V. Disposition générale des sanctuaires
p. 105-121
Texte intégral
1§ 5.1. Le temple principal (mūlaprāsāda) d’un sanctuaire (bhavana, § 4.2), installé dans un site convenable (§ 2.18), abrite dans sa cella le dieu auquel ce sanctuaire est consacré ; le temple est entouré par une ou plusieurs enceintes concentriques (prākāra) dont on franchit les murs par des portes ou par des pavillons d’entrée (§ 4.33) et dans lesquelles sont installés les Assesseurs du dieu principal (parivāra) ainsi que les différentes dépendances nécessaires au fonctionnement du sanctuaire : ce sont d’une part des bâtiments de services et d’autre part un ou plusieurs grands autels à offrandes (mahāpīṭha) et le mât de l’étendard (dhvajadaṇḍa). Ce schéma général que nos textes présentent de façon plus ou moins détaillée à propos du sanctuaire de Śiva (śivālaya, § 4.2), vaut également pour ceux consacrés à d’autres divinités ; cela explique que les renseignements fournis à propos de ces autres sanctuaires se bornent très généralement à quelques détails caractéristiques tels que l’énumération des sites propices (ci-dessus § 2.18) ou les noms des Assesseurs (ci-dessous §§ 5.17 sq) ; pour prendre un exemple le Raurava présentant le sanctuaire de Viṣṇu (harimandira) énumère les emplacements possibles, indique qu’en ce qui concerne “le temple, les pavillons et le reste” ce sanctuaire “doit être conforme à ce qui a été dit auparavant” (c’est-à-dire à propos du sanctuaire de Śiva) (Rau 36.1-3) et ne mentionne les Assesseurs que de façon incidente à propos de la pūjā (Rau 36.28-30). On présentera donc ici tout d’abord le sanctuaire de Śiva avec son temple principal, ses enceintes... etc et l’on réunira à la fin du chapitre les quelques renseignements particuliers relatifs aux sanctuaires des autres dieux.
LE SANCTUAIRE DE ŚIVA
Le temple principal
2§ 5.2. On ne reviendra pas sur la description architecturale du temple principal qui peut être un prāsāda (§§ 4.2 sqq) ou plus simplement un dhiṣṇya (§ 4-39) sinon pour rappeler que les descriptions que nous avons ne concernent guère que les édifices sans étage et pour signaler que nos textes ne précisent pas si l’on peut employer indifféremment un prāsāda appartenant à telle ou telle classe ou à tel ou tel type particulier (§§ 4.11-12). Aux angles de l’édifice, l’entablement doit supporter des images de taureaux ou de gnomes aux mains jointes sur le cœur (bhūtān hṛdaye’ñjaliṃ vinyaset) ou les uns et les autres simultanément (Rau 39.30-32) : si l’on place les taureaux c’est que l’on cherche la victoire tandis que l’installation des gnomes apporte la prospérité (puṣṭi) et celles des deux séries la délivrance (mokṣa) ; ces images sont installées sur le terrasson laissé libre par le retrait de l’attique au-dessus du soubassement et elles se trouvent ainsi “sur l’entablement au pied de l’attique” (prastare galamūle, Rau 39.30). Pour le reste les façades du temple sont abondamment peuplées de dieux dont l’Ajita indique les emplacements de façon systématique : il y a tout d’abord trois images réparties dans les arcatures qui se trouvent sur les trois faces aveugles du pādavarga (Aj 14.59-64, §§ 3.45 et 4.10) : si le temple s’ouvre à l’Est (§ 4.7) ce sont Śiva sous la forme de Dakṣiṇāmūrti au Sud, Śiva également, mais en Liṅgodbhavamūrti, à l’Ouest (litt. “Īśvara sous la forme du Liṅga et accompagné de Brahmā et Viṣṇu”), et enfin Brahmā au Nord ; si le temple s’ouvre à l’Ouest, les images du Sud et du Nord sont les mêmes que ci-dessus, il n’y en a naturellement pas à l’Ouest et c’est Viṣṇu qui se trouve à l’Est. Une seconde série d’images doit être installée dans les grandes niches axiales de l’attique (Aj 14.74-76, § 3.26) : ce sont à l’Est Śakra monté sur son éléphant ou Skanda, au Sud Śiva sous la forme d’Īśāna ou de Lakulīśvara (image ityphallique), à l’Ouest Narasiṃha ou Rudra mais ce dernier peut aussi être au Nord à la place de Brahmā qui s’y trouve normalement. Le Raurava donne une liste de “divinités des points cardinaux” (diśāmūrti) sans préciser à quel niveau elles doivent être installées, mais la série étant de quatre il s’agit probablement de celui de l’attique (Rau 39.33-35) : à l’Est on peut avoir Skanda, Vināyaka ou Sahaja-Brahmā (qui peut aussi être au Nord) ; au Sud c’est Dakṣiṇāmūrti, à l’Ouest une forme de Viṣṇu (harilīlā) et enfin au Nord Dhanada-Kubera ou Vidhātṛ-Brahmā (ci-dessus). De plus le même texte indique qu’il faut placer “partout” (sarvatra) les “dieux dont le premier est Sukhāsana“ (sukhāsanādidevān, Rau 39.35) : il s’agit des huit, treize ou quartorze formes manifestes de Śiva qui sont énumérées et décrites dans le chapitre 35 de cet āgama (voir Rau, t. II, p. 75 note 9 sur les variations du texte quant à leur nombre) ; cette formule étant employée à la fin du chapitre consacré au temple proprement dit (prāsāda), on peut supposer que ces images doivent être réparties sur les façades dans les différents édicules ou niches qui y sont placés (§§ 3.40 sqq et 4.10), mais il faut remarquer que selon l'Ajita les vyaktaliṅga, c’est-à-dire les images manifestes, doivent être installés dans les différentes enceintes du sanctuaire (Aj 38.51-53 et ci-dessous § 5.16). Enfin le Raurava est le seul à mentionner les Dvārapāla qui doivent encadrer la porte du prāsāda, celle (ou celles) de son mukhamaṇḍapa et celle de son antarāla (Rau 32.1) ; ce sont les mêmes images qui doivent se trouver de part et d’autres des portes des pavillons d’entrée (ibid.), ce qui explique que la série indiquée par le Raurava concerne les quatre points cardinaux et pas seulement l’Est et l’Ouest, directions normales de la porte du temple proprement dit ; on a donc les couples suivants (Rau 32.6-8) : à l’Est Nandin et Kāla, au Sud Daṇḍin et Muṇḍin, à l’Ouest Vijaya et Bhṛṅgin et enfin au Nord Gopati et Ananta.
