La voie vers Dieu
p. 249-272
Texte intégral
1Le Veda parle avec autorité à qui reconnaît l’existence du dharma, mais il lui enseigne bien plus que le dharma. Etant un pramāṇa, c’est-à-dire un moyen de connaissance vraie, il a un objet spécifique qu’il est seul apte à nous faire connaître. Etant un śabda-pramāṇa, il nous enseigne cet objet à sa manière propre, à travers les phrases d’un langage parfaitement cohérent, qui convergent vers une unique signification. Cet objet unique est désigné par le Veda comme le Brahman : le mot, est-il dit, indique par lui-même la notion d’une réalité suprême, car il se rattache à la racine BṚH qui signifie “croître”.1 Il signifie une réalité qui ne connaît pas de limitations, une expansion infinie, et une perfection de qualités portées à leur degré infini. Tous les autres mots employés par le Veda pour parler du Brahman, ont des significations analogues : celui-ci est dit bhūman, abondance, pūrṇatā, plénitude2 ; il est dit possesseur de toutes les perfections, guṇa, qualités infinies et en nombre infini, comme absolument exempt de toute imperfection, doṣa. Il est une réalité merveilleuse, adbhuta, infiniment supérieure à tout ce que nous pouvons connaître en ce monde,3 et dont cependant nous pouvons avoir quelque idée en portant à leur degré absolu toutes les qualités bonnes que nous connaissons. Il n’y a rien de contradictoire à former une telle notion, remarque Jayatīrtha, et celui qui voudrait la critiquer, ne pouvant s’appuyer sur aucune expérience, prouverait par sa seule tentative qu’il a lui-même cette notion.4 Notre pensée va donc comme à la rencontre de l’enseignement révélé : nous ne pourrions certes pas, par nos propres forces, prouver l’existence de l’Etre absolu, mais ce que nous posons comme une simple possibilité nous est avéré par la Śruti.5 Il faut bien que nous puissions avoir par nous-même quelque conception d’une telle réalité, autrement nous ne pourrions pas même commencer à saisir le sens de l’Ecriture : la jijñāsā, la recherche de la connaissance du Brahman, ne pourrait s’éveiller, et la prescription fondamentale du Veda, nous enjoignant de “désirer le connaître”, resterait lettre morte pour nous.
2La réflexion sur les paroles du Veda ne nous fait pas seulement connaître un objet, aussi merveilleux soit-il, aussi parfait soit-il. La notion même de perfections infinies, implique celle d’un Sujet spirituel, conscient de lui-même et de ses perfections. Le Brahman est nommé aussi le suprême Ātman, paramātman, le Sujet par excellence, centre spirituel se possédant lui-même et jouissant de sa propre plénitude.6 Il est défini comme étant, par identité, être, connaissance et infini, par la célèbre définition de la Taittirīya Upaniṣad : satyaṃ jñānam anantaṃ brahma.7 Il est dit de même abondance de félicité, ānanda-maya.8 De ce centre conscient rayonnent toutes les autres perfections qui le font dire omniscient, sarvajña, tout-puissant, śarvasakti, auteur de tout, sarvakartā. Il est le Seigneur, Iśvara, il est une personne, le suprême Puruṣa. Contre la conception advaita d’un Brahman nirviśeṣa, sans qualifications ou nirguṇa, sans attributs, Madhva cite toutes les paroles de l’Ecriture qui le donnent pour un Etre saguṇa9 possédant par identité toutes ses perfections. Il est donc aussi saviśeṣa, au sens précis de ce terme dans la doctrine de Madhva : entre la substance divine et ses perfections existe une identité spécifiée, saviśeṣābheda, qui permet de parler diversement de l’Etre infini et infiniment simple.10 C’est pourquoi le Veda le dit aussi “l’un sans second” exprimant par là son unité absolument incomparable, et totalement infrangible. Tous les viśeṣa que possède le Suprême Seigneur sont, pense Madhva, autant de perfections qui se compénètrent mutuellement, ayant toutes l’essence de toutes les autres et possédant chacune la totalité de la puissance divine.11
3Personne parfaite, accomplissant en elle l’unité de l’être, de la connaissance, de la félicité, la réalité dont nous parle le Veda est un Dieu que nous pouvons aimer. Il est le Bienheureux, Bhagavān, auquel nous nous attachons comme à la divinité de notre désir, iṣṭadevatā.12 Ce Dieu est celui que les textes nomment Viṣṇu, ou encore, Nārāyaṇa, Vāsudeva. Chacun de ses noms exprime sa perfection, et en fait ses noms sont infinis comme le sont ses perfections. Le Veda est consacré à sa louange : toutes ses phrases, tous ses mots, toutes ses syllabes même n’ont pas d’autre sens que d’exalter la grandeur de Viṣṇu, et de le dire sarvottama,13 supérieur à tout, supérieur infiniment non seulement au monde matériel, mais au monde des esprits, des jīva, parmi lesquels sont tous les autres dieux dont peuvent parler les textes.
