Traduction
p. 39-219
Texte intégral
Ouverture
11. Sur la poitrine du noble (dieu) aux yeux de lotus bleu repose Ramā : du nénuphar, hôte de sa main, qu’en se jouant elle agite, tombe une coulée de délectable nectar sur le nombril — ce lotus ! — de l’ennemi de Mura ;
2« C’est liqueur divine que généreusement la Mère des mondes offre aux bouches de l’enfançon aux quatre visages par les lèvres d’une conque » conjecturent les dieux. Puisse-t-elle (me) purifier !
32. Parure du district de Kāñcī, pieux sacrificateur, maître spirituel du roi de Karṇāṭa, Tātārya a gloire éclatante (jusqu’aux) confins des régions ; l’on connaît son neveu,
4Le maître Appaya qui accomplit d’importants sacrifices, perle des savants : il a pour fils le noble poète Raghunātha qui, comblé de vertus, prospère !
53. Le fils de ce dernier, à qui Tarka, Vedānta, Tantra et grammaire sont familiers, du Miroir fidèle des vertus de l’univers est l’auteur : Veṅkaṭādhvarin !
64. Quel que charme qu’ait la poésie, il est bien faible pour les gens raffinés quand elle est séparée de la prose ; et la prose qui exclut la poésie ne comble pas le goût des connaisseurs.
7Car c’est l’union des deux qui engendre pleine félicité ; car qui ne goûterait intimement un mélange de liqueur et de vin ?
85. Par désir d’observer l’univers, étant un jour monté sur un char céleste, un couple de gandharva, de même apparence, qui avaient nom Kṛśānu et Viśvāvasu, faisait voyage dans les airs.
96. Kṛśānu, plein d’esprit de dénigrement, tenait le rôle du détracteur (tandis que) Viśvāvasu s’empressait de recenser les vertus de l’univers.
Célébration du soleil
10Or, regardant l’ami des lotus de jour qui se levait face à lui, Viśvāvasu, qui a vu l’autre rive de l’océan des textes sacrés, le salua avec déférence.
11Viśvāvasu :
127. Au Maître qui relève de l’observance de chasteté la lignée des cakra, qui désire ardemment les grâces d’Ombre, qui resplendit dans le Veda, hommage !
13Kṛśānu : Eh bien ! Pourquoi, même au soleil brûlant, qui cause le dessèchement de tous les êtres, fais-tu acte d’hommage ? (1). Vois :
148. Les voyageurs harassés — misère ! — (l’astre) rayonnant les aveugle de chaleur, à assécher la terre il s’évertue et dessèche les plantes ;
15Aux étangs il ravit le pouvoir d’offrir un apaisement à l’épuisement : quel atome de vertu attribuer à ce soleil par nature aussi cruel ?
16Viśvāvasu : Il est pourtant le noble ami des lotus diurnes, pourquoi le blâmer ? Écoute, malveillant ! (2).
179. Lui qui, faisant pleuvoir ses rayons, verse à flots la satisfaction pour l’univers, qui donne d’un coup la prospérité aux yeux des hommes, anéantit l’obscurité profonde,
18Aux sages donnant le chemin de la délivrance, aux demeures de Padmā l’épanouissement, qui ne l’exalte, le bien-aimé de toute l’humanité, parure du ciel, le soleil !
1910. Lorsqu’ils ne voient pas le soleil dissipateur de ténèbres, les hommes parlent de mauvais jour ; c’est encore lui qui dispense la satisfaction à ceux qui naissent dans l’eau, en foule, sur les étangs, lui qui disperse, chez les êtres incarnés, l’étant-malade !
2011. Alors que les gardiens des régions célestes, le (dieu) armé d’un lacet, Yama, le Pourfendeur de Bala, les Maruts, le Seigneur, etc., sont là plus nombreux à veiller,
21(L’astre) auquel, éclatants de pureté, les dieux-sur-la-terre et les autres (hommes) que voici, jusqu’à trois reprises chaque jour font généralement le présent d’une oblation, il est la Triple Science elle-même, qui, se faisant soleil, brûle, purifiant tous les inondes.
2212. Il pourvoit à la nourriture des trente (divinités), comble les cakra amaigris, terrifie le peuple des Piśāca, broie la masse des vastes ténèbres,
23Dissipe la maladie chez ceux qui s’inclinent avec respect devant lui, fait éclore les lotus : rendez donc hommage au soleil, parure des espaces célestes !
24Louant en ces termes le soleil, les mains jointes pour l’añjali, Viśvāvasu, accompagné de Kṛśānu, conduisit le char auprès de celui qui a douze formes ; et il s’inclina devant l’Esprit suprême qui siège dans le centre de son disque, et dont immense est la majesté.
2513. Océan de vertus éminentes, ami de ceux qui touchent la pointe de ses pieds, lui qui a détourné le péché de lui-même, âme universelle de toutes les créatures,
26Hommage à lui ! Il comble de félicité les yeux de la (Déesse) qui habite le lotus, il anéantit les ténèbres, il siège dans le disque du soleil !
27A nouveau, avec un jaillissement d’adoration :
2814. Ses yeux sont des lotus s’épanouissant aux rayons de (l’astre) rayonnant, elle délivre des chaînes de l’existence le peuple de ses dévots : la Majesté couleur d’or, chère à la (déesse) qui habite le lotus rouge, maintenant émeut en moi la félicité !
29Kṛś. : Pourquoi donc, malgré son extrême cruauté, Nārāyaṇa reçoit-il en partage vos éloges : vous êtes pourtant doué de jugement ! (3).
30En effet :
3115. L’univers tout entier par lui créé au commencement, par lui seul maintenu, ce Mukunda hélas ! — prend plaisir à le briser, méritant donc le blâme ;
32Une fois qu’il a planté les plus beaux arbres fruitiers, qu’il les a fait croître avec des flots d’eau claire, est-il quelqu’un au monde, fût-ce un fou, pour les abattre de plein gré ? Et s’il les abat, s’en réjouit-il ?
33En outre :
3416. Celui qui, sans avoir obtenu son consentement, enfreint, par excès d’orgueil, son commandement, voilà l’homme auquel un roi terrestre, fût-il féroce, inflige châtiment dans sa colère ;
35Le guide intérieur qui, volontairement — hélas ! — engage les êtres sur une mauvaise voie puis les fait tomber en enfer, dans son courroux, ce Nārāyaṇa, n’est-il point cruel ?
36Viś. : Ah ! Ton esprit est bien épais pour que tes reproches visent jusqu’au Bienheureux suprêmement compatissant, maître des souffles de la (déesse) qui habite le lotus. Écoute ceci (4) :
3717. En l’océan des renaissances longtemps errante, une créature lui rend hommage : « elle est ma créature » pense Adhokṣaja,
38Océan de compassion, qui la recueille et de lui-même la fait accéder à son propre ciel malaisé à gagner, lui le Tout-Puissant !
39En outre :
4018. Dédaignant la Charmante toute frémissante de désir, ignorant la Noire, délaissant encore la Terre, repoussant violemment sa couche faite du seigneur des serpents,
41Agrippant avec vélocité le roi des oiseaux, merveille !, de l’autre monde Śauri surgit avec une hâte extraordinaire pour protéger l’éléphant tourmenté par la morsure d’un monstre aquatique !
4219. Vaikuṇṭha, dans son vif désir de briser le très cruel éléphant Hiraṇyakaśipu qui, par un orgueil démesuré, ruinait toutes les grandes entreprises (sacrificielles),
43Vaikuṇṭha, d’un lion qui terrifie tout — ô merveille ! — prenant l’apparence, refusant de supporter la détresse de Prahlāda, bondit avec une hâte extrême, ayant jusqu’à la gorge l’aspect d’un rugissant-à-pleine gorge !
44Autre chose encore :
4520. Sans avoir recours à l’emploi du métier à tisser, sans toucher à une navette, sans tarder, sans qu’apparaisse l’effort de disposer la masse des fils, il a, sans compter,
46(Créé) des vêtements, avec l’unique intention de dissiper la détresse de la princesse des Pañcāla accablée : puisse ce génie créateur du (dieu) qui a pour emblème le maître des oiseaux nous protéger !
47Et en outre :
4821. Le corbeau échappa à une peine infinie, le vieux vautour lui aussi accéda à de nombreux mondes, le (misérable) Niṣāda atteignit une prospérité exempte de misère,
49C’est un royaume qu’obtinrent le singe et le rôdeur de nuit, lorsqu’en Rāghuvide s’incarna l’ennemi de Mura ; vois : au-delà des mots triomphe la compassion de l’ami de Padmā !
50Ainsi, alors que le Maître des dieux est un océan de pitié, faire allusion à sa cruauté trahit seulement en ton esprit une faiblesse, fruit de tes fautes (5).
51Écoute :
5222. Aux vivants qui s’acheminent vers la réincarnation en pierre, etc., l’amant de Śrī fait-il don d’un corps, séjour où (ils gagnent) ciel et délivrance, ils ne se souviennent même pas de son aide ;
53Un malheur un jour survient-il — conséquence d’un méfait qu’ils ont, eux-mêmes commis et qui est parvenu à maturation —, au Maître innocent — honte ! —, en leur détresse, ils attribuent de la cruauté !
54Hélas !. Les créatures misérables, sur l’Être suprême, à la suprême compassion, rejettent leur propre faute (6).
55En effet :
5623. Si, avec l’ensemble des sens et le corps qu’elle a reçus pour échapper à la souffrance, c’est son propre malheur — hélas ! — que forge la créature, la faute en est-elle à l’Ordonnateur ?
57Si, avec l’arme que lui a donné son propre père pour vaincre un ennemi, le fils frappe son propre corps, eh bien ! dis-moi : qui, en ce cas, est fautif ?
58Qu’ajouter ? (7).
5924. En nous donnant un enseignement abondant pour comprendre sa propre nature, un corps pour l’adorer, un esprit pour le contempler, des tīrtha, etc. pour obtenir une intelligence sans défaut,
60Des maîtres éminents, de surcroît, pour nous enseigner les principes essentiels, il nous comble de faveur : si, malgré tout, nous errons dans le cycle des renaissances, que peut faire le Seigneur de toutes choses ?
Célébration du monde terrestre
61A ces mots, avançant un peu plus loin, il s’approche et, regardant au-dessous de lui : « Ami, regarde le monde terrestre, séjour où se poursuit la réalisation de tous les buts de l’homme. »(8).
62Pénétré de la plus grande déférence :
6325. Ceux qui ont pour demeure les cieux reçoivent, lors des sacrifices très purs entrepris par les hommes qui habitent cette (terre), la si suave ambroisie qui s’élève de l’exclamation « svāhā ! » et de l’interjection rituelle « vaṣaṭ ! » ;
64A cette déesse Terre, toute parée d’hommes vertueux voués à la Doctrine sacrée, elle dont le corps est purifié par les rivières et lieux saints, hommage !
65Kṛś. : En vérité, mon ami, vous qui êtes justement un habitant du ciel, ne devez point rendre hommage au monde intermédiaire (9).
66En effet :
6726. Souillés par la naissance, la mort, l’angoisse misérable, les diverses maladies, les projets funestes, et tourmentés par le chagrin sont les gens qui vivent sur la terre ;
68Ainsi, cette terre dont la perte est engendrée par les puissants enivrés d’orgueil, vils, uniquement préoccupés de dépister des points faibles, quel être éclairé ici la convoiterait ?
6927. Que ce soit en leur enfance ou en leur jeunesse, ou principalement en leur vieillesse, ou après leur mort, enchaînés qu’ils sont par les soldats de Yama — malheur ! les mortels sont dans la souffrance ;
70Leur détresse est sans limite : que gagnent-ils même à être en vie ? En quel village les bœufs sont-ils exempts des peines du joug ?
71Viś. : Il est bien vrai ; pourtant, mon ami, ne calomnie pas à plaisir la condition d’homme qui a la terre pour champ d’action (10). En effet :
7228. Rāma, donneur de bonheur, n’est-ce pas sur terre en tant qu’homme, qu’il a été le Pourfendeur de Rāvaṇa ; son père n’était-ce pas comme mortel que du Maître de la troupe des trente (divinités) il fut le compagnon, lors du combat contre les démons ?
73Kṛṣṇa, qui de Vṛṣan a vaincu l’orgueil grâce à sa condition d’homme, n en as-tu point entendu parler ? Ou bien quels sont les dieux qui ont, par leur propre puissance, acquis la suprématie, sans (l’aide) d’un homme, ou quels démons ?
74En outre :
7529. Māndhātṛ et Bhagīratha, Sagara, le vénérable Kakutstha, Raghu, Pūru, Purūravas lui aussi, et Śibi, et le pieux Rukmāṅgada,
76Vaideha et Nahuśa, le maître des Haihaya, le héros Yayāti, Nala et Pārtha, ces rois dont on exalte la gloire, ne se sont-ils point manifestés (sur la terre) ?
77Kṛś. — sur le ton de la concession —
7830. Admettons qu’il y ait eu quelques personnes aimables par leurs vertus sur la surface de la terre, dans les autres âges : en cet âge Kali, tous les hommes, privés de la moindre parcelle de vertu, ont en partage un nombre considérable de vices !
79En outre :
8031. Des princes misérables, à l’esprit souillé par les passions violentes, sièges de la colère, du désir, de l’orgueil misérable et de la présomption,
81Ont, en cet âge Kali, par suite de leur impureté, fait leur apparition : leur seule vue — hélas ! — est péché !
82Viś. : Ne dénigrons pourtant pas systématiquement les hommes de l’âge Kali eux de ; car il y a en tous les âges quelques gens de bien (11).
83Vois :
8432. De ceux qui sont indifférents à la faveur des maîtres de la terre remplis de péchés et enivrés d’orgueil, de ceux qui font du secret de leur cœur un temple où s’ébat librement le (dieu) aux yeux de lotus,
85Qui, pour faire aboutir par eux-mêmes la voie des Textes sacrés sont apparus sur la terre, combien n’en voit-on pas, même en (l’âge) Kali, de ces hommes accomplis, exempts de souillure ?
86Ou bien, si tu n’as pas confiance en mes paroles, faisons route ici et là, et livrons-nous à l’examen des vertus des divers (endroits terrestres) (12).
Célébration de l’ermitage Badarika
87A ces mots, il fait avancer le char, et, désignant du doigt :
88Viś. :
8933. Voici l’ermitage Badarika ! C’est là que cet illustre Nārāyaṇa se livre à l’ascèse, dissipant pour les dévots les ténèbres si opaques de l’ignorance !
90Ayant fait éclore en leur esprit épanoui l’indifférence à l’égard des objets des sens, les hommes vertueux que voici, jour après jour, adorent Janārdana, dont la couche est le serpent !
91Kṛś. : Mon ami, ta démonstration de l’excellence de ce lieu ne me plaît pas (13).
92Car :
9334. Puisqu’en cet endroit règnent neige dure comme pierre et bises insupportables, comment donc les gens qui redoutent de se plonger dans l’eau, accompliront-ils un rituel sans faute ?
94Viś. : Vous avez prononcé là des paroles tout à fait conformes à notre opinion (14).
95Car :
9635. Lorsqu’ils arrivent en ce lieu qui, — tant y règne un froid extrême — est comme figé de paralysie, les hommes éclairés, doués de la paix intérieure,
97Peuvent bien être malades : (prenant) ici des bains réguliers, aux moments opportuns, ils sont complètement guéris, par la faveur du (Dieu) qui a pour emblème Tārkṣya !1.
Célébration d’Ayodhyā
98A ces mots, il conduit le char en un autre endroit, et, les mains jointes pour l’añjali :
9936. A Sāketa hommage soit rendu, cité qui jouit d’une splendeur immense ! A la déesse Sarayū qui auprès de là se complaît, anéantissant péchés de toutes sortes, hommage !
100Les poteaux que voici, dressés sur le sol de ses berges et dont éclate la beauté, tuteurs de ce rameau qu’est la gloire de la lignée du soleil, hommage à eux !
101Observant à nouveau la cité, il laisse éclater sa ferveur :
10237. Grâce à la poussière qui s’attache aux pieds du maître des Raghuvides, (poussière) asséchant l’océan des existences, remède vivifiant pour l’épouse de Gautama, cette cité abolit le péché : je lui rends hommage !
103Il reprend, tressaillant (de bonheur) à cette pensée :
10438. Puisse nous combler de prospérité l’ineffable divinité, ultime limite d’épanouissement du bonheur : elle a le charme du nuage noir, Sāketa est sa demeure, l’hommage qu’on lui rend efface la lassitude du cheminement à travers les taillis de l’existence,
105Sa beauté humilie Kama, elle porte en guirlande les œillades respectueuses de la fille de Janaka, sa majesté est célèbre en tous les points cardinaux, ceux qui siègent au ciel l’exaltent, la divinité qui a nom Rāma !
106En outre :
10739. Son courroux fait cesser la détresse de tous les gens qui tremblent devant la tyrannie de Celui qui a dix bouches, puisse l’époux de la fille de la Terre
108Rendre la sève de sa compassion capable de me faire traverser l’océan des renaissances infinies, lui qui exauce les désirs des Ṛṣi, moi qui suis tout attentif à me montrer humble !
109De plus :
11040. Voici qu’il triomphe en des actions étonnantes2 : car son éléphant aux pattes et à la trompe magnifiques a engendré une bufflonne pour le lion des Ṛṣi, bien qu’il fût cause de la naissance d’un taureau !
11141. D’innombrables félicités puisse accorder le très généreux, le bien-aimé de la fille de Janaka qui, au corbeau et à l’aigle, a accordé ce qu’ils désiraient, au pêcheur, au singe et au rākṣasa !
112De plus :
11342. On peut dire de lui : « Désire-t-il de la poterie ? Il a sur terre de l’argile incomparable, il possède un bâton » ; mais nous ajoutons, prodige encore plus surprenant :
114« Après avoir détruit la meilleure terre, brisé la roue et ses rayons, le Puissant en personne a, dans son courroux, fracassé le potier »3.
115Kṛś. : Comment peux-tu avoir le désir de louer le noble Rāma dont les actes sont pourtant si indignes ? (15).
11643. Bien qu’il soit l’aîné, l’époux de la fille de Janaka, pour la joie de l’épouse rivale de sa mère donnant son propre royaume riche en chars, en éléphants, en fantassins et en chevaux,
117A pour lot — hélas ! la forêt profonde : comment ne serait-ce pas de sa part acte déplacé ? Quel homme ira jeter le lait de vache pour avaler une bouillie de gruau ?
118En outre :
11944. Méprisant l’intelligent Vālin qui matait l’orgueil de (Rāvaṇa) aux dix bouches, le voici qui, pour venir à bout de la troupe des rākṣasa, s’est concilié Sugrīva :
120S’il avait désir de briser un rocher puissant, qui donc, ici-bas, abandonnant sans hésiter le pic, songerait à aller s’emparer d’un pétale de lotus ?
121De plus :
12245. Il avait, on le sait, bâti une digue sur l’océan, taillé en pièces les (démons) coureurs de mauvais chemins, recouvré la Reine dont la pureté avait été reconnue clairement à la suite de l’épreuve du feu ;
123Et voilà qu’à nouveau, cette Mère du monde, fille de la Terre, il l’a exilée, alors qu’elle était enceinte, dans la solitude totale de forêt, — malheur ! —, le destructeur de la descendance de Pulastya !
124Viś. : Mon cher, chez les gens doués de vertu, pourquoi t'efforcer de mettre à jour des fautes ? (16).
12546. C’est pour éviter à son vénérable père un faux serment que Rāmacandra, tout aîné qu’il fût, fit de son propre royaume aussi peu de cas que d’un fétu de paille : le maître des serpents lui-même n’est pas en mesure de le célébrer !
126En outre :
12747. Si, malgré l’existence de Vālin, océan de puissance, ce (dieu) a choisi Sugrīva, voilà qui manifeste bien ce qu’enseignent cent textes révélés : son affinité avec les faibles !
128En outre :
12948. Bien qu’il porte sans cesse Lakṣmī sur sa poitrine, l’époux de Sri qui, incarné en Rāma, joue le rôle d’un homme, marchant en tête des héros,
130A exilé sa noble bien-aimée dans la forêt, parce qu’il ne pouvait, — chose étonnante ! — supporter les critiques de quelque individu ! A-t-on déjà vu sur terre pareille fierté chez un autre homme ?
131En vérité,
13249. Qui peut exalter l’infinité d’innombrables vertus qu’abrite le bienheureux Rāma, puisque le descendant de Pracetas et les autres poètes sans reproche n’ont pas été capables d’en dénombrer même une partie ?
133Veuillez néanmoins écouter ce qui suit : dans les flots des vertus de dieu, ce n’est qu’une toute petite parcelle du dix millionième du fragment d’une goutte ! (17).
13450. Bijou Kaustubha (issu) des flots de la lignée de Kakutstha pareille à une baratte.
135Floraison de cet arbre fabuleux qu’est la somme des actes vertueux de Kausalyā,
13651. Émeraude parant la maison du puissant (Roi) aux dix chars,
137Lune de félicité pour ce couple de cakora que sont les deux yeux de la fille de Janaka,
13852. Arbre ombreux pour ceux qui s’épuisent à parcourir les chemins du cycle des renaissances,
139Diseur d’incantations pour anéantir tous rākṣasa et vampires,
14053. Océan aux multiples vagues du sentiment de compassion,
141Nuage nouveau sur cet étang que sont les vœux des ascètes,
14254. Jardin d’agrément de la science, salle d’audience de la (bonne) éducation,
143Demeure où coexistent accessibilité et puissance extrêmes,
14455. Lieu de coordination de la noblesse et de la générosité, Demeure principale de la bonne humeur, terrasse unique de la bonté de cœur,
14556. Incomparable source de vie de prodigieuses forces d’énergie, Temple de cette Lakṣmī qu’est sa sérénité, voie suprême de la splendeur,
14657. Support de vie pour ceux qui sont dans l’affliction, pour ceux qui viennent à lui suprême refuge,
147Étang où baignent des prospérités impérissables,
14858. (Remède) vivifiant pour le Pourfendeur de Jambha, maison natale de la déesse de la victoire,
149Seigneur des oiseaux pour ce serpent qu’est la misère irréductible et terrible,
15059. (Soleil) ami des lotus bleus dans les ténèbres du corps de la fameuse Tāṭakā,
151Lion puissant lors de la destruction de l’éléphant furieux qu’est Subāhu,
15260. Torrent balayant cet incendie de forêt qu’est l’obstination du descendant de Bhṛgu,
153Panacée pour mettre en fuite la terreur qui a nom Virādha,
15461. Hache unique pour tailler en pièces ces plantes venimeuses : Khara et Dūṣaṇa,
155Feu dévorant en ce vil bambou impossible à extirper : Marīca,
15662. Chemin par lequel le roi des vautours s’est élevé vers le ciel et les autres mondes,
157Chaleur solaire dévorant l’étang qui a forme Kabandha,
15863. Lever de la pleine lune automnale pour le nénuphar qu’est le cœur de la Śabarī,
159Apparition de l’automne faisant éclore cette fleur Kāśa qu’est la gloire du fds du vent,
16064. Vent chassant ce nuage qu’est le fier Vālin,
161Ressource du royaume de Sugrīva, jour heureux pour les habitants de la forêt,
16265. Médecin de ce mal qu’est l’inertie du maître des rivières impossible à contenir,
163Jaillissement de feu solaire pour la troupe des (démons) malfaisants errant la nuit,
16466. Fils de Kumbha paralysant cet océan de folie : Kumbhakarṇa,
165Foudre fendant le roc qu’est la vie du tout-puissant Rāvaṇa,
16667. Arbre des dieux en son offrande de la royauté universelle à Vibhīṣaṇa,
167Fête prodigieuse pour les yeux des femmes de la cité d Ayodhyā,
16868. Consacré (roi) selon les règles par Vasiṣṭha et les autres grands Ṛṣi,
169Voici que se complaît en mon cœur Rāma plein de splendeur, semblable à l’amour.
170C’est bien là que certain sage à la conduite pure ne cesse de réciter ces paroles : (18)
17169. Je m’absorbe dans le Charmant dont la voix pleine de charme abolit l’ivresse des flots de suc de fleurs, lui qui a retrouvé la Charmante et arrêté l’ennemi,
172Jardin charmant de nobles vertus merveilleuses et sans tache, destructeur de terribles maladies, lui dont Asuras et Immortels vénèrent les pieds !
17370. En celui qui abrite une plénitude de compassion, dont le visage déborde de félicité même en la forêt, dont l’arc aspire à faire fuir les dévoreurs de chair, en celui qui se conforme à la justice,
174Qui reçoit les louanges du fils du vent, pénètre ô mon esprit ! —· le très vertueux qui a insufflé la force aux singes, l’Être suprême qui assume la condition de l’homme !
17571. En arme se changea l’herbe contre l’ennemi de sa bienaimée, en herbe se changea l’arc de l’ennemi de Smara, en épouse de l’ascète se transforma la pierre même, en souverain se transforma spontanément une sandale,
176En ruisseau se comporta le grand océan lui-même, les singes se changèrent en guerriers, le descendant de Pulastya se changea en moustique, quant à toi, ô Bienheureux, tu te changeas en être humain !
17772. (De ces dieux) dont le pas ne donne point vie à la pierre, qui ne donnent pas la délivrance à ce qui est mobile et immobile, qui n’enlèvent pas la crainte à tous les êtres, qui ne détruisent pas l’arc de Śarva,
17873 Qui ne changent pas l’herbe en arme divine, qui ne changent pas Rāvaṇa en herbe, c’est assez ! — de ces dieux timorés qui n’ont point conquis la cité de Laṇkā !
Célébration de la rivière gaṅgā
179A ces mots, il conduit le char en direction du sud et (dit), s’adressant à Kṛśānu :
18074. Contemple la (rivière) qui, du cycle des existences, adoucit les souffrances, qui s’attache aux pieds de Vaikuṇṭha, bannit le malheur, met au cœur la sérénité,
181Dont sont si pures les ondes, dont est célèbre l’union avec l’océan, elle qui réduit à néant les péchés, la Gaṅgā que voici !
182Kṛś. : Les eaux de la fille de Bhagīratha sont dignes de mépris : pourquoi devrait-on les contempler ? (19).
183Car :
18475. Nées des agissements d’un voleur d’or, en compagnie (d’un individu) qui est une mine de vices et l’amant de la femme de son maître,
185Elles séjournent sur le crâne du meurtrier d’un brahmane ; elles ont, on le sait, partie liée avec un groupe de sots, les eaux de la Gaṅgā !4.
186Viś. : Tais-toi ! Esprit stupide, pourquoi dénigres-tu même la rivière qui s’écoule du lotus des pieds de Mukunda ? (20).
187Vois :
18876. Les eaux de la Gaṅgā (hors) du lotus des pieds du (dieu) qui a pour enseigne Garuda, se sont manifestées, elles ont, de surcroît, purifié le (dieu) qui est couronné par la lune,
189Et conduit à l’immortalité — ô merveille ! — la descendance de Sagara : il n’est point sur terre d’extrême pouvoir de purification supérieur au leur, ni même de comparable !
190En outre :
19177. Cette rivière aux belles eaux porte la Sarasvatī colorée, telle la Manifestation (aux quatre visages) du Créateur (portant avec passion la déesse Sarasvatī),
192Voici pourtant la différence : c’est du lotus du pied du Pourfendeur de Bali que la première est issue, la seconde, on le sait, du lotus de son nombril !
193Et de plus :
19478. Une fois parvenus auprès de la fille de Bhagīratha, les sages offrent respectueusement aux mânes, dans le creux de leur main, l’eau pour prendre congé ;
195Ainsi, tous les péchés des mânes se trouvent, ô merveille !, avoir reçu leur congé !
196Autre chose encore :
19779. L’homme à l’intelligence pénétrante qui honore la Bhāgīrathī, voilà celui qui est heureux, en vertu de la règle Yathākratu :
198Une fois parvenu au rang de dieu, dans le troisième ciel, il reçoit le titre de « Bhāgī, Rathī » (et prend part) à l’ambroisie !
199En outre :
20080. Enlacée par la Sarasvatī, avec son cours embrassé par (celui de) la fille du soleil, transparente comme un parterre de fleurs scintillantes, elle brille telle la matière, pourvue de trois qualités ;
201Pourtant cette illustre (rivière), capable d’anéantir le péché, grâce au culte qui lui est rendu rompt l’âpre cycle des renaissances, elle qui est née du pied de l’ennemi de Kaṃsa !
202En outre :
20381. En profondeur, elle reflète le cœur du Porteur de massue, en douceur sa voix, en blancheur sa gloire sans tache, en fraîcheur sa compassion,
204En extrême pureté son intelligence, en constante sérénité son visage, elle qui est issue du pied de ce (dieu), l’épouse de l’océan que voici !
Célébration de Kāśī
205A ces mots, joignant les mains pour l’añjali, il regarde devant lui, et (dit), pénétré de félicité :
20682. Voici Kāśī, Kāśī qui, touchant à la demeure d’Indra par la cime de ses palais, riche en coursiers et en éléphants, flamboie, libérée de l’apparition des ténèbres grâce aux rayons de la lune qui couronne Śiva !
207Kṛś. : Mon cher, en quoi cette cité mérite-t-elle aussi tes louanges ? (21).
208Vois :
20983. Ces gens repus de friandises, montant éléphants magnifiques et chevaux, qui au sein de somptueuses demeures, avec des femmes enivrées de désir prennent là leurs ébats, parés de colliers de perles,
210Ce sont eux qui, porteurs d’ossements terrifiants, avec pour monture des bœufs luisants, pour nourriture du poison, se livreront à une danse effrénée, hantant les cimetières en compagnie de vils spectres !
211Apostrophant Kāśī :
21284. « Puisse un seul don pour la joie d’un saint homme être rendu, — en vertu du pouvoir d’un lieu sacré —, au moins dix millions de fois dans une autre existence » : telle est la parole célèbre ; or, lorsqu’en cet espoir,
213Venus habiter chez toi, ils multiplient les dons de vêtements, les gens — hélas ! — obtiennent en récompense d’être en une autre existence, vêtus de vent ! ô Kāśī, hommage à toi !
21485. ô Vārāṇasī ! Puisque tu es en permanence un terrain de maladies5, il est parfaitement erroné de t’appeler « terre de santé » : ceux qui demeurent-là ont le corps endolori, même en une autre existence, et la tète appesantie par le froid !6.
215Viś. : Esprit sans subtilité, pourquoi transformes-tu en vice même une vertu ? L’habitant de cette cité, même s’il est adonné au plaisir, accède à l’identité avec Śiva, inaccessible aux yogi ! (22).
21686. Ici dépouillant sa forme impure, il obtient, en vérité, un corps immaculé : dans l’œil placé sur son front se trouve le feu, sur sa tête portant chignon, l’eau du pied de Hari.
217Voici, des habitants de cette cité, une autre fortune (23) :
21887. Comme le crépuscule, le Danseur du crépuscule venu ici reçoit le nom d’Andhakāri ; car il fait apparaître pour les hommes, dans la voûte céleste qui enveloppe tout, les couleurs qui naissent des étoiles !7.
219A ces mots, embrassant du regard toute la contrée des rives de la Gaṅgā, joignant les mains pour l’añjali (il dit) :
22088. Matin après matin, ils plongent et replongent dévotement dans l’eau de la fille de Jahnu, ils accomplissent les rites d’obligation quotidienne, avec des fleurs ils font l’adoration à l’Être suprême qui est au commencement (de tout) : à ces dieux-sur-la terre dont l’âme est si pure, hommage soit rendu !
221Kṛś. : Les brahmanes qui habitent ce pays adoptent — tant est puissant l’âge Kali — une conduite tout à fait à l’opposé de celle (qu’enseignent) les traités : pourquoi sont-ils, eux aussi, l’objet de vos hommages ?
222Vois : la plupart des gens de la région de Kāśī ont tout l’opposé d’une conduite vertueuse (24).
22389. C’est de traits qu’il vit, quant au traité il l’ignore ; avec de l’eau apportée par un śūdra, il fait ses ablutions, se rince la bouche, oint les divinités, fait cuire en toute confiance son riz ;
224Il n’a point de répugnance pour les restes d’un repas, il va se mêler à toutes sortes de barbares ; sans se préoccuper des caṇḍala qui marchent à proximité, il ne cesse de se répandre dans les rues.
225En outre :
22690. Le matin, même une fois ses ablutions faites, il revêt, — inconscient qu’il est ! — des habits qui ont été touchés par des blanchisseurs et transportés par des ânes, ce tous les jours ; une fois qu’il les a revêtus, il va au dehors ;
227Une fois dehors, il se trouve au contact de barbares et autres gens impurs, et, même après ce contact, ne se baigne pas ; hélas ! ainsi, même sans s’être baigné, il prend son repas, cet homme inconsidéré, et, même après l’avoir pris, n’éprouve point de honte !
228De plus :
22991. De la nourriture regardée par de vils barbares corrompus, voire par des chiennes, voilà ce qu’il ne craint point de manger, en compagnie d’individus qui sont le déshonneur de la société, et ignorent les syllabes du Veda ;
230Pour abuser les gens à qui l’absorption du vin trouble l’esprit, toute crainte abolie, il entreprend des rites éloignés des prescriptions de la révélation et de la tradition, sans valeur aucune hélas !
231De plus :
23292. Ayant pris pour épouse n’importe quelle jeune fille, il l’abandonne à l’aurore de sa jeunesse, ignorant (de ses devoirs), et, pris dans les rêts du désir de faire fortune, erre trop longtemps — malheur ! — dans les pays étrangers ;
233Pour les deux époux dont la jeunesse s’est consumée dans le désir des embrassements mutuels, dont l’esprit est empreint de souillure, le destin funeste a ainsi manifesté la conjonction des détresses dans l’un et l’autre monde.
234De plus :
23593. Il n’y a point ici de gens qui étudient (le Veda) ; qu’un homme sur cent ou sur mille l’étudie, c’est pour s’épuiser en faux raisonnements, et repousser les raisonnements corrects de la révélation et de la tradition.
236Viś. : Malheur ! Lorsque j’entends blâmer les brahmanes, mon cœur tremble ! Cette conduite contraire au bien que tu viens de décrire, c’est à l’âge Kali qu’en revient la faute, non aux brahmanes ; en l’âge Kali, où donc peut exister la conduite de l’âge d’or ? Il est par nature le tuteur de cette liane qu’est le péché : on ne peut, à la vérité, triompher de Kali ! (25). Vois :
23794. Séjour d’une multitude d’injustices, trône de l’orgueil misérable, ruine de l’inscription sise au front de l’ensemble des traités, cessation des sacrifices eux-mêmes,
238Jour d’anéantissement de toutes les paroles du Veda, fin de l’exécution du culte bien fait, terre natale du désir de faire fortune, ce Kali a, ici-bas, causé d’immenses infortunes !
23995. Tel étant l’âge Kali, qu’en l’univers un homme sur cent, pénétré de respect pour la voie de la révélation,
240S’y conforme si peu que ce soit, cet homme mérite les éloges : ne loue-t-on pas, dans un désert, le moindre étang pauvre en eau ?
241En outre :
24296. Les gens de la caste des scribes, les fils de princes et les deux fois-nés portant les armes qui, aux prix de leurs efforts, servent les souverains mogols desséchés de cruauté,
243Protègent dieux et brahmanes : si ces gens de bien restent chez eux, les hommes cultivés n’ont certainement plus, sur cette terre, qu’à faire l’offrande d’eau, pour dire adieu à la condition de brahmane !
244Étendant ses regards de tous côtés, plein d’exaltation :
24597. Sur les terres envahies par les barbares depuis la Digue jusqu’à l’Himalaya, alors qu’est en déroute la multitude des rois et que, sans pitié, sommeille Nārāyaṇa,
246Même en cet âge Kali qui progresse sans obstacles, c’est la force d’un seul homme d’élite qui, ici ou là, en vérité, maintient sans embûches la voie enseignée par le Veda !
247A nouveau pénétré d’exaltation :
24898. Il peut bien négliger ce qui est prescrit, l’habitant de ce pays, il peut bien pratiquer ce qui est interdit : pourtant il n’en est point au monde de plus fortuné,
249Puisque, purifié par la splendeur des ongles des pieds de Celui qui (apparaît) durant les trois âges, le flot de la Gaṅgā, garant de la destruction des péchés, imprègne son corps !
25099. Bien qu’existent, en plein essor, les peuples du Gauḍa, de Kanyakubja, de l’Aṅga et du Vaṅga, de Mithila, d’autres encore, c’est chez les sages fortunés de ce pays que, même à présent, vivent les sciences.
251Sois attentif à ceci (26) :
252100. Nombre de pratiques de ce pays peuvent plaire ou ne pas plaire à l’esprit de ceux qui vivent en d’autres pays : quand bien même elles ne leur plairaient pas, quel préjudice y a-t-il alors ?
253Autant les fils avisés sont agréables au cœur de leurs parents, — vois dans ta sagesse ! — autant ils le sont peu à l’esprit des autres : quel en est le désavantage ?
254En outre :
255101. Au matin, une fois faites ses ablutions dans l’eau fraîche, l’homme bien-né rend hommage intense aux dieux ; de nourriture qui ait traîné il ne consomme point, même s’il est consumé par la faim ;
256En un endroit enduit de bouse de vache il fait sa cuisson et prend son repas ; ce qui a été apporté ailleurs que là, il s’en abstient : où voit-on aussi sévère restriction pour la nourriture ?
Célébration de l’océan
257A ces mots, il conduit le char loin de là, et, joignant les mains pour l’añjali :
258102. En sauvant la vie du mont qui tremblait devant le foudre du (dieu) à l’éminente renommée mis en courroux par la destruction de l’humanité, il fonda sa gloire ;
259Le vent toujours mouvant — ce maître de danse — fait danser ses vagues ; il est, pour les hommes estimés, objet de vénération : à l’immense océan que voici, hommage !
260Kṛś. : par plaisanterie.
261103. Les créatures les plus viles ne peuvent boire les alcools dont il est buveur, il est le refuge des sots : comment peux-tu avoir le désir de lui rendre hommage ?8.
262Quant à moi, devant cet (océan) dont ne fait que s’amplifier le grondement discordant, ma colère se donne libre cours ! (27).
263104. Contre un mendiant qui ne cesse de se plaindre, brûlé par le feu de son estomac (alors qu’il reçoit) friandises et monnaie en quantité, tout homme s’irrite !9.
264En dépit de ses ressources, cet océan, tant il est cupide, ne mérite pas le respect des hommes intelligents (28).
265Vois :
266105. Bien qu’il ait amassé des joyaux, que sa demeure soit le berceau de la prospérité, qu’il ait acquis des terrains (riches) en or, qu’il ait de multiples bagues,
267Semblable personnage qui a fait fortune considérable grâce au commerce maritime, ne peut hélas ! prétendre à la qualité d’homme généreux10.
268La création de cet océan est sans fruits, voilà mon opinion (29). En effet :
269106. Ces eaux n’ont point d’utilité pour l’arbre du rivage, quel serait leur usage pour les céréales ? Il n’y a point de convenance à s’y baigner, comment donc seraient-elles bonnes à boire ?
270Lorsqu’il a créé ce vaste réservoir d’eau mugissant, rendu terrifiant par les monstres qui habitent son sein, dites !, quelle a donc été l’intention du Créateur ?
271107. Qu’un homme dont les richesses en or s’accroissent toujours sans effort n’en fasse point prodigalité à la mesure de son revenu,
272C’est un incendie qui vient les dévorer, effet du destin, où bien le voici fouetté, jeté aux fers par un souverain qui convoite sa fortune : témoin l’océan !11.
273Qu’est-il besoin d’ajouter ?
274108. (Le sage) né de la jarre l’a avalé puis recraché, les hommes de bonnes mœurs n’y doivent point toucher : lorsqu’ il a atteint l’océan, fût-il sous l’empire de la soif, un voyageur ne prend pas de son eau.
275Viś. : Ami, ce maître des rivières, mine de toutes les vertus, ne mérite pas l’insulte (30).
276En effet :
277109. De puissantes oreilles il a fait don à celui qui a l’oreille faible12, au frère cadet de ce dernier, il a fait don de l’œil gauche : cite quelqu’un de plus généreux que cet océan !
278110. Aux dieux il a fait don de l’ambroisie, de l’arbre et de la vache qui donnent les fruits désirés, au mendiant nu d’un vêtement blanc : où voit-on pareil donateur ?13.
279La fortune de cet océan, en vérité ni Śeṣa lui-même ni d’autres ne la peuvent décrire ! (31)
280Vois :
281111. La fille de Jahnu, purificatrice de l’univers, est l’épouse de l’océan, il a pour fils (l’astre) qui a des doigts,
282Pour fille la riche Kamalā, quant à celui qui porte le titre de son gendre, c’est le Seigneur de l’univers !
Célébration du lieu saint de Jagannātha
283Il existe là une autre fortune de cet océan (32) :
284112. Voici, sur son rivage, le lieu de résidence de l’Être suprême, toujours visité par d’éminents Yaksa, Apsaras et Kinnara, séjour de félicité grâce à la présence du Bienheureux !
285Pour ceux qui abandonnent là leurs souffles, la délivrance est à portée de la main, soit ! Mais ô merveille plus étonnante !, même privé de crémation, le corps se maintient — tel le bois par exemple — sans altération !
286En outre :
287113. Mange-t-on avec dévotion le riz cuit — ou les autres (nourritures) — offertes en ce lieu à l’ami de Ramā, même si des gens de vile extraction l’ont apporté, ô prodige !, les graves péchés acquis au cours du cyle des existences sont anéantis ! Telle est la tradition sacrée.
288Laissant éclater son adoration :
289114. Puisse-je, à l’Admirable qui est présent dans (la statue) de bois, mangeant l’oblation offerte lors des sacrifices par les sages, Lui qui est fraîcheur, splendeur éternelle, pureté, rendre d’humbles hommages !
Célébration du pays Gurjara
290Après avoir, en ces termes, exprimé son hommage, il conduit le char en un autre endroit fort loin de là, et, plein d’exaltation (dit) :
291Ami, voici — l’on croirait, tant il est le siège de toutes les prospérités, le substitut du séjour des trente (dieux) — ce pays Gurjara qui comble les yeux de félicité ! (33).
292Car c’est là que :
293115. La bouche éclatante de suc de bétel nouveau mélangé de camphre et de doux arec, portant toutes sortes d’habits merveilleux suscitant des louanges unanimes,
294Parés de joyaux éclatants, le corps parfumé de safran, les jeunes gens que voici se divertissent avec des jeunes filles dont le plaisir au leur est égal !
295Ici, même la beauté des femmes est d’une autre ordre (34) :
296116. Voici leur corps à la couleur d’or affiné, leurs lèvres cuivrées et délicates, leurs mains qui imitent l’allure des jeunes pousses, leur voix — ce flot de nectar !
297Leur bouche pareille au lotus, leurs yeux trahissant la beauté des pétales de nymphea : de ces (femmes) aux beaux sourcils du Gurjara, quelle partie du corps n’est porteuse d’ivresse pour les jeunes gens ?
298Kṛś. : Il est vrai, pourtant ils ne sont pas habiles à jouir de (ces) biens précieux (35) :
299En effet :
300117. Ils abandonnent à la maison (leurs épouses) en proie au conflit de la pudeur et de la passion, avec leur beauté comme un éclair, leur corps amaigri, ce hélas ! même en la saison propice aux ébats !
301Sans cesse préoccupés de s’enrichir par le commerce de quantité de joyaux incomparables, ils errent à plaisir en des pays étrangers qu’il faut bien des jours pour atteindre !
302Viś. : Esprit stupide ! C’est là, de la part des hommes, une qualité de plus, non un défaut (36).
303118. En chaque pays examinant avec curiosité ce qu’il peut y avoir de merveilleux, ayant ainsi acquis une richesse incomparable, de retour en leur demeure,
304Ils rejoignent leurs épouses fidèles qu’une longue séparation a fait languir, et ils éprouvent en leur fortune une indicible félicité, comblés qu’ils sont de toutes les prospérités !
305C’est justement un comportement différent qui trahit de la bassesse chez l’homme (37).
306En effet :
307119. S’attirant le mépris de son épouse par suite de son dénuement et de leur excessive intimité, craignant tout le monde parce qu’il ne courtise pas les maîtres de la terre,
308L’insensé qui reste paresseusement chez lui, se conduisant comme les tortues en leur puits, a-t-il idée de ce qui se passe dans le monde ? Jouit-il du bonheur ?
309En effet :
310120. Celui qui, renonçant à s’occuper d’autre chose que de regarder le visage de sa femme, en sa maison s’assoupit, s’appauvrit, faible d’esprit qu’il est !
311Voici qui mérite attention (38) :
312121. Désire-t-on vivre à son aise sur terre, il faut aller au palais du roi, prononcer de belles paroles à l’assemblée, régler son affaire habilement,
313Se procurer sans effort de l’argent, gagner la faveur des favoris du souverain, rendre service aux gens, n’engendrer de tort à personne.
314Cet autre point doit encore retenir (ton) attention (39) :
315122. Que s’exprime ou non comme il sied un prince ignorant, il faut le louer sans relâche ; il faut célébrer son maître, fût-il stupide ; Veut-on savoir, il faut afficher, lors de l’assemblée, un certain détachement ; c’est lorsqu’il est satisfait qu’il faut exposer son affaire, en secret, au soutien de la terre !
Célébration de la rivière Yamunā
316Sur ce, « cessons, dit-il, ces digressions qui s’enchaînent » et, conduisant le char bien loin, les mains jointes pour l’añjali :
317123. En ta beauté sombre rehaussée par l’embrassement de Kṛṣṇa, ô Kālindī ! hommage à toi ! Pour les halliers que tes eaux imprègnent de myriades de gouttelettes, voici l’añjali
318Aux bergères qui s’y postent, dans le désir d’embrasser l’ennemi de Mura, hommage ! Et au Maître objet de leur vénération, adressons respectueusement l’expression de notre hommage !
319Kṛś. : Assez évoqué, mon char, Kṛṣṇa, joyau parangon des voleurs et des libertins, trompeur de l’univers ! (40)
320En effet :
321124. Il avait dérobé du beurre frais dans la maison d’autrui, Mukunda aux yeux mobiles, et, tandis qu’il le mangeait, fut pris sur le fait par les bergères qui le conduisirent devant sa mère :
322« Défense t’avait été faite de voler le navanīta (beurre frais) » : lui dit-elle, « pourquoi l’as-tu volé ? » ; « c’est pour t’obéir que je prends le mānavanīta (ce qui est apporté par l’homme) », rétorqua-t-il, rejetant la faute sur sa mère14.
323En outre :
324125. Après s’être amusé à placer, de sa propre main, un perroquet sur l’épaule d’une bergère aux yeux remplis d’effroi, Mukunda en proie au désir,
325Entendant de sa bouche les mots : « dérobe ce perroquet de mon épaule », lui retira... sa robe !
326De plus :
327126. Après une nuit passée auprès de Rādhā, l’ennemi de Mura regagnait, au matin, sa maison, lorsque (sa mère) feignant la colère, le semonça plaisamment : « ne commets pas de fautes, t’ai-je dit auparavant,
328Pourquoi as-tu été aparādhikaḥ (fautif) ? » « Pour te prendre au mot, j’étais sa-rādhikaḥ (auprès de Rādhā) » répondit-il, l’abusant par cet artifice15.
329Viś. : Mon cher, ne dis pas de choses pareilles ! Car, suprême purificateur, incarné pour anéantir les péchés de l’univers entier, comblant de félicité ses adorateurs, (le Dieu) qui est la félicité des Yadu est fort éloigné des voies du blâme ! (41).
330127. Pour détruire le mal il a pris naissance, on exalte ses exploits purificateurs de l’univers : à cet Être suprême digne de l’hommage universel, je présente mon hommage !
331De ce (dieu), écoutez maintenant la conduite prodigieuse ! (42).
332128. Qu’un voleur vole, c’est là chose répandue dans le monde ; mais qu’un vol vole, on n’avait jamais vu cela auparavant ; Les vols et autres actions célèbres de Kṛṣṇa ô prodige ! dérobent les noirceurs jusqu’à la dernière !
333129. Ô merveille des merveilles ! Lorsque s’est déployé le nuage sombre, la prospérité qui appartenait à l’eau a décliné !
334Comme il est normal, la chaleur brûlante s’est — enfin ! — apaisée ! ; le haṃsa (a atteint) son but dans le Mānasa ; de la boue a giclé !16.
335Laissant à nouveau éclater sa dévotion, il s’adresse au Bienheureux : 130. Toi qui réduis en poussière Kaṃsa, ruines Mura, détruis aussi Haṃsa, toi qui amoindris Bāṇa, triomphes de Baka, brises le roi du Puṇḍra ton ennemi,
336Anéantis Bhauma, toi qui, par la force, mates l’orgueil du meurtrier de Bala, toi qui protèges la multitude des hommes de bien dans la souffrance prosternés devant toi, ô Kṛṣṇa ! hommage à toi !
Célébration du Mahārāṣṭra
337A ces mots, il conduit le char loin de là, et, contemplant forêts, contrées, fleuves, montagnes, etc., pénétré de la plus vive admiration, s’adresse à Īsvara :
338131. Combien de plantes, combien d’arbres, combien encore de montagnes, combien d’océans, combien de rivières, combien de ces hommes que voici,
339Combien de femmes ô Toi ! as-tu créés ? Combien ô Maître ! de pays ? Je pense que ta grandeur n’est point à la mesure de l’intelligence !
340Ayant prononcé ces paroles, il gagne un autre endroit, et, les yeux fixés devant lui, avec un profond sentiment de respect :
341132. Voici l’illustre pays que l’on nomme Mahārāṣṭra : riche en eaux douces, sans rival, pareil à la cité des dieux, il est dans tout son triomphe !
342C’est là que des chefs de famille, indicibles océans de vertus, comblés de dignités, ne cessent d’exercer religieusement le culte de l’hospitalité.
343Kṛś. : Ami, pourquoi mentionner aujourd’hui une conduite qui est le fait des âges précédents ? Aujourd’hui, à la vérité, — telle est l’impureté de Kali ! —, voici quelle est devenue l’attitude des habitants de ce pays : (43)
344En effet :
345133. Perdant ici la journée en occupations infinies, faisant par contre leurs ablutions au moment des repas, jamais ils n’accomplissent le rite de la saṃdhyā en son temps ;
346Ils abandonnent le mode de vie qui est le leur, ces gens issus de familles brahmaniques, pour devenir comptables de village — honte ! — et vivre, pour la plupart, avec difficulté.
347En outre :
348134. Initiation et mariage — « il n’y a là que prétexte à fête » ! — en vertu de la puissance de Kali, (ont lieu) pour ces gens-là, dans l’ignorance des règles d’âge.
349Jamais ils ne renoncent, en un âge où seule convient l’étude du Veda, à la lecture des écritures barbares !
350De plus :
351135. Pour ces ignorants sans cesse préoccupés de langage profane, c’est lors de la récitation des formules au cours des rites qu’est accompli le vœu de silence !
352Passant tous leurs moments à copier gains et dépenses du village, de père en fils, — hélas ! — semblables gens ont ici une qualité de brahmane fort insolite !
353Autre chose encore :
354136. Que pour remplir son ventre en accomplissant les fonctions de serviteur d’un roi barbare, on vende jusqu’à sa propre personne contre salaire, soit !
355(Mais) bien qu’ils soient nés brahmanes, hélas !, ces gens trompent, par des habiletés de calculs, les maîtres qui les nourrissent et leur volent de l’or !
356Hélas ! Par la puissance de Kali, tout le monde a perdu la notion du bien et du mal ! (44)
357137. Ceux qui volent à main armée en pénétrant nuitamment dans une demeure ou dans un bois, ceux-là ne ravissent pas l’argent de leur maître, pourtant on les flétrit du terme de « voleurs » ;
358Eux qui, tous les jours hélas ! en faussant les comptes, ravissent l’argent de qui les nourrit, ces gens qui sont de surcroît des trompeurs, ah ! malheur ! tout le monde ici les respecte !
359« C’est assurément un pays sans rival » : ton expression est fort juste. Car ici, même au prix de peu d’efforts, on s’assure une grande supériorité (45).
360138. Est Vedavyāsa ici quiconque sait par cœur dix syllabes du Veda, mais quiconque récite un seul vers est Jīva en personne !
361(Serait) Āpastamba quiconque accomplirait correctement le rite du feu. Malheur ! Kali causant la perte des hommes cultivés, les sciences tombent en désuétude !
362Viś. : Pourquoi donc jeter ainsi le discrédit sur les dieux-sur-la-terre ? (46).
363139. Même ici, nombreux sont ceux qui font l’oblation à Agni, sont habiles à comprendre le sens des traités, jouissent, on le sait, de la paix ;
364Sont tournés vers l’intérieur, toujours pratiquant la connaissance de soi, (hommes) pleins de grandeur, qui ont renoncé aux objets extérieurs, qui suivent fidèlement la voie des textes sacrés !
365Autre chose :
366140. Purifiés par les ablutions et instruits dans les récits bienfaiteurs, évitant, selon la règle, le contact des impurs, le cœur attentif, ces gens,
367Après avoir fait l’adoration aux dieux, mangent une nourriture sans souillure préparée par des hommes purs : telle est en effet la grande vertu qui éclate en pays Mahārāṣṭra !
368En outre :
369141. Si, tantôt par un commandement militaire, tantôt par une charge civile, un groupe de deux-fois-nés issus du Mahārāṣṭra accédant aux positions dominantes,
370N assuraient la subsistance des dieux-sur-la-terre, alors cet univers investi par les barbares serait vide de brahmanes !
371Les autres fautes que vous avez dénoncées sont entièrement effacées, elles aussi, grâce au bienfait des gens vertueux (47).
372142. Il suffît, pour faire aussitôt disparaître mille péchés, d’un seul bienfait de brahmanes éminents ; une seule hache, dure et tranchante, peut, on le sait, abattre plusieurs arbres à poison.
373Kṛś. : Admettons ! Pourtant les gens d’ici qui sont issus d’une autre caste que la première ont une conduite absolument intolérable (48).
374Vois :
375143. Vagabondant pays après pays, commettant massacre après massacre de tous les brahmanes et autres gens, vol après vol — honte ! — de tous leurs biens, ces cupides scélérats remplissent leur ventre !
376Viś. : Il est vrai, pourtant leur conduite mérite, de la même façon, le respect (49).
377En effet :
378144. Par son habileté à ruser, la multitude des guerriers du Mahārāṣṭra avance en semant la terreur chez les souverains ennemis : si, âpre au combat, elle n’était toujours en marche,
379Ces Mogols qui se livrent à la destruction de la communauté des dieux et des brahmanes, ne trouvant point d’obstacles à leurs désirs, feraient disparaître du pays dieux et dieux-sur-la-terre !