3§ 5.3. C’est sous la forme non-manifeste du Liṅga que Śiva est installé dans la cella du temple principal ; cependant le Raurava indique de plus qu’il faut placer sur le mur du fond de la cella, derrière le Liṅga, une représentation manifeste de Śiva accompagné d’Umā (Someśa) (Rau 34.1-2 et ibid. t. II, p. VIII-IX). Le Liṅga peut avoir des formes et des dimensions diverses (Aj chap. 4 et Rau chap. 28). Il doit être placé au centre de la cella (avec un léger décalage vers le Nord-Est, Rau 28.68 et 30.37) de façon à reposer sur le sol (sthala) par l’intermédiaire d’une pierre plate placée au-dessus d’un dépôt sacré (brahmaśilā, Aj 18.170 sq ou ādhāraśilā, Rau 28.68...) ; cette pierre est cantonnée par quatre autres pierres plus petites, les nandyāvartaśilā (Aj 18.214 sq ; - Rau 28.71 ; 29.3) qui sont placées sous le piédestal (pīṭha, piṇḍikā) ; on notera dès à présent que le Liṅga ne repose pas sur ce piédestal mais qu’il le traverse de haut en bas et que la hauteur du piédestal doit être telle que seul l’élément supérieur du Liṅga (śivabhāga) soit visible (Rau 28.74). Le piédestal est mouluré (ci-dessous) et il est confectionné en pierre, en briques ou avec ces deux matériaux simultanément (Rau 28.72-74 ; - Aj 16.51-52) ; lorsqu’il est en pierre il doit être monolithe selon le Raurava, mais l'Ajita précise qu’en cas de nécessité il peut être fait de l’assemblage de plusieurs blocs de pierre : leur nombre ne doit cependant pas dépasser quatre et il ne faut pas que la partie supérieure du piédestal (c’est-à-dire sa cuve, ci-dessous) comporte d’assemblage ; le piédestal de briques est constitué par un “noyau de briques” (iṣṭakāgarbha, Rau 28.73a) recouvert d’enduit (sudhā) ; enfin le piédestal “mixte” (miśra) dont il n’est question que dans le Raurava a sa partie inférieure en briques recouvertes d’enduit et sa partie supérieure en pierre : le texte dit exactement “qu’en bas la doucine est en (briques) recouvertes d’enduit et que la partie supérieure est en pierre” (miśre tv adho’mbujaṃ saudham upary aśmamayaṃ bhavet/) mais nous ne savons pas de quelle doucine il s’agit exactement ; en effet des deux types de piédestal décrits par le Raurava (ci-dessous § 5.4 et tableau III), l’un (bhadrapīṭha) ne comporte pas de doucine et l’autre (padmapīṭha) en comporte deux. L’assemblage du piédestal et du Liṅga et la fixation de ces deux éléments sur le sol doit se faire avec des mortiers de type aṣṭbandha (Aj 18.216 sq ; - Rau 29.28) ou vajrabandha (Rau 29.28, voir ci-dessus § 2.16).
4§ 5.4. Le Raurava décrit deux types de socle, bhadrapīṭha et padmapīṭha (Rau 28.73-81) sans préciser s’ils doivent être carrés ou circulaires ; l'Ajita (chap. 16) en présente dix, cinq carrés et cinq circulaires (Aj 16.9-10), parmi lesquels on retrouve le bhadrapīṭha (carré) correspondant au piédestal du même nom décrit dans le Raurava et le padmapīṭha (circulaire) dont la mouluration est différente de celle que présente le Raurava sous le même nom. On a réuni dans le tableau III (à la fin de l’ouvrage) ces différentes descriptions que nous avons déjà eu l’occasion d’utiliser pour l’étude générale des moulures (ci-dessus §§ 3.1 sq). Mise à part la margelle supérieure (ghṛtavāri) la mouluration des piédestaux apparaît comme très semblable à celles des soubassements et l’on retrouve en particulier les dispositions à deux registres que l’on avait déjà notées (ci-dessus § 3.4 et § 3.15). La margelle (ghṛtavāri) constitue le bord de la cuve (avaṭa) située sur la face supérieure du piédestal et destinée à recevoir les liquides qui sont versés sur le Liṅga lors de diverses cérémonies : cette margelle est interrompue au milieu de la face nord du piédestal par un bec saillant (nāla) destiné à permettre aux liquides de s’écouler vers le sol de la cella (Aj 16.48-50 ; - Rau 28.78-79) ; rappelons que ce sol est incliné de façon à orienter l’écoulement vers le conduit qui traverse le mur de la cella et qui se termine par une gargouille à l’extérieur du prāsāda (ci-dessus § 4.7).
Les enceintes
5§ 5.5. Les enceintes sont décrites brièvement dans le Raurava (chap. 41) et de façon un peu plus détaillée dans l'Ajita (chap. 38) ; de même que le mot français “enceinte”, prākāra désigne aussi bien les cours dont le nom spécifique est aṅkaṇa (Aj 38.10 et 49) que les murs qui les entourent (sāla, bhitti, kuḍya). Un sanctuaire complet comporte cinq enceintes qui sont toujours numérotées en partant du centre du dispositif et dont les noms spécifiques sont antarmaṇḍala (Aj et Rau) pour la première, antarhāra (Aj et Rau) ou antarahāra (Rau) pour la seconde, madhyahāra (Aj et Rau) pour la troisième, maryādi (id.) pour la quatrième et enfin mahāmaryādi (Aj, Rau) ou bāhyasāla (Rau) pour la cinquième qui est placée sur la limite du sanctuaire et en constitue le péribole ; nous ne savons pas si l’expression antaraṅkaṇa (“cour intérieure”), employée par l'Ajita (38.49), désigne l’une des enceintes “intérieures” en particulier (antarmaṇḍala ou antarhāra) ou si elle doit être prise dans un sens plus général. Le nombre de cinq enceintes est un maximum et, selon le Raurava, il peut y en avoir seulement trois ou deux ou une (Rau 41.13) ; l'Ajita pour qui leur nombre peut aller d’une à cinq précise de plus que lorsqu’il n’y a qu’une seule enceinte le sanctuaire est dit ābhāsa (Aj 38.13, à ne pas confondre avec le temple ābhāsa dont il est question dans le Raurava, ci-dessus § 4.5) et que son enceinte unique doit être construite à l’emplacement prévu pour la deuxième, la troisième ou la quatrième enceinte d’un sanctuaire qui en a cinq (Aj 38.27-28), ce qui signifie qu’elle doit être établie en fonction des dimensions proposées pour l’une de ces trois enceintes.
