II. Généralités
p. 10-29
Texte intégral
LE SYSTÈME DES MESURES
1§ 2.1. Comme les textes similaires, l’Ajita et le Raurava utilisent simultanément des mesures absolues et des mesures relatives pour indiquer les dimensions et les proportions des éléments architecturaux, des édifices et des groupes d’édifices. Le chapitre de l’Ajita consacré aux prāsāda débute par un exposé théorique sur le système des mesures absolues (Aj 12.2-14), système qui n’est, comme on le verra, que partiellement suivi dans le reste de l’ouvrage. L’unité de base est la dimension d’un grain de poussière (rajas) semblable à un atome (aṇu) et qui peut être perçu dans un rayon de lumière pénétrant par une claustra (jāla) dans une pièce obscure (Aj 12.2-3) ; ses multiples sont le “grain de poussière (ordinaire)” (rajas= 8 unités), la “pointe de poil” (valāgra= 8 rajas), la “lente” (līkṣa= 8 νālāgra), le “pou” (yūka= 8 līkṣa) et le “grain d’orge” (yava= 8 yūka) (12.2-4) ; parmi les unités de cette première série (que d’autres textes appellent “irréelles”, amūrta) la seule dont il soit fait usage dans l’Ajita est le “grain d’orge” utilisé par exemple pour donner les dimensions des cloisons internes de la cassette du dépôt de fondation (garbhabhājana, garbhaphelā, Aj 17.9) ; le même terme désigne d’ailleurs aussi une unité conventionnelle servant à donner les proportions des statues (ci-dessous § 2.4). Les unités d’usage courant sont le “doigt-étalon” (mānāṅgula ou plus simplement aṅgula) et la “coudée” (hasta, ratni, kara). Le mānāṅgula vaut théoriquement 6, 7 ou 8 yava (Aj 12.5-6) cependant qu’il existe également trois variétés de coudée (12.7-10) : la “coudée” proprement dite (kiṣkuhasta=24 mānāṅgula), la “coudée de Prajāpati” (prājāpatya= 25 mānāṅgula) et la “poignée d’arc” (dhanurmuṣṭi= 26 mānāṅgula). D’après la théorie des mesures données dans l’Ajita (ibid.) l’emploi de ces différentes coudées est très spécialisé : le kiṣkuhasta sert à mesurer les litières, sièges et autres meubles (śibikāsanādi), le prājāpatya les prāsāda et les maṇḍapa et le dhanurmuṣṭi les palais royaux, villes, bassins, étangs... etc ; enfin un quatrième type de coudée dont la valeur n’est pas fournie servirait pour mesurer les rivières, montagnes et autres accidents géographiques : il s’agit du dhanurgrahakara qui, selon le Kāmika (I.16.11), vaut 27 mānāṅgula ; cependant il faut bien constater que cette répartition demeure parfaitement théorique et n’est pas appliquée dans le reste du texte ; ainsi il nous est dit à propos des prāsāda (Aj 14.7-11) que la largeur de leurs pilastres est de trois aṅgula lorsque celle de l’édifice est de trois coudées ou bien que la largeur des pilastres est le vingt-quatrième, le vingt-cinquième ou le vingt-sixième de celle du prāsāda, ce qui laisse supposer que les coudées (hasta) dont il est question peuvent être de 24, 25 ou 26 doigts (§ 3.17) ; ailleurs au contraire on nous indique qu’il y a cinquante-trois largeurs possibles pour les piliers des maṇḍapa (Aj 37.4-5) et que ces largeurs vont de deux hasta et demie à neuf hasta par accroissements successifs de trois aṅgula : pour qu’un tel échelonnement soit numériquement exact il faut employer une coudée de 24 doigts (et non de 25 comme théoriquement prescrit pour les maṇḍapa). De telles diver-vergences n’ont cependant qu’une importance très marginale et leur seul intérêt est de souligner l’existence d’incohérences qui ne sont en rien particulières à l’Ajita et qui s’expliquent aisément si l’on considère que l’auteur de cet ouvrage a dû faire appel à des sources diverses pour composer ses développements sur l’architecture. Une autre discordance entre cet exposé théorique et la pratique générale du texte réside dans le fait que ni l’“empan” (tāla= ½ hasta) ni la “toise” (daṇḍa= 4 hasta ; voir aussi § 2.2) n’y sont mentionnés ; si la toise n’apparaît que rarement dans le reste du texte (cependant Aj 9.3), l’empan est en revanche d’usage constant dans les descriptions de pavillons (Aj 18.39 ; 40.10...). Quant au Raurava il utilise, sans jamais les définir, les unités d’usage courant qu’il s’agisse du doigt (aṅgula), de l’empan (tāla) ou surtout de la coudée (hasta, kara, ratni) : à ce sujet on notera que ce texte semble n’envisager que la coudée de vingt-quatre doigts (voir par exemple Rau 41.8-9 : “la largeur des murs d’enceinte va d’une à deux coudées par accroissements successifs de trois doigts, ce qui fait neuf possibilités…”).
2§ 2.2. Pour donner les proportions particulières des différents éléments d’un ensemble la méthode la plus couramment employée dans nos textes comme ailleurs consiste à diviser arbitrairement les dimensions de l’ensemble en un nombre N de parties égales (aṃśa, bhāga) et à indiquer ensuite le nombre d’entre elles qui revient à chaque élément : cette méthode est utilisée aussi bien pour la présentation des ensembles moulurés (socle, soubassement, etc..., tableaux I à IV), que pour celle de l’élévation des édifices (§ 4.6.) ou pour la détermination de la dimension d’une cella en fonction de celle du temple où elle est située (§ 4.7). Cependant à côté de ces unités qui n’ont de valeur que dans un contexte très précis et à propos d’un élément donné, il en existe d’autres qui peuvent servir d’unités de référence pour des éléments différents les uns des autres. La plus importante est le “module” désigné sous le nom de daṇḍa (voir § 2.1) et que l’Ajita définit comme égal à la largeur du sommet du fût des piliers d’un édifice, cette largeur étant plus réduite d’un huitième de ce qu’elle est au bas du fût (Aj 14.12-13) : ce module est utilisé en particulier pour donner les positions en retrait ou en saillie des différents éléments de l’élévation (Aj 14.52, 55,65) ou bien encore pour les éléments annexes du plan tels que les avant-corps (Aj 12.33, § 3-34) le Raurava ne semble pas faire usage de ce module mais cela n’est pas surprenant puisque les descriptions détaillées d’édifices ou de parties d’édifices sont pratiquement absentes de ce texte. Le même mot daṇḍa (dont nous avons vu qu’il désigne également la toise, § 2.1) est également appliqué par l’Ajita à la largeur du temple principal (mūlaprāsāda) d’un sanctuaire, largeur qui sert d’unité de référence pour le calcul des dimensions des enceintes qui entourent ce temple (Aj 38.1, § 5.6) ; le Raurava qui utilise ce même système n’emploie cependant pas ce terme et parle simplement de “largeur du prāsāda” (prāsādavyāsa, Rau 41.1).