380En conséquence :
381145. Puisque, pour le bien des dieux et des dieux-sur-la-terre, elle taille en pièces la multitude des barbares, il faut, sur terre, supporter tant bien que mal l’activité de l’armée du Mahārāṣṭra :
382L’amertume spécifique des médecines violentes qui chassent une foule de maladies, ceux qui désirent intimement la santé du corps doivent l’endurer.
383A ces mots, il conduit le char en un autre endroit, et, à la vue qui s’offrait à lui : « Quels sont ces hommes rassemblés en grand nombre qui noircissent toutes les routes ? »(50).
384Il examine avec soin et, plein d’exaltation :
385146. A travers Aṅga, Vaṅga et Kaliṅga, Magadha et Kuru, à travers le Kosala ou le (pays) des Kekaya, le Cachemire ou le (pays) des Kuntala, à travers encore les contrées barbares, les régions des Pañcāla,
386Le Népal ou le Kerala, (les pays) Pāṣḍya, Tuṇḍīla et Cola ; à travers Karṇāṭa, Gauḍa ou Lāṭa, cheminent un certain nombre d’hommes pieux, dans leur désir d’obtenir l’accès à l’autre monde !
387Kṛś. : Eh bien ! Pourquoi approuves-tu ces gens qui méritent le blâme ? (51).
388147. Voici des hommes issus de castes différentes qui, se mêlant les uns aux autres par la puissance de Kali, jouant de longue date la comédie du renoncement, abandonnant castes et (pratique des) étapes de vie,
389Refusant de saluer les gens sans péché versés dans le Veda, dénués de tout, trompeurs habiles, se livrent, pour remplir leur ventre, à la mendicité dans les régions cardinales et intermédiaires !
390En outre :
391148. La qualité de brahmane que de très éminents Ṛṣi à la conduite sans tache, Viśvāmitra et d’autres, ont obtenue au prix d’ascèses nombreuses et incomparables,
392Voici qu’ici-bas certaines gens l’abandonnent alors qu’ils l’ont acquise par la naissance et, s’introduisant malheur ! — parmi ces hérétiques qui se détournent de la Triple (Science), sont frappés de déchéance !
393Viś. : Pourquoi donc partir en guerre contre ces dévots de Hari qui ont pourtant renoncé aux passions ? (52).
394149. Il n’y a pas de faute à redouter si la dévotion à l’impérissable est inébranlable ; on ne redoute point les ténèbres si l’on tient un grand flambeau.
395En outre :
396150. Le malheur, le péché inné et l’ignorance tenace, ô prodige !, une seule adoration intense à Hari les anéantit ;
397Par une seule flèche du Raghuvide, on le sait, sept palmiers, une montagne, l’enfer même ont été aussitôt fracassés !
398De plus :
399151. Elle disperse les ténèbres épaisses, coupe la forêt des péchés et comble les désirs, accroît les diverses félicités
400Et baigne sans cesse l’esprit de torrents de nectar, elle fait apparaître le bonheur en sa pleine maturité, la dévotion au Seigneur du pic du taureau !
401A quoi bon poursuivre ?
402152. C’est à ces hommes au corps purifié par le bain dans les rivières sacrées telle la Gaṅgā, absorbés en pèlerinages dans les divers lieux saints, pratiquant le renoncement aux femmes, au foyer, aux enfants, que ceux qui connaissent l’essentiel doivent témoigner du respect !
Célébration du pays d’Āndhra
403Sur ce, il conduit le char en un autre endroit qu’il examine attentivement :
404153. Hanté par des crocodiles et des dauphins magnifiques, avides de son eau, habité par le feu infernal17, le pays d’Āndhra est, en sa splendeur, l’égal du maître des rivières !
405Kṛś. : Eh bien ! Pourquoi célèbres-tu ce pays où sont transgressées les bornes de la bonne conduite ? (53).
406Vois :
407154. En chaque village demeure de longue date, avec la qualité de maître, le śūdra ; devenu serviteur, le brahmane récite les comptes à ses côtés ;
408Existerait-il quelque part un homme adonné à l’étude du Veda, tel un étang dans un désert, voici que c’est à la tâche de laver la vaisselle qu’il se trouve ici commis !
409En outre, les défauts que l’on a constatés dans le Mahārāṣṭra sont ici transposables (54).
410Viś. : mon cher, ne parle pas ainsi ! (55).
411155. Qu’importe que ces gens ne sacrifient pas ici en des cérémonies sans souillures, qu’ils ne récitent point les Paroles éternelles !
412La dévotion aux divinités et les dons aux dieux-sur-la-terre leur effacent fautes de toutes sortes !
413Vois la fortune de ces gens (56) :
414156. Délicieuses par la raie de leur chevelure — cette fille du soleil ! —, par ce fleuve céleste qu’est leur splendide collier de perles, nanties de ces montagnes que sont leurs seins saillants, charmantes par cet étang qu’est leur nombril,
415Riches en trésors à l’égal de la forme matérielle de la terre sont les femmes de l’Āndhra, dont jouissent à leur gré les jeunes gens comblés de fortune à l’égal des protecteurs de la terre !
416Écoute !
417157. Quel est donc le mérite de l’arbre Kalpa ? Il se complaît à soutenir des ivrognes qui pillent de force les biens les plus précieux des sages qui s’abritent en lui !18.
418Karṇa ? Il n’a de cesse d’anéantir la gloire d’Arjuna ! Le nuage noir ? Il gronde ! En revanche, les rois du pays d’Āndhra ont générosité sans faille, sans défaut !
419Regardant de tous côtés :
420Mon cher, vois ici, sur le bord de la Godāvarī, chez certains de ces brahmanes, un intense désir d’adorer Śiva ! (57).
421158. Dans les tīrtha limpides de la Godāvarī, ils font leurs ablutions, dans les liṅga faits de sable, ils se représentent mentalement Siva ;
422Dévotement, avec du sésame, des grains de riz, des fleurs, avec aussi des feuilles de bilva, les brahmanes que voici lui rendent adoration en ce lieu !
423Débordant de dévotion :
424159. Je m’incline respectueusement devant ces hommes : leur adoration aux pieds de l’époux de la fille de la montagne anéantit la multitude infinie des péchés, ils pressent toujours en leurs mains de beaux grains de rosaire,
425Leur esprit est sans tache, ils réalisent les moyens de délivrance tels la discipline mentale, le contrôle des sens, etc., par la répétition du Veda, ils purifient abondamment le lotus de leur bouche !
426Ah ! De ces gens qui suivent le rite védique, habitant au cœur de la (région) enclose entre Kṛṣṇā et Godāvarī, il faut exalter la tradition suivie sans défaillance ! (58).
427160. Écartant le péché par la lecture des textes védiques, sachant la conduite judicieuse, en ce lieu nombre de brahmanes,
428Chaque printemps entreprenant des sacrifices, demeurent à leur aise, entièrement voués à Mukunda !
429Les habitants d’ici, tout engagés qu’ils soient dans l’exercice d’une charge (observent) cette règle irréprochable (59) :
430161. On doit s’attacher au maître des hommes, se procurer beaucoup de biens, entreprendre de faire des dons, étendre sa gloire jusque dans les dix régions.
431Kṛś. : Regardant tout autour de lui :
432Hélas ! Sans cesse engagés dans les pires vices, des barbares errent en bandes dans ces régions, Vois, mon ami (60) :
433162. Parés de chevaux qui surpassent le vent, mettant à sac les demeures de Bhava et du (dieu) qui repose sur le serpent, initiés à la destruction de l’ordre religieux : libations, etc., les barbares parcourent le pays, plongeant le monde en la terreur !
434Viś. : Il est vrai, prends néanmoins en considération cette qualité qu’ont Turcs et barbares : un héroïsme qu’on ne retrouve chez personne d’autre (61).
435163. Viennent à s’assembler pour le combat — hélas ! — de cruels combattants par milliers : qu’impétueusement, parmi ces Turcs et ces barbares, un seul soldat, sur son cheval,
436Brandissant son épée, surgisse de son rang mû par la fureur, voici tous ces malheureux, privés de secours, à manger la poussière, dans une situation désespérée !
437En outre :
438164. Qu’ils s’enivrent de vin ces (guerriers) ! Qu’ils écrasent les pays hélas ! Qu’ils enlèvent les femmes des autres, que même ils renient les Veda !
439Et pourtant : sur le champ de bataille, renonçant à la vie comme si ce n’était qu’herbe, ils s’ouvrent de vive force le vantail de la demeure des dieux !
Célébration du pays Karṇāṭa
440A ces mots, il dirige le char vers un autre endroit, et, reconnaissant le pays qui s’offrait à sa vue :
441165. La région de Karṇāṭa qui jadis parait la région de l’oreille, la voici maintenant devenue — vois ! — parure pour les yeux !
442C’est bien un ravissement pour les yeux que le charme de ce pays ! (62).
443166. En chaque cité, ici, des jardins ; en chaque jardin, des aréquiers vite mûrissants ; des fleurs sur chaque aréquier ; un flot de suc encore qui s’écoule de chaque fleur ;
444167. En chaque goutte de suc des abeilles virevoltent ; en chaque abeille des bourdonnements, à chaque bourdonnement, de grands gestes lascifs chez les (femmes) aux beaux yeux, à chaque geste lascif, la passion !
445Kṛś. : Malheur ! Pourquoi fais-tu l’éloge de ce pays digne de blâme ? (63)
446En effet :
447168. Il y a ici, souillés par leur aversion pour le Veda et ses prescriptions, frottés de cendres, d’effrayants hérétiques, à la poitrine ceinte de liṅga !
448Écoute ! C’est encore une autre inconduite de leur part : (64)
449169. A l’idée que la tête de l’ennemi de Tripura est baignée par les eaux divines des pieds d’un brahmane éminent, de jalousie, ces sūdra porteurs de liṅga baignent eux-mêmes cette (tête de Śiva) avec l’eau de leurs propres pieds, sacrilège !19.
450Viś. : Mon ami, ne profère pas de telles paroles ! Puisqu’en ce pays l’on voit des lieux sacrés, comme la montagne de Yadu ! (65).
451170. Réprimant pour ses dévots le mal irrépressible, hanté par ceux qui sont les Indra des ascètes, purs en leurs pensées, exempts de mollesse,
452Voici que brille le mont Yadu sur lequel resplendit, chose célèbre ! le nuage sombre qui est Nārāyaṇa, faisant pleuvoir la félicité !
453Laissant éclater sa dévotion :
454171. Les flancs du mont Yadu sont sa demeure, la masse des bijoux qui étincellent sur la tête du roi des cieux irradie d’un flot de lumière le lotus de son pied,
455Elle a la forme d’un nuage nouveau, elle est parée du nom de Nārāyaṇa, infinie est la sève de sa compassion : voici que resplendit la Divinité suprême !
456Il reprend, saisi d’admiration :
457172. Le Puissant qui, jadis, brillait au service du souverain des Yādava, aujourd’hui brille en dominant le souverain des Yādava !
458Avec exaltation :
459173. L’argile blanche jadis apportée par le roi des oiseaux depuis l’île blanche sur ce mont, les hommes vertueux, en la portant sans cesse sur le front, balaient de leur esprit l’impureté !
460En outre :
461174. Célèbre par ses attaches avec la (rivière) issue du pied de Viṣṇu, pure retraite, un étang en cet endroit, anéantit le péché, comme un poète au cœur pur, adorateur de l’ennemi de Kaṃsa, (célèbre par les vers qu’il dédie à Viṣṇu).
462A ces mots, il met en marche le char en direction d’un autre lieu, et, pénétré de félicité :
463175. Cette cité siège de l’argent, c’est de la splendeur de l’or dont elle fait montre, merveille extrême ! Le sage demeurant ici, porteur de cuivre brillant, jette, à son contact avec le fer, un extrême éclat !20.
464Il reprend, avec exaltation :
465176. Les Indra des oiseaux pleins de pureté, qui aspirent à ses eaux, le fréquentent, sur le sol il a fait jaillir de la boue ; donnant tout son sens au nom de « Gué de la Félicité », se rendit visible en cet endroit l’Indra des ascètes !21.
466Kṛś. : Soit ! pourtant, il y a, même chez les deux-fois-nés de maintenant adeptes de sa doctrine, nombre de manquements à la bonne conduite : écoutez ! (66).
467177. La communauté de Madhva omet régulièrement le rite de la saṃdhyā, — elle a (pourtant) étudié les traités —, et c’est lorsque le soleil est dans toute sa force qu’elle s’acquitte de la saṃdhyā de l’aube !
468Elle n’en considère pas moins qu’il n’est point d’autre homme pieux digne de considération sur la terre ; elle ne craint pas d’abandonner ce qui est prescrit !
469En outre : 178. Celui qui. soudain, néglige la sainte gāyatrī, renonce à l’investiture avec le cordon sacré, abandonne, de surcroît, le toupet d’ascète, qui, jouant le renonçant une fois atteint le quatrième âge,
470Monte en un véhicule bien fermé pour parcourir sans peur des pays étrangers — malheur ! — afin d’amasser des biens, celui-là seulement est le maître spirituel de ces gens-là !
471Hélas ! Quel grand égarement est celui des sages eux-mêmes par la puissance de Kali ! (67).
472Regarde ;
473179. Voit-on n’importe où un ascète monté dans une voiture, un bain tout habillé est prescrit par la Smṛti aux hommes éclairés ; prend-on sa nourriture, un jeûne par expiation suivant les phases de la lune (leur) est enjoint :
474Au lieu de cela, que de cet ascète la vue confère la délivrance, que sa nourriture enlève tous les péchés, le sage lui-même en est convaincu !
475Vois l’aversion du roi Kali pour les maîtres de maison, et son inclination pour les mendiants : (68)
476180. Ils s’en vont mendier — ô honte ! — pour nourrir leur ventre, usent leurs pieds en marches, les maîtres de maison, et revêtus de vêtements élimés font halte dans une maison décrépite ;
477En fins vêtements brillants, montés dans de magnifiques palanquins, faisant don de nourriture aux maîtres de maison, les ascètes renonçants résident en des bâtiments de pierres solidement assemblées : car ils sont riches !
478Autre point :
479181. Les tenants de cette doctrine, qui n’ont pas étudié les Veda — hélas ! mais récitent les thèses des traités, ont à l’évidence,
480L’attitude d’hommes qui manquent de respect aux maîtres mais se vouent au culte de leurs serviteurs !
481En outre :
482182. Par suite de l’abandon de l’oblation aux deux moments du onzième jour, le feu a revêtu pour eux un caractère profane :
483Aussi, pour éviter un acte de violence inutile, vaudrait-il mieux pour eux adopter un modelage d’animal sacrificiel !
484Viś. : Pourquoi donc calomnies-tu des brahmanes si ardents dans l’excès de leur dévotion à Keśava ? En vérité cette conduite pure des tenants de la doctrine de Madhva met au cœur le plus extrême ravissement ! (69).
485Depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse, leur observance stricte d’un jeûne total le jour de Hari triomphe ! — comme, jour et nuit, leur hommage ininterrompu à Nārāyaṇa ;
486Digne de louanges est leur dévotion sans limites aux adorateurs de Viṣṇu, inébranlable leur foi en la doctrine exposée par leurs maîtres : ces disciples de Madhva n’ont-ils point une sainte conduite ?
487Quant aux ascètes qui sont leurs maîtres, ils parviennent à une totale absence de vices grâce à la pureté de leur conduite (70) :
488184. En ablutions rituelles du Pourfendeur des fils de Danu, en réflexions sur les purāṇa, réflexions qui bannissent l’erreur, en bains dans les tīrtha sacrés,
489En méditations sur la science de Brahma, fort éloignées des narrations profanes du cycle des existences, ces hommes purs en leur conduite passent le temps comme un instant.
490Dénoncer le vice comme tu l’as fait plus haut ne plaît qu’à ceux qui, à ta ressemblance, ont le cœur aveuglé par la présomption, non à ceux qui reconnaissent les vertus (71).
491185. Si, pour secourir, sur l’ordre de son maître, d’innombrables disciples habitant divers pays, cet ascète incapable de voyager à pied trouve un véhicule, quel mal y a-t-il ?
492S’il consacre la totalité des biens donnés par les croyants à adorer sans relâche l’ennemi des démons, et demeure sans y toucher personnellement, pourquoi l’en blâmer ?
493En outre :
494186. (Ces mets) consacrés au Maître par un ascète qui n’agit pas en son nom propre, comment auraient-ils qualité de « nourriture d’ascète » ? Dès lors, où est la faute pour ceux qui en mangent ?
495Ce (raisonnement) s’étend également aux ascètes maîtres de couvents, même s’ils appartiennent à des confessions différentes (72).
496Remarquons encore ceci :
497187. Si d’aventure quelques deux-fois-nés, par faiblesse, ne s’acquittent pas, au moment requis du culte de la saṃdhyā, qu’en résultera-t-il ?
498Car se soustraire aux pratiques (enseignées) par les textes sacrés est un péché pour les êtres corporels, mais quand elle est dictée par l’incapacité, la non-observance ne leur est jamais imputée à faute !
499En outre :
500188. « En suivant la voie de son père (et de ses ancêtres), on ne commet point de faute » : pour qui connaît ce précepte de la tradition, il est, en effet, difficile de parler de faute chez ces gens-là.
501Sur ce, il conduit le char plus avant et, regardant de tous côtés :
502189. Langue, costume, coutumes, parures — regarde ! — distinguent les hommes et les femmes qui apparaissent en chaque pays, ô surprise !
503Kṛś. : Ami, ne dis pas « regarde », mais hâte-toi de traverser ces contrées où les gens ressemblent à des singes ! (73).
504190. (Tout comme ils regardent avec la même indifférence) l’intensité de l’éclat lunaire et l’épaisseur des ténèbres, le Cāmpeya et le Kimpāka, le roi des serpents dans tout son rayonnement et un petit reptile, le lotus bleu et la pomme épineuse,
505Une troupe de coucous qui s’ébrouent et une bande de corbeaux, l’océan de lait et un puits, ils considèrent manifestement avec la même indifférence l’homme cultivé et le sot, les misérables qui habitent ici !
Célébration du mont Veṅkaṭa
506Viś. : (Ayant aquiescé en disant) « Aum », dirige le char en droite ligne devant lui ; pénétré de félicité et les mains jointes pour l’añjali (il dit) :
507191. Masquée d’arbres splendides — bosquets de tamāla embaumants, manguiers croissant à profusion, tilaka, sāla et autres essences précieuses —,
508Encline à protéger ceux qui s’y abritent, favorisant les jeux du Seigneur de Śrī, extirpant les racines du cycle des existences, que soit l’objet de notre culte la montagne de Śeṣa !
509Au comble de la joie :
510192. Parmi serpents et arbres, oiseaux, tigres royaux, antilopes, rochers, lianes et cavernes, torrents, ici désirent ardemment naître ceux qui sont les Indra des ascètes !
511193. Envers (le dieu) qui est l’essence des divers textes sacrés, seul en mesure de sauver l’univers, qui s’ébat sur le pic du taureau, tenant son épouse enlacée sur sa poitrine,
512Le bienheureux héros des Yadu, accessible à la compréhension de ses dévots, puisse longtemps s’exercer la dévotion, lui le généreux, l’inaltérable !
513Ah ! Sublime est, en vérité, la fortune de ce mont ! (74).
514Car :
515194. Cet éclat qui au ciel même est sans désirs, dont sans déclin est la majesté, éprouve ici du charme — conduite étonnante ! à se complaire en compagnie de la Charmante !
516A ces mots, il s’absorbe en une méditation pleine de félicité.
517Kṛś. : Merveille ! Ayant banni l’attachement à d’autres objets, ton cœur n’éprouve qu’union profonde avec ce dieu ! (75).
518Viś. : Ami, vous avez dit vrai : (76)
519195. Portant toujours sur sa poitrine (la déesse) aux belles dents, comblant les hommes vertueux d’un bonheur au-delà de toutes limites, au cœur de quel homme raffiné la divinité qui s’est emparée du pic du serpent, ici ne pénètre-t-elle pas ?
520Kṛś. : Pourquoi donc t’attacher à ce dieu tout à fait cupide ? (77).
521196. Que, pour obtenir ce qu’ils désirent ou encore faire obstacle à ce qu’ils redoutent, des gens supplient avec dévotion et fassent promesse expresse de donner de l’argent, puis, une fois obtenu le fruit de leur désir,
522N’en donnent pas, voici que (le dieu) en personne sème en eux la crainte et — significatif est son titre de « ravisseur d’or » —22, leur prélève cette somme en entier avec les intérêts !
523En outre :
524197. D’un « mon cher ! » il salua un inconnu, alors qu’en la forêt il souffrait de la soif, et lui quémanda quelques gouttes d’eau ; pour un inconnu qui s’efforçait de creuser un bassin ici sur la montagne, il transporta — honte ! — une masse de terre ;
525Un inconnu lui avait donné une guirlande qui n’était faite que d’argile ; il la mit en guise de diadème ! Voilà celui qu’à l’envi les hommes qui connaissent la Révélation glorifient du titre de « Maître de l’univers », celui qu’ils contemplent mentalement !
526Viś. : Pourquoi donc, à l’encontre du Maître du mont Veṅkaṭa, ce trésor de compassion, nourrir du ressentiment ? (78)
527Écoute :
528198. Le gouverneur des créatures, l’Esprit suprême sur le mont du serpent, qui joue avec la création, la perduration et la disparition de l’univers entier,
529Pour manifester son accessibilité, alors qu’il est si haut, lui le maître de Veṅkaṭa, océan de pitié, quel rôle d’homme lequel en vérité ? — ne tient-il point ?
530En outre :
531199. Prenant peu, offrant tout ce qui est souhaité, le Maître du mont Añjana manifeste avec la plus grande clarté aux hommes la générosité avec laquelle il accorda la prospérité à Kucaila, lors de son avatar en Kṛṣṇa !
532200. Hari a pour épouse bien-aimée la Fortune, pour demeure Celui qui a mille trésors en personne23, le Maître du disque terrestre24 pour beau-frère, Celui qui est une mine de joyaux pour beau-père :
533S’il prend pourtant des biens, ce Maître de l’univers qui en est comblé, c’est pour faire, aux hommes qui l’adorent ici-bas, une immense faveur !
534L’Être suprême, maître de l’univers, qui a nom Śrīnivāsa, ne se complaît qu’en une infinité de sublimes vertus ennemies de tout ce qui est à proscrire : à dénombrer les gouttes de nectar de l’océan de ses vertus sont malhabiles, en leur sagesse, le Sage lui-même et les autres Ṛṣi ! (79).
535201. Unique soutien de la Majesté, séjour de la dignité, réservoir pour les canaux de la beauté, matin pour les nénuphars que sont les choses de bon augure, océan aux vagues de sève d’une compassion sans borne,
536Maison d’agrément pour ces Lakṣmī que son amabilité et libéralité : tel est le Seigneur de Veṅkaṭa ; à s’efforcer de dénombrer la multitude de ses nobles vertus, qui n’aurait la voix défaillante ?
537En outre :
538202. Toute entière, la multitude des vertus de Hari a été recensée par les Veda ; (mais c’est) lors même que (le dieu) est visible que le doute au sujet de sa transcendance a été (visiblement) écarté !
539Ah ! De ce (dieu) pourtant suprêmement noble l’accessibilité, comme d’une fleur dorée le parfum, ne plaît qu’aux (gens) raffinés ! (80).
540Vois :
541203. Celui qui seul est habile à extirper les terribles épines de l’univers, qui séjourne dans le disque du soleil, qui est cher au Pāṇḍava,
542Dont l’action est éternelle, dont les yeux sont des lotus gracieux, c’est Lui qui se fait ornement du noble mont de l’Indra des serpents !
543Observe chez Celui qui est le diadème de la noble montagne du serpent, le (dieu) qui tient le disque, l’habileté si délicate à accorder très largement une foule de vœux ! (81).
544204. Le muet prononce un vers que les sourds entendent, que le mutilé plein de foi écrit, que l’aveugle voit en rendant grâces ;
545Soudain — prodige ! le boiteux gravit le faîte d’une montagne, tout amollies par le port d’un enfant en leur sein s’alentissent les femmes stériles !
546Examinant le mont sous toutes ses faces, plein d’exaltation :
547205. Il est plus haut que tout, il abrite des grottes magnifiques, les hommes vertueux célèbrent sa nature, il nourrit une foule de roseaux éclatants, de ses pics jaillit la lumière : le voici !
548C’est bien ce soutien de la terre que la multitude des singes reconnaît comme le Seigneur de la fille de Janaka, et — vois ! — cherchant en lui refuge, elle l’enveloppe totalement !25.
549A nouveau pénétré de félicité :
550206. On peut constater que ce roi des serpents a de multiples pattes, (mais) on a loisir d’observer un autre prodige tout à fait extraordinaire :
551En son sein un nuage porte un éclair toujours fixe, et, en retour, cet (éclair) porte constamment un nuage sur son sein !26.
Célébration de la forêt
552A ces mots, il dirige le char en direction du sud, et, pénétré de félicité :
553Contemple, ami, le charme extrême de ces bois (82) :
554207. Avant, toujours plus avant, resplendit la forêt épaisse ; en chaque forêt un grand mont ; sur chaque mont une caverne habitée ;
555En chaque caverne un lion occupé à s’ébattre ; en chaque lion un rugissement irrépressible qui sème la terreur chez les éléphants !
556Kṛś. : Pourquoi donc célèbres-tu des forêts où les gueules des tigres féroces avides d’avaler des membres humains offensent les yeux ? (83).
557208. Ici un amoncellement de rochers, là des boas, là un rassemblement de pillards, là un fourré d’épines,
558Là des tigres cruels, là des bambous qui jettent des flammes : à la vue de cette forêt, mon esprit — horreur ! — tombe dans l’égarement !
559Viś. : Mon ami, un examen intelligent te fera saisir aussi les vertus de ces bois (84) :
560209. On y cueille sans peine des fruits capables de faire les délices des maîtres de la terre eux-mêmes, on y trouve sans effort des fleurs que prisent (les épouses) aux beaux yeux des rois,
561On y découvre facilement des demeures de pierre à l’abri du soleil, merveille ! La félicité de ceux qui habitent la vaste forêt va bien au-delà des paroles !
562De plus :
563210. Les lions s ébattant dans les cavernes secrètes blessent de leurs griffes des éléphants dont les tempes laissent couler quantité de perles,
564Parure ô merveille ! des femmes en compagnie desquelles longuement s’ébattent ici, à leur aise, les Śabara livrés aux extrêmes voluptés !
Célébration du mont Ghaṭikā
565A ces mots, il dirige le char céleste vers le sud, et montrant ce qui est devant lui :
566211. Avec ce clair de lune merveilleux qu’est l’éclat des crocs éblouissants du (lion) rugissant-à-pleine-gorge en ses gorges, l’on croirait un mont de cristal : le mont Ghaṭikā à présent comble de félicité nos yeux !
567Débordant d’amour, il joint les mains pour l’añjali :
568212. Sur sa noble enseigne siège Tārkṣya, il accroît les plaisirs amoureux de Śrī, il abolit la vue de l’enfer : à l’Homme-Lion, hommage !
569En outre :
570213. Au nombre de ses emblèmes constants figure la conque, des foules de dieux vénèrent ses pieds, à anéantir les ennemis il est habile : sur l’Homme-Lion, bénédiction !
571214. Sa manifestation lui a permis d’entreprendre le bonheur du (dieu) qui brise l’orgueil de Jambha, de Śambhu (même) il mérite l’estime : sur l’Enfant de la colonne, bénédiction !
572Kṛś. : Pourquoi donc prononces-tu l’éloge de l’Homme-Lion, en dépit de sa nature irritable ? (85)
573215. Pour plaire au seul Prahlāda, il a, jadis, inspirant la terreur à l’univers tout entier, revêtu un corps de lion : comment ton éloge peut-il s’adresser à lui ?
574Viś. : Mon cher, ne parle pas ainsi ! (86).
575Car :
576216. A la tête des méchants, Hiraṇya (kaśipu) harcelait les trois mondes, et c’est pour mettre fin à leur tourment que Śauri, sous prétexte de dissiper la souffrance du fils de Kayādhu, d’un pilier, ici-bas, jaillit soudain !
577Considère encore ceci :
578217. En adoptant forme humaine et animale, alors qu’il est constamment dieu, en surgissant en personne d’un objet inanimé, il manifeste avec éclat ici-bas ce qui est enseigné dans les Veda : son affinité avec une force d’énergie prodigieuse !
579Il ajoute, pénétré de conviction :
580218. S’il considère son corps par nature éphémère comme une ghaṭikā, s’il gravit, mû par la dévotion, le mont Ghaṭikā, contemplant les pieds de l’Homme-Indra des Lions, jamais être humain ne glissera dans l’enfer !
Célébration de la forêt Vīkṣā
581A ces mots, il pousse le char dans une autre direction, et, tout en liesse :
582219. Voici celle que l’on nomme la forêt Vīkṣā, voici l’étang qui dévore les tourments du cœur ; sur sa rive, célèbre sous le nom de Vīrarāghava, Hari
583Se manifeste en tout son éclat : déployant la splendeur de ses armes comme un feu (la splendeur de ses flammes), il honore le lieu sacré, terre propice à l’herbe Kuśa, dont le vénérable Śālihotra est la parure !
584Il vous faut admettre ici une chose étonnante (87) :
585220. C’est un corps qui se plaît parmi les fleurs et qui, comme son nom (l’indique), est couleur d’abeille27 que possède Vīrarāghava, lui dont le visage, vénéré par (l’astre) qui brille dans la belle période, tout comme ses deux pieds (par le roi des dieux), est éblouissant !
586Kṛś. : mon cher, pourquoi t’efforcer de louer Vīrarāghava ? Puisque chez lui, comme chez le Maître du pic du reptile, les vices sont manifestes, notamment la propension à s’emparer de l’argent d’autrui ? (88).
587Viś. : En ce cas, l’argument que nous avons exposé plus haut doit vous satisfaire ici encore, noble ami. Ô misérable esprit ! Qui, en son esprit, ne se réjouit du dieu Vīrarāghava ? (89).
588221. Son regard peut réaliser la création de l’univers, sa poitrine est marquée par la laque des pieds de la (déesse) au beau corps, voici qu’il est visible en tout son éclat, l’Être suprême qui a reçu les hommages du Seigneur de la fille de Dakṣa et des autres (divinités),
589Le Maître de la forêt Vīkṣā, voie de salut : s’unir (à lui) a la saveur du raisin pour ceux qui désirent intelligence, patience, longue vie, santé, richesse, gloire, délivrance !
590En outre :
591222. Ayant gagné le bois de Vīkṣā, le haut santal jaune toujours enlacé par une liane de couleur splendide couverte de fleurs, fréquenté par le roi des serpents, dispense à ceux qui s’abritent sous lui un agréable parfum !28.
Célébration du vénérable Rāmānuja
592A ces mots, il met en marche le char en direction d’un autre endroit, et, reconnaissant ce qui s’offre à sa vue :
593223. Voici Bhūtapurī que j’ai déjà contemplée, (cité) qui anéantit les péchés ; c’est là qu’océan de vertus, se rendit visible le vénérable ascète Rāmānuja ;
594Issu du barattement de l’océan de lait qu’est la fin de la Triple (Science), ce beurre frais qu’est la Science par lui promulguée, aujourd’hui encore, est pour les sages jaillissement de lumière !
595En outre :
596224. Le simple désir (d’entendre) son nom irréprochable a pouvoir d’effrayer la cohorte des ennemis tels Kāma, la plénitude de son intelligence égale celle du Maître des êtres célestes, sa majesté passe les bornes de la parole,
597Il a le visage de la lune en tous ses quartiers, sa splendeur immaculée humilie le soleil : puisse-t-il faire éclater les prospérités sur cette terre et dans l’au-delà, cet illustre Rāmānuja, maître des ascètes !
598De plus
599225. De gloire éclate l’ascète Rāmānuja dont la parole écarte quiconque professe une autre doctrine, confère une sagesse irréprochable, ravit les sages et brise la souffrance !
600Autre chose :
601226. Causant la félicité des hommes sages par le barattement des traités de la Mīmāṃsā, les œuvres de l’ascète Lakṣmaṇa, telles les flèches du frère aîné de Lakṣmaṇa (brisant les armes des dévoreurs de chair), sont triomphantes !
602C’est ici que, jour après jour, certain sage éminent lui rend hommage en ces termes (90) :
603227. Au maître Rāmānuja, Śeṣa revêtu d’une apparence humaine, qui a chassé le péché, je dépêche mon hommage ! Désireux de protéger jusqu’aux êtres insignifiants tels que moi, il est descendu sur terre, déployant la plénitude de sa sagesse !
604Ainsi s’exprime-t-il ; écoute encore ceci :
605228. Les deux frères cadets de Rāma, attachés à la fréquentation de Yāmunatīrtha, sont apparus pour anéantir Naraka ; le plus âgé des deux composa la Gītā, mais le plus jeune en exécuta le Commentaire !
606Kṛś. : Il est vrai, pourtant les tenants de la voie de Rāmānuja, ont, malgré leur sagesse, des défauts bien connus, à commencer par le mépris des autres (91).
607En effet :
608229. L’homme cultivé qui n’a de goût que pour le système philosophique de Rāmānuja, dans une assemblée de sages comblés de vertus éminentes, mais favorables à une autre doctrine, jamais ne prend de repas ;
609Vois ! ont-ils porté les yeux sur le riz le plus pur, il se hâte de le repousser : passe encore ! (Mais) même en compagnie des adeptes de cette doctrine qui est la sienne, il n’a pas coutume de manger !
610En outre :
611230. Pour ces gens qui appartiennent à des familles de deux-fois nés, il est déplacé de s’épuiser ici-bas sur le Livre tamoul, alors que le Veda, moyen d’obtention de tous les buts de l’homme, requiert leur respect !
612Une fois qu’il a atteint le rivage de l’océan de lait revêtu de la splendeur de l’Ennemi des démons, quel homme avide de puiser du lait s’en va courir à la demeure d’un vacher ?
613En outre :
614Certains adeptes de cette doctrine ont une conduite que désapprouvent les gens qui suivent les rites védiques (92).
615Vois :
616231. Abandonnant les cinq sacrifices, abusant les ignorants grâce à des paroles tamoules, tournant en dérision les sacrifices — scandale ! —, allant souvent jusqu’à empêcher le culte de Hari,
617Rompant avec la pratique du sacrifice aux mânes, obligeant l’ascète lui-même à rendre un culte aux maîtres de maison, exerçant le mépris à l’égard des gens vertueux, il en est qui passent leur temps en actes proscrits !
618En outre :
619232. Délaissant la cloche dont le son, lors de l’adoration à Hari, éclate d’harmonie dans tous les mondes, ruinant l’illustre gloire, enseignée par la Révélation, de la Mère des trois mondes,
620Buvant dans leur assemblée, — uniquement suivant un culte de leur convention — l’eau (qui sert à laver) leurs pieds, il en est qui sèment le désordre en l’univers, soutenant que Keśava éprouve les conséquences des fautes !
621De plus :
622233. Les cinq sacrifices que l’on qualifie du terme de « grand » et d’autres qui sont illustres, le rite qu’accomplissent tous les sages lors d’une éclipse, à l’entrée (d’un astre dans un signe du Zodiaque), etc.
623Tout cela, ils le rejettent, disant que c’est rite intéressé, ces gens qui déshonorent le Vedānta, pour adopter comme pratique quotidienne deux choses : nourriture et luxure !
624Autre chose encore :
625234. Portant l’égarement chez les sages eux-mêmes par le récit de mille traditions fausses, grâce à leur affectation de bonne conduite ces êtres pervers, refuges de l’hypocrisie, se rendent maîtres des mondes !
626En outre ;
627235. La communauté dans laquelle il n’y a point de respect des hommes qui connaissent les normes, où, par contre, le sacrificateur est objet de risée, et où l’on voue un culte à ces illettrés qui, par convention arbitraire, font office de maîtres,
628Où sont méprisés les Veda, où l’on bannit l’observance des castes et des périodes de vie, à cette communauté qui favorise l’extension du vil Kali, hommage !
629A quoi bon poursuivre ?
630236. Les sacrifices — par exemple — dont l’omission une seule fois entraîne, en règle générale, un grand démérite, ils les abandonnent, ici-bas, alors qu’ils sont clairement prescrits par le Veda !
631Par contre, ces sots ne pratiquent qu’un rite établi par convention arbitraire. Ô malheur ! Malheur ! Voilà la floraison du maudit Kali !
632En outre :
633237. Ils ne se baignent pas dans la Gaṅgā elle-même, disant qu’elle coule du chignon d’un danseur, ils ne plongent pas dans l’océan qu’ils traitent d’étang au goût de sel,
634Ils ne consomment même pas les cinq produits de la vache, disant — malheur ! — qu’ils ne sont qu’excrément d’animal ! Les vices de ces gens, qui serait ici-bas capable de les dénombrer ?
635Viś. : Pourquoi donc t’acharner même contre ces hommes très vénérés, exempts de la moindre infamie, et qui n’ont foi qu’en la doctrine du vénérable Rāmānuja ? Ou plutôt, pour les gens de faible discernement pareils à vous, quelles sont donc les limites à respecter ? (93).
636L’on dit, en effet :
637238. Sur le puissant cou de l’Omniscient lui-même, pareils à des poisons, les (hommes) cruels et pervers causent une tache sombre29.
638Vois l’extrême pureté de leur conduite (94) :
639239. Les reliefs des repas, ils les abandonnent bien loin, ils évitent la fréquentation des hommes mauvais, même si leur vie est en danger ils n’absorbent pas d’eau dans une maison autre que celles de leur parenté,
640Ils n’accomplissent aucun rite intéressé, ils sont uniquement dévoués au service du Bienheureux : enviable par les gens fidèles à la vertu, glorieuse est cette conduite des Śrīvaiṣṇava !
641En outre :
642240. Sur leur front le haut tilaka d’argile blanche, un rosaire de grains de lotus à leur cou, le divin signe de la conque et du disque, toujours éclatant, sur leurs épaules,
643A la bouche des paroles qui s’attachent uniquement à célébrer les vertus de Śauri : de ces (hommes) délivrés du péché, au cœur gonflé de dévotion pour Hari, la seule vue est porteuse de délivrance !
644Les accuser de péché, comme tu le fais, est risible ! (95).
645241. Qu’ils ne mangent qu’une nourriture sur laquelle n’ait porté les yeux personne d’autre que les gens de leur parenté, admis par eux, fidèles qu’ils sont en cela à la doctrine de Lakṣmaṇa,
646Est-ce la faute ou vertu destructrice de péchés ? Examine ce point et interroge ceux qui connaissent vertus et vices !
647En outre :
648242. (Si) faute il y a chez ces gens vertueux qui refusent de manger ce qui a été vu par d’autres que leurs parents, elle est semblable à celle que l’on reproche aux gens du Mahārāṣṭra, par exemple, qui ne prennent point de nourriture qui ait été touchée (même) par des hommes de bonne éducation ;
649Leur en faire grief n’est le fait d’aucun brahmane qui ait des règles de nourriture, mais de celui qui mange n’importe quoi ; de fait, il n’y a pas là péché chez ces gens qui se nourrissent de façon salutaire, mais qualité supplémentaire !
650On a voulu tenir pour faute l’étude de l’ouvrage divin composé par des ascètes doués de pureté absolue, tel Śaṭhāri : voilà qui déplaît aux hommes vertueux qui fortifient le Veda grâce aux traditions et aux purāṇa. Écoute (96) :
651243. Contre ceux qui lisent attentivement l’Ouvrage ici-bas composé par le maître orné de (fleurs) Bakula, trésor de compassion, qui a déterminé l’intention profonde, secrète, de la couronne de la Révélation.
652On formule un grief qui serait identique à l’encontre des gens qui étudient Tradition et purāṇa.
653En outre :
654244. Des hommes intelligents doivent accepter, lorsqu’elle a un sujet convenable, la langue tamoule elle-même, et rejetter, lorsqu’il n’a pas de but approprié, le discours sanskrit lui-même ;
655S’il porte Hari dans son cœur, même celui qui n’a aucune beauté est objet de louanges, non l’homme, si harmonieuses soient ses formes, qui n’a en tête que de lourds seins de femme !
656A la vérité, ces mots tamouls qui sont enseignés par la grammaire d’Agastya, qui sont rehaussés par un respect particulier de la part d’hommes cultivés irréprochables, en quoi donc sont-ils inférieurs au sanskrit ? (97).
657Vois :
658245. L’éminent ascète qui but l’océan a fait la grammaire (de cette langue), en elle composèrent Śaṭhamathana et d’autres grands (ĀLvār) riches de paix intérieure,
659En elle professèrent les maîtres d’autrefois pleins de pureté, dont on exalte la gloire : la dignité du langage tamoul ne triomphe-t-elle pas au-delà du langage ?
660A propos des fautes qui concernent une partie (des Vaiṣṇava), écoute néanmoins ceci (98) :
661246. Il est des hommes affaiblis qui ne supportent pas les rigueurs du culte, pourtant, s’ils sont constants dans leur dévotion au Bienheureux, celle-ci efface pour eux les souffrances du cycle des existences ;
662Car sans (qu’il soit besoin de) régimes qui ne conviennent qu’aux gens capables d’en supporter la fatigue, un excellent médicament très efficace suffit à débarrasser les hommes de la fièvre !
663En outre :
664247. En commentaires de doctrines ésotériques, en récits des exploits du noble Raghuvide, en prêches sur les paroles, conformes à la Triple (Science), de Celui qui porte des (fleurs) Bakula,
665En exposés du Commentaire, en cérémonies du culte aux pieds de Hari, en hommages aux hommes honorables, ces gens comme un instant passent ici-bas leurs jours !
666Après un instant de méditation, avec exaltation :
667Qu’il y ait d’autres (arguments), peu importe ! En tout cas, parce qu’elle révèle, en établissant leur non-contradiction, l’harmonie profonde des divers (passages) de la Révélation que l’on met en opposition, je loue l’éloquence de Rāmānuja qui charme par toutes les qualités ; car, illustre est cette (parole) : « C’est l’union que désirent les hommes de bien ». (99)
668248. Dans la Révélation, les propositions (établissant) l’absence de qualités, visent à rejeter l’existence de qualités qui doivent être rejetées ; les formules disant que (Dieu) a des qualités contiennent le sens principal, du fait qu’elles montrent la possession de bonnes qualités chez le brahman ;
669Les (passages) de la Révélation (qui parlent) de non-dualité ont pour objet la forme qualifiée (du brahman) ; les (passages de la Révélation) qui parlent de différence (entre le brahman et le jīva) concernent la forme abstraite (du brahman).
670Kṛś. : Cela est tout à fait vrai ; pourtant les hommes cultivés adeptes de cette doctrine qui vivent avec le titre de maîtres spirituels ont une conduite qui déplaît aux gens de discernement (100).
671249. Des brigands, scélérats ivres d’orgueil, qui tuent en chemin brahmanes, etc., prennent hélas ! tout leur bien et se réfugient dans les forêts et les montagnes, d’autres vils personnages d’ici-bas,
672Voilà les gens auxquels ils s’empressent de faire la marque du disque, auxquels ils dispensent, en outre, l’enseignement des formules, et, des biens qu’ils en reçoivent, ils tirent subsistance sur plusieurs générations !
673En outre :
674250. Coureurs de femmes, voleurs, sauvages, oppresseurs de populations, rois scélérats, tyrans : voilà ceux dont ils font leurs disciples, ces orgueilleux éloignés de la voie de la Révélation, qui, en compagnie des brahmanes orthodoxes absorbés en l’Être suprême,
675Ne prennent point de repas, qui, pas une seule fois, ne s’inclinent devant eux : peut-on louer, alors qu’il a été établi par pure convention arbitraire, cet état de maître spirituel d’homme ignares ?
676Hélas ! Même chez d’autres gens bien nés, riches de science et de bonnes mœurs, ce grand égarement n’est pas absent ! (101)
677251. Que de certains de ces gens fort éloignés de la bonne conduite, assoiffés d’argent, ignorants des voies du Veda, au cœur souillé par les tourments infâmes des passions, ces hommes sages
678Oui goûtent une conduite pure et s’illustrent par la maîtrise de leurs sens désirent spontanément devenir les disciples, c’est vraiment que la souveraineté de Kali est ici-bas absolue !
679De plus :
680252. Sans se demander comment cet homme incapable de se guider lui-même en guiderait d’autres, sans compter la dépense en argent,
681C’est auprès d’un sot, par lui tenu pour un maître, qu’il va chercher refuge, se laissant abuser par le fracas des citations et le grand nombre de figures de divinités nanties de nombreux ornements !
682De plus :
683253. Alors qu’existent en ce monde tant d’hommes à l’esprit exempt de souillure, ces gens qui n’ont de considération que pour l’appartenance à la famille de leur propre maître,
684Ô honte ! se mettent au service, avec la conviction qu’il est un maître, de quelque invidu dépourvu de conduite pure, ignorant Veda et Traités !
685Écoute encore une autre manifestation étonnante de Kali (102) :
686254. Après avoir, comme il convient, mis à l’épreuve de l’obéissance pendant de nombreuses années, leurs disciples avides (de s’instruire), (les maîtres) d’autrefois avaient la joie, en ce monde de leur dispenser leur enseignement : c’est là chose connue ;
687Le maître d’aujourd’hui qui se met à leur service en prenant soin de satisfaire tous leurs désirs, obtient à grand peine au bout de longues années et par tous les moyens, des disciples sans éducation !
688Viś. : Esprit stupide ! Ne calomnie pas ainsi des hommes éminents ! (103).
689255. Eux qui, pour redonner vie aux hommes de bien plongés dans l’océan des existences, ont pris naissance en l’univers, dans une grande lignée, — grands, ils sont ! —
690Satisfaits de ce trésor qu’est leur protection, grâce au don des cinq sacrements combien de ceux qui sont privés de la connaissance ces (maîtres) bienfaiteurs ne purifient-ils pas ?
691En outre :
692256. Si ces maîtres qu’enflamme leur service au (dieu) qui a des yeux de lotus, ne s’incarnaient pas — navires pour aller au-delà de l’océan des renaissances — en de très grandes familles,
693Alors, sans se soucier de consacrer leur vie au service de l’inébranlable, ignorants les prières suprêmes, le corps non purifié, tous les hommes de cet âge Kali malheur ! tomberaient dans les espaces inférieurs !
694257. Si, chez ces hommes magnanimes qui, d’abord par leurs mortifications, purifient l’humanité en proie au péché, il y a faute, cette faute est la même pour le flot de la Gaṅgā qui purifie les mauvais !
695Prends encore en considération ceci :
696258. Celui qui est issu d’une famille vertueuse, fût-il dépourvu de bonne conduite, mérite le respect des hommes de très haut rang ; fût-il doué d’une conduite pieuse, celui qui est issu d’une famille méprisable n’est pas tenu en honneur parmi les gens de bonne société ;
697L’homme d’esprit ingénieux ramasse une pierre sacrée naturelle même si elle est dépourvue de signes divins, non une pierre artificielle, fût-elle riche en marques et illuminée par le disque !
698Joignant humblement les mains pour l’añjali :
699259. A ceux qui se contentent de l’argent honnête fourni par leurs disciples, qui sont cultivés, fidèles à la loi de l’abandon en Mukunda,
700Qui, par leurs observances de la sainte tradition sont toujours en de pieuses dispositions, puissé-je rendre hommage, ces nobles Vaiṣṇava !
Célébration de Cannapaṭṭaṇa
701A ces mots, il conduit ailleurs le char céleste et, à la vue (de la cité) qui est devant lui :
702260. Voici, foisonnant de lotus, (l’étang) qui est une plante cicatrisante pour ceux dont l’âme est percée par les flèches du mal Sur son bord, célèbre sous le nom de « cocher du fils de Pṛthā », s’embrase Hari !
703Entre la masse des émeraudes qui, sur le diadème du Maître des dieux, touchent au lotus des pieds de Hari et les touffes de feuilles de basilic, l’homme ne voit pas de différence !
704261. Les hommes vertueux habitant cet endroit, qui inlassablement méditent sur la fin des paroles éternelles, qui jusqu’à l’accomplissement dernier accomplissent des actes vertueux, sont pleins d’éclat, ayant l’honneur pour trésor !
705Kṛś. : Soit ! Pourtant la seule proximité d’une certaine cité encombrée de gens à proscrire, particulièrement les Hūṇa qui enfreignent les règles de la vertu, est ici un grave dommage ; car il est difficile, il faut l’avouer, de trouver en ce monde plus vils que les Hūṇa ! (104).
706262. Les Hūṇa dénués de compassion à l’égal de l’herbe méprisent l’ensemble des brahmanes ; leurs vices passent l’expression, eux qui ne pratiquent même pas la purification !
707Envahi par un sentiment de découragement, il s’adresse au destin :
708263. Aux Hūṇa et autres qui négligent la purification, tu as dispensé la richesse, et aux hommes bien élevés la détresse aux sots une incomparable souveraineté sur la terre, aux hommes intelligents la mendicité,
709La grâce aux femmes issues de familles méprisables, aux plus nobles la laideur : hélas ! Destin funeste ! Quel fruit en as-tu donc retiré ?
710Viś : Vois toi-même : chez ces gens même on relève des qualités (105) :
711264. Ils n’utilisent pas la force pour s’emparer de la niasse des biens d’autrui dans l’illégalité, ils ne prononcent pas de paroles fausses, ils produisent un objet étonnant ;
712Pour les coupables, ils établissent d’eux-mêmes un châtiment conforme à la loi : ces qualités, il te faut les reconnaître même chez les Hūṇa accablés de vices !
Célébration de Kāñcī
713A ces mots, il conduit le char à cinq yojana de là, en direction de l’ouest, et, à la vue qui s’offrait à lui, (dit) en proie à la félicite :
714265. Voici Kāñcī, ceinture du pic de l’Éléphant, Kāñcī la capitale dans la magnificence de laquelle se plaisent à flâner les (belles) avec leurs yeux aux longs cils ;
715A voir incessamment leur visage, quels gens de goût ne dédaignent lune, miroir, lotus même, (malgré) leur naturelle pureté ?
716En outre :
717266. Séjour d’un peuple de sages, voici qu’en (ce) séjour, resplendissante des plus beaux arbres, dispensatrice de prospérité pour les divinités, cette splendide Kāñcī enflamme délicieusement le cœur !30.
718Au sud de cette capitale, comme un torrent de compassion coule la bienheureuse Vegavatī — tel est son nom fleuve purificateur ! (106).
719267. Pour apprendre la douceur, elles se sont mêlées à des coulées de suc ; un vent léger, balançant la cime des gracieux arbres de leurs rives, fait tomber des fleurs qui gonflent
720Leur écume comme un sourire : elles nous gardent du mal les eaux de la rivière Vegavatī dont les flots miroitants ont mis en fuite le Créateur entrain d’accomplir le sacrifice du Cheval !
721Ami, porte ici tes regards (107) :
722268. Voici, avec ses flancs brillants envahis par des essaims d’hommes pieux, prodigue en dons splendides, portant (le Dieu) éternellement pur qui exauce les désirs, le mont de l’Éléphant au nom conforme à ses multiples sens : il est devant nos yeux31. Pénétré d’un amour intense, il joint les mains pour l’añjali :
723269. Sur le mont de l’Éléphant il réside, à l’arbre des Trente (dieux), à la vache céleste il fait honte, sur les maîtres des régions cardinales, il étend sa protection, il est purification ;
724Ses yeux sont humides de compassion, des souffrances du cycle des existences il accomplit la délivrance, la membrane sacrée parfume ses lèvres : nous rendons hommage à cette splendeur inaltérable qui a nom Varada !
725A l’adresse de Kṛśānu :
726270. Oui, sans cesse adore le dieu Varada dont les yeux sont des lotus d’automne, qui détruit les traîtrises des ennemis, à qui vont les louanges de Hara, (celles) du dieu porte-massue et (celles) de tous ceux qui reçoivent des sacrifices !
727271. Pour obtenir l’immortalité après la guérison des triples souffrances, c’est à cette membrane sacrée provenant du sacrifice du Cheval que je rends hommage,
728Elle qui a reçu le baiser du roi Varada dont la bouche — ce lotus ! — est imprégnée du suc de nectar des lèvres de la fille de l’océan.
729Plein d’allégresse :
730272. (L’une) a coutume de porter l’univers, (l’autre de porter les eaux), (l’une) est attachée au mont de l’Éléphant, (l’autre éprouve de l’attachement pour l’océan) : à juste titre triomphent l’incarnation de Varada et la Vegapagā ;
731C’est pour détruire le sacrifice du Créateur qu’est descendue la seconde, pour le rendre fructueux qu’ici-bas la première avec respect s’est rendue visible !
732Kṛś. : Mon cher, dire (comme) tu viens de le faire, de ce dieu qui ignore le triomphe : « il triomphe », (c)’est une impropriété ! Affirmer en outre qu’il rend fructueux le sacrifice alors qu’il ne lui montre qu’hostilité est pure inconvenance ! (108).
733En effet :
734273. Né d’(un être) qui ne connaît pas le triomphe, comment connaîtrait-il le triomphe ? Lui qui favorise la destruction du sacrifice, quel pouvoir a-t-il de rendre fructueux le sacrifice ?32.
735Viś. : Ami, vous (vouliez), par le détour d’une équivoque verbale, montrer une faute chez ce (dieu) : c’est en fait son aversion pour tout ce qui est condamnable que vous avez fait apparaître, cela est parfait ! (109).
736274. Il apporte l’éclat aux lotus, il fait resplendit la Noble Voie, il fait prospérer les cakra, le soleil ! Il exauce les désirs. insinuer qu’il aspire aux ténèbres, voilà qui est sans fondement !33.
737Regardant tout autour de lui, il joint les mains pour l’añjali :
738275. Je rends hommage au bassin d’Ananta, je me réfugie auprès du mont de l’Éléphant ; en même temps que (le vimāna) Punyakoṭi, je contemple le foyer au nord de l’autel ; j’adore le souverain des dieux exalté en ce lieu ;
739En la magnifique (déesse), je m’abîme : dans le lotus elle habite, elle est (de ce qu’il y a de) plus magnifique, le fleuron34 ; j’invoque le descendant de Raghu, celui de Yadu, et Ādimakiṭi, je salue les dévots de Mukunda !
740A ces mots, il avance légèrement en direction de l’ouest et, envahi par un sentiment de félicité mêlée d’admiration :
741C’est là en effet que :
742276. Le mépris de sa personne faisant éclater sa colère, Sarasvatī, pour empêcher le sacrifice de Viriñci, se servant d’un cours de rivière bondit ô merveille !
