III. Les éléments architecturaux
p. 30-65
Texte intégral
LES MOULURES
1§ 3.1. Les descriptions d’édifices que contiennent nos deux textes s’attachent beaucoup moins, on l’a déjà signalé, à la structure de ces édifices qu’à leur aspect extérieur et plus précisément à leur décoration ; c’est ainsi que les développements relatifs à certains des “niveaux” (varga, § 3.12) qui constituent l’élévation des bâtiments ne concernent guère que la mouluration dont ils sont parés ; celle-ci est parfois composée de moulures très spécifiques et leur étude sera faite lors de celle de ces niveaux : c’est le cas pour les piliers (§§ 3. 19 sq) et le motif de couronnement (§§ 3.30-31) ; en revanche le socle (upapīṭha, § 3.13), le soubassement (adhiṣṭhāna…, § 3.14) et l’entablement (prastara…, § 3.23) ont en commun un grand nombre de moulures qu’il a donc paru bon de présenter ici avant d’étudier ces niveaux ; on y a joint les moulures des piédestaux (pīṭha..., §§ 5.3-4) et celles du grand autel à offrandes (mahāpīṭha, § 5.11) dont la mouluration est très analogue à celle des soubassements ; les descriptions chiffrées des socles, soubassements, piédestaux et autels ont été résumées dans les tableaux I à IV (à la fin de l’ouvrage) et l’on trouvera celle de l’entablement au paragraphe consacré à ce niveau (§ 3.23). On notera une fois de plus que l’apport du Raurava est faible puisqu’il se réduit à la mouluration de deux types de piédestaux et à celle du grand autel à offrandes ainsi qu’à quelques termes employés isolément ; il nous fournit cependant un certain nombre de points de comparaison pour l’étude du matériel abondant procuré par l'Ajita : ce texte en effet ne décrit pas moins de quatre types de socle, huit de soubassement, un d’entablement (décrit à deux reprises en des termes différents), ainsi que dix types de piédestaux et un du grand autel (avec une variante).
2§ 3.2. Le domaine des moulures est peut-être un de ceux où le problème de la traduction des termes se pose de la façon la plus aiguë et les correspondances que l’on peut établir sont loin d’avoir la rigueur que l’on pourrait espérer ou que peut laisser supposer l’emploi des termes techniques parfaitement définis de l'architecture classique européenne. Ce manque de précision est certes dû pour une bonne part au fait que des analogies de profil évidentes ne peuvent masquer les différences fondamentales qui existent entre les moulurations indienne et européenne ; cependant les caractères particuliers du vocabulaire utilisé dans ce domaine par les śilpaśāstra sont eux aussi largement responsables de cet état de fait. En effet ce vocabulaire est à la fois riche et ambigu ; sa richesse plus apparente que réelle se manifeste par l’emploi d’une quantité considérable de mots pour désigner un nombre beaucoup plus restreint de moulures ; quant à son ambiguïté elle réside dans le sens le plus souvent imprécis des termes utilisés qui, pris en eux-mêmes, s’appliquent beaucoup plus à des familles de moulures qu’à des membres bien définis de ces familles. Ainsi par exemple, dans les deux textes qui nous intéressent ici, cinq appellations du “lotus” servent à désigner un profil que l’on peut identifier avec celui d’une doucine, mais il peut s’agir aussi bien d’une doucine droite que d’une doucine renversée, c’est-à-dire d’un profil et du contre-profil correspondant (§ 3.9) ; un autre exemple notable est constitué par les mots dont le sens littéral est “cou” (gala, kaṇṭha) qui sont appliqués à toute moulure creuse qu’elle soit importante comme le dé d’un piédestal ou mince comme un canal (§ 3.8). L’imprécision qui en résulte est partiellement compensée par le fait que les descriptions d’ensembles moulurés sont le plus souvent chiffrées et que chaque moulure y est déterminée par sa position et sa hauteur relative, ce qui facilite l’identification des profils ; mais en revanche des indications aussi importantes que la valeur de la saillie (nirgama, niṣkrānta) ou du rentrant (veśa, veśana) des moulures ne sont pour ainsi dire jamais fournies, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient ignorées : ainsi le Raurava précise que la saillie et le rentrant des moulures (aṅga) du grand autel à offrandes (mahāpīṭha) doivent être conformes à ce qui a été dit à propos des soubassements (aṅgānāṃ veśaniṣkrāntam adhiṣṭhānoktavat kuru/Rau 33.20) mais cette précision est de peu de secours puisque ce texte se borne à nommer deux types de soubassements sans les décrire (§ 3.15). Le premier à avoir essayé de traduire de façon systématique les termes utilisés par les śilpaśāstra et autres textes du même genre par des équivalents empruntés au vocabulaire de la modénature classique européenne est Ram Raz ; son système de correspondances, tel qu’il apparaît dans l’Essay on the architecture of the Hindus (publié dès 1834) a été repris sans changement notable par P. K. Acharya dans les deux éditions de son dictionnaire et c’est généralement celui qui est adopté par les auteurs de langue anglaise. En français le point de départ est constitué par les équivalences proposées par G. Jouveau-Dubreuil dans le premier volume de son Archéologie du Sud de l'Inde (Paris 1914) pour la nomenclature sanskrito-tamoule que lui avaient fournie ses informateurs indiens. Nous essaierons de reprendre ici la question de façon plus précise que nous ne l’avons fait dans notre traduction du Mayamata en prenant pour base le vocabulaire contenu dans nos deux textes (ci-dessus § 3.1) et en nous aidant dans le choix des termes français de la nomenclature normalisée du Vocabulaire de l'architecture (ci-dessus § 1.6) et sans nous dissimuler le caractère parfois approximatif de certaines traductions. On envisagera successivement les moulures pleines (plinthe, bandeau, tore...), les moulures creuses (dé, bande en retrait, canal), les corps de moulures (doucine, larmier) et enfin les filets.
Les moulures pleines
3§ 3.3. La plinthe qui est située à la base des socles, soubassements, piédestaux et autels est désignée par des noms différents selon qu’elle est épaisse ou mince ; lorsqu’elle est épaisse ce sont des noms de la Terre : jagatī (Aj 13. 8), vasumatī (Aj 13.4) et dhātrī (Aj 13.9) ; on verra plus loin (§ 3.5) que ces termes et d’autres analogues sont également appliqués à un bandeau épais qui vient parfois surmonter une plinthe mince ou une “fausse-plinthe” (kṣudra upāna, § 3.4). Cette plinthe épaisse est cependant assez rare et elle n’apparaît qu’à la base de trois types de soubassement (tableau II) ; pour les autres types de soubassement (ibid.) ainsi que pour les socles (tab. I), les piédestaux (tab. III) et les autels (tab. IV), la plinthe est toujours une moulure relativement mince désignée sous les noms de paṭṭikā, pura et surtout pāduka et upāna. Paṭṭikā (Aj 16.30,33,39), littéralement “bande”, est un mot général employé pour désigner les bandeaux (ci-dessous § 3.6) et on l’applique parfois aussi à un filet (§ 3.11) ; son usage à propos d’une plinthe se justifie parfaitement puisqu’il ne s’agit en fait que d’un bandeau placé à la base d’un ensemble mouluré ; on notera cependant que ce terme n’apparaît que dans les descriptions de piédestaux (tab. III). Pura qui n’est utilisé qu’une fois (à propos d’un piédestal également) (Rau 28.76) doit probablement son sens de “plinthe” au fait que celle-ci est la “première” moulure. Enfin pāduka (Aj 11.5,11,12 ; 13.5,6,10,11 ; 16.11. 14.17 ; 39.45) et upāna sont tous deux dérivés de façon assez appropriée de mots désignant une “chaussure”. On a vu (§ 2.25) qu’upāna peut également s’appliquer à l’assise de réglage qui se trouve sous le soubassement ainsi qu’au socle qui surélève éventuellement la plateforme centrale (vedikā) de certains pavillons sacrificiels (voir § 4.24) ; on peut enfin signaler que ce mot est inconnu des dictionnaires classiques sauf dans le composé sopāna qui désigne un escalier et que le Śabdakalpadruma définit comme “ce avec quoi on monte sur l'upāna” (sopānam — upānam uparigamanaṃ tena saha vidyamānam) sans cependant définir l'upāna en question.
4§ 3.4. La mouluration d’un certains nombre de soubassements et de piédestaux se répartit sur deux registres d’inégale hauteur (§§ 3.15 et 5.4 ; tab. II et III) et l’on trouve toujours à la base du registre supérieur (de loin le plus important) une moulure très mince désignée par l’expression kṣudra upāna lorsqu’il s’agit d’un soubassement (Aj 13.2,5,6,10) et par le mot kampa si elle appartient à un piédestal (Aj 16.18,26) : la première de ces appellations signifie littéralement “petite plinthe” et la seconde est généralement appliquée à un “filet”, c’est-à-dire à une moulure mince formant repos entre deux éléments plus importants (ci-dessous § 3.11). En fait l’on peut considérer que cette moulure constitue comme un nouveau départ de la mouluration et qu’elle joue en quelque sorte le rôle d’une plinthe : dans ces conditions il nous paraît possible de la désigner sous le nom de “fausse-plinthe”.
5§ 3.5. La plinthe mince (upāna…) d’un ensemble à registre unique et la “fausse plinthe” dont on vient de parler à propos des ensembles à deux registres sont souvent surmontées par un bandeau épais que nous appellerons “bandeau inférieur”, pour le distinguer des autres bandeaux que peut comporter un ensemble mouluré (§ 3.6), et qui est désigné, à l’instar des plinthes épaisses, par des noms de la Terre : jagatī (Aj 16.11, 14, 27 ; 39.45 ; — Rau 28.76 ; 33.17 ;41.2), dharaṇī (Aj 16.18), avani (Aj 13.6), vasumatī (Aj 13.10) ou même jagativasumatī (Aj 13.5) ; nous ne savons pas s’il faut rattacher à la même série le composé jagatīdala qui est utilisé par l’Ajita (16.22) à propos de la moulure épaisse qui surmonte la plinthe (pāduka) d’un piédestal ; on peut en effet l’interpréter comme désignant un bandeau à décor de pétales (de lotus) ; cependant on constate que dans un certain nombre de cas le bandeau inférieur est remplacé par une dourine renversée (ci-dessous § 3.9) et jagatīdala peut aussi s’interpréter comme “des pétales constituant la jagatī” : l’on aurait là une façon imagée de dire que la moulure lotiforme qui surmonte la plinthe joue un rôle analogue à celui du bandeau inférieur ; le même problème se pose pour le padmatuṇḍa (au demeurant assez mince) qui se place au-dessus du pāduka du piédestal ramyapīṭha (Aj 16.41) : l’on ne sait si cette moulure a une “face de lotus” parce qu’elle est ainsi décorée (ce peut être alors un bandeau) ou que tel est son profil (auquel cas ce serait une dourine, § 3.9).
6§ 3.6. Si le “bandeau inférieur” ne se rencontre que sur certains soubassements, piédestaux ou autels, on peut dire en revanche que la grande majorité des ensembles moulurés que décrivent nos deux textes comportent dans la partie supérieure de leur mouluration un bandeau généralement surmonté par une ou plusieurs moulures minces (filet, petite doucine) auquel s’ajoute, dans le cas particulier des piédestaux, la margelle (ghṛtavārī) de la cuve (ci-dessous § 5.4) ; les seuls ensembles à ne point comporter une telle moulure sont les chapiteaux et, naturellement, le motif de couronnement. Ce “bandeau supérieur est désigné par des noms assez divers dont le plus fréquent est de loin paṭṭikā qui est aussi bien utilisé dans le cas d’un socle (Aj 11.10…) que dans ceux d’un soubassement (Aj 13.3, 5), d’un piédestal (Aj 16.12, 32… ; — Rau 28.77), d'un autel (Aj 37. 40 ; — Rau 33.19), de l’attique (Aj 14.66), ou du soutien d'entablement (potikā, ci-dessous § 3.21 et Aj 14.47) ; cependant ce terme est ambigu : nous avons vu qu’il est parfois appliqué à une plinthe (§ 3-3), mais il est également utilisé comme synonyme de kampa (filet, § 3.11), ce qui explique probablement que l’on ait parfois jugé nécessaire de préciser en employant le composé mahāpaṭṭikā ; c’est le cas en particulier dans la description du mahāpīṭha que donne l'Ajita (39.45-50 et tab. IV) où le bandeau supérieur (mahāpaṭṭikā) se trouve au-dessus d’un filet (paṭṭikā) et au-dessous d’un “filet sommital” (ūrdhvapaṭṭikā) (dans la description parallèle fournie par le Raurava le “bandeau supérieur” est appelé simplement paṭṭikā et les deux filets qui l’encadrent kampa, voir tab. IV) ; mais on constate cependant que mahāpaṭṭī est également utilisé alors qu’il n’y a aucune ambiguïté et sans que cela ne corresponde non plus à un bandeau particulièrement épais (Aj 13.4, 21 ; 16.24). Les autres mots utilisés pour désigner ce bandeau supérieur prêtent également à confusion, qu’il s’agisse de prastara, vedikā, prati ou vājana. Prastara en effet désigne principalement l’entablement et le plafond qui se trouve au niveau de cet entablement (§ 3.23), mais il est aussi employé par l'Ajita pour le bandeau supérieur de cet entablement (Aj 14.53) ou d’un piédestal (Aj 16.44). Vedikā désigne de façon courante la plate-forme centrale des maṇḍapa sacrificiels (§ 4.24) et le support du mât de l’étendard (Rau 18.39) ; dans les descriptions des niveaux de l’élévation (varga, § 3.12) le même mot est employé pour désigner les “bahuts”, c’est-à-dire les ensembles moulurés de faible hauteur relative qui peuvent s’intercaler entre différents niveaux de l’élévation : ainsi par exemple entre l’entablement et l’attique (§ 3.25) ou bien encore entre le soubassement et le niveau des piliers (§ 3.15 : dans ce dernier cas le bahut — vedikā — comporte un bandeau supérieur qui est appelé lui aussi vedikā, Aj 14.2-3) ; enfin les murs d’enceintes (prākāra) peuvent être éventuellement surélevés par un “mur-bahut” qui est lui aussi une vedikā (ci-dessous § 5.8). On retrouve la même ambiguïté dans l’usage du mot prati qui désigne simultanément le bahut surmontant le soubassement (Aj 12.44) et le bandeau supérieur du soubassement proprement dit (Aj 13.7-10, 13) ou bien encore celui de l’entablement (Aj 37.31-32 et § 3.23). Enfin vājana est un terme qui désigne généralement un filet (voir § 3.11) ; cependant il apparaît dans la description des deux premiers types de socles (tab. I) dans une situation telle qu’il ne peut être qu’une moulure “pleine” et saillante, au contraire du filet qui est “plat” et constitue plus un repos entre deux moulures qu’une moulure proprement dite (ci-dessous) : en effet dans le premier cas (Aj 11.7), placé entre deux kampa, il constitue la moulure forte du haut du socle, c’est-à-dire son bandeau supérieur ; dans le second cas (Aj 11.7b-9) il est mentionné à deux reprises : une première fois dans la moitié inférieure entre un canal (kandhara, § 3.8) et un filet (kampa) et une seconde fois aux lieu et place du bandeau supérieur comme ci-dessus.