6§ 5.6. Les dimensions occupent une grande place dans les descriptions que fournissent nos deux textes, qu’il s’agisse de l’épaisseur ou de la hauteur des murs (§ 5.7) ou bien encore de l’étendue des cours. L'Ajita est cependant le seul à signaler que les enceintes sont tracées selon un plan rectangulaire et que leur longueur (mukhāyāma) est égale à une fois et quart, une fois et demie, une fois trois quarts, deux fois, trois fois ou quatre fois leur largeur (Aj 38.16-17) ; cette largeur (vistāra, viśāla, tati) est la dimension importante puisque c’est sur elle que seront calculées aussi bien la distance qui sépare les différents murs d’enceinte du temple central, que celle qui sépare deux murs d’enceinte successifs ou bien encore les deux côtés opposés d’une même enceinte ; on notera à ce sujet l’amphibologie de vistāra qui peut désigner indifféremment l’une quelconque de ces dimensions : ainsi lorsque le Raurava dit prāsādasadṛśavyāsaṃ tripādaṃ vārdham eva vā/antarmaṇḍalavistāram…/ antarmaṇḍalavistāradviguṇo’ntarahārakaḥ/ (Rau 41.1-3), il faut comprendre que vistāra désigne dans le premier cas la distance qui sépare le temple du mur de la première enceinte et, dans le second cas, celle qui sépare deux côtés opposés de cette enceinte. Les unités employées sont la coudée ou bien la largeur du temple qui est au centre du dispositif, largeur que l'Ajita appelle daṇḍa (ci-dessus § 2.2) et qui doit être prise le long du pramāṇasūtra ; on sait qu’il s’agit de la ligne sur laquelle doivent être prises toutes les dimensions d’un édifice (§ 2.5) et c’est à partir de cette même ligne que seront prises les dimensions des enceintes. On a réuni dans le tableau situé à la fin de ce paragraphe les différentes dimensions proposées en les réduisant pour faciliter les comparaisons à la profondeur des cours, c’est-à-dire à la distance séparant deux murs d’enceinte successifs ou, dans le cas de l'antarmaṇḍala, le temple du premier mur d’enceinte. Ce tableau appelle les remarques suivantes en ce qui concerne la profondeur de la première cour, l'Ajita indique que pour “protéger ou enjoliver le temple” elle peut être égale aux trois quarts de sa largeur (au lieu de la moitié) (Aj 38.14) mais il ne dit pas s’il faut modifier les dimensions des autres enceintes ni comment le faire ; par ailleurs pour ce qui est des dimensions en coudées, nous lisons Aj 38. 10a de la façon suivante : ādyaṃ sālāṅkaṇāntaṃ tatigatam athavā vahnibāṇābdhinandai rudrair hastaiḥ kramaśaparimittam ādyamānaṃ vidheyam/ (en suivant le manuscrit C, au lieu de... kramoccaiḥ parimitam adhamādyādyamānaṃ vidheyam choisi par l’éditeur) ; il ne semble en effet pas possible d’avoir là des hauteurs (de murs, ci-dessous § 5.7) puisqu’il est question de tati. Enfin une dernière remarque est de portée plus générale : si l’on compare les proportions données ici pour les enceintes avec celles qui ont été fournies par ailleurs pour les pavillons d’entrée correspondants (§ 4.34) on constate que, en prenant pour exemple les proportions proposées par le Raurava, le pavillon d’entrée de la première enceinte occupe au moins la moitié de la profondeur de la cour correspondante, ce qui ne laisse guère de place pour les dépendances et les chapelles des Assesseurs.
7§ 5.7. Nos deux textes s’accordent sur le fait que l’épaisseur des murs d’enceinte varie entre une et deux coudées, mais alors que l’Ajita (38.19-20) indique cinq épaisseurs possibles correspondant aux cinq enceintes, le Raurava (41.8-9) en propose neuf sans justifier ce chiffre qui ne correspond pas évidemment au nombre d’enceintes. En ce qui concerne la hauteur de ces murs, le Raurava indique qu’elle va du triple au sextuple de leur épaisseur (Rau 41.9-10) alors que l'Ajita envisage plusieurs possibilités (Aj 38.20-22) : s’il s’agit d’un petit sanctuaire (kṣudradhāman, voir § 4.4) la hauteur du mur de l’enceinte (unique semble-t-il) doit être au moins égale à celle du sanctuaire et peut même éventuellement la dépasser d’un quart ou d’une moitié ; dans les autres cas le mur peut s’élever jusqu’au sommet du niveau des piliers, de celui de l’entablement, de celui de l’attique ou de celui du toit : on peut supposer que les hauteurs doivent aller en croissant au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre mais cela n’est pas indiqué expressément et le texte ne nous donne d’ailleurs que quatre possibilités et non cinq comme par exemple pour les épaisseurs (ci-dessus) ; dans le même ordre d’idée on constate qu’il ne fournit que trois valeurs possibles pour les hauteurs de murs exprimées en coudées (Aj 38.22 : six, sept ou huit coudées).
