dominent Brahmā. Le terme “vāha”, précédé de “sam” et de “vi” (dans le composé Saṃvivāha), sert à nommer les deux Rudra Saṃvāha et Vivāha.
143On va maintenant mentionner les Rudra qui se tiennent en-dessous de l’œuf de Brahmâ :
Ā. 135b-136a. Krodhana, Anilabhug, Bhogin, Grasana, Udumbareśvara, Viṣa, Viṣadhara, Ananta, Vajra et Daṃṣtrin sont les protecteurs de Viṣṇu.
136b-137a. Ensuite viennent les terres de jouissance et d'abord (le principe de) l'eau. Là sont installés cinq (groupes) de huit (Rudra) qui règlent la distribution des fruits tirés de leurs champs respectifs.
144V. “Ensuite”, au-dessus de l’œuf de Brahmā, s’étagent les terres de jouissance, (principe de) l’eau etc. Là sont installés cinq groupes de Rudra dont chacun compte huit membres. Quel est leur statut ? Ils “règlent la distribution des fruits éminents tirés de leurs champs respectifs”. De leurs “champs”, des domaines où ils sont installés, on tire des fruits éminents. Et ce sont eux qui en “règlent la distribution”, qui les font obtenir. L’idée est que seule leur faveur permet d’obtenir les fruits tirés des domaines où ils sont installés.
145D. On commente ensuite le sūtra qui commence par : “Ensuite viennent...”. Le présent (Āgama) n’indique pas les dimensions de ces (terres de jouissance) mais on les trouve dans le vénérable Mataṅga : “L’eau est dix fois plus vaste (que la terre), le feu (dix fois plus vaste) que l’eau, le vent (dix fois plus vaste que le feu). Dix fois plus vaste que le vent est l’espace cosmique, selon ce Traité (rédigé par) le suprême Seigneur. (Dix fois plus vaste) que l’espace est l’ego, (dix fois plus vaste) l’intelligence, (dix fois plus vaste) — ô ascète — la triade des guṇa, dix fois plus vaste la Nature. Au-delà, et jusqu’à l’extrémité du domaine de la māyā, il faut multiplier à chaque fois par cent ; au-delà, et jusqu’au principe de) Sadāśiva, par mille. Au-delà il faut multiplier par cent mille. Le groupe des quatre (premières kalā) va jusqu’à Śānti. Au-delà est l’incommensurable Śiva”.21 “Les fruits tirés de ces domaines...” : on obtient tel ou tel monde en propitiant le souverain de ce monde.
146V. On mentionne maintenant ces (Rudra) :
Ā. 137b-138a. Bhārabhūti, Āṣāḍha, Ḍiṇḍi, Lākuli, Amara, Puṣkara, Prabhāsa et Naimiṣa forment un groupe de huit caché dans (le principe dé) l'eau.
147D. Ces quarante noms, Bhārabhūti etc., sont aussi ceux de lieux dans le pays Bhārata, parce que (par un pélerinage) en ces lieux on peut obtenir ces divers mondes. Il est dit dans le Mataṅga : “Ces lieux (de pèlerinage) ont été jadis établis sur la sainte terre Bhārata par l’Ordonnateur désireux de faire le bien des gens et de leur permettre d’obtenir ces (mondes). C’est là que Hara se manifeste”.22
Ā. 138b-139a. Śrīśaila, Jalpa, Kedāra, Bhairava, Amrātakeśvara, Hariścandra, Mahākāla et Madhya se trouvent cachés, au superlatif, dans l'éclat.
148V. “Au superlatif” : cela revient à dire qu’ils sont profondément cachés. “Dans l’éclat” signifie : “dans le principe du feu”.
Ā. 139b-140a. Mahendra, Bhīma, Vimala, Kurukṣetra, Gayā, et Khala précédé de “nā”, soit “Nākhala”, ensemble avec Aṭṭahāsa, et Nakhala
149V. Dans la liste des Rudra à partir de Mahendra il est un Khala qui est précédé de “nā”, d’où “Nākhala”. Ils résident dans le principe du vent. Ils forment un groupe de huit encore plus profondément caché.
150D. Dans le principe du vent se trouve un groupe de huit encore plus caché.
Ā. 140b-141a. Sthāṇu, Svarṇākṣa, Gokarṇa, Bhadrakarṇa, Mahālaya, Vastrāpada, Avimukta, Rudrakoṭi forment le groupe des huit “purifiants”, installé dans le domaine de l’espace.
151V. “Dans le domaine de l’espace”, dans le principe de l’espace, est installé ce qu’on appelle “le groupe des huit purifiants”.
Ā. 141b-142a. Je vais te dire les noms — ô ascète — des huit Rudra qui se trouvent dans les principes de l'orgueil, des éléments subtils et des sens.
152V. “Dans les principes de l’orgueil...” : à l’intérieur des principes de l’ego, des éléments subtils et des sens se trouvent les huit Rudra, Mākoṭa etc., que l’on va mentionner.
153D. On explique ensuite le passage : “Je vais te dire... etc.”.
154— Mais, dans un passage du Mataṅga, il est dit que les demeures de ces divers dieux ne se trouvent que dans les éléments subtils : “C’est dans les éléments subtils que résident ces Rudra munis des pouvoirs extraordinaires du yoga”.23 Comment peut-on dire alors, que ces huit Rudra sont répartis à l’intérieur du groupe de principes qui va de l’ego aux éléments subtils ?
155— Il n’y a pas ici de contradiction : on a simplement voulu dire que les (résidences) de ces huit (Rudra) devront être purifiées dans la cérémonie d’initiation “par la voie des mondes”.
156V. On indique leurs noms :
Ā. 142b-143a. Mākoṭa, Maṇḍaleśāna, Dviraṇḍa, Chagalaṇdaka, Sthala et Sthūleśvara, Śaṅkukarṇa et Kālāñjana.
157V. On énumère ensuite les huit mondes compris dans le principe de l’intelligence :
Ā. 143b-144a. Dans l’intelligence se trouvent huit subtiles cités des dieux. D’abord (vient) celle des Piśāca, puis celle des Rākṣasa, celle des Yakṣa, celle des Gandharva, celle du grand Indra qui a très belle apparence,
144b. celle du roi Soma et celle de Brahmā qui brille d’un éclat suprême.
158V. Dans le principe de l’intelligence se trouvent huit mondes subtils. La série commence avec le monde des Piśāca et se termine avec celui de Brahmā. “Qui brille d’un éclat suprême” : elle surpasse en splendeur la très belle cité d’Indra elle-même.
159D. Ceci constitue le groupe des huit résidences subtiles des dieux. Quant à leurs résidences visibles, elles se trouvent à l’intérieur de l’œuf (de Brahmā). Les partisans du Sāṃkhya ont déclaré : “La création divine est octuple, l’animale quintuple, l’humaine unique ; telle est en bref la création matérielle”.24
160V. On mentionne maintenant les huit mondes des yogin situés dans le principe des guṇa :
Ā. 145. Les demeures des maîtres du Yoga, situées dans le (principe des) guṇa, sont : Akṛta, Kṛta, Bhairava, Brāhma, Vaiṣṇava, Kaumāra, Auma et enfin Śraikaṇṭha.
161V. Ensuite...
Ā. 146. La brillante demeure de Vīrabhadra est louée par les bons yogin. Il possède une splendeur supérieure à celle de tous les Rudra postés au-dessous de lui.
162V. Vīrabhadra, parce qu’il reçoit la Grâce directement du suprême Seigneur, possède une splendeur supérieure à celle des (Rudra) postés à un niveau inférieur à celui de sa propre résidence. Celle-ci, brillante, est louée par les yogin. Ici aussi il y a des Rudra qui se tiennent précisément au sommet du principe des guṇa.
163D. “KṛtaBhairava” signifie : Krta et Bhairava. Des régents cosmiques tels que Bhārabhūti etc. sont dirigés par Ananta. De plus, comme on l’a dit, ceux qui sont installés dans le principe des guṇa sont mis en mouvement par Śrīkaṇṭha : “Ils commandent tous aux dieux, sous l’égide de Śrīkaṇṭha, ces êtres pleins d’énergie”.25 (Ils sont donc aussi dirigés par Ananta), parce que lui aussi est mis en mouvement par Śiva. C’est pourquoi on dit que la demeure de Virabhadra se trouve au-dessus du principe des guṇa, dans la partie inférieure du principe de la Nature. C’est pourquoi elle subsiste lors de la résorption cosmique moyenne qui s’arrête au principe des guṇa. On dira : “Alors, les cent Rudra, Vīrabhadra et Śrīkaṇṭha, ainsi que les maîtres de la Nature, investissent de leur puissance le monde subtil, les corps subtils dépositaires (du karman) et dissous dans la Nature, les êtres pensants (enfin), et ils demeurent un certain temps dans cet état”.
164Dans le Mataṅga on dit que le premier monde à l’intérieur du principe de la Nature appartient à Śrīkaṇṭha. Pendant la période où subsiste ce monde, Vīrabhadra se tient, comme les cent Rudra, au-dessus de l’œuf de Brahmā. Sa compétence se limite à ce niveau, à la différence de celle de Śrīkaṇṭha dont la limite est le principe des guṇa. Il est dit dans le Raurava : “Les cent Rudra etc. sont réputés avoir Vīrabhadra à leur tête et obéir à Śrīkaṇṭha”.26 Ailleurs aussi on a dit : “Ceux qui veillent sur l’œuf (cosmique) ont Vīrabhadra à leur tête”. C’est pourquoi les maîtres disent : “C’est au seul niveau où ils se tiennent que leurs mondes doivent être purifiés (dans la cérémonie d’initiation) ; ainsi le monde de Śrīkaṇṭha (doit-il être purifié) au niveau du principe des guṇa.” Quant aux treize Rudra, Vāmadeva etc., on indique qu’ils se tiennent en dessous de Vīrabhadra, au sommet (du principe) des guṇa.
165V. Quels sont (leurs noms) ? On répond :
Ā. 147. Ceux-ci, appelés Vāmadeva, Bhava, Ananta, Bhīma, Umāpati, Ajeśvara, Sarveśāna, Īśvara, Ekavīra, Ekaśiva,
148. Ugra, Pracaṇḍadṛk et Īśa, sont devenus eux-mêmes des maîtres après avoir propitié Krodha par une dure ascèse.
149a. Ces Rudra sont ponctuels dans l'exécution de leur tâche. Ils s’occupent de tout et sont au courant de tout.
166V. Ayant abtenu, grâce à une grande ascèse, la faveur de leurs supérieurs, Krodha etc., “ils sont eux-mêmes devenus des maîtres”, ils peuvent transmettre eux-mêmes la Grâce. Dans l’accomplissement de leur tâche propre, ils sont “ponctuels”, habiles, et possèdent une connaissance et une activité qui s’appliquent à tous les objets.
167D. “Une connaissance et une activité...” : cela uniquement dans les limites de leur tâche propre.