7§ 3.7. Le tore est une moulure commune à un grand nombre de soubassements et de piédestaux (tab. II et III) ; on le trouve également sur le corps du mahāpīṭha (tab. IV). Il est désigné par les mots kairava (Aj 3.2, 4,5... ; 16.11, 15 ; 39.45), kumuda (Aj 13.6, 8, 12 ; 16.19 ; Rau 28.76) — Rau 33.18) qui sont interchangeables comme le montrent les descriptions parallèles du piédestal bhadrapīṭha (tab. III kairava/kumuda) ou du mahāpīṭha (tab. IV kairava/kumbha) ; rappelons cependant que kumbha désigne également la moulure principale du chapiteau ou le chapiteau lui-même (§ 3.19) ainsi que la moulure principale du motif de couronnement ou cet élément lui-même (§ 3.31). Le profil du tore n’est pas forcément semi-circulaire dans l’architecture indienne et s’il est question en un endroit d’un tore “bien arrondi” (suvṛtta, Aj 13.6), on trouve également, à propos d’un autre soubassement (Aj 13.5) l’expression kairava aṣṭāśra qui désigne bien évidemment un profil à huit pans. L’épaisseur du tore varie avec son niveau dans la mouluration ; d’une façon générale elle est importante lorsqu’il est situé immédiatement au-dessus d’une plinthe épaisse (jagatī, vasumatī...) ou d’un bandeau inférieur (idem) ; en revanche un tore médian est le plus souvent assez mince et peut s’apparenter à une baguette plutôt qu’à un tore véritable ; c’est en particulier ce que l’on voit sur les piédestaux yakṣapīṭha, vijayapīṭha et ramyapīṭha (tab. III) qui sont à mettre en parallèle sur ce point avec le piédestal padmapīṭha (ibid.) : ce dernier a pour élément médian une moulure baptisée vṛtta par l'Ajita et karṇavetra par le Raurava ; vṛtta pourrait évidemment désigner aussi bien un tore qu’une baguette, puisque tous deux sont arrondis, mais nous choisissons la seconde solution en nous appuyant sur l’expression padmavṛtta employée à propos d’une moulure d’un autre piédestal (ramyapīṭha, tab. III), moulure très mince située au-dessus d’un tore (kumuda) et qui ne peut guère être autre chose qu’une baguette ; quant au karṇavetra, ce doit être comme son nom l’indique une “baguette anguleuse”, c’est-à-dire une moulure à profil polygonal analogue (mais en plus mince) au kairava aṣṭāśra dont nous avons parlé précédemment.
Les moulures creuses
8§ 3.8. Comme cela a déjà été signalé les moulures creuses sont le plus souvent désignées par des mots signifiant “cou” (gala, kaṇṭha, kandhara) et la valeur précise qu’il faut leur attribuer dans chaque cas particulier est déterminée par les proportions indiquées dans les descriptions chiffrées, le même terme pouvant même éventuellement avoir deux acceptions différentes dans la description du même ensemble (ainsi par exemple kaṇṭha dans la description du premier type du soubassement pādabandha, Aj 13.2-3 et tableau II) ; ajoutons à cela que ces mêmes mots dont le sens premier est “cou” peuvent aussi désigner un des niveaux de l’élévation, l’attique (§ 3.25), ce qui est une source supplémentaire de confusion puisque la partie la plus importante de ce niveau de l’élévation est un dé (gala), c’est-à-dire une moulure creuse. A côté de ces termes généraux et ambigus on rencontre également skandha et, surtout, antarita dont le sens est d’ailleurs comme on le verra nettement plus précis. Enfin il faut ajouter que, toute question de proportions mise à part, la forme exacte du profil de ces moulures creuses ne nous est pas donnée et qu’il est généralement impossible de déterminer si ce profil est arrondi ou droit. Dans nos traductions nous utiliserons les termes ou expressions “dé”, “bande en retrait”, “canal” et “gorge” selon la répartition indiquée ci-dessous, mais il est évident que dans un certain nombre de cas, le choix de telle ou telle équivalence reste très subjectif. “Dé” servira à rendre gala ou kaṇṭha lorsqu’ils désignent une moulure creuse de très grande hauteur relative : le cas se présente à propos de tous les socles (tab. I) où une telle moulure occupe le tiers ou plus de la hauteur, comme d’ailleurs pour certains piédestaux (cakrapīṭha, vedi o, saumya o, tab. III) ; c’est également le cas de la moulure principale du bahut (vedikā) qui surmonte le soubassement (§ 3.15) et de celle qui constitue en quelque sorte le corps de l’attique (§ 3.25). Ces mêmes termes, gala et kaṇṭha, seront traduits par “bande en retrait” lorsqu’il sera question d’une moulure plus mince (généralement située au-dessus d’un tore) comme par exemple sur les soubassements I à IV (tab. II), certains piédestaux (bhadrapīṭha, ramyapīṭha et éventuellement śrīkarapīṭha, tab. III) ou bien encore le mahāpīṭha (tab. IV). L’appellation de “canal” sera réservée aux moulures creuses très étroites qui, avec les filets, viennent dans la plupart des cas séparer des moulures plus importantes et que nos textes désignent sous le nom de kaṇṭha, gala, kandhara ou bien encore antarita : ce dernier terme correspond toujours à une moulure creuse étroite et surmontant un filet qui est toujours un āliṅga (§ 3.11) : cependant l’équivalence antarita / kaṇṭha (etc...) dans le sens de “canal” est certaine puisque lorsque l’Ajita donne la description de l’entablement il emploie les deux termes pour désigner la même moulure (§ 3.23). On a enfin réservé “gorge” à une moulure creuse étroite désignée sous le nom de kaṇṭha à propos des chapiteaux (§ 3.19) et sous ceux de skandha ou kandhara à propos des motifs de couronnement (§ 3.30) : il y a en effet tout lieu de croire qu’il s’agit là d’une moulure à profil arrondi.
Les corps de moulures
9§ 3.9. Padma, ambuja, paṅkaja, abja et jalaja désignent tous une moulure (ou plus exactement un corps de moulures) au profil de pétale de lotus et nous avons traduit ces différents termes par “dourine” suivant en cela comme en bien d’autres points G. Jouveau-Dubreuil et Ram Raz (qui emploie comme équivalent “cyma”), étant admis que le profil de cette doucine indienne n’est pas aussi régulier que celui de la “doucine” telle qu’on la définit à propos de l’architecture classique occidentale (“corps de moulures à profil en S dont les extrémités tendent vers l’horizontale”, Vocabulaire de l'architecture, p. 128). Cependant comme on l’a signalé une doucine doit être définie par son sens : elle est droite lorsqu’elle est surplombante, c’est-à-dire concave en haut et convexe en bas ; elle est renversée lorsqu’elle est convexe en haut et concave en bas ; or ce genre de précision n’est jamais apporté dans les descriptions que contiennent nos textes, si ce n’est à propos du piédestal padmapīṭha dont la mouluration est d’ailleurs extrêmement simple et pour lequel le Raurava emploie les expressions adhaḥpadma et ūrdhvapadma (Rau 28.79-81 et tab. III). Cette absence de précision n’est pas gênante tant qu’il ne s’agit que des doucines situées immédiatement au-dessus de la base des éléments moulurés (plinthe ou ensemble plinthe/bandeau inférieur) puisque dans ce cas la doucine ne peut être autre que renversée : c’est le cas en particulier des doucines du premier registre des soubassements ou piédestaux à deux registres (tab. II et III) ou bien encore de celles des premier et deuxième types de socle (tab. I) ; de même les éléments à mouluration simple et parfaitement symétrique s’interprétent aisément : ainsi les 3° et 4° types de socle (tab. I) ou bien les piédestaux yakṣapīṭha, padmapīṭha, cakrapīṭha (tab. III) ou bien encore le socle du mahāpīṭha (tab. IV) ; pour tous ces exemples il est évident que la doucine inférieure est renversée et que la doucine supérieure est droite. En revanche la situation est beaucoup moins claire lorsque l’on a affaire à des moulurations plus complexes où de petites doucines s’ajoutent aux filets et aux canaux pour séparer les moulures plus importantes, ainsi par exemple, pour les soubassements I, III, IV ou VIII (tab. II) ou pour les piédestaux śrīkarapīṭha, vajrapīṭha, vedipīṭha ou ramyapīṭha (tab. III) : il ne nous paraît pas possible de déterminer le sens de ces petites doucines de façon certaine et nous ne l'avons pas fait dans les tableaux récapitulatifs ; ces tableaux montrent que pour le reste les différents termes que nous avons énumérés au début de ce paragraphe sont interchangeables et qu’il n’y a de correspondance particulière entre tel de ces termes et la position ou l’importance de la doucine qu’il désigne. Enfin le mot padma, de loin le plus employé en ce qui concerne les doucines, apparaît aussi dans le nom de certaines autres moulures : ainsi le padmatuṇḍa qui semble un bandeau à décor de lotus (ci-dessus § 3.5) ou encore le padmavājana, moulure de couronnement du soubassement padmabandha (Aj 13-13 et tab.II) qui doit correspondre lui aussi à une moulure à décor lotiforme (un filet) ; on peut signaler également le padma du chapiteau (§ 3.19) qui est probablement un disque à profil de doucine et le padma (ou ambuja) qui constitue la base du motif de couronnement (§ 3.30) ; enfin l’élément supérieur de l’autel à offrande (mahāpīṭha) se présente sous la forme d’une (fleur de) lotus (kamala) dont il comporte les deux éléments, pétales (dala) et réceptacle (karṇikā) (§ 5.12, tab. IV).
10§ 3.10. Le larmier est une des rares moulures qui ne soit désigné que par un seul mot, au demeurant bien connu, celui de kapota. Ce larmier est mentionné à deux reprises dans l’Ajita : à propos du soubassement qui porte son nom (kapotabandha, Aj 13.6-7 et tab. I) et surtout à propos de l’entablement dont il constitue l’élément le plus important (voir sa description détaillée ci-dessous § 3.23) ; on notera que dans un cas comme dans l’autre il est précisé que ce larmier porte de petites fausses lucarnes (nāsī) qui, comme on le sait, en sont l’un des éléments caractéristiques.