4Entre toutes les qualités du Seigneur, il en est une à laquelle Madhva attache une importance considérable : c’est la perfection de svātantrya, le fait de ne dépendre que de soi-même, l’autonomie absolue. Cette liberté est conçue de façon positive et non comme une simple indépendance, puisque Madhva la définit lui-même “le fait de suivre son propre désir”, svecchānusāritā.14 La plénitude divine est donc par excellence une plénitude de puissance, qui ne peut connaître de limitations, puisqu’elle tire d’elle seule sa loi. Jayatīrtha relie explicitement les notions de perfection et de liberté : le Seigneur, dit-il est plénitude de toutes les perfections, séparé de toute imperfection, “parce qu’il est svatantra”15. Dans le Tattvaviveka, la division fondamentale du réel est donnée comme celle du svatantra, “dépendant de soi,” et du paratantra, “dépendant d’un autre”. La catégorie de svatantra ne comprend qu’un terme, le Bienheureux Visnu, celle de paratantra, comprend tout le reste. Le svatantra est l’Etre qui ne dépend d’aucun autre quant à son existence sattā, c’est-à-dire sa nature propre, svarūpa, sa connaissance, pramiti, et son activité, pravṛtti, ainsi que le précise Jayatīrtha.16 Le svatantra est donc l’être qui se possède totalement lui-même, et ce caractère lui appartient en propre, le rendant absolument différent des autres êtres. C’est là sa définition même, le viśeṣa, le caractère qui le distingue de toutes les autres réalités. Madhva l’affirme avec la plus grande netteté : “le fait d’être sva tantra lui appartient à jamais, et entre lui et tout le reste existe la différence”.17 Jayatīrtha commente : “le fait d’être svatantra c’est le fait de posséder une existence, etc., qui ne dépende que de soi”.18 Il est permis de compléter cet ‘et cætera’ par analogie à la définition, de la Tattvasaṅkhyānaṭīkā, et de comprendre que la liberté divine est la source même de toutes ses perfections, que celles-ci appartiennent au domaine de l’être, de la connaissance, ou de la puissance. L’unité profonde de la substance divine est comme liée par ce viśeṣa dont on peut dire éminemment qu’il compénètre tous les autres, et les rend tous sarvakartāraḥ, “tout-agissants”.
5En nous enseignant la liberté de l’Etre transcendant, le Veda nous enseigne aussi que nous pouvons entrer en relation avec celui-ci : le Seigneur peut se tourner vers nous et répondre à notre recherche. Il peut se manifester à nous, connue nous l’apprend la Bhagavad-gītā, décrivant la vision d’Arjuna. Il peut accomplir notre désir de bonheur, en nous accordant la félicité du salut, la jouissance de sa présence. Sa grâce, prasāda, toute-puissante, peut nous libérer définitivement du cycle des renaissances.19 Si nous avons compris cela, nous pouvons entreprendre avec confiance la recherche à laquelle nous invite l’Ecriture, sûrs qu’elle nous promet un but accessible, non par nos seules forces mais par la faveur d’un Dieu tout-puissant.20
6Cependant une telle promesse peut rester sans effet : tous ne l’entendent pas, et parmi ceux qui l’entendent tous ne désirent pas le salut. L’injonction des textes nous prescrivant la recherche de la connaissance de Dieu appelle une réponse de notre liberté. Elle ne diffère pas en cela des autres vidhi qui nous enjoignent tel ou tel devoir, kārya, et Madhva en examinant la notion de kārya a précisé la liaison des notions d’obligation et de liberté : on ne nomme pas kārya, disait-il, “ce qui ne peut pas ne pas être accompli.”21
7Sommes-nous libres ? Possédons-nous quelque capacité qui corresponde, à notre niveau, à ce svātantrya qui appartient éminemment à Dieu ? Il doit être a priori possible de répondre affirmativement, en s’appuyant sur les principes mêmes avancés par Madhva, puis que nous ne pourrions comprendre le sens de ce terme appliqué à l’Etre Suprême si nous n’en avions quelque notion en nous-même.22 En fait nous connaissons notre liberté comme le fait de suivre notre propre désir, selon la définition déjà donnée, svecchānusāritā. Elle est un caractère propre aux êtres pensants, car c’est la connaissance qui est à l'origine du désir, dit Jayatīrtha.23 Elle requiert également la conscience de soi, l’adhésion au but vers lequel nous porte notre désir, but que nous reconnaissons comme bon ou comme le moyen de notre bien. Lorsque ces conditions sont réunies, je peux dire en toute vérité : icchāmi, je désire, et connaître ce vouloir comme mien. Le sujet pensant n’est pas inerte, il lui appartient de décider qu’un but lui convient, et de mettre en œuvre les moyens nécessaires à sa réalisation. Dans le cas présent les paroles du Veda éveillent en nous un semblable désir, le désir du salut, que nous reconnaissons pour bon, et reconnaissons pour nôtre, puisqu’il nous porte vers notre bien essentiel.