743Or, tandis que se tourmentait Druhiṇa et que la troupe des dieux s’affligeait, pour protéger le sacrifice de l’obstacle, voici que le Faiseur de digue se transforma en digue, le (Dieu) qui a pour emblème l’Indra des oiseaux, en personne !
744En outre :
745277. L’extrême impétuosité de Sarasvatī, la détresse aussi de son époux, voici que cette digue qui maintient (l’univers) les a arrêtés simultanément : le Tout-Puissant !
746De plus :
747278. La région de l’ami du Seigneur est illuminée par le flot de lumière des ongles de ses pieds, et le domaine céleste de l’Enfant de la jarre par les flammes des perles semées sur son diadème de pierres précieuses ;
748Sur le sofa rehaussé par le parfum de la science des mots, les yeux rivalisant avec les lotus, repose l’extraordinaire Manifestation (du dieu) qui s’est produite sur le bord de la Vegāpagā, le teint couleur du tamāla !
749En connaissance de cause :
750279. Pour barrer les eaux de la rivière qui faisait obstacle au sacrifice de Prajāpati il s’est dressé, (puis) il a gagné le bord de l’étang aux lotus dorés sacrés, (le Dieu) charmant à l’esprit miséricordieux :
751Puisse-t-il (nous) combler de prospérité, lui qui, en compagnie de la douce liane, avec la couleur d’un nuage noir est descendu dans le grand théâtre, couché sur le serpent !
752A nouveau absorbé en une méditation pleine de félicité :
753280. Sombre (comme) la masse des joyaux du (dieu) aux cent sacrifices, reposant sur le maître des serpents, le visage pareil à la lune, les yeux (semblables) aux lotus bleus, le nez élevé,
754Les pieds vénérés par l’épouse du Créateur, puisse la Splendeur ennemie des ténèbres se fixer en mon cœur, avec ses lèvres (rouges comme) un bimba, elle dont l’invocation réalise les (prières) qu’on lui adresse !
755En outre :
756281. Pour servir de digue à la Vegavatī jadis descendu, ce dieu suprême est pris de la hâte de garder du péché ses dévots, lui qui est épris de la fille de l’océan née lors du barattement !
757Kṛś. : Hélas ! Comment vous, poète à l’esprit agile pourtant, pouvez-vous exalter ce dieu ? (110).
758En effet :
759282. Il rabaisse l’éminent grammairien Śeṣa, pour le Trésor de tous les arts, il n’a que dédain à la bouche : ce (dieu) qui fait obstacle au cours de Sarasvatī, comment un poète peut-il avoir goût à le louer ?35.
760Viś. : A quoi bon ces accusations qui ne reposent que sur des équivoques verbales ? Chez les gens qui s’en remettent à ce dieu, sans aucun obstacle, on le sait, triomphe le flot de Sarasvatī ! (111).
761Vois :
762283. Capables de priver complètement d’orgueil le nectar des lèvres éclatantes de l’épouse de Kāma, les paroles de ces (dévots) font la joie des gens de goût ;
763Au moment de leurs louanges, l’épouse du Créateur balance les ornements de son diadème pareils aux fleurs de l’arbre Kalpa et les abeilles qui s’en envolent mêlent les accords de leurs murmures au chant de sa charmante vīṇā !
764Portant ses regards un peu plus au nord, il joint les mains pour l’añjali :
765284. Il est source d’apaisement pour ceux qui font là leurs ablutions, des touffes de lotus (aussi) ravissants (que) l’or coule un suc qui fait gonfler ses eaux, Celui qui existe par lui-même l’honore,
766Sa majesté égale celle de (la rivière) issue du mont Sahya, il arrache les souffrances insoutenables de cette terre, puisse Puhyā, étang sacré objet de désir pour les yogi, mener lutte contre l’insoutenable péché !
767A ces mots, il conduit le char vers le sud et, jetant un regard respectueux, joint les mains pour l’añjali (112) :
768285. Elle apporte la félicité à l’univers ; en son sanctuaire rafraîchi par une brise chargée des délicieuses senteurs des nympheas alignés sur l’étang Karīndra, elle est présente visiblement,
769Elle écarte l’adversité et ses souffrances, pour les yogi qui se tourmentent par de sévères mortifications elle est objet de désir : j’adore la Divinité aux huit bras dont les dieux recherchent la faveur !
770Dirigeant alors le char un peu plus à l’ouest, tout en liesse :
771286. Des Trente (dieux), il reçoit des jaillissements d’affection, il dissipe les ténèbres (de l’ignorance) : ici resplendit Dīpaprakāśa, à ceux qui se réfugient en lui prodiguant la connaissance !36.
772Kṛś. :
773287. Le nom de Dīpaprakāśa (appliqué) à ce dieu qui fait jaillir les ténèbres, qui est hostile à ceux qui circulent la nuit, qui ne possède pas l’éclat brillant né du flambeau est une impropriété !37.
774Viś. : Esprit borné, ne parle pas ainsi ! (113).
775288. (A la lumière) qui s’est rendue visible dans une mèche de lampe, qui, reliée à une importante (quantité) de beurre fondu, en tire son éclat, convient le nom de Dīpaprakāśa, (lumière) qui détruit la terreur inspirée par la nuit !38.
Célébration de l’illustre maître Vedāntadeśika
776Sortant de sa réflexion, (et) pénétré de félicité (il dit) :
777289. Il a, sur l’ordre du Maître du Théâtre, entrepris l’enseignement des (textes) qui parachèvent la Révélation ; il s’est dompté, lui que les hommes d’élite de cette terre nomment le « lion parmi ces éléphants que sont ceux qui professent avec sagesse » ;
778Il est encore merveille ! — de ceux qui sont parvenus à un maîtrise totale dans la voie des traités, (l’Indra) Noble Protecteur : c’est ici que le prince des sages, Veṅkaṭeśa, s’est rendu visible dans sa toute-puissance !
779A l’adresse des hommes :
780290. Lorsque, dans les débats qui ont pour objet la différence et la non-différence, interviennent des orateurs exposant une thèse insoutenable, elles mettent fin à leur présomption ses paroles nobles et merveilleuses qui coulent avec la grâce de la rivière de ceux qui reçoivent des sacrifices !
781Il jouit comble de sa félicité des (mêmes) vertus (que) le généreux Mādhava habile à détruire les souffrances de ceux qui s’inclinent devant le lotus de ses pieds : puisse-t-il être, en ce lieu, source de liesse pour vous, ce joyau qu’est Vedāntadeśika !
782En outre :
783291. Ceux qui font porter leurs efforts sur les divers textes révélés manquent (par ailleurs) de la connaissance des traités ; eussent-ils les deux, il leur est malaisé d’acquérir encore, sur cette terre, la familiarité avec le sens (des textes),
784Supposons tout cela réuni : manquent discipline, bonne conduite, dévotion, patience, habileté ; de la première à la dernière, (ou es ces qualités), sans exception, jouent chez Vedāntadeśika !
785Que dire de plus ?
786292. Hors ce maître qui, ayant au dieu à tête de cheval rendu hommage, brise l’orgueil, fils des ténèbres (de l’ignorance), des (partisans) de fausses doctrines, quel homme de qualité irait ici choisir un maître autre ?
787Kṛś. : Mon cher, garde toi de parler ainsi ! Plutôt que de soutenir la thèse de ce maître, mieux vaut faire sienne l’autre thèse, me semble-t-il ! (114).
788293. Cette thèse selon laquelle il y a délivrance, même si l’on omet une pratique religieuse importante ou secondaire, mérite louange, puisqu’elle écarte les rites des brahmanes, notamment les sacrifices qui coûtent argent et fatigue ;
789Ah ! Qui donc en l’univers renonce à cette thèse pour suivre la voie inflexible du maître des cimes du Veda qui proclame l’absolue nécessité d’accomplir (jusqu’aux) rites facultatifs prescrits par le Veda ?
790Viś. : Vous qui pourtant êtes subtil en votre discernement, comment pouvez-vous parler ainsi ? (115).
791294. Purifié par le sens du Vedānta, le chemin du salut qui convient à ceux qui sont pieux, dans leur aveuglement les hommes l’abandonnent, pour suivre, inconsidérément, un autre chemin ;
792« Ce qui te plaît, mange-le ! Avec une belle, prend du plaisir ! » : à qui formule d’agréables conseils de ce genre, les malades irréfléchis adressent leurs louanges, non au médecin qui prescrit la diète !
793En outre :
794295. Si le maître de la couronne de la Révélation, faisant acte de pitié, n’était descendu ici-bas — navire sur l’océan des existences —,
795L’univers ignorerait la dévotion, n’aurait jamais entendu parler de conduite vertueuse, ignorerait les traités et serait privé du Veda !
796Après nouvelle réflexion :
797En vérité, puisque ce maître de la couronne des textes révélés touche jusqu’au fond de l’océan de la Science universelle, ce n’est pas au nombre des sages d’aujourd’hui qu’il convient de le ranger (116) :
798Mais plutôt :
799296. Celui qui perçoit l’univers avec son œil39 — chose célèbre — et celui qui le perçoit avec son pied40, les deux dieux qui ont respectivement une tête d’éléphant et une tête de cheval, c’est parmi ceux-là qu’il faut compter Vedāntadeśika !
800Absorbé en ses pensées :
801297. Avec sa résonnance grave qui libère de l’empire de ce démon qu’est l’état d’égarement profond, la cloche de Hari qui a (pris) la forme de Veṅkaṭānātha fait éclater le bon augure à nos oreilles !41.
802A nouveau saisi d’étonnement :
803298. Le titre de Vedāntācārya s’applique à lui en tant qu’il a fermement établi le sens du Vedānta ; mais en enlevant la (syllabe) « ve- », on découvre qu’il est Dāntācārya !
804Kṛś. : Plus délicates que les fleurs de campaka embrassant la masse des cheveux de l’épouse de Druhiṇa sont les paroles de ce maître qui est un lion parmi les sages docteurs : comment ont-elles pouvoir d’ouvrir d’innombrables cœurs pleins d’envie, rudes comme des rochers infranchissables ? (117).
805Viś. : Écoute mon ami ! (118).
806299. Les paroles du maître du Vedānta, douces (comme) des fleurs, comblent de félicité les hommes vertueux, mais, même s’il est dur comme un énorme roc, brisent radicalement le cœur des gens haineux.
807Nanda et les hommes d’élite aspirent au doux contact des pieds de Hari : pourtant à l’encontre de l’Asura Sakata impossible à briser, n’a-t-il pas du (foudre) aux cent dards pris la forme ?
808Adressant alors une prière, il joint les mains pour l’añjali :
809300. Pour que disparaisse la doctrine corrompue des gens pénétrés d’orgueil, aux vues fausses, qu’éclose le bourgeon de la connaissance, que s’instaure, même en ce puissant Kali, le triomphe de la voie du Veda,
810Pour la félicité des sages qui sauvegardent la thèse du vénérable Lakṣmaṇa, puisse celui qui est un arbre des dieux pour les (hommes) qui aspirent à déraciner la forêt des péchés, triompher pleinement, le maître de la science du Vedānta !
Célébration de l’homme-lion habitant en la cité de Kāmāsikā
811Portant ailleurs ses regards, il joint les mains pour l’añjali :
812301. L’illustre (dieu) qui, sur la rive de la Vegavatī très profonde, dont le sol est rebelle au péché, tel l’arbre des dieux est descendu,
813De Kāma et de la multitude innombrable de nos ennemis, l’Homme-Lion de Kāmākṣī, puisse-t-il ne faire qu’une bouchée.
814A ces mots, portant ailleurs les yeux, il joint les mains pour l’añjali ;
815302. Pour ceux que tourmente l’angoisse, la grandeur de sa compassion est un remède vivifiant ; le Vaikuṇṭha est sa demeure : puissé-je lui rendre hommage : cité dans le Veda sous le nom d’Être suprême, il n’est pas cité dans le Veda, suprême merveille !42.
816Voilà qui est normal, car nous connaissons la parole de la Révélation : « Visnu suprême » (119).
817303. La Parfaite jamais ne se sépare de Visnu, comment serait-il dieu im-parfait ? Il convient de dire : les dieux autres que l’époux de la Parfaite sont im-parfaits !
818En outre :
819304. Avec éclat les cimes des paroles éternelles manifestent l’absolue sublimité de l’Archer ! A la (montrer), Vyāsa, Parāśara et d’autres ont, dans leurs œuvres, mis tout leur soin ; en vérité,
820De celui qui prodigue l’eau de son pied, de celui qui la reçoit ou de celui qui la retient avec sa tête, qui ne distingue (celui qui est le dieu) suprême, s’il connaît le principe universel ?
821A nouveau saisi de stupéfaction :
822305. Ceux qui professent des opinions fausses, en leur égarement ne révèrent point le pied de Visnu — ce lotus qui détruit le mal ! — Mais leur doctrine engage d’elle-même à rechercher un lotus dans le ciel !43.
Célébration du saint Trivikrama
823Ayant ainsi parlé, il porte ailleurs ses regards :
824306. Oint du suc tombant en coulées des arbres en fleur qui s’élèvent tout alentour, se dresse, barrant la marche rapide du soleil par sa porte monumentale, le sanctuaire de Trivikrama : contemplez-le !
825Saisi d’admiration, il s’absorbe en méditation :
826307. Puisse-t-il nous garder de l’épuisement, lui qui est pour ses dévots une échelle vers le palais des cieux impérissables, ce pied de Trivikrama qui, de liesse, s’est haut levé !
827Telle une très longue hampe de saphir qui servirait à porter le blanc parasol de la gloire éclatante que lui valut le don des trois mondes par Bali, il s’est dressé !
828Kṛś. : Pourquoi donc exaltes-tu ce magicien de Trivikrama dans ses écarts de conduite ? (120).
829Vois :
830308. Bien qu’il soit naturellement comblé par la Fortune, d’un démon il accepte une aumône méprisable !44 (Puis) une fois acquis le grand succès objet de ses désirs, il en a fait don au Pourfendeur de montagnes !
831Ce (dieu) ne mérite surtout pas les louanges des sages qui ne mentent pas (pour flatter) (121).
832Car :
833309. Bien que son épouse fût toujours à ses côtés, le Maître a pris l’apparence d’un jeune brahmane pour abuser le Donateur ! Pour faire souffrir les sages45 assurément, tout en étant dieu sur la terre, il a assumé l’état de démon sur la terre !46 — voilà qui est digne (de lui) !
834Fis. : Je reconnais bien là votre habileté à dénigrer de hautes vertus ! Admettons la trouvaille du jeu de mots (mais) écoute bien ceci : c’est pour sauver ceux qui en lui s’abritent que le (dieu) aux yeux de lotus a pris forme aussi peu conforme à sa grandeur ! (122).
835310. Il est éternellement grand, le secours de Ramā jamais ne l’abandonne, ô merveille ! —il prodigue généreusement les places éminentes ;
836Pourtant, prenant la forme de Vāmana, alors qu’il était maître de protéger Indra venu s’abriter en lui, à Bail il mendia alors les trois pas !
837A nouveau débordant d’amour : or en ce lieu,
838311. Que le pied de Trivikrama, père de la rivière aux trois chemins, (nous) protège, qui empêche la cité des airs d’être désert !
839Pour avoir à Śambhu fait don d’une parure éclatante sur son diadème il est célèbre, du Trésor des eaux il est le beau-père, voilà ce qu’affirment les Paroles qui font autorité !
Célébration de la sainte déesse Kāmākṣī
840A ces mots, il s’éloigne à quelque distance de là :
841C’est ici que :
842312. Parure de la cité de Kṛṣṇa, bouquet de fleurs de Kalpa pour ses adorateurs, protectrice des armées divines, Kāmākṣī resplendit, trésor de Śarva !
843Ayant considéré (la déesse), soulevé d’admiration et de félicité, il salue Kāmākṣī :
844313. Qu’ils voient l’éclat de tes dents, quels sont alors ceux qui ne méprisent le jasmin ? Que ton visage paraisse, l’homme avisé n’aura pas un regard pour la lune !
845Qu’il lève les yeux sur tes deux yeux, même le sot n’aura plus d’éloges pour le lotus bleu ! Si ta douce parole se fait entendre, quelle suavité ô Kāmākṣī ! trouver au miel ?
846Kṛś. : Il apparaît que si la beauté de Kāmākṣī mérite d’être exaltée sans réserves, elle est pourtant bien vaine ! (123).
847Car :
848314. Son époux est connu comme le (Dieu) aux yeux monstrueux, il est de Kāma le meurtrier, son fils même a une tête d’éléphant et un ventre proéminent : quel fruit la fille du roi de la montagne retire-t-elle de sa beauté ?
849Certes, Ambikā et Tryambaka forment un couple mal assorti, c’est l’évidence ! (124).
850315. Cette (déesse) est toute bénédiction, tandis qu’il habite les cimetières ; elle resplendit, parée d’or, il erre en toutes régions, mendiant l’aumône ;
851Elle est marquée de kuṅkuma et lui frotté de cendres ; elle a chevelure bouclée, lui, avec ses chignons d’ascète, sème l’effroi !
852Viś. : Mon cher, ne parle pas ainsi ! Ce n’est certes point le discrédit de leur habitation, de leur habit et du reste qui efface la beauté naturelle de ceux qui ont la beauté ! (125).
853316. Il peut bien s’habiller de peau, habiter à longueur de temps le bois des mânes, ou bien porter une foule de serpents, ce Śiva n’en est pas moins auspicieux !
854Cerné de plantes aquatiques, séjournant même dans la fange, de noires abeilles porteur, le lotus en est-il moins désirable ?
855En outre :
856317. Charmant est l’homme dont s’éprend une (épouse) charmante et avisée ; c’est un vers heureux que celui auquel est attaché l’esprit d’un homme de goût !
857Considère là cette incommensurable merveille (126) ;
858318. Pour avoir été regardé par l’œil de Siva, Kāma a été vaincu, avons-nous entendu dire ; l’inverse prévaut ici, puisque, par un regard de l’œil de Kāma, Śiva a été vaincu !
859Grande est la prospérité des enfants de la fille du roi de la montagne ! (127).
860Car ;
861319. Comblé par la fortune, il a du maître des étoiles le visage47 le fils aîné de la fille du mont Himavant ; supérieur à son père qui a cinq têtes, est le cadet, avec ses six bouches !
Célébration de l’illustre Ekāmreśvara
862A ces mots, il gagne un autre endroit à quelque distance de là (et), plein de félicité :
863320. (Portant) la lune sur sa tête, c’est ici, au pied d’un manguier que le (Dieu) qui habite le Kailāsa s’est rendu visible ! Il a un œil dont naît le feu et un fils né du feu, il a pour épouse la fille du roi de la montagne et pour parure une rangée de serpents !
864Kṛś. : Ami, pourquoi célèbres-tu Rudra dont la conduite s’oppose à celle de tous ? En ce monde, en effet, nous constatons les efforts des hommes pour rafraîchir leurs yeux ; mais le Maître des âmes liées, comme pour mériter son nom de « bûche » a déposé dans son œil celui qui jette des flammes ! (128).
865Viś. : Prête attention au secret que je vais te révéler (129) :
866321. Le froid qui naît du contact de la lune et du fleuve céleste colle à ses membres, et c’est pour en écarter le tourment que Hara — merveille ! — comme un brasier porte ce troisième œil fait de feu !
867Kṛś. : Eh bien ! (Puisqu’)une portion de l’astre aux rayons froids et la rivière des dieux refraîchissent sa tête, comment se fait-il que le Destructeur des trois villes prenne plaisir aux ablutions ? (130).
868De fait :
869322. La Gaṅgā de ses vagues successives, (l’astre) aux rayons de nectar de ses flots de nectar, sans trêve, baignent sa tête : vaine est l’ablution que l’on offre à Śambhu ! A qui est rassasié d’eau, donne-t-on de l’eau ?
870Viś. : A ce propos encore, je te répondrai comme il convient(131) :
871323. Du fait qu’il abrite le feu, qu’il a bu le poison, qu’il porte ceux qui de poison se nourrissent, son corps est brûlé : bien que, sans trêve, il retienne le fleuve des Trente (dieux), Śiva prend plaisir aux ablutions !
872Kṛś. : Admettons ; pourtant voici une autre inconvenance : comment se fait-il que, délaissant les cieux, (l’astre) au corps gracile, marqué d’une gazelle, habite continuellement sur la tête de Śaṅkara, au sein des flots de la Gaṅgā ? (132).
873Viś. : Écoute mon ami, en voici le motif (133) : 324. C’est pour bien montrer qu’il est fils de l’océan que, sur la tête de Śiva, (l’astre) aux rayons froids et au corps étroit habite le ventre de la Gaṅgā, épouse de cet océan.
874Kṛś. : Néanmoins, ce dieu cupide ne mérite pas le respect de ceux qui désirent obtenir les fruits (de leurs actes) (134).
875En effet : 325. Bien qu’il tienne en sa main une montagne d’or, pour mendier il vagabonde ici-bas, portant un crâne et vêtu de peau !
876Admettons cela ; mais il est allé dans sa cupidité, jusqu’à s’emparer de l’époux de Lakṣmī pour faire de lui un mendiant !48.
877326. Il possède de fines étoffes claires49, pourtant il n’a point d’habit ; il habite un lieu rempli d’or50 (mais) dans sa cupidité, (n’)à (que) du fer dans la main ; il a des réserves de riz51 pourtant — quelle honte ! — il vagabonde pour mendier !
878Encore n’était-ce là dénoncer que bien peu de choses : car, par son contact avec Śaṅkara, c’est à la Gaṅgā même, dispensatrice de vie, qu’est passée cette cupidité propre au dieu ! (135).
879Vois :
880327. En perles elle abonde52, du pied de Viṣṇu elle est issue, elle a fourni en or d’éminentes richesses53, elle a contracté éternelle alliance avec une mine de joyaux54, et pourtant elle ne peut réfréner son désir d’un coquillage55, la Gaṅgā !
881Autre chose encore :
882328. Elle regorge de (sacrifices) sarvatomukha, elle est, grâce aux (cérémonies) pauṇḍarīka qui montent (vers les cieux) toute imprégnée de pureté : si elle n’en a pas moins détruit le sacrifice de Jahnu, la faute en est à sa longue fréquentation du Destructeur de sacrifices !
883Après nouvelle réflexion : 329. Le Seigneur en sa main porte la montagne d’or, il est de Kubera l’ami, sur la montagne d’argent il siège : néanmoins la mendicité lui est échue ! Avec un destin maléfique au-dessus de sa tête56, comment aurait-il la Fortune ?
884En outre :
885Enfreignant les lois, vêtu de peau, comment serait-il digne d’éloge ? (136).
886Écoute :
887330. Il porte sur la tête l’éclat de (l’astre) maître des simples, celui du feu sur la surface de son front, sur ses membres celui qui émane du joyau fixé sur la tête de l’Indra des serpents, et pourtant Hara a pour lot les ténèbres !57.
888De plus :
889331. Il porte l’ennemi de Tāraka sur son giron, sur sa tête le chef des Tāraka ! Il est doué d’un œil magnifique, mais c’est avec un regard déplaisant qu’il apparaît ce (dieu) !
890Viś. : A quoi bon ces reproches qui ne s’appuient que sur des jeux de mots ? Vraiment le Vainqueur de la mort mérite les louanges unanimes pour son incomparable générosité ! (137).
891332. Au fils de l’ascète il a donné longue vie ; pareillement au célèbre Bhagīratha, de la divine donneuse d’objets des désirs, l’ambroisie issue du pied du Bienheureux, il a fait don !
892Et aux méchants eux-mêmes, Bāṇa et le (démon) à dix têtes les premiers, du fruit désiré il a fait don ; pour la félicité de l’univers éclate la générosité de Śiva !
893Kṛś. : Cette (conduite) est en contradiction avec ce que tu viens de dire : que la générosité du grand dieu fait la félicité de l’univers (138).
894Car :
895333. En accordant libéralement des vœux aux démons et aux rākṣasa, c’est la désolation de l’univers et de lui-même qu’a causée Celui qui (porte) la lune sur sa tête : sa libéralité ne réjouit que toi !
896Viś. : Esprit retors, c’est d’une vertu même que vous proclamez : « c’est un vice » ! (139).
897En effet :
898334. Si, aux démons, le (dieu) aux trois yeux n’avait accordé de vœux, alors ils n’auraient pu peu à peu ruiner les mondes, la pitié de l’Archer
899N’aurait pas pris naissance, Mari ne serait pas né parmi les hommes et les autres (êtres), ni digue ni Gītā n’aurait entrepris le Bienheureux, et les hommes n’iraient point au-delà de l’océan des renaissances !
900En outre :
901335. Baigné par le suc de fleurs qui s’écoule des manguiers au balancement engendré par un vent léger que rafraîchit l’ondoiement de Pampā, il comble de fortune, d’une incomparable fortune ses solliciteurs, Celui qui est l’océan du nectar de la compassion, l’époux d’Ambikā !
902Il contemple à nouveau, (et) plein d’exaltation :
903336. Le faible même, au contact de Kāñcī, contracte de l’importance, puisqu’un atome en cette cité sous le nom de « mont sublime » est invoqué !58.
904Kṛś. : Cette cité visitée par deux dieux qui sont, par nature, hostiles l’un à l’autre, pourquoi la loues-tu ? (140).
905337. Les deux dieux, tous deux à Kāñcī — vois ! — resplendissent (respectivement) dans la partie orientale et dans la partie occidentale ; l’un des deux place sous lui Vināyaka, l’autre devant lui, chose surprenante !
906L’un jamais n’a huit formes59, l’autre est célèbre en l’univers pour ses huit formes ! L’un a, sans tarder, empêché le tourment de l’Éléphant, l’autre cause le tourment de l’Éléphant !
907Par ailleurs :
908338. Dans la cité du nom de Kāñcī magnifiée par l’Indra des dieux, les deux divinités qui demeurent de longue date dans la région de l’Orient et dans celle de l’Occident, ont — chose surprenante ! — une conduite d’hostilité mutuelle !
909Car l’une regarde de haut le roi des deux-fois-nés, l’autre le porte aux nues en guise de diadème ; l’une ô merveille ! porte à son pied, l’autre sur sa propre tête le céleste fleuve !
910Par son voisinage avec la cité de Kāñcī, le pic de l’Éléphant se trouve, de la même façon, visité par une divinité qui est en contradiction (avec elle-même) (141).
911En effet :
912339. Pourfendeur et Protecteur de Hiraṇyagarbha qui se plaît aux grandes libations, portant la terreur à l’Éléphant et le libérant de la terreur, Hari resplendit à la fois au sommet et à la base du mont de l’Éléphant !
913Voici encore un autre désagrément :
914340. Les gens qui, pour échapper à l’emprise de la crainte et au contact de la maladie, demeurent à Kāñcī, s’abritant auprès du Seigneur du pic de l’Éléphant, ont, à coup sûr, lors de la destruction de leur corps part aux deux (maux) !60.
915Viś. : Mon ami, ne t’exprime pas ainsi, puisqu’il est prouvé que la divinité de cette cité a forme indivisible, écoute ! (142).
916341. Elle se mire dans l’étang du Maître des serpents, à l’extrême pointe du pic de l’Éléphant brille son corps61. La divinité qui a noms Bhava et Hari, dans les deux Kāñcī, l’orientale et l’occidentale, triomphe !
917Il y a, en cette cité, une autre parure, que (l’on ne saurait tenir pour) souillure ! (143).
918A ces mots, portant ailleurs ses regards, envahi par la félicité (il dit) :
919Ah ! En vérité, ma destinée maintenant porte ses fruits ! (144). Car :
920342. Le (dieu) à la bouche de lotus, qu’exaltent les jeunes déesses, que l’ascète au matin contemple en sa méditation, que glorifie l’ouvrage de Vyāsa, le Messager des Pāndava, voici qu’il est entré dans le chemin de mon regard !
921Kṛś. : Ses actes sont inconvenants, pourquoi le louer ? (145).
922343. Bien qu’il fût Seigneur de tous les mondes, c’est de ceux qui avaient perdu toute fortune — quelle inconvenance — que, spontanément, il est devenu le messager : des fils de Pṛthā !
923Est-il agréable aux grands de ce monde que, dans la maison d’une petite luciole, le Maître des rayons, en humble esclave, longuement séjourne ?
924Viś. : Malveillant ! En considérant comme fautes les vertus du Bienheureux, c’est vous qui commettez une faute ! (146).
925Écoutez ceci :
926344. Le talent poétique est rehaussé par la profondeur, la richesse par la libéralité, la puissance par la vaillance, la condition de maître par la science, l’appartenance à une haute lignée par l’accomplissement des saintes pratiques, la grandeur par l’accessibilité — dit-on !
927A ces mots, conduisant ailleurs le char, pénétré de félicité (il dit) :
928Là :
929345. La splendeur de ses yeux exhale l’éclat enivrant d’un parterre de lotus blancs qui s’épanouissent, radieux : voici que triomphe ce dieu, le « Rāghuvide au triomphe », près du noble étang du Vautour à l’extrême pureté !
930En outre :
931346. Poussé sur la rive de l’étang du frère de Saṃpāti, brille, miraculeux, l’arbre fabuleux qu’est Vijayarāghava !
932C’est au-dessus de la masse de ses branches qu’il est visible pour les gens vertueux, tandis qu’au-dessous d’elles (on peut voir) toute la multitude des sumanas62.
933Saisi à nouveau d’une intense dévotion, il s’adresse aux hommes :
934Oh ! Vous, vous qui convoitez jouissance et délivrance, écoutez ceci ! (147).
935347. Fameuse est en faveur de ceux qui en lui se réfugient l’affection du fier Vijayarāghava ! Rendez lui hommage, lui qui, pour le Vautour accomplit le rite de la crémation !
936C’est encore en ce lieu consacré au Maître du Vautour que se produit un miracle célèbre en l’univers (148) :
937348. Lorsque les jeunes femmes qui désirent un fils se réunissent ici pour faire griller des fèves, les forces d’énergie du dieu font germer celles-ci en pousses drues, accompagnées d’une poussée d’horripilation chez (ces femmes).
938Kṛś. : l’attitude de Vijayarāghava n’est pas conforme à la majesté de sa propre forme : pourquoi l’invoquer ? (149).
939349. Il est loué par un perroquet, il est exalté par un haṃsa, un paon et autres animaux de monture63, il est assis sur Garuda, ce (dieu) !
940Bien qu’il demeure sur le rivage de l’océan de lait, il établit demeure — ô honte ! — auprès de cet étang du Vautour !
941Vis. : C’est là, chez Celui qui est un océan de pitié, parure, non souillure ! (150).
942350. Bien que, dans les demeures d’en haut, telles qu’on les connaît, par-delà les ténèbres, d’incomparables sages, dépouillés de tout mal, lui rendent hommage, voici qu’en ce lieu se manifeste Hari, pour satisfaire longuement le regard des hommes, inébranlable en sa compassion !
Célébration de la rivière Kṣīra
943A ces mots, dirigeant vers le sud le céleste char, tout en liesse : La voici !
944351. Celle qui, à l’égal de la Gaṅgā, du Sindhu, de la Sarasvatī, de la Tuṅgā qui brise le cycle des renaissances, de la rivière fille du Soleil et de celle qui voisine Raṅgam, réduit à néant ces charbons ardents que sont les péchés innombrables,
945Celle qui apaise le flot des peines, au sein de laquelle les sages en foule entreprennent à tout moment des ablutions, qui, aux sots même, confère une intelligence brillante, la rivière de lait, la voici devant nos yeux !
946En outre :
947352. Puisse la rivière de lait, dont les eaux fraîches changent en dieux de la richesse les hommes qui s’y baignent, exaltée par la multitude des sages, rendre ténus, ténus mes péchés épais, arrachant la souffrance de mon corps !
948Kṛś. : Soit ! Pourtant le destin a privé de saveur cette rivière de lait ! (151).
949353. Elle a beau être dépourvue de la moindre parcelle de souillure, être (toute) suavité, la rivière de lait (pourrait) plaire à l’homme de bien si elle ne se mêlait point à l’océan salé !
950Viś. : C’est justement une vertu que tu tiens pour faute ! (152).
951Car :
952354. « Un bain dans l’eau pure d’une rivière à sa rencontre avec l’océan fait disparaître la souillure et recueillir la prospérité » : voilà ce qu’enseignent les sages !
Célébration de la rivière Bāhā
953Avançant quelque peu en direction du sud :
954355. A la multitude des créatures habitant ses rives, elle dispense un savoir admirable, exempt de vices tels que l’erreur, immense ;
955D’un « svāhā ! », elle conjure les péchés, la rivière Bāhā au cours magnifique, où les sages en foule font leurs ablutions !
956Sur la rive gauche de cette (rivière), voici qu’apparaît, digne d’être habitée par l’élite des théologiens, une terre brahmanique réunissant toutes les qualités ! Vois ! (153).
957356. Il regorge de canaux plaisants dont l’eau est gonflée du pollen des arbres des berges de la rivière Bāhā, où murmurent les faiseuses de miel bourdonnantes portant l’allégresse aux oreilles ;
958Grâce au parfum (qui monte) sans cesse des offrandes lors des sacrifices des sages de la lignée d’Atri, il assure sa prospérité : voici que resplendit le village d’Araśāṇipāla, charme de la terre !
959En outre :
960357. Dotée de la très éminente Sarayū, c’est la splendeur de la cité de Sāketa que dévoile cette terre brahmanique protégée par le Seigneur des Raghu !64.
961Haussant quelque peu le char, et contemplant le double bord des deux rivières, il se répand en louanges :
962358. Parées de ceux qui sont les perles des hommes vertueux, aux vertus délicieuses, sur les rives de la rivière Bāhā et de celle qui est riche en lait, les terres brahmaniques, pareilles à de vastes colliers de la terre, resplendissent !65.
963Kṛś. :
964359. Ces villages, pourquoi les appelle-t-on agrahāra, puisque sont dépourvus de perles bien rondes les gens qui s’y abritent ?66.
965Viś. : Mon ami, c’est l’éloge de ces gens que, de manière détournée, vous venez de faire. Je l’accepte avec satisfaction ! (154).
Célébration du territoire Tuṇḍīra
966Considérant en sa totalité le territoire Tuṇḍīra, saisi d’une joie démesurée, (il dit) :
967Mon cher, voyez de ce territoire Tuṇḍīra la pureté et le charme éclatant ! (155).
968360. Sur chaque rive des rivières, resplendit là une terre brahmanique considérable, un éminent groupe de brahmanes en chacune de ces terres ;
969En chaque groupe de brahmanes prospère avec bonheur le sacrifice ; à chaque sacrifice, délicieuse à l’oreille, la résonnance des hymnes et des invocations !
970En outre :
971361. Les lettrés qui habitent le territoire Tuṇḍīra ont gloire comparable aux fragments d’écume de l’océan de lait !
972En eux croît à l’envi, unanimement reconnue, cette sainte conduite qui bannit le mal : à qui ne plairait-elle pas ?
973Kṛś. : Hélas ! Même en cet ultime âge, comment les pratiques de ces gens qui pratiquent les rites sacrificiels pourraient-elles plaire aux hommes éclairés ? (156).
974362. Point de prêtre versé dans le Veda, point non plus de compétence sans défaut chez le sacrifiant, ni argent pur, ni pureté dans le cœur en cet âge Kali :
975Pourtant, assoiffés de réussite, pour une modique somme d’argent, — hélas ! misérables qu’ils sont ! — les dieux-sur-la-terre procèdent en vain à la mise à mort des animaux !
976En outre :
977363. Pratiquer la purification selon la règle, en cet (âge) Kali, les brahmanes en sont incapables qui, en vérité, des observances strictes : rinçage de la bouche, ablutions, etc., ne peuvent même se souvenir !
978Où en est encore, chez eux, l’observance de l’agnihotra ? Où la connaissance du rite de l’oblation ? Où les sacrifices avec victimes animales, à commencer par l’agniṣṭoma ? Qu’est devenue la préparation du feu sacrificiel ?
979Viś. : Esprit grossier, pourquoi profères-tu ces mensonges ? (157). Car :
980364. Des honnêtes gens ils acceptent une somme décente, ils acquièrent la science (même) en (l’âge) Kali, choisissent des officiants purs et pleins de piété, versés dans la Révélation et les traités de rituel védique ;
981Ils aspirent à la félicité du Bienheureux, offrant à leur content des sacrifices : ces (hommes) pénétrés de sagesse, sans cesse tournés vers l’intérieur, de ce dernier âge font un âge d’or !
982En outre :
983365. « Nous n’avons pas l’argent nécessaire au sacrifice » disent ceux qui renoncent au sacrifice : ce n’est certes pas avec leur nourriture personnelle qu’ils pourraient accomplir l’adoration au Bienheureux !
984S’ils ont peiné à gagner quelque argent pur et s’acquittent du service du Bienheureux, cela n’a-t-il pas valeur de sacrifices ?
985De plus :
986366. « En agissant par désir de tuer, on commet un péché » : le même Veda qui s’exprime ainsi prescrit la mise à mort des animaux lors du sacrifice : quel homme versé dans le Veda, ferait la moindre réserve au sujet du sacrifice ?
987Le désir de tuer est absent du meurtre rituel d’un animal, a dit le noble Rāmānuja : celui qui, tout en suivant sa doctrine, n’est pas fidèle au sacrifice, y a-t-il pire ennemi du maître ?
988Voici encore qui mérite attention :
989367. Si un homme qui n’est pas un jaina éprouve de l'aversion pour l’acte de tuer quand il est partie intégrante d’un sacrifice, tout autant que pour les autres (actes accomplis) par désir de tuer,
990Que ne trouve-t-il aussi répréhensible d’avoir des enfants de sa propre épouse sans péché que d’en avoir d’autres femmes ?
991Admets encore ceci :
992368. Si, parce qu’ils redoutent à l’excès le manque de pureté chez un officiant, il en est, en cet (âge) Kali, qui abandonnent systématiquement le sacrifice,
993Pourquoi, soupçonnant leurs maîtres d’impureté, ne renoncent ils pas à la marque du disque, au service des prières visnouites, à tout ?
994En outre ;
995369. Les sacrifices prônés par tous les Veda grossis de la multitude des (ouvrages) de la Tradition, par les purāṇa ainsi que par les légendes, enfin par la coutume des honnêtes gens, qui ont été accomplis sur l’ordre du (dieu) ennemi de Madhu,
996Plusieurs de ceux-là — hélas ! — les rejettent pour se livrer à des actes interdits que même ils enseignent à d’autres !
997Faut-il en dire plus ?
998370. Eh bien ! Ces Vaiṣṇava qui renoncent au sacrifice parce qu’ils ont peur d’égorger un bouc, n’ont qu’à, par crainte de faire souffrir leurs disciples, renoncer à l’observance de la marque du disque !
999La première (pratique) a l’approbation d’un grand nombre de gens, c’est la satisfaction du Bienheureux qui en est le fruit, non les profits matériels ; bien moindre est le respect qui (s’attache) à la seconde, le fruit n’en est que le gain d’argent : voilà la différence !
1000Kṛś. : (ironique).
1001371. Cette souffrance des êtres que l’on marque au fer (du signe) de la conque et du disque, en quoi, mon cher, est-elle comparable avec la mise à mort d’un bouc ? (158).
1002Viś. : Toi qui ignores la différence entre vice et vertu, écoute donc ceci (159) :
1003372. Pire que la mise à mort de mille boucs est le meurtre d’un seul dieu-sur-la-terre : en conséquence, la brûlure d’un brahmane n’est-elle point l’équivalent du meurtre d’un animal ?
1004Si le port du disque marqué au fer, conformément aux traités, est aussi un gage de salut, le résultat du meurtre d’une victime lors d’un sacrifice prescrit justement par les Veda peut-il être l’abolissement de la loi morale elle-même ?
1005Cessons de prôner l’absolue nécessité d’accomplir les sacrifices prescrits par la myriade des textes révélés : c’est comme si (nous) recherchions un nouveau critère de connaissance pour établir l’existence du jujube (que nous avons) dans la main !
Célébration de la cité de Canjī
1006A ces mots, il conduit le char en direction du sud ; avec un hochement de tête (admiratif), (il dit) :
1007373. Blessure au cœur de toutes les autres, (ces belles) qui sont les perles des femmes charmantes, avec le cliquetis si coquet des cercles (de leurs chevilles), enflamment
1008La foule des jeunes gens dont s’emplit l’éclatante cité de Cañjī, Cañjī qui a ressuscité le (dieu) à cinq flèches victime des traîtrises du Terrible !
1009En outre :
1010374. Du Ṛg et du Sāma ainsi que du Yajur (Veda) devenus la demeure, les deux-fois-nés pleins de pureté qui se distinguent dans la Tradition, les (récits) anciens et les beaux-arts,
1011Font ici leur demeure, eux qui, de l’âpre logique, de la grammaire, de la Mīmāṃsā et du faîte de la Triple (Science) — ces océans ! —, ont embrassé la superficie !
1012Kṛś. (Sarcastique) :
1013375. Elle n’a point d’éclat cette capitale : aux époques où, des superbes remparts de sa citadelle sur la montagne cherchent à s’emparer les princes des peuples,
1014Des tempes des guerriers dressés dans le combat ruisselle le sang par milliers de ruisseaux dont l’afflux empeste chairs et ossements entassés (là).
1015Viś. : Mon cher, de cette capitale qui accumule les vertus, sous le couvert d’un blâme, c’est au contraire l’éloge que vous venez de faire ! (160).
1016Car :
1017376. Bien que d’autres capitales anciennes ils soient gouverneurs, dans les diverses régions, les protecteurs de la terre, sur cette capitale-ci, fût-ce en affrontant à la guerre le risque capital, — chose étonnante ! — jettent à l’excès leur dévolu !
1018Kṛś. : Poursuivant ses considérations pleines d’amertume :
1019Hélas ! Qu’ils soient d’un passé lointain ou de maintenant, ceux qui, de la porteuse de trésors portent le fardeau ne peuvent échapper à ce manque de discernement ! (161).
1020Vois :
1021377. Hélas ! L’argent abonde, le royaume est puissant, et pourtant, négligeant les tendres belles qui ont qualité pour le plaisir, qui par les qualités de leurs yeux abaissent l’orgueil des lotus,
1022Le roi dénué de pitié, pour ravir à l’ennemi une terre qu’il convoite de longue date, au milieu de son armée s’offre lui-même à la mort dans le combat !
1023Viś. : Esprit malveillant ! C’est justement le discernement que tu tiens pour manque de discernement ! (162).
1024En effet :
1025378. « Le succès au cours d’un torrent forestier est comparable, à l’éclair ressemble la puissance, les femmes ont jeunesse pareille à l’ombre nocturne entamée par les rayons du soleil,
1026Le corps est semblable à une lampe vide d’huile » : pour avoir pesé cela, les seigneurs de la terre renoncent à la vie afin de se gagner le ciel, purifiés, dans le feu de la bataille !
1027Écoute ce phénomène étonnant (163) :
1028379. En ce guerrier rougi par le sang à l’ouverture du combat, la rougeur est pareille à une épouse immortelle et fidèle ; et si le héros par les flèches innombrables a le corps brisé, elle est aussi, par les flèches innombrables (de l’amour), comme totalement brisée !
1029En outre :
1030380. Le (guerrier) flamboyant, du haut d’un char divin, (voit) son propre corps éclatant retenu à la surface de la terre, et dont la main serre étroitement une épée, alors que lui presse en ses paumes les seins d’une femme immortelle ;
1031Tandis qu’il reçoit les blessures des ongles de celle-ci, par les flèches d’ennemis innombrables le corps est transpercé, dans le feu du combat sa vie est versée en offrande : voilà ce qu’il contemple avec allégresse !
Célébration du saint Devanāyaka des rivières Pinākinī et Garuḍā
1032A ces mots, il conduit le char en un autre endroit, (et) portant ses regards tout autour de lui :
1033381. Vois la (rivière) du Porteur de massue, destructrice d’innombrables péchés et basse en eau, (vois) aussi la rivière Garuḍā : sur leurs rives, comme s’il était là loin de sa création, resplendit à sa guise le Dieu suprême, le Guide des dieux !
Célébration de Yajñiavarāha dans le lieu sacré de Śrīmuṣṇam
1034Il dirige le char vers un autre endroit (et), plein de félicité :
1035382. C’est maintenant que ma conduite vertueuse d’autrefois arrive à maturation, que le Dieu est satisfait, que l’aube éclaircit ma nuit : puisque le lieu sacré (du nom de) Saint Ravit, qui ravit des milliers de péchés est entré dans le champ de mes regards !
1036Car en ce lieu :
1037383. Noble elle est, du sanglier elle a la forme, au cœur du mobile et de l’immobile elle habite, par les dieux et les non-dieux elle est vénérée, elle porte la Porteuse : puisse la divinité primordiale,
1038Que sans cesse exaltent des lignées d’hommes vertueux, qui dispense un immense trésor de félicités, qui a pour emblème Tārkṣya, hommage lui étant rendu, n’apporter point de tourment !
1039Voici les (vers) qu’un illustre Indra des poètes ici récite (164) :
1040384. Sur la berge de la rivière toujours transparente, d’une hutte elle est l’hôte, sur sa hanche est visible sa main, des sangliers elle est souveraine, extrême est son adresse,
1041Elle s’est manifestée ici, dans la forêt, où le suc du sol a fait foisonner manguiers et sāla, elle a fait vœu de sauvegarde : la voici par moi regardée la divinité tutélaire !
1042Kṛś. :
1043385. Voici que, tout hostile qu’il soit aux (actes) répréhensibles, l’Archer ô honte ! — par désir de la terre s’est transformé en sanglier ! A l’exemple d’une telle action, dis-moi, est-il travestissement qu’un homme, désireux de conquérir de la terre, ne revête ici-bas ?
1044Viś. : Vous ignorez le secret des avatars du Bienheureux ! (165). Écoute :
1045386. Que d’un poisson, d’une tortue, d’un sanglier, ou d’un lion, ou de quelqu’autre encore, l’ennemi de Kaiṭabha prenne la forme, aucune n’étant sa (forme) originelle, même en elles ce (dieu) n’abandonne point sa nature propre !
1046En outre :
1047387. Le sanglier support de l’univers, qui, sur terre, est en mesure de le comprendre ? — le Maître épris de pureté qui, on le sait, au fond de sa prison d’eau profonde de l’océan,
1048Happant la terre tourmentée par l’Asura, comme un fétu ici-bas la remonta !
1049Débordant d’amour, il s’absorbe en Yajñavarāha (et) s’adressant à lui :
1050388. O Bienheureux qui du sanglier as l’illusoire apparence, sur le dur pilier très haut qu’est ta défense, maintenant je médite, débordante de cette masse d’huile qu’est l’océan,
1051La terre en liesse (portée) par toi prend la forme d’un récipient de lampe, et, en son sein, le merveilleux pic des joyaux d’une torche immuable revêt l’aspect !
Célébration de la Kāverī
1052A ces mots, il prend une autre direction, et, au contact de la brise légère témoignant de son bonheur, (dit) tout en liesse :
1053389. Du va et vient des vagues où se balancent nénuphars et lotus les plus exquis, il se joue habilement, rutilant de la fraîcheur et du parfum qui intensément s’en exhalent !
1054Dans l’onde de la Kāverī il aime à se baigner : qui ne célèbre ce vent qui, des corps exténués des voyageurs, chasse encore la fatigue ?
1055Contemplant le cours de la Kāverī, avec un hochement de tête (admiratif) :
1056390. Merveille ! A la cité de Raṅgam elle s’unit là, en lotus qui palpitent sur les vagues elle abonde ! J’ai, pour la fille de Sahya à la longue course profonde vénération, car elle a pris naissance pour dissiper les ténèbres (de l’ignorance).
1057Voici cette (rivière) qui a fait serment de détruire toutes les impuretés de toutes les races d’hommes accablées de péchés : sur ses rives, bakula très denses, dhavala en foules, tilaka, āmalaka, pins touffus, jasmins, santals, arbres à corail, manguiers, kerala, kesara, sarala, jujubiers, massifs de kadamba, profonds jambîra, jambū, palāśa couverts de feuilles et de fleurs, kapittha florissants, lodhra, denses fleurs de bananiers, buissons de bignognia, aréquiers serrés et autres arbres immenses qui, de leurs épaisses touffes de fleurs, laissent couler à flots, généreusement, l’essence de nectar qui apaise la fatigue : préoccupées de s’en gorger, vagabondent, supports d’allées et venues incessantes, d’innombrables abeilles qui, parsemant (la Kāverī), de la fille de Kalinda lui confèrent la ressemblance ! (1).
1058A l’heure où se baignent, emplies d’une lassitude qu’a fait naître le degré d’extrême plaisir éprouvé durant la nuit, les femmes à la taille mince de la maison de multiples rois, balançant leurs larges colliers, au contact des perles d’un vif éclat qui les sertissent, la Kāverī, devenant translucide, de la rivière née du lotus du pied de Pītāmbara imite l’apparence (2).
1059Parce que les joyaux du chaperon d’Ananta qui sert de couche à l’Être éternel habitant à l’intérieur des (êtres), de leurs faisceaux de lumière toujours la teignent en rouge, elle ressemble à la Sarasvatī ! (3).
1060Sur ses deux rives, répétant les formules apprises au moment des sacrifices irréprochables entrepris par de purs dieux-sur-la-terre qui se sont astreints avec foi à l’observance des rites conformes à la règle, de jeunes haṃsa sans cesse posés au cœur des cœurs de lotus manifestent, lorsqu’elle résonne à la récitation de tous les textes révélés, la parole du (dieu) à quatre têtes qui resplendit dans le lotus du nombril du roi de Śrīraṅgam ; (tandis qu’)en l’ivresse de leur passion, ils enlacent et embrassent leurs femelles, l’efferverscence de leurs ébats amoureux faisant jaillir des splendides lotus rouges le pollen, l’on croirait que (la rivière) a le corps oint d’essence de santal nouveau ! (4).
1061(A la vue) des visages de (belles) bien faites qui, en se jouant, immergent leur corps jusqu’au cou, les jeunes gens se disent : « par la surimpression du ciel sur cette eau, la lune est venue (là), et, à l’idée que Vidhu dont la demeure de Śrīraṅgam est toute proche et qui a même nom qu’elle, a accompli de nombreux avatars, de jalousie prenant multiples formes, elle resplendit ici ! » (Mais) l’illusion qui affaiblissait leur passion étant dissipée par les files de couples de cakra qui de leurs vifs embrassements mutuels tirent au plus haut point plaisir, ils contemplent, le désir aiguisé, les yeux fixes, (ces belles) dont se pare la rivière qui, grâce à l’affection de Sarasvatī, mérite son nom célèbre de « fille du sage »67 (5).
1062Parce qu’elle est du fils de Śāṃtanu le lieu natal, elle mérite son surnom de rivière (du fils de la) Gaṅgā ! (6)68. Bien qu’elle délivre de leurs péchés ceux qui s’y baignent, elle ne délivre pas de leurs péchés ceux qui s’y baignent !69 ; elle délivre ceux qui lui rendent hommage de leurs péchés, elle dissipe la lassitude des voyageurs : le flot, que voici à nos yeux prodigue une immense félicité ! (7) (166).
1063391. Elle se rit, elle qui ruine Bhava, de celle qui de Bhava se réjouit ! — elle, la rivière aux plaisantes couleurs, fille de Sahya, (se rit) de la fille de Jahnu à l’écume miroitante de couleurs déplaisantes, qui de Sahya n’est pas fille !70.
1064Avec un sursaut d’exaltation :
1065392. D’or est riche, on le sait, l’époux ; l’épouse est cette rivière d’or : cette union des deux éclate d’harmonie !
1066Kṛś. interrogateur :
1067393. Le cuivre fait resplendir ses flancs, en son sein abondent étain et argent dont elle tire éclat : d’où donc vient à cette Kāverī son renom de « rivière d’or » ?71.
1068Viś. : Ce défaut qu’à cette (rivière) tu feins d’attribuer, tenons-le pour qualité ! Vois son charme (167) :
1069394. La taille parée d’une étoffe jaune, les tresses agrémentées de guirlandes de nymphea, la fille du mont Sahya, depuis la maison de son père jusqu’auprès de son époux avance, sereine !
1070L’ayant encore contemplée :
1071395. Avec leur crête éclatante de clairs bouquets qui la couronnent, sur ses deux rives resplendissent les arbres que voici,
1072Pareils à des voyageurs qui, s’efforçant de la traverser en cet endroit, ont sur leur tête attaché leurs vêtements blancs.
Célébration de la cité de Srīraṅgam
1073Il avance à quelque distance de là (et) regardant à ses pieds, (dit) tout en liesse :
1074396. En ses parcs foisonnants d’orangers et d’autres arbres propices aux frais ébats des (femmes) aux yeux de faon, voici que s’étale la divine cité de Śrīraṅgam, hantée par les sages qui ont atteint l’autre rive de l’océan du savoir !
1075Après un minutieux examen, hochant la tête (avec admiration) :
1076397. Les haṃsa qui habitent les étangs oblongs des parcs s’adonnent à la logique, flânant dans les jardins de plaisance, le coucou mâle joue avec la parole de Patañjali ;
1077Tout comme les paons d’agrément tiennent ici discours sur e dualisme et le non-dualisme, d’elles-mêmes récitent à longueur de temps des strophes tantriques les menates que voici !
1078En outre :
1079398. Matin après matin, dans l’onde claire et purifiante de a fille de Sahya prenant bain après bain, renonçant à toutes les jouissances des sens, les yogi que voici,
1080Jour après jour buvant de leurs deux yeux le (dieu) qui a pour couche le serpent, dans une paisible paix comme un instant passent ici leur destinée toute entière !
1081Kṛś. : Mon cher, il y a contradiction dans ce que tu dis (168) ;
1082399. Aux ascètes qui dédaignent la (femme) au regard d’antilope, comment cette vue de Śrīraṅgam peut-elle plaire ?72 Le sage qui veut se préserver du contact de l’ignorance, comment prendrait-il goût à la proximité de la Kāverī ?73.
1083Viś. : Mon ami, la contradiction énoncée dans vos paroles, Vyāsa lui-même doit y souscrire ! (169).
1084Sur ce portant ses regards devant lui, il joint les mains pour l’añjali :
1085400. Le (dieu) sur la poitrine duquel resplendit Śrī, qui dans Śrīraṅgam resplendit, je lui témoigne, moi, des égards et ainsi ne m’égare point !
1086En outre :
1087401. Nous désirons ardemment nous prosterner devant le (dieu) qui sur le chaperon du maître des serpents, se tient et qui tient le disque, l’unique principe des êtres, la splendeur dissipant la crainte du maître des éléphants !