Les filets
11§ 3.II. Les mots kampa, paṭṭikā(paṭṭa), vājana, kṣepaṇa et āliṅga apparaissent dans un grand nombre de descriptions d’ensembles moulurés où ils désignent des moulures étroites qui généralement forment repos entre des moulures plus importantes, ou bien encore sont situées au sommet des ensembles auxquels elles appartiennent ; nous avons traduit uniformément ces termes par “filet”, mais on note cependant quelques nuances dans leurs emplois respectifs. Le plus fréquemment et le plus largement employé est kampa (dont nous avons vu qu’il peut également s’appliquer à une “fausse plinthe”, ci-dessus § 3.4) : il désigne aussi bien les deux filets qui encadrent le dé d’un socle que le filet qui couronne ce piédestal et forme repos entre son bandeau supérieur et la plinthe du soubassement qui vient au-dessus (tab. I) ; la description du premier type de soubassement pādabandha est assez caractéristique de l’usage du terme puisque quatre kampa y sont mentionnés (tab. II) : le premier sépare le tore (kairava) d’une petite doucine (padma), le second sépare cette doucine d’une bande en retrait (kaṇṭha), le troisième est entre cette dernière et une autre petite doucine (padma) et le quatrième enfin vient coiffer le bandeau supérieur (paṭṭikā) de ce soubassement... La même variété d’emploi se retrouve pour paṭṭikā (également “plinthe”, “bandeau”) : ainsi dans la description du mahāpīṭha que donne l’Ajita (tab. IV) où le terme est employé successivement pour désigner le filet (ou le bandeau ?) qui couronne l'upapīṭha de cet autel, puis le filet qui sépare le tore (kairava) de la bande en retrait (gala), celui qui sépare celle-ci du bandeau supérieur (mahāpaṭṭikā) et enfin l’ūrdhvapaṭṭikā qui couronne le corps de l’autel et le sépare du lotus qui vient au-dessus (la description parallèle du Raurava emploie kampa, ibid.). Vājana (également, “bandeau”) apparaît moins fréquemment et il semble surtout s’appliquer au filet qui couronne des ensembles moulurés (soubassements IV et V à VII, tab. II) ; il apparaît également à plusieurs reprises dans la description de l’entablement (§ 3.23), mais s’il y est le seul terme employé pour désigner le filet qui couronne l’architrave et qui fait corps avec elle (il faudrait peut-être le désigner sous le nom de “fasce” dans ce cas particulier), en revanche il est interchangeable avec paṭṭikā dans les autres cas. Kṣepaṇa n’apparaît qu’une fois et dans une position telle qu’il ne peut guère être autre chose qu’un synonyme pur et simple de kampa (I° type de piédestal, tab. III). Enfin nous avons déjà eu l’occasion de parler de l'āliṅga : il est toujours sauf dans un cas (Aj 13.5, 3° type de soubassement, tab. II) surmonté par un antarita et les descriptions parallèles de l’entablement montrent que le couple āliṅga/antarita correspond exactement au couple paṭṭikā/kaṇṭha (§ 3-23).
LES NIVEAUX DE L’ÉLÉVATION
12§ 3.12. Techniquement les genres d’édifices les plus courants sont définis par le nombre de “niveaux” (varga, aṅga) que comporte leur élévation ; ainsi le prāsāda est ṣaḍvarga (§ 4.2), le maṇḍapa trivarga (§ 4.13), la sabhā paṅcavargā et le dhiṣṇya trivarga ou caturvarga (§§ 4.38-39). Ces “niveaux de l’élévation” qu’il ne faut pas confondre avec les “paliers” (tala, bhūmi, voir ci-dessous) sont d’une façon très générale désignés par le nom de l’élément architectural auquel ils correspondent et l’on a ainsi en partant du bas le niveau du “soubassement” (adhiṣṭhānavarga), celui des “piliers” (pādao), celui de l’“entablement” (prastarao) celui de l’“attique” (grīvao), celui du “toit” (śikharao) et enfin celui du “motif de couronnement” (stūpio) (Aj 12.39-45 ;— Rau 39.20-21). A ces éléments principaux peuvent s’ajouter (selon l'Ajita) un “socle” (upapīṭha, § 3.13) placé sous le soubassement et des “bahuts” (vedikā) intercalés entre deux niveaux successifs (Aj 14-2). Dans le cas d’un édifice à plusieurs paliers (tala, bhūmi), il y a naturellement autant de fois le couple pādavarga/prastaravarga que de paliers : ainsi un prāsāda à deux paliers comporte deux pādavarga et deux prastarao (Rau 39.21) ce qui ne l’empêche pas d’être toujours un édifice “à six niveaux”. A ce sujet on rappellera qu’en sanskrit le décompte des étages d’un bâtiment se fait comme en anglais et qu’un ekatala (ekabhū, ekabhūmi…) est un édifice qui ne comporte qu’un rez-de-chaussée sans étage, tandis qu’un dvitala n’a qu’un seul étage ; pour éviter toute ambiguïté, nous traduirons tala, bhū, bhūmi par “palier”, étant entendu que le premier palier est le rez-de-chaussée, le second le premier étage... etc. Pratiquement tous les genres d’édifices décrits dans nos textes peuvent avoir plusieurs paliers : ainsi les prāsāda (jusqu’à seize paliers, § 4-3), les maṇḍapa (“un ou plusieurs paliers”, Rau 40.20), les gopura (même formule, Rau 42.3a) et les mālikā (“un ou deux paliers”, Aj 38.26 et § 4.36). Sauf pādavarga (ci-dessous § 3.16) les expressions complètes que nous avons employées ci-dessus pour désigner les niveaux de l’élévation n’apparaissent jamais dans nos deux textes (non plus d’ailleurs que dans la plupart des textes parallèles) et, pour prendre un exemple, le “niveau du soubassement” est toujours désigné sous le simple nom de “soubassement” (§ 3.14), ce qui est ambigu puisqu’il n’y a pas toujours correspondance exacte entre l’élévation et la structure interne d’un édifice : ainsi dans le cas d’un prāsāda (§ 4.7), le sol (sthala) intérieur de la cella (garbhagṛha), c’est-à-dire la limite supérieure du soubassement proprement dit, se trouve toujours situé plus bas que la limite supérieure du niveau du soubassement telle qu’elle se voit sur l’élévation à l’extérieur de l’édifice. Ce genre d’ambiguïté montre bien que nos textes ne sont pas destinés à des techniciens du bâtiment mais plutôt à des profanes, desservants de temples ou simples fidèles, surtout soucieux de vérifier si l’aspect d’un édifice correspond à la norme établie. Cela se sent très bien dans l'Ajita, le seul à nous donner des descriptions un peu détaillées des varga (le Raurava se contente de les énumérer) : les développements relatifs au socle, au soubassement et à l’entablement ne portent guère que sur leur modénature, celui qui est consacré au pādavarga ne s’attache qu’aux différents types de piliers et de pilastres et les descriptions de l’attique et du toit sont réduites pour l’essentiel à celles des niches et fausses-lucarnes qui en constituent les éléments les plus visibles. Enfin il reste à noter que ces descriptions concernent à peu près uniquement les prāsāda et les maṇḍapa, édifices il est vrai les plus importants dans l’optique de nos textes (§ 1.2).
Le socle (tab. I)
13§ 3.13. Le socle (upapīṭha) est décrit dans le chap. II de l'Ajita ; le Raurava n’en parle pas sinon pour signaler incidemment que le piédestal (viṣṭara) de l’image de Vṛṣa peut être upapīṭhākṛti (Rau 33.11). Ce socle est destiné à surélever un édifice ou à en améliorer l’aspect mais sa présence n’est nullement obligatoire (Aj 11.1) ; il semble également pouvoir tenir lieu de soubassement aux maṇḍapa (Aj 37.28 et § 4.16) ; enfin le même terme upapīṭha est employé pour désigner l’élément mouluré qui peut surélever le grand autel à offrande installé sur l’axe principal du sanctuaire (mahāpīṭha, Aj 39-50-53 et ci-dessous § 5.11) : en ce dernier sens il est assez proche de l'upavedikā (Rau) ou de l'upāna (Aj) que l’on peut placer sous la plateforme (vedikā) de certains pavillons sacrificiels (§ 4.24) ou encore de l'upavedikā placé sous le support (vedikā !) du mât de l’étendard (dhvajadaṇḍa, Rau 18.39). La hauteur du socle est fonction de celle du soubassement (§ 3.14) : elle lui est égale ou bien encore elle en est le trois, quatre, cinq, six ou sept quarts ou encore les sept tiers ou le double (Aj 11.2-3) ; le socle est naturellement plus large que le soubassement et sa saillie (nirgama) est proportionnelle à sa hauteur (1/10, 2/10 ou 3/10) ou bien à la largeur des piliers de l’édifice (module=daṇḍa, § 2.2) auquel cas elle vaut un, deux ou trois modules (Aj 11.3-4). L'Ajita décrit cinq types de socle avec leurs moulures (aṅga) dont la principale est toujours un dé (gala, kaṇṭha) décoré d’une frise de gnomes (bhūta) d’éléphants, de vyāla ou de lions à moins qu’il n’y ait simplement de petits pilastres (Aj 11.13) ; tous sont couronnés par un filet (kampa) qui assure le raccord avec le soubassement (voir tableau I).
Le soubassement (tableau II)
14§ 3.14. Adhiṣṭhāna est le terme le plus souvent employé pour désigner le soubassement, mais l’on trouve également masūra (uniquement Ajita) et, moins fréquemment, ādhāra (Rau 39.20 ; 41.11), dharātala (Aj 28.64) ainsi que tala (Aj 29.14 ; 40.10 ; - Rau 18.61 ; 41.11) qui signifie aussi “palier” (§ 3.12) ; enfin nous ne savons pas si kuṭṭima employé à deux reprises dans l'Ajita (35. 10 et 44.2) s’applique au soubassement (comme par exemple dans Mayamata 14.40) ou simplement à un emplacement préparé sur le sol pour qu’y soit tracée une aire sacrificielle (sthaṇḍila). Tous ces termes (mis à part le dernier) sont rigoureusement interchangeables (voir par ex. Rau 39-20 et 21) et désignant indifféremment, comme on l’a vu le soubassement et le niveau du soubassement. Pour les prāsāda la hauteur du niveau du soubassement est la moitié de celle du pādavarga du palier de base (Aj 12.61-63 ; - Rau 39.19-21) ; pour les maṇḍapa, plusieur solutions sont possibles : ainsi dans les descriptions de types généraux de pavillons (§ 4.16) l'Ajita (37.27-28) indique que cette hauteur est la moitié, le tiers ou les deux-cinquièmes de celle du pādavarga, cependant que le Raurava (40.21) se contente de dire que les proportions sont les mêmes que celles du sanctuaire auquel est rattaché le maṇḍapa ; pour les types particuliers de pavillon les proportions sont parfois légèrement différentes (ci-dessous § 4. 16). La saillie (nirgama) de la plinthe du soubassement par rapport au pādavarga est, selon l'Ajita (13.1), de deux modules (daṇḍa), deux modules et quart ou deux modules et demi ; cette précision est importante puisque l’on sait que la ligne-repère (mānasūtra) de l’édifice peut se trouver à l’aplomb de la plinthe du soubassement, de son bandeau inférieur ou de son tore ou bien encore à celui de la face externe des piliers du pādavarga (ci-dessus § 2.5) ; en revanche aucune indication n’est donnée, comme on l’a vu, sur la saillie et le rentrant des moulures (§ 3-2).
15§ 3.15. Le Raurava ne décrit aucun soubassement et il se borne à indiquer que le soubassement doit être du type pratibandha ou du type aṅghribandha ; ces deux noms se retrouvent parmi ceux des huit types de soubassement dont l'Ajita donne des descriptions chiffrées (aṅghribandha sous la forme pādabandha qui revient au même puisque aṅghri=pāda, § 3.16), mais comme on peut le constater à propos des piédestaux padmapīṭha (ci-dessous § 5.4 et tableau III) la similitude des noms ne permet pas de préjuger de celle des moulurations (voir aussi § 3.35). Des huit types de soubassement décrits dans l'Ajita (et numérotés de I à VIII sur le tableau II) quatre ont une mouluration à registre unique (ci-dessus § 3.4) ; parmi eux on constate que trois (II, V, et VI) sont très fortement dissymétriques, la plinthe et le tore qui la surmonte occupant les deux-tiers au moins de leur hauteur ; le quatrième (VIII) a une plinthe mince (pāduka, ci-dessus § 3.3) et ses moulures fortes sont la doucine renversée qui surmonte cette plinthe, un tore médian et le bandeau supérieur commun à tous les soubassements (ci-dessous). Lorsqu’il y a deux registres (I, III, IV, VII), le premier qui joue un rôle de socle est toujours constitué de deux moulures d’égale hauteur qui pour les types III, IV, et VII sont une plinthe mince et une doucine (renversée ?) ; dans la description du type I (Aj 13.6) la moulure qui vient au-dessus de la plinthe est baptisée pāda : ce terme peut être interprété comme désignant un bandeau orné de petits pilastres, mais il peut s’agir aussi bien d’une simple erreur pour padma (on notera que trois des manuscrits omettent pādam, ce qui fausse le mètre mais montre bien que le terme fait problème). Quant au registre supérieur il prend toujours son départ sur une fausse-plinthe très mince (kṣudra upāna) au-dessus de laquelle se place un ensemble parfois très fortement dissymétrique, en particulier pour le type VII dont le second registre est la répétition à peu près exacte du registre unique de VI. Le décor que peuvent éventuellement porter certaines moulures n’est précisé que pour le type kapotabandha (IV) dont le larmier éponyme porte des fausses-lucarnes miniatures (nāsī § 3.42) cependant que son bandeau supérieur (prati) est une frise de monstres (vyāla). Tous les types de soubassement décrits sont couronnés d’un bandeau (paṭṭikā, mahāpaṭṭikā, prati, § 3.6), le plus souvent surmonté d’un mince filet (kampa, vājana, padmavājana, § 3.11) et c’est au-dessus que vient se placer le bahut (vedikā) qui sépare le niveau du soubassement de celui des piliers (Aj 14-2) ; il est dit de lui qu’il constitue à la fois le sommet de l’un et la base de l’autre et l’on peut le considérer comme une sorte de stylobate ; sa hauteur est de deux modules (daṇḍa, § 2.2) et sa mouluration très simple est constituée d’un dé (gala) encadré par deux filets (kampa, paṭṭa) et surmonté par un bandeau (vedikā) (Aj 14.2-4) ; l’ambiguïté des mots vedikā et prati (ci-dessus § 3.6) ne permet pas de savoir si dans l’esprit du compilateur de l'Ajita la prati qu’il ne faut pas couper pour installer une porte correspond à ce bahut-stylobate ou au bandeau supérieur du soubassement (Aj 12.44 et ci-dessous § 3.37).