Ā. 149b-150. Apprends maintenant (les noms de) ces maîtres de la Nature qui possèdent une splendeur dix fois supérieure à celle (des précédents) : Krodhesa, Candasamvarta, Jyoti, Piṅgala, Śūraga, Pañcāntaka et Ekavīra, ainsi que Śikheda.27
168V. Ceux qui possèdent une splendeur dix fois supérieure à celle de Vāmadeva etc., précédemment mentionnés, sont les maîtres de la Nature, Krodheśa etc.
169D. (Le composé) “Caṇḍasaṃvarta” ne désigne qu’un seul et même (personnage). On a dit que ces huit (maîtres), Krodheśa etc., étaient dirigés par Śiva.
Ā. 151. Réceptacle de tous les sens, de tous les corps, de tous les organes internes, un régent se tient dans l’Esprit, la Nécessité et le Temps, doué du pouvoir de mettre en mouvement.
170V. Dans le monde situé à l’intérieur du principe de l’Esprit se tient un Rudra, régent caractérisé par la possession de tous les pouvoirs sensoriels etc. On a dit plus haut, à propos de la détermination du principe de l’Esprit : “Sur le plan cosmique, il sert de support à des Rudra”. De même, au niveau de la Nécessité (niyati), (le régent) porte le nom de “répresseur” (niyantṛ), et au niveau du Temps (kāla) il est doué de la puissance de mouvoir (kalana).
171D. On a dit que ce monde était situé dans la partie inférieure de (la série des principes de) la Passion etc. et au sommet de la Nature, parce que le principe de l’Esprit ne se prête pas à lui servir de support28. C’est cela même que (le commentaire) donne à entendre par la citation : “On a dit plus haut... etc.”
Ā. 152. Bhuvaneśa, Mahādeva, Vāmadeva, Bhava et Udbhava, Ekapiṅga et Ekekṣaṇa, Iśāna et Aṅguṣṭhamātra sont pleins d’éclat.
153. Dans ce domaine de kalā, qui forme la matrice de la Passion et du Savoir, dans le cercle des soixante-quatre grandes cités, résident ces régents des régions cosmiques, semblables à Śiva.
172V. Le cercle des soixante-quatre grandes cités, produit d’une multiplication de huit à la manière indiquée dans le vénérable Mataṅga, se trouve dans le monde de kalā qui lui-même forme la matrice de la Passion et du Savoir. Là résident les régents des régions cosmiques, Bhuvaneśa etc. Leur splendeur est très grande car ils ont une puissance comparable à celle du suprême Seigneur. Mais pourquoi ne pas mentionner ici les (noms des) soixante-quatre cités qui composent le cercle ? Parce qu’on l’a fait dans le vénérable Mataṅga.
173D. “Le monde de kalā” : le terme “monde” a ici le sens de “lieu de résidence”. Il s’agit de la (portion de la) voie qui va (du principe) de la Passion à celui de kalā. “Là résident ces régents... etc.” : le sens est qu’ils sont purifiés par le simple fait de la purification de ces lieux lors de la cérémonie d’initiation. “Car ils ont une puissance comparable...” : c’est ainsi que les régents des régions cosmiques, Krodheśa etc., reçoivent eux-aussi (directement) la Grâce de Śiva. Ils ne sont pas, à la différence de Gahaneśa etc., dirigés par Ananta.
174— Mais pourquoi parlera-t-on ensuite de Gahaneśa etc. comme des maîtres des régents des régions cosmiques ?
175— Ils les mettent en mouvement par le simple fait qu’ils habitent dans des mondes supérieurs ; ainsi il n’y a pas de contradiction.
176V. On indique quels sont leurs propres maîtres :
Ā. 154. Ananta, Trikala, Gopṭr, Kṣemīśa, Brahmaṇaspati, les deux Rudra régents, et Gahaneśa qui règne sur tout.
155. Ces Rudra remplissent leur office dans le domaine de la māyā et sont les Seigneurs des régents des régions cosmiques. Ils meuvent la foule des êtres juchée sur la roue de la transmigration.
156. Telle est la condition terrible de tous les êtres en laquelle, ignorants, ils sombrent dans le désespoir, comme des vaches immobilisées dans la boue.
177V. Ces huit Rudra, Ananta etc., vaquent à leur office dans le domaine de la māyā. Parce qu’elle est animée d’un mouvement incessant la transmigration est elle-même une roue. Aussi cette condition de tous les êtres est-elle “terrible”, malheureuse. Ignorants, ils s’y livrent au désespoir, comme un taureau paralysé par la boue où il s’est enlisé.
178D. “Ainsi cette condition...” : telle est — dit le commentaire — la voie impure de la māyā.
179V. On mentionne maintenant les “reines du (principe du) Savoir” qui se tiennent dans le monde du Savoir :
Ā. 157. Bhṛguṇī, Brahmavetālī, Sthāṇumatī, Ambikā la supérieure, Rūpiṇī, Nandinī et Jvālā sont les sept maîtresses des soixante-dix millions (de Mantra).
158a. Mais elles sont appelées “reines du Savoir” et, dans le (monde du) Savoir, elles sont louées par des Rudra.
180V. Ces sept reines du Savoir sont louées par ces Rudra, régents des régions cosmiques, dont on vient de parler. Elles commandent aux soixante-dix millions de Mantra.
181D. Par les noms (des reines), Bhṛguṇī etc., sont indiqués les mondes situés sur la voie pure.
Ā.. 158b-159a. Au-dessus d'elles se tient le dieu Vidyādhipati, à la gloire éclatante, escorté de huit essaims de Rudra tout pénétrés de la pensée de ce Seigneur des Mantreśvara.
159b-160a. Des Rudra comme Ucchuṣma, Śambara, Caṇḍa, Mahāvīrya, Padadruha, des troupes (de dieux secondaires), des gardiens des régions cosmiques, des traités religieux et des maîtres s’y trouvent (également).
160b-161a. Mais ceux-ci, Ananta etc., ont déjà été mentionnés — ô brahmane — et leur nature décrite à la faveur d’une série de questions.
182V. Au-dessus des reines du savoir, Bhṛguṇī etc., est installé le Rudra Vidyādhipati, “à la gloire éclatante” parce que sa connaissance et son activité possèdent une perfection insurpassable. Par le fait qu’il fait agir les Mantreśvara, Ananta etc., il en est le maître, l’auguste Seigneur. Il est escorté de huit essaims de Rudra, “pénétrés de sa pensée”, c’est-à-dire (de Rudra) dont les pouvoirs de connaissance et d’action ont été stimulés par lui. Le sens est que les Rudra qui se trouvent à ce niveau sont mis en mouvement par ce Seigneur. On a dit : “Ce Seigneur met en mouvement les âmes qui sont les maîtres des Vidyā (i.e. des Mantra) situés en dessous. Simplement mis en mouvement par lui, ils construisent le monde d’en-dessous”. Les (autres) Rudra sont Ucchuṣma etc. Des “troupes” (de dieux secondaires) se trouvent également ici : Devi, Skanda, Caṇḍa, Vrsa etc. Des gardiens des régions cosmiques aussi, Indra etc. ; des traités religieux encore, tels que les Niśvàsakàrikà ; des maîtres enfin, tels qu’Ananta etc. Mais ceux-ci ont déjà été mentionnés et leur forme propre décrite plus haut (en réponse) à une série de questions.
183D. Ici le groupe des huit essaims de Rudra doit être purifié (au cours des rites) comme inclus dans le monde de Vidyādhipati. Mais, disent les maîtres, Ucchusma et les autres doivent être purifiés comme inclus dans le monde des Vidyeśvara, Ananta etc. Dans le groupe (de huit) formé par Ananta et les autres, seul l’auguste maître Ananta est “incitateur”. Quant aux autres, ils sont tous soumis à lui et mûs par lui. On a déjà dit cela. “Des troupes...” : il s’agit ici des chefs des troupes (de dieux secondaires) qui, dans la Section des Rites, seront mentionnés avec Ganesa etc. “Des traités religieux...” : à savoir ceux qui sont passés à la manifestation. “Des maîtres...” : étant donné que ceux-ci se trouvent au-dessus du monde de Vidyādhipati dont la tâche propre (se limite) à la voie de la grande māyā et qu’Ananta doit être (ici) appelé du nom de “Seigneur”, ces huit mondes doivent être considérés comme appartenant au principe du Seigneur. On dira plus loin : “Au-delà des Seigneurs, et jusqu’(au principe de) Śānti (la Paix), s’étend le principe de Sadāśiva”. De même, dans le vénérable Parākhya : “Il y a un Seigneur appelé Ananta...”.
Ā. 161b-162a. Dans (le principe de) Sadāśiva résident des formules de purification ainsi que des formules accessoires ; (là) se tient le dieu Sadāśiva, entouré de Seigneurs des kalā telles que Nivṛtti.
162b-163a. Dans (Je principe de) nāda (réside) le maître du son primordial. Dans la Puissance (réside) le meilleur des êtres doués de puissance, l'origine de toutes choses, ainsi que des maîtres comme Vāgīśa. Au-delà (règne) Śiva.
184V. Dans le monde de Sadāśiva se trouvent des “formules de purification”, des formules sacrées comme Sadyojāta. Les “formules accessoires” sont celles qui font briller Śiva dans toutes les âmes. Là se tient le Seigneur Sadāśiva, entouré d’une escorte de huit Rudra, Sakala, Niṣkala etc. Dans le lieu fait de bindu résident les maîtres des quatre kalā : Nivṛtti, Pratiṣṭhā, Vidyā et Śānti. Dans le monde de nāda réside le maître du son. originel. Le vénérable Svatantra, dans le chapitre qu’il consacre au nāda, s’exprime ainsi :
185“Là se tient le maître de suṣumnā, qui a l’éclat de dix mille milliards de lunes ; il possède dix bras, trois yeux et se tient dans la posture du lotus blanc. Glorieux, il a une lune pour diadème, cinq visages et un grand corps”.
186“Dans la Puissance”, dans le domaine de la Puissance, se tient le suprême Seigneur, “le meilleur des êtres doués de puissance”. Là même (réside) la puissance kuṇḍalinī, appelée ici “origine de toutes choses”. Par l’intermédiaire de nāda et de bindu elle est cause de la manifestation de l’univers entier. Il est dit dans le vénérable Svatantra :
187“Là se tient la puissance kuṇḍalinī, qui se conforme à la māyā et au karman. Nāda, bindu et le reste sont ses effets, et c’est ainsi que l’univers existe”.
188“Des maîtres comme Vāgiśa” : ils sont installés en ce lieu même, en tant que maîtres des mondes. Dans ce même texte il est dit : “Il est — ô chère — cause des régents cosmiques qui y habitent”. “Au-delà (règne) Śiva” : la forme propre du suprême Śiva, elle-même dépourvue de kalā, doit être considérée comme au-delà de toutes les causes pourvues de kalā. Dans ce même vénérable Svatantra il est dit : “Le principe suprême — ô belle — est au-delà de ces choses, parfait”.