1088Kṛś. : Quoi ? Même à ce (dieu) qui s’appuie sur un grand libertin74, tu adresses de respectueuses salutations ? (170).
1089En effet :
1090402. Pour les seins dressés des jeunes filles éclate sa prédilection, il entretient relation avec des libertins, il se complaît à fréquenter assidument un somptueux théâtre, il est le modèle des débauchés ;
1091Auprès d’une épouse royale enfermée dans une ceinture d’enceintes ô étonnement ! sans crainte, en amant longuement il sommeille !75.
1092Viś. : Ces accusations fondées sur des jeux de mots ne soulèvent pas en moi colère mais satisfaction, aussi ne répliquerai-je pas sur ce point ! (171).
1093Après nouvelle observation :
1094403. (Dieu) dont les rois soutiennent les pieds sur leur propre tête, mont destructeur d’ennemis, l’ami de Raṅgam, pareil à la lune, est pourtant visible en l’absence de tout doṣa !76.
1095Ou bien encore :
1096404. Lorsque paraît ici l’Astre dont la forme est visible dans la splendide Raṅgam, porteur d’un surcroît de joie éclatante, je ne distingue plus cet astre dont la forme est visible en une indigne Raṅgam, porteur d’un surcroît de joie maligne !77.
1097Après nouvelle réflexion, plongé dans l’étonnement :
1098405. Que celui qui fréquente un éminent théâtre ait les manières d’un danseur, voilà qui est normal ; l’extraordinaire est qu’il reçoive le titre de « détaché (du monde) »78.
1099406. Un autre prodige se produit ici en la demeure de Śrīraṅgam : le seul nom de « lune » fait briller l’étang de lotus que voici ô merveille !
1100Jetant les yeux tout autour de lui, plein d’exaltation :
1101407. Cette terre sacrée de Raṅgam est, des endroits où se manifeste le maître de Ramā, le tout premier ! Elle est lieu de pèlermage cette bienheureuse Marudvṛdhā que célèbre à l’envi la Révélation !
1102Et cette cité a pour guide l’Ame universelle, gardienne des mondes S’il obtient de vivre ici, quel être en l’univers, aspire au paradis de Viṣṇu ?
1103Kṛś. : N approuvant qu’à moitié :
1104408. Aussi plaisant que soit ce pays protégé par le (dieu) qui est la lune de Raṅgam, au corps sombre comme les lotus du crépuscule, dissipateur des ténèbres,
1105Il est par malheur parcouru de bandits errants qui causent le tourment des hommes à l’âme apaisée : lorsqu’ils apparaissent, les gens fortunés d’ici ne vivent certes pas à l’abri de la crainte !
1106Est-il besoin d’en dire plus ?
1107409. Alors qu’au sein d’un flot d’or il est toujours radieux trésor d’immuables prospérités, portant lui-même sur sa poitrine une incomparable parure d’or,
1108Voici que ce (dieu) — est-ce crainte des bandits ? — en une demeure ceinte de multiples murailles repose, sous le nom de « maître de l’étain »79 se faisant ici connaître !
1109Viś : Ami, pour ceux que comble Śrī, il n’y a jamais de préjudice, c’est au contraire aux malfaiteurs qui la haïssent qu’arrivent les désagréments ! (172).
1110410. Le malfaiteur mû par le désir de voler l’argent d’autrui court de lui-même à sa perte ! N’a-t-il pas tôt fait de se brûler le papillon qui s’envole pour dévorer une grande torche ?
1111Cessons de nous occuper d’autre chose : c’est le Seigneur du Théâtre, en sa demeure de Śrīraṅgam, que je vais évoquer (173) :
1112Saisi d’admiration :
1113411. D’un ennemi même il est capable d’obtenir l’hommage puissant il est en l’univers ! — puisque de Rāmacandra lui-même,
1114Qui vouait une ardente dévotion à un autre que le suprême roi du Théâtre, ce suprême roi du Théâtre obtint l’adoration !80.
1115D’ailleurs je considère qu’il n’y a pas là contradiction (174) :
1116412. Le Raghuvide brise avec les objets méprisables pour se gagner des objets louables : voilà qui est normal ; briseur de l’indigne roi du Théâtre81, il a adoré le roi du Théâtre !
1117Débordant d’amour, il s’adresse au Bienheureux :
1118413. Sur celui qui écoute les concerts de louanges des dieux, qui s’enfle de colère contre les ennemis, qui anéantit les péchés des fidèles, qui toujours aspire à te servir,
1119Sur Śeṣa au doux corps, comblé de satisfaction, ô Esprit suprême ! tu reposes, sur Śeṣa qui de la pleine lune ne diffère pas !
1120Bienheureux Maître du Théâtre ! Pour parler seulement de vous en public, nous sommes, nous, dans l’effroi ! (175).
1121En effet :
1122414. Ton œil gauche a créé la grammaire, l’autre l’a promulguée ; ta couche, à son tour, a composé un remarquable commentaire grammatical ;
1123Tu as pour monture le plus éminent des deux-fois-nés, constitué des Veda, pour bru Bhāratī : elle tremble, la foule des poètes, de faire en public ô Seigneur du Théâtre ! ta louange !
1124Joignant les mains pour l’añjali, il adresse sa requête :
1125415. Borne extrême des multitudes de nobles vertus, splendeur sombre du nuage, elle dont les troupes d’immortelles sans cesse chantent le nom,
1126Elle qui brise l’étau du cycle des existences, qui brille de l’or de ses parures, puisse-t-elle apporter sur moi sa bénédiction, la Puissance qui habite le Théâtre !
1127Portant les yeux ailleurs, plein d’exaltation :
1128416. J’exalte la Princesse dont les yeux font pâlir l’orgueil des lotus, l’épouse du Maître du Théâtre, pareille à la splendeur incarnée !
1129S’adressant à la déesse :
1130417. Racine déracinant l’illusion, pour (les hommes) soumis au cycle des renaissances échelle sur la voie de la délivrance, remède pour assurer la purification de l’esprit, clair de lune dans les ténèbres de l’esprit,
1131Instrument pour jouer de la science : c’est ce que tu es pour moi ô Kamalā ! ô Mère ! Toi guirlande sur la poitrine de Viṣṇu, rameau de l’arbre divin, onde de l’océan de félicité !
1132Kṛś. :
1133418. Inconstante hélas ! par sa nature même pareille à l’éclat, Kamalā ne se plaît qu’au milieu de gens sans éducation : comment un homme éclairé peut-il la célébrer elle aussi ?
1134En effet ;
1135419. Naguère installé sur un sofa moelleux, il sollicite, la plupart du temps, un siège de bois ; mangeait-il comme un plat médiocre du riz cuit au lait,
1136Il dévore un médiocre gruau comme si c’était ambroisie ; portait-il naguère un habit jaune, il mendie une guenille : en esclave se comporte un maître de la terre lorsque Lakṣmī cesse ses œillades !
1137Remarque encore autre chose :
1138420. Celui qui a essuyé un refus à la porte d’un donateur, nous voyons maintenant à sa porte à lui — prodige ! — un éléphant ! Celui qui longtemps s’est assis par terre, la terre est sise sur son bras !
1139Celui dont les femmes n’obtenaient même pas pâture, voici que ses épouses trouvent des parures ! Avec ces vagues que sont les yeux de Kamalā — prodige ! — c’est dans l’abaissement que se trouve l’élévation !
1140Observe encore ceci : (Et il s’adresse à Śrī)
1141421. Celui qui tue pour de l’argent des parents innocents, celui qui va cent fois chez la femme d’autrui, celui qui se plaît en la compagnie des gens qui font violence aux créatures, celui qui se réjouit des trahisons,
1142Celui qui profère une parole violente de manière déplacée et celui qui fait cuire juste sa mesure de riz bouilli, c’est dans leurs demeures que tu danses perpétuellement ô Kamalā ! D’où te vient cette disposition ?
1143Autre chose encore :
1144422. Ceux dont les yeux ne maîtrisent pas l’art de regarder l’épouse d’autrui et dont le cœur est insensible aux convoitises de l’argent des autres, dont la bouche ignore la fausseté,
1145Ces gens-là ont des maisons minées par les eaux de pluie, où le bétail est inconnu, où les enfants ont faim : ô Lakṣmī ! Comme si de la peur tu avais peur, tu n’y jettes pas un regard !
1146Viś. : Ami ! Ce langage qui est tien engendre le tourment de l’esprit. Car l’apparence de réussite que l’on voit chez les gens de mauvaises mœurs ne sied pas aux hommes vertueux : au contraire, elle n’entraîne que la privation des œillades compatissantes de la Mère du monde qui permettent de surmonter la, mort ! Que la perte des vertus entraîne l’hostilité de la fille de l’océan, c’est ce qu’a dit, en effet, quelque sage qui connaît les devoirs (176).
1147423. « En un instant, deviennent néant de vertus la noble conduite et toutes les autres vertus de celui dont tu te détournes, ô Mère de l’univers ! ô toi, épouse de Viṣṇu ! »
1148Par conséquent :
1149424. La prospérité que les misérables obtiennent par des voies condamnables conduit à la vision de l’enfer : elle n’est pas le fruit de la pitié de Lakṣmī !
1150En effet :
1151425. Méprisant les sages tant ils tirent orgueil de leur fortune, ignorant les lois, envieux, rehaussant leur mince succès d’un atome de bien dû au guṇa tamas, libertins,
1152Vois ! ces êtres insignifiants, après avoir, en cinq ou six jours, abandonné leurs souffles, jusqu’au terme du kalpa subiront des supplices infernaux de toutes sortes, dans les cavernes de Kṛtānta !
1153Dire, comme vous l’avez fait, que Lakṣmī ne porte pas les yeux sur les hommes de bien, ne repose que sur l’ignorance ! Puisque c’est aux hommes vertueux que le bénéfice perpétuel de la dévotion au Bienheureux qui, au terme (de leur vie), a pouvoir de délivrance, est accordé par la noble œillade de la fille de l’océan — ce salutaire flot de nectar ! (177).
1154426. Puissent les multiples succès, fragiles comme le cordon distendu des colliers de joyaux des femmes effrontées que pressent en leur étreinte des vauriens enivrés aspirant à se livrer au plaisir,
1155N’échoir point aux hommes vertueux ! Car ces gens jouiront à leur fin d’une délivrance qui, ruissellement de félicité puissante et illimitée, a de quoi éclipser (même) la cité des dieux !
1156En outre :
1157427. La quantité des œillades de Lakṣmī est décisive : selon le degré de leur abondance, c’est des hommes, des dieux, des animaux, ou des créatures que peuvent devenir maîtres — ô merveille ! — quelques êtres !
1158Kṛś. : On ne peut dire que c’est l’abondance des œillades de Lakṣmī qui cause un accroissement de puissance : puisque leur petitesse seulement confère un surcroît de prospérité ! (178).
1159En effet :
1160428. Éléphants, palanquins, chevaux, l’homme peut les avoir sur un menu regard de l’épouse menue de Hari ; y a-t-il abondance de ses regards, on a pour monture un nuage, un taureau ou — chose étrange — un oiseau !
1161Fis. (Éclatant de rire) :
1162Une telle critique trahit la supériorité de la (déesse) qui demeure dans le lotus : j’y souscris ! (179).
1163429. Que faire ici-bas de souverains enivrés par un excès de richesse source d’orgueil, en butte aux flèches de l’amour ? A cette pensée, les hommes de bien, en ce monde, attachent leurs pensées à celle que loue le Briseur de cités, l’épouse du (dieu) dont le nombril est un lotus !
1164Après une nouvelle méditation, joignant les mains pour l’añjali :
1165430. Ô Mère ! Ô Bien-aimée du Destructeur de Madhu ! Tes yeux capables de rivaliser avec les myriades de lotus au matin, tes yeux aux vertus éclatantes, nous leur rendons hommage !
1166Qu’ils possèdent huit yeux, trois, mille, ou bien douze, c’est (des regards) des tiens que les dieux souhaitent être l’objet, fût-ce un instant !
1167A ces mots, il porte ailleurs ses regards, (et) plein d’allégresse :
1168431. De Śakra qui, escorté d’une multitude d’habitants des cieux, brandissait le foudre destructeur d’ennemis féroces, il a brisé la puissance orgueilleuse : puisse ici-bas le Seigneur des oiseaux comblé (de vertus) verser avec empressement le suc de félicité dans mes deux yeux !
1169Kṛś. : Pourquoi célèbres-tu ce Suparṇa qui passe les bornes ? (180) En effet :
1170432. Alors qu’il a étudié le Veda et ses annexes82, qu’il est le roi des deux-fois-nés83, qu’il porte l’impérissable, comment se fait-il qu’il ait avalé sans effroi un lézard bhilla, lui Garuda ?84.
1171Viś. : Le roi des oiseaux, en avalant le village bhilla a manifesté son aptitude à favoriser les bons et à punir les mauvais, ainsi que son habileté à distinguer bien et mal : pourquoi fais-tu de parure souillure ? (181).
1172Écoute :
1173433. Garuḍa avalant une multitude de méchants bhilla souillés par le péché a rejeté de sa gorge un brahmane qui se trouvent parmi eux, comme du cycle des existences (le dieu) qui repose sur le serpent (rejette) celui qui s’abrite en lui !
1174Merveille ! Cet Indra des oiseaux, même en ses instants de libres ébats, ne cesse de servir le Maître ! (182).
1175Car :
1176434. La sainte voie que doit emprunter l’Impérissable qui siège dans le disque du soleil au char tiré par des chevaux qu’aiguillonne le propre frère aîné (de Garuda) est obscurcie par les poussières de la terre que soulève le souffle de ses ailes :
1177Grâce aux vagues que l’impétuosité de ce vent fait danser en l’océan mobile, l’Indra des oiseaux purifie cette voie, et d’innombrables fleurs qui ont l’apparence de bribes d’écume surgies des flots mouvants, il la décore !
1178Après une nouvelle contemplation mentale :
1179435. En vérité, sa vue a exercé une ferme protection sur les dieux qui, cheveux hérissés, prenaient la fuite lors de la réunion d’adoration (au Bienheureux), effrayés par la troupe des serpents du Seigneur de la montagne !
1180Son corps est doté de la beauté des nobles pics du mont (baigné) par la Gaṅgā ; puisse-t-il, anéantissant la multitude de nos ennemis, nous dispenser le bonheur, l’oiseau qui est fait du Veda !
1181Puis, saisi d’étonnement :
1182436. Bien qu’il ait des branches, il a la forme d’une montagne85 ; bien qu’il soit élevé, il a de belles plumes86 : cela est normal ; l’étonnant est en ceci : lui qui a pour les humbles une soumission exemplaire, voici qu’il a reçu un parfum pénétrant de l’ennemi du printemps !87.
1183Alors, parcourant des yeux la cité dans sa totalité, et joignant les mains pour l’añjali :
1184437. Aux serviteurs du divin Bien-aimé qui, en l’enceinte sacrée de Śrīraṅgam toujours demeurent, brisant l’angoisse du cycle des existences, hommage soit rendu, eux qui font éclore l’esprit de leurs disciples !
1185Kṛś. : Ami, ne rendez pas hommage à tous les habitants de cette cité (183) :
1186438. En cette cité parée de serviteurs de Hari comblés de vertus innombrables, sont installés des marchands de victuailles !
1187Il observe et saisi d’étonnement :
1188439. L’oblation ravisseuse de péchés destinée à Śakra et aux autres dieux, consommée par Śauri, dans leur avidité à gagner de l’argent certains la vendent !
1189Si le vainqueur de Madhu leur fait don de sa propre demeure avec Śrī, ils ne craindront point de la vendre elle aussi, ces ignorants assoiffés de la moindre somme !
1190Viś. : Esprit stupide, ne parle pas ainsi ! (184).
1191440. Quel (péché) lequel ? — n’est réduit à néant pour les êtres de chair qui en ce lieu rendent hommage respectueux aux deux lotus des pieds de Mukunda ?
1192A ceux qui usent d’une variété de médicament exceptionnelle, quel dommage pourrait causer un régime malsain ?
1193Observant la cité sous tous ses angles, plein d’exaltation :
1194441. Hormi Raṅgam, parmi les demeures de l’Ennemi d’Anaṅga ou celles de l’Ennemi de Kaṃsa ô prodige ! quel lieu sacré voit-on qui soit ceint de sept murailles ?
Célébration du saint Jambukeśvara
1195Kṛś. : Mon cher, ne parle pas ainsi (185) :
1196442. A proximité de cette cité, sur la rive de la fille de Sahya, vois ce célèbre lieu consacré à Śiva, de sept murailles entouré !
1197Vis. : (Avec un éclat de rire).
1198A la vérité, entre ce lieu entouré des murailles du Porteur de chignon et Raṅgam, la ressemblance n’est due qu’à un artifice verbal ! (186).
1199Après un minutieux examen :
1200443. Le front empourpré par le feu de son œil prompt à consumer l’orgueil d’Amour en liesse, embelli de parures d’horreur faites d’un enchevêtrement de serpents primordiaux,
1201(Le dieu) éclatant qui a bu le poison (et) en compagnie de son épouse brille sur le mont brillant d’argent, sur terre longuement s’ébat au bord de la fille de Sahya, le Bienfaisant qui d’une conque a la splendeur !
1202Kṛś. : Ami, ne restons pas ici ! On y constate l’opposé de l’usage commun ! (187).
1203Vois :
1204444. Ceux qui font leurs ablutions avec les eaux de rivières se libèrent par-là de leurs souffrances ; à l’inverse, c’est la Kāverī qui est délivrée de ses souffrances grâce à l’ablution rituelle du Bienfaisant !
1205Viś. : Comment se fait-il ? (188)
1206Kṛś. : Écoute bien :
1207445. A l’idée que de son union avec la Gaṅgā la Yamunā s’enorgueillit, insoutenable est la souffrance de la fille de Sahya ! (Mais) lorsque le Porteur de la Gaṅgā est baigné dans ses propres eaux c’est (la Kāverī) elle-même qui est délivrée de ses souffrances !
1208Viś. : Semblable faute est souhaitée par ceux qui s’attachent à la vertu ! (189).
Célébration du pays Cola
1209A ces mots, ayant ailleurs conduit le char, pénétré de félicité :
1210446. Ses terres sont parées des saintes demeures du (dieu) qui repose sur le prince des serpents, son sein est peuplé des sanctuaires de Celui qui consomme le poison : le pays Cola resplendit, avec, aux moments où va et vient le vent, le balancement des manguiers aux pousses nouvelles !
1211Après un examen attentif, (il dit) saisi d’un ardent désir :
1212447. Enlacés par d’exquises lianes de bétel, passionnément, comme des amants par des (femmes) au visage éclatant, comme eux exultent les aréquiers !
1213De ce côté encore, regardez !
1214448. Jusqu’à toucher le ciel ah ! Vois ! — sur les rives de la Marudvṛdhā croissent les cocotiers aux fruits opulents : pour le dieu qui s’avance, gîtant dans le disque du soleil, l’on croirait que, dévotement, ils se sont chargés d’offrandes nouvelles !
1215Voici encore l’idée que j’en ai :
1216449. Avec leurs longues feuilles frémissantes et leurs larges fruits, couverts de poussières soulevées par le vent, les cocotiers très élancés qui palpitent devant (nous),
1217Sont pareils à certains hérétiques nus portant encensoir, agitant un long chignon, le corps poudré de cendres !
1218Avec un sourire, il désigne un autre endroit :
1219450. Vois, avec leurs fleurs odorantes dignes d’humilier un parterre de lotus, les punnāga qui, secoués par un grand vent violent, se trouvent enduits d’une épaisse poussière de pollen !
1220Regardant à ses côtés :
1221Quelle sublime noblesse est celle de ces contrées ! (190).
1222Vois :
1223451. La somme des jyoliṣṭoma : uklhya, atirātra, et aussi āptoryāma, ṣoḍaśī, vājapeya,
1224Les sacrifices considérables tel le pauṇḍarīka, en pays Cola — ô merveille ! — tiennent lieu de rite domestique !
1225En outre :
1226452. En chaque maison — vois ! — accomplissant l’agnihotra, le cœur soulagé par ces remèdes que sont les traités, exempte de péché,
1227Suprêmement pieuse, la fleur des hommes instruits dont la science est Tunique richesse purifie les mondes !
1228Kṛś. : Les éloges concernant cette contrée ne doivent pas être distribués indifféremment à tous, puisqu’en ce pays, chez les gens vertueux eux-mêmes, l’on constate toutes sortes de mauvaises conduites (191).
1229453. Ils se baignent au matin dans le fleuve, exécutent, selon la règle, la saṃdhyā et les autres rites, disposent les feux, accomplissent les sacrifices et s’adonnent à l’étude des traités ;
1230Rendent honneur aux dieux avec d’exquises fleurs, honorent aussi les hôtes ; pourtant, de restes de la veille ces gens nourrissent leur corps, ils pêchent donc !
1231Il examine à nouveau, et, saisi de stupeur :
1232Honte ! Il y a chez les femmes qui habitent ce pays un manque absolu de conscience de la pudeur ! (192).
1233En effet :
1234454. Hélas ! Alors qu’elles portent constamment un vêtement de haut88, les jeunes femmes exposent à longueur de temps hors des liens du corsage les coupes que sont leurs seins ! Voilà l’incongruité que l’on surprend ici !
1235En outre :
1236455. Dénudant ces bosses d’éléphant que sont leurs seins durs, avec leurs yeux à ravir tout orgueil aux lotus, les femmes du pays Cola sont assurément expertes à planter dans les cœurs les flèches de la volupté et de l’amour !
1237De plus :
1238456. Lors de la grande fête des premières règles, par milliers en vérité elles quittent leurs maisons pour se réunir en plein air, récitant sans crainte centaines de strophes érotiques,
1239En découvrant leurs seins durs comme des montagnes, même de l’ascète exempt de péché elles tarissent la solide constance, les femmes du pays Cola !
1240Viś. : Mon cher, ne blâme point les gens qui habitent le territoire Cola ! (193).
1241457. Dans l’eau par laquelle on prononce la purification de toutes choses, on a placé, l’ayant offerte aux dieux, une offrande pure, pour la protéger pendant la nuit : à la manger, quelle faute y a-t-il ?
1242Arguera-t-on qu’il faut renoncer à cette (nourriture) d’après les prescriptions des traités ? Puisqu’ils enseignent qu’accompagnée de beurre fondu et d’huile, on peut la consommer (même) rassie, elle n’est pas alors suspecte de souillures !
1243458. Elles respectent la fidélité conjugale, par des pratiques exemptes de péché elles purifient constamment leur âme : si les femmes du Cola n’ont pas de corsage sur leurs seins, quelle impureté est-ce là ?
1244C’est pour les femmes un péché que dévoiler les parties du corps propices à la volupté, dira-t-on : en ce cas ne couvrirait-on pas toujours les lèvres même d’une pièce d’étoffe ?
Célébration du (Dieu) Sārṅgapāṇi à Kumbhaghoṇa
1245A ces mots, regardant à ses côtés, (il dit) plein d’exaltation :
1246Du dieu que voici, la fortune, en vérité, passe la mesure ! (194). Car là :
1247459. Sur ce sofa, pareil à un massif de jasmin, qu’est le Serpent fait de joyaux, absorbée dans le sommeil de la méditation qui apaise les souffrances de l’univers,
1248Au sein d’une petite cavité la Divinité maîtresse de l’univers est visible à Kumbhaghoṇa qui brise les flèches du mal !
1249Observant les gens qui se trouvent au cœur de la cité, avec un hochement de tête admiratif :
1250460. A faire leurs ablutions dans l’eau de la fille de Sahya, à se purifier totalement par des prières murmurées et d’autres récitations, à offrir l’oblation au feu, à faire lecture des paroles incréées,
1251A s’incliner devant le Porteur d’arc, destructeur des maux du cycle des existences, et à le louer avec amour, passent leur vie en grand nombre ces éminents brahmanes de Śrīkumbhaghoṇa !
Célébration du saint Rājagopāla de Campakāraṇya
1252Puis :
1253461. (Le dieu) qui, parmi les huttes radieuses des bergères, sur les rives de la fille du soleil, errait, célèbre sous le nom de « Berger », d’avoir atteint la forêt Campaka à l’inébranlable compassion se réjouit en sa puissance innombrable !
1254L’homme vertueux qui, en ce lieu, vénère le lotus des pieds du Roi-Berger récite ces (vers) (195) :
1255462. De ces rois excécrables qui, s’enflant par instants de colère, d’un torrent de paroles violentes et d’autres infamies tourmentent le cœur de leurs solliciteurs, c’est assez !
1256Celui qui a fait vœu de conduire à la délivrance les hommes en proie à la souffrance venus à lui — fût-ce une fois —, qui, pour écarter le péché, a (pris) les dehors d’un berger, c’est lui que je vénère !
1257Kṛś. : Là encore une contradiction m’apparaît (196) :
1258Car :
1259463. Ses pattes reposent sur la crête des fleurs89, il butine le miel
1260Chose étrange : Murārati, toute abeille qu’il soit, s’est dans une forêt de campaka réfugié !90.
1261Viś. : Même les gens hostiles, le dieu Vāsudeva réussit à les faire coexister : quel est ce conte sur son « hostilité » ? (197).
1262464. Les deux (astres) parce qu’ils sont ses yeux, le roi des serpents et celui des oiseaux parce qu’ils sont sa couche et sa monture,
1263Pleins d’éclat, exultant, cohabitent en lui ! En ce Bienheureux — ô merveille ! — où y a-t-il trace d’hostilité ?
1264A ces mots, il avance, regarde, et, les mains jointes pour l’añjali :
1265465. Dissimulés sous les manguiers, les cocotiers élancés, des rayons de (l’astre) qui fait le jour, à son zénith même, ils sont hors d’atteinte en leurs profondeurs ;
1266Du mal ils effacent toute trace : à tous les lieux divins qui sont en pays Cola consacrés au Maître, voici mon hommage !
1267Kṛś. : Tu peux bien leur rendre hommage ! A constater les pratiques illicites de ceux qui vivent des temples, en particulier les gardiens d’idoles, je n’ai aucun désir de leur rendre hommage ! (198).
1268En effet :
1269466. De leurs mains qui pressent les seins des courtisanes, ils font l’offrande de l’eau à l’hôte et les autres oblations, et de leurs bouches encore imprégnées de la saveur de leur bétel ils récitent les formules ces gardiens !
1270De l’argent du dieu ils s’emparent sans crainte : en ces idoles auxquelles ils rendent le culte hélas ! comment la divinité serait-elle présente ?
1271De plus :
1272467. Ils se sont rassasiés — honte ! des propos de femmes vénales, non de rites tels que la saṃdhyā, ils se sont adonnés aux discours vulgaires, non pas aux syllabes du Veda ;
1273Ils se préoccupent de voler la nourriture, ils sont issus de mauvaises familles, ces cuisiniers ! La nourriture préparée en quantité par eux, le Bienheureux à qui elle est offerte l’agrée-t-il ?
1274Méditant :
1275Malheur ! Par la puissance de Kali, inévitable est chez tous les hommes l’altération du jugement ! (199).
1276Car :
1277468. La nourriture qu’en leur demeure offrent respectueusement à Hari les dieux-sur-la-terre à l’extrême pureté, même les sages, en ce lieu, ne l’honorent point, alors qu’elle a été préparée selon la règle !
1278Dans le sanctuaire du dieu ils goûtent sans crainte aux mets préparés par des vagabonds, touchés par des hommes corrompus, exposés honte ! — aux regards de tous et portés par des ignorants !
1279Viś. : A ceux qui comme moi connaissent la majesté du lieu divin, votre critique à son propos ne plaît point (200).
1280Car :
1281469. Dès l’aurore, le corps revêtu de la pureté requise à la suite des ablutions, versés dans la doctrine qui est la leur, libérés du péché, ces ministres du culte,
1282Pour sauver les hommes, ne se lassent pas d’accomplir selon les règles, en particulier avec des mets purs, l’hommage à l’Être suprême !
1283Écoute le secret que je vais t’apprendre, — en admettant même tes (critiques) (201).
1284470. Que selon la règle ou contrairement à la règle, avec amour ou sans amour, purs ou impurs — qu’importe ? — les gens d’ici adorent le Maître :
1285Chaque jour les dieux venant adorer les images de l’invincible, quel croyant aurait pour elles de l’aversion ?
1286Remarque encore ceci :
1287471. Certains par peur de (commettre) une faute à l’égard du Porteur du disque, d’autres par crainte du roi, quelques-uns par foi cuisent, attentifs et purs, une offrande divine ;
1288Cette (offrande) disposée devant lui, c’est avec joie que le Bienheureux de ses regards l’agrée, et, par désir d’anéantir les péchés, c’est elle encore que mangent les plus comblés par la fortune !
1289Vois : c’est par son sentiment personnel que l’on détermine l’excellence ou la déficience de la nourriture, qu’elle soit préparée dans le sanctuaire du Bienheureux ou dans un autre endroit ! (202).
1290472. Même si tel mets préparé à la maison doit à de forts assaisonnements une saveur prononcée et un parfum puissant, l’homme éclairé lui dénie un caractère bénéfique ;
1291Malgré l’absence de préparation abondante, en l’offrande placée dans le sanctuaire du dieu, immense est le caractère bénéfique et le pouvoir de détruire les péchés, telle est sa conviction.
1292Observe encore ceci :
1293473. Les gens qui habitent la demeure du dieu, en vérité qu’ils pêchent ou qu’ils soient purs, par la grâce du Maître méritent toujours le respect de ceux qui ont un jugement éclairé ;
1294C’est une règle : fort du poids d’une protection, même un homme insignifiant acquiert le droit à la considération : même boiteux, eunuques et gens semblables se font une cour grâce à la protection du roi !
Célébration de la Digue
1295A ces mots, il prend une autre direction ; portant ses regards devant lui, tout en liesse, il joint les mains pour l’añjali :
1296474. Pour sauver les pécheurs sans secours, pour absorber l’océan des ténèbres, pour atteindre la cité des démons, pour triompher en plein combat de Rāvaṇa aux dix têtes et des autres ennemis,
1297Pour conduire à la félicité la fille de la Terre dont il était séparé, pour obtenir gloire éternelle et dispenser la joie, le Raghuvide a bâti la Digue : nous la saluons !
1298Merveille ! Même ces (choses) insensibles ont une immense affection pour les êtres de leur parenté (203) :
1299Car :
1300475. En la cité de Lanka Rāvaṇa aux dix bouches a emprisonné la fille de la Terre : les porteuses de la Terre, elles lui sont parentes ! — pour la rendre à son époux, en digue se transformant, dans l’océan plongent d’elles-mêmes !
1301Il réfléchit :
1302476. Le corps baignant au sein de l’océan, marquées par l’écume que soulève la violence des vagues, elles se raillent — dirait-on — du Mandara plongé au milieu des flots, ces montagnes de la digue de Nala !
1303Méditant à nouveau :
1304477. Puni, semble-t-il, d’avoir touché l’ennemi du descendant de Raghu habitant la cité de Lanka, le roi des rivières, riche pourtant en son sein de souverains alliés, fut, par des souverains hostiles, livré aux chaînes, honte !91.
1305478. Purifiés, maîtrisant les bornes du dharma, endurant pluies et insolations terribles, au sein des flots de l’océan, les rois que voici se livrent constamment à une effrayante ascèse !
1306A la vue de ces chimères dansantes, déployant leur charme, frappées sans relâche par les flèches acérées du (dieu) sans corps, jamais plus ils ne s’émeuvent !92.
1307Un instant absorbé en médiation, il joint les mains pour l’añjali :
1308479. Malgré son immense orgueil, cet océan, effrayé par (ton courroux) supporte la digue massive en pierres volumineuses :
1309A ton courroux puissant qui protège les mondes en proie au mal ô Maître Rāma ! hommage soit rendu !
1310Kṛś. : Avec mépris :
1311480. Quand, effrayé par le courroux du descendant de Kakutstha, l’époux des rivières laissa les pesantes (pierres) sans souillure plonger en son eau,
1312Des singes furent alors capables de le traverser à pied ; dis-moi quel fruit y eut-il à peiner pour construire la digue ?
1313Viś. : Je l’ai déjà exposé ; vous n’avez pas compris correctement. Écoute encore, avec attention (204) :
1314481. « Que les singes montent sur la masse des flots » : c’est en prenant ce prétexte que le (dieu) aux yeux de lotus bleus, pour permettre aux hommes de surmonter la masse de leurs péchés, sur la masse des flots bâtit haut la Digue !
1315Après nouvelle réflexion :
1316482. Ce n’est point l’océan, (mais) bien la voûte céleste, point des troupeaux d’écume (mais) des foules d’étoiles innombrables, ce n’est point la digue même, (mais) pour les rôdeurs de nuit, pour les péchés des hommes aussi, un incendie !
1317Vois en ce lieu un sujet d’émerveillement pour les animaux marins qui se fourvoient (205) :
1318483. Pensant (qu’il s’agit) de l’Indra des éléphants, les monstres qui habitent l’océan, mordent les pierres de la digue de Nala ;
1319A s’efforcer de les mâcher ils attrappent mal aux dents et s’enfuient comme ils étaient venus !
1320Après l’avoir à nouveau examinée :
1321484. Au contact des bribes d’écume elle éclate de blancheur, elle est très longue, extrême est sa largeur : je contemple du descendant de Kakutstha la digue comblée de vertus, à la surface brillante, portée par le flot !
1322Ou bien :
1323485. Le corps meurtri, à la longue, par le poids excessif de la terre, sur les éléphants des quartiers célestes se déchargeant de son propre fardeau, est-ce pour apaiser sa fatigue que, sur l’eau froide de l’océan, repose, semblant une digue, le célèbre Śeṣa ?
1324Il médite, plein d’exaltation :
1325486. Cette digue qui jadis fut instrument de la destruction des dix péchés, comment ne serait-elle pas capable d’anéantir les cinq péchés ?
Célébbation de la Tāmraparṇī
1326A ces mots, s’étant tourné d’un autre côté, il regarde plein de joie :
1327487. Elle anéantit ici-bas pour les hommes la souffrance née de l’épanouissement de cet incendie de forêt que sont les péchés, l’épouse de l’océan portant le nom de Tāmraparṇī,
1328Célèbre dans les trois mondes, sur les rives de laquelle resplendissent, dans une suprême félicité, des foules de grands Ṛṣi !
Célébration du saint ascète Śaṭhakopa en la cité de Kurukā
1329Après avoir observé le voisinage :
1330488. Éclatante est la cité de Kurukā sur la rive immaculée de la Tāmraparṇī grâce aux Vaiṣṇava dont la dévotion au cours des trois âges a atteint tous ses fruits par le détachement !
1331Le bruissement des abeilles volant sur les (fleurs) bakula de la poitrine de Śaṭhāri ferme en ses vœux redouble le son épanoui des Veda tamouls dont elle est embrasée !
1332Voici ce que récitent les serviteurs de Hari épris de justice qui habitent cet endroit (206) :
1333489. A celui qui a vu les mille branches de l’éminent recueil sacré tamoul qui est notre salut, à ce Maître rendons de constants hommages, le grand ṛṣi Śaṭhakopa !
1334490. Inclinons-nous devant l’arbre tamarinier, cette merveille éclipsant les cinq arbres des Immortels ! C’est à son pied, chose célèbre ! que l’extraordinaire fruit de l’ascèse nommé Śaṭhāri a pour nous pris naissance !
1335491. Offrant à ceux qui en lui se réfugient ce fruit qu’est l’immortalité, singulier, brille l’arbre tamarinier !
1336Prononçant le livre sacré tamoul aux mille branches, à son pied a trouvé refuge le célèbre ascète !
1337492. Comme Hari il s’est incarné, de fleurs bakula il a parure, nous l’élisons pour refuge, en lui les hommes d’élite savent qu’il faut s’absorber, ceux qui aspirent à la délivrance doivent méditer son ouvrage !
1338493. Puisse mon esprit s’attacher fermement à cet illustre Śaṭhāri dont les stances résonnant bien haut en ce monde se répandent dans les divines demeures où l’on chante, ayant dépouillé le corps : « moi, je suis mangeur de nourriture ! ».
1339494. Elles ont réussi à tenir le mal en échec, elles ont permis de connaître le sens des couronnes de la Révélation, elles ont fasciné l’époux de Rāma : l’ambroisie n’est pas comparable aux stances de Śaṭhāri !
1340A l’adresse des hommes :
1341495. De vils couplets à la louange des rois cruels et fourbes, pour remplir votre ventre — cette outre ! — point n’en entonnez !
1342Ne vous agitez pas dans le puits aux ténèbres épaisses du cycle des renaissances ! Récitez les paroles de Śaṭhajit qui, sans peine, conduisent à la délivrance !
1343Exhortant Kṛśānu :
1344496. Oui ! Rends hommage, ô toi dont l’esprit est sans tache, à Śaṭhakopa qui, devenu arme auspicieuse pour bannir le péché du corps, resplendit à Kurukā !
1345En outre :
1346497. Les stances de celui qui porte les (fleurs) bakula, par la bouche d’hommes vertueux doivent être prononcées ; ceux qui, au cœur de la maison de Hari, les récitent d’une voix claire et forte, purifient le monde visible !
1347Avec exaltation :
1348498. Salle d’audience du détachement, estrade de la dévotion au Destructeur de Madhu, échelle vers la délivrance, fruit du mûrissement des bonnes actions,
1349Jardin de l’abandon, ami précieux de la parole véridique, terre nourricière des bourgeons de la pensée, triomphe ce langage du Porteur de bakula !
1350Jetant les yeux alentour, plein de félicité, il s’adresse à Kṛśānu :
1351499. Aux saints hommes qui ont étudié les couronnes du Veda par désir de connaître la vérité, habitants de la cité de Kurukā, rends librement hommage !
1352Kṛś. : Il est vrai ; pourtant il y a là un certain nombre d’ascètes même qui transgressent Révélation et Tradition : aussi n’éclate point en cet endroit une excessive honorabilité ! (207).
1353En effet :
1354500. Point de bain lors des trois saṃdhyā, point de port de la gourde d’ascète, point même d’observances telle celle du sacrifice tous les quatre mois, point de règle de mendicité ;
1355Point de renoncement au désir d’acquérir et point de lecture des Upanisad : point de qualité d’ascète pour ces gens qui vivent en transgressant l’esprit de la Révélation !
1356Ce n’est pas tout : écoute encore autre chose (208) :
1357501. A-t-il même choisi la condition de renonçant caractérisée par l’abandon de toute occupation : voici que cet (homme) avide, prétextant le service de Hari, se hâte de pénétrer dans la capitale,
1358Se procure de l’argent, et, dans une demeure opulente se nourrit de plats cuisinés ! Qui tolèrerait ici-bas, ô Rāma ! Rāma ! cette honteuse conduite due à Kali ?
1359A quoi bon poursuivre ?
1360502. Y a-t-il plus inconvenant en ce maudit Kali que des ascètes qui rendent hommage aux maîtres de maison ?
1361Voici pourtant qui confond ici-bas l’esprit : se disant : « C’est un Vaiṣṇava », le deux-fois-né d’ici, dénué de jugement, devant un śūdra s’incline !
1362Viś. : Ami, ne t’exprime pas ainsi ! (209).
1363503. Qu’un certain nombre d’ascètes aient — hélas ! — le désir d’amasser de l’argent ou qu’ils y renoncent, qu’ils accomplissent ou non la tournée d’aumônes,
1364S’ils sont dévoués au service du lotus des pieds de Hari quelle infamie peut s’attacher à eux dont le cœur est exempt de marques d’infamie ?
1365(Vous) dites que même les voyages pour le service du (dieu) qui a pour couche le meilleur des serpents ne conviennent pas au quatrième âge : voilà qu’on ne peut soutenir que par manque de réflexion judicieuse ! (210).
1366504. C’est pour le service du (dieu) aux yeux de lotus que voyagent certains renonçant : ils sont bénis ici-bas pour avoir d’eux-mêmes accédé à l’absence de désirs !
1367Voici comment ils s’expriment, sachant ce qu’il faut éviter, comme ce qu’il faut rechercher ! (211).
1368505. Épouser pour le seul plaisir une (femme) aux belles hanches, offrir des sacrifices pour la gloire, faire une cuisson pour soi seul, se procurer de l’argent pour le gaspiller chez de vils personnages,
1369Pratiquer la récitation du Veda pour recevoir des dons, peiner sur les traités pour la dispute, accomplir, pour remplir son ventre, le service de Hari, c’est pécher !
1370Autre chose :
1371506. Si nombreux soient les péchés dont il est chargé, un homme mérite généralement le respect quand il a témoigné au Bienheureux une dévotion chère aux gens vertueux ;
1372Si puissants soient les serpents, si abondantes les épines qui le recouvrent, le pandane aux fleurs odorantes en est-il moins apprécié des gens de bien ?
Célébration des Smārta, Śaiva, etc. habitant en pays Pāṇḍya et Cola
1373A ces mots, il prend une autre direction, et, regardant tout alentour, les mains jointes pour l’añjali :
1374507. Grâce à leurs cérémonies rituelles, les Veda portent des fruits, ils familiarisent beaucoup (d’hommes) avec les textes révélés : aux érudits qui habitent en pays Pāṇḍya et Cola, rendez hommage !
1375Kṛś. : Il est vrai ; pourtant, tous dieux sur la terre qu’ils soient, il ne me plaît point de leur rendre hommage, car, parmi eux, on trouve nombre de menteurs93 ; ces gens, on le sait, refusant la réalité fondée sur les critères de la connaissance, admettent une réalité non fondée sur les critères de la connaissance ! (212)
1376En effet :
1377508. « Bien qu’il soit du domaine de la perception, le monde visible tout entier est illusion » enseignent ces tenants de la māyā, et c’est à un brahman qui est au-delà de tous les modes de connaissance qu’ils ont recours, — (brahmon) suprême, dénué d’attributs !
1378Il reprend, plein de courroux :
1379Quelle honte ! Ces brahmanes qui n’en ont que le nom haïssent le brahman suprême ! (213).
1380Car :
1381509. Ce (brahman) dont la fin des textes sacrés révèle qu’il est toute science, qu’il a rejeté le mal, qu’il supprime le tourment du cycle des renaissances, ce brahman suprême est dénué de science et éprouve les souffrances du samsara, voilà ce qu’ils proclament !
1382Ces gens ne haïssent pas seulement le brahman suprême, mais encore les textes révélés qui en donnent le témoignage ! (214).
1383Car :
1384510. Ces esprits pervers recusant, parmi les textes révélés — sous le prétexte qu’ils enseignent un sens illusoire — l’autorité du Karmakāṇḍa, ainsi que les (parties) du Brahmakāṇḍa qui attribuent des qualités (au brahman), reste le mot « brahman » ;
1385Dans ce mot, une désinence a un sens illusoire ; le thème lui-même ne désigne pas le brahman suprême puisqu’ils dénient à celui-ci le pouvoir d’être exprimé par un mot : comment ces gens pourraient-ils reconnaître aux Upanisad la valeur de critère ?
1386En outre, leur haine ne va pas seulement aux textes révélés, mais encore aux Śārīraka (215) :
1387511. Le traité composé par le fils de Parāśara pour la connaissance de brahman est tenu pour incorrect par ceux qui professent que le brahman ne fait qu’un (avec les âmes individuelles).
1388De plus : le Maître de tout, dont la nature propre est telle qu’on la connaît, ils affirment qu’il est différent, ces hommes à l’esprit borné ! (216).
1389512. Alors qu’il a toute science, ils disent qu’il n’a nulle science, alors qu’il est exprimable par tous les mots, ils disent qu’il n’est exprimable par aucun, alors qu’il est le siège de tous les grands attributs,
1390Ils le disent dénué d’attributs, alors qu’il peut être connu à travers l’ensemble des Veda, ils le disent inconnaissable, le Maître de l’univers !
1391Faut-il en dire plus ?
1392513. Entre le jīva rempli de passions fortes entraînant un lot de péchés de toutes sortes, à l’esprit très borné, et le Maître suprême,
1393Océan de félicité exempt de limites, ils soutiennent qu’il y a absence de différence : comment feraient-ils la différence entre un petit moustique et un éléphant (plein de) mada ?
1394Autre point encore :
1395514. « L’objet perçu est illusion, l’agent percevant est illusion, la faute (de la perception) est illusion » : telle est la conception de ces gens ;
1396Pourquoi ne pas (l’appliquer) à l’élément-fondement (de tout) ? : voilà le raisonnement qui apparaît chez les plus éminents érudits !
1397Viś. : Mon cher, ne t’élève pas contre les fautes de ces dieux-sur-la-terre ! (217).
1398515. Pensant que la voie transmise par la tradition dans leur propre lignée ne doit pas être abandonnée, ils acceptent le non dualisme : eh bien ! Qu’ils affirment le caractère illusoire de l’univers !
1399A étudier les textes védiques, à accomplir avec foi une profusion de rites, en voit-on d’autres aussi habiles qu’eux ?
1400En outre :
1401516. Chaque jour, ils lisent les textes révélés, mieux encore : ils les comprennent ; ils offrent des sacrifices, mieux encore : ils murmurent une foule de prières ;
1402Ces gens qui suivent le rituel des smṛti, accomplissant encore les offrandes aux mânes, effacent le manque d’autorité de la Révélation, qui résulte d’un manque de pratique religieuse.
1403Kṛś. : Regardant de tous côtés :
1404Encore qu’incomparables, ces contrées regorgent de Śivaïtes, aussi ne méritent-elles pas louanges ! Car les Śivaïtes qui déforment dans leurs exposés la morale en réalité salutaire, égarent même les savants ! (218).
1405En effet :
1406517. Comme à l’Être suprême qui a engendré l’amour, et dissipé les souffrances, trésor de hautes vertus, est constamment attachée Kamalā,
1407C’est au Maître des animaux atteint de maladie94, qui a brûlé l’amour, qu’est intimement vouée cette Révélation dont se targuent ces Śivaïtes, comme frappés d’infortune !
1408518. « Au soleil on doit demander la santé, au porteur d’offrandes on doit demander la plénitude de la réussite, au Seigneur on doit demander la science ; la délivrance qui a puissance illimitée, on doit la demander à Mukunda ! »
1409Tout en respectant ces paroles — parmi d’autres — des ascètes éminents qui professent la vérité, les Śivaïtes, délaissant le culte de Viṣṇu — hélas ! — pour briser le bhava, à Bhava se vouent !
1410De plus :
1411519. L’éminente demeure de Viṣṇu, remplie d’une foule de savants qui toujours voient par-delà les ténèbres, qui est félicité sans souillure et profonde, qui est éternelle,
1412Ces gens n’ont pas désir de l’atteindre : au séjour, hanté sans trêve par des hordes de vampires et de fantômes, terrifiant et périssable, du grand Seigneur, ils ont résolu d’aller !
1413Viś. : Ami, à saisir les mérites mets ta curiosité ! (219).
1414520. Sans relâche ils accomplissent le rite, ils étudient textes védiques et traités, ils s’acquittent d’une multitude de (sacrifices) aux sept parties, ils satisfont avec dévotion leurs hôtes,
1415Ils adorent le (dieu) aux trois yeux accompagné d’Ambā, avec un constant respect, les vertueux Śivaïtes : chez ces (hommes) d’une telle moralité, ne peut-on tolérer quelques défauts ?
1416Écoute encore autre chose (220) :
1417521. L’hommage qui au Destructeur d’Amour est maintenant rendu engendre la dévotion à Hari — merveille ! en une autre existence !
1418Celle-ci, à son tour, fait naître la délivrance qui anéantit la multitude des péchés : quel fruit perdent ceux qui font l’adoration à Śarva ?
1419Par contre :
1420522. La dévotion à Rudra prépare le bonheur quand elle ne tolère pas un atome d’aversion pour Viṣṇu. Elle est source de morale l’épouse que ne touchent pas des amants !
1421L’aversion pour celui qui repose sur Śeṣa est sacrée reine des fautes humaines ! (221).
1422Vois :
1423523. Elle apporte l’incroyance, prépare les tourments infernaux, anéantit la grandeur et ravage la prospérité,
1424Elle brise le cours de la vie, elle multiplie toutes les fautes, la haine qui, ayant pour objet Mukunda, à l’action du poison est comparable !
1425Kṛś. : Il est vrai ; pourtant, s’appliquant à des vœux contraires au Veda, manifestant leur dévotion à Śiva, ces hérétiques singuliers ont une tenue qui jette l’effroi au cœur ! (222).
1426En effet :
1427524. Prenant des chemins défavorables, le front desséché par la cendre des bûchers, portant le chignon tressé, dépourvus de langage intelligible,
1428Jetant des flammes de leur regard pareil aux feux de crémation, comme des démons ces gens errent dans les régions cardinales !
1429En outre :
1430Ils ont une attitude fort détestable (223) :
1431525. Ayant pris pour sujet (de l’inférence) la plus haute montagne, ces gens privés de conclusion et dépourvus de concomitance, désirent remporter le prix de la victoire en montrant seulement le signe (à interpréter) !95.
1432D’autres là,
1433526. Battant l’air — dirait-on — de leurs deux bras aux ongles longs et crochus (qui les rendent) pareils à des ânes, incapables d’accomplir même la purification, faibles d’esprit et de cœur, vont et viennent !
1434Viś. : (après examen) :
1435Celui qui reconnaît les mérites ne doit pas blâmer ces gens eux-mêmes ! (224).
1436527. Du froid ou du chaud ils supportent les excès, ils ont vaincu leurs sens, des jeûnes rigoureux ont desséché leur corps,
1437Des pèlerinages aux lieux saints ont banni leurs péchés : concède quelques vertus à ces ascètes !
Célébration des astrologues
1438A ces mots, portant ses regards dans une autre direction, (il dit), saisi d’inquiétude :
1439Quels sont ces gens, qui, debout dès l’aube, courent en tous sens, un livre à la main ? (225).
1440Kṛś. : examinant avec attention, (dit) d’un ton moqueur :
1441528. En l’océan des traités d’astronomie, gonflé de ces vagues que sont les innombrables règles générales et leurs exceptions, satisfaits — apparemment — d’avoir puisé quelques gouttes,
1442Avec des contes sur la longévité, les enfants, la réussite, etc. ces misérables astrologues, pénétrant en chaque maison, abusent constamment les riches !
1443En outre :
1444529. Il dessine un horoscope, véridique ou non véridique, pour les gens ; s’il se réalise, il met alors en avant son habileté personnelle ;
1445S’il ne se réalise pas, il rejette l’erreur sur le lecteur de la figure : c’est ainsi qu’en ce monde — hélas ! — le misérable astrologue vole de l’argent !
1446De plus :
1447530. Alors que félicité ou détresse échoient à l’homme en vertu du destin, « moi, je l’avais prédit » prétend-il faussement !
1448L’unique souci des hommes étant d’obtenir l’objet de leurs désirs ou d’éviter ce qui est contraire à leurs désirs, c’est par une énumération de bélier et d’autres (signes) que cet individu les abuse !
1449Admettons même que l’astrologue dise vrai : il est pourtant vain d’écouter ses paroles (226) :
1450En effet :
1451531. Malheur ou bonheur, à l’heure où leurs actes ont mûri sont-— hélas ! — le sort inexorable de ces (êtres) doués d’un corps !
1452En ce cas, quand bien même l’aurait annoncé à l’avance celui qui connaît le moment, dis-moi : quel fruit en retireraient alors ces gens à l’heure de la mort ?
1453Viś. : Ces astrologues qui aident à entreprendre des actes pour ce monde ou pour l’autre ne méritent pas le blâme ! (227).
1454Écoute :
1455532. Ni culte aux dieux ou aux mânes n’aurait d’effet dans un pays où personne ne connaîtrait l’astronomie, - ni astres ni mouvements des neuf planètes, ni jours lunaires ni rien — puisqu’en ces matières sont savants (les astrologues) !
1456Cette constatation : qu’il ne sert à rien d’écouter les paroles d’un astrologue, on ne la formule pas quand on réfléchit judicieusement ! (228).
1457Car :
1458533. Si le moment où le dragon avale le soleil ou (l’astre) aux rayons froids est déterminé à l’avance, on doit accomplir aux tīrtha un pèlerinage qui anéantit les trois souffrances de l’homme.
1459L’objet de nos souhaits est-il connu avec certitude à l’avance, on peut donner libre cours à la patience et à la satisfaction ; voit-on, au contraire, un malheur, on peut alors l’éviter, grâce à des prières par exemple.
1460Il ne convient pas de manquer de confiance dans les paroles des astrologues (229).
1461534. Croissance et déclin de l’ami des nénuphars blancs, éclipses de soleil et de lune, lever et coucher de Vénus et des autres (planètes), ces (phénomènes) que tout le monde voit,
1462Confèrent avec éclat — selon la règle du pot et du grain — à l’ensemble des déclarations de ceux qui ici-bas connaissent la voie des traités d’astronomie, une inébranlable considération !
1463Voici ce que savent ceux qui savent la bonne conduite (230) :
1464535. Un village sans astrologue, une assemblée royale dépourvue de sage, une bouche d’où sont absents les textes révélés, une contrée privée de roi,
1465Une épouse sans conduite, un poème encore qui ne traite pas de Hari, un maître encore qui se détourne de son rôle d’enseignant, l’(homme) éclairé doit les éviter !
Célébration des Médecins
1466Kṛś. : « admettons ! » dit-il et portant ailleurs ses regards, il éclate en railleries :
1467536. D’inutiles remèdes — hélas ! —, de vaines potions, de sirops inefficaces, d’huiles inappropriées, ces docteurs, abusant la foule de leurs malades, leur remplissent le ventre — telle une cuve !
1468En outre :
1469537. Point de connaissance des éléments constitutifs, point de familiarité avec les traités de médecine, point non plus de réelle compréhension des maladies, point de lumière sur les vertus des substances,
1470Pourtant, avec le titre de « docteur » faisant trembler les sots, pareils à des serviteurs de la mort ils ravissent la vie et le bien des (hommes) en proie aux maladies !
1471Et même :
1472538. L’amélioration que les hommes doivent à des infusions et à des diètes, le médecin proclame qu’elle est due à ses propres remèdes et emporte l’argent !
1473Viś. : Ami ! A l’encontre des médecins qui sont les bienfaiteurs de tous, ne prononce pas de blâmes ! (231).
1474Vois :
1475539. Lorsque la tête est dans l’étau d’une insupportable douleur, que le son se perd dans la gorge, que le corps est brûlé par le feu de la fièvre, que tous les sens sont paralysés,
1476Lorsque s’affligent les parents avec des lamentations, qui d’autre qu’un médecin peut apporter le réconfort en soulageant la maladie ?