Le niveau des piliers
16§ 3.16. Le pādavarga est le niveau principal de l’édifice et correspond grosso modo à sa partie “habitable” ; nous avons vu par ailleurs qu’il est répété (en compagnie de l’entablement qui le surmonte) autant de fois que l’édifice comporte de paliers ; ajoutons que ces paliers peuvent être fictifs et que, dans le cas des prāsāda en particulier, la figuration de paliers multiples sur les façades ne signifie pas nécessairement que l’édifice comporte à l’intérieur plusieurs étages accessibles. On a déjà signalé également que l’expression pādavarga ne se trouve que dans l'Ajita et seulement à deux reprises (Aj 12.64 et 1447) et que partout ailleurs, aussi bien dans l'Ajita que dans le Raurava s’agisse du terme spécifique stambha ou de ceux dont le sens premier est “pied ou jambe (pāda, aṅghri, gātra, caraṇa) qui sont tous aussi ambigus les uns que les autres et ce pour plusieurs raisons. En effet ces différents mots, appliqués a des piliers ou des pilastres (ci-dessous), peuvent aussi bien désigner l'ordre complet (fut, chapiteau, tailloir et soutien d’entablement, § 3.18) que le fût. De plus le pādāvarga peut parfaitement ne comporter aucun pilier proprement dit ; en effet dans la plupart des édifices que décrivent nos textes, il se présente sous l’aspect d’un mur (bhitti, kuḍya), souvent orné il est vrai de pilastres (bhittistambha, bhittipādagata mais aussi pāda, stambha...) : c’est le cas de tous les prāsāda (§4.7) et ce peut être également celui des maṇḍapa (§ 4.17) mais cela n’empêche pas que la description du pādavarga est, comme on l’a signalé, avant tout celles des “piliers” qui en constituent l’élément le plus visible.
17§ 3.17. La hauteur du pādavarga des prāsāda à palier unique est égale aux deux huitièmes ou aux trois dixièmes de celle de l’édifice (Aj 12.62-64 ; - Rau 39.19-20, pour les prāsāda à paliers multiples voir ci-dessous § 4.6). Pour les maṇḍapa, le Raurava (39.21) indique que les proportions sont les mêmes que celles du prāsāda auquel ils sont rattachés (?, ci-dessous § 4.16) ; l'Ajita indique des dimensions en valeurs absolues (de deux coudées et demie à neuf coudées) dont on ne sait si elles correspondent à la hauteur de l’ordre complet, c’est-à-dire du pādavarga, ou seulement à celle du fût des piliers ou pilastres (§ 4.15). En ce qui concerne les proportions horizontales, on sait que le pādavarga est situé en retrait par rapport au soubassement (§ 3.14) ; quant au nombre et à l’écartement des piliers ou pilastres, il n’est indiqué avec précision qu’à propos des maṇḍapa et nous y reviendrons à leur propos (§ 4.17). Le Raurava ne dit rien de la largeur des piliers et des pilastres ; elle doit selon l'Ajita être calculée de façon différente selon que l’édifice est un prāsāda ou un maṇḍapa, mais dans un cas comme dans l’autre la largeur indiquée est toujours celle du bas du pilier (ou du pilastre) et elle est toujours supérieure d’un huitième à la largeur au sommet qui correspond, on le sait, au module (daṇḍa), unité de référence utilisée pour établir les proportions d’un grand nombre d’éléments de l’édifice (ci-dessus § 2.2). Pour les maṇḍapa cette largeur se calcule à partir d’une hauteur dont on ne sait si c’est celle du fût ou du pādavarga (ci-dessus) : s’il s’agit de piliers, elle en est le huitième, le neuvième ou le dixième et ces dimensions doivent être réduites d’un quart ou d’une moitié pour les pilastres (Aj 37.4-7) ; l’épaisseur du mur auquel sont adossés ces pilastres est deux fois et demie, trois fois ou trois fois et demie la largeur des piliers auxquels il est substitué et la saillie des pilastres par rapport à ce mur est le quart (s’ils sont de section carrée) ou la moitié (si cette section est circulaire) de cette épaisseur (Aj 37.21). Dans le cas des prāsāda la largeur des piliers et des pilastres peut être calculée de deux façons différentes qui, comme on a eu l’occasion de le signaler (§ 2.1), aboutissent au même résultat : selon la première méthode il y a autant de doigts (aṅgula) dans la largeur d’un pilier ou d’un pilastre du pādavarga inférieur que de coudées (hasta) dans la largeur de ce pādavarga et, pour les pādavarga des paliers supérieurs, la largeur des piliers doit être diminuée de deux doigts par palier (Aj 14.7-9) ; selon la seconde méthode proposée (ibid. 14.10-11), la largeur d’un pilier ou d’un pilastre est le vingt-quatrième le vingt-cinquième ou le vingt-sixième de celle de l’édifice. On verra pour le reste que l’épaisseur des murs des prāsāda est déterminée à partir de la largeur de la cella (§ 4.7), mais l’on peut noter dès maintenant que la valeur de la saillie des pilastres appliqués sur ces murs n’est pas fournie. Enfin il reste à signaler que les piliers en bois (dārupāda) ont une largeur égale au septième, au huitième ou au neuvième de leur hauteur (Aj 14.13 et § 2.8).
18§ 3.18. Questions de structure et de dimensions mises à part, les piliers et les pilastres sont rigoureusement semblables et les treize descriptions que donne l'Ajita (14.14-32) s’appliquent aussi bien aux uns qu’aux autres ; ces différents types sont classés en trois grandes catégories (Aj 14.5) : la première est celle des piliers qui possèdent l’ordre complet, c’est-à-dire le fût (pāda) surmonté d’un chapiteau (kumbha), d’un tailloir (maṇḍi) et d’un soutien d’entablement (potikā) ; la seconde regroupe ceux qui n’ont pas de tailloir et la troisième ceux qui n’ont ni tailloir ni chapiteau, le soutien d’entablement reposant directement sur le sommet du fût. Selon le Raurava qui ne consacre qu’un vers et demi à la description des piliers (Rau 39.26-273), il existe trois types de piliers (les noms correspondent aux trois premiers de la liste de l'Ajita, § 3.22) qui peuvent tous trois être pourvus ou non d’un soutien d’entablement, celui-ci pouvant reposer directement sur le sommet du fût ou bien en être séparé par un tailloir et un chapiteau (indissociables selon ce texte) ; ces précisions ne sont accompagnées d’aucune description.
19§ 3.19. Le chapiteau (Aj 14.32-36 et 41-42) est appelé kumbha (Aj 14-5, 21,32... ; - Rau 39.26-27) ou kalaśa (Aj 14.22,23,30) d’après le nom de son élément principal ; sa hauteur, égale à une fois et demie ou une fois trois quarts ou deux fois la largeur du pilier, est divisée en neuf parties égales distribuées de la façon suivante (en partant du bas) (Aj 14.34-36) :
nom de l’élément | hauteur | largeur |
dhṛk | 1/9 | 1 module |
kumbha | 4/9 | 2 modules |
kaṇṭha | 1/9 | 1 module |
āsya (ou vaktra) | 1/9 | 1 ½ module |
padma | 1/9 | 1 ½ module |
vṛttagrīva (?) ou hīnau (?) | 1/9 | largeur du bas du pilier |
20Le dhṛk (mieux que dṛk, leçon adoptée par l’éditeur) est un support qui sert de base à la corbeille (kumbha) et correspond si l’on veut à l’astragale ; la corbeille est séparée par une gorge (kaṇṭha) d’un élément décore de protomes sur sa tranche (āsya, vaktra), lui-même surmonté du padma qui a probablement un profil de doucine. Le dernier élément fait difficulté : vṛttagrīva (Aj 14.35) est une leçon choisie par l’éditeur mais l’un des manuscrits porte vṛttaśrīṣau (erreur certaine pour vṛttaśrīṣau) qui semble préférable ; en effet le même élément est désigné une seconde fois par le duel hīnau (ibid. 36) sous lequel il faut sans doute reconnaître l’expression vṛttabhinnau que l’on trouve dans les passages parallèles du Dīptāgama et de l'Īśānaśivao (cités in Mayamata, t. I, p. 280 note 33) ; on a probablement affaire à une double moulure arrondie qui constitue le sommet de chapiteau et se présente peut-être comme deux armilles superposées. Les cinq variétés de chapiteau énumérées (Aj 14.41-42) ne se distinguent les unes des autres que par leurs sections respectives qui doivent être semblables à celles des fûts que ces chapiteaux sont destinés à coiffer : ainsi les types śrīkara, ṣoḍaśāśra, candrakānta et saumukhya conviennent respectivement aux fûts circulaires, à seize pans, octogonaux et carrés ; quant au cinquième type (priyadarśana) le texte publié indique qu’il est destiné aux piliers atibhāra : il nous semble que ce mot est une erreur pour atidhāra et qu’il faut comprendre qu’il s’agit des piliers à facettes multiples (tel le pilier vṛttakānta, ci-dessous § 3-22, type VI).
21§ 3.20. Le maṇḍi est un élément complexe et la description qu’en donne l'Ajita (14.37-40) n’est pas plus claire que celles que l’on trouve dans des textes parallèles tels que le Mayamata (15.34-39), le Dīptāgama (5.25-27) ou l'Īśānaśivao (31.55-65) ; le sens exact du terme n’est pas assuré et la traduction “tailloir” que nous proposons est un pis aller dont le seul avantage est de souligner qu’il s’agit d’un élément secondaire qui peut s’intercaler entre le chapiteau et l’entablement ; cependant si l’on suit le Raurava pour qui comme on l’a vu le couple kumbha/maṇḍi semble indissociable on peut aussi y voir un simple équivalent de l’abaque ; enfin il faut signaler que maṇḍi est peut-être à rapprocher de maṇḍita employé dans les textes techniques pour qualifier certaines colonnes (maṇḍitastambha, Mayamata 12.91 ou Kāmikāgama 1.55.23) et surtout certains maṇḍapa : ainsi dans le Raurava où mandita est employé concurremment avec maṇḍa et maṇḍya pour désigner des maṇḍapa sans lanterneau (ci-dessous § 4.18). Selon l'Ajita ce “tailloir” semble se composer de deux sous-ensembles ; celui du bas dont la largeur est de trois ou quatre modules, a une hauteur égale aux trois quarts de cette largeur et divisée en trois parties égales : l’une pour l'utsandhi (leçon du manuscrit corrigée en utsedha par l’éditeur, voir Mayamata 15.36) qui fait le raccord avec le chapiteau, la seconde pour une baguette (vetra) et la troisième pour une maṇḍikā (?) ; ce premier sous-ensemble est “comme le pilier” (Aj 14.38), ce qui signifie sans doute qu’il a une section de même type et l’on ajoute qu’il a “l’aspect d’une gueule de serpent” (nāgadalābha, cf. Mayamata 15.36 : nāgavaktrasamākāra) ce que nous ne comprenons pas. L’élément essentiel du sous-ensemble supérieur est le vīrakānta : sa section est carrée (Aj 14.39 caturaśram, leçon du manuscrit corrigée en caturaṃśam par l’éditeur), il est large d’un module et haut des trois quarts d’un module ; appelé dans d’autres textes vīrakaṇḍa (Mayamata 15.37 ; Śilparatna I. 21.96 ; Īśānasivao 31.56 ;...) ou vīrakaṇṭha (Mānasāra 15.87...), il se présente comme un dé orné d’une image et surmonté par une gorge (skandha, Aj 14.40) au-dessus de laquelle un élément à profil de doucine renversée (ambuja) établit le raccord avec le soutien d’entablement (potikā).