3§ 2.3. Les proportions horizontales des pavillons (maṇḍapa) sont généralement exprimées à l’aide d’une unité relative particulière qui dans nos deux textes est baptisée le plus souvent paṅkti, le Raurava utilisant parfois aṃśa qui est plus ambigu (Rau 40.11,12...) cependant que dans certains textes parallèles on trouve bhakti (voir Mayamata, t. I, p. 614). Cette unité peut se définir comme la valeur, constante pour un même édifice, de la distance qui sépare deux piliers situés sur une même rangée ou deux rangées parallèles de piliers ; elle peut correspondre ainsi à un “entrecolonnement” (si la distance est prise entre les faces des piliers) ou à un “entraxe” (si elle est prise entre les axes médians de ces piliers), mais cela n’est jamais précisé à notre connaissance ; s’il s’agissait sûrement de l’entrecolonnement on pourrait traduire de façon assez exacte paṅkti par “travée” puisque la distance déterminée est égale à la largeur de la travée déterminée par deux rangées parallèles de piliers, mais dans le doute nous utiliserons le terme plus vague “unité” ; on verra plus loin que l’entrecolonnement réel peut être au centre d’un maṇḍapa égal au triple de sa valeur théorique lorsque certains des piliers centraux sont supprimés (voir §§ 4.14,18...). Il reste enfin à noter certaines ambiguités dans l’emploi de aṃśa pris comme synonyme de paṅkti par le Raurava ; en effet dans ce texte on constate qu’à propos du même maṇḍapa aṃśa désigne successivement une unité de longueur, la paṅkti, et une unité de superficie égale à un carré d’une largeur d’une paṅkti : ainsi par exemple en Rau 40.12b-13 où il est dit qu’un maṇḍapa de neuf unités (aṃśa) de large comporte un lanterneau central (kūṭa) de neuf unités (aṃśa) de superficie, c’est-à-dire de trois de large (nandāṃśe vistṛtāyate... madhye kūṭaṃ navāṃśakam...) (voir également §§ 4.17 sqq). Selon l’Ajita la paṅkti doit faire en valeur absolue de une et demie à cinq coudées par accroissements successifs d’un quart de coudée ce qui donne seize possibilités (Aj 37.8-9) ; selon le même texte la paṅkti peut également être égale à la hauteur des piliers (ibidem) ce qui lui donne une valeur de deux coudées et demie à neuf coudées (§§ 3.17 et 4.16 sqq) ; en fait, en prenant pour base les descriptions de maṇḍapa à propos desquelles sont fournies simultanément les dimensions en coudées et celles en paṅkti (§§ 4.23 sqq) on constate que pour nos deux textes la valeur de la paṅkti va d’une coudée trois-quarts à cinq coudées.
4§ 2.4. Pour être complet il reste enfin à mentionner les unités conventionnelles réservées aux rites et à l’iconographie. Ainsi “pour les sacrifices et autres rites” l’Ajita prescrit d’employer le mātrāṅgula dont la valeur est égale à la longueur de la phalange médiane du majeur de la main droite de l’ācārya (Aj 12.11-12) ; le Raurava donne une définition similaire du kṛtamātra qu’il faut utiliser pour la confection des creusets (kuṇḍa) : il est égal à la longueur ou à la largeur de la phalange médiane (... etc) de celui qui fabrique le kuṇḍa (kartṛ) (Rau 14.3). En ce qui concerne l’iconographie il existe un système complexe dont l’unité de base est le dehalabdhāṅgula (Aj 12.13-14) désigné également sous les noms de mātra, aṅgula ou aṃśa (Aj 36.38 et Rau chap. 35 passim) ; ce dehalabdhāṅgula a pour sous-multiple le “grain d’orge” (yava, voir aussi § 2.1) et pour multiples le kolaka (= 2 dehalabdhāṅgula) et la kalā (= 3 deha) (Aj et Rau, ibidem), ainsi que le tāla (voir aussi § 2.1) dont la valeur variable tourne autour de douze dehalabdhāṅgula : ainsi dix tāla peuvent valoir 124, 120 ou 116 aṅgula et neuf tāla 112,108 ou 104 aṅgula (Aj 36.23-27).
5§ 2.5. Les dimensions horizontales d’un bâtiment, largeur (vistāra, vistara, tāra, viśāla, tati) et longueur (āyāma, mukhāyāma) sont prises sur des lignes repères (mānasūtra, pramāṇasūtra) qui sont tracées au moment de l’implantation (§ 2.23) et qui correspondent aux limites du corps principal de l’édifice (§ 3.32). Selon l’Ajita (38.2-3) la ligne repère d’un prāsāda passe à l’aplomb de la face extérieure des piliers (ou pilastres) de son pādavarga (§ 3.16) ou bien à l’aplomb d’un tore (kairava, § 3.7) qui est probablement celui du soubassement (§ 3.14) ou bien enfin à l’aplomb d’un élément dénommé upāna qui peut être la plinthe du soubassement (§ 3.3) mais qui nous semble plutôt devoir être considéré comme l’assise de réglage située sous ce soubassement (§ 2.25). Selon le Raurava (41.2) les éléments de référence sont les piliers (comme ci-dessus) ou bien encore la jagatī ou encore le homa : homa nous semble s’appliquer à l’assise de réglage (§ 2.25) et jagatī peut désigner, comme on le verra (§§ 3.3 et 5), la plinthe ou le bandeau inférieur du soubassement. Pour les murs d’enceinte (prākāra, § 5.4), la ligne repère est à l’aplomb de leur face intérieure ou de leur axe médian (Aj 38.18) ou bien encore à l’aplomb de leur face intérieure ou extérieure ou de leur axe médian (Rau 41.4-5 : litt.” les dimensions des enceintes sont prises en comptant l’épaisseur des murs ou par l’intérieur du mur ou sans compter le mur”). Bien que nos deux ouvrages ne le disent pas textuellement, c’est à partir de cette ligne repère que doivent être prises les dimensions des éléments annexes du plan tels que les avant-corps (§ 3-34).
6§ 2.6. Les formules āyādi doivent permettre de constater le caractère plus ou moins bénéfique d’une dimension choisie en la mettant en relation avec des séries numériques dont certains éléments sont fastes et d’autres néfastes ; cette mise en relation se fait par l’intermédiaire d’une série d’opérations arithmétiques : on commence par multiplier la dimension choisie par un nombre donné (mais déterminé on ne sait comment), puis on divise le produit obtenu par le nombre d’éléments que comporte la série envisagée et l’on obtient un reste (toujours inférieur d’une unité au moins au nombre d’éléments de la série) ; l’élément dont le numéro d’ordre dans la série correspond au nombre obtenu comme reste est celui qui est en accord avec la la dimension ; si cet élément est néfaste il faut modifier cette dimension. Il y a généralement six séries (c’est le cas dans nos deux textes, ci-dessous) et on emploie parfois l’expression de ṣaḍvarga pour les désigner (Acharya, Encyclopaedia of hindu architecture, 1946, sv) mais il peut également en avoir huit ou neuf (cf. Mayamata, t. II, p. 172). L’emploi de ce procédé est très général et il est par conséquent normal que nos deux textes fassent l’un et l’autre l’exposé de cette “purification par les (formules) āya... etc” (Aj 28.64). Dans les deux cas cet exposé est inséré dans un chapitre traitant d’iconographie (Aj 36.375-390) ; — Rau 35.11-13) mais l’Ajita indique bien que les règles sont valables pour “tous les vastu” (ṣaḍ ete kalpanīyās tu sarvavastuṣu deśikaiḥ, Aj 36.376) qui peuvent être aussi bien des Liṅga ou des images que des “litières, chars, sièges... etc” (śibikārathakhaṭvādi) ou des “temples, pavillons,... etc” (prāsādamaṇḍapādi).