8Mais ceci suppose que le désir puisse réellement appartenir à notre nature d’êtres spirituels, et une telle position heurte toute une tradition qui, du sāṅkhya à l’advaita, tient le sujet spirituel pour absolument inactif, considérant que toute modification porterait atteinte à sa simplicité, tout mouvement à son immuable transcendance.24 Selon ces écoles, le désir, appartient à la nature du marias : l’expérience en laquelle nous affirmons notre volonté est une illusion, par laquelle le sujet spirituel s’identifie faussement avec son “organe interne”, fait siennes ses modifications, assume ses désirs. La connaissance libératrice discernera ce que l’ignorance avait faussement confondu, rendant le sujet à sa pure essence spirituelle, parfaitement exempte de tout désir. Mais comment prouver que nous sommes victimes d’une telle illusion, demande Jayatīrtha ; la confusion est-elle le fait de l'antaḥkaraṇa ou celui de l'ātman ? Il n’est pas possible d’attribuer à l’organe interne qui est non-spirituel, une illusion qui serait de l’ordre de la connaissance, même en tant que connaissance fausse. Il faut donc supposer que le sujet pensant est source de sa propre illusion : c’est lui attribuer quelque activité ; et s’il en est ainsi pourquoi lui refuser le désir25 ? Nous n’avons par ailleurs aucune raison valable de mettre en doute la connaissance que ce sujet a de lui-même. Lorsque je dis : “je désire”, j’affirme ce que je connais clairement et immédiatement, je me connais comme sujet de mon désir. Nous nous trouvons là en possession d’une très simple et très pure expérience du sākṣin, une expérience “innée”, dit Madhva.26 Si l’on préfère admettre que la lumière intérieure puisse s’obscurcir elle-même, penser qu’elle soit viciée dans son fonctionnement le plus immédiat, autant abandonner dès maintenant tout espoir de certitude. La contradiction de base se retrouve d’ailleurs dans les conséquences : si le désir du salut appartient à l’organe interne, et si le salut est atteint par l'ātman, délivré de ce même antaḥkaraṇa, il en résulte que celui qui est délivré est autre que celui qui désirait la délivrance, et que ce dernier sans le savoir souhaitait sa propre destruction.27
9Ceci ne signifie pas que Madhva rejette la conception traditionnelle qui fait de l'antaḥkaraṇa ou du manas, le siège de nos impulsions diverses. Le manas conserve les traces de nos expériences sous forme de saṃskāra et ceux-ci sont sources de tendances, de désirs, de passions qui font la trame même de notre vie psychique. Mais le sujet pensant connaît le manas et ses vṛtti, ses modifications, comme un objet distinct de lui, une réalité d’ordre matériel et non comme quelque centre de conscience secondaire.28 Les impulsions qui surgissent en celui-ci ne deviennent à proprement parler désirs que si elles sont connues par le sākṣin. Ce dernier, prenant conscience de leur existence, connaissant le but auquel elles nous portent, voyant que leur fin est de nous faire atteindre plus de plaisirs, éviter plus de douleurs, leur donne son adhésion, les reconnaît pour utiles, les reconnaît pour siennes. Le manas est donc bien le support des désirs, mais à la façon dont une cause matérielle, upādāna-kāraṇa, sụpporte ses effets. Il faut affirmer fortement que le désir en tant que tel appartient au domaine du sujet conscient, qui l’assume et doit seul être dit icchāsvāmin, possesseur de ses désirs.29
10Cette souveraineté n’est pas totale certes, et l’expérience de ses échecs nous oblige à aller plus loin. Il existe des conflits intérieurs nous révélant que le sujet spirituel peut avoir lui aussi des désirs qui lui appartiennent en propre.30 A ceux qui refusent à l'ātman la capacité de posséder quelque désir, fût-ce celui de son salut, Madhva oppose l’expérience la plus commune. Ceci apparaît, par exemple, dans les conflits qui surgissent entre le désir d’obéir à la loi, au dharma, et le désir de commettre sous l’empire de la passion un acte répréhensible. Une telle expérience correspond à la connaissance de deux niveaux de l’être, elle n’est pas hésitation entre deux motifs qui se présenteraient alternativement à la conscience. Jayatīrtha insiste sur cette simultanéité, et en donne pour exemple le désir de renoncement : vouloir renoncer à un plaisir suppose au même moment le désir de ce plaisir, sans lequel la notion de renoncement n’aurait aucun sens ; comme il est impossible cependant qu’une impulsion et l’impulsion contraire coexistent en un même support, il faut admettre que l’une est impulsion de l’être psychique, connue par le sākṣin, et que l’autre est un désir propre au sākṣin.31 Il suffit de quelques expériences de ce genre pour avoir le droit d’affirmer une dualité de plans qui met en évidence la liberté du sujet spirituel et sa vie propre capable de faire échec aux tendances portées par le manas.
11Il est de fait que cette liberté est plus souvent potentielle qu'actuelle,32 La conscience que nous en avons, cependant, suffit à nous faire sentir la servitude de notre condition. Notre effort pour atteindre le plaisir et fuir la douleur est fréquemment entravé, et nous sommes souvent cause de notre propre malheur.33 Si, apercevant quelque relation entre vertu et bonheur, confirmés en cette croyance par les textes, nous nous efforçons d’obéir aux prescriptions du dharma afin de nous préparer des récompenses plus solides en ce monde ou en d’autres, nous ne tardons pas à éprouver l’insuffisance d’un tel espoir. L’Ecriture elle-même nous apprend que le fruit obtenu, proportionnel à nos efforts, restera limité et temporaire. Nous voyons d’autre part qu’il nous est impossible d’observer toutes les prescriptions sans la moindre défaillance : tant que nous sommes dans le saṃsāra, dit Madhva, nous ne pouvons être sans péché.34 Nous ne pouvons mettre ici notre recours dans les prāyaścitta, les rites de réparation que prévoient les textes en vue d’effacer nos manquements conscients ou inconscients, car ces rites ne peuvent avoir qu’un effet limité, incapable de nous purifier du poids infini des fautes accumulées de vies en vies depuis un temps sans commencement. Et d’autre part comment être certain d’éviter tout manquement dans la réparation elle-même ?35 Notre expérience foncière est celle de notre impuissance : nous sommes dans une condition telle que nous ne pouvons-nous procurer à nous-même ce que nous savons être notre bien.36