22§ 3.21. Le “soutien d’entablement” (potikā, bodhikā voir ci-dessous), très caractéristique de l’architecture indienne, est un élément allongé qui s’intercale entre le sommet du pilier (pourvu ou non d’un chapiteau et d’un tailloir) et l’architrave (uttara) située au bas de l’entablement (§ 3.23) ; nous empruntons cette appellation de “soutien d’entablement” à M. Ph. Stern qui a montré à plusieurs reprises (en dernier lieu Colonnes indiennes d’Ajanta et d’Ellora, Paris 1972, p. 25) que le terme “corbeau”, employé généralement pour désigner cet élément depuis les travaux de G. Jouveau-Dubreuil, était en fait fort mal venu puisque le corbeau est de façon précise une pièce partiellement engagée dans un mur (voir aussi Vocabulaire de l'architecture, p. 93) ; quant à l’utilisation du mot “imposte” pour désigner cet élément (A. Lézine, Trois stūpa de la région de Caboul, Artibus Asiae, vol. XXVII-1964, p. 7) elle nous semble impropre dans la mesure où l’on admet avec les auteurs du Vocabulaire de l'architecture que l’imposte est “un corps de moulures couronnant un piédroit ou un support vertical sans chapiteau (et) recevant la retombée d’un arc” (oc p. 122). Les deux termes utilisés en sanskrit pour désigner ce soutien d’entablement, potikā (Aj 14.43) et bodhikā (Aj 37.29 ; - Rau 39.26) ne sont différents qu’en apparence puisque le second n’est que le résultat de la sanskritisation (avec confusion normale des sourdes et des sonores et de l’aspirée et de la non-aspirée) du tamoul potikai dont potikā n’est que la transcription ; ces deux termes sont ainsi interchangeables contrairement à ce que laisse supposer P. K. Acharya (Encyclopaedia..., 1946, ssvv). Les dimensions du soutien d’entablement sont indiquées à deux reprises par l'Ajita, pour les prāsāda et pour les maṇḍapa. Pour les premiers on distingue trois types de soutiens d’entablement (Aj 14.43-45) : le premier long de cinq modules et haut d’un seul est destiné aux piliers “pourvus de tous les éléments” (sarvāṅgastambha) c’est-à-dire possèdant un chapiteau et un tailloir ; le second type (pour les piliers avec chapiteau et sans tailloir) est long de quatre modules et haut des trois-quarts d’un module ; enfin le dernier (piliers sans chapiteau ni tailloir) est long de trois modules et haut d’un demi (la largeur est toujours d’un module). Pour les piliers des maṇḍapa (Aj 37.29-30) il est simplement indiqué que le soutien d’entablement est long de 3,4 ou 5 modules, que sa largeur est égale au diamètre de la base des piliers (donc supérieur au module, § 2.2) et que sa hauteur est égale à cette largeur ou à sa moitié. Le décor du soutien d’entablement (Aj 14.46-47) comporte un bandeau (paṭṭikā) qui occupe le tiers supérieur de la hauteur et au-dessous duquel se trouve à chacune des extrémités et sur une largeur d’un quart de module un décor “d’ondes” (taraṅga) qui correspond à ce que G. Jouveau-Dubreuil appelait “rouleaux” ou “copeaux” (Archéologie du Sud de l'Inde, t. I, p. 94) ; d’autre part il semble qu’une pièce secondaire soit disposée perpendiculairement à l’axe principal du soutien d’entablement (karkarīkaṇṭha pour karkarīkampa ?) et que sa saillie (nirgati) par rapport aux faces latérales soit égale à la largeur du soutien d’entablement (ou aux trois quarts ou à la moitié de cette largeur).
23§ 3.22. Les descriptions de treize types particuliers de piliers que donne l'Ajita (14.15b sqq) portent essentiellement sur la forme de leur fût et, éventuellement, sur celle de leur base qui semble considérée comme faisant partie intégrante du fût ; elles mentionnent également dans la plupart des cas la présence ou l’absence du chapiteau et du tailloir mais elles ne font aucune allusion à celle du soutien d’entablement : on sait que pour ce texte et contrairement au Raurava il s’agit là d’un élément dont la présence va de soi (ci-dessus § 3. 18). Enfin il faut signaler que ces descriptions sont données à propos des prāsāda et que les noms donnés aux différents types n’apparaissent pas ailleurs dans le texte, mais qu’il est dit à propos des maṇḍapa que la forme de leurs piliers doit correspondre à ce qui a été dit dans le chapitre relatif aux prāsāda (Aj 37.7a et ci-dessous § 4.17). Voici ces différents types :
- Brahmakānta (Aj 14.15b-16a) : pilier de section carrée ; l’expression salakṣaṇa indique probablement qu’il comporte chapiteau et tailloir ; mentionné dans le Raurava (39.26).
- Viṣṇukānta (Aj 14. 16b-18a) : pourvu d’un chapiteau et d’un tailloir, ce pilier comporte un élément de base de section carrée surmonté d’un tambour circulaire ou octogonal ; l’élément de base semble deux fois (tatkaṇṭhamānena erreur pour tatkarṇao) plus large que le tambour et sa hauteur est une fois et quart, une fois et demie, une fois trois-quarts ou deux fois sa largeur. Mentionné dans le Raurava (ibid.).
- Rudrakānta (Aj 14.18b-19a) : variante du précédent dont le tambour supérieur a une section à seize pans ; mentionné dans le Raurava (ibid.).
- Saumya (Aj 14.19b-20) : pilier à chapiteau et tailloir ; son tambour à seize pans repose sur une base carrée large (?) d’un module et haute comme le quart du tambour (?).
- Vāsantika (Aj 14.21) : pilier octogonal surmonté d’un chapiteau sans tailloir.
- Vṛttakānta (Aj 14.21b-22a) : pilier dont le fût circulaire est taillé de facettes (? aśrākāraḥ suvṛttakaḥ) ; chapiteau (kalaśa) sans tailloir.
- Pūrvāgrastambha (Aj 14.22b-23a) : ce pilier semble être une variante du précédent ; son fût repose sur une base carrée et son chapiteau est de section circulaire.
- Citrakhaṇḍa (Aj 14.23b-26) : le fût composite de ce pilier comporte cinq éléments (bhūtākṛti) qui sont (en partant du haut) un élément carré (haut d’un module et demi ou d’un module et quart), un élément à seize pans limité par deux moulures lotiformes (h. : 1 module), un élément carré (h. : 1/5 de la hauteur totale), un élément à seize pans analogue au premier et un troisième élément carré qui occupe la hauteur restante ; rien n’indique la présence d’un chapiteau et d’un tailloir.
- Vajrakhaṇḍa (Aj 14.26b-28a) : le fût de ce pilier comporte une partie médiane octogonale et encadrée par deux éléments carrés hauts de deux modules chacun ; la description se termine par la mention d’une division en neuf parties dont nous ne voyons pas la raison.
- Ramyakhaṇḍa (Aj 14.28b) : pilier de section carrée qui doit se distinguer du type brahmakānta (ci-dessus I) par l’absence de chapiteau et de tailloir.
- Carukhaṇḍa (Aj 14.29-30a) : le fût surmonté d’un chapiteau est divisé en cinq parties égales dont deux, à la base, correspondent à un élément carré ; la répartition du reste n’est pas indiquée.
- Skandakānta (Aj 14.30b-31) : le fût de section circulaire ou carrée est surmonté d’un chapiteau et d’un tailloir et repose sur une base lotiforme (padmāsana) haute de deux modules.
- Siṃhapāda (Aj 14.31b-32) : une image de lion constitue la base de ce pilier et occupe le tiers de sa hauteur dont le reste se présente sous la forme d’un fût octogonal ou circulaire.
L’entablement
24§ 3.23. L’entablement est désigné par les termes mañca (Rau 39.20,21 ; 40.9,21) et prastara (Aj 12.45,62 ; ; 27.86, 37.31,32,40, 38.21 ;- Rau 39.13,21,30) ; mañca est également appliqué à la partie supérieure de l’attique (§ 3.25) ; quant à prastara qui désigne aussi bien l’entablement que le plafond qui se trouve à la même hauteur (§ suivant), on a vu qu’il est aussi appliqué à un bandeau (§ 3.6 et tableau ci-dessous). La hauteur de l’entablement, dans le cas des prāsāda, est toujours la moitié de celle du pādavarga correspondant et ce quel que soit le nombre des paliers (ci-dessous § 4.6) ; pour les maṇḍapa elle est le tiers ou la moitié de cette hauteur selon l'Ajita (37. 31), le Raurava se bornant à indiquer que les proportions des maṇḍapa sont les mêmes que celles du prāsāda auquel ils sont rattachés (40.21). L’Ajita, seul à décrire l’entablement, nous en donne deux descriptions parallèles, l’une à propos des prāsāda (Aj 14.47-58) et l’autre à propos des maṇḍapa (37.31-32) ; nous les résumons dans le tableau suivant :
Eléments (en partant du haut) | hauteur |
vājana ou paṭṭikā (filet) | 1/20° |
prastara ou prati (bandeau) | 2/20° |
kaṇṭha ou antarita (canal) | 1/20° |
paṭṭikā ou āliṅga (filet) | 1/20° |
kapota (larmier) | 7/20° ou 2 ou 3 modules |
paṭṭikā ou vājana (filet) | 1/20° ou 1/3 ou 1/4 de module |
bhūtamālā ou vasantaka (frise) | 3/20° ou 1 module |
vājana (filet, fasce) | 1/20° ou 1/3 ou 1/4 de module |
uttara (architrave) | 3/20° ou 1/2, 3/4 ou 1 module |
25L’uttara est l’architrave proprement dite, mais il est indissociable du vājana qui le surmonte et qui est de section carrée ; la largeur de cette architrave est naturellement égale à celle des piliers (et des soutiens d’entablement sur lesquels elle repose directement). La frise, qu’elle soit ornée de gnomes (bhūtamālā, Aj 14.50) ou de motifs végétaux (?, vasantaka, Aj 14.57), avance d’un module par rapport à l’architrave mais sa moitié supérieure est masquée par la retombée (lambana) du larmier (kapota) (Aj 14.51-52) ; ce larmier a une saillie considérable (égale à sa hauteur) ; son extrados porte des fausses-lucarnes miniatures (kapotanāsī) larges d’une moitié de module et il est de plus orné aux angles de rinceaux de feuillage (patravallī) qui se développent sur une hauteur de deux modules (Aj 14.54-55).
26§ 3.24. La structure du plafond (prastara) qui se trouve à la même hauteur que l’entablement n’est décrite qu’à propos des maṇḍapa (Aj 37.33-36) : il s’agit en effet dans ce cas d’un élément particulièrement important puisque ce genre d’édifices n’ayant que trois niveaux (adhiṣṭhānavarga, pādao et prastarao, voir § 4.13) ce plafond s’y confond plus ou moins avec la couverture. L’architrave (ensemble uttara/vājana) joue le rôle d’une sablière sur laquelle prennent appui les poutres (tulā) qui elles-mêmes portent les solives (jayantī) au-dessus desquelles viennent les soliveaux (anumārga) ; c’est sur ces derniers qu’est disposé un lit de briques compact (ghana) qui forme une terrasse bombée en son centre (chattrākāra, litt. “en parasol’’, Aj 37.36). La largeur des poutres est le quadruple, le triple ou le double de la hauteur du vājana qui surmonte l’uttara (§ 3.23) ; ces poutres peuvent être de section carrée ou rectangulaire : dans ce dernier cas leur épaisseur est la moitié ou le quart de leur largeur ; quant aux dimensions des solives et des soliveaux, elles sont respectivement la moitié et le quart de celles des poutres. (Sur d’autres modes de couverture des maṇḍapa, voir ci-dessous § 4.18).
L’attique
27§ 3.25. Le quatrième niveau de l’élévation se présente comme un étage de hauteur réduite (un huitième ou un dixième de la hauteur totale d’un prāsāda à palier unique, § 4.6) qui est placé sous le toit et au-dessus de l’entablement (du dernier palier dans le cas d’un édifice qui en comporte plusieurs) ; cet élément est disposé très en retrait par rapport à l’entablement et ce fait, auquel s’ajoute celui que le toit soit souvent désigné comme la “tête” de l’édifice (§ 3.27), explique qu’il soit toujours désigné sous le nom de “cou” (grīva, kaṇṭha, gala) par des termes qui s’appliquent également comme on l’a vu à des moulures creuses (ci-dessus § 3.8) ; nous le désignerons par “attique” bien que ce terme qui désigne un niveau de l’élévation placé sous le toit n’implique pas nécessairement que ce niveau soit fortement en retrait par rapport à ceux qu’il surmonte (voir par exemple Vocabulaire de l’architecture, pl. II-5, II-22 ou XI-18). La description que lui consacre l’Ajita (14.67-76) est, comme on l’a déjà signalé, très sommaire ; de plus elle est rendue très incertaine par le fait que pour en établir le texte l’éditeur n’a eu à sa disposition qu’un seul manuscrit visiblement très corrompu (voir Aj t. I, p. VIII et p. 101 note 3). L’attique peut se décomposer en trois éléments superposés : un bahut qui lui tient lieu de base, un dé qui lui tient lieu de corps et un entablement simplifié. Le bahut (vedī, vedikā) a une hauteur de deux modules (Aj 14.65) ; il est en retrait par rapport à l’entablement sur lequel repose l’attique (ci-dessus) : ce retrait (veśana pour vejana selon le manuscrit et vājana proposé par l’éditeur) est de trois modules (Aj 14. 65) mais il peut également être calculé de façon à ce que la longueur du bahut soit les sept huitièmes de celle du prāsāda (donc de son entablement) ce qui lui donne une valeur égale au seizième de la largeur du prāsāda (Aj 14. 49) ; la modénature de ce bahut n’est pas indiquée. Le dé (gala) qui constitue le corps de l’attique semble avoir une hauteur égale aux trois onzièmes de celle de l’attique prise dans son ensemble (Aj 14.66) ; ce dé est situé en retrait par rapport au bahut et sa longueur semble être les quatre cinquièmes (Aj 14.67) ou le quart (??, Aj 14.69) de celle du bahut ; il semble limité en haut et en bas par un bandeau étroit ou un filet (kampa, paṭṭikā, Aj 14.66-67) ; enfin il est question à son propos d’un élément que le manuscrit nomme yodikā (Aj 14.67), mot que M. N. R. Bhatt propose de corriger en potikā : il s’agirait alors de soutiens d’entablement (§ 3.21) qui viendraient coiffer des pilastres plaqués contre le corps de l’attique (mais non mentionnés) ; cette interprétation peut se justifier par la présence à la partie supérieure d’un ensemble formant entablement. Cet “entablement” se compose d’un uttara surmonté d’un vājana et sa hauteur totale semble être de deux modules, le vājana faisant le tiers de l’uttara (Aj 14.67-68) ; nous avons déjà rencontré le couple uttara/vājana et l’on sait qu’il peut former simultanément une architrave (reposant sur des piliers) et une sablière (supportant un toit) (ci-dessus §§ 3.23-24) ; mais il est difficile de savoir si cette double fonction se présente ici puisqu’aucun détail ne nous est donné sur la façon dont attique et toit se raccordent : on sait seulement que l’un et l’autre doivent être bâtis sur le même plan, c’est-à-dire que l’attique sera circulaire ou carré selon que le toit sera l’un ou l’autre (ci-dessous § 4.11). Enfin nous ne pensons pas que l’expression grīvamañcaka employée par le Raurava à propos du temple de Mohinī (Rau 37.8 : garuḍaṃ siṃham ukṣaṃ vā kalpayed grīvamañcake/) puisse désigner cet “entablement d’attique” dont nous venons de parler : on ne voit pas en effet comment les images dont il est question pourraient être disposées au sommet d’un élément qui constitue la base du toit ; il est probablement préférable d’interpréter grīvamañcaka comme signifiant “l’entablement (du prāsāda, au pied) de l’attique” en rapprochant la phrase que nous venons de citer de celle qui est employée à propos du temple de Śiva : prastare galamūle tu koṇeṣūkṣān prakalpayet (Rau 39.30) (Sur ces différentes images voir ci-dessous §§ 5.8 et 19).