189D. Les formules sacrées accessoires font partie de la liste : Sakala, Niskala etc., qui appartient uniquement au groupe (des Mantra) de la Puissance. Dans son commentaire au Kālottara l’honorable Rāmakaṇṭha a déclaré, dans le chapitre des huit aspects de Śiva : “Il y a Sakala, Niskala, Śūnya, Kalāḍhya, Khamalaṃkṛta, Kṣapaṇa, Antastha et Kaṇṭhoṣṭhya en huitième”29. Et, après avoir ainsi enseigné les huit variétés de “Mantra de propitiation”, il commente le sūtra de conclusion et déclare : “Puisqu’on a mis en évidence une diversité de puissances présidant aux Vidyeśvara, ces Mantra eux-mêmes, comme les formules sacrées accessoires (brahmāṅga), ont été distingués (les uns des autres) en fonction de cette diversité”.
190— S’il en est ainsi, pourquoi parler de huit Rudra ?
191— Il n’y a pas ici de contradiction : on en parle au figuré, d’après les huit qualités de Rudra, c’est-à-dire de Śiva. Quant aux distinctions telles que “maître du son originel” etc., elles sont également métaphoriques et se rapportent à Śiva en tant que différencié par des conditions extrinsèques liées, au niveau du principe de Sadāśiva, à son gouvernement des mondes. On dira : “Au-delà des Seigneurs, et jusqu’(au principe de) Śānti (la Paix), s’étend le principe de Sadāśiva. (Là), les mondes sont les kalā de nāda etc. et il n’y a pas d’autre maître que Śiva”. Le corps de Śiva étant fait de puissances c’est seulement par image qu’on parle ici de son “escorte”, au sens de l’ensemble des régents subordonnés à Lui. Mais la distinction mutuelle de ces derniers et leur union à des corps faits de bindu sont choses absolument réelles. Ces êtres, en effet, dont les âmes ont à être purifiées (par un rituel), sont unis à ces mondes, soit par la cérémonie d’initiation, soit par une méditation qui les constitue comme Seigneurs de tel ou tel monde.
192— Mais d’autres traités parlent de Śiva et de sa Puissance comme de deux principes (distincts). Comment, dans ces conditions, admettre la formule qui sera employée plus loin : “Au delà des Seigneurs, et jusqu’au principe de) Śānti (la Paix), s’étend le principe de Sadāśiva” ?
193— A cela on répond : “Dans le lieu fait de bindu... etc.”. Le sens est qu’il n’y a pas de différence entre le Seigneur Śiva et sa Puissance et qu’il est donc approprié de parler d’eux comme d’une entité une. Mais sa puissance assumée, appelée “la grande māyā”, se transforme réellement en nāda, bindu etc. On parle alors d’un principe de la Puissance, constitué par l’état de jouissance de Śiva, et comprenant les quatre kalā du bindu, Nivṛtti etc. Il est dit dans le vénérable Mataṅga : “Cette belle réalité quadruple est à la fois sakala et niṣkala (pourvue et dépourvue de kalā) ; c’est en elle — enseigne-t-on — que le Seigneur jouit éternellement du monde”.30
194“Dans le monde de nāda...” : on indique ici que les mondes Indhikā etc., que l’on va énumérer et qui sont déjà indirectement désignés par l’expression “maître du son originel”, font partie du principe de Śiva. Le “son originel” est ici le premier courant à forme de monde qui procède de la Puissance. Mais on indique que c’est Śiva, lui-même dépourvu de kalā, qui préside éternellement à la grande māyā, en tant que ses effets sont résorbés en elle. “Dans ce même texte...” : on indique ici que, dans un autre traité, un état particulier (de la grande māyā), appelé “kuṇḍalinī” est considéré comme la cause de la production du son articulé. Par l’expression : “des maîtres comme Vāgīśa” c’est Śiva luimême qui est désigné métaphoriquement, en fonction de la distinction de ses effets, (ici) en tant qu’il fait surgir le son articulé par l’intermédiaire de bindu et de nāda. Comme ces régents des mondes de bindu et de nāda possèdent des propriétés semblables ils sont désignés dans d’autres traités par le terme (général) de “Seigneurs des mondes”.
195“En ce lieu même” : ici sont réfutés les partisans du Brahman-Parole. La grande māyā, étant non-pensante, ne saurait, sans être dirigée par Śiva, produire des effets comme le son articulé. Et nous dirons, au début de la Section des Rites, que la qualité d’effet du son articulé est chose établie : “Que nāda procède de la Puissance, et ensuite bindu, la syllabe Om, l’alphabet...”. “Au-delà (règne) Śiva” : par ces mots (le sūtra) indique que la résidence véritable du suprême Seigneur, lui-même déjà présenté comme au-delà de tout ce qui comporte puissance, est au-delà de la grande māyā ainsi constituée.
196V. Dans un souci de critique, l’ascète pose une question :
Ā. 163b-164a. On suppose que des âmes possédent des corps sur les (portions de) voie qui vont de Sadāśiva à Śiva. Mais, (à ce niveau), toutes les excellences disparaissent. Comment peut-on alors parler de maîtres situés au-dessus (de ce niveau) ?
197V. Des (portions de) voie s’étendent, au-dessus du principe de Sadāśiva, jusqu’à Śiva. Là on suppose que “des âmes”, les Seigneurs des kalā telles que Nivṛtti et la série qui commence par le “maître du son originel”, “possèdent des corps”, sont jointes à des corps divins. Or, dans ce principe de Sadāśiva, “toutes les excellences disparaissent”. A partir de là, en effet, il n’y a plus d’autre excellence que le principe de Śiva, libre de kalā. Dans ces conditions, comment parler de maîtres situés au-dessus (de ce niveau) ?
198D. Ici, indique-t-on, l’ascète, en proie au doute, présente une objection.
199V. Et voici la thèse définitive :
Ā. 164b-165a. Au-delà des Seigneurs, et jusqu'(au principe de) Śānti (la Paix), s'étend le principe de Sadāśiva. (Là), les mondes sont les kalā de nāda etc. et il n’y a pas d’autre maître que Śiva”.
200V. Au-delà du principe du Seigneur, désigné indirectement à travers les noms de Vidyeśvara comme Ananta etc., et jusqu’au principe où cessent les kalā, s’étend le principe de Sadāśiva. Ici, ce sont seulement les kalā de bindu, nāda etc. qui doivent être considérées comme formant les mondes. Ici, c’est le maître Śiva qui préside, seul, à tous les principes, et il n’y en a pas d’autre. Aussi, il n’y a pas lieu de présenter une objection du genre : “Comment peut-il y avoir des maîtres au-dessus (de ce niveau) ?”.
201D. On commente le sūtra qui présente la thèse définitive. Donc, selon ce traité, il convient de penser que les principes de Sadāśiva et de la Puissance seront, dans la cérémonie d’initiation “par la voie des principes,” purifiés par une seule et même opération. Mais ce point a déjà été abordé.
202V. S’il en est ainsi, comment justifier cette différence des maîtres évoquée dans le texte : “Dans (le principe) de nāda (réside) le maître du son primordial. Dans la Puissance (réside) le meilleur des êtres doués de puissance” ? A cela on répond :
Ā. 165b-166a. Mais cette différence des maîtres dont parle ce traité est figurée, comme l’est la différence des puissances qui vient de celle des effets. (Ici) elle est produite par la différence des lieux de résidence.
203V. Il n’y a pas ici d’autre maître que le Seigneur Śiva. Mais la différence mentionnée dans ce traité entre les maîtres des diverses kalā, Nivṛtti etc., ressemble à celle des puissances. La Puissance est une mais elle se différencie figurativement en Vāmā etc. en fonction de la différence de ses effets. De même, la différence des maîtres est produite par celle de leurs lieux de résidence et de leurs effets.
204C’est précisément dans le but d’exposer ces différences entre les effets qu’on décrit (maintenant) la forme propre des quatre Maîtresses des kalā, Nivṛtti etc., qui se trouvent dans le monde de bindu :
Ā. 166b-167a. Ces puissances, grâce auxquelles est produit l'épanouissement de la lumière de l'esprit, sont les Maîtresses des mondes appelés “Nivṛtti” etc.
205V. Ces puissances par lesquelles le Dieu provoque la manifestation dans l’âme de cette “lumière” qui consiste en omniscience et en activité universelle, sont les Maîtresses des mondes appelés “Nivṛtti”, “Pratiṣṭhā” etc. Ceci est leur nature commune. On indique maintenant leurs natures particulières :
Ā. 167b-168a. Cette (puissance) par laquelle Il incline les êtres au renoncement est (sa puissance) d'arrêt. Son siège s’appelle Nivṛtti et, dans ce cas, le Seigneur lui-même est “renonçant” (nivṛttimān).
206V. Cette puissance du Seigneur par laquelle “Il incline au renoncement” les quatorze espèces d’êtres, c’est-à-dire les fait se tourner vers la délivrance en provoquant en eux le dégoût de la transmigration, est occupée à détourner de l’existence. Son “siège”, son domaine, s’appelle Nivṛtti (“renoncement”) et son Maître, le suprême Seigneur, y est “renonçant”. Ainsi exprime-t-on que (le Seigneur) se différencie en fonction des sièges et des effets. Il en va de même pour Pratiṣṭhā et les autres (puissances).
207D. “Les quatorze espèces d’êtres” : les maîtres disent que cela désigne indirectement (tous) les êtres liés. Ceux qui veulent atteindre ce séjour doivent adorer Śiva uniquement sous sa forme “Sadyojāta”. De même, dans les mondes de Pratiṣṭhā , de Vidyā, de Śānti, (Śiva) devra être adoré sous ses aspects de Vāmadeva, Aghora et Tatpurusa respectivement.31 Ceux qui viennent à résider dans tel ou tel de ces mondes, pour avoir adoré le Seigneur de ce monde, y reçoivent réellement un corps fait de bindu. On dira aussitôt après : “Ceux qui ont atteint ce monde, grâce à leur possession de l’instrument śivaïte du salut, y demeurent jusqu’à la fin (de ce monde) et y goûtent le bonheur. Ensuite, ils vont au suprême séjour”.
208V. Ainsi...
Ā. 168b-169a. Cette (puissance) par laquelle Il empêche (l’âme) renonçante de redescendre est Pratiṣṭhā (“fixation”). Son siège et son Seigneur s’appellent également ainsi.
209V. Cette puissance de Śiva, par laquelle Il empêche l’âme méditante, favorisée de la Grâce et tournée vers la délivrance, de redescendre dans le monde de la transmigration, est appelée “Pratiṣṭhā” (fixation), parce qu’elle arrête la marche (vers le bas) de l’âme. Son siège est le monde Pratiṣṭhā et son Seigneur est le maître de Pratiṣṭhā.
Ā. 169b-170a. Cette (puissance) par laquelle Il procure à l’âme une connaissance autre que celle obtenue par la déduction ou par le témoignage des personnes compétentes est Vidyā (le Savoir).
Son siège s’appelle également ainsi et son Seigneur est Vidyeśa.