12Ainsi, même si la réflexion philosophique ne venait pas confirmer la réalité du monde de la perception,, l'expérience de la douleur et de l'impuissance suffirait bien, à elle seule, à nous en convaincre. Nous nous connaissons comme asservis par un lien réel, bandha, à une condition dont nous subissons sans cesse les contraintes, et dont nous ne pouvons-nous affranchir par nos seules forces. Nous savons en particulier que nous sommes assujettis aux alternances des trois avasthā, veille, rêve, sommeil profond, qui correspondent à des états divers de notre corps psychique, et manifestent chacun à leur manière que celui-ci constitue le nœud même de la relation du sujet pensant à son corps et à l’ensemble du monde, selon des lois qui lui sont propres et qui échappent partiellement à un contrôle conscient. La réflexion sur l’état de sommeil avec rêves est éminemment révélatrice : nous ne sommes pas les auteurs d’un tel spectacle et des sentiments qu’il nous inflige, un Autre dirige ce monde d’images, dont la matière seule est fourme par notre expérience passée.37 A partir de là nous commençons à concevoir le bandha comme l’instrument d’une Cause supérieure qui l’utilise pour conduire nos destinées comme pour conduire nos rêves, nous faisant éprouver joie et souffrance, au gré de sa volonté. Si les événements de nos vies manifestent comme une loi de justice immanente, il n’est pas possible de l’imputer comme le voudraient les mīmāṃsaka au karman, à la seule force des actes, et à leur pouvoir automatique de rétribution nommé l'adṛṣṭa, “l’invisible”, car, dit Madhva, le karman est matériel et ne peut par lui seul produire ses effets.38 Pour qu’il agisse, devienne cause d’émotions et d’épreuves diverses, d’états agréables ou pénibles de notre être physique et psychique, il faut qu’il puisse être utilisé comme un instrument par une Cause consciente. Ainsi s’éveille la pensée d’un Etre qui dirige nos vies et qui est cause de notre propre corps.39 Nous commençons à le concevoir comme omniscient, puisqu’il connaît tout notre passé, toutes les traces laissées en nous par une expérience sans commencement, et qu’il peut agir sur les ressorts les plus secrets de notre conscience, pour y déclencher pendant nos rêves comme au cours de notre existence éveillée, les joies et les peines qui sont le fruit de ce passé.40 Ainsi de l’intérieur, à partir de l'expérience de notre servitude,41 s’ébauche l’idée d’un Etre tout-puissant auteur du lien réel qui nous enchaîne à un monde réel, seul capable de défaire ce que lui-même a fait, seul capable de nous libérer. Ceci ne signifie pas que nous soyons aptes à prouver l’existence de Dieu par notre seul raisonnement, en nous passant de la Śruti,42 mais la réflexion sur notre expérience la plus vitale rejoint renseignement révélé, nous en fait sentir plus fortement la vérité, renforce en nous le désir de salut sans lequel nous resterions insensibles à son invitation.
13Si les actes sont incapables de nous procurer le salut par eux-mêmes ceci ne signifie pas que nous devions les considérer comme inutiles. Ils ont le pouvoir de purifier l’organe interne, en apaisant les impulsions désordonnées, au fur et à mesure qu’ils renforcent les saṃskāra conformes au dharma : ils favorisent donc la connaissance en écartant les désirs contraires au désir du salut.43 L’aspirant, l'adhikārin, apte à entreprendre la recherche par excellence, est donc d’abord celui qui s’acquitte de toutes ses obligations, sociales et rituelles à la fois, selon les règles qui régissent la société hindoue, A aucun moment il ne doit se considérer comme dispensé de telles règles : même le jñānin, qui a eu la vision de Dieu, n’est pas au-delà des obligations du culte ; il accomplit la même pūjā que celui qui n’a pas reçu un tel don, mais en sachant par expérience intime que tous ses actes ont pour raison d’être la reconnaissance de la grandeur divine.44 Les actes, dit Madhva, produisent une grâce inférieure, qu’il distingue de la prasāda, de la grâce proprement dite, en l’appelant anugraha, faveur.45 C’est à cette faveur, et non aux actes seuls, qu’il faut attribuer l’effet bénéfique de l’observance du dharma. C’est cette faveur qui permet la renaissance dans une bonne famille, dispose à accueillir la parole védique, éveille le désir de connaître sa signification.
14L’accomplissement du dharma favorise le détachement, vairāgya, qui est la condition préalable à la recherche spirituelle, par le rejet volontaire des buts inférieurs de l’existence humaine, le plaisir et la richesse, kāma et artha. Jayatīrtha remarque qu’un certain renoncement peut se produire même chez ceux qui ne désirent pas la connaissance de Dieu. Sans doute pense-t-il aux prouesses des yogin athées. Mais le seul dégoût des misères du saṃsāra n’est pas encore le véritable vairāgya : comme le dit Madhva, le détachement supérieur provient de la prise de conscience de la supériorité des perfections du Seigneur46. Il est donc déjà un des aspects de la dévotion qui se développera chez l’aspirant à mesure qu’il connaîtra mieux la perfection divine. Il est remarquable que Madhva ne donne pas au yoga, et à ses exercices de détachement, un statut propre sur la voie du salut. Il se contente de poser deux stades : le vairāgya, encore négatif et qui n’est qu’une préparation, et l'upāsanā, qui est la recherche proprement dite, l’approche positive, laquelle se poursuit jusqu’à l’obtention de la vision. L'upāsanā a deux formes, l’une inférieure consiste dans l’étude des textes, śāstra-abhyāsa, répétition par laquelle on les assimile progressivement ; l’autre supérieure, qui consiste en contemplation, dhyāna.47 Les exercices de yoga, concentration etc., sont des “auxiliaires” de la forme supérieure d’upāsanā : ils ne représentent pas une méthode indépendante, précise Jayatīrtha ; ils font partie de la contemplation qu’ils favorisent, mais n’existent pas sans elle. Le vrai détachement est ainsi la contre-partie d’une expérience positive, la connaissance d’un Objet devant lequel s’effacent tous nos autres attachements. L’effort de même disparaît aux stades supérieurs : la concentration, dhāraṇā, dit Madhva, produit une présence intermittente de son objet, la contemplation, dhyāna, l’évoque de façon continue mais le samādhi est “sans effort”.48 Une telle position semble en accord profond avec l’intuition, et sans doute l’expérience, fondamentale de Madhva, celle de la toute-puissance divine et de la toute-puissance de la grâce divine, qui ne peuvent être enchaînées par les techniques spirituelles.