1477540. Il a beau ne pas connaître la médecine, pourtant, en cas de graves maladies, c’est bien celui qui est reconnu comme « médecin »
1478Que fait chercher toute personne judicieuse : aussi le médecin ne mérite-t-il pas la calomnie !
1479Hélas ! Envers les médecins qui l’ont secouru, l’homme sans jugement montre de l’ingratitude ! Aussi les poètes disent-ils (232) :
1480541. Celui qui a rempli son devoir de sacrifice n’a que haine pour le prêtre (qui lui réclame son dû), de même celui qui a traversé un fleuve pour le batelier, pour le bon guerrier, à la fin du combat, celui qui a remporté la victoire, pour son convoyeur celui qui est arrivé à son but,
1481Pour la vieille courtisane le libertin qui a limé la jeunesse de celle-là, pour le médecin aussi — quand il réclame son dû — celui qui est délivré des angoisses qui l’accablaient !
Célébration des poètes
1482A ces mots, il lance en avant le char céleste et en avant regarde, l’air réprobateur.
1483Kṛś. : Ami, vois, là, chez ces poètes, une conduite tout à fait contraire aux traités (233) :
1484542. Dans ce langage charmant dont les tours poétiques sont adaptés aux louanges du divin Maître, — ô honte ! — les poètes encensent les protecteurs de la terre cupides et fourbes !
1485Quand a été apportée de loin l’eau de la rivière des dieux qui convient pour l’ablution des divinités, les (hommes) éclairés l’emploient-ils pour arroser les canaux d’un jardin ?
1486En outre :
1487543. Bien que pour ses laudateurs Hari rompe le cycle des existences, le poète, en vers bien tournés compose, des manières des jolies femmes, un éloge blâmable,
1488Tout comme un maître de la terre sans conduite par le corps d’une chienne de palais de perles dignes de sertir le diadème des divinités !
1489Viś. : Soleils dans les ténèbres intimes, les poètes ne méritent pas tes injures ! (234).
1490544. S’il est vrai que certaines paroles des poètes n’ont point de fruit en ce monde, il en est d’autres qui, exaltant l’histoire de l’ennemi de Madhu, comblent les désirs !
1491S’il est vrai que l’argent ne porte point de fruit quand il est donné à ceux qui ne sont pas versés dans le Veda, au généreux donateur qui donne sa fortune à une personne de mérite, appartient la Fortune !
1492545. Si le poète qui crée un poème admirable en entrelaçant des récits sur le Bienheureux, en quelque portion de cette (œuvre) introduit le sentiment érotique, l’héroïque ou un autre,
1493Quel sera le préjudice ? Puisque ceux qui s’adonnent à la poésie suivent en cela la voie tracée par les ouvrages de Vyāsa, de Vālmīki et d’autres !
1494Kṛś. :
1495546. « Ceux qui composent à la louange d’un homme ne méritent pas, en vérité, l’éloge des sages » : voilà le blâme qu’aux poètes adressent ceux qui cheminent au long des traités !
1496Viś. : Commun à tous les hommes cherchant fébrilement l’argent, ce défaut ne gagne que les poètes sans jugement ! (235).
1497Car :
1498547. En vers pleins de grâce les poètes célèbrent, pour la plupart, les maîtres de la terre, les autres les célèbrent en paroles banales, médiocres même ;
1499La capacité ou l’incapacité de composer des vers détermine la différence entre les poètes et les autres, mais le défaut qui consiste à flatter un homme est universel !
1500Après un instant d’examen, (il dit), pénétré de respect ;
1501548. Le descendant de Pracetas, Vyāsa, Parāśara et les autres Indra des poètes d’autrefois sont vénérés de par l’univers ; bien qu’elle soit postérieure, l’assemblée des grands poètes mérite le respect de ceux qui apprécient les qualités, bénéfique qu’elle est pour l’humanité !
1502En effet :
1503549. Māgha, Cora, Mayūra, Murāri, cet autre qui connaît la quintessence (de la poésie) : Bhāravi, Śrīharṣa, Kālidāsa, le poète encore qui a nom Bhavabhūti, le roi Bhoja,
1504L’illustre Daṇḍin, celui qui a nom Diṇḍima, (Vedānta Deśika) maître de la couronne des Veda, Bhallaṭa, Bānabaṭṭa et d’autres illustres (poètes) tel Subandhu, par leurs œuvres comblent l’univers de félicité !
1505Outre cela :
1506550. L’alliance d’une réussite et d’une modestie sans défauts, de la poétique et de l’érudition, de la puissance et du dévouement à autrui, du pouvoir suprême et de la pitié,
1507De la noblesse et de la bienveillance, de la bonne conduite et de la science suscite — dit-on — les louanges de ceux qui sont le diadème des sages !
1508Considère encore ceci :
1509551. L’ascète qui se plaît à détruire le mensonge, — la poussière de ses pieds est objet d’adoration, son esprit est en Viṣṇu —, fut un poète mélodieux, d’autres encore qui, à l’égal de lui, sont fortunés : combien de mondes ne purifient-ils pas grâce au flot de leurs paroles harmonieuses ?96.
Célébration des logiciens
1510Kṛś. : Ayant fait avancer le char et regardant à ses côtés :
1511Vois ces hommes obstinés qui, en une continuelle réflexion sur les ouvrages du nyāya, vainement s’épuisent ! (236).
1512En effet :
1513552. Ils abandonnent la réflexion sur les œuvres du culte et sur le brahman, dispensatrice de bonheur et de délivrance, pour émettre un bruit confus qui a pour effet de dessécher la gorge, ces logiciens !
1514La « constatation directe » ne purifie pas, les péchés ne sont pas écartés par un « agrégat d’atomes », l’« extension » n’est d’aucun secours, d’aucune protection le « résultat de l’inférence », la « défense d’une thèse » ne préserve point !
1515En outre :
1516553. « La connaissance (de la pakṣatā) qualifiée par (celle de la vyāpti) est la cause dans le résultat de l’inférence, non le couple des deux connaissances (séparément l’une de l’autre) » ; « le vent n’est pas perceptible par la peau » : si les adeptes du nyāya, intarissables en thèses absurdes de ce genre, sont des savants,
1517Alors ceux qui s’épuiseraient en continuels raisonnements du type : « Quel est le poids d’un œuf de bélier, combien de dents a le corbeau ? » ne seraient-ils pas des érudits ?
1518De ce raisonneur desséché, tout particulièrement, la conduite est objet de dérision pour les gens sensés (237).
1519Écoute :
1520554. Il ne s’inspire plus du Veda, il n’a plus un seul contact avec ses annexes même, il n’étudie plus les purāṇa, ne tient plus compte non plus de la foule des traditions !
1521A énoncer une logique desséchée en des termes qui ne visent qu’au mépris d’autrui, celui-ci passe sa vie entière, tout effort abandonné en vue de l’autre monde !
1522De plus :
1523555. Au prix d’immenses efforts pratiquant des modes de discussion défectueuse, combinant des paroles simples en agrégat de plusieurs mots,
1524A l’assemblée écorchant les oreilles du fracas de leurs « pots » et « tissus », ces sots bavards n’ont point honte d’eux-mêmes mais font rougir le sage !
1525Viś. : Ami, ne montre pas de mépris envers ces adeptes du nyāya qui rendent toutes sortes de services ! (238).
1526Écoute :
1527556. Il écarte l’erreur, purifie l’intelligence, engendre la capacité d’employer des termes élaborés,
1528Rend apte à l’étude des autres traités : quels bienfaits ne dispense ici-bas le pénible exercice de la logique ?
1529En effet :
1530557. En règle générale, l’homme qui a consacré sa vie aux œuvres poétiques, qui même connaît l’autre rive de l’océan pāṇinéen, s’il n’a point assimilé les traités du nyāya,
1531Lorsque s’élève à l’assemblée une controverse où il a l’intention de prononcer une seule parole, retient humblement sa langue : vois quelle fâcheuse condition est la sienne !
1532A quoi bon poursuivre ?
1533558. C’est assez de ces (hommes) qui ne connaissent pas les définitions et les critères, qui ne possèdent pas l’essentiel de l’ensemble des catégories, qui ne maîtrisent pas la foule des argumentations victorieuses, parce qu’ils ne pratiquent pas la science du raisonnement !
1534Après examen ;
1535559. Merveille est l’insondable océan de la logique : il a pour charpentier un (astre) trésor de doigts dont les rayons sont des yeux, que l’éclipse n’atteint point, qui n’a pas de tache !97.
1536Après nouvelle réflexion, plein d’exaltation :
1537560. Océans de science, les (philosophes) Gautama et Kaṇāda, l’illustre Pakṣila aussi, Udayana et Vardhamana,
1538Gaṅgesvara et Śaśadhara, et beaucoup (d’auteurs) postérieurs, par leurs ouvrages préservent l’esprit des ténèbres (de l’ignorance) !
Célébration des Mīmāṃsaka
1539Kṛś. : Ayant dirigé le char céleste vers un autre endroit et examiné (les gens qui étaient) devant lui, montre sa désapprobation :
1540561. Certains adeptes de la Mīmāṃsā sont ici réunis : bien qu’ils réalisent les moyens d’assurer l’autorité du Veda, ils ne sont pas dignes d’hommages !
1541Le brahman fondement de tout pourtant proclamé par les Upaniṣad, l’Être suprême, n’est pas reconnu par eux !
1542Et particulièrement ceux qui dans l’assemblée des Mīmāṃsaka sont renommés, tel Śabara, autant que des śabara méritent le blâme des dévots du Bienheureux ! (239).
1543562. Ces (hommes) célèbres dans le monde pour leur appétit de chair et pour leurs armes98 n’ont pu supporter l’existence des grands ṛṣi ! Ils ont dénié la conscience aux dieux, pensant que tout est périssable !
1544Viś. : Ami, ne t’élève pas contre ces Mīmāṃsaka qui s’emploient activement à mettre en évidence le sens de tous les Veda ! (240).
1545Écoute :
1546563. Au début, le critère concernant le dharma, (puis) la différence entre les diverses sortes de prescriptions, l’existence d’éléments complémentaires et l’utilité, l’ordre de succession et la qualification, puis les multiples formes de l’extension ainsi que la modification,
1547L’exclusion, les portions communes, l’opportunité : avec leur cent yeux que sont ces règles, les Mīmāṃsaka ont une vue correcte ; qui d’autre qu’eux assure avec soin la sauvegarde des Veda ?
1548Vois : autant que celui du Bienheureux, c’est l’enseignement de l’ascète Jaimini que doivent se garder de négliger tous ceux qui suivent les préceptes védiques ! (241).
1549En effet :
1550564. Logiciens ou grammairiens, ou bien ceux qui peinent sur les sommets de la Triple (Science) portent, lorsque dans une joute oratoire un argument de Jaimini fait obstacle, le sceau du silence !
1551Révéler des fautes chez les Mīmāṃsaka est dû à l’ignorance de ceci (242) :
1552565. Leur refus d’admettre (l’existence) du Bienheureux et leur négation de la conscience divine visent à souligner la prépondérance de ce qui accroît la foi en l’acte rituel.
1553Après nouvelle réflexion, pénétré du plus profond respect :
1554566. Pour le Maître qui par les Veda met en œuvre sa (propre) forme, qui en mille combats éminents a maté ses ennemis, ainsi que pour le yogi Jaimini s’enflamme notre cœur !99.
1555En outre :
1556567. Les maîtres Sahara et Kumārila, Maṇḍana, Bhavadeva, Pārthasārathi et d’autres qui méritent le respect de l’univers sont dans la gloire, eux qui sauvegardent la doctrine de la Mīmāṃsā !
Célébration des grammairiens
1557Kṛś., ayant répondu « soit ! » conduit le char céleste vers un autre endroit ; regardant à ses côtés, il se répand en railleries :
1558568. « Ṭiḍ ḍhāṇaṅ dvayasac, cuṭū, ṅasiṅasoḥ, tip tas jhi sip thas tha mib vas mas ta, anaci ca, ṣṭunā ṣṭuḥ, ata iñ, śaścho’ṭi, aco’nty ādi ṭi,
1559Lopo vyorvali, vṛddhir eci, yaci bham, dādhā dhvadāp, nājjhalau » : ce sont bruits discordants de ce genre que ces gens passent leurs journées à réciter !
1560569. « Jho’ntaḥ, śaścho’ṭi, ṡeṣo dhyasakhi, sasajuṣo ruḥ, virāso’vasānam, che ca » : si, avec ces paroles insensées, dans une assemblée, les grammairiens passent (aux yeux) des gens de bien pour des savants,
1561Pourquoi mépriser ces syllabes qui (notent) la danse, les gestes de mains et les évolutions des danseurs, des amuseurs et des courtisanes : « todhī todhī tadhī takiṭa takiṭa dhik tāhadhik.. » ?
1562En outre :
1563570. Alignant les mots selon les innombrables sūtra énoncés par Pāṇini, incapables de composer un éloge de Vaikuṇṭha, peinent en vain les grammairiens !
1564Ils ressemblent à des (gens) affaiblis, à la digestion lente, qui, ayant cuisiné à grand peine un repas agrémenté de gâteaux de toutes sortes, relevé de sauces, n’en supportent même pas l’arôme !
1565Viś. : A l’encontre des grammairiens, parure de la terre, ne prononce pas la moindre bribe d’accusation ! (243).
1566Car :
1567571. (L’homme) à l’esprit éclairé étudiant la grammaire qui permet d’écarter les fautes, au moment du dénombrement des sages triomphe pleinement sur le petit doigt !
1568572. Se plonger dans le traité de Patañjali, se baigner dans l’eau de la rivière du pied de Viṣṇu confère — affirme-t-on — la pureté depuis la naissance jusqu’à l’anéantissement — (comme) aussi d’aimer ardemment Adhokṣaja !
1569En outre :
1570573. Aux hommes qui n’ont point pratiqué les paroles du maître des serpents est inaccessible l’assemblée des princes des lettrés, comme à ceux qui ignorent les voies de la science révélée de l’arc, le champ de bataille où se dressent à l’assaut les guerriers en foule !
1571En effet :
1572574. Ceux qui n’ont point assimilé ce médicament qu’est la grammaire sont, dans leur langage, d’une gaucherie très marquée ; prononcent-ils tant bien que mal — une parole, leur corps sans retenue transpire et tremble !
1573Kṛś. : Sarcastique :
1574Comment se fait-il, ami, que les hommes de bien préfèrent même à la grammaire enseignée par le (dieu) qui a dans la main le (foudre) Śatakoṭi celle qu’enseigna Pāṇini ? (244).
1575Viś. : La grammaire de Pāṇini, valable pour tous les usages, permet une compréhension parfaitement claire, voilà qui motive le respect des lettrés ! (245).
1576En effet :
1577575. C’est en lui passant au cou un cordon relié à sa main que le sage épouse (femme) aux beaux yeux : sachant les lois de la caste, etc., il se conduit selon la règle100.
Célébration des maîtres de Veda
1578Kṛś., aquiescant d’un « soit ! » conduit le char céleste dans une autre direction ; portant ses regards devant lui :
1579Ami ! Vois : les (hommes) qui connaissent le Veda, par folle envie d’argent, vendent les textes révélés ! (246).
1580576. Ah misère ! Ils n’ont plus d’enthousiasme ces lettrés eux-mêmes, qui en proie à une folle envie de richesse, enseignent les Veda en réclamant à longueur de temps, mois après mois, un salaire !
1581Vis. : Mon ami ne parle pas ainsi (247) :
1582577. Si les gens qui enseignent ne peinaient pour enseigner les textes sacrés à la multitude de leurs disciples, en vérité de récitations védiques, d’opérations sacrificielles serait alors privée — malheur ! — la surface de la terre !
1583Kṛś. : Il est absurde de dire que si le Veda disparaissait, les sacrifices n’auraient plus lieu ! (248).
1584Viś. : Comprends donc ! Cela n’est pas absurde (249) :
1585578. Un sacrifice où un (homme) ignorant du Veda est là pour tenir le rôle du sacrificateur, par la présence de ce dernier n’aurait-il pas justement du sacrifice que le nom ?
Célébration des courtisans
1586Kṛś., portant ses regards dans une autre direction encore, se répand en sarcasmes :
1587Vois ces hommes qui courtisent les rois, et ont renoncé à la félicité dans les deux mondes : de toute évidence des sots ! (250).
1588579. Pour eux, point de rite régulier de la saṃdhyā, point même d’adoration complète à l’inébranlable, point d’observance des oblations en leur temps, point même de méditation sur le sens des Veda,
1589Point de repas fixe aux moments où ils ont faim, point même de temps libre pour le sommeil, pas même deux mondes pour ces créatures qui ne songent qu’à courtiser les rois !
1590Viś. : Il est intolérable que soient ainsi blâmés ces hommes qui font vivre beaucoup de gens ! (251).
1591580. En ce Kali même qui favorise les vices, attentifs à leur propre devoir, ils rendent chaque jour service aux hommes avisés !
1592A faire vivre beaucoup de gens ils vouent exclusivement leurs soins, à leur bien-être personnel ils ont renoncé pour mettre leur personne au service du roi !
Conclusion sur la célébration des lieux divins et des autres sujets
1593Après avoir embrassé du regard tous les lieux sacrés, il joint les mains pour l’añjali, et, s’adressant à Kṛśānu :
1594581. Ses pieds contiennent le flot de la Gaṅgā, elle est à l’origine de l’univers, dans ses demeures telle Raṅgam, elle a de longue date manifesté sa présence,
1595Considérant sereinement le Tout (qui existe) à partir d’elle-même : exalte la Réalité dont les noms sont dispensateurs de vœux et destructeurs de souffrances !
1596Kṛś. : Eh bien ! le sens du troisième pada de ce (vers) n’est pas de mon goût ! (252).
1597582. Les deux yeux du Puissant — cela est bien connu — sont atteints d’albugo : avoir une vue claire de tout, comment Hari le pourrait-il ?101.
1598Viś. : Puisque, de cette manière inattendue, tu loues le Porteur du disque d’avoir pour yeux le soleil et la lune, je ne m’irrite pas contre toi ! Écoute ceci (253) :
1599583. Son teint se plaît à imiter le nuage, il est le compagnon de Sri, le moindre fragment de ses regards rivalise avec la pierre merveilleuse, d’un bonheur durable puisse-t-il nous combler,
1600Le (dieu) qui a l’univers pour corps, (l’astre) à la beauté froide et (l’astre) aux rayons brûlants pour yeux, Sugrīva pour ami, Kuśa, Lava, Brahma etc., pour fils !
1601Ami, saisis ce sens profond exprimé en termes concis (254) :
1602584. L’ascète Rāmānuja et Mukunda fréquentèrent tous deux Yāmunatīrtha ; le premier, portant le triple bois, est supérieur au second qui, étant commencement et fin (de tout), porte un seul bois !
1603585. La beauté de ses deux yeux, dont les vagues d’œillades ont peu à peu absorbé le trésor d’ambroisie, fait éclater son vœu de générosité totale ;
1604Par Śuka et les autres (muni) il est vénéré : les hommes qui ont une conduite pure cherchent refuge auprès de Nārāyaṇa qui dissipe toutes les angoisses !
1605586. « Ni moi-même, ni même mon fils, ni tous ces dieux ne connaissons le ciel de Viṣṇu, mais, par la contemplation mentale d’abord, les foules d’ascètes doués d’intelligence le connaissent dans sa réalité ! »
1606Écoutant l’hymne puissant que lui adresse celui qui siège dans le lotus éclatant de son nombril, repose sur sa couche qu’est le maître universel des serpents le fortuné (dieu) dont le nombril est un lotus, en compagnie de la déesse Fortune !
1607587. Il a ceint le cordon brahmanique, il porte le tilaka, dans les trois mondes ses actes vertueux fructifient, le triple bâton est dans sa main, il est le riche auprès de qui l’on se réfugie : j’exalte le maître des ascètes auréolé de la touffe de cheveux !
1608588. Souillé par la doctrine du (dieu) aux cheveux enroulés en natte, abusé par les histrionneries de l’œuvre de Kapila, par les exposés ineptes de Kumārila, par les enchevêtrements des œuvres de Prabhākara,
1609Par les cent contes de Tathāgata ainsi que par les bavardages de ceux qui le suivent, l’univers est remis en ordre par les paroles de l’Indra des ascètes !
1610589. Décochée par Vous qui êtes issu de la lignée du soleil, une flèche — serpent venimeux —, pareille à la masse des soleils qui se lèvent à la fin du monde,
1611A dévoré de vive force le souffle qui se plaisait à jouer dans la poitrine du ravisseur de la fille de la Terre ! Satisfaite de cet exploit, et désireuse de le conter, elle est, je pense, venue sur la terre !
1612590. Sur le mont de l’Indra des serpents, qui anéantit la masse des péchés et dévore les chaînes du cycle des renaissances, un extraordinaire assombrissement s’embrase !
1613Aux nénuphars bleus il est de joie porteur, l’Indra des éléphants de bienfaits il comble, aux ascètes il est d’allégresse porteur, les délivrés de liesse il comble !
1614591. Objet de la contemplation mentale de ceux qui se plaisent aux charmes de l’art des yogi, rafraîchie par un torrent de compassion, glorifiée dans les (ouvrages) qui couronnent les paroles qui n’ont pas été produites, sur le pic du Buveur de vent
1615Apparue, puisse cette Splendeur éloigner des mondes les bourgeons de l’angoisse, elle qui, d’avoir délivré du malheur l’Indra des éléphants, tire renom, elle qui se laisse gagner par les grâces de Ramā !
1616592. Hommes ou dieux, animaux ou autres (êtres) encore, ne méritent pas le blâme de l’homme qui est à la recherche du bonheur : car, même en ces trois mondes pleins de péchés, ils ne sont pas exempts de vertus, même en ce Kali !
1617Kṛś. : Témoignant son assentiment :
1618593. C’est pour mettre en relief l’abondance des vertus de tout ce qui existe que nous avons délibérément parlé des vices, comme la thèse contradictoire d’une argumentation !
La parole est au poète
1619594. C’est en exaltant ainsi la beauté de tous les êtres, satisfaits d’avoir, en chemin, rendu hommage aux lieux saints du vainqueur de Madhu,
1620Que les deux éminents gandharva — merveille ! — en leur solide amitié regagnèrent leur propre domaine, débordants d’une ardente félicité !
1621595. Pour que se réalise l’universelle prospérité, puisse, en tous les lieux consacrés aux dieux, sur la terre, croître l’éclat des fêtes du (mois) Vatsarādi !
1622Par l’exécution des sacrifices qui écartent les maux du cycle des renaissances, ils causent le bonheur de tous : bénédiction sur les deux-fois-nés !
1623596. Gloire en l’univers à la thèse du noble Lakṣmaṇa, gloire aux paroles des maîtres des couronnes de la Révélation,
1624Gloire à l’inégalable voie des Veda et gloire éternelle à la Manifestation sur le mont Añjana !
1625597. En défauts évidents abonde cet ouvrage qui est mien : pourtant, puisque leur compassion les rend débordants d’indulgence, puissent à son égard ne point se comporter en Kṛśānu mais en Viśvāvasu les hommes de bien !
NOTES
1626Les chiffres renvoient aux numéros des strophes, les chiffres entre parenthèses renvoient aux numéros des passages en prose.
16271. Le poème s’ouvre sur une cosmogonie. Viṣṇu méditant couché sur Śeṣa porte sur sa poitrine Lakṣmī. Du nombril du dieu jaillit le lotus au sein duquel siège Brahma. A cette représentation traditionnelle, le poète ajoute une nouvelle image : Lakṣmī tient à la main un lotus qui laisse couler du pollen sur le nombril de Viṣṇu. Le poète compare ce pollen à du nectar et le lotus à une conque. Les dieux se représentent donc Lakṣmī sous la forme de Mère des mondes en train d’allaiter Brahma nouveau-né. Enfin, c’est ce nectar divin que l’auteur invoque au seuil de son œuvre pour le purifier. La recherche du ton introduit d’emblée le style vakrokti.
1628Mètre sragdharā.
16292. A propos de Tātārya, cf. introduction, p. 2 et 3.
1630Appaya est le grand-père, Raghunātha le père du poète.
1631Mètre śārdūlavikrīḍita.
16323. Śloka.
16334. Śārdūlavikrīḍita.
16345. Upajāli (indravajrā et upendravajrā).
16356. purobhāvi- doit être corrigé en purobhāgi- (cf. Pad. Cand.). Śloka.
1636Prose (avant 7) :
1637āgama-sāgara-pāra-dṛśvā (thème dṛśvan-) est l’illustration du sūtra III, 2, 94 de Pāṇini : « dṛśeḥ kvanip ».
16387. Śloka.
1639chāndasa-jyotiṣe : « qui resplendit dans le Veda et par le V. ».
1640Cf. Pad. Cand. : « chāndasam : chandasi bhavam... athavā chāndasaṃ « tat savitur vareṇyam » iti gāyatrīcchandaḥpratipādyaṃ jyotir yasya tathābhūtaḥ » : « dont la splendeur doit être exprimée par l’hymne de la Gāyatrī « tat savitur, etc. » (Référence aux termes mêmes de la Gāyatrī, Ṛg Veda III, 62, 10). Cette double relation du dieu avec le soleil et avec le Veda annonce un thème qui sera repris en 11, puis en 200 (sthānam sahasravasuḥ svayam.. Hareḥ), en 202 (samagrā hi Harer vedaiḥ samagrāhi guṇāvaliḥ), en 203 (pataṅgamaṇḍale vasan).
16418. racayatitarām : La finale d’accusatif féminin du comparatif -tarām, qui fournit généralement des comparatifs adverbiaux sur base adverbiale est attestée aussi à la troisième personne des verbes dans l’épopée et le sanskrit tardif : cf. L. Renou, Grammaire sanskrite, Adrien-Maisonneuve 1961, p. 157.
1642Mètre mandākrāntā.
16439. puṣṭiṃ drāg viśinaṣṭi dṛṣṭiṣu nṛṇām traduit la brusque apparition du soleil à son lever. Padmā-gṛha- : les demeures de Padmā : les lotus.
1644Śārdūlavikrīḍita.
164510. ambho-ja-, « ceux qui naissent dans l’eau » : les lotus. Jeu sur les deux verbes aux syllabes presque identiques : dhinoti et dhunoti. Tentative est faite pour rendre approximativement en français le jeu de mots sur sarogatām : le premier saro-gatām est un composé se rapportant à -tatim et signifie : « relatif à l’étang ». Le second sa-rogatām est complément d’objet de dhunoti et signifie : « le fait d’être malade ». Ornement yamaka.
1646Mètre vaṃśastha.
164711. Le dieu armé d’un lacet : Varuṇa ; le pourfendeur de Bala : Indra ; le Seigneur : Śeṣa en tant que gardien du quartier nord- est.
1648Les dieux-sur-la-terre : les brahmanes ; la Triple Science : le Veda. Par l’ornement utprekṣā, ou « supposition poétique », le Veda se trouve surimposé au soleil. Le pouvoir purificateur du soleil à lui seul (alors qu’existent bien d’autres dieux puissants et nombreux) est si grand que le poète suppose qu’il est le Veda lui-même qui brûle les mondes.
1649Sragdharā.
165012. Pṛthvī.
165113. dvādaśātman- (dans le passage en prose précédant la strophe) désigne le soleil en référence à son passage dans les douze signes du zodiaque au cours d’une année.
1652Pṛthvī.
1653Le dieu Nārāyaṇa est représenté à l’intérieur du disque du soleil.
165414. Mètre rathoddhatā.
165515. Ornement dṛṣṭānta ou « réfléchissement » : cf. Pratāparudrīya, p. 263.
1656Mètre śārdūlavikrīḍita.
165716. Ornement vibhāvanā : « quand l’effet sans sa cause habituelle se produit, il y a vibhāvanā. » Cf. Pratāparudrīya, p. 257. Le courroux de Nārāyaṇa semble, aux yeux des hommes, dépourvu de cause, donc pure cruauté.
1658Śārdūlavikrīḍita.
165917. Série d’allitérations (anuprāsa) intraduisibles. Adhokṣaja : Visnu.
1660Vaṃśastha.
166118. Ramā (Śrī), Nīlā et Mahī (ou Bhūmi) sont les trois épouses de Viṣṇu, mais Nīlādevī est beaucoup moins représentée que les deux autres. Toutefois, elle joue un certain rôle dans la doctrine du Pāñcarātra. Viṣṇu est en compagnie soit de Śrī, soit de Śrī et de Bhūmi, soit de Śrī, de Bhūmi et de Nīlā. L’Ahirbudhnyasaṃhitā ne cite que Śrī. (Cf. O. Schrader Introduction to the Pāñcarātra and the Ahirbudhnya Saṃhitā, Madras 1916, p. 53-54). Allusion à la légende du roi des éléphants mordu par un crocodile et sauvé par Nārāyaṇa (Bhāg. Pur. VIII, 2, 3, 4). Pad. Cand. cite Mahābh. Śāntip. « namas te puṇḍarīkākṣa... » : « hommage à toi, (dieu) aux yeux de lotus... » ; l’éléphant offre au dieu un lotus avec l’extrémité de sa trompe en l’invoquant en ces termes. Cet hymne se trouve dans Śāntip. 337, mais il est récité par les habitants de l’île blanche, sans aucune référence à l’histoire de l’éléphant. Un rapprochement peut être fait avec l’histoire de Vasu mais la fiction est différente.
166219. Allusion à l’avatar de Nara-Siṃha.
1663Les mots mahatā hata-akhila-mahā-rambhaṃ madena forment śleṣa et le jeu de mots permet d’entendre la phrase en référence à vetaṇḍam : « l’éléphant Hiraṇyakaśipu qui, (rendu) furieux par un mada très abondant, détruit les grands bambous ». Le mada est le liquide qui, s’écoule des tempes de l’éléphant en rut.
1664Śārdūlavikrīḍita.
166520. Pāncālī (Draupadī) emmenée à la cour de Dhṛtarāṣṭra et dépouillée de ses vêtements, invoque Hari qui la couvre d’habits somptueux (Mahābh. Sabhāp. 61, en note après le vers 40). Les négations répétées soulignent le rôle de démiurge du dieu dont la création (nirmāṇa) se fait à partir du néant.
1666Mètre śikhariṇī.
166721. Kākaḥ : Jayanta, cf. Raghuvaṃśa, XII, 22-23. Au moment des funérailles de Jaṭāyu, Rāma énumère les mondes par lesquels il passera pour atteindre le ciel (Rām. Araṇyak. 64). Niṣādaḥ : Guha (Ayodhyāk. 44-45) Kapi- : Sugrīva. Niśicara- : Vibhīṣana.
1668Mètre mandākrāntā.
166922. Śārdūlavikrīḍita.
167023. L’homme possède cinq sens d’aperception ou buddhīndriya et cinq sens d’action ou karmendriya dirigés par le manas ou « sens mental ».
1671Ornement dṛṣṭānta.
1672Mètre śārdūlivikrīdita.
167324. tattvāni : Pad. Cand. : « Upaniṣadādiṣu kathitāni « tat warn asi » ity ādi-mahā-vākyāni » : « les assertions importantes telles « Tu es cela » exprimées par les Upanisad, etc. ».
1674Mètre śārdūlavikrīḍita.
1675(8). Les quatre buts de l’homme sont artha, kāma, dharma et mokṣa.
167627. Yama, maître de l’empire des morts, règne sur les cavernes où ont lieu supplices et châtiments et ses messagers, semblables à des rākṣasa, viennent chercher les victimes sur terre.
1677(10). Mānuṣya-janma : Viśv. évoquant les incarnations divines et les vies royales célèbre la condition d’homme en des termes qui sont à rapprocher de Mahābh. Śāntip. 323 :
Sopānabhūtam svargasya mānuṣyaṃ prāpya durlabham
Taihātmānaṃ samādadhyād bhraśyaie na punar yathā.
1678« Ayant obtenu la condition d’homme si difficile à acquérir, elle qui est une échelle vers le ciel, on doit s’absorber dans la méditation, afin de ne point déchoir encore ».
167928. Daśaratha, aida Indra, maître des dieux, lors de sa lutte contre l’Asura Śambara (Rām. Ayodhyāk. 9 śl. 11-12).
1680Vṛṣan : nom d’Indra ; à propos de l’humiliation que lui inflige Kṛṣṇa, cf. note de la strophe 130.
168129. Māndhātr est célèbre par sa naissance merveilleuse : son père Yuvanāśva ayant bu par hasard du beurre de sacrifice, les Aśvin retirèrent de son flanc un enfant à qui Indra laissa sucer du lait coulant de ses doigts (Mahābh. Droṇaparvan, 62). Kakutstha s’allie aux dieux lors de leur guerre contre les démons. Indra qui lui servait de monture se transforme en taureau et le roi se place sur la bosse de celui-ci, d’où son nom de kakut-stha. (Bhāg. Pur IX, 6). Puru accepte d’échanger sa jeunesse contre la vieillesse de son père Yayāti (cf. Mahābh. Ādip.75).
1682Purūravas a rapporté du Gandharva-loka les feux pour le sacrifice (Mahābh. Ādip. 75). Śibi est célèbre pour sa générosité : ayant vainement supplié un épervier d’épargner une colombe, il accepte de donner sa propre chair, comblant de satisfaction les dieux qui lui imposaient cette épreuve (Mahābh. Vanap. appendice I, 21,5). Rukmāngada se distingua par sa piété à l’égard de Visnu. Nahuśa : cf. Mahābh. Ādip ; 75 et Udyogap. 17. Le maître des Haihaya : Arjuna Kārtavīrya (Bhāg. Pur. IX, 15, 17 et suiv.) Nala : (Mahābh. Vanap. 52 à 72). Pārtha est le nom des trois premiers Pāṇḍava.
168331. La strophe contient une série d’allitérations intraduisibles.
168433. Badarika (moderne Badrinatḥ) : nom d’un des pics de l’Himalaya situé au nord-est de Srinagar. C’est aussi un des lieux consacrés à Viṣṇu, auquel le Mahābharata fait allusion (III, 114).
1685Un temple à Nārāyaṇa se trouve sur son flanc ouest et la légende veut que Śaṅkarācārya l’ait construit au viiie siècle. Près du temple se trouve un bassin sacré où se baignent les pèlerins qui affluent pendant les mois d’été.
1686Janārdana : épithète de Viṣṇu.
168735. Ornement virodha (contradiction apparente) reposant sur un śleṣa. Il y a jeu sur le double sens de parama-hima-yutatvāt ou para-mahima-yutatvāt (les deux découpages correspondant aux deux sens indiqués ; de vaikuṇṭha- (nom du ciel de Viṣṇu ou dérivé à vṛddhi de vi-kuṇṭha- : « très émoussé, paralysé ») ; et de sarogāḥ (« malades » ou « qui vont dans l’étang »). L’absurdité apparente disparaît lorsqu’on lit le texte en son second sens.
1688Tārkṣya est le père de Garuḍa, quelquefois identifié à Garuḍa lui-même. C’est le cas ici. Celui qui a pour emblème Garuḍa est Viṣṇu.
168936. Sāketa : autre nom d’Ayodhyā. La Sarayū est la rivière qui traverse Ayodhyā. Les poteaux sont ceux qui servent pour les sacrifices. La dynastie solaire dans laquelle naît Rāma remonte à Ikṣvāku (fils de Manu) qui régnait à Ayodhyā au début du second âge.
169037. Allusion à la légende d’Ahalyā, épouse du ṛṣi Akṣapada (Gautama), séduite par Indra qui avait pris l’apparence de son époux.
1691Rāma arrivant un jour à Mithilā pénètre dans l’ermitage désert qui appartint à Gautama et délivre Ahalyā de sa malédiction en touchant de son pied la pierre qu’elle était devenue (Rām. Bālak. 47-48). Le poète invoque la poussière des pieds de Rāma, qui ayant su redonner vie à la pierre, sera capable d’effacer tous ses péchés.
169239. Daśānana est Rāvaṇa, le rākṣasa à dix têtes. La fille de la terre est Sītā, née d’un sillon creusé par Janaka.
169340. Ornement virodha reposant sur un śleṣa. Il s’agit ici encore d’une allusion au fait que Rāma a redonné vie à l’épouse de Gautama considéré comme le meilleur (le lion) des ṛṣi. Le substantif vṛṣa- désigne le taureau et également le dharma : la justice dont cet animal est le symbole. La poussière des pieds de Rāma, qui a redonné vie à Ahalyā, est source de dharma pour tous les êtres.
169441. Cf. strophe 21.
169542. Les qualifications du premier sens sont absurdes si elles sont données à Rāma, mais le second sens permet de rétablir les qualifications appropriées au dieu. Le père de Kumbha est un grand Asura : Kumbhakarna, qui est tué par Rāma lui-même après avoir livré un gigantesque combat avec l’armée des singes (Rām. Yuddhak, 75).
169643. Sapatnī : Kaikeyī, mère de Bharata, qui fit exiler Rāma. Allusion à la forêt Daṇḍaka où fut exilé Rāma. Ornement dṛṣṭānta.
169744. Vālin, frère aîné de Sugrīva, était puissant et brave : il s’était même emparé de Rāvaṇa qu’il avait accroché à sa ceinture et promené dans cette position (Rām. Uttarak., 34). Or Rāma soutient Sugrīva et tue Vālin : son action paraît donc injuste, d’autant que Vālin aurait pu l’aider dans sa lutte contre Rāvaṇa. Ornement dṛṣṭānta.
169845. Pulastya : ascète fils de Brahma et ancêtre de Rāvaṇa.
169946. Daśaratha est tenu d’accomplir les vœux qu’il a promis à Kaikeyī qui l’a sauvé lors du combat entre dieux et asura. Rāma accepte de renoncer à la royauté et de partir en exil pour que son père puisse tenir son serment (Rām. Ayodhyāk. 9-10). Śeṣa, qui a mille bouches, n’est pourtant pas en mesure de glorifier suffisamment Rāma.
170047. jāgrati : vidyamāne (Pad. Cand.).
170148. L’avatar est un rôle : Viṣṇu, jouant le rôle d’un homme qui souffre (ici Rāma) ne souffre pas en réalité.
170249. Le descendant de Pracetas : Vālmīki, auteur mythique du Rāmāyaṇa.
170350. Kaustubha : nom du bijou merveilleux sorti lors du barattement de l’océan de lait ; il alla directement se placer sur la poitrine de Viṣṇu. La lignée de Kakutstha est celle des rois d’Ayodhyā à laquelle appartient Rāma.
170451. Le puissant roi aux dix chars : Daśaratha. Les cakora sont censés se nourrir des rayons de la lune.
170553. karuṇā-rasa- : reprise de kṛpā-rasa-(strophe 39). L’accent est mis sur l’indulgence du dieu incarné en Rāma.
170656. Référence aux qualités royales par excellence : utsāha et la triple śakti définies par Kauṭilya. Cf. Arthaśāstra VI, 1, 15 : śauryam amarṣaḥ śīghralā dākṣyaṃ cotsāhaguṇāḥ : « bravoure, impatience, rapidité et dextérité sont les qualités d’énergie ».
1707VI, 2, 33 : śaktis trividhā : jñānabalaṃ mantraśaktiḥ, kośadaṇḍabalaṃ prabhuśaktiḥ, vikramabalam utsāhaśaktiḥ : « la śakti est de trois sortes : la force du savoir est la śakti de décision, la force (qui s’appuie) sur le trésor et l’armée la śakti de puissance, la force de vaillance la śakti d’énergie. »
170858. Le pourfendeur de Jambha : Indra. Lors d’un combat entre dieux et démons, Indrajit (fils de Rāvaṇa) capture Indra qui doit sacrifier à Viṣṇu pour recouvrer sa gloire et son empire (Rām. Uttarak. 30). Le seigneur des oiseaux : Garuda, ennemi mortel de la race des serpents.
170959. Tāṭakā : yakṣiṇī tuée par Rāma lors du séjour qu’il fait chez Viśvāmitra pour détruire les rākṣasa qui dérangent les sacrifices (Ram. Bālak. 24-25). Subāhu : autre rākṣasa transpercé par Rāma (Bālak. 29).
171060. Bhārgava : Paraśurāma qui massacrait tous les kṣalriya. Il insiste pour défier Rāma en combat singulier ; reconnaissant la supériorité de Rāma qui bande l’arc de Viṣṇu, il s’en va pratiquer l’ascèse sur le Mahendra (Rām. Bālak. 74-75). Virādha : rākṣasa qui enlève Sītā dans la forêt ; mis à mort par Rāma qui l’enterre dans une grande fosse (Rām. Araṇyak. 2-3).
171161. Rāma détruit l’armée de quatorze mille rākṣasa commandée par Khara et Dūṣaṇa (Rām. Araṇyak. 21 à 29). Marīca : cf. Rām. Araṇyak. 40 et 42.
171262. Kabandha, Dānava devenu terrifiant par suite d’une malédiction d’Indra, est brûlé par Rāma (Rām. Araṇyak. 68).
171363. La śabarī : dévote de Rāma qui habitait un ermitage dans la forêt Daṇḍaka, attendant la visite du héros pour lui offrir l’hospitalité. Elle obtient en récompense le ciel, après s’être immolée par le feu (Rām. Araṇyak. 70). Le fils de Vāyu : Hanumant.
171465. L’océan restait inerte bien que Rāma lui ait rendu hommage en restant couché près de lui trois nuits de suite. Rāma le crible alors de flèches, et l’océan, apparaissant sous sa forme anthropomorphique (Sāgara), accepte de laisser passer l’armée des singes pour attaquer Laṅkā (Rām. Yuddhak. 21-22).
171566. Jeu de mots : kumbha-saṃbhava-signifie « né d’une jarre » et désigne le sage Agastya dont la légende veut qu’il ait bu l’océan qui cachait dans ses eaux des démons. Par ailleurs Kumbhakarṇa est un grand démon tué par Rāma (cf. st. 42). De même que Kumbha-saṃbhava (c.-à-d. Agastya) a bu l’océan, de même Rāma paralyse le démon Kumbhakarṇa qui est un océan de folie.
171669. ita-Rāmam : itā prāptā Sītā yena tarn (Pad. Cand.) : « par qui Rāma a été retrouvée », allusion à Sītā délivrée par Rāma.
1717Répétition tout au long de la strophe, des deux syllabes -rama-, tantôt avec valeur étymologique, tantôt par simple effet d’assonance.
171870. kānane : araṇye vanavāse saty api (Pad. Cand.). On peut comprendre aussi : « lui qui est un bosquet », dans le registre des images développées déjà en 54 a (udyānam), 69 c (ārāmam), 52 b (chāyāmahītaruḥ) ; manuja-dharmiṇi : līlārthaṃ manuṣyadharma-vati vastutastu Brahmaṇi : « qui par jeu assume la loi de l’homme, alors qu’il est en fait l’Être suprême ». Le texte souligne à plusieurs reprises l’humanité librement assumée par Celui qui est en réalité un dieu (cf. str. 28 a).
171971. Formations de dénominatifs à l’aide de l’affixe kyaṅ (-ya- avec les désinences moyennes) et du suffixe (virtuel) kvip selon le sūtra de Pāṇini, III, 1, 11 : « Kartuḥ kyaṅ salopaśca » (Pad. Cand.).
1720ṭṛṇam : cf. strophe 21. Rāma a seul réussi à bander l’arc de Śiva que possédait Janaka, père de Sītā. La pierre dont il est ici question est Ahalyā (cf. 37). Les sandales placées sur le trône de Rāma en exil symbolisent sa présence (Ayodhyāk. 104).
172172. cara-acara- : sthāvara-jaṅgama- (Pad. Cand.).
172274. La Gaṅgā adoucit les souffrances du cycle des existences, parce que, rivière sacrée, elle purifie les hommes de leurs péchés. Elle est née des pieds de Viṣṇu (Vaikuṇṭha) et elle est l’épouse de l’océan (maître ou époux : pati, des rivières).
1723(19). Bhāgīrathī : la Gangā est ainsi nommée par Brahma lui-même, puisque c’est le roi Bhagīratha qui par son ascèse la fit descendre sur terre.
172475. Śleṣa : tout le passage est à entendre à double sens. Le second sens fait allusion aux représentations traditionnelles de la Gaṅgā : elle est née du pied de Viṣṇu (meurtrier d’Hiraṇyakaśipu), elle séjourne sur la tête de Śiva (qui a brisé la cinquième tête de Brahma), où elle est en compagnie de la lune (traditionnellement représentée sur le diadème du dieu). Soma, la lune, avait enlevé Tārā, épouse de Bṛhaspati qui est le modèle du maître spirituel, ce qui souleva une guerre entre dieux et démons. Second sens : jala-nidhau (le réceptacle des eaux étant l’océan).
1725Premier sens : jaḍa-nidhau : ḍalayoḥ sāvarṇyāt jaḍānāṃ madyapānena mattānāṃ nidhau samudāye (Pad. Cand.) : « du fait de l’identité des phonèmes ḍ et 1, (on doit comprendre complice) d’une bande de sots enivrés de boisson ».
172676. Les soixante mille fils de Sagara, réduits en cendres par Kapila, n’ont pu recevoir la cérémonie funéraire de l’eau lustrale que lorsque la Gaṅgā fut descendue sur terre grâce à l’ascèse de Bhagīratha, petit-fils de Sagara.
172777. Comparaison entre la Gaṅgā et la mūrti de Brahma reposant sur le double sens de Sarasvatī. Celle-ci est d’abord l’affluent de la Gaṅgā (et elle est, selon la tradition, de couleur rouge, la Gaṅgā étant blanche). la Gaṅgā porte donc les eaux de la Sarasvatī qui est sa-rāgā. colorée. Mais Sarasvatī est aussi la déesse de la parole, épouse du Créateur, et pleine de passion pour lui : -rāpa- ayant aussi le sens de « passion ». De même que sa-rāgām, sarvatomukha-vatī est à double sens et s’applique à la fois à la Gaṅgā (« qui a de belles eaux » ou « qui a des visages en tous sens », allusion au fait que la rivière coule dans les trois mondes) et à la mūrti de Brahma (« qui a des visages en tous sens », c’est-à-dire qui a quatre visages).
1728Le pourfendeur de Bali : Viṣṇu (en son avatar du nain : vāmana).
172978. jalāñjali désigne l’offrande d’eau que l’on fait aux mânes, dans le creux de la main, pour prendre congé d’eux. Ainsi les péchés (des mânes qui ont reçu cette offrande) se trouvent avoir eux aussi « reçu leur congé », c’est-à-dire avoir disparu.
173079. Jeu de, mots reposant sur la règle yathākratu : en vertu de cette règle, l’homme est une fois mort en accord avec ce qu’il vénérait durant sa vie sur terre : cf. Chāndogya Up. III, 14 ; 1 : yathā-kratur asmiṃl loke puruṣo bhavati, tathā itaḥ prelya bhavati. L’homme qui rend un culte à Bhāgīrathī devient donc bhāgī (et) rathī.
173180. La fille du soleil est la Yamunā. De même que la matière est formée des trois guṇa : saliva, rajas et tamas, la Gaṅgā a elle aussi trois qualités : sa propre couleur est le blanc, celle de la Sarasvatī le rouge et celle de la Yamunā le noir. Les trois couleurs se mêlent, Yamunā et Sarasvatī étant les affluents de la Gangā.
1732Kaṃsa : oncle de Kṛṣṇa.
173381. La massue est un des attributs de Viṣṇu, comme le disque, la conque et le lotus.
173482. Kāśī (Bénarès) : cf. Kane, History of Dharmaśāstra, vol. IV, p. 625 et suiv. La divinité principale est Siva, sous la forme de Viśveśvara ou Viśvanātha. On dénombre quantité de liṅga ainsi que de tīrtha. Yamaka : kāśī sakāśī-bhavad, etc. (a).
173583. Kṛśānu oppose l’existence somptueuse des habitants de Kāśī à la destinée terrifiante qui les attend après la mort lorsqu’ils hanteront les cimetières en compagnie de Śiva (qui porte, en son aspect effrayant de Bhairava, des colliers d’ossements ; il a pour monture le taureau Nandin, et il est entouré de serpents venimeux. Il a, de plus, une tache sombre à la gorge pour avoir bu le poison halāhala produit par les démons lors du barattement de l’océan).
173684. Digvasana est le nom de Śiva sous sa forme de mendiant nu. Bien entendu, Kṛśānu prend ici le terme en son sens propre et met en doute l’utilité de la piété à Kāśī : les gens qui font des dons reçoivent en récompense la nudité.
173785. Ornement vyājastuti reposant sur un śleṣa : en exprimant un reproche, Kṛś. fait entendre une louange, grâce au double sens de saroga- ainsi que de sa-śūlam et de jala-bhāra-vat. La louange consiste à affirmer que ceux qui vivent à Kāśī deviennent semblables à Śiva : ils sont munis de la pique (arme du dieu) ont la tête chargée du poids de l’eau (de la Gaṅgā), comme Siva lui-même.
173887. Andhakārin est intraduisible en raison de son double sens : il faut analyser soit andha-kārin, « obscur », qui s’applique au crépuscule, soit andhaka-ari : « ennemi d’Andhaka » s’appliquant à Śiva qui a tué le démon Andhaka. Il y a donc śleṣa dans la strophe, permettant d’assimiler Siva, maître de la danse qui rythme le cours de l’univers, au crépuscule. Cette assimilation est favorisée par le śleṣa qui suit : tārakā-udyad-varṇān signifie : « les couleurs qui naissent des étoiles », tandis que tāraka-udyad-varṇān a pour sens ; « les sons, qui, en s’élevant, font traverser (le cycle des existences) », par allusion aux syllabes sacrées, qui, telle om, sont appelées tāraka-mantra.
173988. Jāhnavī : cf. Rām. Bālak. 42, passage donné en note après le vers 24. Il y a à Kāśī cinq principaux tīrtha, le plus sacré portant le nom de Maṇikarṇikā.
174089. Jeu sāstram / śastraiḥ, le premier ayant le sens de « traité », le second d’« armes ». Le brahmane ici critiqué est celui qui se livre au métier des armes pour vivre au lieu de se consacrer à l’étude des traités.
174194. Les śāstra sont ici comparés à l’homme qui est censé avoir inscrite sur son front sa durée de vie. La disparition de cette inscription signifie la mort des śāstra, donc de la culture.
174296. Viś. admet que les brahmanes déchoient en servant les Mogols, mais, par là même, ils sont utiles puisqu’ils protègent leur caste qui, autrement, disparaîtrait.
1743100. Prativastūpamā : ou « parallélisme » (« mention d’un trait commun dans deux phrases distinctes », cf. Pratāparudrīya, p. 262). Ce trait commun est ici le peu d’importance des jugements d’autrui.
1744101. Littéralement : « il ne prend pas de nourriture, même s’il est aveuglé par la faim », avec jeu sur andhas- :« nourriture », et andha- : « aveugle ».
1745102. pracakita-giri- : le mont Mainàka qui seul échappe à la colère d’Indra coupant les ailes des montagnes (cf. Rām. Sundarak. I).
1746103. Slesa : nīrāṇām a une variante irāṇām (Pad. Cand. : « nīrāṇām udakāṇām « irāṇām » iti pāṭhe ») ; irā désigne tout liquide buvable, eau ou alcool, l’absorption de ce dernier étant un grave péché. Une double lecture est possible : jaḍa-jantūnām (1er sens) ou jala-jantūnām (2e sens) : cf. strophe 75. Jeu sur la double étymologie de paripātari (PĀ pāti et PĀ pibati).
1747104. Dans le premier sens, daridrāya est substantif complément de kupyati : « mendiant » ; mahā-pāyasa-mudrāya est bahuvrīhi ; pāyasa désigne une nourriture de riz et de sucre bouilli qui sert de friandise. On s’indigne donc de voir donner à un mendiant argent (mudrā) et dessert en abondance. Dans le second sens, kupyati a pour complément samudrāya : « océan ». udara-agni- désigne cette fois le feu infernal des volcans sous-marins où se prépare la destruction du monde.
1748105. Śleṣa : l’analyse est dans le premier cas : svarṇa-sthalīḥ, dans le 2e : su-arṇa-sthalīḥ. urmikā a le double sens de « vague » et « bague ». vi-taraṇi-tva- : « le fait d’être dépourvu de navires », et vitaraṇi-tva- : « le fait de donner ». Rāma ou Śrī, épouse de Visnu, est née lors du barattement de l’océan de lait.
1749107. Le 1er sens évoque la punition de l’homme qui n’est pas aussi généreux qu’il est riche : son avarice est châtiée par les différents malheurs énumérés ; le 2e sens fait allusion à la punition de l’océan resté insensible aux appels de Rāma.
1750108. Kumbha-ja : Agastya.
1751109. Uccaiḥśravaḥ est le nom du cheval mythique d’Indra sorti de l’océan baratté (Bhāg. Pur. VIII, 8). Viṣṇu est très souvent appelé le frère cadet d’Indra. L’œil gauche de Viṣṇu est la lune, son œil droit le soleil. Or la lune est également sortie de l’océan baratté.
1752110. Le kalpataru et kāmadhenu qui exaucent tous les désirs, sont nés, comme l’ambroisie, du barattement de l’océan. L’océan a donné à Śiva la lune ; mais le double sens du composé sita-aṃśuka- : « qui a un vêtement blanc » ou sita-aṃśu-ka- : « qui a des rayons blancs » permet à Viś. de prendre les mots au sens de « l’océan a habillé un mendiant ».
1753111. Soma : la lune, est fils de l’océan puisque né du barattement. Ses « doigts » sont les portions du cercle lunaire.
1754112. La comparaison du corps avec le bois suggère peut-être ici l’identification avec la divinité puisque les idoles du lieu saint de Jagannātha (à Puri) sont, en bois. Mais : kāṣṭhādivat : ādi-śabdena śilā-pāṣāṇa-saṃgrahaḥ (Pad. Cand.) : « par le mot ādi, il faut entendre le roc, la pierre ».
1755113. L’une des caractéristiques du culte de Jagannātha est qu’il s’accomplit en dehors de toute distinction de castes, et que les intouchables même y participent. Le riz cuit, une fois offert au dieu, est regardé comme si sacré qu’un brahmane peut l’accepter d’un homme de basse caste (cf. Kane, p. 697).
1756115. ghumaghumita- est la sanskritisation d’un terme attesté en tamoul, en telugu, kannara, etc. (kamakama, gamagama, ghaghama) et désignant un parfum fort.
1757123. Kālindī est un autre nom de la Yamunā qui prend sa source dans le mont Kalinda. L’ennemi de Mura est Kṛṣṇa. Les bergères amoureuses du dieu se baignent dans la Yamunā et s’abritent sous les arbres de ses rives en souhaitant rencontrer Kṛṣṇa (Bhāg. Pur. X).