7§ 2.7. Les séries envisagées par l’Ajita (36.375-390) sont celles des “gains” (āya), des “pertes” (vyaya), des “matrices” (yoni), des “astérismes” (nakṣatra), des “jours solaires” (vāra) et enfin des “parts” (aṃśa) et il donne à leur sujet les précisions suivantes :
- Pour obtenir le “gain” il faut multiplier la dimension choisie par huit et la diviser par dix et le reste qui est le gain doit être supérieur au reste obtenu par l’opération sur la perte (vyaya).
- Pour la perte le multiplicateur est neuf et le diviseur dix.
- Il y a huit “matrices” qui sont respectivement “étendard” (no 1), “nuage” (2), “lion” (3), “chien” (4), “taureau” (5), “âne” (6), “éléphant” (7) et “corneille” (8) ; pour obtenir la matrice il faut multiplier la dimension par trois et diviser le produit par huit ; le reste doit être un nombre impair puisque les matrices paires sont néfastes et cela élimine en théorie, comme dans tous les autres textes, toutes les dimensions exprimées par des nombres pairs (voir également Mayamata, t. II, p.73, note 174).
- Les astérismes (nakṣatra) sont numérotés de un à vingt-sept en prenant pour point de départ Aśvinī/Aśvayuj et l’astérisme correspondant à la dimension s’obtient en la multipliant par huit et en divisant par vingt-sept ; cependant les astérismes fastes et néfastes ne sont pas indiqués de façon claire (nakṣatreṣv atha caitāṃstu vipatpratyaranaidhanān / tathā candrāṣṭamarkṣaṃ ca vaināśikam. Aj 36.386b-387a) : il semble que le cinquième (Mṛgaśiras dont le régent est Soma / Candra) et le huitième (Puṣya) soient néfastes mais cela n’est pas certain. Il faut de plus éviter que l’astérisme de la dimension soit en contradiction, astrologiquement parlant, avec celui du prince ou de l’agglomération (grāma).
- Le jour de la semaine est déterminé en multipliant la dimension par neuf et en divisant le produit par sept ; les jours étant numérotés en partant du dimanche (vāraḥ sūryādir ucyate), les restes correspondant au jeudi, au vendredi et au lundi sont fastes (vāreṣu guruśukrajñacandrāḥ śubhakarāḥ, Aj 36.388).
- Les neuf “parts” sont “voleur” (néfaste), “jouissance” (faste), “puissance” (id.), “richesse” (id.), “roi” (id.), “eunuque” (néfaste), “absence de crainte” (faste) et “abondance” (id.) et on détermine la part en multipliant la dimension par quatre et en la divisant par neuf.
8(Les renseignements fournis par le Raurava 35.11-13 sont beaucoup plus sommaires : ce texte se borne à énumérer les six séries et indique que le “gain” s’obtient en multipliant par 8 et en divisant par 12 et les “parts” en multipliant par 4 et en divisant par 10).
LES MATÉRIAUX
9§ 2.8. Il n’est guère question dans nos deux textes des matériaux utilisés dans la construction des édifices et lorsque cette question est abordée c’est de façon toujours très brève et en quelque sorte accidentelle. Qu’apprenons-nous dans le Raurava au sujet des matériaux dont est construit un prāsāda (§§ 4.2 sqq) ? Que le mur qui sépare la cella du déambulatoire est en pierres ou en briques (Rau 39.18, § 4.8), que le sol de cette cella “est rendu solide par des pierres et des briques” (Rau 29.31) et enfin qu’il faut refaire en “stuc” (sudhā, § 2.17) ce qui est en stuc si cela a été détérioré (Rau 44.4 et 19) : cela fait peu de choses et nous indique simplement qu’un temple peut être construit en pierres ou en briques et qu’il comporte sur ses façades des parties recouvertes de “stuc”... Le seul autre édifice à propos duquel il soit question de matériaux dans ce texte est le temple provisoire (taruṇālaya, § 4.37) : ses murs sont en briques cuites ou en terre (ci-dessous § 2.12) et sa toiture en “herbes ou autres matériaux du même genre” (tṛṇādyair, Rau 27.7-8). Si nous nous tournons maintenant vers l’Ajita la situation n’est guère plus brillante : c’est seulement à propos de la mise en place des “premières briques” (ādyeṣṭakā) et des “briques de couronnement” (mūrdheṣṭakā) que l’on apprend incidemment qu’un prāsāda peut être en pierre, en briques ou “mixte” (miśra), c’est-à-dire construit avec ces deux matériaux simultanément (Aj 10.1-3 ; 15.1-3 ; §§2.26 et 3.29) ; pour le reste ce texte nous apprend que le motif de couronnement (stūpi) peut être confectionné en divers métaux ou en stuc ou encore en terre, cuite ou non, (Aj 14.90-91 ; § 3.30) et que le toit des maṇḍapa comporte un lit de briques (Aj 37.36 et § 3.24) ; enfin le même texte en indiquant comment calculer les dimensions des piliers fournit une règle particulière à ceux qui sont en bois (dārupāda, Aj 14.6 ; § 3.17), ce qui laisse supposer que les autres sont en pierre mais n’est que de peu d’utilité puisque la nature du matériau constituant tel ou tel pilier particulier n’est jamais donnée.
10§ 2.9. Cette carence de nos textes ne concerne cependant que les matériaux utilisés dans la construction proprement dite et cela se comprend puisqu’elle n’intéresse que de façon très marginale les destinataires de ces āgama. On constate en effet que dès qu’il est question d’opérations donnant lieu à un rite ou bien encore touchant directement au caractère sacré du travail du śilpin, les renseignements sur les matériaux utilisés et sur leur mise en œuvre sont le plus souvent très précis et donnent parfois lieu à des développements importants ; il peut s’agir parfois d’opérations qui concernent la construction du temple ainsi pour la mise en place des “premières briques” et des “briques de couronnement” puisqu’il s’agit là des deux points forts de la construction qui marquent respectivement le début et l’achèvement des travaux (§§ 2.24 et 26) ; mais le plus souvent ces opérations ont trait à la confection et à la mise en place de ce que l’on peut appeler, un peu improprement peut-être, le “mobilier” du temple, de ses dépendances et, d’une façon plus générale, du sanctuaire : Liṅga et images, piédestaux, grand autel à offrandes, autels de substitution, creusets, support de mât ou de lampes ; dans la plupart des cas nos textes indiquent les matériaux à utiliser avec leurs qualités et leurs défauts et le fruit que l’on peut attendre de l’utilisation de tel ou tel d’entre eux. On constatera d’ailleurs que mises à part les indications relatives aux murs de la cella des prāsāda, au toit des maṇḍapa et aux dimensions des colonnes en bois, tous les cas cités dans le paragraphe précédent se rattachent eux aussi à ce genre d’opérations et sont liés directement à des rites. C’est à partir des données ainsi fournies que l’on présentera ici les différentes sortes de matériaux, étant entendu que les circonstances particulières dans lesquelles elles apparaissent, limitent la portée des observations que l’on peut faire ; cependant en dépit de cette tare initiale, il nous paraît que d’une part il est possible de tirer de ces données des éléments de vocabulaire et que d’autre part les principes empiriques qui semblent souvent devoir guider les śilpin ont une valeur suffisamment générale pour pouvoir être d’application assez étendue. On présentera donc successivement la pierre, les briques, le bois et les enduits et mortiers ; en ce qui concerne les métaux les seuls renseignements que nous ayons se limitent à la liste de ceux qui peuvent servir à la confection du motif de couronnement et on la présentera en même temps que celui-ci (ci-dessous § 3.29).