15Le terme upāsanā signifie une approche pleine de révérence, l’approche d’un être que l’on veut servir et honorer. Il signifie donc dès l’abord une recherche pénétrée de la grandeur de Dieu. C’est en découvrant qu’il est l’auteur de tout, en le connaissant comme l’auteur de notre être, que nous prenons la décision de chercher à le connaître. Mais déjà nous avons le sentiment de la proximité divine : Madhva dit que l'upāsanā se produit après que nous ayons connu le Seigneur comme “‘auteur de notre corps” et réalisé “sa paternité”.49 Respect, amour et confiance contribuent à un engagement personnel : “que me faut-il faire ?” se demande l’aspirant, et l’Ecriture lui répond : “c’est l'upāsanā qu’il faut pratiquer, sans interruption et avec zèle”.50 Elle lui en indique aussi les moyens : le Brahman “doit être vu, étant à connaître pas l’audition, la réflexion, la contemplation”.51 Tels sont les trois degrés traditionnels de la recherche spirituelle. Le premier, l’audition, śravaṇa, permet de recevoir la matière même de l'enseignement révélé. Il introduit l’aspirant à la connaissance des textes. Sauf cas exceptionnels celui-ci ne peut y avoir accès par lui seul ; le guru, le maître spirituel est indispensable : d’une part, le guru présente à son disciple les textes sous leur forme exacte, de l’autre il lui en explique l’interprétation correcte. Mais son aide ne s’arrête pas là : il connaît les capacités de son disciple et détermine les temps favorables à son effort d’étude puis de méditation.52 Il a enfin un pouvoir propre, “la grâce du guru” : par les mérites qu’il a acquis il peut favoriser les progrès spirituels de son disciple,53 qui apprend envers lui une attitude de déférence et d’obéissance analogues à celle qu’il doit acquérir vis à vis du Seigneur. Il a aussi par ces mêmes mérites un redoutable pouvoir de malédiction, qui peut entraver gravement le progrès de qui le mécontenterait. Madhva avertit de bien choisir son guru, de ne jamais quitter un guru supérieur pour celui qui lui serait inférieur, et de ne jamais quitter son maître pour un autre de même valeur sans avoir au préalable obtenu sa permission. Mais la vie spirituelle peut avoir ses exigences propres : il est permis, il est même obligatoire, de quitter un guru inférieur pour un meilleur maître, et dans ce cas il n’est pas nécessaire de prendre la permission du premier.54
16Le second temps, manana, est un stade de réflexion sur les textes. C’est une investigation de leur contenu, qui rapproche, compare, interprète les formules. Elle vise à découvrir l’unité de sens de tout le Veda, le samanvaya, l’harmonie totale de tous ses enseignements. Le manana prolonge donc le śravana par une méditation des textes entendus, répétés, assimilés.55 Il est de ce point de vue part de cette forme première d’upāsanā, que Madhva appelle śāstra-abhyāsa, pratique des textes. Par ailleurs il prépare la contemplation proprement dite : la méditation du sens des Ecritures rend de plus en plus présente à l’esprit la grandeur du Seigneur dont tous les textes décrivent les attributs, et elle nous fait entrevoir quelque chose de la réalité “merveilleuse” vers laquelle ils convergent. L’esprit comme porté par eux n’aspire plus qu’à se fixer sur cette réalité, prenant pour appui l’une ou l’autre des formes divines proposées par les Ecritures. Ainsi la méditation conduit à la contemplation, sans perdre contact avec le Veda qui reste le seul moyen de connaître le Brahman.56 Elle forme le lien qui établit une continuité entre les deux formes de l'upāsanā. L’on comprend que Madhva parle ainsi de deux stades de la vie spirituelle, là où la tradition en reconnaissait trois, lorsque Jayatīrtha déclare que le manana n’est que un autre nom de la jijñāsā, du désir de connaître57 : dans la réalité concrète du développement spirituel, ce désir existait dès le premier stade et ne disparaît pas avec le stade supérieur.