8§ 5.8. La base du mur peut être constituée par un bahut (vedikā) (Aj 38. 28 ; § 3.6) dont les proportions ne nous sont pas indiquées ; quant au chaperon (śiras) il peut selon le Raurava (41.14) avoir la forme d’un parasol (chatrābha), celle d’une bulle (budbudākāra) ou celle d’une demi-lune (ardhacandrākṛti) : dans le premier cas il doit s’agir d’un chaperon à deux versants et dans le second d’un chaperon arrondi ; quant à la troisième expression nous ne savons si elle fait allusion à un profil arrondi un peu différent de celui “en forme de bulle” ou bien s’il faut considérer qu’elle s’applique non au chaperon lui-même mais à des merlons de forme semi-circulaire qui seraient disposés sur le faîte du mur ; cette dernière hypothèse se concilie mal cependant avec la présence de “nombreuses (images) de taureaux ou de gnomes” sur ce faîte (Rau 41.14 ; l'Ajita 38.24 ne mentionne que les taureaux). Contre le mur sont plaqués des éléments décoratifs qui, selon l'Ajita, sont des édicules étroits (kūṭa), allongés (śālā) ou en forme de “cages” (pañjara) ainsi que des arcatures (toraṇa) (voir ci-dessus §§ 3.43 et 45) ; ils sont séparés les uns des autres par des pilastres “pourvus de tous les éléments” (sarvāṅgāṅghri), c’est-à-dire comportant fût, chapiteau, tailloir et soutien d’entablement (§ 3-18) ; on peut supposer que le bahut dont il a été question précédemment joue le rôle de soubassement pour ces édicules ou niches comme pour ces pilastres, la base du chaperon tenant lieu d’entablement à ces derniers ; enfin rien n’indique ce qui se passe lorsque des galeries (mālikā, § 4.36) sont construites contre les faces intérieures des murs d’enceinte ; il est possible que les différents éléments décoratifs dont il vient d’être question soient conservés mais ce n’est pas certain ; par ailleurs il faut probablement supposer que les niches et édicules disposés contre le mur peuvent dans certains cas servir d’abri aux images des Assesseurs et des autres divinités installées dans les différentes enceintes (ci dessous (§§ 5. 13-15) lorsque ces images sont “adossées au mur (bhittisamāśrita).
Les dépendances
9§ 5.9. Le fonctionnement régulier du sanctuaire nécessite un certain nombre de dépendances qui ne sont énumérées que dans l’Ajita (38.43 sqq) : on les y désigne collectivement sous le terme vague de sthāna (Aj 38.50b) que l’on peut traduire par “emplacement” ; certaines de ces dépendances sont installées dans des édifices plus ou moins bien définis (maṇḍapa, śālā, catuśśāla. §§ 4.13 et 40), mais les autres correspondent probablement à des tronçons de galerie (mālikā) délimités par des cloisons (§ 3.33), ce qui justifie l’emploi dans les expressions les désignant de termes aussi peu précis que sthāna, niveśana ou ālaya. L’énumération de ces dépendances est accompagnée de celle de leurs positions déterminées en fonction des points cardinaux, mais l’enceinte où elles se situent n’est pas indiquée de façon précise ; nous ne savons pas en particulier si l’expression antaraṅkaṇe désigne une enceinte en particulier ou seulement l’une quelconque des enceintes intérieures (§ 5.5) ; cela et ce que l’on sait de l’étroitesse des cours (§ 5.6) font qu’il est difficile de se rendre compte de la façon dont sont disposées respectivement ces dépendances et les chapelles des Assesseurs (§ 5.13 sq) ; on notera cependant que contrairement à ces dernières les dépendances ne sont jamais situées sur les axes cardinaux du sanctuaire.
10§ 5.10. Dans la partie orientale de l’enceinte où sont situées les dépendances on trouve la cuisine (pacanasthāna) et ses annexes, le grenier (dhānyasthāna) et “l’abri aux condiments” (vyañjanasthāna) ; seule la cuisine est bien définie, architecturalement puisque ce doit être un bâtiment à quatre corps de logis (catuśśāla, § 4.40), c’est-à-dire une maison à cour centrale ; elle est située au Sud de l’axe médian de l’enceinte, le grenier se trouvant au Nord de cet axe et l’abri aux condiments à l’angle sud-est. Dans la partie sud de l’enceinte on trouve “l’emplacement pour l’eau pour les bains” (snānāmbhaḥsthāna), à l’Est de l’axe médian et le “bâtiment aux fleurs” (puṣpaśālā) à l’Ouest de cet axe : il semble ici s’agir de dépendances abritant les ingrédients nécessaires à la pūjā (l’eau pour les “bains” du dieu et les fleurs pour la réalisation des diagrammes ou des parures) ; on a vu précédemment (§ 4.23) que la puṣpaśālā est mentionnée ailleurs sous le nom de puspamaṇḍapa (Aj 23.5) cette désignation correspond peut-être aux deux formes que peut revêtir cet édifice : celle d’une salle couverte en carène (§ 4.40) ou celle d’un pavillon ; enfin on notera que cette puṣpaśālā peut également être placée dans la partie occidentale de l’enceinte à côté du dharmaśravaṇamaṇḍapa. Dans l’angle sud-ouest doit se trouver le trésor du temple (dhanadhānyānāṃ sthānam). La partie occidentale de l’enceinte sera occupée par deux constructions de destinations assez proches : au Sud le “pavillon pour les sermons” (dharmaśravaṇamaṇḍapa) et au Nord l'”école” (vidyāsthāna). A l’angle nord-ouest on trouvera la “pièce des armes” (śastraśālā) et celle des “vêtements” (vastraśālā) : dans un cas comme dans l’autre il s’agit d’objets qui servent à “équiper” le dieu lors des grandes processions ; à côté se trouve le “dortoir” (śayanasthāna) qui peut servir de temple à Gaurī (Rau 31.3) et qui pour le reste sert généralement à abriter les images utilisées dans les processions (utsavamūrti). Enfin à l’angle nord-est se trouve le pavillon sacrificiel (yāgamaṇḍapa § 4.24) à côté duquel il y a, d’une part, la réserve aux parasols et autres accessoires du même genre (chatrādīnāṃ niveśanam) et, d’autre part, le puits (kūpasthāna).