210V. En laissant de côté la connaissance “obtenue auprès des personnes compétentes”, par témoignage verbal, et celle obtenue “par la déduction”, par la voie de l’inférence, il reste une (certaine) connaissance directe de tous les objets. La puissance par laquelle le suprême Seigneur manifeste à l’âme une telle connaissance est appelée “Vidyā” (Savoir) et son monde porte le même nom, tandis que son Seigneur s’appelle “maître de Vidyā”.
Ā. 170b-171a. Cette puissance par laquelle Hara apaise, dans l’âme, toute douleur, c’est Śānti (la Paix). Son siège porte aussi ce nom et, dans cette opération, Hara est “apaisé” (śāntimān).
211V. Cette puissance par laquelle le Seigneur Śiva apaise toute douleur de l’âme est Śānti (la Paix). Son siège est aussi appelé Śānti et, dans cette opération, le Seigneur est dit “śāntimān” (apaisé).
212Après avoir ainsi énoncé les quatre kalā de bindu on passe aux kalā de nāda :
Ā. 171b-172a. Ces (puissances) par lesquelles Il (procure) à l’âme désireuse de délivrance une lumière qui rayonne en haut et en bas et qui est, soit “grande”, soit “plus grande”, soit “très grande”, sont Indhikā etc.
172b. Leurs sièges portent ces noms mêmes et, dans ces trois (kalā), le Seigneur aussi (porte ces noms).
213V. La “délivrance” est la libération, la disparition du lien. La forme “vimucyataḥ” est obtenue par contraction à partir de “vimucam icchati” (“qui désire la délivrance”) avec application de l’indice du participe présent (qui l’empêche d’avoir un sens passif). A cette âme avide de délivrance Il procure une lumière qui rayonne en haut et en bas. Quand cette lumière est “grande”, c’est par Indhikâ qu’il la lui procure, quand elle est “plus grande” c’est par Dīpikā, quand elle est “très grande” c’est par Rocikā. Leurs sièges s’appellent aussi “Indhikā” etc. Et, dans ces trois kalā, le Seigneur porte ces noms mêmes : Indhikā etc.
214D. Il faut comprendre que, par “Indhikā” etc., sont désignés ici indirectement le monde “au-delà de la Paix”, dont parlent d’autres traités, ainsi que les mondes tels qu’Anāśrita etc. Là-même où l’on ne prend en considération que le seul monde “au-delà de la Paix”, ces mondes également sont visés. On a dit : “Ces mondes qui relèvent du principe de Śiva, ayant la forme d’une puissance de la grande māyā, ne supportent pas d’autres mondes. Ils se tiennent au sommet de Śānti (la Paix) qui en est un effet”.
215V. On décrit maintenant, de la même manière, l’activité de Mocikā et de Ūrdhvagā :
Ā. 173. Cette (puissance) par laquelle Il détruit (chez les Vidyeśvara etc.) la passivité qu’un reste de souillure, en dépit de leur omniscience etc., produit en eux, s’appelle “Mocikā”, ainsi que son domaine.
174. Et Celui qui accomplit cette opération est Mocaka. (La puissance) par laquelle Il confère la qualité de Seigneur est Ūrdhvagā. Tel est aussi le nom de son siège, et son Seigneur est “le maître d’Ūrdhvagā”.
216V. Les (âmes) qui occupent des charges de Vidyeśvara etc., bien qu’elles possèdent des qualités comme l’omniscience, sont (encore) mûes, en raison d’un reste de souillure (qui s’attache à elles). La puissance par laquelle le Bienheureux met fin (à cette passivité) est appelée “Mocikā”. Tel est aussi le nom de son siège et celui du suprême Seigneur en tant qu’il accomplit cette opération. Tout cela peut être désigné par le terme “Mocikā”.
217Quant à cette puissance par laquelle Il confère la qualité de Seigneur à celui qu’il favorise de la Grâce, elle est appelée “Ūrdhvagā”. Son siège porte aussi ce nom, et le Seigneur, en tant qu’il la gouverne, est appelé : “le maître d’Ūrdhvagā”.
Ā. 175. Ceux qui ont atteint ce monde, grâce à leur possession de l’instrument śivaïte du salut, y demeurent jusqu’à sa fin et y goûtent le bonheur. Ensuite, ils vont au suprême séjour.
176a. Mais ils n’accomplissent pas les opérations de création etc., car ils s’en tiennent à ce qui était leur but propre.
218V. Ces âmes sont en possession de “l’instrument śivaïte du salut”. Il s’agit du moyen appelé “initiation” qui relève du suprême Seigneur et consiste à opérer une jonction avec divers mondes, comme on l’expliquera. Il s’agit (aussi) d’une connaissance qui consiste en divers enseignements. Grâce à cet instrument, elles ont obtenu ce séjour et elles y demeurent aussi longtemps que lui-même subsiste. Elles y connaissent des jouissances d’ordre supérieur et, ensuite, “vont au suprême séjour”, deviennent semblables à Śiva. Mais elles n’accomplissent pas les opérations propres au suprême Seigneur, création, maintien de l’univers etc. En effet, “elles s’en tiennent à ce qui était leur but propre”, à savoir l’obtention du nirvana. Comme il n’existe plus pour elles aucune autre chose à atteindre et que leur passivité a disparu, elles s’abstiennent purement et simplement d’effectuer les opérations de création, de maintien de l’univers etc.
219En conclusion, on déclare :
Ā. 176b. Ainsi, le principe de Sadāśiva t'a été brièvement exposé.
220V. “Brièvement” signifie “dans une très modeste mesure”. “A toi”, l’ascète Bharadvāja, en réponse à tes questions.
221En liaison avec le texte précédent : “Au-delà des Seigneurs, et jusqu’au (principe de) Śānti (la Paix), s’étend le principe de Sadāśiva” on pose que le principe de la Puissance fait partie de celui (de Sadāśiva) :
Ā. 177. Il en va ainsi également pour la Puissance. (Sadāśiva) est “pourvu de kalā” en rapport avec ses opérations. Celles-ci se déploient à partir de Lui. Ailleurs, il est constamment dépourvu de kalā.
222V. La Puissance a la même extension. “Ainsi” signifie : “de la manière indiquée”. Le Seigneur Sadāśiva est pourvu de kalā “en rapport avec ses opérations”, à cause de ses activités de maintien de l’univers etc. Il est accompagné de kalā liées aux cinq Brahmamantra et qui sont au nombre de trente-huit32. Par elles qui ont nom Taraṇī, Tārā, Sutārā etc. il acquiert une forme. On a dit plus haut : “Son corps est fait de cinq Mantra, en rapport avec ses cinq opérations. Isa, Tatpuruṣa, Aghora, Vāma, Aja forment respectivement Sa tête etc.”. Et ces opérations “se déploient à partir de Lui” : sa quintuple opération s’effectue immédiatement, par son simple désir. “Ailleurs”, quand Il n’opère pas le maintien de l’univers etc. ou quand Il cesse de le faire, le suprême Seigneur “est constamment dépourvu de kalā” : c’est seulement pour effectuer ses opérations qu’il assume une forme faite de kalā.
223D. Le commentaire indique que (le texte des sūtra), après avoir posé dans : “Ainsi, le principe de Sadāśiva... etc.” que Śiva régit directement les divers mondes de Sadāśiva, conclut, à partir de : “Il en va ainsi également pour la Puissance”, que la Puissance, elle aussi, régit ces divers mondes. Le principe de la Puissance est ici représenté uniquement par une puissance dépourvue de kalā, et non par cette (puissance) effet de la grande maya dont il a été précédemment question. “Le Seigneur Sadāśiva...” : Il est dit “pourvu de kalā” parce qu’agissant dans le monde de Sadāśiva. Au niveau des mondes Nivṛtti etc., où Il ne fait que s’apprêter à agir, Il est dit “pourvu et dépourvu à la fois de kalā”. Il est dit : “dépourvu de kalā” en tant qu’il prend racine dans le principe suprême. On a dit : “Potentiel, s’apprêtant à agir, engagé dans l’action, l’agent est de trois espèces”. “Celles-ci se déploient à partir de Lui” : le terme, “Lui”, désigne ici le principe de la Puissance, effet de la grande māyā.
Ā. 178. Dans la terre, la Nature, le “nœud”, dans le Savoir, dans bindu, kalā etc., se trouvent des prisons faites de guṇa. Dix d’entre elles sont les plus importantes. Elles s’étendent — ô ascète — sous l’extrémité de nāda.
224V. Dans la terre, le principe de la Nature, le “nœud” c’est-à-dire la māyā, dans tous ces principes, ainsi que dans le “pur Savoir” et dans le groupe de neuf formé par bindu, nāda et les kalā, se trouvent “des prisons faites de guṇa”, où les guṇa forment des liens. Dans la triade formée par les principes de la terre, de la Nature et de la māyā, se trouvent des “prisons”, des liens où abondent le le sattva, le rajas et le tamas. L’idée est que la triade des guṇa fait ici office de liens. Il est établi que le sattva a (ici) la nature d’un lien car, même si ses propriétés lumineuses lui confèrent une supériorité sur le rajas et le tamas, il ne saurait en être entièrement dissocié. C’est ainsi que Siddhaguru a déclaré : “La jouissance obtenue grâce au sattva est une souillure, un lien impur ; ce qui prend naissance dans les qualités de l’esprit doit être consumé par le feu produit par le Maître”.
225Font donc office de liens : cette kalā médiane appelée “Rocikā” qui, dans le Savoir et le groupe de neuf formé par bindu, nāda et les kalā, projette la suprême lumière des qualités d’omniscience, de satisfaction et de comprehension illimitées ; les deux kalā de nāda situées en-dessous (de Rocikā) ; les quatre kalā de bindu ; le pur Savoir ; la māyā ; le non-manifesté ; la terre. “Dix d’entre elles... sous l’extrémité de nāda” : l’extrémité de nāda est constituée par la kalā Ūrdhvagā. En-dessous d’elle se trouve le groupe de dix formé par le groupe de neuf comprenant bindu, nāda et les kalā, auquel s’ajoute le principe du pur Savoir. Ils sont des liens en ce sens qu’ils entravent ces qualités du suprême Seigneur que sont l’omniscience insurpassée, la satisfaction etc.
226D’autres expliquent l’expression : “La terre, la Nature, le nœud” en refusant d’en faire un composé. (Pour eux), les guṇa impurs du sattva, du rajas et du tamas s’appliquent essentiellement à la Nature. Et celle-ci est comme un nœud, ainsi que “la terre” (i.e. le support) du nœud”. Il en irait de même pour le Savoir et pour le “groupe de neuf” — bindu, nāda et les kalā — donc pour les dix liens principaux.
227Mais d’autres disent : “Ces guṇa, sattva etc., sont purs ; ayant gagné tel ou tel monde, ils deviennent les instruments des opérations relatives à ces mondes”. Il est dit dans un autre Agama : “Au-dessus des deux groupes formés par la terre et la Nature il y en a deux autres. Là résident les guṇa purs, sattva etc., ainsi que dans bindu, nāda et les kalā”. Et il n’est pas permis d’objecter que leur pureté les empêchera de faire office de liens33. Ils ne peuvent, en effet, se défaire de leur nature de liens, en tant qu’ils sont cause d’une entrave au suprême isolement (de l’Esprit). On a dit : “Le réseau infini des liens — ô belle — existe jusqu’à Samanā”.