17La contemplation n’est pas la vision : elle la prépare mais ne la produit pas directement. Si le Dieu que nous cherchons à atteindre est souverainement libre, ce ne sont pas nos efforts de connaissance qui pourront nous procurer la vision divine.58 La connaissance immédiate de Dieu n’est possible que par sa grâce :59 “A celui qu’Il choisit...Il dévoile sa forme”, dit la Kaṭha-Upanisad.60 Même la vision des délivrés, des mukta, connaît des fluctuations, semblables “aux vagues de l’océan” dit Madhva. Que dire de celle que peuvent obtenir les êtres encore soumis au saṃsāra ? Elle naît comme jaillit une flamme d’un brasier, elle apparaît à notre vue, obscurcie par l’élément tamasique, comme la lumière fugitive d’une luciole. Il n’est pas étonnant que même ceux qui ont entrevu quelque lumière divine divergent dans leur enseignement, et se trompent sur la nature du salut.61 Madhva, conscient sans doute encore du petit nombre de ses adeptes, leur conseille de se mettre seuls à la méditation, pourvus des principes de la vraie philosophie, plutôt que de suivre un guru dont la doctrine ne serait pas sûre.62 La route est difficile et austère, au-delà même de ce que nous pouvons imaginer63 mais nous ne devons jamais abandonner la contemplation notre seule sauvegarde : car nous sommes toujours en contact avec les objets des sens qui réveillent les désirs du manas, et par celui-ci, de nouveaux doutes renaissent sans cesse.64
18La vision directe n’est pas encore le salut, mais elle en est l’anticipation, nous donnant l’espoir d’obtenir cette faveur suprême. Une analogie très simple nous aide à le comprendre. N’arrive-t-il pas qu’un prisonnier, accablé par une condamnation, cherche à voir le roi, obtienne finalement qu’il consente à l’admettre en sa présence, et n’arrive-t-il pas que le roi “apaisé par sa vue” le fasse libérer de ses chaînes ? Le roi peut détruire un emprisonnement qui a commencé dans le temps, le Seigneur a la puissance de défaire un lien qui n’a pas eu de commencement. Une réalité sans commencement requiert une destruction radicale, une “destruction de son essence même”,65 et seul le Dieu de qui dépendent toutes les essence propres, peut supprimer l’essence de ce bandha qu’il a lui-même voulu.66 Il peut délivrer le jīva du liṅga-śarīra, lien qui l’enchaîne au saṃsāra, et l'établir définitivement dans une condition nouvelle “auprès de lui”, “en sa présence”.
19Mais un tel espoir ne reste-t-il pas bien lointain ? Au bout de combien d’efforts parviendrons-nous à la vision directe, prélude à la libération, et dont Madhva dit lui-même qu’elle est si rarement et difficilement donnée en ce monde ? C’est ici qu’intervient une expérience de grand prix : au fur et à mesure que nous progressons dans la connaissance de Dieu, nous éprouvons plus vivement le désir de salut qui avait suscité le début de notre quête. Ce désir se précise en un sentiment de plus en plus fort, de plus en plus profond, qui se porte vers l’Etre dont nous connaissons mieux, par le Veda, les innombrables perfections. Un tel sentiment a un nom : c’est la bhakti, la dévotion, que Madhva définit comme “un attachement”, sneha, “précédé de la connaissance de la grandeur de Dieu”.67 Puisque nous ne pouvons connaître Dieu que dans la mesure où il se manifeste à nous, la croissance de la bhakti en nous dépend de la grâce divine ; elle l’appelle en retour car le Seigneur n’est pas apaisé par notre seule connaissance, mais par cet amour qui rend hommage à ce qu’il est, reconnaît sa grandeur, et reconnaît aussi la faveur qu’il nous a faite en se laissant connaître de nous. Connaissance et amour croissent donc l’un par l’autre68 : l’amour est au principe, sous la forme de ce désir du salut qui se porte de façon encore vague vers un bien suprême ; il est au terme, car le salut est la jouissance du même bien connu comme la Personne divine elle-même.69 Le désir qui appartient à l'ātman, et fait partie de sa forme propre, ne peut être aboli comme le sont les désirs inférieurs par l’atteinte de son but : la bhakti est la plus haute forme de cette aspiration et elle croît avec la satisfaction du désir de connaissance qu’elle a elle-même engendré. Dans le salut, un tel désir est comblé, à la mesure des capacités propres à chaque jīva, mais il n’est pas annulé, car le jīva est celui qui a “la vie”, jīvana, et l’absence de désir équivaudrait à la mort. La “paix” de la délivrance ne consiste pas, dit Madhva, dans la suppression des désirs mais dans le fait d’être “fixé” en Dieu.70
20C’est pourquoi Madhva dit, de façon très profonde, que la bhakti est à la fois moyen et fin. Elle est le plus haut moyen, celui qui seul nous fait progresser en connaissance, parce que seul capable de nous obtenir la faveur divine. Mais elle est aussi sa propre fin, parce qu’elle se suffit d’elle-même, et porte en elle son fruit.71 Ce fruit c’est la félicité, ānanda,72 qui sera pleinement manifestée par la délivrance, mais qui, dès le premier moment, est présente à chaque étape du progrès spirituel. C’est ce que dit Jayatīrtha lorsqu’il décrit l’éveil du désir de salut : “pour celui-ci, le Veda tout entier, est comme un parent digne de foi qui lui enseigne la nature (de Dieu) comme étant son objet premier. Alors rempli de la plus grande félicité en comprenant le sens de telles paroles, il se prend de la passion de l’atteindre directement”.73 Quand la bhakti se développe, elle porte en elle une si profonde jouissance qu’elle tend à faire disparaître tout autre attachement et devient comme un besoin constant de l'âme. Jayatīrtha commentant la définition donnée par son maître écrit : “la dévotion envers le Suprême Seigneur, c’est un courant continu d’amour, précédé de la connaissance des qualités qu’il possède, qualités sans mesures et sans fin, irréprochables et splendides ; cet amour dépasse de beaucoup celui que nous avons de nos biens et de nous-même, et il ne pourrait être arrêté par des milliers d’obstacles”.74 Un tel degré de bhakti, ajoute-t-il, se rencontre seulement chez celui qui a déjà obtenu la vision divine, et il annonce le salut. Mais il est possible de penser que chaque degré de bhakti porte en lui comme une semblable promesse, anticipation de la félicité ultime.