Les grands autels à offrandes
11§ 5.11. Selon l'Ajita 39.42-43) il doit y avoir deux grands autels à offrandes (mahāpīṭha, pīṭha) placés respectivement en deçà et au delà du “gopura” à une distance qui peut aller de trois à quinze coudées ; l’indication d’un autel intérieur et d’un autel extérieur laisse supposer que le terme gopura s’applique ici au pavillon d’entrée de l’enceinte extérieure du sanctuaire, celle qui en constitue le péribole ; le Raurava (33.16 sqq) semble ne parler que d’un seul autel qui doit correspondre à l’autel extérieur de l'Ajita (cf. Rau 18.22) ; le même texte précise que cet autel doit se situer dans l’axe de la porte de la cella à l’Est où à l’Ouest du temple selon l’orientation de celui-ci (Rau 11.9 et § 4.7). Confectionné en pierre ou en briques recouvertes d’enduit, l’autel se présente comme un corps mouluré aussi haut que large et dont la face supérieure est occupée par un lotus (kamala) sur le réceptacle (karṇikā) duquel sont déposées les offrandes. Pour le reste les descriptions données par chacun de nos textes sont légèrement différentes et nous les présenterons séparément (pour le détail de la mouluration, voir tableau IV). Selon l'Ajita (39-43-52) l’autel est carré et sa largeur (égale à sa hauteur) peut aller de trois à sept empans, ce qui donne sept possibilités ; l’autel proprement dit peut éventuellement être placé sur un socle mouluré également (upapīṭha) au sommet duquel on accède par un escalier (sopāna) ; aux angles de l’autel se trouvent des images de taureaux et à ceux du socle des images de “grands gnomes” (mahābhūta) ; enfin ce texte précise que l’autel extérieur et l’autel intérieur (ci-dessus) doivent avoir les mêmes dimensions. Selon le Raurava (33.16,21) la largeur de l’autel peut aller d’une à deux coudées (neuf possibilités) ; cet autel est carré ou octogonal ou bien encore “pourvu d’avancées médianes” (madhyabhadrayuta) ce qui semble faire allusion à un autel carré pourvu d’éléments saillants sur chacune de ses faces ; il faut placer aux angles des images de taureaux ou de danseurs (nāṭaka) ; enfin en ce qui concerne les moulures (tableau IV) il est précisé que leur rentrant ou leur saillie doivent être conformes à ce qui a été dit pour les soubassements (aṅgānāṃ veśaniṣkrāntam adhiṣṭhānoktavat kuru :, Rau 33.20a et ci-dessus § 3.2).
Le mât
12§ 5.12. Le mât destiné à porter l’étendard du dieu (dhvajadaṇḍa) peut être installé à des endroits plus ou moins éloignés du temple principal mais toujours situés dans l’axe de sa porte (Aj 27.91-92 ; - Rau 18.22-23) : selon le Raurava il peut être devant ou derrière l’image de Vṛṣa (§ 5.14) ou bien encore “entre le (grand autel) et le gopura” ou bien encore “devant ou au milieu de la seconde enceinte” ou bien encore dans la troisième enceinte ; l’expression pīṭhagopurayor madhye (qui se retrouve dans l’Ajita, ci-dessous) n’est pas claire mais on peut supposer que le gopura dont il est question ici est le dvāragopura, c’est-à-dire le pavillon d’entrée de la dernière enceinte (§ 4.33). Selon l’Ajita le mât est “devant le temple ou à l’intérieur des enceintes” (prāsādāgre..prākārābhyantare vā) ce qui semble signifier qu’il peut être dans la première enceinte (donc juste devant le temple) ou dans une des autres ; ce mât peut être devant le (grand) autel (mais lequel puisque l’Ajita en prescrit deux ? § 5.11), devant le gopura (?), devant ou derrière Vṛṣa, entre le gopura et le (grand) autel ou entre le gopura et Vṛṣa (ce qui semble faire allusion à un temple à une seule enceinte) ou bien encore dans la quatrième ou la cinquième enceinte. Selon le Raurava (18.30), la hauteur du mât est le triple de celle du temple ; selon l’Ajita (27.73), le mât peut être aussi haut que le temple ou atteindre seulement le niveau du sommet de son toit (et non du motif de couronnement) ou celui des nāsikā (de l’attique ? du toit ? § 344) ou celui de l’attique ou celui de l’entablement ; il peut également être aussi haut que le “gopura” ou mesurer dix, onze ou douze coudées (Aj 27.77). Pour le reste, le dhvajadaṇḍa comprend deux éléments, le mât proprement dit (daṇḍa, Aj et Rau ; yaṣṭi, Rau) et un élément supérieur (upadaṇḍa) destiné à supporter l’anneau (valaya) par où passe la corde (rajju) de l’étendard (Aj 27.78 sq ; - Rau 18.32 sq) ; confectionné en des bois bien déterminés (§§ 2.14-15), il est planté dans un support en maçonnerie carré (vedikā, Aj 27.94-97 ; - Rau 18.38-39) qui selon le Raurava peut être surélevé par un socle (upavedikā).