28§ 3.26. La présence d’une niche (nāsikā, § 3.44) aux quatre orients de l’attique d’un prāsāda n’est expressément mentionnée que par l’Ajita qui en donne la description suivante (Aj 14.70-76) : la niche a une embrasure rectangulaire encadrée par une arcature (toraṇa, ci-dessous § 3.45) dont les montants (pāda) supportent une traverse supérieure portant une frise d’oies (haṃsāmālā) ; la largeur intérieure est de quatre modules et demi ou cinq modules, ou bien encore elle est égale à la profondeur (soit deux ou trois modules) ; la saillie des montants par rapport au nu du dé (gala) de l’attique semble égale au sixième ou au tiers de la largeur du bahut (vedī) supportant l’attique ; la traverse supérieure est haute des deux tiers d’un module ; enfin ces niches dont tous les éléments doivent être décorés (sarvāṃśaṃ śobhanāyuktam) sont destinées à abriter des images divines (ci-dessous § 5.2). Le Raurava qui ne parle pour ainsi dire pas de l’attique ne fait nulle mention de la présence de ces niches et il énumère les divinités placées aux points cardinaux sans préciser le niveau de l’élévation auquel elles doivent être installées ; l’on peut se demander cependant si les fausses-lucarnes saillantes (bhadranāsikā) qu’il place sur le toit (ci-dessous § 3.28) ne viennent pas en fait coiffer des niches situées sur l’attique comme c’est le cas selon l’Ajita où les grandes fausses-lucarnes du toit (mahānāsikā) sont placées au-dessus des niches (nāsikā) dont on vient de parler (ibidem).
Le toit
29§ 3.27. A côté du terme spécifique śikhara (Aj 12.45,62,64 ; 14.76 sq ; 38.22,38 ; - Rau 39.28), ce sont des mots dont le sens premier est “tête” qui sont utilisés pour désigner le cinquième niveau de l’élévation, celui qui correspond au toit : ainsi mastaka (Rau 39.21), śīrṣa (Rau 39.20) ou śiras (Rau 42.4) ; ces différents termes ne sont employés (à une exception près) qu’à propos des prāsāda et des gopura ; en effet le seul autre type de bâtiment décrit de façon détaillée est le maṇḍapa et l’on sait qu’il n’a que les trois premiers varga et que sa couverture se situe au niveau de son entablement et se présente théoriquement comme une terrasse à peu près plate (§ 3.24) ; cependant śīrṣa est employé une fois à propos d’un snapanamaṇḍapa dont la toiture comporte un lanterneau central surmonté d’un motif de couronnement (stūpyārohitaśīrṣaka, Rau 24.3 et ci-dessous § 4.18). On notera enfin que la toiture, supportée par des chevrons, qui coiffe le temple provisoire (taruṇālaya) est simplement désignée par le mot lupā (“chevron”) (Rau 27.7 et ci-dessous § 4.37). Nous n’envisagerons donc ici que le toit considéré comme l’avant-dernier varga des prāsāda et des gopura.
30§ 3.28. Les descriptions plus ou moins détaillées que nos textes donnent du toit des prāsāda ne contiennent aucune indication sur la structure de ce toit et elles se bornent au dénombrement des fausses-lucarnes (nāsī, nāsikā... § 3.44) qui y sont disposées. Selon l’Ajita, le śikhara porte sur son extrados quatre grandes fausses-lucarnes (mahānāsī) disposées aux quatre points cardinaux (Aj 14.81) et entre lesquelles peuvent s’intercaler (lorsque le toit est octogonal ou circulaire) quatre autres fausses-lucarnes plus petites (Aj 14.82) ; les plus grandes, seules décrites (Aj 14.77-80) ont une largeur égale au tiers de celle du toit, une hauteur qui vaut les trois quarts de cette largeur et une profondeur de deux modules ; leurs montants semblables aux pilastres de l’attique (ou aux montants des niches de l’attique ? grīvapādavat) supportent un couronnement (śiras) dont la hauteur est égale à la moitié de la largeur de la fausse-lucarne : ce couronnement qui forme probablement arcature est orné d’un masque de kinnarī (?, kinnarīvaktra corr. proposée par l’éditeur pour kambarīvaktra du manuscrit) ainsi que diverses sortes de lianes et de gnomes (et autres personnages du même genre) chevauchant lions, vyāla et éléphants. Quant au Raurava, les deux vers et demi (39.28-303) qu’il consacre au toit des prāsāda sont extrêmement confus ; il nous semble qu’il fait la distinction entre trois types de fausses-lucarnes : les (grandes) fausses-lucarnes à forte saillie (bhadranāsikā, litt. “fausse-lucarne formant avancée”, voir § 3.44), les (grandes) fausses-lucarnes peu saillantes (abhadranāsika) et les petites fausses-lucarnes (alpanāsī) : les premières se trouveraient à l’aplomb des façades des grands prāsāda (à toit carré ou circulaire), les secondes à l’aplomb des angles des grands prāsāda à toit circulaire (vesara, voir § 4.11) et les troisièmes à l’aplomb des façades (et éventuellement des angles) des prāsāda de dimensions plus réduites. Les différents types de śikhara présentés jusqu’ici conviennent à des prāsāda dont le śikhara, même s’il est circulaire ou octogonal, est bâti sur une base carrée et nous n’avons guère de détails sur la couverture des deux (ou trois) prāsāda rectangulaires que mentionne l’Ajita (ci-dessous § 4.12).
31§ 3.29. En ce qui concerne les pavillons d’entrée (gopura, § 4.33) dont le plan est généralement rectangulaire, le Raurava (42.4-5) énumère simplement sans les décrire six formes possibles pour le toit : le toit en carène (śālākāra), le toit plat (harmyākāra), le toit (à double pente) monté sur chevrons (lupārohitaśiras), le toit (en forme de) maṇḍapa (maṇḍapa), celui qui est en forme de sabhā (sahārakam erreur pour sabhākāram ?) et enfin celui qui est “en parasol” (chattrākāra). Une śālā est un édifice généralement allongé (§ 4.40) et son toit en carène se termine par deux pignons en fer à cheval très caractéristiques ; nous interprétons harmyākāra comme désignant un toit plat en nous appuyant sur la définition du harmya telle qu’on la trouve par exemple dans le Mayamata (26.100 : muṇḍākāram. śīrṣakaṃ harmyam état) et dans d’autres textes parallèles (voir ibid., t. II, p.36 note 78) : on peut supposer que ce toit “plat” est situé au-dessus de l’attique, à la différence du toit “en forme de maṇḍapa” qui doit correspondre à celui d’un pavillon d’entrée qui ne comporte que trois varga à l’instar des maṇḍapa et qui, par conséquent, a son toit à la hauteur de son entablement ; le toit en forme de sabhā est probablement caractérisé par deux croupes (§ 4.38) enfin le toit en “parasol” est sans doute pyramidal, à moins qu’il ne s’agisse simplement d’un toit en terrasse légèrement bombé analogue à la couverture des maṇḍapa telle que la décrit l’Ajita (ci-dessus § 3.24).
Le motif de couronnement
32§ 3.30. Dernier niveau de l’élévation des prāsāda et des gopura (et exceptionnellement d’un maṇḍapa, § 4.30) le motif de couronnement est désigné soit par le terme spécifique stūpi (Aj 12.45,63... ; 14.83,87 ; - Rau 24.3 ; 26.19,20, 28... ; 39.21) soit par kumbha (Aj 14.90) qui désigne de façon plus précise la sa moulure principale (ci-dessous) ; enfin on trouve dans le Raurava le mot kuṇḍala employé à trois reprises dans un contexte tel qu’il ne peut guère s’interpréter que comme une désignation du motif de couronnement ou à la rigueur du “bouton” sommital (ci-dessous) de ce niveau (Rau 39.20,23,24) ; ainsi par exemple ce texte dit du prāsāda de type nāgara (voir § 4.11) “qu’il doit être carré du soubassement au kuṇḍala” (kuṇḍalāntam adhiṣṭhānād vedāśraṃ nāgaraṃ bhavet/Rau 39.20), ce que l’Ajita indique également en disant que ce prāsāda “est carré du sol au motif de couronnement” (bhaumādistūpiparyantaṃ nāgaraṃ caturaśrakam/Aj 12.67a) ; nous ne voyons pas comment on peut passer du sens normal de kuṇḍala (“anneau”) à celui de “motif de couronnement”, en revanche il nous semble possible que kuṇḍala soit une fausse lecture pour kuḍmala “bouton de fleur” qui est parfois employé pour désigner le “bouton” du motif de couronnement (Mayamata, 19.17) et par extension le motif de couronnement lui-même (ibid. 58).
33§ 3.31. Le motif de couronnement, confectionné en métal (or, argent, cuivre, plomb ou bronze) ou en terre (cuite ou simplement séchée) (Aj 14.90-91) se présente comme un épi de faîtage mouluré placé au sommet du toit au-dessus des “briques de couronnement” (mūrdheṣṭakā) au cours d’une cérémonie qui marque la fin des travaux de construction (Aj chap. 15) ; ces “briques” qui comme on l’a vu peuvent être des pierres (§ 2.12) sont au nombre de quatre et elles sont disposées au sommet du śikhara de façon à maintenir en place une tige (kīla) verticale dont la hauteur est la même que celle du motif de couronnement qui va s’emboîter sur elle (Aj 15.47-48). Sa forme est telle qu’il va “en s’amincissant vers le haut” (ānupūrvyāt kṛśam, Aj 14-83) et sa section est carrée ou circulaire selon que le toit qu’il surmonte suit l’un ou l’autre de ces tracés ; lorsque le toit est établi sur un plan allongé il y a plusieurs motifs de couronnement alignés sur son faîte : c’est le cas du prāsāda de type svastibandhana (Aj 12.70 et § 4.12) qui en a trois et c’est probablement aussi celui des pavillons d’entrée (gopura § 4.33) mais il n’est question de leur(s) motif(s) de couronnement que de façon tout à fait incidente à propos de la mise en place de lampes (Rau 26.20 : parivārāgrālaye ca gopureṣu ca stūpiṣu/dīpādhāraṃs tu vinyāsya…). L’Ajita, seul a en donner une description détaillée, énumère ses éléments à deux reprises avec de légères nuances dans la nomenclature : une première fois pour indiquer leur largeur (Aj 14.83-86) et une seconde pour donner leur hauteur relative (ibid. 87-89) ; la largeur (ou le diamètre) de chacun d’entre eux est déterminée, par un système complexe de rapports, à partir de celle de la plaque (pāli) qui constitue la base du motif de couronnement ; cette plaque elle-même a une largeur qui est les trois cinquièmes de la longueur du bahut d’attique (c’est-à-dire de la largeur du toit, Aj 14.83 et 77). Voici ces différents éléments et leurs proportions (en partant du bas du stūpi) :
34Comme on le voit d’après ces deux listes, le motif de couronnement comprend quatre éléments principaux : une base (A-B) très large, constituée par une plaque de base et un lotus renversé, puis une partie centrale renflée (E-F) composée du vase (qui comme on l’a vu donne parfois son nom au motif de couronnement) et un bulbe, puis la longue tige (G) dont le nom même de “cou” atteste le caractère effilé et enfin le bouton sommital de grande taille (J) ; les éléments D et H doivent se présenter comme des plaques ou des disques fortement en saillie par rapport aux éléments étroits qu’ils coiffent (skandha/kandhara et grīva/kaṇṭha) ; enfin le valka (I) qui constitue la base du bouton doit peut-être son nom (litt. “écorce”) au fait que par sa situation il correspond au pédoncule qui apparaît comme un renflement de l’écorce à la base d’une fleur.