Les pierres
11§ 2.10. Les qualités et défauts des pierres (śilā, aśman, dṛṣad), utilisées pour la confection des Liṅga font l’objet d’un long développement de l’Ajita (5.25-57). Le choix définitif d’une pierre ne peut en effet se faire qu’à la suite d’un examen qui comporte deux grandes étapes. Au cours de la première on s’attache à en noter les caractéristiques les plus évidentes pour déterminer son “âge” ; en effet une pierre peut être “jeune” (bāla), “adulte” (suyauvana, yuvan) ou “vieille” (vṛddha) (Aj 5.28). Une pierre “jeune” rend un son mat (mandadhvani) et sa surface est si tendre qu’un héron ou une corneille peuvent l’entamer de leur bec (Aj 5.29) ; on peut en faire usage pour la confection d’un Liṅga si elle n’est ni rugueuse (rūkṣa), ni attaquée par des eaux alcalines (kṣārāmbumadhyastha) ni endommagée (upahata) (Aj 5.32). Les pierres “adultes” sont les meilleures ; elles sont “froides” (śītala), rendent un son profond (dhīraśabda), ont une bonne odeur et enfin sont agréables au toucher et compactes (nibiḍāṅga) (Aj 5.30-31) ; on rappellera que le terme de “pierre froide” est utilisé dans le vocabulaire français de la taille de la pierre pour désigner une pierre très compacte dotée d’une grande résistance à l’écrasement et donc de très bonne qualité mais nous ne savons pas si l’emploi de śītala sous-entend les mêmes caractéristiques (cf. Mayamata, t. II, p. 274 note 17). Enfin une pierre “vieille” doit toujours être écartée (Aj 5.31-32) : elle est rugueuse (rūkṣa) et alvéolaire (jarjara), elle ne rend aucun son et elle est “fissurée comme (une peau de) crapaud” (maṇḍūkhavatkhaṇḍa à lire probablement au lieu de bandhūka 0, cf. Mayamata 33.15). Après avoir été de la sorte soumise à une première inspection, la pierre doit être examinée de plus près afin de faire apparaître éventuellement certains défauts peu visibles et cependant rédhibitoires ; pour cela on l’enduit de divers produits colorants (gairikā, viṣa, kāsīsa), puis, au bout de vingt-quatre heures, on la lave et on la regarde attentivement avant d’en détacher un morceau pour examiner la structure interne (Aj 5.34-36). Les tares que l’on peut constater de la sorte sont les “raies” (rekhā), les “gouttes” (bindu) et les “taches” (kalaṅka) ainsi que les vimala et les “circonvolutions” (maṇḍala) ; les trois premiers de ces termes (Aj 5.33) sont empruntés aux lapidaires (voir par exemple Ratnaparikṣā 20 cité dans L. Finot, Les lapidaires indiens, Paris 1896, p. 7) et l’on voit assez mal à quoi ils peuvent correspondre lorsqu’il s’agit de pierres ordinaires et non de gemmes ; les vimala semblent être des paillettes de métaux à l’état natif ; ce serait de l’or, du cuivre rouge (ou du fer ? Ma) et du cuivre blanc (kaṃsya) (Aj 5.33) ; enfin certaines pierres lorsqu’on les tranche laissent voir des circonvolutions et sont dites “enceintes” (sagarbha, Aj 5. 36) : l’Ajita (comme les textes similaires cités en note par l’éditeur) fournit une méthode d’interprétation de ces maṇḍala, toujours néfastes, en mettant en relation leurs couleurs respectives avec certains animaux (Aj 5.37 et suiv.) ; on peut se demander si le caractère néfaste des pierres “enceintes” n’est pas essentiellement dû au fait que ce sont des matérieux de mauvaise qualité : de telles circonvolutions colorées caractérisent en effet des pierres profondément altérées par des agents extérieurs, atmosphériques ou autres.
12§ 2.11. La pierre peut, comme nous l’avons vu, entrer dans la construction des prāsāda ; elle peut être également utilisée pour la confection du grand autel à offrandes (mahāpīṭha, Aj 39.54 ; § 5.11), des piédestaux (Aj 16.51 ;-Rau 28.72 ; § 5.3), des autels substitués aux images des Assesseurs (Rau 33.8) du socle (vedikā) destiné à soutenir le mât de l’étendard (Aj 27.97 ;-Rau 18.39) ; enfin elle peut naturellement servir à la confection des Liṅga (Aj 4.11) comme à celle des images (Aj 36.283). Lorsque l’on extrait une pierre pour tailler un Liṅga il faut en marquer avec soin la “face” (mukha), c’est-à-dire son côté situé le plus bas dans le sol, car c’est là que se trouvera la “face” du Liṅga qui devra être dirigée vers la porte de la cella au moment de l’installation (Aj 5.26-27) ; il faudra de même noter la “tête” (śiras) et la “culée” (mūla) de la pierre qui devront correspondre avec le sommet et le bas du Liṅga (ibid.). Pour le reste les indications relatives à la mise en œuvre des pierres sont pratiquement absentes mise à part celle qui concerne le mortier (bandhana) qui doit lier le Liṅga à son piédestal et celui-ci au sol (ci-dessous § 2.16) ; on notera cependant qu’à propos des piédestaux le Raurava envisage l’emploi simultané de la pierre et de la brique (ci-dessous § 5.3) et que l’Ajita indique qu’ils peuvent être monolithes ou non et emploie le terme śilārūpa pour désigner les blocs appareillés constituant un piédestal non monolithe (Aj 16.51 et ibid.)
Les briques
13§ 2.12. Les briques sont désignées par le mot iṣṭakā introduit au besoin dans un composé qui précise leur nature (ci-dessous) ; cependant dans le cas particulier des “briques” dont l’installation marque le début et la fin des travaux de construction (ādyeṣṭakā, mūrdheṣṭakā), iṣṭakā ne correspond pas nécessairement à une “brique” proprement dite puisque les éléments désignés sous ce vocable sont des pierres si l’édifice est en pierre et des briques s’il est de briques ou “mixte” (śailadhāmni śilā tadvac caiṣṭake ceṣṭakā bhavet / iṣṭakaiva bhaven miśre... Aj 15.2 ; voir également Aj 10.4 et §§ 2.24 et 3.29). Il semble par ailleurs que le Raurava emploie une forme réduite iṣṭa au lieu du terme complet iṣṭakā ; en effet on lit dans ce texte (Rau 33.8a) à propos des autels (pīṭha) qui peuvent être substitués aux images des Assesseurs (§ 5.12) : (pīṭham) aśmajaṃ saudhajaṃ vāpi ceṣṭajaṃ vātha kalpayet ; on pourrait à la rigueur traduire cette phrase de la façon suivante “(l’autel) peut être confectionné en pierre ou en stuc selon le matériau souhaité (iṣṭaja)”, mais il nous paraît plus logique, bien que la forme iṣṭa ne soit pas attestée ailleurs à notre connaissance de voir là l’énumération non pas de deux matériaux, mais de trois ; on notera cependant que cette forme a dû troubler les transmetteurs du texte puisque ceṣṭajam est remplacé dans un manuscrit par pīṭhajam (à la rigueur admissible) et dans l’autre par teṣṭajam qui semble n’offrir aucun sens (à moins d’y voir une erreur pour tviṣṭajam qui ne diffère guère de ceṣṭajam). Les briques peuvent être cuites ou simplement séchées au soleil ; les premières sont dites pakveṣṭakā (Aj 27.95 ; 39.57... ;-Rau 27.7) ou supakveṣṭakā (Aj 21.3,47) et les secondes apakveṣṭakā (Aj 21.3,47 ; 27.96) ; on peut se demander également si mṛd employé par le Raurava à propos de la construction du temple provisoire (Rau 27.7 : mṛdā pakveṣṭakābhis tu kalpayet) ou du support du mât (kṛtvāśmanā vā sudhayā mṛdā vā, Rau 18.39) fait allusion à l’emploi de briques façonnées et séchées avant d’être mises en place ou simplement à une maçonnerie analogue au pisé. On notera enfin qu’iṣṭakā est parfois employé sans précision : ainsi à propos de la toiture des maṇḍapa (Aj 37.36) ou bien encore de la confection des piédestaux (Rau 28.72-73 et ci-dessous).