Les Assesseurs
13§ 5.13. Les Assesseurs (parivāradevatā, litt. “divinités de l’entourage”) de Śiva doivent être installés dans les trois premières enceintes de son sanctuaire (Aj 39.1-3 ; - Rau 33.1-2) sous la forme d’images (abritées ou non par des chapelles) ou bien sous celle d’autels (pīṭha, balipīṭha, viṣṭara) (Aj 39.34-36 ; - Rau 33.6) ; ils peuvent être placés au milieu des cours ou encore être adossés à la face intérieure des murs (Aj 39.3 ; - Rau 33.1-2), mais dans un cas comme dans l’autre ils doivent toujours faire face au temple de Śiva (Aj 39.6 ; - Rau 33.3) ; enfin si chacun des Assesseurs possède un emplacement attitré, il faut cependant intervertir ceux qui se trouvent respectivement à l’Est et à l’Ouest dans la première enceinte (c’est-à-dire Vṛṣa et Skanda) si le temple principal s’ouvre à l’Ouest et non à l’Est (Aj 39.22 ;-Rau 11.9) ; il n’est pas indiqué si cette interversion doit être également faite pour les Assesseurs des deuxième et troisième enceintes. Le Raurava ne mentionne les chapelles des Assesseurs que de façon tout à fait incidente (à propos de la mise en place des lampes, Rau 26.20). L'Ajita plus complet définit les types particuliers de chapelles qui conviennent à certains Assesseurs de la première enceinte (ci-dessous § 5.14) et ajoute que ces chapelles ne doivent avoir qu’un seul palier (Aj 39.15) et que leur largeur extérieure doit être calculée en fonction de la largeur de la cella du temple principal (mūlaprāsādagarbha) : elle peut en être les trois, quatre, six ou sept cinquièmes ou bien encore lui être égale (Aj 39.4-6). On peut supposer de plus que lorsque les Assesseurs sont “adossés” au mur d’enceinte (bhittyāśrita) les chapelles sont un peu différentes de ce qu’indique le texte et qu’elles prennent parfois l’aspect de kūṭa ou de śālā plaqués contre le mur (on ne voit pas en particulier comment la chapelle hastipṛṣṭha de Vināyaka peut être “adossée” à un mur sans perdre l’abside qui constitue sa caractéristique essentielle). Les autels qui peuvent être substitués aux images des Assesseurs sont décrits dans nos deux textes (Aj 39.16-21 ; - Rau 33.6b-8a) ; appelés pīṭha ou balipīṭha par l'Ajita et viṣṭara par le Raurava ils sont taillés dans une pierre ou façonnés en mortier (saudhaja) ou en briques (Rau 33-8a) ; leur largeur (égale à leur hauteur) est de douze, dix-huit ou vingt-quatre doigts selon le Raurava ; ces valeurs sont de neuf, dix-huit et vingt-sept doigts selon l'Ajita si l’on admet que dans l’expression kauśikāṅgulasaṃmitam (Aj 39.16b) kauśikā peut être pris comme un nom de Durgā et affecté de la valeur “neuf” puisqu’il y a neuf Durgā (Bhaviṣyatpurāṇa, cité in T. G. Rao Elements of Hindu Iconography, 1914, t. ½, append. C p. 115). Ces autels peuvent être carrés ou circulaires (Aj) et se présenter sous deux aspects : ce peut être celui d’un lotus auquel cas ce sont des autels-lotus (padmapīṭha, à ne pas confondre avec le piédestal du même nom, § 5.4) et ils sont couronnés par le réceptacle (karṇikā) ou l’on place l’offrande (padmapīṭhaṃ tu kurvīta padmākāraṃ sakarṇikam/Aj 39.19a), ils peuvent également être semblables à une petite pyramide à trois degrés (litt. “ceintures”, mekhalā), au sommet de laquelle se trouve un lotus (Aj et Rau) ; l'Ajita envisage également une forme à deux degrés et une autre à un seul : dans ce dernier cas l’autel se présente comme une plaque posée sur le sol et supportant un lotus. Caṇḍesa est le seul Assesseur de la première enceinte dont l’image ne puisse être remplacée par un autel (Aj 39.20-21) ; de plus on doit en mettre neuf à la place des Mères et trois à celle de Jyeṣṭhā (ibidem), puisque les premières sont toujours accompagnées de Vīrabhadra et de Gaṇeśa (par ex. Aj 36.331-339) et que la seconde l’est de son fils à tête de taureau et de sa fille (ibidem 324-325).
14§ 5.14. Le Raurava après avoir indiqué qu’il y a des Assesseurs dans les trois premières enceintes (ci-dessus) n’énumère que ceux de la première enceinte (Rau 33.2-3) et omet Caṇḍeśa (ci-dessous) : ce sont Ukṣa à l’Est (pour un temple ouvert à l’Est, ci-dessus), Durgā au Sud-Est, Cāmuṇḍī au Sud, Gaṇeśa à l’Ouest, Jyeṣṭhā au Nord-Ouest, Hari au Nord et enfin Bhānu au Nord-Est ; de plus ce texte prescrit l’installation du trident (triśūla) de Śiva devant l’image d’Ukṣa (Rau 33.11). La série proposée par l'Ajita pour cette même enceinte est légèrement différente et elle est accompagnée comme on l’a signalé de détails sur les chapelles (Aj 39. 7-21 ; Tab. V à la fin du volume) :
- Est : Vṛṣa ; sa chapelle qui peut elle-même être à l’intérieur d’un maṇḍapa ou d’une prapā (maṇḍapaprapāntasaṃsthita) a la forme d’un pavillon (maṇḍapākāra) : ce doit être un petit édifice à quatre piliers (§ 4.20 type I),
- Sud-Est : Brahmā (au lieu de Durgā selon le Raurava) ; chapelle carrée (type nāgara ?).
- Sud : Les Sept Mères (au lieu de Cāmuṇḍī qui est l’une d’entre elles) ; leur chapelle allongée (deux fois longue comme large) est en forme de gopura (gopurākṛti, § 4.35).
- Sud-Ouest : Vināyaka/Gaṇeśa ; chapelle à abside (hastipṛṣṭha, § 4.12), ouverte à l’Est.
- Ouest : Guha ; sa chapelle semble analogue à celle de Vināyaka puisque l’une et l’autre sont présentées de façon suivante : hastipṛṣṭhaṃ gaṇeśasya niveśaḥ syād guhasya tu// (Aj 39.13b).
- Nord-Ouest : Jyeṣṭhā ; chapelle de type nāgara (§ 4.11).
- Nord : deux possibilités, Durgā/Kauśikī ou Viṣṇu ; la chapelle de Durgā est de type nāgara et celle de Viṣṇu de type drāviḍa (ibidem).
- Nord-Est : Ravi/Arka ; sa chapelle qui s’ouvre à l’Ouest est qualifiée de vidhānavat (“selon la règle”) ; la même expression se retrouve dans le chapitre consacré à l’installation de Sūrya, mais il est précisé cette fois-ci que le temple est un prāsāda (prāsādaṃ paścimadvāraṃ kṛtvā pūrvavidhānataḥ, Aj 54. 13) ; il semble donc qu’il faille penser que vidhānavat indique ici simplement que le temple (ou la chapelle) d’Arka est conforme aux règles générales (fournies pour le temple de Śiva).