ÉLÉMENTS ET DISTRIBUTION DES PLANS
Les plans
35§ 3.32. La plupart des édifices décrits dans nos deux textes ont un corps principal (délimité par le pramāṇasūtra, § 2.5), dont le plan est tracé selon un quadrilatère régulier, carré ou rectangle, sur lequel viennent éventuellement se greffer certains éléments annexes, avant-corps ou autres (§ 3.34) ; mis à part le cas particulier de certains prāsāda ce plan reste toujours le même sur toute la hauteur de l’édifice, du sol à son sommet ; enfin le corps principal ainsi déterminé constitue dans la plupart des cas un volume “plein”, c’est-à-dire qu’il ne comporte aucune partie à ciel ouvert. Le plan carré se rencontre pour un grand nombre de maṇḍapa (§§ 4.19-20) et c’est le tracé de base de la plupart des prāsāda, même si ceux-ci peuvent avoir simultanément leur partie supérieure (à partir de l’attique) établie sur un plan circulaire ou octogonal (§§ 4.11-12). Le plan rectangulaire se rencontre également pour des maṇḍapa (§§ 4.19 et 21) et pour un (peut-être deux) prāsāda (§ 4.12) ; c’est le seul prescrit pour les sabhā (§ 4.38), les gopura et les édifices “en forme de gopura” (§ 4.35) ; c’est également celui des mālikā mais il s’agit là d’un cas particulier puisque, comme on le verra, (§ 4.36) les mālikā sont des galeries accolées à la face intérieure des murs d’enceinte : elles entourent une cour et elles sont tracées selon le plan de l’enceinte, c’est-à-dire qu’elles sont toujours rectangulaires (§ 5.6). Le seul autre type d’édifice enfermant une cour dont il soit question dans notre texte est le catuśśāla qui selon l’Ajita doit servir de cuisine au sanctuaire (Aj 38.43) : ce texte n’en donne pas de description mais l’on sait qu’il s’agit d’une maison à quatre corps de logis entourant une cour et dont le plan peut être carré ou rectangulaire (Mayamata, t. II, chap. XXVI). Un seul édifice est de plan circulaire (prāsāda de type vesara) mais le tracé circulaire peut aussi ne concerner que sa partie supérieure (§ 4.11) ; il n’est jamais question de plan octogonal sauf dans l’Ajita à propos du tracé de la partie supérieure de deux prāsāda carrés et d’un troisième qui est probablement rectangulaire (§§ 4.11-12). Enfin le seul plan composite signalé est celui du prāsāda de type hastipṛṣṭha qui est caractérisé par la présence d’une abside (ibidem) et qui est ainsi “à la fois circulaire et rectangulaire” (āyataṃ vṛttaṃ eva ca, Aj 12.72).
36§ 3.33. Les édifices décrits ont, de par leur destination, une distribution intérieure extrêmement simple, ce qui explique que les renseignements donnés à son sujet soient toujours, le cas échéant, très sommaires. Les prāsāda qui sont tous des temples ont naturellement une cella centrale (garbagṛha..., § 4.7) mais on ne nous dit pas si son plan doit se conformer à celui de l’édifice ou bien si elle est toujours carrée comme pourraient le laisser supposer ses proportions telles qu’elles nous sont indiquées (ibidem). Dans les grands temples cette cella peut être entourée de “déambulatoires” (alinda) (concentriques) ; leur présence qui peut se justifier par des raisons rituelles (faciliter la circumambulation de la divinité à l’intérieur même du temple lorsque la cella proprement dite est trop encombrée), est cependant plus probablement due à des nécessités techniques (installation des escaliers d’accès aux paliers supérieurs et, surtout, allégement du massif de maçonnerie entourant la cella) (voir ci-dessous § 4.8). On notera à ce sujet que rien n’est dit sur le plan des paliers supérieurs des prāsāda : l’on ne nous dit pas en particulier si les escaliers dont il est question donnent accès à des pièces fermées ou simplement aux terrassons étroits déterminés par la position en retrait de la façade d’un palier supérieur par rapport à celle du palier qui vient immédiatement au dessous. Les maṇḍapa sont tous des édifices à pièce unique : celle-ci est entièrement libre de piliers dans le cas des petits pavillons à quatre ou douze piliers disposés uniquement sur la périphérie (§ 4.20 types I et II) ; partout ailleurs elle se présente comme une salle hypostyle aux piliers régulièrement espacés (sauf parfois au centre où l’entrecolonnement peut être triple de ce qu’il est ailleurs) (§§ 4.17-18) ; s’il est dit à plusieurs reprises que les piliers périphériques peuvent être remplacés par des murs (§ 4.17), il n’est jamais fait allusion à un quelconque cloisonnement intérieur. On peut en revanche supposer l’existence d’un tel cloisonnement dans le cas des mālikā puisque ces galeries formant cloître peuvent abriter des dépendances qui doivent être séparées les unes des autres (§§ 4.36 et 5.9). On remarquera enfin que rien n’est dit de l’agencement intérieur des gopura dont on ne sait si les deux portes situées sur leurs côtés allongés donnent accès à une pièce centrale ou si elles sont simplement reliées par un couloir percé dans une maçonnerie pleine.
Eléments annexes du plan
37§ 3.34. Les éléments qui viennent se greffer sur le plan du corps principal et qui sont par conséquent placés à l’extérieur de l’espace délimité par le pramāṇasūtra sont très généralement de petites dimensions ; les seuls qui fassent exception sont, d’une part, le mukhamaṇḍapa qui sert de vestibule aux prāsāda et qui dans certains cas peut être plus large que l’édifice dont il est une annexe (§ 4.9) et, d’autre part, la galerie pourtournante (vāra) qui peut selon l’Ajita envelopper certains maṇḍapa (§4.22) : dans un cas comme dans l’autre il s’agit d’éléments destinés à accroître l’espace habitable du corps principal. Ce ne semble pas être toujours le cas des avant-corps, désignés sous des noms divers, qui peuvent être plaqués contre la partie centrale des façades des prāsāda ou des maṇḍapa ; ce sont des éléments allongés de faible saillie qui pour les prāsāda (ils sont alors appelés bhadra) occupent le milieu d’une ou plusieurs des faces aveugles de l’édifice (§ 4.10) : ces emplacements sont également ceux des arcatures (toraṇa) abritant des images divines (§ 3.45) et l’on peut supposer que lorsque les deux éléments existent simultanément sur une façade le bhadra est destiné à mettre en valeur l’image divine ; l’Ajita seul à préciser la position des bhadra ne traitant que des prāsāda à un seul palier on ne sait pas si ces avant-corps doivent s’élever devant les paliers supérieurs ou bien s’ils se limitent au rez-de-chaussée. Le terme bhadra est employé par le Raurava dans l’expression agrabhadra désignant l’avant-corps qui doit se situer devant l’entrée d’un maṇḍapa rectangulaire (Rau 40.16) ; à la différence du cas précédent il ne s’agit pas là d’un élément massif mais plutôt d’un porche développé ; c’est d’ailleurs bien ce qu’indique l’Ajita (37.23-25) qui baptise cet élément nirgama (“saillie”) et qui prescrit de le placer au droit des escaliers d’accès (et par conséquent des portes) (§ 4.22).
38§ 3.35. L’Ajita, décrivant le prāsāda saubhadra (Aj 12.68 et § 4.12), dit qu’il doit comporter “avant-corps et viśāla” (sabhadraṃ saviśālam). Viśāla s’applique normalement à la largeur ou à l’étendue et n’était la présence simultanée du bhadra on pourrait y voir un simple synonyme de ce terme, l’avant-corps étant alors caractérisé par son étendue comme il peut l’être par sa saillie dans l’appellation nirgama (ci-dessus) ; l’éditeur du texte propose par le biais d’une citation du Suprabhedāgama (31.104a cité in Ajita, t. I, p. 83 note 4) d’établir un rapport entre cet élément et un maṇḍapa à cent colonnes dénommé viśāla ce qui nous paraît aussi peu possible que le rapprochement établi (ibidem, note 2) entre le bhadra/avant-corps dont nous venons de parler et le bhadrapīṭha qui est un type de piédestal (ci-dessous § 5.4) ; en fait ces mots utilisés pour désigner des types d’édifices ou d’éléments architecturaux sont des mots passe-partout dont la valeur varie d’un ouvrage à l’autre et parfois même d’un chapitre à l’autre dans un même ouvrage : pour reprendre l’exemple du mot viśāla qui comme nous l’avons vu désigne dans le Suprabhedāgama un type de pavillon à cent piliers, on constate que dans l’Ajita il est appliqué sous la forme śrīviśāla à un pavillon à trente-six piliers (Aj 37.13a et § 4.20 type III) et que dans le Kāmikāgama (I. 45.41) il désigne une catégorie de mālikā ; pour prendre un autre exemple, ābhāsa désigne dans le Raurava un prāsāda dont la largeur va de quinze à vingt-sept coudées (Rau 39.1 sq et § 4.5), dans l’Ajita un sanctuaire à enceinte unique (Aj 38.13 et § 5.6) et dans le Mayamata des choses aussi variées que des temples, des pavillons, des maisons, des modes d’équarrissage du bois et des sabhā (Mayamata, t. II, Index sv). Pour en revenir à viśāla il nous semble que dans le cas particulier il doit s’agir d’un élément allongé qui vient peut-être se placer entre le corps principal et l’avant-corps.
39§ 3.36. Un autre terme qui fait problème est raṅga : selon le Raurava des pavillons rectangulaires (dont l’un est pourvu d’un avant-corps, agrabhadra) possèdent “à l’arrière” un raṅga de trois unités (de large ? de long ?) (Rau 40. 16 et 18, § 4.21) ; on ne dit pas s’il se trouve à l’extérieur du maṇḍapa (ce serait alors un élément symétrique de l’agrabhadra qui est devant) ou à l’intérieur. Dans le premier cas il peut s’agir d’un avant-corps qui à la différence de l’autre ne correspondrait pas à un accès : il pourrait donc jouer le rôle d’une sorte “d’abside” de plan allongé et non arrondi ; dans le second cas il s’agit probablement d’un dais : on sait en effet que raṅga qui dans la littérature classique désigne la scène d’un théâtre ou le théâtre lui-même ou un édifice du même genre, est souvent appliqué à un dais ou à une structure analogue, ce que le Kāmikāgama exprime en disant que le “raṅga est un maṇḍapa construit à l’intérieur d’un maṇḍapa” (Kāmika I.50.94) ; si l’on admet cette hypothèse il ne s’agirait donc pas d’un élément extérieur au plan mais d’un aménagement intérieur destiné à abriter une image.
Les portes
40§ 3.37. Le Raurava ne contient aucune description relative aux portes ; le mot dvāra n’apparaît même pas dans les chapitres décrivant les prāsāda, les maṇḍapa ou les pavillons d’entrée et ce n’est que de façon tout à fait incidente que le texte fournit un certain nombre de renseignements sur la porte et l’huisserie, renseignements que l’on signalera ci-dessous, chemin faisant. Pour l’Ajita il existe deux catégories de portes qui se distinguent l’une de l’autre par les bâtiments auxquels elles sont destinées, par le niveau auquel elles se situent sur la façade de l’édifice et par leurs proportions. Le type le plus courant correspond aux portes des prāsāda et des maṇḍapa (Aj 12.37-44) qui doivent être placées entre le soubassement (adhiṣṭhāna) et l’entablement (prastara) ; en aucun cas elles ne peuvent interrompre la prati (bahut ? bandeau supérieur ?, §§ 3.6 et 3.15) qui couronne le soubassement (Aj 12.44 où la correction de naiva en caiva est certainement une inadvertance de l’éditeur ; voir les textes parallèles cités in Mayamata, t. I, p. 264) ; leur hauteur peut être égale à la distance qui sépare cette prati de l’architrave (c’est-à-dire à la hauteur du pādavarga) ou bien à cette distance diminuée d’un dixième, d’un neuvième ou d’un huitième (Aj 12.37-38) ; quant à leur largeur, elle est égale à la moitié de cette hauteur ou à cette moitié diminuée d’un ou deux dixièmes (Aj 12.39-40). Les proportions sont un peu différentes s’il s’agit de la porte qui donne accès à la cella (garbhagṛha, § 4.7) : appelée alors gehadvāra (Rau 30.50), vaktra (“bouche”, “visage”, Rau 11.1) ou tout simplement dvāra (passim), elle a des dimensions calculées à partir de celles de la cella : la largeur de la porte est le quart de celle de la cella et sa hauteur la moitié (Aj 12.40-41) ; ce sont ses dimensions qui servent parfois de base au calcul de celles du Liṅga, de l’image du dieu ou bien encore de celles du triśūla ou de l’image de Vṛṣa situés l’un et l’autre devant le sanctuaire (Aj 4.6 ; 36.6-8 ; - Rau 33.9,11 ; 35.7-8). le composé suddhadvāra (litt. : “porte pure”) employé à ce sujet par l’Ajita (36.6) signifie probablement que les dimensions de références sont ici celles de la porte proprement dite, c’est à dire les dimensions intérieures de son encadrement et non pas celles de l’ensemble de l’huisserie ou de l’embrasure (voir la même expression employée dans un contexte similaire dans la Marīcisamkitā, chap. 8, p. 38 dernier paragraphe). Le second type de porte est particulier aux pavillons d’entrée (gopura, § 4.33) ; leurs portes en effet ne s’élèvent pas à partir du sommet de leur soubassement mais à partir de la plinthe (upāna, § 3,3) qui constitue la moulure de base de ce soubassement ou, éventuellement, du socle (upapīṭha) qui se trouve au-dessous (Aj 38.40-41) ; il s’agit donc de portes cochères ou charretières ; leurs dimensions peuvent être calculées de deux manières différentes (Aj 38.41-43) : selon la première, la hauteur, qui est le double de la largeur, est égale à la distance qui sépare la plinthe de l’entablement (c’est-à-dire au total des hauteurs de l’upapīṭha — éventuellement —, de l’adhiṣṭhāna et du pādavarga) ; selon la seconde cette hauteur est de neuf, dix ou onze empans (tāla= 1/2 coudée, § 2.1) et la largeur en est la moitié.