228D. On a présenté un tableau d’ensemble de la série des mondes telle qu’on s’y réfère dans la cérémonie d’initiation “par la voie des mondes”. On se propose maintenant de montrer que l’ensemble des voies (pure et impure), parce qu’inclus dans la pentade des kalā, Nivṛtti etc., doit être purifié dans la cérémonie d’initiation “par la voie des kalā” dont on parlera plus loin. On montre donc, à partir des mots : “Dans la terre...”, ce que ces réalités englobent.
229Le principe de la terre doit être purifié en tant qu’inclus dans la kalā Nivṛtti. La Nature, qui en est distincte, (doit être purifiée) à partir du principe de l’eau et jusqu’à la limite de la terre, en tant qu’incluse dans la kalā Pratiṣṭhā. L’ensemble des principes qui va de l’Esprit à la māyā, et que désigne indirectement le terme “nœud”, (doit être purifié) en tant qu’inclus dans la kalā Vidyā. La triade de principes formée par le pur Savoir, le Seigneur et Sadāśiva — et que désigne indirectement le terme “Savoir” —(doit être purifiée) en tant qu’incluse dans la kalā Śānti. Le groupe de neuf formé par bindu, nāda et leurs kalā (doit être purifié) en tant qu’inclus dans (la kalā) Śāntyatītā.
230— Mais comment (ces principes) peuvent-ils lier des qualités (guṇa) ?
231— On répond : “Dans la triade... etc. : dans la mesure, donc, où, par l’entremise du corps, le sattva et les autres sont présents depuis la terre jusqu’à la māyā. “Dans le Savoir et le groupe de neuf... etc.” : ici, dans ce qui précède le terme “et”, on peut compléter ainsi : ces (principes) tiennent lieu de liens pour des qualités comme l’omniscience etc.
232— Donc, l’expression “prisons de guṇa” a ici le sens du génitif (objectif). Mais on l’avait précédemment analysée comme un composé appositionnel (“des prisons constituées par les guṇa”). Or, puisque seule (la kalā) Rocikā met en lumière ces qualités d’omniscience etc., comment peut-on dire qu’à ce niveau ces (principes) forment un lien ?
233— A cela on répond : “... qui projette la suprême lumière... etc.”.
234— S’il en est ainsi, pourquoi parle-t-on du groupe de neuf formé par bindu, nāda et leurs kalā ?
235— On a déjà dit que des textes comme : “Cette (puissance) par laquelle Il détruit la passivité qu’un reste de souillure... produit en eux” indiquaient la présence (chez les Vidyeśvara etc.) d’un reste de souillure dont la passivité est le signe d’inférence. On mettait ainsi en évidence le pouvoir de lier de qualités relevant du suprême Seigneur, (pouvoir effectif) tant que la puissance de blocage n’a pas été purifiée. On redira cela dans le chapitre consacré à l’initiation. Ces (liens) viennent en tête à cause de la force propre aux guṇa à forme de souillure, sattva etc., et qui se retrouve dans le groupe de neuf — bindu, nāda et leurs kalā — lequel désigne encore indirectement la triade de principes commençant par le “Savoir”. Quant à l’interprétation proposée à partir de : “Mais d’autres...”, elle est incorrecte, n’étant reliée ni à ce qui précède ni à ce qui suit. On démontre que tous les (principes) sont inclus dans la compréhension de ce qui est utile pour cette purification des kalā dont on reparlera.... car, sur la voie pure aussi, on parlera de kalā à l’état subtil.
236V. On indique maintenant — ce qu’on avait omis de faire — l’ordre de grandeur des demeures de Gahaneśa etc. déjà mentionnées :
Ā. 179. Au-dessus de kalā et en-dessous du Savoir se trouvent — nous apprend la Révélation — des maîtres tels que Gahaneśa. Mesurer l'intervalle (qui les sépare) ne peut se faire que par la pensée.
237V. Le terme “Savoir” (vidyā) désigne ici la māyā. Il est dit dans le Vénérable Pauṣkara : “Māyā est considérée comme vidyā inférieure”34. Les traités nous apprennent l’existence, en-dessous d’elle et au-dessus de kalā, de Rudra tels que Gahaneśa. Seule la pensée peut “mesurer” leur intervalle, mais il ne peut s’agir ici d’une opération de mesure effective : La Révélation, en effet, nous apprend que le principe de māyā est infini. C'est ainsi que le vénérable Bṛhaspati a déclaré : “Les voix de tous les Siddha peuvent bien s’épuiser à force de les proclamer. Elles n’exprimeront jamais le nombre des voies de la māyā, car celui-ci est infini”.
238D. “On indique maintenant...” : ceci est l’introduction au sūtra qui commence par : “Au-dessus...”.
239— Mais ce sūtra n’a rien à faire ici !
240— Il doit être expliqué comme formant un tout avec le texte présenté plus haut et qui commençait par : “Ananta, Trikala... etc.”.
241— Pourquoi donc ne se trouve-t-il pas là-bas ?
242— C’est que les règles (concernant l’ordre des mots) ne s’appliquent pas nécessairement aux sūtra, pas plus qu’aux hymnes. L’ordre adopté ici (et apparemment arbitraire) est là pour faire obtenir (au lecteur) un avantage particulier. (La connaissance de leur intervalle) ne peut se faire que “par la pensée”, par un effort intellectuel.
243V. En conclusion, on déclare :
Ā. 180. Ainsi, sur les deux voies, la résorption (des principes) s’effectue dans l’ordre inverse de leur production. Elle trouve sa limite dans les deux principes formés par la Puissance.
244V. Les deux voies, pure et impure, ont donné lieu “ainsi”, de la manière indiquée, à une production successive (des principes). La “résorption”, la rétraction s’effectue dans l’ordre inverse de la création. Toutes choses se résorbent dans ce dont elles ont (immédiatement) procédé, tel est le sens. “Elle trouve sa limite... etc.” : il s’agit, sur la voie pure, de la Puissance suprême et, sur la voie impure, de la puissance de la māyā.
245…35
246D. La résorption cosmique est ici de deux espèces, selon qu’elle porte sur la création générale ou la création particulière. La première, qui consiste dans la dissolution des corps, est elle-même double. Elle portera sur le corps grossier lorsque sera épuisé un karman particulier déterminant l’appartenance à une (certaine) espèce ainsi qu’une (certaine) durée de vie et une expérience affective (particulière). Elle portera sur le corps subtil — et ce pendant la période même de maintien de l’univers — lorsque tout le karman sera épuisé, “grâce à la connaissance, au yoga, au renoncement et à la jouissance”.
247Mais, lors de la grande dissolution cosmique qui porte sur “toutes choses”, la procession des principes constituant la création particulière est elle-même résorbée. L’expression : “La résorption s’effectue dans l’ordre inverse” ne se réfère qu’à ce second type de dissolution, celui qui porte sur les mondes comme la terre etc. Il est dit dans le Mataṅga : “Ce que les hommes appellent “le Temps”, et qui consiste dans la dissolution cosmique, est double. D’un côté, on assiste à la fin d’un corps produite par l’épuisement des jouissances (fruits du karman) ; de l’autre, c’est la rétraction cosmique où périssent les trois mondes”36. “La Puissance suprême” est (ici) Kuṇḍalinī.
248V. L’ascète, désireux de connaître dans le détail cet ordre de la rétraction cosmique qu’on lui a indiqué de manière très concise, pose une question :
Ā. 181. Dis — ô Bienheureux qui connais toutes choses — comment s’opère la dissolution, tant particulière que générale, de la série des principes, et combien de temps elle dure.
249V. Ô Bienheureux, puisqu’en toi est la connaissance de toutes choses, indique nous “comment”, selon quel ordre, et pour combien de temps s’opère “la dissolution”, la rétraction de la série des principes. La (dissolution) “particulière” est celle qui part de la Nature etc. ; la “générale” est celle qui remonte jusqu’au principe de la Puissance. Tel est le sens de la question.
250D. “Celle qui part de la Nature etc.” : il s’agit de (la rétraction) du monde développé à partir de la Nature et qui s’étend depuis la terre jusqu’au principe des guṇa. Le terme “etc.” indique que la résorption du triple monde se produit de temps à autre.
251V. Et voici la réponse :
Ā. 182. Au moment du grand sommeil s’opère la dissolution du général ; celle du particulier en est distincte. Et il en va ainsi pour la création. J'expose (maintenant) la durée du maintien de l'univers ; sois attentif !
252V. Le principe de la māyā voit sa capacité s’épuiser à force de produire l’infinité des mondes, organes, corps etc. qui sont les instruments de l’expérience affective de l’esprit. En vue de stimuler à nouveau ses diverses puissances, de sorte qu’elles redeviennent capables de produire leurs effets, ou encore en vue de soulager les êtres las de tournoyer dans l’existence, la dissolution “du particulier”, de la voie qui commence avec la Nature, est effectuée. La rétraction de la voie générale elle-même s’opère pendant le grand sommeil caractérisé par la résorption, à partir de Sadāśiva, de toutes les formes librement assumées (par le suprême Seigneur). Dans l’exposé (qui va suivre) on fera toute la lumière sur les modalités et la nature (de cette dissolution).
253“Et il en va ainsi pour la création” : celle-ci aussi porte à la fois sur le général et le particulier. Ainsi la création particulière est effectuée par de nombreux Vidyeśvara, inférieurs et supérieurs, vaquant à leurs offices. Quant à la création générale, elle est l’œuvre d’Ananta et d’autres, (tous) mûs par la volonté du suprême Seigneur. On a ainsi répondu à la question : “Comment s’opère la dissolution, particulière aussi bien que générale ?”. On répond ensuite à la question : “Combien de temps dure-t-elle ?” : la rétraction cosmique, qui succède à une période de maintien de l’univers, a la même durée qu’elle. Il faut prêter l’oreille (à l’indication de cette durée).
254D. On commente le sūtra qui apporte la thèse définitive : “Le principe... etc.”. Puisqu’il s’agit de la dissolution cosmique moyenne, l’expression : “en vue de stimuler la Nature etc.” désigne indirectement le principe de la māyā. Il convient alors de compléter ainsi : la dissolution de la voie développée à partir de la Nature s’opère en premier lieu. Dans le sūtra suivant on indiquera clairement que la dissolution du triple monde est chose bien connue. A la fin de la résorption cosmique moyenne, Ananta crée les principes, guṇa etc. Śrīkaṇṭha crée les mondes et Brahma les corps etc. On peut donc soutenir que la création du particulier a de multiples auteurs. Celle du général s’effectue par l’entremise d’Ananta que le désir du suprême Seigneur met (directement) en mouvement à la fin de la grande dissolution.
255V. Comment se présente cette (dissolution) ? On répond :
Ā. 183. Un millier de grands yuga représente un jour de Celui qui est né de l'œuf d'or. Une nuit de Lui a la même durée. En prenant ce nycthémère pour mesure, on obtient cent millions de milliards d’années.