1758125. Śleṣa : la bergère dit : aṃsaṃ gataṃ sukam apanaya, « enlève le perroquet venu sur mon épaule » ; mais Mukunda entend : « aṃ saṃgataṃ śukam : « enlève mon vêtement ». En effet, l’expression signifie au sens littéral : « (la syllabe) aṃ liée à śukam », or la liaison de cette syllabe am- au substantif -śuka- permet de construire le substantif aṃśuka- qui signifie « vêtement ». D’où l’essai pour rendre, très approximativement, le jeu de mots en français.
1759126. Rādhā est la bergère aimée de Kṛṣṇa.
1760(41). Yadunandana : Kṛṣṇa qui s’est incarné dans la famille des Yadu sur laquelle il étend sa protection.
1761128. Les Purāṇa, particulièrement le Bhāg. Pur. X, racontent les multiples facéties de Kṛṣṇa enfant, parmi lesquelles les vols qu’il commet : vols de lait caillé, des vêtements des bergères, etc. Or les Purāṇa, comme les autres livres sacrés, ont valeur purificatrice : entendre raconter les histoires de vols de Kṛṣṇa, c’est donc pour le dévot se laisser dérober ses propres péchés par le dieu. Sur le suffixe d’intensif -tamām après une forme verbale, cf. note de la strophe 8.
1762129. Ornement virodha basé sur un śleṣa. Plusieurs analyses sont possibles : kaṃ saṃprāptā ou kaṃsaṃ prāptā (Pad. Cand. : Kaṃsaṃ Kaṃsanāmakam asuram, pakṣe kam udakaṃ prati... prāptā utpannā pakṣe saṃprāptā iti chedaḥ) ; hā nidāgha-praśāntiḥ ou hāni-da-agha-praśāntih.
1763Mānase (1er sens) : haṃsānāṃ varṣākāle mānasasarovaragamanaṃ prasiddham (Pad. Cand.) : « le lac Mānasa (au pied du Kailāsa) est un lieu de rassemblement célèbre des haṃsa durant la saison des pluies ». L’absurdité du premier sens se trouve résolue dans le second sens. Le haṃsa est alors l’asura Baka mis à mort par Kṛṣṇa (Bhāg. Pūr. X, 11), Agha est le frère de Baka, étouffé par le dieu (idem, X, 12).
1764130. Haṃsa : dānava tué par Kṛṣṇa (cf. Harivaṃśa, adhyaya 161, śl. 9141, Calcutta 1831, vol. IV). L’asura Bāṇa était protégé par Śiva auquel il vouait un culte assidu ; à la demande du dieu, Kṛṣṇa accepte de lui laisser la vie sauve et rompt seulement ses cent bras pour abattre son orgueil (Bhāg. Pur. X, 63). Le roi du Pundra avait demandé à Kṛṣṇa de renoncer à son titre de Vāsudeva et revêtu les insignes de Hari pour marcher contre lui : Kṛṣṇa se moque de ces prétentions et lui tranche la tête avec son disque (Bhāg. Pur. XI, 5). Bhauma : l’asura Naraka, allié de Kaṃsa ; Kṛṣṇa monté sur Garuda lui tranche la tête (Bhāg. Pur. X, 69).
1765Le meurtrier de l’asura Bala : Indra. Pour abattre l’orgueil d Indra, Kṛṣṇa, voyant un jour les bergers sur le point d'offrir un sacrifice à ce dieu, leur conseille de sacrifier plutôt à la montagne et à lui-même. Indra, furieux, décide de les submerger sous la pluie ; Kṛṣṇa soulève alors le mont Govardhana, et le soutient en l’air pendant sept jours, les protégeant ainsi du déluge (Bhāg. Pur. X, 24, 25).
1766133. Devenir compable de village est un déshonneur pour un brahmane qui ne doit exercer aucune profession sous peine de déchoir de sa caste.
1767134. Sur les dates des saṃskāra, Pad. Cand. cite Manu, II, 36-37 : « kālasya « garbhāṣṭame’bde kurvīta brāḥmaṇasyopanāyanam / garbhād ekādaśe rājño garbhāt tu dvādaśe viśaḥ // ». . athavā « brahmavarcasakāmasya kāryaṃ viprasya pañcame / rajño balārthinaḥ ṣaṣṭhe vaiśyasyehārthino’ṣṭame » // : « Que l’on fasse dans la huitième année à partir de la conception l’initiation d’un brahmane, celle d’un kṣatriya dans la onzième, celle d’un vaiśya dans la douzième ; pour un brahmane qui aspire à l’éclat que donne la science divine, cette cérémonie peut s’accomplir dans la cinquième année ; pour un kṣatriya ambitieux dans la sixième, pour un vaiśya désireux de se livrer aux affaires commerciales dans la huitième ».
1768138. Vedavyāsa « l’arrangeur des Veda », est le nom donné aussi au compilateur du Mahābh., des Purāṇa, tous ces ouvrages étant censés avoir été écrits de la main du même homme. Bṛhaspati, encore appelé Jīva, est le modèle du prêtre, le prince des orateurs et le maître de la parole. Āpastamba : auteur de sūtra se rattachant au Yajur Veda noir, et d’ouvrages de rituel.
1769146. Il s’agit des pèlerins qui se rendent à la cité de Paṇḍharpūr (située sur la rive droite de la Bhīmā, affluent de la Kṛṣṇā), lieu de culte de Kṛṣṇa qui s’y manifesta sous le nom de Viṭhobā et sous la forme d’un enfant. L’adoration qui lui est rendue attire un grand nombre de pèlerins de toutes régions. La cité est, au début du xviie siècle, dans une période de renouveau due à la paix apportée par l’administration de Malik Ambar. Le grand temple de Viṭhobā est reconstruit à cette époque, et la statue actuelle date de cette période (cf. Deleury, The cult of Viṭhobā, Poona, 1960, p. 45).
1770147. Les critiques de Kṛś. s’expliquent par les caractéristiques de ce culte : dans la secte des Vārkarī qui voue sa dévotion à Viṭhobā, la manifestation essentielle du culte est le pèlerinage ; il n’y a ni église ni hiérarchie, ni saṃskāra. N’importe qui peut devenir adepte de ce culte, sans distinction de races ou de castes. D’autre part, la spiritualité est centrée essentiellement sur le mokṣa : la délivrance s’obtient par la voie de la bhakti. Cette dévotion est rendue lors des pèlerinages par des hommes qui par ailleurs vivent au sein de leur famille, exerçant une profession, et qui manifestent une certaine aversion pour l’ascétisme rigoureux ou le fanatisme. Le pèlerinage est le seul engagement pris par les fidèles (cf. Deleury, ouv. cit., p. 3 et suiv., p. 111).
1771148. Viśvāmitra est le célèbre ascète pour lequel Rāma va combattre les démons qui font obstacle à ses sacrifices. Longtemps roi puissant il ne réussit à acquérir rang de brahmane qu’après un long tapas (Rām. Bālak. 50 et suiv.).
1772149. Ornement prativastūpamā : il y a comparaison implicite entre le flambeau et la dévotion à Visnu.
1773150. Ornement dṛṣṭānta : lors de la lutte entre Sugrīva et Vālin, Rāma, pour montrer sa force, envoie une flèche qui traverse sept palmiers, une montagne et s’enfonce jusqu’au septième sol (Rām. Kiṣkindhāk. 12, śl. 2).
1774151. Vṛṣagirīśa : Veṅkateśa, le dieu de Tirupati. (Tirupati a reçu un nom différent à chacun des 4 âges : Vṛṣabhācala dans le Kṛtayuga, Añjanācala dans le Tretāyuga, Śeṣācala dans le Dvāparayuga et Veṅkaṭācala ou Veṅkaṭagiri dans le Kaliyuga.)
1775153. Upamā reposant sur un śleṣa : chacun des trois composés peut s’appliquer soit au pays d’Āndhra, soit à l’océan. Pad. Cand. donne une autre leçon : au lieu de nadīṡavat : « atra « na deśavat » iti pāṭhāntaraṃ » et explique : « nadeśavat samudravat iti » (c.-à-d. nada-īśa-vat), ce qui ne change rien au sens. On peut comprendre aussi : « Āndhradeśaḥ deśavat anyadeśavat na rājati, api tu sarvottamatayā rājati. » : le pays d’Āndhra ne brille pas comme un autre pays, mais de la manière la plus remarquable » (Pad. Cand.). Les doubles sens perdent alors leur raison d’être.
1776156. Upamā : les femmes sont comparées à la mūrti de la terre par rapprochement entre différentes parties de leur corps et des éléments naturels : la raie de leur chevelure est comparable à la Yamunā qui est de couleur noire ; le collier est comparé à la Gangā célèbre par sa blancheur, etc. Vasu-matī, « riche en trésors » ou « en éclat », est le nom même de la terre, déesse dont les hommes n’aperçoivent que la manifestation sensible. Ces types de comparaisons sont traditionnels : cf. Raghuvaṃśa IV, 52, où la comparaison entre le mont Sahya et la croupe de la terre est beaucoup moins appuyée, mais plus significative : « Sahyam... nitambam iva medinyāḥ srastāṃśukam alaṅghayat : « Ce mont Sahya... — croupe de la terre dépouillée de sa vêture il le franchit » (traduction Renou).
1777157. Ornement vyatireka : les rois du pays d’Andhra sont comparés aux différents symboles de générosité, mais avec dépréciation de ceux-ci au profit des rois. Par jeu de mot, l’arbre kalpa (généreux puisqu’il exauce tous les désirs) devient semblable à un roi barbare qui laisse piller les biens des sages par des courtisans rapaces. Karṇa, demi-frère des Pāṇḍava est extrêmement généreux, mais il a le défaut de haïr mortellement Arjuna. Le nuage noir, qui donne la pluie (symbole de prospérité) est en quelque sorte déprécié par ses grondements.
1778159. Giri-nandinī : Pārvatī, épouse de Śiva, fille de la montagne (Parvata) Himalaya.
1779162. Bhava : Śiva.
1780163. tṛṇāni khādanti : « ils mangent l’herbe » (sens littéral), signal de ceux qui se rendent à l’ennemi. Pad. Cand. : « tṛṇabhakṣakān valinīkārūḍhāṃś ca vīrās tyajanti » : « les guerriers épargnent (les soldats) qui mangent l’herbe et qui montent sur une termitière ».
1781164. Cf. Bhag. Gītā II, 31-32 :
Dharmyād dhi yuddhāc chreyo’nyat ksatriyasya navidyate.
Yadṛcchayā copapannam svargadvāramapāvṛtam.
1782« Car rien pour le kṣalriya ne passe avant un combat légitime.
1783D’où qu’il lui soit offert, il ouvre pour lui la porte du ciel ».
1784Cf. idem, II, 37 :
Halo vā prāpsyasi svargaṃ jitvā vā bhoksyasemahīm.
1785« Mort, tu iras au ciel, ou vainqueur tu gouverneras la terre. »
1786(Trad. Sénart).
1787165. Jeu de mots sur Karṇāṭa, nom de pays, et karṇa « oreille » dont les deux premières syllabes sont homophones. Par « ornait la région de l’oreille », il faut entendre que le pays de Karṇāṭa était particulièrement célèbre, donc que l’on entendait beaucoup parler de lui.
1788168. La critique vise ici les Vīraśaiva ou Liṅgāyat qui rejettent Veda et tradition brahmanique, rompent avec le système des castes et le sacrifice. Ils portent un petit liṅga sur la poitrine. Le śleṣa de la strophe 169 se fonde sur un usage de ces Vīraśaiva : l’eau qui sert de pédiluve pour la réception des jaṅgama (prêtres) est considérée comme le tīrtha de la divinité.
1789169. śleṣa : dans le second sens, dvi-ja-rāja- désigne soit Garuḍa (roi des oiseaux considérés comme deux fois nés, étant ovipares), et l’on obtient alors la phrase qui est donnée en note p. 107 ; soit Soma, la lune, qui est appelée aussi dvi-ja-rāja : « roi des brahmanes ». Le sens est alors : « la tête de l’ennemi de (Tri-) Pura est baignée par le nectar divin des rayons de la lune ». Qu’il s’agisse de la Gaṅgā ou de Soma, en ce second sens, le texte fait référence tout à fait normalement aux attributs de Śiva. Mais dans son souci de dénigrer les Śivaïtes, Kṛś. s’exprime de telle façon que ses paroles ont encore un autre sens : celui qui est donné dans la traduction du poème, dvi-ja-rāja- signifie alors : « un roi parmi les brahmanes », c’est-à-dire un « brahmane éminent ». En effet, ces Sivaïtes qui ne sont que des śūdra sont jaloux des brahmanes et pour montrer qu’ils valent autant qu’eux, lavent avec l’eau de leurs propres pieds la tête de Śiva puisque celle-ci est bien lavée avec l’eau des pieds d’un brahmane.
1790170. Le mont Yadu se trouve à Melukoṭe (Nārāyaṇapuram) près de Mysore et c’est un lieu particulièrement sacré pour les vaiṣṇava. C’est là que demeura Rāmānuja pendant son exil lors des persécutions religieuses infligées aux viṣṇouites par un roi Cōḷa.
1791Sur la légende relative à la construction du temple et à sa statue, cf. A. M. Esnoul, Rāmānuja, Seuil, p. 105-106.
1792171. Svārāja- : Indra courbé respectueusement devant Viṣṇu.
1793172. puraskṛtyā : littéral. : « en rendant honneur » au souverain des Yādava.
1794Virodha : cette contradiction apparente s’explique par la double signification de kṣmā-bhṛt qui a, dans le premier cas, le sens de « roi, souverain », dans le second, celui de « montagne ». Le roi des Yādava (descendants de Yadu) est Ugrasena, parent de Kṛṣṇa, que son fils Kaṃsa jeta en prison, et que Kṛṣṇa rétablit sur son trône, surmontant ainsi la malédiction de Yayāti (cf. strophe 29) qui interdisait aux descendants de Yadu de régner. (Bhāg. Pur. X, 45). Le 2e yādava-kṣmā-bhṛt désigne le mont Yadu. Visnu-Kṛṣna a donc rendu honneur à Ugrasena en le rétablissant sur son trône, mais il domine le mont Yadu sur lequel se trouve son temple.
1795173. Il s’agit de l’argile (gopīcandana) qui sert à tracer les signes sacrés visnouites sur la figure : la légende qui veut qu’elle ait été apportée par Garuda depuis l’île mythique des Bienheureux est contée dans le Yadugirimāhātmya (1 à 12). Sur l’île blanche, cf. Nārāyaṇīya Parvan 338.
1796174. Upamā à base de śleṣa : les termes du texte s’appliquent aussi bien à un poète qu’à l’étang : ce dernier désigne le bassin sacré qui voisine le temple.
1797175. Śleṣa. Le premier sens permet au poète de jouer sur les noms de différents métaux. Ce jeu est dû au fait que la cité d’Uḍipi dont il est question est souvent appelée : Rajala-pīṭha-pura : « cité de l’estrade d’argent », cette estrade étant celle de Viṣṇu adoré à Uḍipi sous le nom d’Ananteśvara. Le sage dont il est question est Madhva, né à Uḍipi en 1198, d’une famille brahmanique vouée au culte D’Ananteśvara (cf. S. Siauve, Madhva, Pondichéry 1968, p. 8 et suiv.).
1798176. Śleṣa. Ānandatirtha est un autre nom de Madhva. C’est en référence à ce nom de « gué de la félicité » que se comprend le premier sens du texte.
1799177. La samdhyā doit être faite avant que le disque du soleil n’apparaisse.
1800178. catur-anta-yānam : littér. : « un véhicule à quatre côtés ». Les svāmi adeptes de la doctrine de Madhva ont la réputation d’être riches et de surcroît bigots hypocrites. Pad. Cand. commente la strophe : « ayaṃ Mādhvasaṃnyāsī tu dambhārtham eva saṃnyāsāsramaṃ svīkṛtya śibikām āruhya dravyam arjayati rājādivat. » : « Ce renonçant adepte de la doctrine de Madhva choisit la condition de renonçant uniquement pour faire illusion, monte dans un palanquin et fait fortune comme un roi, etc. ».
1801179. « vāhanasthaṃ yatiṃ dṛṣṭvā sacailaṃ snānam ācaret »... « brahmacāriyatīnāṃ tu bhuktvā cāndrāyaṇaṃ caret » ityādismṛtyā » (Pad. cand.).
1802183. Le culte accompli par les disciples de Madhva comprend, en particulier, certaines observances en l’honneur de Viṣṇu, dont celle du jeûne le onzième jour de chaque mois lunaire.
1803190. Le cāmpeya (Michelia Champaca) est un arbre à fleurs jaunes et très odorantes, le kiṃpaka est au contraire une sorte de cucurbitacée dont le fruit rouge est un poison (cf. Roxburgh, Flora Indica, vol. II, p. 656 et vol. III, p. 705). La pomme épineuse (dhattūra : Datura Fastuosa) est une plante à poison violent surnommée plante de la folie ou de l’oubli (cf. Lushington, Vernacular list of trees, shrubs and woody climbers, Madras 1915, vol. II-A, p. 525).
1804191. Tirupati se trouve au milieu d’une chaîne de sept pics montagneux du nom de Seṣācalam. L’alignement de ces monts représente, selon la tradition puranique, un serpent à sept têtes : la queue en serait le sanctuaire sivaïte de Śrīśailam, le centre le sanctuaire visnouite d’Ahōbalam. Au sommet de la tête se tient Tirupati, et sur la gueule du serpent, le sanctuaire śivaïtes de Kālahasti (cf. K. Aiyangar, A history of Tirupati, Madras 1940, vol. I, p. 3). Plusieurs légendes sont attachées à l’histoire de la fondation du lieu sacré. L’une d’elles veut que, lors d’une querelle surgie entre Śeṣa et Vāyu, ce dernier ait tenté de disperser de son souffle les mille pics du Meru. Śeṣa les couvrit alors de son capuchon pour les protéger. Mais Vāyu feignant de se tenir pour battu, Śeṣa souleva la tête, donnant ainsi au dieu du vent le temps de faire voler sept pics du Meru qui retombèrent à l’endroit de Veṅkatācala (cf. Jagadisa Ayyar, South Indian Shrines, Madras 1922, p. 508-509).
1805194. Peut-être allusion à une légende qui explique pourquoi Visnu choisit Tirupati comme demeure. Une discussion s’éleva un jour parmi les ṛṣi pour savoir lequel, de Brahma, Viṣṇu ou Śiva, était le dieu suprême. Ils envoyèrent donc le plus sage d’entre eux : Bhṛgu, pour décider après expérience.
1806Maltraité par Brahma et Śiva, Bhṛgu est bien accueilli par Visnu. Il revient auprès de ses collègues qui élisent donc Viṣṇu dieu suprême. Mais Lakṣmī, furieuse (elle avait reçu le coup de pied de l’ascète destiné à éveiller le dieu) décide d’abandonner la poitrine de Viṣṇu et s’enfuit. Viṣṇu, ne pouvant supporter la solitude du ciel, cherche un endroit plus agréable et découvre Śeṣācalam où il s’établit. Le dieu habitant Tirupati, toujours privé de Lakṣmī, se divertissait en chassant. Il aperçoit un jour, dans une forêt, une princesse et apprend qu’elle avait été trouvée par le roi Ākāśarāja. Elle était, en réalité, Padmāvatī et le dieu descendit dans la plaine pour l’épouser. La déesse resta là, ayant son temple à Tiruchanur, non sur le sommet de Tirupati (cf. K. Aiyangar, ouv. cit., vol. I, p. 34 et suiv.) Tirupati passe donc pour être un lieu particulièrement cher à Viṣṇu, où il se plaît à demeurer en compagnie de la déesse retrouvée après l’avoir épousée.
1807197. Ces critiques font allusion, à des légendes locales : le dieu se serait adressé en termes affectueux à un brahmane du pays, l’appelant tāta (d’où le nom de tātācārya pris fréquemment par ses dévots) et lui aurait demandé de l’eau. Il serait encore venu au secours d’un fidèle du temple qui creusait un bassin et faisait porter la terre à sa femme enceinte : le dieu qui avait pris la forme d’un jeune brahmane fut frappé par le fidèle saisi de jalousie ; dans le même temps, la statue du temple de Tirupati se mit à saigner, et le dévot, comprenant que son aide n’était autre que le dieu Veṅkaṭeśvara, se mit à soigner la blessure avec du camphre. De là date la coutume de passer du camphre sur la statue du dieu dans le temple de Tirupati. Le fidèle en question aurait été Anantārya, disciple de Rāmānuja (cf. Aiyangar, ouv. cit., p. 298-299). Enfin la légende veut que le dieu ait préféré à tout autre diadème une guirlande d’argile que lui avait offerte un potier particulièrement pieux.
1808199. Kucaila : brahmane très pauvre, mais dévot de Kṛṣṇa. Sur sa légende cf. Bhāg. Pur. X, 80.
1809A propos du mont Añjana, cf. la note de la strophe 151.
1810200. Jeu sur le double sens de sahasra-vasu- : il faut entendre en fait : « celui qui a quantité de rayons », c’est-à-dire le soleil, séjour de Nārāyaṇa. L’auteur joue également sur le double sens de kuvalaya- : « nénuphar bleu » et ku-valaya- : « disque de la terre » ou « univers ». Il faut comprendre que le dieu a pour beau-frère Soma, né de l’océan en même temps que Lakṣmī. Enfin, ratnaākara- désigne l’océan. Ces doubles sens servent à rehausser le prestige du dieu.
1811ratnākaraḥ śvaśaro hareḥ : même thème en 111 c.
1812(79). Dhiṣaṇa est un nom de Bṛhaspati.
1813201. La strophe comporte une chaîne de rūpaka (métaphores).
1814202. Une opposition est établie entre les deux aoristes samagrāhi et pratyakṣepi, en même temps qu’une reprise de syllabes semblables : samagrā hi / samagrāhi et pratyakse’pi / pralyaksepi. Il s’agit par là de souligner l’importance de la présence visible du dieu (dans sa statue) à Tirupati : le Veda, livre sacré, parvient à dénombrer les vertus de Hari (reprise d’un thème déjà développé dans la célébration du soleil : 7 et 11), mais la présence visible du dieu fait mieux, puisque, paradoxalement (api), elle affirme sa grandeur invisible.
1815203. Les épines de l’univers sont les asura que le dieu combat à maintes reprises en ses avatars. Le Pāṇḍava est Arjuna dont Kṛṣṇa est le cocher dans le Mahābh. Le dénominatif maṇḍanāyate se trouve ici en composition.
1816204. La strophe ne contient pas d’allusions à des légendes précises mais vise seulement à montrer la grandeur du dieu.
1817205. Utprekṣā à base de śleṣa. Jouant sur le double sens de « montagne » et de « roi » pour ksitibhrt, le poète surimpose implicitement la montagne au dieu qui l’habite. Le 2e sens s’entend en référence au dieu. Guha qui signifie « grotte » est aussi le nom du roi niṣāda qui aida Rāma à traverser la Gaṅgā. Le dernier composé s’analyse, dans le premier sens, en sānu-ja-sphūrti-ka (« qui a l’éclat qui naît de ses pics »), dans le second en sa-anujasphūrtika- (« qui a l’éclat de ses frères cadets avec lui »). La lignée du soleil est la dynastie solaire dans laquelle est né Rāma ; Padmāvatī, la déesse adorée à Tirupati, est, dit-on, Sītā qui renaît comme épouse de Viṣṇu.
1818206. Virodha à base de slesa : pāda a le double sens de « pied » (ce qui permet l’effet de surprise : un serpent a des pattes) et de « montagne contiguë à une autre montagne ».
1819207. hariḥ : siṃhaḥ.
1820208. Yamaka par répétition de -kānanāni kānanāni. Les flammes jaillissent par friction des tiges de bambous entre elles.
1821210. La strophe contient une série d’allitérations intraduisibles.
1822211. Ghaṭikācala : Sholingapuram ou Sholingur (cf. Census of India, Madras 1961, vol. IX, part D, tome 4, p. 28), dans le district du North Arcot. Selon la tradition, Viṣṇu en son incarnation de Nara-siṃha se montra sur la montagne à son dévot Prahlāda, aux ṛṣi et aux dieux pendant l’espace d’une ghaṭikā : 24 minutes, d’où le nom de Ghaṭikācala qu’a reçu l’endroit.
1823kaṇṭha-upari-kaṇṭhīrava- a pour sens : « celui qui rugit à pleine gorge sur la gorge (de la montagne) », c’est-à-dire sur la partie la plus étroite du mont : le sommet. La nécessité de traduire le jeu de mots amène une inexactitude en français où le mot « gorge » désigne les parties creuses de la montagne.
1824La similitude des termes ghaṭikā- et sphaṭika- favorise la comparaison.
1825Par ailleurs, kaṇṭhīrava-et l’éloge de Nara-siṃha sont annoncés dès la strophe 19.
1826214. Jambha-dambha-hara- : Indra qui a tué le démon Jambha. Visnu s’incarne en homme-lion non seulement pour sauver Prahlāda, mais aussi pour rendre sa souveraineté et son bonheur au dieu Indra : Hiranyakaśipu avait pris la place du maître des dieux, vivant dans son palais et régnant sur l’univers.
1827216. Kayādhu est la femme d’ Hiranyakaśipu et la mère de Prahlāda.
1828218. Le premier ghaṭikā désigne une mesure de temps de 24 minutes. Le temple de Nara-siṃha se trouve en haut d’une colline, et un escalier de mille marches de pierre conduit les pèlerins au sommet.
1829219. Vīkṣāraṇya : Tiruvallur (district de Tiruvallur, à l’ouest de Madras). Cf. Census of India, vol. IX, part D, tome I, p. 27. Viṣṇu se présenta un jour sous forme humaine chez le muni Śālihotra (auteur de l’Aśvaśāstra) et lui demanda gîte et couvert. Le sage le reçut et le pria de passer la nuit dans sa hutte. Viṣṇu accepta. Le lendemain, Śālihotra entrant dans la hutte comprit que c’était le dieu qui était son hôte ; la statue de Viṣṇu dans le temple représente le dieu couché conformément à cette légende.
1830220. Śleṣa Il est impossible de rendre en français à la fois tous les sens latents dans le texte, d’autant que l’utilisation sémantique des composés est complexe : dvirepha-varṇām doit être accordé dans un cas avec tanum (« qui a la couleur de l’abeille ») dans l’autre avec saṃjñām (« qui a deux syllabes ra ») ; sumanoramām au sens de « qui se plaît parmi les fleurs » ne s’accorde qu’avec tanum ; au sens de « qui charme les sages » ou de « tout à fait charmant », il s’accorde à la fois avec tanum et avec saṃjñām.
1831su-parua-rājena a le sens de « celui qui brille dans la belle section » et désigne donc la lune par laquelle le visage de Viṣṇu est à la fois orné et vénéré (double sens de arcita-), puisque la lune est l’œil gauche de Viṣṇu. Le composé a aussi le sens de « roi des dieux », désignant alors Indra qui, dans la représentation traditionnelle, est incliné devant les pieds de Viṣṇu qu’il adore. Le composé s’accorde donc, avec un sens différent dans chacun des deux cas, soit avec mukham, soit avec pada-dvandvam.
1832(88). Pannaga-naga : Śeṣācalam (Tirupati), le composé permettant une allitération.
1833(89). Viś. a déjà fait l’éloge du dieu de Veṅkaṭagiri aux strophes 198 et suiv., en réponse à l’accusation de cupidité formulée par Krs. en 196.
1834Allitération pāmara-mate ramate que l’on tente de rendre en français par la reprise du mot « esprit ».
1835221. Su-tanu : Lakṣmī. Siva a épousé Satī, fille de Dakṣa (un des gardiens du monde, fils de Brahma). La comparaison avec le raisin est très répandue dans le kāvya : le raisin qui fond tout de suite dans la bouche, donne l’image d’une saveur (ou d’un sens) immédiatement accessible. Il s’oppose à la noix de coco qui se mâche longtemps et à la canne à sucre dont la saveur s’intensifie à mesure qu’on la suce — ces deux fruits étant également employés de façon imagée dans le kāvya pour désigner des sens qui ne s’appréhendent pas immédiatement (cf. Pratāparudrīya, p. 47-48). La comparaison avec le raisin traduit ici l’accessibilité de l’union avec le dieu.
1836222. candana- est le nom du santal, d’où le second sens : « le santal qu’est Hari » ; mais hari-candana- est aussi le nom d’une variété de santal, ce qui permet d’entendre la strophe uniquement en référence à une plante. Lakṣmī est souvent comparée en poésie à une liane d’or. Mais su-varṇa-vallī désigne aussi « une liane de belle couleur ». La disposition mentale que procure Hari est utile pour sortir du saṃsara.
1837223. Bhūtapurī : Śrīperumbudūr, au sud-ouest de Madras. C’est là que Rāmānuja naît en 1017. Trayyanta- désigne le Vedānta.
1838225. Allitérations par reprise du groupe de syllabes –jayati- tout au cours de la strophe, en écho au verbe jayati placé en tête.
1839226. Nambi, oncle de Rāmānuja, déclara à la naissance de ce dernier, qu’il serait aussi fidèle à Dieu que Lakṣmaṇa l’était à Rāma. Le mot composé Rāma-anuja a précisément le sens de « frère cadet de Rāma » et on appelle fréquemment le philosophe du nom de Lakṣmaṇa. Les œuvres de Rāmānuja sont comparées aux flèches de Rāma grâce à un śleṣa.
1840227. On tente de rendre en français l’allitération dhūta-kalaye / kalaye.
1841228. Les deux frères cadets de Rāma sont Rāmānuja et Kṛṣṇa (qui est le frère cadet de Balarāma (ou Baladeva). Yāmunatīrtha signifie d’abord « gué de la Yamunā » et se comprend alors en référence à Kṛṣṇa dont les aventures et le culte se situent sur les bords de la Yamunā ; mais le composé désigne aussi Yāmunācārya (ou ĀḶavandār) guru de Rāmānuja et grand maître vaiṣṇava de Śrīraṅgam. Tīrtha est en ce cas un titre appliqué à une personne vénérable. La même ambiguïté est reprise en 584.
1842Naraka a également double sens : il s’agit d’abord de l’asura Naraka tué par Kṛṣṇa (cf. st. 130) ; par ailleurs naraka- désigne l’enfer et il faut comprendre que la doctrine de Rāmānuja préserve l’homme du mal.
1843Enfin, Kṛṣṇa révèle la Bhagavad-Gītā à Arjuna, tandis que Rāmānuja a écrit le Gītā-bhāṣya, commentaire de la Bhagavad-Gītā.
1844229. Les règles concernant la nourriture sont très strictes chez les śrīvaiṣṇava : le maître de maison ne prend de repas qu’avec sa famille, quant au renonçant, il ne doit accepter sa nourriture que de brahmanes śrīvaiṣṇava orthodoxes (cf. Rangachari, The śrīvaiṣṇava brahmans, Bulletin of Madras Governement 1931, p. 46).
1845230. Le Prabandham, abrégé de Nālāyira prabandham : « collection des quatre mille (stances) » est un recueil d’hymnes en langue tamoule, révéré et populaire dans l’Inde du sud ; il a été constitué par Nāthamuni qui a recueilli les hymnes composés par les ĀLvār.
1846jāgrati : sali (Pad. Cand.).
1847231. La critique concernant les langues tamoules revient à plusieurs reprises dans la bouche de Kṛś. : elle témoigne de la défiance que suscitait chez certains brahmanes l’adoption des langues communes qui permettait au peuple l’accession aux textes sacrés, lumpantaḥ śrāddha-caryām : allusion sans doute au fait que, lors des cérémonies des śrāddha, la nourriture était offerte par les Vaḍagalai d’abord au dieu, puis aux ācārya et aux brahmanes représentant les pitṛ-deva- ; quant aux Tengalai, ils n’offraient de nourriture qu’au dieu, non aux ācārya, etc. Kṛś. critique encore une autre coutume des srīvaisnava : le gṛhastha peut devenir ācārya (il n’est pas nécessaire d’être saṃnyāsin), en ce cas, il doit recevoir obéissance d’un ascète même, si celui-ci est son disciple.
1848pañcayajñān : cf. strophe 233.
1849232. Dans le culte domestique, les Tengalai ont abandonné l’usage de la cloche dont, au contraire, se servent les Vaḍagalai (cf. Rangachari, ouv. cit., p. 46). Tandis que les Vaḍagalai pensent que Śrī est l’égale de Viṣṇu et possède les mêmes pouvoirs, les Tengalai la considèrent comme une servante du dieu qui n’a pas pouvoir de donner le mokṣa à quiconque (idem, p. 44-45). Les Tengalai considèrent que l’eau qui a été touchée, même par hasard par les pieds des Bhāgavata devient sainte et est alors purificatrice (id., p. 47). L’idée du doṣabhogya (c’est-à-dire l’idée que Dieu puisse éprouver les conséquences des actes et des fautes) est liée à la théorie de la grâce selon les śrīvaiṣṇava (cf. Rangachari, ouv. cit., p. 45). Les Vaḍagalai soutiennent que les hommes sont sauvés par la grâce divine mais qu’un effort de leur part est nécessaire ; ils emploient pour illustrer cette idée l’exemple du jeune singe qui doit s’accrocher au cou de sa mère qui l’emporte. Les Tengalai soutiennent que l’abandon de l’homme à Dieu doit être total (prapatti) et illustrent cela par l’image du jeune chat emporté dans la gueule de sa mère sans avoir à faire aucun mouvement. Si l’homme ne peut rien par lui-même et que la grâce divine fasse tout, Dieu doit être tenu pour responsable des fautes et en subir les conséquences, ce qui est selon la doctrine orthodoxe, strictement irrecevable.
1850233. Cinq grands sacrifices journaliers sont accomplis par le maître de maison : brahma-yajña, deva-yajña, bhūta-yajña, pitṛyajña, et manuṣya-yajña.
1851On distingue trois sortes de rites : nitya (quotidien, obligatoire) naimittika (occasionnel : il s’agit d’un rite fait à date précise, lors de fêtes, etc.) et kāmya (rite non obligatoire que l’on accomplit en vue d’obtenir quelque chose de précis). Kṛś. reproche aux śrīvaiṣṇava de se dispenser des rites obligatoires en les classant dans la catégorie des rites kāmya ; il les accuse, en outre et par dérision, d’adopter comme pratique quotidienne la dégradation des mœurs.
1852235. Goṣṭhyai : teṅgalīyāyai (Pad. Cand.).
1853Kṛś. fait allusion dans cette strophe à l’égalité affirmée entre les hommes par les Tengalai, ceci en dehors de toute caste. Seule compte la valeur spirituelle. En accord avec cette idée, les Tengalai soutiennent que l’enseignement de la doctrine peut être acquis sous la direction d’un maître spirituel non-brahmane, et même de basse caste. La fin de la strophe est ironique.
1854237. naṭa-jaṭā : Le chignon de Śiva, maître de la danse. Or la Gaṅgā est sur la tête du dieu. Kṛś. donne ici à naṭa- le sens péjoratif qui est attaché à la condition de danseur.
1855238. Il faut lire, dans le 1er sens : analpa-kaṃdharāyām. Le substantif kākola- qui désigne une sorte de poison est ici employé en référence au poison mythique halāhala produit par les démons lors du barattement de l’océan de lait et bu par Śiva. Ce poison cause une tache bleu sombre sur la gorge du dieu.
1856239. En réponse à Krs., Viś. souligne le caractère strict des observances śrīvaiṣṇava, d’une part en ce qui concerne l’impureté, d’autre part en ce qui touche aux rites.
1857240. Tilaka, rosaire et marques sont caractéristiques des śrīvaiṣṇava ; les signes de la conque et du disque sont inscrits respectivement sur l’épaule gauche et l’épaule droite du fidèle avec un bâton de métal muni d’un embout d’argent ou de cuivre chauffé lors du tāpa, un des moments de la cérémonie du pañcasaṃskāra. Le tilaka est la marque portée sur le front par les fidèles visnouites.
1858242. Réponse à « viduṣāṃ matāntarajuṣāṃ paṅktau na bhuṅkte » (229).
1859Viś. voit dans le caractère strict des règles de nourriture non une injure aux brahmanes mais une vertu supplémentaire que l’homme pieux (celui qui a des règles de nourriture justement, et non celui qui mange n’importe quoi) doit apprécier.
1860243. Śaṭhāri est Śaṭhakopa ou NammāLvār (cf. strophe 488 et suiv.). Sur les quatre mille stances du Prabandham, près de douze cent lui sont attribuées.
1861245. Allitérations (dans le pada C).
1862Le sage Agastya a, selon la légende, révélé la langue et la grammaire tamoules. Śaṭhamathana est encore un nom de Śaṭhakopa ; pūrva-guravaḥ désigne les ācārya par opposition aux ĀLvār.
1863(98). L’éditeur de la campū donne en note, après ce passage en prose, 10 strophes entrecoupées de prose qui se trouvent dans certains manuscrits seulement. Ces strophes sont placées dans la bouche de Viśvāvasu et consacrées essentiellement à la défense des Tengalai. En voici la traduction :
1864« 1. Sans doute, ces (adeptes de la doctrine de Rāmānuja) qui ont accédé à la connaissance de l’Être renoncent-ils aux cinq sacrifices, ainsi qu’aux autres sacrifices respectables qui pourtant rassasient la bouche de Viṣṇu qui a pour corps les divers dieux ; (mais) ils mettent leurs soins à satisfaire le Tout-puissant par leurs hommages ; la sainte conduite de ces dévots (leur) engendre la gloire, purifie l’univers.
18652. Ils se purifient en buvant les eaux, honorables entre toutes, qui baignent les pieds des vaiṣṇava, ils ne touchent pas (l’eau de) la Gaṅgā elle-même, dont la source requiert hommage au prix de beaucoup d’efforts ;
1866Malgré sa proximité, ils évitent l’océan ; plus que des rites facultatifs (consistant en) sacrifices d’animaux, etc., on constate (chez eux) une intelligence capable de distinguer l’essentiel et le non essentiel.
1867Merveille ! Vois leur dévotion innée envers l’Inébranlable ! en ces dévots triomphe une dévotion à aucune autre semblable (1).
18683. Voit-on soudain un dévot du (Dieu) qui est à l’origine de tout l’univers ? Ils saluent avec les huit membres, bannissant sans honte tout orgueil, sans tenir compte du lieu ou de l’occasion ; à ces gens dont l’être est pur, dis moi : quelle autre marque de respect (doit-on demander) ?
1869Puisque tu t’intéresses aussi à la question des hommages à rendre aux ascètes, écoute (2) :
18704. Si un ascète du quatrième āśrama — esprit stupide ! persuadé de la supériorité de son état, considère de haut les dévots du (dieu) qui a émis le monde (littéralement : « se conduit comme un mur »),
1871(En revanche), les autres ascètes à l’esprit éclairé, convaincus que la dévotion au Bienheureux confère l’excellence à tout (être), honorent ces dévots avec envie et les imitent !
18725. Même s’il fait lecture des quatre Veda, s’il est habile dans tous les actes prescrits, évite les actes interdits et (suit) la voie des śāstra, un ascète — ou un autre homme —, qui néglige les dévots du pied de Hari, ne prête pas à l’indulgence du Créateur de l’univers.
1873(On doit corriger le kṣāntair du texte en kṣāntyai comme fait le commentaire).
1874Cet (hommage à rendre aux dévots), selon l’usage du monde, n’est pas seulement valable pour les trois premiers āśrama : exprimant leur humilité par des assauts de démonstrations mutuelles, tous (y compris les saṃnyāsin) doivent échanger le salut par des paroles courtoises et des gestes de bienvenue, sache-le bien ! (3).
1875Faire aux dévots grief de l’usage de l’eau du pédiluve, (coutume) purificatrice, principale source de vie, grief issu de l’ignorance de la grandeur de cet usage trahit la misère de ton esprit malveillant ! (4).
18766. En effet : si, renonçant à sa liberté, s’attachant respectueusement aux pieds du Bienheureux, pour la satisfaction des maîtres on fait avec détachement le pèlerinage aux tīrtha,
1877Et que, l’esprit pur, on prenne soi-même l’eau (qui baigne les) pieds vénérables acquise en participant à une assemblée, alors il n’y a pas de souillure pour ceux qui suivent la voie du Pāñcarātra.
18787. Dis moi : dans un cercle (de Vaiṣṇava) boit-on l’eau (qui baigne) ses propres pieds ? Ne demande-t-on pas une eau qui n’ait pas baigné ses propres pieds ? Les Maîtres, en revanche, désirent boire cette eau qui, malgré le contact avec leurs propres pieds, est extrêmement pure.
1879(Un groupe de Vaiṣṇava trempent leurs pieds dans le même bassin : l’eau est souillée par leurs propres pieds et ils la rejettent, mais elle est purifiée par les pieds des autres, et pour cela ils la boivent).
1880Remarque ceci : il faut éviter qu’elle touche à l’eau (qui baigne) ses propres pieds, pourtant il convient de puiser à l’eau (qui baigne) les pieds d’une foule de personnes très pures dont le cœur s’attache aux pieds de Hari (5).
18818. Pour effacer ses péchés, un homme se plonge dans le flot de la Gaṅgā qui baigne ses deux pieds ; vois sa pleine ressemblance avec celui qui désire boire l’eau du lotus du pied de ceux qui sont l’élite des dévots, eau qui est (pourtant) en contact avec son propre Pied !
1882(L’idée est la même que celle que présente la strophe 7. comme on boit l’eau de la Gaṅgā qui est au contact de ses pieds, on boit aussi l’eau du bassin purifiée par les pieds des autres vaiṣṇava).
1883Eh bien soit ! Que ceux qui chicanent sur les mots rejettent aussi la pradakṣiṇā prescrite lors des saṃdhyā. Merveille. Il a, pour ces (dévots), créé la sainte tradition inaltérable, il est agréable au coeur de Lokācārya le meilleur de tous les maîtres, gloire au princes des maîtres qui a nom Saumyopayātā ! (6).
1884(Loka-guru désigne Pillai Lokācārya, maître vénéré des Tengalai. Par ailleurs la fin du passage présente une difficulté : il faut lire soit saumya upayātānām, saumya étant un vocatif qui se rapporte à Kṛś. interlocuteur de Vis. qui parle ici ; soit saumyopayātā nāma, en corrigeant le texte : Saumyopayātā est en effet le nom sanskrit du fondateur de la secte des Tengalai, le nom tamoul étant Maṇavāḷamāmuni).
18859. Ce bienheureux Viṣṇu, dans tous les temples où il réside, lorsqu’il prononce des paroles d’approbation — ces files d’abeilles !— lors de la récitation de ce premier śloka d’hommage (à Maṇavāḷamāmuni), hochant (la tête), fait tomber des fleurs ruisselantes de nectar, baignant son épouse qui toujours orne sa Poitrine !
1886(Ce vers fait allusion à l’habitude des Tengalai de réciter un vers d’hommage à Maṇavāḷamāmuni au début de toute récitation d’un texte.)
188710. Son esprit est tendu par le désir de vaincre que soulève en lui l’écoute des accusations faites par les pervers, il déploie l’Éloquence : gloire à l’ornement du Vaikuṇṭha qui a pris l’apparence de Varavaramuni, lui qui a brisé les péchés et trouvé satisfaction dans la réalité (suprême).
1888(Varavaramuni est un autre nom de Maṇavāḷamāmuni ; l’épouse de Brahma est Sarasvatī, l’éloquence, que déploie le sage).
1889Écoute la conduite pure de ces (dévots) (7). »
1890247. La lecture du Rāmāyaṇa, du Śrībhāṣya, etc. est constamment pratiquée par les śrīvaiṣṇava après l’initiation (cf. Rangachari, ouv. cit.). L’oeuvre de NammāLvār inspire de nombreux prêches.
1891248. Les propositions (établissant) l’absence de qualités ne visent pas à dénier toute qualification au brahman : Rāmānuja s’appuie, pour défendre sa thèse, sur les Upaniṣad ; contrairement à Saṅkara qui ne définit l’Absolu que négativement et le déclare dépourvu de qualités, Rāmānuja affirme que le brahman possède toutes les qualités à un degré infini, qualités auspicieuses dont, bien entendu, toute imperfection est exclue, advaita-śrutayo viśiṣṭa-viṣayā : la doctrine de Rāmānuja est celle du Viśiṣṭādvaita : non-dualisme du spécifié en tant que tel. Contrairement à Śaṅkara qui voit dans le monde extérieur un jeu de l’illusion divine (māyā), Rām. affirme la réalité du divers (le spécifié ou qualifié), c’est-à-dire d’« une infinité de perfections infinies » (cf. Lacombe, L’absolu selon le Vedānta, Geuthner 1966, p. 87). Le brahman peut être envisagé comme qualifié par les phénomènes, etc. De ce point de vue, il apparaît un avec le monde. Les passages de la śruti qui parlent de non-dualité concernent donc la forme qualifiée ; au contraire, les passages de la śruti qui parlent de différence (entre le brahman et le jīva, etc.) concernent la forme abstraite du brahman, la forme qui est la sienne quand on fait abstraction des qualifications.
1892249. Le marque du disque fait partie de l’initiation ; l’enseignement des formules est un moment important de l’initiation : lors de la cérémonie du Pañcasaṃskāra, la répétition du mūlamantra est faite à l’oreille droite de l’initié, si bas qu’il peut seul l’entendre.
1893250. janapada-damanān : dustara-kara-bhāra-grahaṇādinā deśavidhvaṃsakān (Pad. Cand.) : « qui ruinent les contrées par exemple en exigeant la charge d’impôts excessifs ».
1894251. Allitérations (en pada b).
1895252. L’adoration des idoles fait partie du rituel des śrīvaiṣṇava : le 5e moment de l’initiation est yajana : la présentation d’une idole à adorer.
1896253. Le rôle de l’ācārya est très important puisque le dévot ne peut se sauver seul, il a besoin d’un maître. Celui-ci est donc une figure toute-puissante, une incarnation de dieu lui-même.
1897254. śrutam : « enseigné par la Śruti », c.-à-d. par exemple par les Upaniṣad citées par Pad. Cand. :
1898Prásnopaniṣad I, 3 : « Tān ha sa ṛṣir uvāca « bhūya eva tapasā brahmacaryeṇa śraddhyā saṃvatsaraṃ saṃvatsyatha... » : « le sage leur dit : vous passerez une année encore dans l’ascèse, les pratiques brahmaniques et la foi ».
1899Chand. Up. IV, 4, 4 : « Kiṃ gotro nu saumya asi » (passages par lequel débutent les épreuves imposées à Satyakāma Jābāla par Gautama).
1900255. Par le Pañcasaṃskāra, le fidèle entre dans la communauté srīvaiṣṇava ; cinq moments caractérisent cette cérémonie : tāpa, puṇḍra, nāma, montra, yajana (cf. Rangachari, ouv. cit., p. 35-36).
1901256. Pad. Cand. souligne qu’aucun démenti n’est formule contre les critiques énoncées en 250.
1902258. Réponse aux critiques développées en 253.
1903Les śālagrāma sont des pierres noires contenant un fossile et qui sont tenues pour sacrées par les Vaiṣṇava.
1904259. La théorie de la śaraṇagati ou prapatti (abandon total en Dieu) illustrée par l’image du chat dans la gueule de sa mère, tend à prévaloir chez les Tengalai, de préférence à la théorie de la bhakti. Rāmānuja lui-même pratiquait les deux voies.
1905260. Cannapaṭṭana : Madras. Le temple de Pārthasārathī se trouve dans le quartier de Triplicane. Le dieu est adoré sous le nom de SrīVeṅkaṭa Kṛṣṇasvāmī. Une légende explique le nom de Pārthasārathī : le roi Sumati ayant prié Viṣṇu de lui apparaître sous la forme du cocher d’Arjuna, le dieu se montra à lui dans son sommeil et lui enjoignit d’aller dans le Vṛndāraṇya (ou tulasīvana : le bois du basilic) ; là le roi rencontra le ṛṣi Ātreya tenant une statue du dieu avec la conque à la main, statue d’une extrême beauté qu’il mit en place et adora (Census of India, tome I, p. 196).
1906261. cirantana-ukti-anta- : le Vedānta, les Upaniṣad. ā-tanu-antam signifie : « jusqu’à la fin du corps » (la mort) et fait jeu avec ātan-vantaḥ participe présent de ā-TAN, jeu que l’on tente de rendre en français par la reprise du même terme.
1907264. vastu adbhutam : n’est pas commenté par Pad. Cand.
1908265. La strophe contient allitérations et répétitions parmi lesquelles celle du mot Kāñcī : le 1er désigne le nom de la cité, le second a le sens de « ceinture ». Le sanskrit kāñcī « sangle, ceinture » est une des étymologies fournies pour l’explication du nom de la cité, sans que la tradition sanskrite ou tamoule offre rien qui puisse justifier cette hypothèse (cf. Dessigane, Les légendes śivaïtes de Kāñcīpuram, Pondichéry 1964, intr., p. XVII).
1909Hastigiri ou Hastiśaila est le nom de l’élévation de terrain sur laquelle est bâti le grand temple viṣṇouite (il y a dans l’emploi de śikharin un effet d’emphase). Le Kāñcīmāhātmya viṣṇouite nomme ainsi une forêt dans laquelle se réfugièrent les fauves et les asura effrayés par Narasimha (cf. Dessigane, ouv. cit., p. xv, note 2). Ce n’est plus maintenant qu’un tertre englobé dans la construction.
1910266. L’étymologie « ceinture » permet de comprendre la strophe en son second sens. La cité dispense la prospérité grâce aux offrandes faites en ses nombreux temples.
1911267. Allusion à une légende de Kāñcī contée dans le Kāñcīpurāṇam śivaïte : Brahma avait décidé de faire un sacrifice du cheval, afin d’acquérir un pouvoir aussi grand que celui de Śiva. Sarasvatī qui faisait ses ablutions n’était pas encore arrivée et Brahma commence le sacrifice sans elle. Furieuse, la déesse se transforme alors en fleuve pour submerger la cérémonie. Sur l’ordre de Śiva, Viṣṇu monté sur Śeṣa se couche en travers du fleuve pour lui barrer le chemin, le détournant ainsi par deux fois de son cours qui finit par se déverser dans la mer. Brahma termine ensuite le sacrifice en présence de Sarasvatī qui a repris son ancien état. La rivière qui traverse la cité a reçu le nom de Vegavatī : l’« impétueuse » (Dessigane, Légendes śivaïtes, no 11) Le theme est repris en 276.
1912Une autre leçon donne pāntu : « qu’elles nous protègent », au heu de pānti.
1913268. Vara-da est le nom de Viṣṇu adoré à Kāñcī. La strophe fait allusion au Hasti-giri et le 2e sens se comprend en référence à l’elephant (hasti). Le pada C s’analyse dans le second sens en : « sa nitya-śuddhaṃ vara-dantam udvahan ».
1914269. vapā : il s’agit de l’enveloppe de l’intestin du cheval utilisée par Brahma lors de son sacrifice, surabhila- paraît être une leçon erronée (surabhila iti prāmādiko’yaṃ prayogaḥ) que le commentateur propose de remplacer par vapā-surabhita-ānanam que l’on trouve dans certains manuscrits.
1915270. Hara est Śiva, le dieu porte-massue est Indra.
1916272. Les qualificatifs du premier pada comportent chacun deux sens, l’un se rapportant à Varada, l’autre à la rivière Vegāpagā (autre nom de Vegavatī) ; ces deux sens doivent être présents simultanément dans la traduction, pour la compréhension du texte, sindhurāgam s’analyse soit en sindhura-agam, soit en sindhu-rāgam.
1917273. Śleṣa : les deux composés ont un second sens, laudatif pour le dieu, qui rend aberrantes les paroles de Kṛś.
1918274. Dans le 1er sens varada- est un composé se rapportant à bhasvant- « soleil » ; dans le second, il est le nom de Viṣṇu tandis que bhasvant- « brillant » est adjectif. Il y a jeu sur les deux substantifs doṣa- « nuit » et doṣa-« faute ». La noble voie est le ciel.
1919Reprise d’un thème déjà développé en 7.
1920275. Anantasaras est le bassin du temple de Varadarāja. Puṇyakoṭi est le nom du vimāna. Le principal dieu de Kāñcī, Varadarāja, a aussi le nom de Devādhirāja. Kalyāṇīm fait allusion au sanctuaire de Lakṣmī appelé Kalyāṇakoṭi. La fin de la strophe évoque les sanctuaires secondaires qui sont ceux de Rāma, de Kṛṣṇa et de Ādivarāha (Ādimakiṭi). Ce dernier est construit dans le bassin même et baigne dans l’eau jusqu’à mi-hauteur. Les autres qui se trouvent autour du bassin sont abandonnés de nos jours mais les statues (maintenant installées près du temple de Varadarāja) se trouvaient peut-être encore en place du temps de Veṅkaṭādhvarin.
1921uttaravedim : Brahma-kṛta-aśvamedhīyām (Pad. Cand.).
1922276. Viriñci et Druhiṇa sont des noms de Brahma. Le Faiseur de digue est Viṣṇu qui en son incarnation en Rāma construisit le Setu.
1923Reprise de 267. Setu-kṛt annonce les strophes 474 à 486.
1924278. L’ami de Śiva est Kubera, gardien du quartier nord. Agastya est au sud. Le sofa sur lequel repose le dieu est Śeṣa, or Śeṣa s’est incarné en Patañjali, un des plus grands grammairiens. Le tamāla est un arbre à écorce sombre, or Viṣṇu a, dans la représentation traditionnelle, un teint bleu ou vert sombre.
1925279. Raṅganātha est le nom sous lequel Viṣṇu est adore a Śrīraṅgam : annonce des strophes 396 à 441, consacrées à ce temple.
1926280. Śatamakha : Indra. Le bimba (Momordica Monadelpha) est une baie rouge à laquelle on compare volontiers les lèvres.
1927281. Tentative pour rendre en français le yamaka constitué par la reprise : drāg avati iyam duritād rāgavatī.
1928282. Śleṣa : Śeṣa s’étant incarné en Patañjali, le dieu est coupable d’injure à l’égard de ce dernier, grâce à l’artifice du double sens de adhaḥ karoti ; en fait, Viṣṇu « place sous lui » le serpent sur lequel il repose. Kalā-nidhim désigne Bṛhaspati, dieu de la parole et aussi des beaux-arts. Le 2e sens du texte est bien entendu une évocation laudative du dieu.
1929283. La douceur des paroles des dévots de Viṣṇu surpasse la douceur dont s’enorgueillit le nectar des lèvres de Rati, déesse du plaisir et épouse de Kāma. Lorsque ces paroles s’élèvent, Sarasvatī (qui, en tant que déesse des arts tient à la main une vīṇā) balance la tête en signe de ravissement.