14§ 2.13. Rien n’est dit sur la confection des briques, à part comme on vient de le voir la mention du fait qu’elles peuvent être cuites ou non ; rien non plus n’est indiqué à propos de leur dimensions, sauf en ce qui concerne les premières briques et les briques de couronnement qui représentent un cas exceptionnel : leur longueur est le double de leur largeur et le quadruple de leur épaisseur (Aj 10.1-2 ; 15.2-3) ; en valeur absolue cette longueur va de douze à seize doigts pour les briques de couronnement tandis que pour les premières briques elle est d’un doigt pour les prāsāda de trois coudées de large, de deux pour ceux de quatre coudées... etc (ibidem). Les structures en briques sont destinées le plus souvent à être recouvertes d’une couche de “stuc” (sudhā) ; c’est ce que l’Ajita indique en disant que le grand autel (mahāpīṭha) est fait à la fois de briques cuites et de stuc (sudhāpakveṣṭakāmaya, Aj 39.54) et que le Raurava exprime de façon beaucoup plus nette en disant que le piédestal (pīṭha) doit comporter un noyau de briques (iṣṭakāgarbha) et du “stuc” (Rau 28.72-73 et 30.55). Cela mis à part aucun détail particulier n’est cependant fourni sur la façon dont les briques sont mises en œuvre et en particulier dont elles sont liées. Les exemples d’emplois de briques que mentionnent nos textes sont assez nombreux : construction des prāsāda (§ 2.8), des maṇḍapa et du taruṇālaya (ibidem), confection du grand autel (ci-dessus) des piédestaux (idem), des autels de substitution (§ 2. 12), du support de mât (Aj 27.95-96) et des creusets sacrificiels (kuṇḍa ; Aj 21.3,47).
Le bois
15§ 2.14. Le bois qui doit tenir une grande place dans la construction de la majorité des pavillons de circonstances (§ 4.23) et dans la confection des toitures à chevrons (lupā) telles que celle du taruṇālaya (§ 4.37) ou de certains pavillons d’entrée (§ 3.29) n’est, mise à part l’indication relative aux piliers en bois (ci-dessus § 2.8), mentionné qu’à propos de la confection des Liṅga (Aj 5.18-19), du mât de l’étendard (Aj 27.74 et Rau 18.29-30), du mât destiné à porter une lampe (dīpadaṇḍa, Rau 26.3-4), du stūpidaṇḍa qui sert d’axe au motif de couronnement (Aj 15.6 et § 3.29) et enfin des statues en terre dont l’armature (śūla) est en bois (Aj 36.285). Dans la majorité des cas les renseignements fournis se bornent à des listes d’arbres convenables (§ 2.15) ; cependant il s’y ajoute parfois des indications sur les qualités du bois à employer, indications dont la valeur est le plus souvent très générale et pourrait dans la plupart des cas s’appliquer parfaitement bien à des bois d’œuvre. Ainsi pour confectionner un Liṅga, il faut selon l’Ajita (5.18-19) choisir un arbre au fût bien cylindrique, sans nœuds ni fissures et portant encore ses feuilles, ses fleurs et son écorce ; de plus cet arbre ne doit pas avoir été brisé par des éléphants ou d’autres bêtes ; il ne doit pas non plus avoir été incendié que ce soit par un coup de foudre ou de quelqu’autre manière que ce soit ; il ne doit être ni tors ni contourné ni sec ; le même texte énumère de façon tout à fait semblable les tares à éviter dans le choix d’un arbre pour le mât de l’étendard, ajoutant simplement que l’arbre ne doit pas être vermoulu (Aj 27.75). Quant au Raurava il donne les indications suivantes à propos du bois pour le dīpadaṇḍa (Rau 26.3-4) : il ne doit être ni trop long (par rapport à son épaisseur ?), ni brisé, ni desséché par le soleil, ni tombé au sol, et enfin ni trop jeune, ni trop vieux, ni trop chargé de fruits...
16§ 2.15. Nous avons regroupé ci-dessous en les classant par ordre alphabétique les noms d’arbres contenus dans les cinq listes mentionnées au paragraphe précédent ; chaque terme sanskrit est suivi du nom botanique qui désigne vraisemblablement l’arbre dont il est question mais il faut cependant rappeler qu’un certain nombre de ces identifications restent sujettes à caution en l’absence de toute étude systématique sur le sujet ; on s’est aidé ici des identifications fournies dans certains travaux publiés par l’I. F. I. de Pondichéry et en particulier des index des ouvrages de Mme H. Brunner-Lachaux (Somaśambhupaddhati, Ie partie, Pondichéry, 1963 et IIe partie, ibidem, 1968) et de Mlle A. Raison (La Hārītasaṃhitā, texte médical sanskrit, Pondichéry, 1974). Nous pensons que malgré ses incertitudes cette liste peut être utile dans la mesure où elle participe à l’élaboration d’un corpus botanique sanskrit en fournissant, à défaut d’identifications précises, des indications sur l’usage des bois qui une fois regroupées devraient faciliter ces identifications. On notera enfin que la liste d’arbres pour le dhvajadaṇḍa qui apparaît dans les deux textes diffère considérablement de l’un à l’autre.
17Ariṣṭa (Sapindus trifoliatus, L.) : confection du Liṅga (Aj).
18Aśoka (Saraca indica, L.) : confection du dhvajadaṇḍa (Aj).
19Asana (Terminalia tomentosa, Bedd.) : stūpidaṇḍa (Aj), śūla (id.)
20Karañja (Pongamia glabra, Vent.) : Liṅga (Aj).
21Ketaka (Pandanus odoratissimus) : dhvajadaṇḍa (Rau).
22Kramuka (Areca catechu, L.) : dhvajadaṇḍa (Aj, Rau) ; dīpadaṇḍa (Rau).
23Kṣīriṇa (Mimusops hexandra, Roxb.) : dhvajadaṇḍa (Rau).
24Khadira (Acacia catechu, Willdm.) : Liṅga, śūla, stūpidaṇḍa (Aj).
25Khādira (variété du précédent) : dhvajadaṇḍa (Rau).
26Candana (Santalum album, L.) : Liṅga, śūla (Aj) ; dhvajadaṇḍa (Rau).
27Campaka (Michelia champaka, L.) : dhvajadaṇḍa (Aj et Rau).
28Tamāla (Garcinia pictoria, Roxb.) : dhvajadaṇḍa (Aj).
29Tāla (Borassus flabellifer, L.) : dīpadaṇḍa (Rau).
30Tintriṇi (Tamarindus indica, Roxb.) : stūpidaṇḍa (Aj).
31Devadāru/surataru (Pinus deodara, Roxb.) : dhvajadaṇḍa (Rau) ; Liṅga, śūla (Aj).