184a. La rétraction s’effectue à l’encontre de l’ordre. La Nature et les autres (principes) sont alors refoulés.
256V. Un jour de “Celui qui est né de l’œuf d’or”, c’est-à-dire de Brahma, mesure un millier de (grands) yuga, dont chacun comprend quatre yuga, Kṛta etc. Sa nuit a la même durée. En prenant un tel nycthémère pour unité de mesure et en comptant des années de trois cent soixante jours au nombre de dix, cent, mille etc., jusqu’à cent millions de milliards, on détermine le laps de temps au bout duquel se produit la dissolution de la voie développée à partir de la Nature. Elle s’effectue “à l’encontre de l’ordre”, c’est-à-dire dans l’ordre inverse de celui de la création : les êtres vivants sont résorbés en premier et ensuite seulement la création particulière, telle est la différence. “La Nature et les autres...” : la Nature et tous les (principes) qui ont servi de causes matérielles à la création (des êtres vivants) sont “refoulés”, c’est-à-dire que leurs opérations sont suspendues par leurs régents respectifs.
257D. On n’indique pas ici la durée des yuga. On peut l’apprendre dans d’autres textes. C’est ainsi qu’il est dit dans le Mataṇga : “On appelle “truṭi une infime fraction de temps ; le lava vaut deux (truṭi). Deux lava font un nimeṣa. Une kāsthā vaut quinze (nimeṣa) et trente kāsthā font un vāha. En assemblant trente vāha on obtient ce qui est connu en ce monde sous le nom de “muhūrta”. Un ensemble de trente (muhūrta) est appelé — ô vertueux — “nychtémère”, dans ce traité qui procède du suprême Seigneur. Une quinzaine comprend quinze nycthémères et un mois est formé de deux quinzaines. Deux mois forment une saison et trois saisons un semestre. On appelle “année un ensemble de deux semestres. Une année des dieux est faite de trois cent soixante années humaines et le Kṛtayuga comprend quatre mille années divines. Crépuscules et portions de crépuscules ont les mêmes durées (qu’ailleurs). Les autres yuga, à partir du Tretāyuga, diminuent à chaque fois d’un (millier d’années divines). Joints à leur crépuscules et portions de crépuscules qui comportent aussi des kalpa, ils forment un ensemble d’années appelé “quadruple yuga” et qui vaut douze mille (années divines). Au-delà est le manvantara dont les amateurs de calcul doivent savoir qu’il équivaut à soixante et onze quadruples yuga”. Un jour de Brahmā représente le temps pendant lequel subsiste le triple monde.37 “Sa nuit a la même durée” : la dissolution cosmique dure aussi longtemps. Il est dit dans ce texte même : “La durée de vie (de dieux) comme Indra, attelés à leurs tâches propres, est de soixante et onze yuga. Quatorze (vies) d’Indra forment un jour de Celui qui est né d’un lotus (Brahma), et cela même est la durée de la subsistance du triple monde. Cela t’a été indiqué brièvement. De la même durée est la nuit — ô ascète — en laquelle le monde est détruit. Une fois plongé dans la nuit il y reste jusqu’au point du jour. Alors Brahma se lève de sa couche ; sur ordre, en instrument, avec la force de cent Rudra, il reconstruit le monde”. On donne ici ces dimensions temporelles en se référant seulement à la résorption cosmique moyenne, celle qui va de la terre jusqu’aux guṇa. D’autres traités indiquent que la durée de vie de Celui qui est né de l’œuf d’or forme un jour et une nuit de Śrīkaṇṭha.
Ā. 184b-185. Alors, les cent Rudra, Vīrabhadra et Śrīkaṇṭha, ainsi que les maîtres de la Nature, investissent de leurs puissance le monde subtil, les corps subtils dépositaires (du karman) et dissous dans la Nature, les êtres pensants (enfin), et ils demeurent un certain temps dans cet état.
258V. A ce moment-là les cent Rudra, Vīrabhadra et Śrīkaṇṭha, ainsi que les “maîtres de la Nature”, à savoir Krodhesa, Caṇḍasaṃvarta etc., continuent, jusqu’à la fin du sommeil de la Nature, à gouverner par leurs puissances le monde qu’ils ont pour tâche de gouverner. Celui-ci, étant à l’état potentiel, est subtil. Subtils aussi sont les corps, réceptacles du karman, qui sont dissous dans la Nature (elle-même) subtile et sont formés de principes allant de kalā à la terre. (Ils gouvernent) enfin les “êtres pensants”, c’est-à-dire les âmes.
259Après cela...
Ā. 186. (Ces Rudra), mis en mouvement le moment venu par les responsables des régions cosmiques, (eux-mêmes) poussés par les Vidyeśvara qui obéissent au désir de Śiva, font surgir à nouveau leur monde et s’y acquittent derechef de leur tâche.
260V. De nouveau, au début de la création suivante, ces (Rudra) sont mis en mouvement par d’autres Rudra, pourvus d’un office, et appelés “responsables des régions cosmiques”. Mais ces derniers eux-mêmes sont mûs par des Vidyeśvara comme Ananta qui obéissent au désir du suprême Seigneur. A ce moment là ils créent (à nouveau) leur monde et s’y acquittent de leurs tâches respectives.
261Ici, assailli par un doute relatif à ces réceptacles (du karman) qui sont dissous dans la Nature, l’ascète pose une question :
Ā. 187. Le karman, bon ou autre, réside dans l'intelligence dont il est une propriété. Or une propriété ne quitte pas son substrat. Comment peut-on dire alors qu’il (réside) dans la Nature ?
262V. Le karman, qu’il soit bon ou mauvais, a été posé comme une propriété de l’intelligence : “Les dispositions sont des qualités de l’intelligence, mérite, connaissance, dépassionnement, puissance”. Or on n’observe pas qu’une propriété abandonne son substrat : on ne peut dissocier la blancheur de l'étoffe, la douceur du sucre etc. Comment peut-on parler, donc, de réceptacles (du karman) résidant dans la Nature ? Tel est le sens de la question.
263D. A ce propos—indique le commentaire—l’ascète pose une question.
264V. Mais voici la thèse définitive :
Ā. 188. Certes, le karman est une propriété de l’intelligence et une propriété ne quitte pas son substrat. Mais (le karman) est dit métaphoriquement résider dans (la Nature), parce que les corps, les sens et les terres de jouissance s’y trouvent.
265V. En effet, comme on l’a déjà dit, le karman, bon ou mauvais, est une propriété de l’intelligence. Et une propriété ne s’éloigne pas de son substrat. Mais, quand on dit que le karman se tient (alors) dans la Nature, on parle au figuré. Dans quelle intention ? “Parce que les corps... etc.”. Parce que les corps, les sens, les terres de jouissance des sujets jouissants, se trouvent dans la Nature, le karman lui-même est dit s’y trouver. Le réceptacle du karman se trouve, certes, (à proprement parler) dans l’intelligence, mais comme cette dernière, à son tour, réside dans la Nature, on a pu parler sans contradiction du réceptacle du karman comme résidant dans la Nature.
266On constate que de nombreux vocables sont employés au figuré, pour des motifs tels que la résidence d’une chose dans une autre. Par exemple :
Ā. 189. Les savants ont indiqué (la possibilité d’) un emploi métaphorique des mots relativement au support, à la cause, à l’effet, à la proximité, au facteur auxiliaire et à l’imitation (par une chose) des propriétés etc. (d’une autre).
267V. Les savants ont “indiqué”, énoncé (la possibilité) de la métaphore qui, dans les cas où le sens primaire ne pourrait être accepté, donne aux mots un sens figuré. Dans quels cas ? “Relativement au support”. Ainsi, dans l’expression : “les gradins poussent des lamentations”, il ne saurait être question d’attribuer aux gradins non-pensants l’action de se lamenter, caractérisée par les pleurs. Mais cette action, qui est le fait des enfants installés sur ces gradins, est attribuée métaphoriquement aux (gradins) parce que c’est sur eux que les enfants sont installés. La métaphore peut aussi être employée relativement à la cause. Par exemple, l’expression : “Le riz est un dieu tombé en pluie”, si elle était prise au sens propre d’une pluie de riz, serait absurde. Ici, on identifie métaphoriquement à la pluie de mousson, cause de la croissance du riz, son effet, le riz, qui est venu à maturité grâce à l’absence d’obstacles et de défauts (dans les semences). Ou encore, quand on dit : “le beurre fondu, c’est la santé”, on assimile métaphoriquement la cause, le beurre fondu, à l’effet, la santé.
268L’emploi métaphorique peut aussi s’appliquer à l’effet. Certains, par exemple, disent : “la laine est une couverture” et d’autres : “le coton est un vêtement”. Or, à proprement parler, laine et coton ne peuvent, sans avoir été tissés au préalable, servir de couverture ou de vêtement. Cela n’est possible qu’à leurs effets respectifs, la couverture de laine et le vêtement de coton. Laine et coton sont donc ici métaphoriquement identifiés à leurs effets. Cet emploi peut aussi être motivé par la proximité. Quand on parle d’“un hameau sur le Gange”, le terme “Gange” ne saurait désigner ici le fleuve au sens propre, le cours d’eau, ni quelque aspect particulier de ce (fleuve). Il faut bien qu’il concerne un village que sa proximité au Gange fait désigner métaphoriquement de ce nom même. Le facteur auxiliaire peut aussi donner lieu à ce genre d’emploi. Par exemple, on dit : “les aumônes font rester sur place” ou “la bouse de vache enseigne”. Il est certain, ici, que les aumônes ne vous agrippent pas par la frange de votre vêtement pour vous empêcher de partir. Elles ne vous arrêtent pas non plus par des paroles du genre : “Il ne faut absolument pas partir d’ici !”. Mais, plutôt, on les considère comme des facteurs auxiliaires de l’action de séjourner, elles qui, consistant en une abondance de victuailles et de condiments, sont causes de rassasiement. De même, la bouse de vache n’instruit pas un enfant en lui disant : “Allons, petit, étudie !” et elle ne le fait pas non plus réciter (le Veda) en s’introduisant dans son corps à la manière des Bhūta et des Vetāla. Mais elle s’avère, en éloignant le froid, être un facteur auxiliaire favorable à l’étude. Ainsi se justifient ces emplois métaphoriques.
269“L’imitation (par une chose) des propriétés etc. (d’une autre)” : le terme “etc.” désigne ici l’imitation de la configuration (ākāra) ou de la forme spécifique (jāti). Exemple d’imitation des propriétés : “Ce garçon est un lion”, “ce porteur est un bœuf”. Ici, le nom de “lion” est transféré au garçon parce que (sa conduite) se conforme à certaines propriétés (du caractère) du lion, courage etc. Mais, au sens propre, il ne saurait posséder la nature du lion. De même, un porteur humain, qui n’est pourtant pas une bête de somme, peut se voir rattaché métaphoriquement à l’espèce bovine, si sa façon de se tenir, de manger, sa démarche etc. rappellent celles d’un taureau. Exemple d’imitation de la configuration : “des ténèbres à percer avec une aiguille”. Il ne peut s’agir ici du sens propre car les ténèbres, dépourvues de forme tangible, ne sauraient être percées par une aiguille. En parlant de “percer avec une aiguille” on a imité la configuration propre des ténèbres, afin d’exprimer leur extrême densité. C’est en ce sens que d’épaisses ténèbres peuvent, comme une étoffe etc., être percées par une aiguille etc.