- Au Nord-Est se trouve également la chapelle de Caṇḍeśa, le dévot de Śiva, mais elle est située hors de l’alignement des autres parivārālaya (Aj 39.11 : caṇḍeśālayam avyaktam maṇḍale tu prakalpayet/ litt. “la chapelle de Caṇḍeśa doit être construite sans être incluse dans le cercle”) ; cette chapelle est un prāsāda pourvu d’un mukhamaṇḍapa (§ 4.9) et sa porte est au Sud. Ajoutons à cela que l’emplacement indiqué ici ne peut être modifié en aucune manière (cf. Aj 51.6b-7a).
15§ 5.15. Pour les seconde et troisième enceintes l'Ajita énumère les divinités en indiquant leurs emplacements respectifs mais sans donner plus de détails (tab. V). C’est ainsi que l’on a dans la seconde enceinte (Aj 39.23-26) les huit Lokapāla (chacun dans la direction qui lui est propre) ainsi que Arka et Candramas à l’Est (de part et d’autre de Śakra), Agastya et Nārada au Sud, Śrī et Sarasvatī à l’Ouest, Vyāsa et Vagīśa (Patañjali) au Nord et enfin le surnuméraire Kṣetrapāla au Nord-Est (Aj 39-34). Enfin dans la troisième enceinte sont répartis quatre groupes de huit divinités : les huit Vasu, les huit Marut, les huit Mahānāga et les huit Pramatha (Aj 39.27-33) ; il s’agit là de groupes de divinités secondaires fort peu individualisées et très abstraites et qui sont le plus souvent installées sous la forme d’autels.
16§ 5.16. Les Assesseurs proprement dits que l’on vient d’énumérer ne sont pas les seules formes divines qu’il faut installer dans les enceintes du sanctuaire de Śiva. En effet Śiva lui-même, en dehors du Liṅga placé dans le temple principal, doit également être installé sous l’aspect de ses formes manifestes (ci-dessus § 5.2) dans les seconde, troisième et quatrième enceintes (Aj 38.51-53) : ces images doivent être adossées aux murs de façon à faire face au temple principal ; de plus “en l’absence de mur” elles doivent être dans les cours (bhittiṃ hitvāṅgaṇe vapi kārayed... Aj 38.53) ce qui semble faire allusion à un sanctuaire inachevé dont les enceintes sont tracées mais non encore entourées de murs. C’est encore Śiva qui peut être installé sous la forme de Liṅga commémoratifs (kṣetraliṅga) : ceux-ci doivent être disposés dans les troisième, quatrième ou cinquième enceintes (Rau 30.9-10). Enfin Gaurī/Umā dont nous avons vu qu’elle peut être au côté de Śiva sur une image placée au fond de la cella du temple principal (§ 5.3) peut également être installée dans le “dortoir” (śayanasthāna, § 5.10) qui fait partie des dépendances permanentes du temple.
SANCTUAIRES DIVERS
17§ 5.17. Comme on a déjà eu l’occasion de le signaler les indications fournies sur les sanctuaires des divinités autres que Śiva sont extrêmement succinctes ; elles sont généralement contenues dans les chapitres relatifs à l’installation (sthāpana) de ces diverses divinités, chapitres qui concernent l’installation de ces divinités aussi bien comme Assesseurs de Śiva que comme divinités principales d’un sanctuaire qui leur est propre. Il ne faut guère chercher autre chose ici que des détails portant sur le choix des sites (mais on se contente souvent de renvoyer à ce qui a été dit pour le Liṅga, c’est-à-dire pour le sanctuaire de Śiva), sur l’orientation de la porte et enfin sur le nombre et les noms des Assesseurs ; à propos de ce dernier point on notera que les listes des Assesseurs sont le plus souvent données à propos de la mise en place des vases utilisés dans le kumbhābhiśeka et qu’il s’agit ainsi des positions sur un diagramme rituel qui n’est autre cependant que la reproduction du dispositif du sanctuaire. Le Raurava traite de l’installation séparée de Visnu, de Mohinī et de Nāgarāja, mais pour ce dernier la seule indication intéressant à la rigueur notre propos est que l’image de Nāgarāja doit être placée sur un bhadrapīṭha ou sur un padmapīṭha (Rau 38.11). L'Ajita présente les installations séparées des Mātṛkā, de Gaṇeśa, de Skanda, de Jyeṣṭhā, de Durgā et de Sūrya (rappelons que les chapitres relatifs aux installations de Viṣṇu et Kṣetrapāla n’ont pas encore été édités, § 1.4).
Viṣṇu
18§ 5.18. Le sanctuaire de Viṣṇu (harimandira) peut être installé au centre d’une agglomération telle qu’un village (grāmādi) ou encore à ses orients majeurs ou intermédiaires ou entre eux (en d’autres termes, partout) ; il peut également se situer au bord de la mer, d’une rivière ou d’un étang ou dans une forêt (Rau 36.1-2). Le temple et les pavillons et autres édifices qui en dépendent sont semblables à ce qui a été dit pour Śiva (Rau 36.3). La porte est encadrée par Śaṅkha et Cakra représentés sous leurs formes manifestes ; Garuḍa est en face de la porte et les huit Assesseurs (énumérés pour la viṣṇupūjā) sont Vimala, Vidhātṛ, Vikrama, Vijaya, Puṣṭimūrti, Vṛddhi, Tripada et Abhivṛddhida (Rau 36.28-30).
Mohinī
19§ 5.19. Le sanctuaire de Mohinī (mohinyāvāsaka) est installé dans la direction que l’on veut à l’extérieur de l’agglomération ; le temple (harmya) et les pavillons (…etc.) doivent être semblables à ce qui a été dit pour Śiva mais il faut disposer “sur l’entablement (au pied) de l’attique” (grīvamañcake, voir ci-dessus § 3.23) une image de Garuḍa, de lion ou de taureau (Rau 37.7-8). Deux divinités (Aṣṭāṅgī et Koṭarī) sont placées dans la cella de part et d’autre de l’accès (garbhagehe praveśasya pārśvayoḥ) cependant que deux autres (Śaṅkinī et Ṭaṅkinī) encadrent la “porte extérieure” (bāhyadvāra) (Rau 37.17-19), mais nous ne savons pas si cette “porte” est tout simplement celle de la cella (ou du mukhamaṇḍapa) ou bien encore celle qui peut tenir lieu de pavillon d’entrée (§ 4.33). Enfin seize divinités féminines tiennent lieu d’Assesseurs, elles doivent toutes faire face au temple principal (prāsādābhimukha) mais nous ne savons pas si elles sont disposées dans une seule enceinte ou dans plusieurs.