41§ 3.38. L’encadrement de la porte est constitué de deux montants, śākha (Aj 12.41-43 et 20.126) ou pāda (Aj 20.126), d’un linteau (udumbara, Aj 12.42 ou pataṅga, Rau 10.15) et d’un seuil surélevé (dehali, Aj 12.42 ; 20.126-127 ou bhuvaṅga, Rau 10.15) ; ces quatre éléments sont de section carrée et leur largeur est égale au quart de la hauteur de la porte (Aj 12.41), ce qui paraît considérable mais permet la mise en place d’un important décor : des rinceaux de feuillages divers (citrapatravallī, Aj 12.42) auxquels viennent s’ajouter, sur le linteau, les images de Śri, Sarasvatī et Vighneśa et, sur les montants, celles des deux Nidhipāla portant la conque et le lotus (Aj 12.42-43). Le terme employé pour désigner un vantail est kavāṭa : lorsqu’il n’est pas au duel (Aj 20.123 et 30-50 ; - Rau 10.15), il apparaît dans des composés (Aj 32.12 et Rau 27.8) ce qui ne permet pas de dire si nos textes envisagent aussi l’existence de porte à vantail unique ; la paṭṭikā dont il est fait mention à propos de la porte à double vantail qui donne accès à la cella (Rau 10.15) est probablement la barre de battement qui couvre le raccord entre les deux vantaux (le Mayamata 30.31 l’appelle skandhapaṭṭikā). La seule fermeture dont il soit fait mention est un verrou horizontal (argala, Rau 27.8, voir Mayamata, t. II, p. 217 note 26).
42§ 3.39. Le nombre et l’emplacement des portes varient selon les types d’édifices et d’ailleurs ne font que rarement l’objet d’indications précises. Les prāsāda n’en ont qu’une située au centre de la façade principale (§ 4.7), mais le mukhamaṇḍapa placé en avant de cette entrée peut éventuellement comporter des accès latéraux en sus de celui qui est situé sur l’axe de la porte de la cella (Rau 40.2b et § 4.9). Pour les maṇḍapa leur nombre peut aller d’une à quatre et elles sont probablement au milieu des façades puisqu’elles correspondent à des avant-corps (nirgama) situés dans cette position (§ 3.34) ; 5 enfin on notera que les pavillons d’installation des Liṅga ont quatre portes et que les proportions de deux d’entre elles doivent être calculées à partir de celles du Liṅga et non, peut-on donc supposer, en fonction des règles générales (§ 4.22 et 26). Enfin en ce qui concerne les pavillons d’entrée on peut supposer que leurs portes (décrites ci-dessus) sont installées au milieu de leurs côtés allongés, mais cela n’est jamais précisé (§§ 4.33 sq) ; on sait d’ailleurs que ces pavillons d’entrée peuvent être remplacés par de simples portes percées dans les murs d’enceinte (ibidem).
Les fenêtres
43§ 3.40. Il n’est pour ainsi dire jamais question de fenêtres dans nos deux textes, et cela s’explique par le fait que les deux types d’édifices décrits en détail, les prāsāda et les maṇḍapa, sont, les premiers entièrement fermés et, les seconds, le plus souvent ouverts de tous côtés sur l’extérieur (§ 4.17) ; il va de soi que l’on ne peut ranger dans la catégorie des fenêtres les “fausses-lucarnes” qui sont placées sur le toit des prāsāda et sur les larmiers (ci-dessous § 3.44). La seule mention d’une fenêtre que nous ayons trouvée dans l’Ajita est celle, déjà signalée, d’une claustra (jālaka) dans le développement relatif au système des mesures (Aj 12.2 et § 2.1). Quant au Raurava il indique simplement que le passage (antarāla) qui relie deux maṇḍapa peut comporter une claustra (jālaka) lorsqu’il n’a pas d’accès latéral (veśa) et qu’il n’est pas “aveugle” (mukta) (Rau 40.8a et § 4.22).
Les escaliers
44§ 3.41. On a déjà mentionné les escaliers (sopāna) qui disposés dans les déambulatoires (alinda) permettent d’accéder aux paliers supérieurs des prāsāda (§§ 3.33 et 4.8) ; ce sont les seuls que nomme le Raurava qui pour toute description se borne à indiquer qu’ils sont dextrogyres (pradakṣiṇavaśāt), ce qui fait probablement allusion à des escaliers en colimaçon (voir par exemple Mayamata, 1.I, p. 490). Pour l’Ajita l’escalier qui permet d’accéder au sommet du soubassement de certains pavillons et dont la position correspond à celle des avant-corps (nirgama, § 3.34) est encadré par deux (rampes en forme de) trompes d’éléphant (hastihasta, Aj 37.25-26) ; le même texte signale sans plus de détail que le grand autel à offrande (mahāpīṭha) doit avoir un escalier d’accès lorsqu’il est surélevé par un socle (Aj 39.52 et § 5.11).
LES ÉLÉMENTS DÉCORATIFS
Les édicules
45§ 3.42. Les éléments décoratifs que nous présentons ici sont ceux qui sont plaqués contre les façades des édifices sans modifier le plan de celui-ci à la différence des avant-corps qui sont placés “dans un souci de décoration” (śobhārtham, Aj 12.32) et qui, comme on l’a vu, constituent comme des excroissances sur le plan de base. Parmi ces éléments décoratifs se trouvent les divers édicules qui sont mentionnés mais non décrits à propos des prāsāda (Ajita et Raurava), des maṇḍapa (Raurava) et des murs d’enceintes (Ajita). Selon le Raurava ces édicules sont destinés à abriter des images divines (voir aussi ci-dessous § 5.2) mais ils peuvent également être purement décoratifs (Rau 39.14a). Dans le cas des prāsāda, ils peuvent être installés “au-dessus du soubassement”, c’est-à-dire contre le pādavarga du rez-de-chaussée ou bien encore “au-dessus de l’entablement”, c’est-à-dire contre le pādavarga du ou des paliers supérieurs dans le cas d’un édifice à plusieurs paliers et probablement contre l’attique si le prāsāda n’a qu’un seul palier (Rau 39.13). Dans le cas des maṇḍapa aucun détail ne nous est donné mais la première des deux possibilités indiquées ci-desus ne semble pas praticable lorsque le pādavarga se présente comme un portique (et non comme un mur, § 4.17) et l’on peut par conséquent supposer que dans ce cas ces édicules sont disposés au-dessus de l’entablement ; comme celui-ci est le dernier niveau de l’élévation des maṇḍapa, ils ne doivent pas être adossés à un mur mais constituer comme une sorte de couronnement au sommet de l’élévation. Enfin en ce qui concerne les murs d’enceinte on peut supposer qu’ils s’élèvent à partir du mur-bahut qui peut éventuellement servir de soubassement au mur d’enceinte proprement dit (ci-dessous § 5.8).
46§ 3.43. Les édicules mentionnés dans nos textes sont de trois sortes et on peut en donner les définitions suivantes en s’appuyant sur les descriptions que donnent les textes parallèles. Il y a tout d’abord les kūṭa qui sont de plan carré et qui sont généralement placés aux angles d’un édifice d’où leur désignation fréquente sous le nom de karṇakūṭa (Aj 12.68,73 ; — Rau 39.11, 12 et 40-20) ; ceux qui sont accolés à des murs d’enceinte sont naturellement appelés simplement kūṭa (Aj 38.23) ; il faut signaler que le terme de kūṭa s’applique également à un édifice assez analogue à un maṇḍapa (ci-dessous § 4.14) et au lanterneau qui peut éventuellement se trouver au milieu du toit d’un pavillon (§ 4.18). Les koṣṭha (Rau 39.11-12) ou śālā (Aj 38.23) sont des édicules allongés coiffés de toit en carène (śālākāra) ; ils ne sont jamais situés aux angles d’un édifice et leur longueur est généralement le double de la largeur des kūṭa situés au même niveau (Rau 39.11) ; le terme śālā s’applique également à une forme de toit (“toit en carène”, § 3.29) et à des édifices qui, dans nos textes du moins, sont assez mal définis (voir § 4.40). Enfin il y a les pañjara (Aj 12.69,70 et 38.23 ; — Rau 39.11, 12) qui sont placés entre les koṣṭha et les kūṭa ou entre deux koṣṭha ; ils sont de plan carré et leur largeur est égale à celle des kūṭa placés au même niveau (Rau 39.11) ; ils doivent probablement leur nom de “cage’ au fait qu’ils figurent généralement une sorte de petit kiosque à quatre piliers alors que les kūṭa et les koṣṭha ont l’aspect d’édifices fermés (l’emplacement de la porte étant occupé, le cas échéant, par l’image d’une divinité). Ces cages peuvent également se trouver sur le bahut d’attique (§ 4.12).
Niches et fausses-lucarnes
47§ 3.44. On a déjà eu l’occasion de signaler la présence de nāsī (nāsikā...) sur l’extrados du larmier (§ 3.10), sur l’attique (§ 3.26) et sur le toit (§ 3.28) ; nāsī désigne le “nez” et l’emploi d’un tel mot implique que l’élément auqnel il s’applique forme saillie ; les descriptions qui en sont données à propos de l’attique et du toit (lc) montrent que ce terme s’applique en fait à deux éléments différents ; lorsqu’il s’agit de l’attique une nāsī est une niche encadrée par un toraṇa et elle est destinée à abriter une image ; lorsque la nāsī est placée sur un toit elle a un rôle purement décoratif ; il n’est pas question de divinité placée au centre et en revanche la décoration de l’encadrement paraît particulièrement fournie (§ 3.28) ; s’agissant d’un toit, cet élément se présente comme une lucarne aveugle, ce qui nous a amené à le désigner par l’expression commode de “fausse-lucarne” ; nous employons également cette expression pour les nāsī qui se trouvent sur l’extrados d’un larmier puisque cette moulure n’est en fait que la représentation d’un bord de toit. Ces différentes niches ou fausses-lucarnes sont généralement définies par leurs dimensions relatives, ce qui explique l’emploi des expressions mahānāsikā et alpanāsikā, les premières étant généralement situées aux points cardinaux et les secondes aux directions intermédiaires (§§ 3.28 et 4.12). Cependant le Raurava semble également, à propos des prāsāda, classer ces nāsī en fonction de leur saillie plus ou moins importante puisqu’il distingue les nāsikā des bhadranāsikā (“niche formant avant-corps”) (§ 3. 28), mais le passage qui leur est consacré est trop succinct pour que l’on puisse juger de l’exacte importance qu’il faut donner à cette indication. Enfin il reste à signaler un emploi particulier de nāsikā à propos du pavillon destiné à la cérémonie de la balançoire (ḍolāmaṇḍapa, § 4.31) : il est dit que le portique placé à l’intérieur de ce pavillon pour supporter la balançoire est surmonté par une arcature (toraṇa) dont la nāsikā est ornée de vyāla et de haṃsa (Aj 28.69a) ; il nous semble que dans ce cas nāsikā désigne le tympan limité par l’arcature et cela par analogie avec les niches qui comme on l’a vu (§ 3.26) sont parfois entourées d’arcatures.
Les arcatures
48§ 3.45. Le mot toraṇa est employé dans nos textes pour désigner des arcatures mais celles-ci peuvent remplir des rôles assez variés : il peut s’agir en effet d’une simple arcature réalisée en feuillage et placée en avant de la porte d’un pavillon provisoire construit à l’occasion d’une cérémonie particulière, ainsi, par exemple, pour les pavillons sacrificiels dont les portes sont marquées par des toraṇa pourvus d’arcs de feuilles de bananiers (Rau 18.62) ; à côté de ces arcatures périssables qui doivent dans la réalité des cas remplacer le plus souvent les portes proprement dites, on a également un certain nombre d’arcatures décoratives qui sont sculptées sur les murs des édifices ; on a déjà parlé de celles qui constituent l’encadrement de certaines niches (§§ 3.26 et 44), d’autres sont disposées au milieu des faces aveugles du pādavarga inférieur d’un prāsāda (éventuellement sur les avant-corps, bhadra, § 3.34), c’est-à-dire aux endroits où se trouveraient les portes si le prāsāda s’ouvrait sur ses quatre faces et non sur une seule ; l’analogie entre ces toraṇa qui encadrent des images divines (§ 5.2) et les portes est d’autant plus frappante que les proportions peuvent être semblables ; ainsi l’Ajita précise que ces toraṇa s’étendent entre la prati située au sommet du soubassement et l’architrave (uttara) située au bas de l’entablement (Aj 14.60) : on sait que la même formule est employée à propos de la porte de la cella (ci-dessus § 3.37) ; ajoutons à cela que la largeur du toraṇa doit être la moitié de la hauteur ainsi déterminée, à moins qu’elle ne soit la moitié de l’entrecolonnement des pilastres du pādavarga (Aj 14. 60). Pour le reste ces toraṇa sont composés de deux piliers (pāda) occupant les trois cinquièmes de la hauteur, le reste étant réservé à l’arcature proprement dite qui repose sur ces deux piliers et qui est appelée ici makara, en raison probablement du décor de makara qu’elle porte généralement (Aj 38.23 et § 5. 8). Il reste enfin à rappeler qu’une arcature vient couronner le portique supportant la balançoire dans le ḍolāmaṇḍapa et qu’elle entoure un tympan orné (nāsikā) (§§ 3.44 et 4.31).
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