1930284. Sva-bhū : Brahma. Le rivière issue du mont Sahya est la Kāverī.
1931285. Un temple consacré à Viṣṇu Aṣṭabhuja se trouve à Kāñcī (cf. Census of India, vol. IX, part D, tome I, p. 107).
1932286. Il y a à Kāñcī un sanctuaire consacré à Viṣṇu adoré sous le nom de Dīpaprakāśa, sanctuaire que visita Vedāntadeśika qui composa un éloge du dieu (Census of India, id., tome I, p. 109). Le nom qu’a Visnu en ce sanctuaire permet un jeu de mots, et la strophe peut s’entendre aussi en un second sens qui fait référence au substantif dīpa- « flambeau ».
1933287. Ornement vyājastuti reposant sur un śleṣa. Sous couvert d’une critique, Kṛś. prononce en fait un éloge du dieu.
1934288. Viś. prouve à son tour son habileté à faire des śleṣa en répondant sur les deux plans : celui du flambeau, celui de l’éloge de Viṣṇu.
1935289. śruty-añcala-« la bordure de la Révélation » c.-à-d. les Upanisad. Le noble protecteur est Indra.
1936Veṅkaṭanātha, appelé honorifiquement Vedānta Deśika ou Vedāntātārya, surnommé Kavi-kathaka-siṃha ou Kavi-tārkika-kesari-vedāntācārya, est né à Tuppil (faubourg de Kāñcī) en 1268 et mort en 1369. Né dans le gotra Viśvāmitra, il passe la plus grande partie de sa longue existence à Kāñcī et à Śrīraṅgam où il exerce une activité philosophique et religieuse intense. Il a été l’Ācārya des deux cités : le grand maître vaiṣṇava, au chagrin des Tengalai avec lesquels il eut de multiples démêlés. Cf. Vedāntadeśika, a study by Satyavrata Singh, Varanasi 1958, chap. 2).
1937290. La rivière de ceux qui reçoivent des sacrifices (c.-à-d. des dieux) est le Gaṅgā.
1938291. Veṅkaṭādhvarin loue non seulement les qualités de philosophe, de logicien ou de poète de Vedāntadeśika, mais encore ses qualités humaines. Les témoignages le présentent en effet comme un homme apprécié de tous, particulièrement du peuple : il prenait plaisir aux menues affaires quotidiennes et se mêlait volontiers à l’homme de la rue. Méprisant la richesse, il se consacrait entièrement à sa dévotion à Dieu. Invité à la cour de Vijayanagar, il refusa, par esprit de renonciation à toute pompe (Singh, ouv. cit., p. 31 et suiv.).
1939292. Hayagrīva est la forme prise par Viṣṇu pour reprendre le Veda à deux démons qui l’avait dérobé. Vedāntadeśika vouait un culte particulier à Hayagrīva : il passa une quinzaine d’années à Tiruvāhīndrapuram où se trouve un temple de Hayagrīva sur le mont Cappar ; c’est là que le maître aimait à se rendre et il y composa un Hayagrīva stotra (cf. Singh, ouv. cit., p. 12-13). Une légende illustre cette dévotion : un maître Tengalai défia Vedāntadesika de composer en une nuit mille śloka consacrés à Raṅganātha. Vedāntadeśika qui avait mis en jeu son titre de Kavi-tārkika-siṃha termina rapidement la composition des mille śloka tandis que le Tengalai arriva péniblement à la moitié. Les śrīvaiṣṇava furent persuadés que c’était Hayagrīva lui-même qui avait écrit les vers (Singh, p. 24).
1940293. Veda-cūḍā désigne le Vedānta et Veda-cūḍā-arya Vedāntadeśika. La première thèse que Kṛś. feint de défendre est celle des Tengalai dont le chef de file est Pillai Lokācārya. Celui-ci soutient que la voie de la prapatti est ouverte à tous les hommes et plus proche de la nature humaine que la voie de la bhakti. L’homme doit se confier totalement à Dieu et reçoit la grâce. Le sentiment de l’homme devient ainsi plus important que les rites. Au contraire, les Vaḍagalai et Vedāntadeśika soutiennent que la grâce divine ne suffit pas pour sauver l’homme qui doit collaborer par ses œuvres à l’aide divine. Pillai Lokācārya et Vedāntadeśika entretinrent une vive polémique malgré leur estime réciproque. Beaucoup d’anecdotes sont contées sur les démêlés de Vedāntadeśika avec les Tengalai. Cf. Singh, ouv. cité, chap. I, p. 25-26.
1941294. Autre leçon : Vedāntarya-viśodhitam (Pad. Cand.) : « Purifié par Vedāntadeśika ».
1942296. niśamayati yaḥ..dṛśā désigne Patañjali qui est une incarnation du serpent Śeṣa. Or les serpents, selon la tradition, entendent avec leurs yeux ; niśāmayaty aṅghriṇā..yo a pour 1er sens : « celui qui voit avec son pied » et fait allusion au sage Gautama, surnommé Akṣapāda (Cf. strophe 37). Le dieu à tête d’éléphant est Ganeśa et le dieu à tête de cheval Hayagrīva.
1943297. Allusion à une légende concernant la naissance de Vedāntadeśika : bien des années avant celle-ci, ses parents allèrent en pèlerinage à Tirupati. Là sa mère fit un rêve au cours duquel elle vit se dresser devant elle le dieu de Tirupati, Veṅkateśvara. Il lui faisait présent d’une cloche qu’elle avalait et elle concevait un fils. L’étrange rêve fut suivi de la disparition de la cloche de Tirupati et le dieu informa les prêtres de ce qui était arrivé. Les śrīvaiṣṇava félicitèrent le couple pieux d’avoir été gratifié d’une telle vision. Douze ans plus tard, le rêve se réalisa enfin par la naissance d’un enfant qui fut nommé Veṅkaṭanātha en l’honneur du dieu de Tirupati. De ce jour, il fut considéré comme l’incarnation de la cloche de Tirupati : ghaṇṭāvatara (Singh., ouv. cit., p. 4).
1944298. Jeu de mots intraduisible. Vedāntācāryaḥ signifie « maître du Vedānta », titre habituellement donné à Vedāntadeśikaḥ ; en retirant la 1re syllabe de ce composé (ve-), on obtient le mot dāntācāryaḥ qui a le sens de « maître de ceux qui se sont disciplinés » : dānta-ācāryaḥ, nouveau qualificatif élogieux pour le maître.
1945299. Nanda est le père adoptif de Kṛṣṇa.
1946300. Lakṣmaṇa : Rāmānuja. Vedāntadeśika qui enseigne la philosophie viśiṣṭādvaita est particulièrement attaché à la doctrine de Rāmānuja. Lors du sac de Śrīraṅgam par les Musulmans (1327), il s’affaire à sauver le Śrībhāṣya qu’il considère comme l’incarnation de l’esprit philosophique de l’Inde.
1947301. Il existe dans un faubourg de Kāñcī (Sevilimedu) un temple consacré à Viṣṇu sous la forme de Narasiṃha. Rāmānuja y composa des chants en l’honneur du dieu, si l’on en croit la tradition (cf. Census of India, tome I, p. 113).
1948302. Ornement virodhabhāsa. Deux découpages sont possibles : soit na āmnāye uktaḥ, ce qui aboutit au sens donné dans la traducion, soit nāmnā yaḥ uktaḥ ; le sens est : « lui qui, cité dans le Veda, est cité sous le nom d’être suprême », la contradiction disparaissant alors.
1949303. aparama- qui veut dire « non suprême » (a-parama-) est ici entendu au sens de « séparé de Ramā », Ramā étant l’épouse de Viṣṇu. Ce jeu de mots est rendu de façon forcément approximative en français puisque Ramā signifie en fait la « Charmante ».
1950304. Sārṅgin : nom de Viṣṇu-Kṛṣṇa. Sur Vedavyāsa, cf. note de la strophe 138. Parāśara est un ṛṣi qui, selon la légende ; composa des hymnes du Ṛg Veda. C’est lui qui aurait reçu le Viṣṇu Purāṇa de Pulastya et l’aurait enseigné à Maitreya. Il existe aussi une Parāśara-saṃhitā appartenant au Pañcarātra. Celui qui accorde l’eau de son pied est Viṣṇu, celui qui la reçoit, Brahma et celui qui la retient avec sa tête, Śiva.
1951305. La critique vise les Śivaïtes ; durvadinaḥ : kevalaṃ Śivam eva śresṭḥam manvānāḥ (Pad. Cand.).
1952Chercher un lotus dans le ciel est une aberration, c’est rechercher quelque chose d’impossible ; de même sont absurdes les croyances des hommes qui ne respectent pas Viṣṇu.
1953306. Cf. Census of India, tome I, p. 105). Un sanctuaire (actuellement le temple de Śrī Ulaganda Perumal) se trouve à Kāñcī, dédié à Viṣṇu Trivikrama, le dieu « aux trois pas ».
1954308. Ornement vyājastuti : sous couvert d’un blâme, Kṛś. fait l’éloge du dieu : d’abord par un śleṣa, ensuite en présentant comme condamnable un acte qui révèle en fait la générosité du dieu : le don des mondes à Indra.
1955309. Le donateur est Bali qui, ayant reconnu Viṣṇu sous son aspect de nain, lui accorda tout de même ce qu’il demandait. Le 2e sens de la strophe est, bien entendu, à la gloire du dieu (par śleṣa).
1956310. mahatāṃ padānām désigne le ciel.
1957311. tri-patha-gā : la Gaṅgā qui coule dans le ciel, sur terre et en enfer ; purasya marutāṃ marutāṃ nihantā signifie littéralement « il empêche la cité des dieux d’être un désert » appliqué à Viṣṇu qui a fait don de la Gaṅgā aux dieux comme aux hommes. Il y a yamaka par répétition de marutām (génitif pluriel de marut- et accusatif sing, de maru-tā-). Par ailleurs, la Gaṅgā qui orne le chignon de Śiva, est fille de Viṣṇu et épouse de l’océan ; āptagiraḥ : le Veda.
1958ambho-nidheḥ śvaśuram est ici appliqué à Viṣṇu. Cf. en revanche 200 : ratnākaraḥ śvaśuro Hareḥ : « Hari a pour beau-père l’océan » (en tant cette fois qu’il est époux de Lakṣmī).
1959312. Allitérations.
1960Kāmākṣī ou Kāmakoṭi est le nom de la déesse épouse de Śiva qui est adorée à Kāñcī. Le grand temple de Kāmākṣī (qui se trouve à Śivakāñcī, au nord-ouest de Kāñcī) est un des plus importants de la cité. La tradition veut qu’il ait été bâti à l’époque de Śaṅkara et sous son influence. Il y a dans le temple une statue du philosophe (Census of India, tome I, p. 102 et suiv. et J. Ayyar, South Indian shrines, Madras 1922, p. 70).
1961Les légendes śivaïtes content que Śiva appela un jour son épouse Umā du nom de Kālī parce qu’elle était noire. Celle-ci, vexée, pria son époux de changer son teint. Śiva lui conseilla de se rendre à Kāñcī : après qu’elle eût fait, là, pénitence, son teint devint couleur d’or et elle prit le nom de Kāmākṣī (cf. Légendes sivaïtes de Kāñcīpuram, chap. 33, p. 68).
1962313. Yamaha intraduisible : kāmākṣi kā mākṣike.
1963314. virūpākṣaḥ : virūpāṇi viṣarnāṇi trīṇīti yāvat (Pad. Cand.) : « (dont les yeux) sont monstrueux (c.-à-d.) impairs (puisqu’il a) trois (yeux) ».
1964315. Ambikā : Umā, Tryambaka : Śiva. Haimavatī s’entend aussi au sens de « fille du mont Himavant » qualificatif habituel de l’épouse de Śiva (de même que Pārvatī). Śiva est ici décrit sous son aspect d’ascète mendiant.
1965316. Allitérations et dṛṣṭānta ; pitṛ-vana- : le cimetière.
1966318. Jeu de mots sur le nom de Kāmākṣī : Śiva a détruit Kāma (dieu de l’amour) avec son œil de feu ; ici Śiva est vaincu par l’œil de Kāma (par décomposition en kāma-akṣi- du nom de la déesse) : en fait, Śiva est vaincu par un regard de Kāmākṣī son épouse dont il est amoureux.
1967319. L’éloge décerné à Ganeśa repose sur un śleṣa : kuśalī bhanātha-vaktraḥ signifiant « plein de prospérité, ayant le visage du maître des étoiles » c.-à-d. de la lune. Le second sens (kuśalī ibha-nātha-vaktraḥ (« plein de prospérité, il a le visage du maître des éléphants ») rétablit la représentation traditionnelle de Ganeśa. Le 2e fils de la déesse et de Śiva est Skanda ou Subrahmaṇya, qui a six têtes. Pañca-mukha est un nom de Śiva.
1968320. Le temple d’Ekāmreśvara est un des plus importants de Śivakāñcī. Un manguier se trouve à l’intérieur du sanctuaire, sous lequel Śiva apparut à Pārvatī qui l’invoquait. Ekāmreśvara ou Ekāmranātha, « le Protecteur au manguier unique » est un aspect de Śiva propre à Kāñcī et une légende est attachée à son culte : en expiation d’une faute commise — elle avait caché les yeux du dieu et la lumière avait disparu — Pārvatī fut condamnée par Śiva à descendre sur terre : elle vint à Kāñcī et adora Śiva sous la forme du liṅga au pied du manguier ; pour l’éprouver, le dieu fit envahir la ville par des eaux torrentielles, mais Pārvatī étreignit le liṅga de peur qu’il ne soit emporté. Ravi, Śiva exauça ses vœux. Des sculptures du temple représentent Pārvatī étreignant le liṅga (Dessigane, ouv. cit., chap. 63, p. 83 et suiv.). Par ailleurs, Śiva lui-même révéla que le manguier est la forme prise par les Veda sur son ordre (idem, chap. 62, p. 79). Le Kailāsa est le mont sur lequel Śiva se tient toujours en méditation, agni-bhū- se rapporte à la fois à dṛk et à tanūbhavaḥ : dans le 1er cas, il signifie « qui a un œil duquel naît le feu » (allusion au 3e oeil de Śiva) ; dans le second : « qui a un fils né du feu ». Il s’agit de Skanda qui porte aussi le nom d’Agnibhū (Rām. Bālak.36-37).
1969nāgarājī se rapporte à la fois à yoṣā et à bhūṣā ; dans le 1er cas, il s’agit du dérivé féminin de naga-rāja- et le sens est : « fille du roi de la montagne » ; dans le second, nāga-rājī a le sens de « rangée de serpents ».
1970(128). Sthāṇu est le nom que l’on donne à Śiva qui reste immobile comme une « souche » d’arbre lors de ses austérités. Mais Kṛś. donne ici figurativement au mot le sens de « sot, stupide » ce qui lui permet de critiquer le dieu. Par ailleurs, Paśu-pati est un nom de Śiva en tant que « maître des animaux » ou des « âmes liées » : l’âme est liée au monde et au cercle des existences, Śiva seul est en mesure de la délivrer de ce lien.
1971321. La Gaṅgā et Soma (dont les rayons sont décrits comme froids) voisinant sur la tête de Śiva, Viś. suppose plaisamment qu’ils refroidissent trop la tête du dieu, qui a besoin d’être réchauffée par le feu de son 3e œil.
1972(130). Allitérations.
1973323. Śiva porte le feu dans son œil, il a bu le poison halāhala, et il est couvert de colliers de serpents.
1974(132). mṛga-aṅka-« (l’astre) marqué d’une gazelle » désigne la lune dont les taches figurent aux yeux des Indiens une antilope ou une gazelle.
1975325. La strophe contient une allusion au combat de Śiva contre la triple cité des asura : Tripura. Pour combattre les asura, Śiva avait pris comme flèche Viṣṇu et comme arc le mont Meru (mont fabuleux, fait d’or : sauvarṇa-bhū-dhara-). Le serpent Vāsuki lui servait de corde, la terre de char. Muni de ces armes, Śiva se présenta devant Tripura qu’il incendia avec tous les asura qu’elle contenait. Le double sens de mārgaṇa- « flèche » ou « mendiant » permet à Kṛś. de critiquer le dieu, puisque, malgré ses richesses, il mendie (allusion au Śiva ascète) et fait mendier Viṣṇu (ceci ne reposant que sur le śleṣa).
1976326. Śleṣa. Le premier sens cherche à montrer la cupidité du dieu, le second fait référence à la description traditionnelle du dieu. La mention du fer (ayas) désigne dans le 1er sens le gobelet du mendiant, dans le second la pique de Śiva. Taṇḍu, compagnon de Śiva, est l’inventeur de la danse tāṇḍava, que danse le dieu.
1977327. Comme dans la strophe précédente, le 1er sens est une critique de la cupidité de la Gaṅgā qui malgré ses richesses ne peut renoncer à un coquillage ; le second sens rétablit les qualificatifs traditionnels du fleuve. Il est fait ici allusion à la naissance de Bhīṣma, le plus éminent des Vasu : les Vasu (groupe de huit dieux) avaient été condamnés par une malédiction, à s’incarner sur terre et ils choisirent pour mère la Gaṅgā. Le Mahābh. donne deux variantes de l’histoire : dans la 1re (Ādiparvan 96-98), la Gaṅgā noie les Vasu dès leur naissance, pour qu’ils puissent retourner au ciel, mais ils acceptent de donner un huitième d’eux chacun pour former un enfant qu’elle pourra conserver ; dans la seconde (Ādiparvan 99), elle les noie de même, mais le plus coupable d’entre eux, Dyau, s’incarne pour plus longtemps et devient Bhīṣma (cf. Dumézil, Mythe et Épopée, Gallimard, p. 178 et suiv.). Bhīṣma est le grand oncle des Pāṇḍava, qui a reçu dans sa jeunesse le privilège de ne mourrir que lorsqu’il y consentira.
1978Le substantif kapardikā désigne un coquillage utilisé comme monnaie d’infime valeur en Inde (cauri ou cowrie). Kapardin désigne Śiva dont les cheveux sont enroulés en natte (kapardaa le sens de « natte »). C’est donc au désir de la tête de Śiva que ne peut renoncer la Gaṅgā puisqu’elle est portée en permanence sur la tête du dieu.
1979328. sattra-ghātin : Śiva qui a détruit le sacrifice de Dakṣa.
1980329. Kubera, dieu de la richesse est gardien de la région du nord et ami particulier de Śiva : il reçoit, à ce titre, le nom d’Iśasakhi ; vidhi- « destin » et vidhu- « lune » ont tous deux le même locatif vidhau ce qui fait jeu de mots et permet à Kṛś. de critiquer le dieu.
1981330. Grâce encore à des śleṣa, Kṛś. attribue une attitude contradictoire à Śiva : il est dans l’obscurité alors qu’il possède des attributs éclatants. En fait, le second sens rétablit un exploit du dieu : il réussit à mater le démon Andhaka. Ce dernier qui régnait sur les trois mondes vint attaquer le Kailāsa ; battu sur l’ordre de Śiva, il alla à Kāñcī où il pénétra dans un liṅga afin de faire pénitence (Dessigane, Légendes śivaïtes, chap. 40, p. 50).
1982Soma, la lune, désignée ici comme le « maître des plantes médicinales » confère aux plantes leurs vertus curatives par ses rayons qui sont de l’ambroisie.
1983331. Virodha : Śiva tient sur ses genoux son fils Subrahmaṇya. Ce dernier est né pour détruire l’asura Tāraka qui, par ses austérités, avait acquis un pouvoir redoutable pour les dieux eux-mêmes (Dessigane, ouv. cit., chap. 63). Par ailleurs le chef des tāraka- « étoile » est la lune que Śiva porte sur sa tête : à l’aide du jeu de mots, Kṛś. établit une contradiction dans l’attitude du dieu.
1984Un 2e sens est possible pour la seconde moitié de la strophe : « il possède celle qui a de beaux yeux et brille avec un œil sur le front » : ce second sens fait allusion à Śiva et Pārvatī réunis en un seul corps dans le couple divin Ardhanārīśvara. Le premier sens fait référence seulement au troisième œil de Śiva qui lui donne un aspect disgracieux et un regard déplaisant, contrastant avec la beauté de ses deux autres yeux.
1985332. muni-sūnave : Mārkandeya, fils de Mṛkanda et dévot de Śiva. Attaqué par Kṛṣṇa, et défait par lui, Bāṇa fut épargné à la demande de Śiva qui avait pitié de son dévot et le démon rejoignit la troupe des gaṇa (cf. Dessigane, ouv. cit., chap. 41, p. 51 et suiv.).
1986336. alpo’pi Kāñcyām āvāsād āsādayati gauravam signifie littéralement : « le faible même par le fait d’habiter à Kāñcī obtient de l’importance », mais avec allitérations. C’est grâce à un śleṣa que la cité est ici glorifiée : il est en effet possible d’analyser le texte en etat-pura-stha-aṇu- ce qui confère un pouvoir inattendu à la cité : même un atome y est salué du titre de girīśa ; l’autre analyse etat-pura-sthāṇu- est une allusion à Śiva (sous son nom de slhāṇu, cf. n. 128) qui est adoré à Kāñcī et dont giri-iśa est un titre.
1987337. Grâce à divers artifices, Kṛś. montre maintenant que les deux dieux de Kāñcī ont une attitude contradictoire ou même hostile. Viṣṇu est adoré à CiNNa Kāñcipuram : le petit Kāñcī (à l’est) ; Śiva est adoré à Periya Kāñcipuram, le grand Kāñcī. Vināyaka désigne d’abord le « conducteur » des oiseaux c’est-à-dire Garuḍa qui sert de monture à Viṣṇu, ensuite Ganeśa que Śiva tient devant lui (Vināyaka, le « guide » des gaṇa ou « celui qui écarte » les obstacles, est un autre nom de Ganeśa). Le composé a-naṣṭa-mūrtiḥ s’appliquant à Viṣṇu signifie en fait « qui a un corps impérissable » mais peut s’entendre aussi ici comme la forme négative de aṣṭa-mūrtiḥ : les huit formes de Śiva sont les cinq éléments (terre, eau, feu, vent, espace), le soleil et la lune, et l’âme individuelle. Avec ces éléments Śiva crée le monde. Gaja est d’abord Gajendra sauvé par Viṣṇu (cf. str. 18), ensuite l’asura Gaja tué par Śiva (cf. Dessigane et Pattabiramin, La légende de Skanda, Pondichéry 1967, traduction du Kandapurāṇam tamoul, VI 13, str. 125 à 153).
1988dhalte : autre leçon : « ratyā ». Pad. Cand. : « tatpakṣe agajāyāḥ himālayotpannāyāḥ Pārvalyāḥ ārtiṃ Kāmamayīṃ pīḍāṃ ratyâ suratena vāritavān » : « Il se plaît à empêcher le tourment causé par Kāma à (Pārvatī) fille de la montagne. » La leçon du texte, qui maintient l’opposition entre les deux dieux est préférable.
1989338. Dvi-ja-rāja s’applique d’abord à Garuda le roi des oiseaux (1er sens de dvi-ja-), ensuite à la lune que Śiva porte sur sa tête et qui a le titre de « roi des brahmanes ». Variations sur un thème déjà développé en 337. Garuḍa est ici opposé non plus à Ganeśa mais à la lune.
1990339. Hiraṇyagarbha désigne à la fois Hiraṇyakaśipu, démon tué par Viṣṇu Nara-siṃha et Brahma (né d’un œuf d’or), mahāāsava-juṣ- appliqué à Hiraṇyakaśipu a le sens de « qui aime les boissons copieuses », mahā-sava-juṣ-appliqué à Brahma a le sens de « qui aime les grands sacrifices ». L’éléphant est d’une part Hiranyakasipu tué par Viṣṇu, d’autre part Gajendra sauvé par le même dieu. Hari apparaît dans cette strophe sous un double aspect : aspect de protecteur et aspect de dieu pourfendeur de démons. Il y a là allusion aux deux formes sous lesquelles se trouve invoqué le dieu sur le Hastigiri : au sommet de cette élévation un temple est dédié à Viṣṇu Varadarāja, à la base un autre temple est consacré à Viṣṇu Narasiṃha (c.-à-d. précisément la forme prise par le dieu pour châtier l’éléphant-démon Hiraṇyakaśipu). Le poète joue sur l’existence de ces deux temples pour dénoncer plaisamment une première contradiction chez le dieu (protecteur et vengeur) et une seconde chez le Hastigiri qui supporte la présence de ces deux formes du dieu.
1991341. Le premier sens s’applique à Viṣṇu dont le temple se reflète dans l’étang Anantasaras, le second à Śiva qui porte des colliers de serpents.
1992342. Les deux gandharva sont maintenant devant le temple de (Kṛṣṇa) Pāṇḍava Dūta à Kāñcī (cf. Census of India, tome I, p. 111).
1993345. Toujours à Kāñcī, un temple est consacré à Rāma ami de Jaṭāyu, le vautour qui tenta de protéger Sītā lors de son enlèvement par Rāvana. Selon la légende, c’est à l’emplacement même du temple que Rāma fit les funérailles de Jaṭāyu (cf. Census of India, tome I, p. 99). C’est en ce temple qu’étudia Rāmānuja sous la direction de Yādavaprakāśa. Le poète joue sur l’étymologie de Vijaya-rāghavaḥ reprise dans jayati.
1994346. Le frère de Saṃpāti : Jaṭāyu ; Vijayarāghava est assimilé à l’arbre Pārijāta par métaphore. Mais il y a une différence entre lui et l’arbre. Ses branches étant les Veda, il est visible au-dessus de ses branches, puisqu’il est connaissable seulement après étude du Veda. Sumanas- signifie « fleur » et « dieu ». Les dieux sont prosternés aux pieds de Vijayarāghava : celui-ci a donc les sumanas (les dieux) au-dessous de lui, mais aussi les fleurs (autre sens de sumanas) sous ses branches contrairement aux autres arbres.
1995347. Allitérations.
1996348. taruṇībhiḥ : vandhya-strībhiḥ (« des femmes stériles ») Pad. Cand.
1997349. Virodha : les critiques de Kṛś. consistent à affirmer que seuls des animaux tels que le perroquet, le cygne, etc. peuvent louer Viṣṇu, alors que ces substantifs désignent en fait des personnages beaucoup plus glorieux : Śuka est le nom d’un grand yogi fils de Vyāsa, célèbre pour son ascèse. Quant au composé haṃsamayūra-vāha-mukha-pragīlaḥ, il doit être entendu comme contenant un bahuvrīhi : « il est célébré d’abord par ceux qui ont pour monture le cygne et le paon » c.-à-d. par Brahma (dont l’oiseau favori est le cygne) et par Skanda (représenté à cheval sur un paon).
1998351. La « rivière de lait » aujourd’hui nommée PālāRu prend sa source dans la région de Kolar (district de Mysore) et se jette dans le golfe du Bengale près de Sadras, après avoir reçu les eaux de son principal affluent le CaiyyāRu. Le PālāRu passe à une dizaine de kilomètres au sud de Kāñcī et traverse la ville de Velūr.
1999Le Sindhu est l’Indus, la Tungā est une rivière du Dekkhan, affluent principal de la Kṛṣṇa. La rivière qui traverse Śrīraṅgam est la Kāverī.
2000352. Dhana-da est un nom de Kubera. Il y a yamaka par répétition de tanutām (accusatif de tanu-tā-et impératif de TAN).
2001353. Les interdictions concernant le sel interviennent à certaines périodes de la vie, particulièrement pendant le brahmacarya : on ne doit consommer ni nourriture ni boisson mêlée de sel (Kane, History of Dharmaśāstra, vol. II, part II, p. 791).
2002354. paṅka-a le double sens de « péché » et de « boue ».
2003355. Bāhānadī, « rivière de la main » ou « du bras » (bāhunadī) : il s’agit du CaiyyāRu qui prend sa source dans les monts Javadi et se jette dans le PālāRu. L’origine du nom est expliqué par une légende : une rivalité éclata entre deux frères auteurs d’une smṛti : Śankha et Likhita. L’un possédait un ermitage au bord de la rivière et l’autre y cueillit des fruits qu’il mangea, suscitant la colère de son frère qui demanda châtiment au roi. Ce dernier ordonna que le voleur ait le bras coupé. Mais la victime de ce jugement implora le dieu, fit pénitence, et son bras lui fut rendu (cf. Mahābh., Śāntiparvan, XXIII).
2004356. A propos du gotra Ātreya et de Araśāṇipāla, cf. Introduction.
2005357. Grâce à un jeu de mots, Viś. assimile le village natal de Veṅkaṭādhvarin à Ayodhyā. Raghunātha qui est entendu d’abord au sens de « Seigneur des Raghu » désignant Rāma, est aussi le nom propre : Raghunātha (diksita), du père de Veṅkaṭādhvarin.
2006358. La métaphore san-maṇibhiḥ : « les perles des hommes vertueux » prépare la comparaison finale entre les terres brahmaniques et les colliers, et la possibilité d’un second sens souligne cette comparaison : cāru-guṇaiḥ san-maṇibhiṛ juṣṭā peut signifier aussi : « parées de perles précieuses (retenues) par de gracieux cordons ».
2007359. agrahāra- a le double sens de « beau collier » et de « terre brahmanique » ; au premier sens correspond l’analyse des mots en su-vṛtta-muktā-rahitā, au second l’analyse en suvṛtta-muktaarahitā. Au premier sens (concernant les colliers), la question de Kṛś. est cohérente mais dénuée d’intérêt ; au second, elle contient une contradiction : Kṛś. s’étonne en effet que l’on donne le titre de terres brahmaniques à des villages où les gens ont une conduite sans reproche : il fait donc l’éloge de ces lieux, c’est pourquoi Viś. se déclare satisfait.
2008362. La mise à mort des animaux, lors des sacrifices, est vaine puisque le sacrifice auquel manquent la pureté et les prescriptions selon la règle est sans valeur.
2009363. L’agnihotra « oblation au feu » de lait (et quelquefois de végétaux) est le plus simple et le plus important de tous les rites solennels, celui que le brahmane doit offrir, sa vie durant, chaque jour, matin et soir. L’agniṣṭoma est le premier des sacrifices de soma, offert chaque année au printemps. C’est un ekāha c’est-à-dire un sacrifice consistant à pressurer le soma pendant un jour, le matin, à midi et le soir. On y immole un bouc.
2010366. Pad. Cand. cite Manu V, 39 :
Yajñārthaṃ paśavaḥ sṛṣṭāḥ svayam eva svayciṃbhuvā /
Yajñiasya bhūtyai sarvasya iasmād yajñe vadho’vadhaḥ. //
2011« L’Être qui existe par sa propre volonté a créé lui-même les animaux pour le sacrifice ; le sacrifice étant cause de l’accroissement pour l’univers, le meurtre (commis) lors du sacrifice n’est pas un meurtre. »
2012370. arthāptiḥ : « pūrva-pratipādita-jāra-corādi-nīca-janebhyaḥ » (Pad. Cand.). Rappel de la strophe 250.
2013373. Cañjī ou Jinji se trouve à l’ouest de Tindivanam, dans le South Arcot district. La cité ressuscite le dieu à cinq flèches : Kāma, brûlé par le Terrible, c’est-à-dire par Śiva, grâce à la beauté de ses femmes qui enflamme d’amour le cœur des jeunes gens. Assonances à chaque début de pada : khañjī- mañjī- cañjīsaṃjī-(ainsi qu’à l’intérieur de la strophe), destinées à évoquer le son des anneaux portés aux chevilles par les femmes de la cité.
2014375. La cité est bâtie en forteresse sur trois monts : Rājagiri, Kṛṣṇagiri et Chandrāyandrug. Quatre hauteurs de moindre importance complètent cet ensemble qui est relié par de longs murs très épais, constitués d’énormes blocs de granit (cf. J. Ayyar, South indian shrines, p. 180 et suiv.). Sur le plus haut mont se tient la citadelle entourée de ravins inaccessibles. C’est à cette citadelle ainsi qu’aux remparts qu’il est ici fait allusion. La forteresse fut au cours des âges l’objet d’attaques violentes en raison même de sa situation. Les nāyaka de Jingi furent particulièrement belliqueux au cours du xvie siècle, (cf. Sathianathaier, History of India II, p. 308-309).
2015376. Allitérations ; vapurantam ājau hanta abhyupetya signifie littéralement : « fût-ce en affrontant à la guerre la fin du corps (c.-à-d. la mort) ».
2016378. Reprise du thème de la strophe 164.
2017Le composé sūrya-kara-avalīḍha-rajanī-cchāyā-suhṛd-yauvanāḥ peut signifier aussi : « ont jeunesse pareille à l’éclat du curcuma terni par les rayons du soleil ». rajanī est également un nom du curcuma.
2018(161). vasuṃdharā-dhuraṃdhara- : « les rois de la terre ».
2019379. Il y a jeu sur le double sens de a-tanu- : « non petit » ou « qui n’a pas de corps » ; en ce second sens, il désigne l’amour (Kāma) qui, consumé par Śiva, a perdu son corps. Ce jeu sur le double sens de a-tanu- permet de développer la comparaison entre la rougeur du sang sur le corps du guerrier et une épouse fidèle.
2020381. La Dakṣiṇā Pinākinī (ou Ponnaiyār) prend sa source dans la région de Kolar (district de Mysore) et se jette dans la mer près de Kuḍalūr. La Garuḍanadī ou Gaḍilam est un affluent de la précédente. Ces deux rivières passent près de Tiruvāhīndrapuram où vécut pendant quelques années Vedāntadeśika. Devanāyaka est le nom de Viṣṇu adoré dans cette ville et Vedāntadeśika lui-même aimait à venir souvent en son temple (Cf. Singh, ouv. cit., p. 12).
2021Devanāyakaḥ s’applique donc à Viṣṇu en tant que « guide des dieux ». Il s’analyse d’autre part en devanāya kaḥ : ka- désigne Brahma ou l’Être suprême : ici Viṣṇu ; devanāya datif de devana- a le sens de « pour passer le temps, pour sa fantaisie », ici traduit par « à sa guise » pour faire jeu avec « guide des dieux ».
2022382. Le temple de Śrībhūvarāhasvāmin à Śrīmuṣṇam (district du South Arcot), commémore l’avatar du sanglier.
2023Il y a jeu sur le nom propre Śrīmuṣṇam (qui est ici traduit approximativement) et sur le participe muṣṇad- de MUṢ « piller, voler ».
2024383. Toute la strophe contient des allitérations par reprise de syllabes semblables. La plupart sont intraduisibles.
2025cara-acarayoḥ : sthira-cañcalayoḥ (Pad. Cand.).
2026384. Yamaka : dīkṣitā mad īkṣitā. La divinité tutélaire est Viṣṇu Varāha.
2027kaṭi-sphuṭī-bhavat-karā : la description de Veṅkaṭādhvarin est rigoureusement conforme à la réalité. La divinité principale de Śrīmuṣṇam est représentée debout, les deux mains sur les hanches tenant les attributs du dieu. La tête est tournée vers le côté gauche. Il est intéressant de confronter le texte avec les descriptions du Śrīmuṣṇamāhātmyam : « Varāhas tatrāste dvibhajo dakṣiṇāmukhaḥ, kaṭi-nyasta-kara-dvandvo dakṣiṇāvṛtta-tuṇḍavān » (2e adlujāya, 59-60) : « là se tient le Sanglier aux deux bras, la tête au sud, les deux mains posées sur les hanches, le museau tourné vers le sud ».
2028386. Kaiṭabha : asura tué par Viṣṇu (Rām. Uttarak. 63, śl. 22 et suiv.).
2029387. L’asura dont il est question est Hiraṇyakṣa qui roula la terre au fond des océans où il la cacha.
2030388. ratna-sānu- : le Meru.
2031389. La Kāverī est surnommée la Gaṅgā du sud. Elle prend sa source à Brahmagiri dans les Ghats occidentaux et se jette dans la mer (golfe du Bengale) en un delta aux multiples branches au nord de Tanjavūr. La majeure partie de son cours est accidentée, avec une végétation luxuriante au début, des gorges étroites, des rapides et des cascades dans sa traversée du Mysore qui lui confèrent un aspect romantique. Le Skanda Purāṇa raconte la légende suivante : il était né sur la terre une fille de Brahma appelée Viṣṇumāyā ou Lopāmudrā. Son père divin lui permit d’être considérée comme la fille du mortel appelé Kaveramuni. Pour obtenir le salut de son père adoptif, elle se fit rivière pour que ses eaux puissent purifier tous les péchés. Une fois par an la Gaṅgā sort par la source de la Kāverī, afin de la purifier de la souillure apportée par les pécheurs qui se sont baignés dans ses eaux.
2032390. La Kāverī baigne l’île de Śrīraṅgam où se trouve le temple de Viṣṇu. Elle se divise là en deux branches qui irriguent ensuite le delta de Tanjavūr. La branche nord est appelée Coleroon, tandis que celle du sud garde le nom de Kāverī.
2033Prose no 166.
20341) Cette première phrase assimile la Kāverī à la Yamunā (fille de Kalinda) qui est traditionnellement représentée de couleur sombre : envahie par les abeilles au corps noir qui butinent les multiples essences de ses rives, la Kāverī est, elle aussi, de couleur sombre.
20352) Pītāmbara, « habillé de jaune » est un nom de Viṣṇu. Cette seconde comparaison permet d’assimiler la Kāverī, cette fois, à la Gaṅgā à cause de l’éclat des perles des jeunes femmes qui s’y baignent.
20363) La Sarasvatī est de couleur rouge. Colorée par les joyaux de Śeṣa, la Kāverī ressemble alors à la Sarasvatī. La Kāverī est au contact de Śeṣa à Śrīraṅgam, où le serpent sert de couche à Raṅganātha.
20374) Nouvelle comparaison : la Kāverī est comme parfumée de santal par le pollen que soulèvent les haṃsa qui s’ébattent au milieu des lotus. Ces haṃsa, par ailleurs, sont sanctifiés parce qu’ils répètent les prières qu’ils entendent à Śrīraṅgam au moment des sacrifices. Le dieu à quatre têtes est Brahma qui se tient dans le lotus sortant du nombril de Raṅganātha.
20385) vidhu- qui signifie « lune » est aussi un nom de Viṣṇu, le poète jouant sur ce double sens. Les jeunes gens imaginent d’abord que la lune s’est incarnée de multiples fois dans l’eau, par jalousie envers Viṣṇu qui porte même nom qu’elle et qui a accompli de multiples avatars. Mais ils se rendent bientôt compte de leur erreur en voyant s’ébattre des cakra : il ne peut faire nuit, puisque ces oiseaux qui sont censés être séparés la nuit et ne pouvoir s’unir que le jour, se livrent à leurs ébats amoureux. Ce sont donc bien les visages de jeunes femmes qu’ils ont devant les yeux.
2039Sarasvaty-ābhimukhyena Kavera-ātmaja iti : Sarasvatī est déesse de l’éloquence ; grâce à l’affection de cette déesse, la Kāverī mérite donc son nom de « fille du sage » (allusion à la légende de Kavera-muni contée en note de la strophe 389) ; sarasvati peut être aussi considéré comme le locatif de sarasvant- « océan » et la phrase peut s’entendre : « du fait de son affection à l’égard de l’océan, elle mérite le nom de Kāverī ».
20406) Grâce à un jeu de mots, le poète assimile la Kāverī à la Gaṅgā : śānta-nava-āspadatayā gāṅgeya-taraṅgiṇī signifie en fait : « parce qu’elle est l’objet des louanges de ceux qui sont apaisés, elle mérite son nom de rivière d’or ». Mais, par un artifice de découpage du composé śāntanava-āspadatayā, et une équivoque sur le sens de gaṅgeya- (qui signifie « relatif à la Gaṅgā » et « fils de la Gaṅgā » et également « d’or »), le poète attribue à la Kāverī la maternité de Bhīṣma qui est le fait de la Gaṅgā, et hausse ainsi la rivière du sud au rang de la rivière des dieux.
20417) On peut analyser soit na majjana-durita-harā, ce qui aboutit à nier le composé précédent et fait donc jeu de mots « elle n’enlève pas à ceux qui s’y baignent leurs péchés », soit namaj-jana-duritaharā ce qui est une louange de plus à l’égard de la Kāverī : « elle enlève les péchés des gens qui lui rendent hommage ».
2042391. Supposition à base de śleṣa : le poète suppose que la Kāverī se moque de la Gaṅgā. Ce sont les śleṣa qui permettent une opposition entre les deux rivières. Viś. dénigre la Gaṅgā en opposant terme à terme su-varṇa-/dur-varṇa-, sahya-/a-sahya- pris en leur sens littéral ; le second sens, au contraire, décrit les deux rivières sous leur aspect habituel. Le 1er bhava- désigne le cycle des renaissances que la Kāverī détruit par son pouvoir purificateur ; le 2e Bhava- est Śiva dont la Gaṅgā se réjouit, puisqu’elle est portée par lui. La Gaṅgā est de couleur transparente, proche de l’argenté (durvarṇa- signifiant « argent »), elle est fille du (dieu) inaccessible (a-sahya-) c’est-à-dire de Viṣṇu.
2043393. Grâce à de nouveaux jeux de mots, Kṛś. oppose les couleurs qu’aurait réellement la Kāverī (cuivre, étain, argent) à sa renommée de rivière d’or. Le 2e sens rétablit la description normale du cours de la rivière.
2044395. Utprekṣā : le poète suppose que les arbres couronnés de bouquets de fleurs sont des voyageurs avec leur paquet de vêtements sur la tête.
2045396. La cité-temple de Śrīraṅgam se trouve dans l’île formée par les deux branches de la Kāverī (cf. Dr V. N. Hari Rao, The Śrīrangam temple, Tirupati 1967). Le dieu de Śrīraṅgam, Raṅganātha, « le maître du théâtre », est représenté sous forme d’une idole couchée.
2046399. Viroddha : le 1er composé sāraṅgadṛṣṭim « celle qui a un regard d’antilope » désigne la femme dont les ascètes sont, comme il est normal, éloignés. Le démonstratif et le composé sā raṅgadṛṣṭiḥ forment jeu de mots, par leur rapprochement avec le 1er composé ; le sens est double : d’une part « cette vue de Śrīraṅgam » d’autre part « celle qui a un regard d’antilope ». Dans le 1er cas, la question de Kṛś. est absurde, dans le second, elle est cohérente, mais la critique à l’égard de Śrīraṅgam disparaît. Pour la seconde interrogation, le procédé est le même : Kṛś. veut montrer qu’il est contradictoire pour le sage de vouloir éviter l’ignorance tout en vivant au bord de la Kāverī : le 2e sens fait disparaître cette contradiction purement formelle.
2047400. Yamaha par répétition namo’ham kalaye.. na moham kalaye. Le sens littéral est : « je rends hommage à celui-ci, et ainsi je ne commets point d’erreur ».
2048402. Vyājastuti reposant sur un śleṣa : à travers la critique formulée par Kṛś. transparaît l’éloge de Viṣṇu ; prākāra-prakara (littér. « une multitude d’enceintes ») fait allusion aux sept enceintes successives de Śrīraṅgam ; para-puruṣaḥ : paraḥ patyur anyaḥ jāra iti yāvat (Pad. Cand.) : paraḥ est à entendre au sens d’« homme autre que le mari » : le dieu se conduit en amant.
2049403. On peut analyser le texte, d’une part en (a)vir ahitaapakārī, ce qui signifie : « mont (ou encore soleil) destructeur des ennemis », d’autre part en vir ahita apakārī : « oiseau destructeur des ennemis », ou bien encore en vir ahi-tāpa-kārī : « oiseau qui cause le tourment des serpents » (ceci s’appliquant à Garuda qui est dans la convention l’ennemi des serpents.). Cette triple comparaison possible du dieu avec un mont, le soleil ou l’oiseau Garuḍa est dans le registre de celles qu’énumère le Bienheureux lui-même au 10e chapitre de la Bhagavad-Gītā : Ādityānām ahaṃ Viṣṇur jyotiṣām ravir aṃśumān (śl. 21).
2050Meruḥ śikhariṇām aham (śl. 23).
2051Ahaṃ Vainate yaś ca pakṣiṇām (śl. 30).
2052Le Bienheureux se compare lui-même au soleil, au mont Meru, et au fils de Vinatā, c’est-à-dire à Garuḍa.
2053Mais il est également possible de découper le texte en virahita-apakārī « qui cause le tourment de ceux qui sont séparés », et en ce cas, le composé se rapporte à induḥ (puisque dans la convention poétique, la lune avive la douleur des amants séparés). Cette assimilation du dieu à l’astre comporte une restriction : le dieu est visible en l’absence de doṣa- (« péché »), la lune en l’état de doṣa-(« nuit »).
2054404. Jeu de mots : le 1er vidhu- désigne Viṣṇu, le second la lune. Il s’agit d’établir une opposition (purement formelle) entre le dieu et la lune, au détriment de cette dernière : à la vue de Viṣṇu, un dévot ne voit plus aucun astre. Le composé ku-raṅga-lakṣitaaṅgam est employé ici en opposition à śubha-raṅga-lakṣita-aṅge et signifie donc littéralement : « dont la forme est vue dans une mauvaise Raṅga ». Mais le sens de ce composé appliqué à la lune est : « qui a le corps marqué d’une antilope » : kuraṅga- est en effet un nom de l’antilope et les taches apparentes sur la lune sont souvent interprétées comme des représentations animales. De même, ku-mud-āpyāyana-kāriṇam est employé en opposition à su-mud-āpyāyana-kāriṇi, mais le 2e sens permet de rétablir une qualité normalement attribuée à la lune : elle cause la félicité des lotus bleus qui fleurissent à son lever (kumuda).
2055405. Virodha. raṅga- est pris d’abord en son sens littéral de « théâtre » et nārtta- est dérivé de nṛtta- « danse ». Or les danseurs ont mauvaise réputation et sont considérés comme libertins. La qualité de danseur et le détachement religieux s’excluent donc mutuellement dans la convention. Mais, en un second sens, raṅga- désigne Śrīraṅgam et l’analyse na-ārta- « non malheureux » fait disparaître la contradiction.
2056406. L’idée est que l’étang brille non seulement sous l’effet du clair de lune, mais aussi par le nom de la lune, puisqu’il s’appelle Candra-puṣkariṇī.
2057407. Marudvṛdhā est un autre nom de la Kāverī.
2058408. En ce premier sens, Raṅga-indunā est un tatpuruṣa se rapportant à Viṣṇu sous-entendu : « (Viṣṇu) qui est la lune dans Raṅgam ». Mais on peut comprendre aussi que le tatpuruṣa ne se rapporte pas à Viṣṇu sous-entendu et qu’il signifie simplement « la lune à la passion » ; en ce cas, la phrase s interprète de la manière suivante : « tout plaisant qu’il soit, ce pays qui a pour amante la lune passionnée, au corps sombre, etc. ». sa-nāyaka- signifie : « qui a un guide », ou « qui a un seigneur, un amant ».
2059409. Le flot d’or est la Kāverī, la parure d’or est Śrī, épousé du dieu. Il y a jeu de mot sur raṅga- qui, d’une part, désigne Śrīraṅgam, d’autre part est un doublet de vaṅga- « étain » (cf. Böhtlingk-Roth, Sanskrit Wörterbuch, tome VI, p. 225). Kṛśānu veut indiquer par là que Viṣṇu dissimule sa richesse en se proclamant seulement « seigneur de l’étain », craignant sans doute, comme les gens fortunés, les bandits qui ravagent le pays.
2060411. Jeu de mots : l’analyse araṃ-gādhirāja-udita-prauḍhabhakter permet de rétablir la référence conventionnelle à la légende de Rāma : Gādhirāja- désigne Viśvāmitra fils de Gādhi qui était roi de Kanyakubja, et roi lui-même avant de devenir brahmane. Gādhi-rāja a donc ici le sens de « roi (fils de) Gādhi ». Rāma vole au secours de Viśvāmitra lorsque celui-ci demande son aide pour combattre les démons. (Rām. Bālak). Mais l’analyse a-Raṅgaadhirāja-udita-prauḍha-bhakter permet à Viśvāvasu un effet de surprise : Rāma ne rendant pas hommage au roi de Raṅgam c’est-à-dire à Viṣṇu lui-même, le dieu a été assez puissant pour le lui imposer.
2061412. La louange du dieu se lit ici sur un double plan : un 1er plan purement formel, ku-raṅga-rājasya s’opposant à raṅga-rājam ; un second plan dans lequel il est fait allusion à un exploit, bien connu, de Rāma : la mise à mort du démon Marīca qui s’était transformé en gazelle pour séduire Sītā ; kuraṅga- « antilope » désigne alors Marīca.
2062Il y a d’autre part, dans la strophe, un rapprochement entre hānāt et hantā (dont l’étymologie est bien entendu différente, l’un dérivant de HĀ, l’autre de HAN), la seconde moitié de la strophe illustrant l’idée exprimée par la première.
2063414. Candra : la lune (œil gauche de Viṣṇu) mais aussi le grammaririen : Candragomin (qui vécut peut-être aux ve et vie siècles et écrivit le Cāndravyākaraṇa qui s’inspire de Pāṇini et de Patañjali, grande grammaire des boudhistes. Cf. Renou, Durghaṭavṛtti, tome I, p. 40, Belles Lettres 1940). Sūrya est le soleil, or Sauravyākaraṇa est le nom d’une autre école de grammaire, Śeṣa est le serpent qui sert de couche à Viṣṇu ; il s’est incarné dans le grammairien Patañjali, auteur du Mahābhāṣya. Le double sens de dvija-śekhara permet d’attribuer au « plus éminent des oiseaux » (1er sens désignant Garuda) le titre flatteur de « le plus éminent des deux-foisnés ». Bhāratī est l’épouse de Brahma qui est considéré comme le fils de Viṣṇu puisqu’il naît du lotus du nombril de ce dieu.
2064416. Lakṣmī est adorée à Śrīraṅgam dans un sanctuaire séparé de celui de Raṅganātha.
2065420. La reprise de vāraṇa- employé en deux sens différents, celle du verbe aśeta/śete, et l’assonance āhārān/hārān servent à souligner les changements brusques dus aux caprices de la Fortune. La possession d’un éléphant est un signe de richesse ; dans le second exemple, l’idée est que l’homme qui longtemps s’est assis par terre dans la posture du mendiant, est, grâce à la Fortune, devenu un souverain sur lequel repose la terre.
2066421. Il est considéré comme un péché grave de cuire la nourriture pour soi seul, sans l’offrir aux dieux ou à un hôte.
2067425. Kṛtānta, « la Destinée » : un des noms de Yama, dieu des morts.
2068427. Le maître des hommes (nṛ-pati-) est le roi, le maître des dieux, Indra. Śiva est appelé Paśu-pati- « maître du bétail », enfin Brahma est le maître des créatures.
2069428. Virodha :
2070Le premier tanvyā est le féminin de l’adjectif tanu- « petit » accordé avec dṛśā, le second l’instrumental du substantif tanvī- « femme mince, jolie femme », désignant ici Lakṣmī.
2071Kṛś. prétend critiquer la déesse de la fortune en démontrant qu’un petit regard de celle-ci apporte une monture somptueuse (éléphant, cheval) à l’homme, mais que cette monture devient un animal inutilisable (taureau, oiseau) ou un nuage lorsque Lakṣmī multiplie ses regards. En fait, le texte est à double sens, et le paradoxe disparaît lorsque l’on se souvient que ces animaux sont les montures de certains dieux : par conséquent, Kṛś. souligne en fait la puissance de la déesse. (Indra, dieu de la pluie, se déplace sur un nuage, Śiva monte le taureau Nandin et Viṣṇu le milan Garuḍa.)
2072429. Puraṃdara, c’est-à-dire Indra lui-même, s’incline devant la supériorité de Lakṣmī.
2073430. Allusion aux dieux Brahma (qui a quatre têtes), Śiva qui a trois yeux, Indra qui en a mille, et Skanda qui a six têtes.
2074431. Allusion à la légende de Garuḍa. Luttant contre Indra, Garuḍa triomphe de tous les obstacles et ravit l’ambroisie. Il rencontre Viṣṇu et décide de devenir sa monture ; en récompense, le dieu lui accorde d’être immortel, bien que l’oiseau n’ait pas bu l’ambroisie. Indra tente encore de frapper Garuḍa de son foudre, mais l’oiseau de Viṣṇu ne sent même pas le coup et moque du maître des dieux (Mahābh. Ādiparvan, 30 à 33).
2075432 Le premier sens permet d’assimiler Garuḍa a un brahmane très éminent, le second rétablit les allusions à sa légende : ainsi par adhigata-nigama-aṅgaḥ, Kṛś. dit en fait que Garuḍa a reçu pour membres les Veda : le sage Kaśyapa, père de Garuḍa, rencontrant son fils avant son combat contre les dieux lui souhaite le succès et, invoquant le Ṛg, le Yajur et le Sāma Veda, les conjure d’entrer en lui pour le soutenir (Mahābh. Ādiparvan 29). La fin de la strophe contient une autre allusion à la légende de Garuḍa : l’oiseau réclamant à manger, sa mère lui conseilla de dévorer un village de Niṣāda (gens de basse caste désignés ici sous le nom de Bhilla) (Mahābh. Ādiparvan 28). Kṛśānu, jouant sur le double sens de pallikā- (« lézard » ou « petit village ») attribue au brahmane Garuḍa un péché grave : celui d’avoir mangé un animal répugnant.
2076433. Garuḍa fait sortir de sa gorge le brahmane qu’il avait avalé avec les Niṣāda. Cf. Mahābh. Ādiparvan 28.
2077434. Le frère aîné de Garuḍa, appelé Aruṇa, personnification de l’aube, est le cocher du soleil.
2078435. gāṅgeya-pṛthvī-dhara- : le Meru, sur le sommet duquel tombe la Gaṅgā. La scène décrite dans la strophe est imaginée par le poète : les dieux se pressent pour aller faire le culte du Seigneur. Mais Śiva est parmi eux, et quand les autres dieux se trouvent à son contact, ils ont peur des serpents qui lui servent de parure ; ils demandent alors la protection de Garuḍa, ennemi mortel de la race des serpents.