21Ainsi l’espoir suscité par les paroles du Veda n’est pas vain, et dès que nous sommes engagés sur la voie du salut,75 nous commençons à en expérimenter le fruit. Ceci ne revient cependant pas à dire que c’est cette expérience qui nous assure de la vérité du Veda : ce serait en effet revenir au critère pragmatique, que les mādhva ont écarté. Aussi s’en défendent-ils : le Veda est vrai, comme tout autre pramāṇa, parce qu’il nous fait connaître son objet tel qu’il est. Ceci doit être dit de tout langage qui atteint son résultat quand il fait connaître son objet indépendamment des conséquences qu’une telle connaissance pourrait avoir pour nous. Mais dans le cas du Veda, langage parfait, la connaissance et son fruit ne peuvent être dissociés : le Veda n’a qu’un objet, et il nous enseigne que la connaissance de celui-ci est notre unique but.76 Au fur et à mesure que nous avançons dans la vie spirituelle, notre expérience nous donne la relation de plus en plus étroite du vrai et du bon, par la joie même que nous éprouvons à connaître Dieu tel qu’il nous est enseigné et tel qu’il est. Il se produit donc comme une vérification progressive de cet enseignement, mais ceci ne revient pas à mesurer la vérité à notre expérience subjective. Si nous n’avions pas compris au préalable, de façon globale mais certaine, que le Veda avait une autorité intrinsèque, svataḥ, nous n’aurions jamais entrepris cette recherche et nous n’aurions jamais commencé à en goûter les fruits.
Notes de bas de page
1 N.S., I. 1. 9 (p. 43a) tad vijijñāsasva tad brahmetyādiśrutāvoṁkārabrahmaśabdau jijñāsye vastuni śrūyete/tābhyāṃ ca tatsakalajīvajaḍātmakāt prapañcād vilakṣaṇam avagamyata iti/“dans le texte qui dit : celui-ci cherche à le connaître, c’est lui le Brahman, etc., les mots om et brahman sont donnés comme s’appliquant à une réalité qu’il faut chercher à connaître. Par eux l’on conçoit qu’elle est différente de ce monde composé de toutes les réalités spirituelles et matérielles”. Ibid., : anantānavadyakalyāṇaguṇapūrṇataivauṅkārasyārthaḥ/ bramaśabdasyāpi sa evārthaḥ/bṛhater vṛddhyarthasya khalvetad rūpam/ “le sens de la syllabe om c’est la plénitude de qualités infinies irréprochables et bonnes, et c’est aussi le sens du mot brahman : celui-ci est en effet une forme de bṛh qui signifie croissance” ; tad etāvoṅkarabrahmaśabdāvapi yaugikau jijñāsyam anantaguṇaparipūrṇaṃ pratipādayantau jīvajadayos tadayogāt tadvyatmkiam eva kiñcid gamayataḥ/taccāviditatvāt sambhavati jijñāsāviṣayah/“ainsi comme ces deux termes, la syllabe om et le mot brahman, interprétés étymologiquement, enseignent que ce qui est objet d’investigation est une plénitude absolue de qualités infinies, ils font comprendre qu’il existe quelque réalité autre que les sujets spirituels et la matière, puisqu’ils ne peuvent leur être appliqués. Et celle-ci étant inconnue peut être objet du désir de connaître.” Le mot om se rattache en effet, pense Madhva, à la racine AV qui signifie tisser. Cf. A.V., I. I, 9 : otativavācī hyoṅkāro vaktyasau tadguṇotatām “la syllabe om exprime en effet le fait d’être tissé, elle énonce que le Brahman est la contexture de ses perfections”.
2 N.S., I. 1. 10 (p. 43b) bhūmā pūrṇatvam../“bhūman signifie plénitude...”
3 A.V., I. I. 153 [5] (p.7a) adbhutatvād avācyaṃ tad atarkyājñeyam eva ca/anavtaguṇapūrṇatvād ityūde paiṅgināṃ śrutiḥ/“c'est parce qu’il est merveilleux qu’il est inexprimable, et s’il est dit au-delà du raisonnement et de la connaissance, c’est parce qu’il est la plénitude des qualités infinies, a dit la Śruti des Paiṅgin”.
4 N.S., I. I. 9 (p. 43a) na ca tatrāpi guṇapūrṇatā viruddhā/prāk pratīter nirāśrayasya virodhipratyayasyānutthānāt/pratītyā caivam eva siddhatvāt/“Et ici la plénitude des qualités n’est pas contredite, parce que ne peut naître la représentation de quelque chose de contradictoire, laquelle n’aurait pas de support, avant que l’on ait la représentation (de ce qu’elle contredit) et parce qu’elle se trouve établie ainsi par cette même représentation”.
5 N.S., I. 1. 45 (p. 223a) mukhyeṣṭatvaṃ bhagavato’stītyatra sambhāvanaivoktā kutaḥ pramāṇāt tanniścayaḥ../na kevalaṃ sambhāvanā śrutiścātrāsti.../“en disant que le Bienheureux est le souverain bien, on déclare une possibilité : comment assurer cela par pramāṇa ?... Ce n’est pas seulement une possibilité : ici, nous avons aussi la Śruti”.
6 A.V., I. I. 127 [5] (p. 6a) ātmabrahmādayaḥ śabdāḥ sākṣāt pūrṇābhidhāyinaḥ “les mots ātman, brahman signifient directement le Plein”.
7 Tai.U., II. I.
8 Tai. U. II. 5.
9 A.V., I. I. 145 [5] (p. 6b) tasmācchāstreṇa jijñāsyam asmadīyaṃ guṇārṇavam/vāsudevākhyam advandvaṃ paraṃ brahnākhilottamam/ “Il est donc celui que l’on cherche à connaître par les Ecritures, notre océan de perfections, nommé Vāsudeva, sans second, le suprême Brahman, supérieur à tout”.