32Nameruka (Eleocarpus ganitrus ?) : stūpidaṇḍa (Aj).
33Nālikera (Cocos nucifera, L.) : dīpadaṇḍa (Rau).
34Padmavṛkṣa (Prunus puddum, Roxb.) : stūpidaṇḍa (Aj).
35Panasa (Artocarpus integrifolia, L.) : śūla (Aj).
36Puṃnāga (Calophyllum inophyllum, L.) : dhvajadaṇḍa (Aj).
37Bilba (Aegle marmelos, Correa) : dhvajadaṇḍa (Aj, Rau) ; Liṅga (Aj).
38Madhūka (Bassia latifolia, L.) : Liṅga, stūpidaṇḍa, dhvajadaṇḍa (Aj).
39Munivṛkṣa (?) : dhvajadaṇḍa (Rau).
40Rājavṛkṣa (?) : śūla (Aj).
41Vakula (Mimusops elengi, L.) : śula (Aj).
42Veṇu (Bambou) : dhvajadaṇḍa (Aj, Rau) ; śūla (Aj).
43Śami (Prosopis spicigera, L.) : Liṅga (Aj).
44Siṃśapa (Dalbergia sissoo, Roxb.) : stūpidaṇḍa (Aj).
45Sirīṣa (Albizia lebbek, Benth.) : dhvajadaṇḍa (Aj).
46Saptadala/ saptaparṇa (Alsthonia scholaris, Br.) : śūla (Aj) ; dhvajadaṇḍa (Rau).
47Surataru : voir devadāru.
Mortier, stuc, enduit... etc.
48§ 2.16. Il n’est question de mortier dans nos textes que lorsqu’il s’agit de mettre en place le Liṅga et son piédestal : en effet ces deux éléments doivent être solidement fixés entre eux et avec les cales qui les séparent du sol (§ 5.3). Le mortier le plus fréquemment mentionné est l’aṣṭabandha (aṣṭabandhana) (Aj 18.216-218 ; - Rau 29.28 ; 30.54 ; 44.19) et c’est le seul dont la composition et la préparation soient expliquées ; le Raurava mentionne également l’usage d’un “mortier (dur comme) le diamant” (vajrabandha, Rau 29.28) qui selon K. M. Varma (The indian technique of clay modelling, 1970, p. 90) serait de la gélatine, c’est-à-dire une colle à base de poudre d’os ; enfin le même texte mentionne également l’emploi pour ce genre d’assemblages de sudhā et de kalka (ci-dessous § 2.17). L’aṣṭabandha ou “mortier aux huit ingrédients” est bien connu mais son mode de préparation et la nature des huit composants varient parfois légèrement d’un texte à l’autre (voir K. M. Varma, oc, p. 11). Les ingrédients sont les suivants selon l’Ajita (18.216-218) : de la gomme laque (jatu), de l’hématite (gairikā), de la cire d’abeille (siktha), de la résine de sarja (Vatica Robusta ?), de la résine d’agalloche (guggulu), de la mélasse (gula), de l’huile de sésame (taila) et enfin de la poudre de pierre à chaux (śarkarācūrṇa) ; ces différents produits doivent être mélangés et cuits de façon à obtenir une substance fluide à laquelle on ajoutera ensuite une quantité égale de résine de sarja, de poudre de pierre à chaux et de chaux (cūrṇa) ainsi que du beurre de bufflesse.
49§ 2.17. Nous avons vu que la sudhā est utilisée pour recouvrir des structures en briques et le terme peut dans ce cas se traduire par “stuc” bien que la composition de cette substance ne soit pas précisée et que nous ne sachions pas si elle contient de la poudre de marbre comme c’est le cas du stuc proprement dit ; comme il s’agit d’une matière fortement adhérente son emploi comme mortier pour fixer l’ādhāraśilā au sol de la cella semble assez justifié (Rau 37.68 ; 30.39 et § 5.3). Quant au kalka qui peut remplacer l’aṣṭabandhana pour la fixation du Liṅga dans le socle (Rau 30.54) c’est probablement un équivalent du śarkarākalka (“pâte de pierre à chaux”) c’est-à-dire d’une mixture de poudre de pierre à chaux et de divers sucs végétaux qui, appliquée en couches successives, sert surtout à façonner les images (K. M. Varma, oc, p. 24 sq et Rau 39.32) ; son emploi pour la fixation du Liṅga s’explique probablement par son caractère fluide qui permet de le faire couler entre les parois intérieures de la mortaise du piédestal et le Liṅga.
CHOIX DU SITE
50§ 2.18. Le Raurava n’aborde nulle part la question du choix du site d’un sanctuaire, sujet auquel l’Ajita consacre ses sixième et septième chapitres ; les règles fournies sont d’une façon générale destinées à l’établissement d’un sanctuaire de Śiva mais comme on a déjà eu l’occasion de le signaler elles sont valables également pour la plupart des autres divinités dont les sanctuaires sont mentionnés dans ce texte (voir § 5.1 et 17). Un site (deśa, bhū) convenable doit répondre à certains critères généraux (Aj chap. 6) et subir victorieusement une série d’épreuves destinées à vérifier ses qualités techniques et sa fertilité (Aj chap. 7).
Sites fastes et néfastes
51§ 2.19. L’énumération des sites fastes débute par un rapide rappel des hauts lieux de la géographie sacrée de l’Inde : montagnes, rivières, lacs et étendues d’eau, régions saintes (kṣetra) et pèlerinages éminents (Aj 6.1-8). Ensuite sont proposés les sites déjà sanctifiés par un sanctuaire antérieur ou par la présence de pieux personnages (ibid. 9-10) ; puis viennent ceux que la présence d’arbres, de plantes, d’oiseaux ou d’animaux de bon augure rendent “agréables” (ibid. 10-17) ; enfin il est indiqué qu’à l’intérieur d’une agglomération les huit points du compas conviennent à l’installation d’un Liṅga (ibid. 24-27). Les sites interdits (ibid. 18-23) se reconnaissent tout d’abord à leur végétation : ils contiennent des arbres néfastes (en particulier des épineux) ou des arbustes desséchés, des arbres morts ou frappés par la foudre ou brûlés par des incendies de forêts ; la présence de serpents venimeux ou de colonies de fourmis est également rédhibitoire du même d’ailleurs que le fait de servir depuis longtemps de demeure à des Caṇḍāla ou à des Pulinda ; les sites incultes sont également à proscrire de même que ceux dont le sol recèle ossements, tessons ou abondance de pierres et de graviers et ceux où l’on ne peut trouver de l’eau même en creusant profondément (voir § 2.20) ; enfin le site choisi ne doit pas être trop encaissé ou trop crevassé et il ne faut pas qu’il soit complètement entouré d’arbres. Comme on peut le constater ces impératifs qui concernent avant tout la sainteté, la pureté, l’agrément et la fertilité du lieu sont avant tout d’ordre religieux.