270D. Voulant insérer dans l’exposé une typologie des emplois métaphoriques des mots, on commente le sūtra qui commence par : “Les savants...”.
271V. Ayant ainsi énoncé, en matière de digression, les motifs de l’emploi figuré des mots, on revient sur le sujet principal et l’on conclut :
Ā. 190. Ainsi, après que les divers niveaux de la création, guṇa etc., aient subsisté pendant cent millions de milliards d’années, (le principe de) kalā dévore la cause des guṇa et (puis) la māyā, qui se détourne de sa tâche, absorbe (le principe de) kalā.
191. Lorsque prend fin l’activité (de la māyā), les dieux qui contrôlaient cette activité s’arrêtent eux-mêmes. C’est que leurs fonctions de création, de maintien etc., ont (la māyā) pour support.
272V. Lorsque le laps de temps appelé “parārdha” (cent millions de milliards d’années) s’est écoulé, de la manière indiquée, pour les produits créés tels que les guṇa etc., (le principe) de kalā rétracte en lui-même “la cause des guṇa”, c’est-à-dire le non-manifesté. Et la māyā, “qui se détourne de sa tâche”, qui est impatiente de cesser son activité, absorbe en elle-même (le principe de) kalā. Lorsque cesse l’opération de la māyā, tous les (dieux) qui dirigeaient cette opération “s’arrêtent”, mettent fin à leur propre activité. En effet, leurs fonctions de création, de maintien etc. ont la māyā pour support. Quand cette dernière cesse d’opérer comment ne s’arrêteraient-ils pas aussi ?
273On vient ainsi de décrire la résorption cosmique telle qu’elle s’opère sur la voie impure. On va maintenant dire ce qu’elle est sur la voie pure :
274D. Il faut comprendre que la rétraction du non-manifesté et (du principe de) kalā inclut celle de leurs effets respectifs, Passion etc. Les Mantreśvara supérieurs obtiennent alors la délivrance suprême car leur tâche prend fin. Les autres, en fonction de leur éventuelle qualification (ou absence de qualification) à gouverner des mondes, deviennent des âmes pralayākala, vijñānākala, ou (simplement) des délivrés.
Ā. 192. Ainsi, les principaux Mantreśvara pénètrent-ils dans le séjour qu’ils désirent. Le principe de Sadāśiva absorbe celui du Savoir. Il est lui-même absorbé par bindu qui, à son tour, est absorbé par nāda.
193a. La suprême Puissance absorbe nāda et Hara dispose lui-même de la Puissance.
275V. “Les principaux Mantreśvara”, les grands Mantreśvara, sont Ananta etc. Leur tâche étant terminée, ils deviennent candidats à la délivrance absolue. Le principe du Savoir voit sa puissance résorbée dans le principe de Sadāśiva. Celui-ci passe dans le bindu, le bindu dans le nāda, ce dernier dans la suprême Puissance. Quant à cette Puissance elle-même, le suprême Seigneur la résorbe en Lui-même et l’empêche de se dissocier en kalā (énergies fragmentaires).
276D. On indique maintenant que le temps de la rétraction cosmique sur la voie pure coïncide avec celui de la rétraction de la māyā. La “suprême Puissance” est ici la grande māyā. Le sens est que (le Seigneur) la dirige.
277V. Cela fait, le suprême Seigneur...
Ā. 193b-194a. Le suprême Śiva, ayant reconnu par sa puissance de connaissance que le sommeil était (nécessaire) pour le repos des êtres et de la māyā, s’apprête (à nouveau) à créer.
278V. Le suprême Seigneur reconnaît, grâce à sa propre puissance de connaissance, (la nécessité) du “sommeil”, de l’absence d’activité, pour le repos des êtres fatigués de tournoyer dans l’existence et pour celui de la māyā dont la puissance s’épuise à force de produire les multiples instruments de l’expérience affective des âmes, corps, sens, mondes etc. Puis, (constatant) au bout d’un certain temps que les êtres sont reposés et que la cause appelée “māyā” a recouvré sa capacité de production, derechef Il se met à créer comme auparavant.
279De même que ces (principes) dont on vient de parler se résorbent dans leurs causes (matérielles) respectives, de même le reste...
Ā. 194b-195a. Ainsi — ô brahmane — a-t-on exposé brièvement comment les principes, les réalités, les mondes et les corps, tant sur la voie pure que sur la voie impure, (se résorbent dans leur cause).
280V. De cette manière, tout le reste, c’est-à-dire les principes, les dispositions, les mondes etc., situés aussi bien sur la voie pure que sur la voie impure, ont été décrits brièvement comme résorbés dans leurs causes (matérielles) respectives.
281D. On commente le (sūtra) qui commence par : “Ainsi... a-t-on exposé”. Voici ce que l’on veut dire : le corps subtil pur, ayant la nature de la grande māyā et représentant une forme particulière de l’état potentiel, est certes constitué par les mêmes principes impurs que le corps (grossier). Alors, à quoi bon cette fiction d’un corps subtil pur ? (On répond) que c’est seulement pour procurer (à l’âme), dans l’initiation, un corps. Autrement, comme elle est pervasive, on ne pourrait avoir de prise (rituelle) sur elle dans la cérémonie de l’initiation. On lui confère ainsi un support qui permet d’avoir prise sur elle et de la mettre en relation, même sur la voie de la māyā, (avec le lieu où l’on veut la fixer symboliquement).
282De même, sur la voie pure, on peut la saisir et la fixer (symboliquement) dans tel ou tel lieu de résidence, grâce à un corps subtil fait de la puissance des Mantra. Comme on a dit qu’ils ont même nom (et donc même statut) que les principes évoqués plus haut, kalā etc., on évite la conséquence malheureuse d’un dépassement des principes. Il en va donc bien ici “comme sur la voie impure”, comme sur la voie de la māyā.
283V. Ici, l’ascète pose une question :
Ā. 195b-196a. Le Savoir, Pañcāṇudeha (Sadāśiva), bindu, nāda et la Cause forment la quintuple voie supérieure. Mais où faut-il placer les dispositions et les conceptions ?
284V. On nous a brièvement décrit la rétraction, sur les voies pure et impure, des principes, des dispositions, des êtres (vivants) et des mondes. Mais, sur la voie pure constituée par le Savoir, Sadāśiva, bindu, nāda et la suprême Puissance, où donc dispositions et conceptions peuvent-elles trouver place ? Tel est le sens de la question.
285D. L’ascète demande quels principes se tiennent sous forme subtile dans quelles (causes). C’est l’intelligence qui est la cause des dispositions etc. A travers elle sont désignés indirectement les autres principes (dérivés d’elle).
286V. Mais voici la thèse définitive :
Ā. 196b-197a. Le son originel (nāda) subtil est kalā. Les deux couples du Temps et de la Passion, ainsi que l’Esprit, forment le quintuple support du son grossier aux cinq parties (kalā).
197b-198a. Le bindu, avec ses quatre kalā, est le réceptacle de la tétrade de nœuds formée par la Nature etc. Les sens, le manas en tête, (sont absorbés) dans l’orgueil. Les dispositions etc. se tiennent dans l’intelligence.
198b-199a. Le Dieu dont le corps est constitué de cinq Mantra se tient dans la pentade des éléments subtils. Les Mantreśvara se tiennent dans les êtres subtils et les Mantra dans les êtres grossiers.
287V. La voie impure est pénétrée de part en part par la voie pure formée de cinq éléments. C’est là que se tiennent les dispositions et les conceptions en tant qu’incluses dans le principe de bindu, lequel, comme on l’a dit, possède une extension particulière. Il n’y a donc pas de contradiction. Ainsi, le son suprême subtil peut être appelé “kalā”, en un sens métaphorique, parce qu’il pénètre kalā. Cette identification métaphorique peut encore se justifier en considérant que kalā résorbe toutes choses sur la voie impure, de la même manière que (sur la voie pure) le son suprême (nāda) résorbe tous les objets de connaissance relevant de bindu, de nāda etc. Le couple du Temps est celui formé par la Nécessité et le Temps. Le couple de la Passion est celui qu’elle forme avec le Savoir. Si l’on y joint (le principe de) l’Esprit, on obtient une pentade de principes qui forment le support du corps grossier.
288De la même manière, la tétrade “de nœuds”, de liens, formée de la Nature, des guṇa, de l’intelligence et de l’ego, a cela pour “réceptacle”, pour matrice. “Cela”, c’est le bindu dont on a dit qu’il comportait les quatre kalā, Nivṛtti etc. L’ensemble des dix sens, accompagné du manas, s’est dissous dans “l’orgueil”, l’ego, lui-même absorbé (dans le bindu). Mais c’est dans l’intelligence que (se résorbent) les dispositions, mérite etc. Les conceptions, dont on a déjà parlé et qui ont cela aussi pour cause matérielle, y rentrent également.
289Le Seigneur Sadāśiva qui préside aux cinq éléments subtils, terre etc., et qui a pour corps cinq Mantra, Sadyojāta etc., se tient dans le groupe des cinq éléments subtils. Les Mantreśvara pénètrent les réalités subtiles particulières qui composent les corps subtils et les Mantra se tiennent dans les éléments grossiers, terre etc. La voie pure résorbe ainsi tous ces objets de connaissance, si bien que notre position est sans défaut.
290D. On commente les sūtra qui apportent la conclusion définitive. La voie pure, composée de cinq éléments, comporte autant de différences internes que la voie impure qu’elle pénètre de part en part. On opère un dénombrement de ces principes : “Ainsi, le son... etc.”. “Formée de la Nature, desguṇa... etc.” : on parle ici de “nœuds” parce que ces (principes) contiennent leurs effets ; tel est le sens.
291V. Voici maintenant un śloka destiné à résumer le contenu de ce qui a été expliqué et à anticiper sur la Section des Rites qu’on s’apprête maintenant à expliquer :
Ā. 199. Ainsi, la multitude des Mantra śivaïtes, resplendissante grâce aux rites qu'on s'apprête à décrire et dont la puissance ne connaît pas d'entraves, est là pour mettre un terme à l'abondant réseau de liens, source des ténèbres qui font obstacle aux âmes, et que n'aperçoivent pas ceux dont le regard est troublé par les doctrines qui expriment le point de vue de l'âme liée.