Les Sept Mères
20§ 5.20. Comme on l’a vu les Sept Mères (Aj ; seulement Cāmuṇḍī selon Rau) peuvent être installées dans la partie sud de la première enceinte du sanctuaire de Śiva (§ 5.13) ; lorsqu’elles sont installées isolément ce peut être dans les secteurs nord-est ou nord d’une agglomération telle qu’un village (grāmādi) ou de préférence dans un endroit isolé (vijane) situé au bord d'une rivière ou d’une pièce d’eau ou dans un parc ou un bois ou encore sur une montagne (Aj 48.1-3). Le temple lui-même n’est pas décrit mais l’on peut supposer qu’il s’agit, comme dans le cas de la chapelle (§ 5.13) d’un bâtiment allongé d’Est en Ouest et ouvert au Nord puisqu’il est dit que leurs images doivent être toutes tournées vers le Nord, celles de Vīrabhadra et Gaṇeśa, disposées respectivement à l’Est et à l’Ouest des Mères, l’étant la première vers l’Ouest et la seconde vers l’Est (Aj 48.59-60) ; enfin Cāmuṇḍā (Cāmuṇḍī) qui lorsque les Mères sont Assesseurs de Śiva est en fin de série (l’ordre est alors Brahmāṇī, Maheśvarī, Kaumārī, Vaiṣṇavī, Vārāhī, Indrāṇī et Cāmuṇḍā) est installée au centre lorsqu’il s’agit d’un sanctuaire particulier (Aj 48.4) ; on n’indique pas si ce déplacement implique que Vaiṣṇavī prenne la place de Cāmuṇḍā ou s’il y a décalage simultané des positions de cette déesse et de Vārāhī et Indrāṇī.
Gaṇeśa
21§ 5.21. Gaṇeśa (Vināyaka...) peut être installé comme Assesseur de Śiva ou comme acolyte des Mères (§§ 5.13, 20). Lorsqu’il a un sanctuaire particulier celui-ci peut être installé dans les secteurs méridional ou oriental d’une agglomération et, d’une façon plus générale, dans tous les endroits qui conviennent à l’installation du Liṅga de Śiva (Aj 49.15-16a). Son temple (dhāman) s’ouvre toujours à l’Est (Aj 49.77) : Vīra et Mahāvīra sont les deux gardiens de sa porte devant laquelle se trouve l’image de sa monture (le rat, qui n’est pas nommé) ; ses huit Assesseurs sont (en partant de l’Est) Supraveśa, Suvṛtta, Vāmana, Śaṅkhapāla, Mahāvīra, Bhairava, Vīreśa et Ugrarūpa, mais ils ne semblent pas être représentés autrement que par des autels (Aj 49.77-80).
Skanda
22§ 5.22. Les endroits qui conviennent à Skanda (en dehors du sanctuaire de Śiva) sont ceux qui conviennent au Liṅga (Aj 50.14). Son temple (dhāman, prāsāda) est ouvert à l’Est ou à l’Ouest ; les huit Lokapāla sont ses Assesseurs, Viśākha et Naigameya ses gardiens et sa monture, le paon, est installée devant la porte (Aj 50.75-76).
Jyeṣṭhā
23§ 5.23. Les renseignements concernant l’emplacement du sanctuaire ne sont pas utilisables puisqu’ils se trouvent dans une partie du texte reconstituée hypothétiquement par l’éditeur (voir Ajita, t. II, p. 179 note 2) ; pour le reste nous ne trouvons que les noms des gardiennes de la porte (Vidyujjihvā et Viśālākṣī) et ceux des huit Assesseurs (Karālī, Kapilākṣī, Vimalā, Vibhujā, Bhāsvarā, Vitatā, Kīkasā et Kadru) (Aj 52.43-45).
Durgā
24§ 5.24. Les emplacements qui conviennent au Liṅga conviennent également à Durgā ; son temple (prāsāda) est ouvert à l’Est si l’on désire jouissance ou victoire et à l’Ouest si l’on recherche la délivrance (Aj 53.16-17) ; ses deux gardiennes (dvāradevatā) sont Ulkāmukhī et Vijihvā (“Celle qui a une bouche de feu” et “Celle qui n’a pas de langue”) ; sa monture, le lion, doit être devant la porte ; ses huit Assesseurs sont Bhūmi, Jyeṣṭhā, Moṭī, Mohinī, Prakṛti, Vikṛti, Niyati et Nivṛtti ; enfin il faut installer sur le grand autel à offrandes qui est à l’extérieur du sanctuaire (bāhyasthe mahāpīṭhe) la troupe des Pūtanā (Aj 53.45-49).
Sūrya
25§ 5.25. Tous les emplacements qui conviennent au Liṅga conviennent au sanctuaire de Sūrya et celui-ci, qu’il soit installé dans un village ou dans le temple de Śiva doit toujours être dans le secteur oriental de son temple (prāsāda) et s’ouvre toujours à l’Ouest (Aj 54.11-12) ; ses gardiens (dvārādhyakṣa) sont Ugra et Praśānta…et devant sa porte doit être installé le cocher Aruṇa et un cheval ; ses Assesseurs sont les Lokapāla (Aj 54.95-98).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La création d'une iconographie sivaïte narrative
Incarnations du dieu dans les temples pallava construits
Valérie Gillet
2010
Bibliotheca Malabarica
Bartholomäus Ziegenbalg's Tamil Library
Bartholomaus Will Sweetman et R. Ilakkuvan (éd.) Will Sweetman et R. Ilakkuvan (trad.)
2012