Mise à l’épreuve du site
52§ 2.20. Les épreuves que doit subir le site sont de deux sortes : les trois premières ont pour but de s’assurer de façon très empirique que le terrain choisi est techniquement apte à supporter une construction ; la quatrième a une motivation purement rituelle et nous ne nous attarderons pas à son sujet : il s’agit en effet de vérifier en labourant et en ensemençant le site si celui-ci est fertile car un temple est comme une plante et il doit pouvoir “pousser” (Aj 7.11-23). La première épreuve (Aj 7.4-5) consiste à vérifier la stabilité du sol en le frappant du pied : un sol stable (sthira) rend un son profond. La seconde opération est destinée à s’assurer de la compacité du sol (Aj 7.6-7) : pour cela on creuse un trou au milieu du site et on y remet ensuite la terre que l’on a retirée pour creuser ; si cette terre est insuffisante pour le combler c’est que le site est médiocre et doit être écarté, si au contraire le trou est parfaitement comblé ou même que la terre déborde c’est signe de la bonne qualité du site ; malgré les apparences ce procédé est parfaitement logique : en effet si la terre est insuffisante pour combler le trou c’est que le sol est peu compact et par conséquent inapte à supporter une construction ; cette opération est complétée par la vérification de la densité de la terre dont un boisseau (āḍhaka) doit peser au moins 60 pala (Aj 7.7-8) ; la troisième épreuve porte sur le degré d’humidité du site (Aj 7.9-10) : on a vu en effet (Aj 6.21 et § 2.19) que le sol ne doit pas être trop sec et qu’il faut pouvoir y trouver de l’eau sans avoir à creuser trop profondément ; il ne faut pas cependant qu’il soit trop humide ni trop perméable : un marécage n’est pas un endroit idéal pour une construction et un sol trop perméable peut perdre une bonne partie de sa stabilité après de fortes pluies ; pour procéder à cette vérification on creuse une fosse au milieu du site, on la remplit d’eau, on s’en éloigne de neuf pas et l’on revient voir si le niveau de l’eau a varié, ce qui ne doit pas être le cas : en effet si ce niveau a monté c’est que le sol est trop humide (et peut-être trop perméable) et s’il a baissé c’est que le sol est trop sec (ou trop perméable). Ce n’est qu’après ces essais “techniques” que l’on procède aux rites du labour et de l’ensemencement pour vérifier une dernière fois l’aptitude religieuse du site (ci-dessus).
DÉROULEMENT DES TRAVAUX
Travaux préliminaires
53§ 2.21. La construction d’un temple doit être précédée par une “installation provisoire” (bālasthāpana) à laquelle est consacré tout le 27e chapitre du Raurava. Cet ensemble de rites débute par l’édification, à l’Est ou au Nord-Est de l’emplacement prévu pour le temple définitif (Rau 27.5), d’un “temple provisoire” (taruṇālaya, § 4.37) destiné à abriter un “Liṅga provisoire” (bālaliṅga). Ce temple provisoire devra être conservé jusqu’à la fin des travaux de construction et il est précisé qu’en l’absence d’un tel bālasthāna la fondation principale causera la mort (bālasthānaṃ vinā mūlasthāpanaṃ mṛtyuhetukam/Rau 27.3). Le chapitre que l’Ajita consacre à ce sujet est inédit et nous n’avons pas pu l’utiliser (ci-dessous Appendice II) ; en revanche la partie éditée de ce texte présente de façon détaillée les travaux qui marquent le début de la construction du temple principal, travaux dont le Raurava ne fait aucune mention ; il s’agit de l’orientation du site, de l’implantation de l’édifice et de l’établissement des fondations, opérations qui sont conjuguées avec les cérémonies de l’apaisement des divinités protectrices du site (vāstupūjā, Aj chap. 8) et de la mise en place des “premières briques’(ibid. chap. 10).
54§ 2.22. L’orientation du site (Aj, chap. 9) doit s’effectuer à un moment de l’année où le soleil est au Nord (Aj 9.2), ce qui nous indique incidemment que notre texte est destiné à être utilisé au Sud du Tropique du Cancer ; il faut de plus choisir une belle journée où le soleil est sans tache dans la quinzaine claire d’un mois placé sous un signe favorable au fondateur (yajamāna) de l’édifice (ibid.). L’instrument employé est un gnomon (śaṅku) tronconique de 24, 18 ou 12 doigts (aṅgula) de haut ; la circonférence de sa base est égale à sa hauteur et celle de son sommet trois fois plus petite (Aj 9.5-7). Il doit être planté au centre d’un espace de terrain carré large d’une toise (daṇḍa) délimité au milieu du site ; à cet endroit le sol doit être lisse “comme un miroir” et son horizontalité doit avoir été vérifiée avec un niveau d’eau (samaṃ kṛtvā jalena (Aj 9.3-4) ; autour du gnomon est tracé un cercle dont le rayon est égal à la hauteur de cet instrument (Aj 9.7). On commence par marquer sur ce cercle les deux points où l’extrémité de l’ombre du gnomon entre en contact avec lui à l’Ouest (le matin) et à l’Est (le soir) ; après avoir relié ces deux points par une première ligne est-ouest, on trace deux autres lignes parallèles à la première, l’une passant semble-t-il par le centre du cercle (c’est-à-dire par la base du gnomon) et l’autre symétrique de la première par rapport à ce même centre ; ensuite on trace à l’aide d’arcs intersécants formant des “poissons” (matsya) trois lignes nord-sud perpendiculaires aux précédentes de façon à obtenir un carré dont les quatre côtés correspondent aux quatre directions cardinales et dont les deux médiatrices se croisent à la base du gnomon ; c’est à partir de ce carré que sera “construit le prāsāda” (Aj 9.7-17).
55§ 2.23. L’implantation des limites de l’édifice est effectuée au moment de la cérémonie d’apaisement des divinités protectrices du site (Aj chap. 8). On commence par égaliser soigneusement le sol et par l’enduire de bouse de vache, puis à l’aide d’une corde enduite de poudre blanche on trace un diagramme à quatre-vingt-une cases (neuf rangées de neuf) dont les dimensions extérieures correspondent à celles du futur bâtiment (Aj 8.10-12), ce qui signifie que les limites du diagramme sont tracées de long du mānasūtra (§ 2.5). On installe ensuite sur ce diagramme les divinités protectrices en commençant par Brahmā qui occupe les neuf cases centrales, on les honore de diverses offrandes et la cérémonie se termine par une oblation (Aj 8.12-43).