292V. “Ainsi”, de la manière indiquée, la source des ténèbres, consistant dans la souillure, le karman, la māyā et la puissance de blocage du Seigneur, entrave nécessairement “les âmes”, c’est-à-dire les âmes liées. Elle est “abondante”, parce que dotée d’une multitude de puissances qui créent une infinité d’obstacles pour les âmes. Elles sont comme un “réseau” en ce sens que, pour pouvoir lier, elles réunissent (divers) liens. Ceux dont “le regard”, la connaissance, est égaré par les “doctrines qui expriment le point de vue de l’âme liée”, par celles qui ne procèdent pas du suprême Seigneur, “n’aperçoivent pas” ce réseau, n’en comprennent pas (la réalité).
293La multitude des Mantra śivaïtes, dont la puissance n’est pas entravée et qui est illuminée par les rites qu’on s’apprête à décrire, est là pour faire disparaître (ce réseau). En d’autres termes, cette foule de Mantra voit ses capacités naturelles exaltées par la succession des rites, des cérémonies d’initiation etc., telle qu’on va la décrire. Elle peut ainsi être cause de la cessation des liens faits de souillure, de karman, de māyā etc., et, par là-même, procurer le bonheur. C’est que la capacité des Mantra de base, dont la majesté est inimaginable et inégalable, connaît aussi peu d’obstacles lorsqu’il s’agit de rompre les liens faits de souillure, de karman et de māyā que lorsqu’il s’agit de neutraliser un poison. C’est ainsi que le maître Sadyojyoti a déclaré au cours de sa description de ce qu’on peut faire avec les Mantra :
294“Comme dans le cas d’un poison, ils extirpent rapidement les effets du lien, souillure, karman et māyā. Mais si on leur rend hommage, ils procurent aux meilleurs adeptes divers pouvoirs supranormaux”.38
295Telle ou telle chose sans intérêt peut bien avoir été passée sous silence mais il n’y a pas place ici pour de stériles déclamations. Que le respect des connaisseurs pour ce commentaire au Mrgendra procède plutôt d’un examen des sujets traités dans leur contexte naturel.
296Ayant reçu la Grâce de Śankarakaṇṭha et de Vidyākaṇṭha, Nārāyaṇakaṇṭha, fils de ce dernier, composa ce commentaire.
297D. On commente le śloka qui commence par : “Ainsi, la multitude...”. Ici, l’expression : “grâce aux rites” constitue une allusion générale à la Section des Rites. De même, l’expression : “la multitude des Mantra” se justifie comme une allusion de caractère général à la sélection des Mantra dont il va être question (au début de la Section des Rites).
298Aghoraśiva, expert en grammaire et en logique, auteur indépendant de “La victoire sur l’hérésie”, de “L’ornement frontal de la poésie” et de “La lumière sur le dévot”, fleuron de la science, trésor de savoir révélé, a composé cette glose, “La petite lampe”, sur cette section du commentaire au Mṛgendra.
Notes de bas de page
1 En choisissant la leçon de (C) : sakalaṃ bhogyaṃ bhuvanajātam... ; ensuite, cependant, il est possible de lire, avec (D), : akalātvaśruteḥ (au heu de (C) : akāryatvaśruteḥ) et l’on traduira dans ce cas : “Parce que (māyā) est libre de kalā”, c’est-à-dire située plus haut sur la Voie que kalā et ses mondes
2 En d’autres termes, les mondes qui “relèvent” de māyā n’en sont pas moins, cosmographiquement, manifestés “au sommet de kalā,” c’est-à-dire à la limite des deux principes (limite inférieure pour māyā, supérieure pour kāla). Cette subtile distinction répond à une difficulté spécifique du système śaiva. D’un côté, il admet à titre d’axiome : “les tattva (et leurs dérivés) sont, en eux-mêmes, ou bien multiples et non-éternels ou bien uniques et éternels”. Or māyā, en tant que cause matérielle universelle dans le domaine impur, doit être posée comme éternelle. Elle se présente donc nécessairement comme unique ; et admettre qu’elle pourrait être réellement “compartimentée” par les mondes qu’elle abriterait mettrait en péril cette unité interne.
3 Pour tout ceci, voir n. 2 et 3 du chap. I.
4 Svacchandatantra, X, śl. 16-173, éd. KSTS, vol. 5A, p. 10-11.
5 A partir d’ici, on décrit l’œuf de Brahmā (assimilable à une sphère) en partant de son “fond” — le haut et le bas sont évidemment supposés déjà définis — et en remontant jusqu’à son sommet.
6 Cet itinéraire qui va de l’extrémité inférieure de l’œuf de Brahmā jusqu’à son “centre” — c’est-à-dire le plan de la terre où nous sommes — se laisse récapituler ainsi, en prenant pour unité de mesure le million de yojana (M) : 10 M (épaisseur de la “coquille” de l’œuf + 10M (Maison de Kālāgni) +100 M (extension des flammes de Kālāgni) + 50 M (extension de sa fumée)+33 fois 9 M (extension des “enveloppes”)+32 fois 0,1 M (extension des 32 grands enfers) + 0,003 M (“Intervalle”)+0,9 M (épaisseur de la “terre” faite d’or et de fer)+7 fois 0,009 M (intervalles entre les 8 terres — celle d’or et de fer incluse — dont la nôtre est la huitième) +28,8 M (épaisseur de la septième terre)+6 fois 0,001 M (épaisseur des 6 autres terres) + 0,001 M (épaisseur du feuillet d’or, dit Hāṭaka, accolé à la face inférieure de notre terre)=500 M. Tout ceci est cohérent, à condition de corriger en conséquence le texte de la dīpīkā où se sont introduites certaines confusions (1000 Y. pour la première terre au lieu de 900.000, et 8 000 Y. pour le “dos” de notre terre au lieu de 1 000).
7 Il s’agit des enfers “d’en haut”, ces intervalles de 100.000 Y. de hauteur qui séparent les unes des autres les 8 terres. On ne doit pas les confondre avec les 32 grands enfers de même hauteur qui s’empilent beaucoup plus bas, au-dessus de la fumée de Kālāgni.
8 On remarquera que ce monde n’est pas ici compté parmi les enfers proprement dits. Ce pourrait être une originalité de la cosmographie du Mṛgendra (cf. N. R. Bhatt, Introduction du Mataṅga, p. XXI).
9 On décrit donc maintenant, du centre vers la périphérie, notre terre comme formant le “plan équatorial” de l’œuf de Brahmā, donc comme un cercle de 1 milliard de Y. de diamètre.
10 Voir, pour le début, Svacchandatantra, X śl 123, éd. KSTS, vol. 5A, p. 57·
11 Il faut sans doute comprendre que ces “bracelets” sont des espèces de terrasses ou de balcons ménagés à divers étages du Meru et s’avançant en surplomb au-dessus de sa ligne de pente. Leur “hauteur” serait alors leur épaisseur.
12 Leçon de (C) ; (D) a sukhaduḥkham qui serait contradictoire ici.
13 Mataṅgapārameśvara, vidyāpāda XXIII, śl. 57, p. 510.
14 Kiraṇāgama, vidyāpāda, bhuvanapaṭala, śl. 48b et 50-51.
15 Mahābhārata, III 247 35 (Āraṇyakaparvan), éd. crit., vol. 4, p. 868.
16 Kiraṇāgama, bhuvanapaṭala, śl. 72a.
17 Version de (C). Un mot de ce type peut —d’après Pāṇini, II 4 31 — être considéré aussi bien comme masculin que comme neutre.
18 On a en effet, en millions de yojana : 0,05 M (rayon du continent circulaire Jambūdvīpa) + (0,2 M+0,4 M+0,8 M+1,6 M+3,2 M+64M : largeurs des continents annulaires) + (0,1 M+0,2 M+0,4 M+0,8 M+1,6 M+3,2 M+ 6,4 M : largeurs des océans)=25,35 M.
19 La structure du plan équatorial de l’œuf de Brahmā est donc finalement la suivante : 25,35 M (du centre du Meru à l’extrémité du septième océan) + 100 M (largeur de la “terre d’or”) + 0,01 M (largeur de la montagne Lokāloka)+ 351,94 M (largeur des “ténèbres”)+12,7 M (largeur de l’océan Garbodha) + 10 M (épaisseur de la “coquille”)=500 M.
20 On a donc cette fois, de la terre au zénith : 1,5 M (Bhuvar) + 8,5 M (Svar) + 20 M (Mahar) + 80 M (Jana) + 120 M (Tapas) + 160 M (Satya) + 40 M (résidence de Visnu) + 60 M (résidence de Sambhu, ici forme “cosmique” de Śiva) + 10 M (épaisseur de la “coquille”) =500 M.
21 Mataṅgapārameśvara, vidyāpāda XXIV, śl. 41-45, p. 526 ; Cf. Introduction, p. XXXIV sq.
22 Ibid., XIX., śl. 38b-39a, p. 471 ; cf. Sp III, p. 299, n. 285.
23 Ibid., XVIII, śl. 113, p. 456 ; cf. Introduction, p. XXI.
24 Sāṃkhyakārikā, 53.
25 Citation (corrompue) de Rauravāgama, 13 18 (vol. 1, p. 13). Il faut rétablir : śrīkaṇṭhānumatās... devānām adhidevatāḥ.
26 Rauravāgama, I 4, śl. 10b-11a, vol. 1, p. 11.
27 Voir Tattvaprakāśa, 14 et la synthèse du commentaire d’Aghoraśiva par P.S. Filliozat, op. cit., p. 270.
28 Pour Aghoraśiva, le puṃstattva, en tant que tel, ne peut pas être le réceptacle de Rudra. On lui en rattache artificiellement mais, en fait, ce sont des Rudra qui seulement y sont appostés et dirigent ses mondes. Lorsque, dans la dīkṣā, on “purifie” ce principe, on ne purifie en fait que ces Rudra.
29 Sārdhatriśatikālottaravṛtti, I. F.I., T. 74b, p. 113.
30 Mataṅgapārameśvara, vidyāpāda III, śl. 34, p. 76.
31 Sur la correspondance entre les brahmamantra et les kalā du bindu, voir SP I, App. VI, p. 371 et SP III, p. 244, n. 198.
32 Sur les 38 kalā de Sadāśiva, voir SP I, n. 2, p. 178.
33 Leçon de (D) : kāratvam anupapannam.
34 En lisant aparā (C) ; déjà cité, p. 4.
35 Le début de ce passage est corrompu. Quant à la suite du développement, Aghoraśiva y fait lui-même allusion dans son commentaire sur Tattvaprakāśa, 38 (qu’il considère comme interpolé). Pour lui, le śl. 179 du Mṛgendra présente l’intérêt d’attester que ces tattva supérieurs sont inclus dans le processus de création-dissolution de l’univers et, donc, ne peuvent être considérés (contrairement à ce qu’affirme TP 32) comme de simples aspects de Śiva.
36 Mataṅgapārameśvara, vidyāpāda, śl. 2, p. 528.
37 Ibid., XXV, śl. 15-23 et 24-27, p. 532 sq.
38 Tattvasaṃgraha, 35.
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La création d'une iconographie sivaïte narrative
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Valérie Gillet
2010
Bibliotheca Malabarica
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Bartholomaus Will Sweetman et R. Ilakkuvan (éd.) Will Sweetman et R. Ilakkuvan (trad.)
2012