2079436. Dans un premier sens, Garuḍa est comparé à un arbre, et c’est cette comparaison qui permet de résoudre les contradictions apparentes du texte : en effet, naga-rūpam upaiti.. aṅgīkṛta-śākho’pi a pour sens « bien qu’il ait des branches, il a la forme d’une montagne ». Les branches sont celles des Veda qui sont entrés dans son corps. L’absurdité apparente se trouve effacée par le second sens de naga- : « arbre ». C’est pourquoi le poète ajoute que cela est normal : yuktam. De même pour la seconde qualification : su-parṇa unnato’pi : « bien qu’il soit élevé, il a de belles plumes ». L’épithète « élevé » paraît impropre pour un oiseau, mais cette impropriété disparaît quand on comprend su-parṇa- au sens de « qui a de belles feuilles », valable pour un arbre. Le terme yuktam vaut aussi pour cette clause. Dans ces deux cas, l’absurdité est résolue par l’intervention du sens d’arbre. Mais dans le 3e cas, il subsiste une impropriété même si l’on fait intervenir l’image de l’arbre : cette impropriété est le fait d’être parfumé quand ce n’est pas le printemps. C’est pourquoi l’auteur ajoute : citram « cela est étonnant ».
2080Par ailleurs, toute impropriété disparaît avec l’intervention du second sens, totalement différent, de la strophe : la beauté de Garuḍa est comparée à celle du Meru. Il a pour sa mère Vinatā une très grande soumission puisqu’il lui obéit strictement, particulièrement lors de la lutte qu’il mène pour obtenir des serpents sa liberté. Enfin, la félicité perpétuelle qu’il a reçue de Visnu est l’immortalité (Mahābh. Ādiparvan 33). Il y a donc dans cette strophe un double ornement virodha : l’un au premier sens qui n’est que partiellement résolu (par le double sens de naga-), l’autre qui disparaît totalement avec le second sens de la strophe.
2081438. aṭṭa-śūlāḥ : anna-vikrayiṇaḥ (Pad. Cand.).
2082442. Jambukeśvara est le nom du sanctuaire śivaïtes situé près de Tiruchirapalli, à Thiruvanaikaval.
2083L’interprétation de sapta fait difficulté : on comprend bien que Kṛś. l’emploie pour répondre à Viś. qui vient de dire, à la strophe qui précède, qu’il n’existe aucun autre temple entouré comme Śrīraṅgam de sept murailles. Or Jambukeśvara n’est évidemment pas entouré de sept murailles ; sapta peut désigner un nombre élevé indéfini et c’est peut-être en ce sens qu’il faut l’entendre ici : Kṛś. relève verbalement le défi posé par la précédente question de Viś. et en même temps grandit le sanctuaire de Śiva.
2084444. L’idée exprimée par Kṛś. est que, grâce au bain rituel du dieu Śiva accompli dans la Kāverī, c’est cette rivière qui se trouve débarrassée de ses péchés.
2085445. Kṛś. suppose une rivalité entre Yamunā et Kāverī : la Kāverī jalouse la Yamunā (affluent de la Gaṅgā) parce qu’elle est en contact avec la rivière des dieux. Mais ce sentiment de jalousie disparaît lorsque les fidèles du dieu baignent Śiva dans les eaux de la Kāverī : en effet, elle se trouve alors en contact, elle aussi, avec la Gaṅgā qui habite la tête du dieu.
2086447. La comparaison entre les aréquiers et des amants est renforcée par la similitude des substantifs kramukāḥ et kāmukāḥ.
2087450. Deux autres sens sont discernables en cette strophe ; on peut comprendre aussi : « Vois ces éléphants mâles qui secrètent un mada odorant propre à attirer les plus belles éléphantes : touchés par les terribles flèches de l’amour (ou encore : grâce au jeu d’un grand vent violent (qui apporte l’odeur de mada)), ils se sont unis à de grandes éléphantes » (adhi-kareṇu-). Plus douteux ce 3e sens : « Vois ces hommes éminents qui font preuve d’un orgueil propre à attirer les plus belles femmes : par le jeu des flèches terribles de l’amour, ils s’unissent avec des femmes massives » (Ils ont la prétention de séduire les meilleures, mais n’obtiennent que les plus massives.), padminī- désigne une femme vertueuse, et le nom se trouve aussi dans les traités sur les éléphants.
2088Dans le premier sens, punnāga- est un nom d’arbre : le laurier d’Alexandrie, consacré à Śiva.
2089451. Les jyotiṣṭoma « louanges à la lumière » sont sept sacrifices de soma dont le type de base est l’agniṣṭoma L’ukthya différé de l'agniṣṭoma par le nombre plus élevé de stotra et de śāstra chantés et récités lors du pressurage du soir. L’atirātra « veille qui dure toute la nuit », dure une nuit entière et se caractérisé surtout par trois rondes nocturnes, c’est-à-dire le triple déroulement des cérémonies nocturnes concernant les coupes à soma. Il comporte 13 variantes, L’āptoryāma est semblable au précédent dont il est l’amplification : quatre stotra et quatre śāstra s’ajoutent. Le sacrifice ṣoḍaśin comprend un śāstra et un stotra de plus que les quinze stotra et les quinze śāstra de l’ukthya. Dans le sacrifice vājapeya, le nombre 17 est prédominant (il y a 17 stotra, 17 śāstra, 17 animaux sacrifiés, le sacrifice durait 17 jours). Cf. Kane, History of Dharmaśāstra, vol. 2, part 2, p. 1205 et suiv.
2090454. Le composé cola-vāsa-sthairya-vatīnām signifie aussi : « (les jeunes femmes) qui habitent constamment en pays Cola ». Le substantif kañculikā- désigne une sorte de corsage.
2091455. Rati-kānta-bāṇam a encore pour sens : « flèche du bienaimé de Rati », c’est-à-dire de Kāma dont Rati est l’épouse.
2092457. Allusion à une coutume de la vie quotidienne : la nourriture est placée dans un pot au centre d’un récipient d’eau, pour la protéger des fourmis et des autres insectes pendant la nuit.
2093sājyaṃ satailaṃ ca : ci. Manu, V, 24 :
Y at kiṃ cit snehasaṃyuklaṃ bhakṣyaṃ bhojyam agarhitam /
Tat paryuṣitam apy ādyaṃ haviḥśeṣaṃ ca yad bhavet //
2094« Tout aliment susceptible d’être mangé ou avalé et qui n’a éprouvé aucune souillure peut, si on y ajoute de l’huile, être mangé, quoiqu’il ait été gardé pendant la nuit entière ; il en est de même des restes du beurre clarifié. »
2095459. Kumbhaghoṇa.
2096Le temple de Viṣṇu Śārṅgapāṇī n’est qu’un des nombreux sanctuaire de la cité : Viṣṇu sous la forme de Śārṅgapāṇi apparut à un sage nommé Hema Ṛṣi qui accomplissait là une pénitence.
2097461. Campakāraṇya : ancien nom de Mannārguḍi qui se trouve près de Tanjavūr. Le temple le plus important de la cité est celui de Rājagopālasvāmī.
2098463. Le śleṣa permet d’assimiler le dieu à une abeille ; or, on dit que les abeilles ne vont jamais butiner les fleurs de campaka. Le virodha que Kṛśānu voit chez le dieu, c’est cette incompatibilité entre la nature d’abeille et le séjour dans les campaka. Bien entendu, cette contradiction s’efface à la lecture du second sens de la strophe.
2099464. Le duel puṣpavantau désigne le soleil et la lune qui forment chacun des deux yeux de Viṣṇu. Annonce d’un thème repris en 582.
2100473. bhavate : corriger en bhajate (cf. Pad. Cand.).
2101474. Le setu est la digue que Rāma bâtit sur l’océan, entre la côte sud de l’Inde et Ceylan afin de pouvoir atteindre Laṅkā où régnait Rāvaṇa qui avait enlevé Sītā.
2102475. Les montagnes sont sœurs de Sītā, qui est aussi fille de la Terre. Or les montagnes ont servi à constituer le setu.
2103476. Les montagnes du setu acquièrent, par leur séjour dans les flots, une gloire égale à celle du mont Mandara qui fut l’amṛtamanthana : c’est lui que les dieux prirent comme baratton lors du barattement de l’océan de lait (Mahābh. Ādiparvan 18).
2104477. Le poète désire souligner la honteuse défaite de l’océan qui a dû s’incliner devant la volonté de Rāma : il le fait à l’aide d’un śleṣa : l’océan qui avait beaucoup d’alliés a été vaincu. Il s’agit, en fait, d’une allusion (rétablie par le second sens) au mont Maināka qui se réfugia au sein de l’océan poursuivi par Indra qui coupait les ailes des montagnes.
2105478. Le śleṣa permet ici une comparaison entre les montagnes et des ascètes. Dans le second sens, Dharma désigne Rāma en tant que personnification du dharma. vīci- : « vague » et « plaisir (trompeur) ». Pad. Cand. ne donne que le 1er sens, inadéquat lorsqu’il s’agit des ascètes.
2106479. Effrayé par le courroux de Rāma, l’océan est apparu et a promis au héros de lui laisser le libre passage à travers ses eaux (Rām. Yuddhak. 22).
2107483. Le singe Nala était fils de l’architecte divin Viśvakarman. Compagnon de Sugrīva, il reçut mission de construire la digue (Rām. Yuddhak. 22).
2108485. Utprekṣā : Śeṣa avait accompli de sévères pénitences afin de quitter son corps et de ne plus faire partie de la race des serpents. En récompense, Brahma lui accorda l’honneur de porter la terre (Mahābh. Ādiparvan 36, Udyogaparvan, 102). A partir de cette donnée de la légende, le poète bâtit une utprekṣā : il suppose que Śeṣa, fatigué, a remis le fardeau de la terre aux éléphants gardiens des quartiers célestes et qu’il se repose dans l’océan sous forme du setu.
2109486. Śleṣa : par yaḥ purā pāpa-daśaka-cchede sādhanatāṃ gataḥ, il faut entendre : « elle qui jadis fut instrument de la destruction du mauvais (démon) à dix têtes (Rāvaṇa) ». Les cinq péchés mortels sont : brahmahatyā (le meurtre d’un brahmane), surāpāna (boire le breuvage fermenté surā), steya (le vol), gurutalpa-gamana (violer le lit du guru), et mahāpātakisaṃsarga (se lier avec des paria).
2110487. La Tāmraparṇī qui coule au sud de Madurai est la rivière la plus importante du pays Pāṇḍya. Elle a reçu le nom de dakṣiṇajāhnavī : « Gaṅgā du sud ».
2111488. Kurukā : TeNgurugūr : c’est en cette ville que la tradition fait naître NammĀLvār, à la fin du viie siècle. L’endroit a pris le nom de Ālvārtirunagarī : « la sainte ville de l’ĀLvār ». Sathari ou Sathakopa « celui qui s’irrite du mensonge » est le nom sanskrit de NammāLvār « notre saint » (cf. J. Filliozat, La dévotion viṣṇuite en pays tamoul, Conferenze VII, Roma 1955).
2112489. NammāLvār est l’auteur du Tiruvāymoli, recueil de mille stances environ. Le poète veut sans doute donner à cet ouvrage toutes les caractéristiques d’une saṃhitā védique, c’est pourquoi il dit que cette saṃhitā tamoule a été vue par NammāLvār, comme les Veda ont été vus par les ṛṣi. Peut-être aussi assimile-t-il les divisions en stances du Tiruvāymoli aux śākhā des Veda (grâce à un jeu sur le double sens de sākhā : « école védique » et « division »).
2113490. Dès sa naissance, Śaṭhakopa s’abstint de toute nourriture, et passa toute son enfance en méditation au pied d’un tamarinier dans un temple, jusqu’à l’âge de seize ans ; puis lors du passage de l’āLvār Madurakavi, il aurait commencé à chanter ses premiers hymnes (cf. J. Filliozat, ouv. cit., p. 88).
2114493. Cette strophe contient une allusion à un passage de la Taittirīya Upaniṣad où se trouve cette répétition aham annādah. Dans le passage dont il est question, celui qui a atteint la connaissance, ayant conscience de dominer tout et d’être immortel, s’élève à une sorte d’exaltation divine, se proclamant lui-même « mangeur de nourriture », cette nourriture étant Brahman (cf. Taittirīya Upaniṣad, ed. par Lesimple, A. Maisonneuve, 1948, p. 13 du texte sanskrit).
2115499. Yamaka : kurukā..kuru kāmaṃ.
2116507. Les smārta sont ceux qui suivent le rituel et les pratiques définis dans les smṛti. Ils s’opposent aux purs śaiva qui suivent le rituel défini dans les āgama, aux vaiṣṇava qui suivent celui qui est défini dans le pancarātra, etc.
2117(212). mithyā-vādinaḥ a le double sens de « ceux qui disent des choses fausses » c’est-à-dire « menteurs » et de « ceux qui professent (la doctrine de) l’illusion », visant les Śaṅkariens pour qui le monde extérieur n’est qu’un jeu de l’illusion. Les Śaṅkariens refusent au monde extérieur une réalité au sens transcendant : il n’a de réalité qu’au sens pragmatique. Kṛś. leur reproche de refuser la réalité de ce monde visible qui peut être connu par les pramāṇa : les « critères », c’est-à-dire les données des sens ou l’autorité de la tradition. Par la seconde partie de la phrase qui se présente comme la négation de ce qui précède (« ils admettent une réalité non fondée sur les critères de la connaissance »), Kṛś. veut souligner la contradiction interne, donc l’absurdité de la doctrine des Śaṅkariens ; en fait, il fait allusion au brahman qui pour ces Śaṅkariens est la seule réalité, mais qui est absolument inconnaissable et ineffable, étant essence infinie, dénuée d’attributs et de formes. Le double sens de cette phrase de Kṛś. est explicité dans le śloka qui suit.
2118509. Pour Śaṅkara, le brahman, principe absolu qui représente l’« être » au-delà des contingences, est identique au « soi » (ātman) des êtres vivants. C’est cette identité brahman-ātman qui fait que le Vedānta śaṅkarien se définit comme un « non-dualisme » (advaita) intégral. Or cet ātman associé aux corps, grossier et subtil, aux souffles, aux organes internes, etc. devient jīva : « âme individuelle ». Ce jīva secrète le karman, déclenche le saṃsāra, et toutes les souffrances inhérentes à la condition d’homme. Kṛś. fonde sa critique sur l’argument suivant : s’il y a identité entre le brahman et le soi individuel, il s’ensuit que le brahman participe à l’ignorance et aux souffrances qui sont le lot de ces âmes individuelles, ce qui est inconcevable. Cette critique n’est bien entendu pas le fait de Kṛś. ou de Veṅkaṭādhvarin, elle est traditionnelle depuis Rāmānuja.
2119510. Le karmakāṇḍa est la portion du Veda relative aux actes du rituel, tandis que le brahmakāṇḍa (ou encore jñānakāṇḍa) en est la portion spéculative. Tandis que la Mīmāṃsā s’appuie sur la première portion, Śaṅkara et les Vedāntin se concentrent sur le jñānakāṇḍa, c’est-à-dire essentiellement sur les Upaniṣad (cf. L. Renou, Études védiques et pāṇinéennes, tome VI, de Boccard 1960, paragraphe 36).
2120Kṛś. reproche aux Vedāntin non seulement de refuser le karmakāṇḍa, mais même de vider les Upaniṣad de tout contenu pour n’en tirer que le seul mot brahman. Or ce mot lui-même perd tout sens : en effet, la désinence a un sens illusoire, car le sens qu’elle ajouterait au sens du thème « brahman- » serait une qualification du brahman. Or toute qualification du brahman est illusoire. Enfin, le thème brahman- lui-même ne signifie rien : le brahman- étant inconnaissable et ineffable, on ne peut le désigner par aucun mot. Par conséquent, il ne reste de l’enseignement des Upaniṣad que pur néant : n’est-ce point absurdité de la part des Vedāntin que prétendre se fonder sur l’autorité des Upaniṣad avec lesquelles ils sont, en fait, en complet désaccord.
2121511. Le traité dont il est question : Śārīraka est attribué au ṛṣi Bādarāyaṇa identifié avec Vyāsa (fils de Parāśara), auteur mythique de l’épopée et des purāṇa. Śārīraka, abrégé de Śārīrakamīṃāmsāsūtra, est le nom de ce traité appelé aussi Vedānlasūtra ou Brahmasūtra. Śaṅkara est l’auteur d’un commentaire de cet ouvrage : le Brahmasūtrabhāṣya.
2122514. dṛśyam : l’« objet perçu » est illusion puisqu’il appartient au domaine de Māyā. dṛṣṭikartā : « l’agent percevant » désigne l’organe interne (antaḥ-karaṇa) qui, à l’aide des sens, se projette hors du corps vers l’objet pour en épouser la forme. Or cet organe n’est pas le soi véritable : « être organe, c’est être étranger à l’Esprit, au soi...le sujet se trouve du côté de l’Esprit sans s’identifier purement et simplement avec lui » : O. Lacombe, L’absolu selon le Vedānta, Geuthner 1966). N’étant pas le soi pur il est donc lui aussi soumis à Māyā.
2123doṣa- : par « faute », il faut entendre les fausses perceptions qui ont un caractère plus ou moins hallucinatoire : tel est le cas par exemple du mirage dans un désert. Un apport illusoire subjectif s’ajoute au donné objectif. Sur la doctrine de la surimposition chez Śaṅkara, doctrine qui explique l’erreur : cf. Lacombe, ouv. cit., p. 138.
2124adhiṣṭhāna-aṃsa : « l’élément-fondement » de tout désigne le brahman lui-même : puisque tout est illusion, comment affirmer solidement un principe suprême échappant à cette illusion ? (La critique introduite par Kṛś. est celle d’écoles opposées à celle de Śaṅkara : Rāmānuja lui-même réfutait l’idée de māyā et affirmait la réalité du monde matériel).
2125518. Le porteur d’offrandes est Agni, le Seigneur Śiva, le premier bhava- désigne le cycle des renaissances, le second est un nom de Śiva. La fin de la strophe est marquée par des allitérations : bhāvayante bhavaṃ le signifie littéralement : « ils honorent Śiva ».
2126519. Maheśvara : Śiva.
2127525. Le premier sens permet à Kṛś. de critiquer les śivaïtes grâce à un jeu sur des termes qui sont employés dans l’inférence (anumāna). Il s’agit ici de la simple inférence (ou svārtha-anumāna) non de l’inférence à cinq membres ou parārtha-anumāna. L’exemple classique de cette inférence est : parvato vahnimān dhūmavattvāt : « la montagne est pourvue de feu puisqu’il y a de la fumée ». Dans cet exemple, parvataḥ est pakṣa (« sujet »), vahnimān est siddhi ou sādhya (« ce qui est à démontrer », « conclusion ») et dhūmavattvāt est liṅga (« signe »).
2128Kṛś. feint d’accuser les śivaïtes de vouloir gagner dans une joute oratoire sans se servir correctement des différents membres de l’anumāna. Ainsi, ils ont choisi comme sujet de la proposition à prouver (pakṣa) : la plus haute montagne, mais il leur manque la siddhi (le 2e terme), ils se contentent de désigner le liṅga (3e terme). Leur raisonnement est, par conséquent, incohérent et insoutenable. Bien entendu, la critique repose sur un śleṣa, le second sens évoquant la dévotion à l’égard de Śiva de ceux qui sont ici l’objet des critiques de Kṛś.
2129533. Bhujaga : Rāhu que l’on décrit avec une queue de dragon : Allusion à la légende de Rāhu qui, lors du barattement de l’océan de lait, tenta de boire l’ambroisie en se déguisant en dieu. Le soleil et la lune révélèrent la supercherie à Viṣṇu qui coupa la tête du démon. Pour se venger Rāhu avale périodiquement le soleil et la lune (explication légendaire des éclipses).
2130534. kumuda-suhṛd- : la lune qui fait éclore à son apparition les nénuphars nocturnes.
2131kumbhī-pulāka-nyāyāt : on sait que l’homme capable de faire cuire un grain de blé est aussi capable de faire cuire un pot rempli de grains ; de même, puisque les déclarations des astrologues concernant les éclipses ou les mouvements d’astres sont vérifiées, on doit admettre que l’ensemble de leur savoir (c’est-à-dire également leurs prédictions concernant la vie des individus) est véridique.
2132545. Vasundharā-śruti-bhava : Vālmīki, auteur du Rāmāyaṇa.
2133548. Le descendant de Pracetas est Vālmīki ; Parāśara est un ṛṣi dont la légende veut qu’il soit le fils de Vasiṣṭha et l’auteur d’une partie des hymnes du Ṛg Veda.
2134549. Māgha : poète de la fin du viie siècle, auteur du Śiśupālavadha : « le meurtre de Śiśupāla », tiré d’un épisode du Mahābhārata.
2135Cora désigne l’auteur de la Caurapañcāśikā : « Les cinquante stances du voleur », ouvrage attribué à différents auteurs, dont Bilhaṇa (cf. S. N. Das Gupta and S. K. De, History of Sanskrit Literature, 1947, Calcutta, vol. I, p. 168).
2136Mayūra, poète lyrique du viie siècle, est l’auteur du Süryaśataka et de Mayūrāṣṭaka : « L’octaine de Mayūra » (cf. Das Gupta and De, ouv. cit., p. 168).
2137Murāri, dont la date est incertaine (probablement le ixe siècle), est l’auteur d’un drame : l’Anargharāghava : « Le précieux Rāghava », suite de tableaux du Rāmāyaṇa (cf. Manuel des études indiennes, tome II, p. 288 et S. Lévy, Le théâtre indien, E. Bouillon 1890, p. 277).
2138Bhāravi (porté en même temps que Kālidāsa sur l’inscription d’Aihoḷē en 634) est l’auteur du Kirātārjunīya « Le combat de (Śiva) en kirāta et d’Arjunā. Śrīharṣa, auteur du Naiṣadhacarita. « L’histoire du naiṣadha » : poète de cour du roi Vijayacandra de Kanyakubja.
2139Bhavabhūti, auteur de trois pièces de théâtre : Mahāvīracarita et Uttararāmacarita fondées sur la légende de Rāma, et Mālatīmādhava, vécut probablement à la cour du roi Yaśovarman do Kanyakubja au viiiesiècle.
2140Bhoja, prince poète du xie siècle, roi de Dhārā en Mālava (qui fut le centre d’un important mouvement littéraire), aurait écrit en particulier la Rāmāyaṇacampū, résumé de l’épopée ramaïte.
2141Daṇḍin, auteur du Daśakumāracarita.
2142Diṇḍima désigne Rājanātha Diṇḍima, auteur de l’Acyutarāyā- bliyudaya qui retrace les exploits d’un prince de Vijayanagar (xvie siècle).
2143Bhallaṭa : poète kasmirien, auteur des Bhallaṭaśataka, qui vécut à l’époque du roi Śaṃkaravarman (fin du ixe, début du xe siècles).
2144Bānabaṭṭa : poète à la cour du roi Harṣa dont il écrivit une historiographie romancée : le Harṣacarita (il est aussi l’auteur d’un roman : la Kādambarī).
2145Subandhu, auteur de Vāsavadattā (vie ou viie siècle) (cf. Das Gupta et S. K. De, ouv. cit., p. 217-218).
2146551. Śleṣa (non indiqué par Pad. Cand.). Les trois composés praṇata-caraṇa-reṇu-, viṣṇu-cittaḥ, madhura-kaviḥ, qui s’appliquent en un 1er sens à Śaṭhamathana désignent aussi des noms d’ĀLvār : le 1er est Bhaktāṅghrireṇu ou ToṇḍaradippoḍiyāLvār, le second PeriyāLvār, le dernier Madhurakavi (disciple préféré de Śaṭhakopa). Quant à bhūtaḥ, il désigne aussi l’ĀLvār Bhūtaḥ ou Pūdattār.
2147552. Kṛś. emploie par dérision un certain nombre de termes qui appartiennent au vocabulaire des logiciens.
2148Pratyakṣa : la « constatation directe » ou la « perception » est l’un des pramāṇa ou « critères de la connaissance », c’est-à-dire un des moyens d’obtenir et de vérifier la connaissance exacte. Les logiciens indiens dénombrent 9 pramāṇa, le nyāya lui-même en retient 4 : pratyakṣa, anumāna, upamāna, śabda (cf. A. Foucher, Le compendium des topiques, p. 94).
2149pīlucchaṭā : le vaiśeṣika (qui tend à fusionner avec le nyāya bien des textes empruntant à la fois aux deux écoles, tel le Tarkasaṃgraha) est célèbre par sa doctrine de l’atomisme (cf. Foucher, ouv. cit., p. 33).
2150vyāpti : « l’extension » ou « la concomitance ».
2151anumiti, « la conclusion » ou « la connaissance inférée » (ainsi définie par Annambhaṭṭa : parāmarśa-janyaṃ jñānam anumitiḥ : « la conclusion est la connaissance produite par la déduction ». Cf. Foucher, ouv. cit., p. 120).
2152553. Kṛś. tourne ici en dérision les discussions des logiciens. La première thèse est que la cause de l’inférence (« la montagne a du feu ») est la connaissance de la pakṣatā (le fait que la montagne ait de la fumée) ajoutée à celle de la vyāpti (c’est-à-dire à la connaissance de cette loi générale que la fumée ne va pas sans feu). Les Naiyāyika discutent pour savoir si ces deux connaissances sont séparément cause de l’inférence, ou si elles le sont ensemble.
2153La seconde thèse est celle de la correspondance entre la substance air et l’organe du toucher : cette correspondance n’existe pas pour les Naiyāyika puisque, pour être perceptible, l’objet doit avoir une couleur manifeste ; ne sont perceptibles que les objets visibles, l’air ne peut donc être connu par perception immédiate, mais seulement par inférence (cf. Foucher, ouv. cit., p. 30).
2154Kṛś. pense qu’il est aussi ridicule de se poser ces questions que de se demander combien un corbeau a de dents.
2155555. ghaṭa- et paṭa- sont des termes qui reviennent fréquemment dans les exemples donnés par les logiciens (Foucher, ouv. cit., p. 24).
2156558. Le substantif lakṣaṇa- désigne une « marque », un « signe » ; en iconographie, l’« attribut » spécial d’une idole ; en logique, il désigne le « définissant », c’est-à-dire le prédicat de la proposition par laquelle s’exprime une définition, et, par extension, la « définotion » elle-même (Foucher, ouv. cit., p. 8).
2157L’ouvrage d’Annambhaṭṭa dénombre 7 catégories : substance, qualité, activité, généralité, particularité, coexistence, inexistence (Foucher, ouv. cit., p. 15).
2158559. Le second sens fait allusion au fondateur du nyāya : le ṛṣi Gautama surnommé Akṣapāda, auquel on attribue les Nyāyasūtra, ouvrage fondamental du système.
2159560. Kaṇabhakṣaka ou Kaṇāda, le « mangeur de grain » ou « d’atomes » (surnom formé par allusion à la doctrine atomique de son ouvrage), est l’auteur auquel on attribue les Vaiśeṣikasūtra. Pakṣilasvāmin Vātsyāyana est l’auteur du Nyāyabhāṣya qui date probablement de la fin du ive siècle. Udayana de Mithilā est l’auteur de la Nyāyakusumāñjali et de plusieurs autres ouvrages dont un important commentaire vaiśeṣika : la Kiraṇāvalī (xe siècle). Vardhamana, fils de Gaṅgeśvara, est l’auteur du Tattvacintāmaṇiprakāśa, de plusieurs commentaires sur l’ouvrage de son père et sur ceux d’Udayana. Gaṅgeśvara ou Gaṅgeśa, auteur du Tattvacintāmaṇi, passe pour être le fondateur du Navanyāya (la « nouvelle logique ») ; il vivait à Mithilā vers la fin du xiie siècle. Śaśadhara, auteur du Nyāyasiddhāntadīpa (milieu du xiie siècle), appartenait lui aussi au navanyāya.
2160561. La divinité personnelle et créatrice est niée dans la Mīmāṃsā pour laquelle le Veda est substance autonome et éternelle, n’exprimant la volonté d’aucun être suprême.
2161(239). Śabarasvāmin (ve siècle) est l’auteur d’un commentaire sur les Mīmāṃsāsūtra de Jaimini. Par ailleurs, śabara est le nom d’une tribu de montagnards du Deccan, et le terme désigne, plus généralement, n’importe quel peuple sauvage, hérétique par conséquent.
2162562. Le jeu de mots sur śabara- amène la curieuse accusation qui est ici lancée contre les Mīmāṃsaka.
2163563. Viśvāvasu énumère le sujet des différents adhyāya qui composent les Mīmāṃsāsūtra de Jaimini : ādau a le sens de « dans le premier adhyāya ». Il faut ensuite sous-entendre : « dans le second adhyāya » ainsi de suite.
2164Le 1er adhyāya définit le moyen de connaître le dharma.
2165L’adhyāya 2 définit l’injonction, le verbe, etc. et les différentes sortes d’action verbale.
2166L’adhyāya 3 expose le śeṣa : les éléments « complémentaires » qui, dans un acte rituel, servent à quelque chose d’extérieur à eux et s’opposent au śeṣin : « ce qui est pourvu d’un complément ».
2167L’adhyāya 4 distingue ce qui est obligatoire (kratvartha : « ce qui a lieu en vue de l’acte ») de ce qui ne l’est pas (puruṣārtha : « ce qui a lieu en vue du sujet »).
2168L’adhyāya 5 concerne le krama : l’ordre des opérations rituelles.
2169L’adhyāya 6 détermine la qualification au sacrifice.
2170Les adhyāya 7 et 8 traitent de l’extension (atideśa) du schéma du sacrifice archétype (prakṛti) aux autres sacrifices considérés comme ectypes (vikṛti).
2171L’adhyāya 9 traite de la modification (ūha) des mantra.
2172L’adhyāya 10 concerne l’exclusion (bādha) et l’inclusion (abhyuccaya).
2173L’adhyāya 11 traite des tantra : portions communes du rite qui ne sont énoncées qu’une fois et de l’āvāpa (portions répétées). Le dernier adhyāya concerne le prasaṅga : possibilité qu’ont certains éléments d’un acte rituel d’être employés dans un autre.
2174566. Le śleṣa permet une assimilation laudative pour Jaimini entre celui-ci et le dieu suprême. Dans le 1er cas, api a valeur de coordination (apiḥ samuccāyakaḥ = Pad. Cand.), dans le second, valeur d’insistance (apir avadhāraṇārthakaḥ).
2175567. Kumārila (viiie siècle) : maître de la Mīmāṃsā, auteur du Ślokavārttika, du Tantravārttika et de la Ṭupṭīkā, commentaire des adhyāya des Mīmāṃsāsūtra et du Śabarabhāṣya.
2176Maṇḍamiśra (ixe siècle) : auteur d’un Vidhiviveka.
2177Bhavadevabhaṭṭa est l’auteur d’un ouvrage : le Tautātitamatatilak où sont élucidés des points de la Mīmāṃsā, ainsi que d’ouvrages de dharma tel le Daśakarmadīpikā (cf. Kane, History of Dharmaśāstra, vol. I, p. 305).
2178Pārthasārathi, auteur de traités de Mīmāṃsā (Tantraratna, Nyāyaratnamālā) et de commentaires : en particulier du Ślokavārttika de Kumārila, vécut au xive siècle à Mithilā.
2179568. Pour se moquer des grammairiens, Kṛśānu énumère, soit en totalité, soit en partie quelques-uns des sūtra de Pāṇini.
2180Ṭiḍ ḍhāṇaṅ est le début du sūtra IV, 1, 15 (ṭiḍ ḍhāṇañ dvayasaj daghnaj mātrac tayap ṭhak ṭhañ kañ kvarapaḥ).
2181Cuṭū est le sūtra I, 3, 7.
2182Ṅasiṅasośca : sūtra VI, 1, 110.
2183Tip tas jhi sip thas tha mib vas mas ta (qui se poursuit en ātām jha thās āthāṃ dhvam iḍ vahi mahiṅ) : sūtra III, 4, 78.
2184Anaci ca : sūtra VIII, 4,47,
2185Ṣṭunā ṣṭuḥ : sūtra VIII, 4, 41.
2186Ata iñ : sūtra IV, 1, 95.
2187Śaścho’ṭi : sūtra VIII, 4, 63.
2188Aco’ntyādi ṭi : sūtra I, 1, 64.
2189Lopo vyorvali : sūtra VI, 1, 66.
2190Vṛddhir eci : sūtra VI, 1, 88.
2191Yaci bham : sūtra I, 4, 18.
2192Dādhā dhva dāp : sūtra I, 1, 20.
2193Nājjhalau : sūtra I, 1, 10.
2194569. D’autres sūtra sont énumérés dans cette strophe. Pour mieux marquer son mépris, Kṛś. les compare aux syllabes qui servent à noter les rythmes des danseurs (gens méprisables) et qui, elles, n’expriment aucun sens.
2195Jho’ntaḥ : VII, 1, 3.
2196Śeṣo dhyasakhi : I, 4, 7.
2197Sasajuṣo ruḥ : VIII, 2, 66.
2198Virāso ’vasānam : I, 4, 110.
2199Che ca : VI, 1, 73.
2200571. Le compte sur les mains commençant par le petit doigt, triompher sur celui-ci c’est donc se trouver en tête du compte.
2201572. Jeu de mots intraduisible : pātañjale est un adjectif bâti sur le nom propre Patañjali et pātaṃ jale signifie : « le fait de tomber dans l’eau ».
2202573. Le Maître des serpents est ici Śeṣa en tant qu’il s’est incarné en Patañjali.
2203(244). Śatakoṭi est le nom du foudre d’Indra. Kṛśānu demande donc avec malice : comment peut-on préférer la grammaire de Pāṇini à celle du dieu Indra ? Mais Indra ici désigne en fait un grammairien du nom de Indragomin (sur lequel on ne sait à peu près rien : cf. Manuel des Études indiennes, tome 2, parag. 1531).
2204575. Grâce au double sens de la strophe, Viśvāvasu veut illustrer l’universalité des règles de Pāṇini : connaître la grammaire, c’est connaître aussi, du même coup, l’ordre universel qui guide la conduite du sage.
2205578. La strophe est bâtie sur une allitération.
2206580. Le sens du dernier pada est : « ayant renonce au bien-être de leur corps, ils accomplissent le service du roi », mais avec un jeu de mots : tanu-sukham.. tanvate (reprise de syllabes identiques) que l’on tente de rendre en français par la répétition « personnel.. personne » (bien qu’il n’y ait point en sanskrit d’étymologie commune aux deux termes en question).
2207582. Śleṣa- : puṣpa- désigne une maladie des yeux : l’albugo (apparition d’une taie blanche sur l’œil). En fait puṣpavat-tā a pour sens : « le fait d’être pourvu du soleil et de la lune ».
2208583. Kuśa et Lava sont les deux fils que Rāma a eus de Sītā. Brahma qui naît du lotus du nombril de Viṣṇu est considéré comme son fils.
2209584. Yāmunātīrtha-āśramiṇau a en fait deux sens selon qu’il se rapporte à Rāmānuja ou à Mukunda. Dans le premier cas, il signifie « il s’engagea dans le quatrième âge de la vie brahmanique sur (l’ordre) de Yāmunatīrtha » ; dans le second : « il vécut dans un ermitage au lieu sacré de la Yamunā ». Cf. strophe 228.
2210Le triple bois désigne le bâton à trois branches que porte l’ascète. Le bois simple désigne la flûte, instrument de musique champêtre dont use Kṛṣṇa. Grâce à l’équivoque sur le substantif veṇu-, le poète compare plaisamment Rāmānuja et Kṛṣṇa en accordant au premier la supériorité d’avoir trois bois, le dieu n’en ayant qu’un seul.
2211585. Śuka est le nom d’un fils de Vyāsa : c’est lui qui narre le Bhāgavata-purāṇa au roi Parīkṣit.
2212586. Viṣṇu écoute l’hymne que lui adresse le Principe suprême qui habite son nombril : ce dernier déclare que ni lui ni son fils ne connaissent réellement Viṣṇu aussi bien que les ascètes.
2213Par mat-sutaḥ, il faut sans doute entendre le Dieu personnel issu du brahman lui-même, Brahma en tant que créateur.
2214587. Le maître des ascètes : Rāmānuja.
2215588. Kapardin : Śiva. Kapila est le ṛṣi fondateur du sāṃkhya (sur l’existence duquel on ne sait à peu près rien). Kumārila est le commentateur des Mīmāṃsāsūtra, Tathāgata est un nom du Buddha.
2216Guru est le surnom de Prabhākara, maître d’une école rivale de celle de Kumārila. Il a probablement vécu au viie siècle et écrit deux commentaires du Śabarabhāṣya.
2217589. bhavatā : le poète s’adresse à Rāma. Il suppose qu’une flèche du dieu, satisfaite d’avoir brisé Rāvaṇa, s’est ensuite incarnée en Rāmānuja, afin d’exalter les louanges de Rāma.
2218591. kṛtima-itara-girām : le Veda (en tant, qu’il n’a pas été composé par les hommes mais révélé à eux et qu’il existe de toute éternité).
2219vātaṃ-dhaya- : « celui qui suce le vent, qui se nourrit de vent » : Śeṣa, puisque les serpents sont censés se nourrir de vent.
2220vātandhaya-kṣmā-dhara- : Śeṣācala, mont de Tirupati.
Notes de bas de page
1 A double sens :
Lorsqu’ils arrivent en ce lieu qui, habité par la Majesté suprême, est devenu l’égal du Vaikuṇṭha, les hommes éclairés, doués de la paix intérieure.
(Prenant) ici des bains réguliers dans 1es étangs, aux moments opportuns, sont en pleine prospérité, par la faveur du (Dieu) qui a pour emblème Tārkṣya I
2 Le reste de la strophe est à entendre à double sens : Avec la poussière des lotus que sont ses pieds magnifiques, cause de l’apparition du dharma, il a donné vie à l’épouse du lion des Ṛṣi !
3 A double sens :
On peut dire de lui : « Il exauce les souhaits sur la terre, il possède un arc d’un incomparable éclat » ; mais nous ajoutons, prodige encore plus surprenant :
« Chassant les pires souffrances, anéantissant la horde des ennemis, le Puissant, en personne a, dans son courroux, fracassé le père de Kumbha ! »
4 A double sens : Nées du pied du meurtrier d’Hiraṇyakaśipu, elles qui, en compagnie de (l’astre) qui fait la nuit, amant de l’épouse du maître,
Séjournent sur le crâne du (dieu) qui a tranché une tête de Brahma, c’est dans l’océan, on le sait, qu’elles vont se perdre, les eaux de la Gaṅgā I
5 Autre sens : « Puisque ton territoire est constamment traversé par le cours (de la Gaṅgā) »
6 Autre sens : « Ceux qui sont établis là ont le corps armé de la pique et la tête chargée du poids de l’eau. »
7 Autre sens : « Car il révèle aux hommes dans le creux de l’oreille, les sons qui, en s’élevant, leur font traverser le cycle des existences. »
8 A double sens :
Il étend sa protection sur des eaux imbuvables même par les êtres les plus misérables, il abrite des monstres aquatiques : comment peux-tu avoir désir de lui rendre hommage ?
9 A double sens : Contre le misérable océan toujours grondant, aux flots immenses, où brûle le feu infernal, tout homme s’irrite !
10 Il est une mine de joyaux et le lieu de la naissance de Ramā, il s’est, acquis des étendues d’eaux magnifiques, innombrables sont ses vagues, Cet océan si remarquable, auteur de l’amoncellement des nuages, parce qu’il est sillonné de navires, ne parvient jamais à être vide de navires !
11 A double sens :
Que (l’océan) dont la richesse en ondes magnifiques s’accroît toujours sans efforts n’en fasse point prodigalité à la mesure de son gain,
Le feu les dévore par la volonté du Créateur, voici qu’il y a barattement et construction d’une digue par le Maître de l’univers à la recherche de Lakṣṃī !
12 A double sens :
Du (cheval) Uccaiḥśravaḥ il a fait don (au dieu) doué d’une grande rapidité.
13 Les mots digvasanāya sitāṃśukam sont à double sens :
Au (dieu) qui a vêture de vent (il a fait don) de (l’astre) aux rayons blancs.
14 Jeu de mots intraduisible : La mère veut dire : luṇṭhīr mā nava-nītam : « ne vole pas le beurre frais ». L’enfant feint de comprendre : luṇṭhīr mānava-nītam : « vole ce qui est apporté par un homme. » D’où sa réponse : « je vole ce qui est apporté par un homme ».
15 Jeu de mots intraduisible :
La mère de Kṛṣṇa dit : mā bhūr aparādhikaḥ : « ne commets pas de fautes », mais l’enfant comprend : ma bhūr apa-rādhikaḥ : « ne sois pas éloigné de Rādhā ! », d’où sa réponse : sa-rādhiko’ham : « j’étais uni à Rādhā ».
16 A double sens :
O merveille des merveilles ! Lorsque s’est déployé le nuage qu’est Kṛṣṇa, la prospérité qu’avait atteinte Kaṃṣa a atteint son terme,
Ce fut, comme il sied l’anéantissement d’Agha porteur de mort, la ruine du haṃsa (Baka) ; en l’esprit la gloire a jailli !
17 A double sens : « Fréquenté par des (gens) à la conduite très vertueuse, qui mendient leur subsistance, habité par des brahmanes, etc. »
18 A double sens :
« Il porte, du fait de son extrême parfum, des abeilles qui pillent vivement le suc le plus précieux des fleurs qui l’habitent. »
19 Le composé dvija-rāja-pāda-dwya-amṛtaiḥ est à double sens :
« A l’idée que la tête de l’ennemi de Tri Pura est baignée par les eaux divines (issues) des pieds du Maître de l’oiseau (c’est-à-dire par la Gaṅgā issue des pieds de Viṣṇu). »
20 A double sens :
Cette cité de Rajatapīṭha fait montre d’une ineffable splendeur, merveille extrême ! Le sage qui demeure ici, faisant montre d’une conduite vertueuse, est, par son union avec le Suprême, rempli d’éclat !
21 La strophe doit être comprise en référence au second sens :
Honoré par les Indra des brahmanes pleins de pureté qui aspirent à l’immortalité, ayant acquis la gloire sur terre, donnant tout son sens au nom d’Ānandatīrtha, se rendit visible en cet endroit l’Indra des ascètes !
22 A double sens : le titre du dieu est, en fait, « destructeur d’Hiraṇya(kaśipu) ».
23 Autre sens : « celui qui a quantité de rayons », c’est-à-dire le soleil, qui est le séjour de l’Être suprême.
24 Autre sens : « le maître des nénuphars bleus », c’est-à-dire la lune.
25 A double sens, les deux premiers pada doivent être lus aussi en référence à Rāma :
« A tout il est supérieur, en lui le noble Guha a trouvé protection, les hommes vertueux exaltent sa conduite, il a engendré la prospérité de la lignée du soleil, la gloire de ses frères l’auréole, etc. »
26 Le premier pada est à double sens :
« Outre la présence des monts limitrophes dont est nantie cette montagne du serpent, etc. »
Dans les deux derniers pada, le substantif payo-dhara- désigne d’abord Viṣṇu (assimilé au nuage à cause de la couleur foncée de son corps) qui porte Lakṣmī (désignée par vidyutam) ; cette dernière, à son tour, porte sur sa poitrine des seins (autre sens de payo-dhara-).
27 A double sens :
C’est un corps qui, comme son nom, charme les sages (ou bien : est tout à fait charmant) et qui, comme son nom (comporte deux phonèmes-r-) est couleur d’abeille que possède Vīrarāghava.
28 A double sens :
Ayant gagné le bois de Vīkṣā, le sublime santal qu’est Hari, toujours enlacé par la liane d’or qui est source de prospérité pour les sages, adoré par des hommes excellents, dispense à ses dévots une utile disposition mentale !
29 A double sens :
Grave est la souillure qu’apportent, sur terre, même à (quelqu’un) d’omniscient, les (hommes) cruels et pervers, pareils à des corbeaux !
30 A double sens :
« Séjour de ceux qui sont la proie d’Amour violent, voici qu’en ce séjour, resplendissante d’une extrême beauté, dispensatrice d’un surcroît de volupté, cette splendide ceinture, etc. »
31 A double sens :
« Voici, avec ses tempes brillantes sans cesse envahies par des essaims d’abeilles, riche de mada splendide, portant une superbe défense toujours étincelante, le roi des Éléphants au nom conforme, etc. »
32 La strophe est à double sens :
Lui qui est apparu lors du sacrifice du Non-né, comment connaîtrait-il le triomphe ? Lui qui favorise les dieux, quel pouvoir a-t-il de rendre fructueux le sacrifice ?
33 La strophe est à double sens :
Il apporte la félicité à Padmā, il illumine le chemin de la vertu, sa main s’orne du disque : insinuer que l’éclatant Varada aspire au mal, voilà qui est sans fondement !
34 Autre sens :
« Elle habite le (vimāna) Kalyāṇakoṭi. »
35 La strophe est à double sens :
Il place sous lui le Serpent éminent grammairien, à (l’astre) trésor de doigts (la lune), il fait honte par son visage ; ce dieu qui fait obstacle au cours de Sarasvatī, comment un poète peut-il avoir goût à le louer ?
36 Ces trois dernières strophes sont à double sens :
Grâce à une huile reliée à trois mèches, il fait jaillir la lumière, il dissipe les ténèbres : ici brille l’éclat d’un flambeau tenant en éveil ceux qui sont venus dans la maison.
37 Le nom de Dipaprakāśa (appliqué) à ce dieu à l’extraordinaire éclat, hostile aux rôdeurs de nuit, que comble de plaisir la fille du maître des rivières, est une impropriété !
38 Il s’est manifesté en dix avatars, le grand combat qu’il a mené à bien lui a conféré l’éclat : le nom de Dīpaprakāśa convient au Tout-Puissant destructeur de la terreur qu’inspirent les ennemis !
39 C’est-à-dire : « celui qui entend avec son œil » : le serpent Śeṣa, dont Patañjali est une incarnation.
40 C’est-à-dire : Akṣapāda (Gautama), l’étymologie traditionnelle de ce nom étant : « celui qui voit avec ses pieds ».
41 La strophe est à double sens :
Par sa parole profonde qui libère de l’emprise de ce démon qu’est l’état d’égarement profond, la cloche de Hari qui a (pris) la forme de Veṅkaṭānātha fait éclater la vertu auspicieuse des textes révélés !
42 Autre sens :
« Cité dans le Veda, il est cité sous le nom d’Être suprême. »
43 A double sens :
« Leur doctrine engage d’elle-même à révérer le lotus du pied de Visnu. »
44 Autre sens : « la possession de la terre ».
45 Ou bien : « Faisant souffrir Kavi » (c’est-à-dire Śukra, précepteur des démons.)
46 Ou bien : « il a joui du don de la terre ».
47 Ou bien : « il a, du maître des éléphants, le visage », puisqu’il s’agit de Ganeśa.
48 Autre sens : « pour faire de lui une flèche ».
49 Ou bien : « Il possède l’astre fin et brillant » (la lune).
50 Ou bien : « Il siège sur le mont neigeux » (le Kailāsa).
51 Ou bien : « Il brille par Taṇḍu. »
52 Ou bien : « Elle abrite ceux qui sont délivrés. »
53 Ou bien : « Elle a mis au monde Bhīṣma, le plus éminent des Vasu. »
54 Ou bien : « Elle a contracté éternelle union avec l’océan. »
55 Ou bien : « Elle ne peut s’empêcher de désirer la tête de Siva. »
56 Autre sens : « Avec la lune recourbée placée sur sa tête. »
57 Autre sens : « Hara se conduit en ennemi d’Andhalca. »
58 A double sens : « Puisque le Tronc ( : Śiva) (habitant) cette cité sous le nom de Seigneur des montagnes est invoqué. »
59 Ou bien : « L’un a un corps impérissable »
60 La strophe est à double sens grâce au jeu sur les substantifs : dara- qui signifie « crainte » et « conque », et gada- « maladie », gadā- « massue ». Lors de leur mort, les fidèles s’identifiant avec le Bienheureux sont donc au contact de ces deux attributs de Viṣṇu, la conque et la massue (tau niyataṃ bhajante).
61 Ce premier sens s’applique à Viṣṇu. Le second s’applique à Śiva : « Elle jette des reflets grâce à ses colliers (faits) de puissants serpents, son corps est illuminé par le guide des étoiles que porte sa tête » (c’est-à-dire par la lune).
62 Sumanas, a le double sens de « fleur » et de « dieu ».
63 A double sens : « Il est exalté d’abord par ceux qui ont pour monture le haṃsa et le paon » (c’est-à-dire par Brahma et Skanda).
64 La strophe est à double sens :
« Dotée des poteaux sacrificiels de ceux qui sont au premier rang des hommes vertueux, c’est la splendeur de la cité de Sāketa que dévoile cette terre brahmanique protégée par Raghunātha (dīkṣita). »
65 cāru-guṇaiḥ san-maṇibhiṛ juṣṭā a aussi le sens de « parées de perles précieuses (retenues) par de gracieux cordons ».
66 agrahāra a le double sens de « terres brahmaniques » et de « les plus beaux des colliers ». Un second sens est possible, correspondant à l’analyse suvṛtta-mukta-arahitā : « puisque les gens qu’ils abritent sont au contact (d’hommes) délivrés (du cycle des renaissances), à la noble conduite ».
67 A double sens : on peut comprendre aussi : « la rivière qui, du fait de son affection pour l’océan, mérite son nom célèbre de fille de Kavera ».
68 A double sens : « Parce qu’elle est objet des louanges de ceux qui sont apaisés, elle mérite son nom de rivière d’or. »
69 Double sens : « elle délivre de leurs péchés ceux qui lui rendent hommage ».
70 A double sens : « (elle se rit) la rivière d’or fille de Sahya, de la fille de Jahnu à l’écume miroitante d’argent qui, du (dieu) inaccessible est fille ! »
71 A double sens : Des manguiers resplendissent sur ses flancs, du roi de Raṅgam exalté en son sein, elle tire éclat : d’où donc, etc.
72 A double sens : sā raṅgadṛṣṭiḥ permet de comprendre aussi : « comment celle qui a un regard d’antilope, peut-elle plaire ? »
73 Autre sens : « comment prendrait-il goût au contact de l’ignorance ? »
74 A double sens : « qui repose sur un grand serpent ».
75 La strophe est à double sens :
D’un haut nuage noir il a l’éclatante beauté, il est en contact avec le serpent, il se plaît à séjourner continuellement à l’endroit de Śrīraṅgam, il est, de ceux qui éprouvent l’amour, le tout premier, Auprès d’un parterre de lotus de lune placé au milieu d’un enchevêtrement d’algues ô étonnement sans crainte cet Esprit suprême longuement repose !
76 Le texte peut se comprendre aussi en référence à la lune, ce qui explique la comparaison : « la lune dont les montagnes soutiennent les rayons sur leur propre cime, qui cause le tourment de ceux qui sont séparés, est visible en l’état nocturne ».
77 Jeu de mots : kuraṅga-lakṣita-aṅgaṃ kumuda-āpyāyana-kāriṇaṃ vidhuṃ tam signifie également : « (je ne distingue plus) la lune au corps marqué d’une antilope, qui comble de félicité les lotus de lune ».
78 L’absurdité apparente du texte disparaît si on lit le second sens : « Que celui qui adore le Seigneur de Raṅgam n’ait pas le sort de l’homme malheureux, voilà qui est normal ; il reçoit ô merveille ! le titre de « détaché du monde ». »
79 Autre sens : « Maître de Raṅgam. »
80 Jeu de mots : il faut entendre. « Rāmacandra lui-même qui vouait une ardente dévotion au roi (fils de) Gādhi. »
81 La contradiction disparaît avec le second sens de hantā kuraṅga-rājasya : « meurtrier de l’antilope royale » (c’est-à-dire de Marīca).
82 Ou bien : « Alors qu’il a reçu pour membres les Veda »
83 Ou bien : « qu’il est le roi des oiseaux ».
84 Jeu sur le double sens de pallikā- : « lézard » ou « petit village ». Caruḍa a avalé un village de Bhillas.
85 Autre sens : « Il a la forme d’un arbre. »
86 Autre sens : « il a de belles feuilles ». L’image de l’arbre fait disparaître les absurdités apparentes du texte.
87 A double sens : « lui qui a pour Vinatā une soumission exemplaire, voici qu’il a obtenu une félicité perpétuelle de l’ennemi de Madhu ».
88 Le composé cola-vāsa-sthairya-valīnām signifie également : (les jeunes femmes) « qui habitent constamment en pays Cola »
89 Autre sens : « Ses pieds reposent sur la tête des dieux, il est de Madhu le pourfendeur. »
90 Autre sens : « ô merveille ! : Murārati (dont le nom comporte) deux (phonèmes) « -r- » s’est réfugié à Campakāraṇya ».
91 A double sens : « le roi des rivières, riche pourtant en son sein d’une montagne ailée, fut par des montagnes sans ailes enchaîné ».
92 La strophe est à double sens :
Après avoir, purifiés, gagné la digue de Dharma, endurant pluies et insolations terribles, au sein des eaux de l’océan ces monts se livrent constamment à une effrayante ascèse ;
A voir là ces vagues dansantes, sans cesse battues de vents âpres et violents, porteuses d’un goût de sel, jamais plus ils ne se meuvent !
93 mithyāvādinaḥ a le double sens de « ceux qui disent des choses fausses » et de « ceux qui professent (la doctrine) de l’illusion ».
94 śūla-upeta-a aussi le sens de « muni de la pique ».
95 Strophe à double sens :
Ayant une prédilection pour le Seigneur de la montagne, ces gens privés de succès et dépourvus d’honneur désirent obtenir richesse et prépondérance par la seule vue du liṅga !
96 A double sens :
« Praṇatacaraṇareṇu, Viṣṇucittaḥ, l’ascète qui se plaît à détruire le mensonge, Bhūta et Madhurakavi, d’autres encore à l’égal d’eux sont fortunés : combien de mondes, etc. »
97 A double sens :
Son charpentier est le Trésor des beaux-arts Gautama, que n’atteint point l’ignorance, qui ne connaît pas le blâme !
98 Jeu de mots : « Ces (hommes) célèbres dans l’univers des traités de la Mīmāṃsā. »
99 A double sens : « Pour le yogi Jaimini, le maître qui scrute la forme des Veda, qui par mille arguments mate son adversaire, s’enflamme aussi notre cœur. »
100 La strophe est à double sens :
Le sage qui prononce de sa bouche un sūtra composé par Pāṇini, maîtrise une précieuse connaissance : sachant les règles de phonétique, etc., il s’exprime de manière convenable.
101 Par jeu sur puṣpavattayā, il faut entendre en fait : « Les deux yeux du Puissant sont — cela est bien connu — le soleil et la lune. »
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La création d'une iconographie sivaïte narrative
Incarnations du dieu dans les temples pallava construits
Valérie Gillet
2010
Bibliotheca Malabarica
Bartholomäus Ziegenbalg's Tamil Library
Bartholomaus Will Sweetman et R. Ilakkuvan (éd.) Will Sweetman et R. Ilakkuvan (trad.)
2012