56§ 2.24. Une fois délimité et rituellement préparé, l’emplacement du temple doit être aménagé pour supporter sans dommage le poids de l’édifice à construire ; il ne semble pas qu’il y ait des fondations à proprement parler et on se contente en fait d’établir un sol particulièrement compact (10.6-10) : pour cela on creuse aux dimensions exactes du bâtiment une fouille dont la profondeur varie avec l’importance de celui-ci ; si ce doit être un “grand” bâtiment (voir ci-dessous § 4.4), cette profondeur est égale à la hauteur de son pādavarga (§ 3.15), s’il s’agit d’un bâtiment “moyen” (§ 4.4) elle est les trois-quarts de cette hauteur et si c’est un “petit” bâtiment (ibid.), cette profondeur est égale à la hauteur du soubassement (adhiṣṭhāna, § 3.14). Cette fouille est ensuite comblée avec du sable qu’il faut arroser trois jours durant avant de le pilonner avec des troncs d’arbres ou de le faire piétiner par des éléphants. Rappelons que l’emploi d’un procédé semblable qui permet d’obtenir un sol extrêmement stable est attesté pour les grands temples-montagnes khmers (voir par ex. J. Dumarçay, Le Bayon — histoire architecturale du temple, Paris 1973 p. 12). Une fois cette fondation établie il ne reste plus, avant d’entreprendre la construction proprement dite, qu’à mettre en place les cinq “premières briques” (ādyeṣṭakā) au fond d’une fosse dont la position sur le plan de l’édifice correspond exactement à celle du dépôt de fondation (garbha) placé au-dessus d’elle à l’intérieur du soubassement (Aj 17.2 et § 3.14) ; cette position varie selon la catégorie du bâtiment : pour un prāsāda (§ 4.2) cette fosse doit se trouver sous le mur qui est à droite (ou au Sud ?) de la porte (Aj 10.11) ou bien sous le montant droit (ou sud ?) de cette porte (Aj 17.3) ; pour un gopura (§ 4.33) elle est sous le mur à droite (au Sud ?) de la porte (Aj 10.12 ; 174) et pour une sabhā (§ 4.38) sous le montant droit (sud ?) de la porte (Aj 17.5) ; pour un maṇḍapa (§ 4.13) elle est creusée soit sous un pilier non cornier situé dans les quadrants nord-est ou sud-est de l’édifice (Aj 10.13-15) ou encore sous un pilier de sa moitié sud (Aj 17.4) ; enfin s’il s’agit d’un mur d’enceinte (prākāra, § 5.4) cette fosse doit se trouver à son angle nord-est (Aj 10.12). On a déjà vu que les “premières briques” doivent être des pierres lorsque le bâtiment est en pierre (Aj 10.3-4 et ci-dessus § 2.12) ; elles sont au nombre de cinq et portent respectivement les noms de nandā, bhadrā, jayā, riktā et pūrṇā (Aj 10.5) ; les quatre premières doivent être disposées au fond de la fosse dont il vient d’être question de façon à laisser un espace libre au centre (10.45-55) et la cavité ainsi formée doit être tout d’abord emplie d’eau mêlée de fleurs : il faut pouvoir imprimer à cette eau un courant dextrogyre, s’il est inverse il y a faute (10.55-57) mais le texte ne précise pas si une telle faute doit entraîner l’abandon du site ; cela fait, on dépose dans cette cavité des pierres précieuses, des métaux (Ma), des substances colorantes (dhātu) et des graines (bīja), puis on les recouvre de terre ou de chaux écrasée avant de disposer au-dessus la cinquième brique (Aj 10.58-60). “Alors, dit d’auteur de l’Ajita, que l’on construise là le prāsāda” (10.62).
57§ 2.25. Pour en terminer avec le peu de renseignements que nous apportent nos deux textes sur la substructure des édifices, il reste à ajouter que l’un et l’autre semblent sous-entendre la présence d’une assise de réglage située au-dessus de la fondation proprement dite et au-dessous du premier niveau de l’élévation (le soubassement ou le socle, voir-dessous §§ 3.13 et 14). Nous avons vu en effet (ci-dessus § 2.5) que le pramāṇasūtra peut se trouver à l’aplomb de l’upāna (Aj) ou du homa (Rau) de l’édifice ; on aura l’occasion de voir d’autre part que le mot upāna est employé à plusieurs reprises pour désigner la limite inférieure de l’élévation d’un édifice : ainsi par exemple lorsque le Raurava (39.24) dit des prāsāda de type vesara qu’ils sont “circulaires de l’upāna au motif de couronnement” (voir ci-dessous § 4.11). Dans un cas comme dans l’autre on pourrait prendre upāna dans son sens de “plinthe” (voir § 3.3), puisque la plinthe du soubassement est la moulure inférieure du premier niveau de l’élévation, et considérer homa comme un autre terme désignant la plinthe. Cependant il est assez remarquable de voir que le Kāmikāgama (I.52.6-10) explique qu’il faut établir au-dessus de la fondation (présentée comme ci-dessus § 2.24) une double assise : sa partie inférieure dite prakṛti ou prakṛtibhū comporte des rainures destinées à faciliter le drainage, tandis que sa partie supérieure doit supporter le soubassement (adhiṣṭhāna) : elle est appellée janmabhū ou upāna ou homa. Dans ces conditions il nous semble que l’on peut admettre l’hypothèse que c’est de cette assise qu’il s’agit ici : l’on conçoit assez bien en effet qu’un tel élément serve de point de référence plus commodément qu’une moulure telle que la plinthe qui n’est finalement qu’une partie d’un sous-ensemble de l’édifice.
Mise en place du Liṅga et achèvement des travaux
58§ 2.26. Sur le déroulement des travaux de construction proprement dits aucun détail ne nous est donné, mises à part les indications à peu près concordantes que fournissent nos deux textes sur le moment où le Liṅga et son piédestal (pīṭha, § 5.3) doivent être mis en place dans la cella d’un prāsāda : selon le Raurava (30.53) cette installation peut avoir lieu lorsque le soubassement est construit et avant la mise en place des montants de la porte ou bien encore avant l’installation des “briques de couronnement” (§ 2.27) ; pour l’Ajita (18.31-33) deux cas peuvent se présenter : pour les Liṅga “ordinaires” l’installation a lieu lorsque le temple est encore à ciel ouvert (sāvakāśe vimāne) que ce soit avant la mise en place de la porte ou avant celle des briques de couronnement ; pour les Bāṇaliṅga, les Udbhutaliṅga (= Svayaṃbhuliṅga) et les Liṅga de pierres précieuses ou autres matières du même genre (ratnādi), cette installation n’a lieu qu’au moment où le temple est entièrement achevé (dhāmni niṣpanne). On peut supposer que d’une façon plus générale le moment choisi dépend des dimensions du Liṅga et surtout de celles de son piédestal : il est évident que lorsqu’il s’agit d’un élément monolithe de grande taille, il n’est pas possible de l’introduire dans le temple achevé et qu’il faut le mettre en place avant même que les murs du pādavarga du rez-de-chaussée ne soient dressés.
59§ 2.27. L’achèvement de la construction est marqué par la mise en place des quatre “briques de couronnement” (mūrdheṣṭakā, § 2.12) et du motif de couronnement (stūpi, § 3.29) au cours d’une cérémonie qui comporte aussi l’installation sous ces briques d’un dépôt sacré symétrique du dépôt de fondation (Aj chap.15). Il faut de plus, selon le Raurava, détruire intégralement le temple provisoire et le Liṅga qui y avait été installé (Rau 27.51-52).
Travaux de restauration
60§ 2.28. Les travaux de restauration qui peuvent être exécutés lorsqu’un temple est ruiné ou endommagé sont mentionnés par le Raurava qui, cependant, s’intéresse beaucoup plus aux cérémonies expiatoires qui les accompagnent qu’à ces travaux eux-mêmes (Rau chap.44) ; dans l’Ajita ce sujet n’est traité que dans un chapitre inédit que nous n’avons pas pu utiliser (jirṇoddhāravidhiḥ, ci-dessous appendice II). De tels travaux nécessitent l’installation d’un temple provisoire (Rau 27.2,47 ; § 4.37) et ne semblent pas pouvoir durer plus de douze ans (Rau 27.50). Il faut que la restauration soit faite à l’identique (Rau 44.3), qu’il s’agisse de la reconstruction complète du temple ou simplement de réparations touchant par exemple les édicules (kūṭādi, voir § 3.43) ; la rénovation peut d’ailleurs ne concerner que les “stucs” (sudhākarma) qui couvrent les façades ou bien encore que l’aménagement intérieur de la cella (fixation du Liṅga par exemple) (Rau 44.19-20).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La création d'une iconographie sivaïte narrative
Incarnations du dieu dans les temples pallava construits
Valérie Gillet
2010
Bibliotheca Malabarica
Bartholomäus Ziegenbalg's Tamil Library
Bartholomaus Will Sweetman et R. Ilakkuvan (éd.) Will Sweetman et R. Ilakkuvan (trad.)
2012