10 Cf. IIe part. ch. 3, note 3 p. 182.
11 A.V., III. 2. 208 ss. [15-16] (p. 46a) ato ’nantaguṇātmaiko bhagavān eka eva tu/ucyate sarvavedaiśca te cākhilavilakṣanāh/sarve sarvaguṇātmānaḥ sarvakartāra eva tu/tathāpi saviseṣāśca/ “ainsi le Bienheureux, unique essence de qualités infinies, et un lui-même, est dit par tous les Veda ; et ses (qualités) diffèrent de toutes autres. Toutes ont pour essence toutes ses qualités et toutes sont tout-agissantes, bien qu’étant elles aussi spécifiées”.
12 Cf. ch. précédent, note 3 p. 237.
13 Mu. U. Bh., I (p. 1a) na viṣṇoḥ sadṛśam kiñcit paramaṃ cāpi manvate/sarvottamaṃ taṃ jānantas te hi bhāgavatottamāḥ/“ils pensent qu’il n’y a rien de semblable à Viṣṇu, et certes rien de supérieur à lui, car, le connaissant comme plus éminent que tout, ils sont, eux, les plus éminents bhāgavata”. Cf. Introduction n. 1 p. 15.
14 A.V., II. 2. 20 [1] (p.23a) svecchānusāritāṃ eva svātantryaṃ hi vido viduḥ/“les sages savent que le fait d’être dépendant de soi c’est le fait de suivre sa propre volonté”.
15 N. S., II. 1. 115 (p. 254b) īśvarah sakalaguṇapūrṇah sarvadoṣadūraśca/svatantratvāt/“le Seigneur est plénitude de toutes les perfections, et éloignement de tout défaut, parce qu’il est svatantra”.
16 T.S., p. 1b. Jayatīrtha commente (T.S.ṭ., p. 2a) svarūpapramitipravṛttilakṣaṇasattātraividhye parānapekṣam svatantram/parāpekṣaṃ asvatantram/“le svatantra est ce qui ne dépend pas d’un autre dans les trois formes de son existence, caractérisées comme essence propre, connaissance, activité ; l'asvatantra est ce qui dépend d’un autre”.
17 A.V., III. 3. 83 [1] (p. 45b) svatantratvaṃ sadā tasya tasya bhedaśca sarvatdḥ/
18 N.S. ibid., (p. 28a) svatantratvaṃ svādhīnasattvādimattvam/
19 A.V., I. 1.1. 15 [1] (p. 2a) ajñānām jñānado viṣṇur jñānināṃ moksadaśca saḥ/ānandadaśca muktānāṃ sa evaiko janārdanaḥ/“aux ignorants Viṣṇu donne la connaissance, à ceux qui le connaissent il donne la délivrance, et c’est lui le seul Janārdaṇa qui donne la félicité aux délivrés”.
20 B. S. Bh., I.1.1. yato nārāyaṇaprasādamṛte na mokṣaḥ na ca jñānaṃ vinātyarthaprasādaḥ ato brahmajijñāsā kartavyā/“puisque sans la grâce de Nārāyaṇa il n’est pas de salut, et que sans connaissance n’est pas obtenue la grâce ultime, pour cette raison doit être faite la recherche de la connaissance du Brahman.”
21 Cf. chapitre précédent, n. 2 p. 236
22 A.V., III. 2. 74 [1] (p. 40b-41a) āgamo’pi hi sāmānye siddhe pratyakṣataḥ punaḥ/ viśeṣaṃ gamayed eva kathaṃ śaktigraho’nyathā/“même l’Ecriture en effet, ne peut apporter une connaissance précise que si son sens global est auparavant connu à partir de notre expérience : autrement comment comprendrait-on la signification de ses mots ?” cf. aussi N.S., II. 1. 80 (p. 184a) na sarvathāpīśvaré’numānasya prāmānyam sūtrakṛtā nirākṛtam/kinnāmāgamānanugṛkītasya/..anyathā vedavākyārthe yuktyanusandhānarūpajijñāsāṃ nārabheta/ “l’auteur des sūtra ne refuse pas en tous les cas validité au raisonnement portant sur le Seigneur, mais uniquement à celui qui ne serait pas aidé par le secours des textes... autrement il n’inciterait pas au désir de connaître qui consiste en une réflexion raisonnée du sens des paroles du Veda”.
23 A.V., II. 2. 20 [1] (p. 23 a) kuta icchācetanasya secchaṃ cet kim acetanaṃ/ “Comment ce qui est non-spirituel aurait-il le désir, et s’il est pourvu de désir pourquoi serait-il non-spirituel ?” N.S., ibid. : jñānām eva hīcchāyā janakam ityarthaḥ/“le sens est : c’est la connaissance en effet qui produit le désir”.
24 N.S., II. 2. 21 (p. 26b) ātmā hi nityo nirvikāraścaitanyamātravapur na tasyecchādikartṛtvamāgantukaṃ sambhavati/“car l'ātman est éternel, sans modes, pure forme de spiritualité : il ne peut posséder des attributs d’activité tel le désir, qui seraient temporaires”.
25 N.S., ibid. : vyavahāro’pi kim ātmana utāntaḥkaraṇasya/nādyaḥ/tasya nirvikārasya vyavahārakriyānupapatteḥ/upapattau vā kim icchayāparāddham/dvitīye ’nyagatena bhedāgraheṇānyasya vyavahāraścet kathaṃ sa na ghaṭasya syāt/“Est-ce que cette façon de juger appartient à l'ātman ou à l’organe interne. Le premier cas est impossible : car celui-ci étant (supposé) sans modes ne peut avoir une activité telle qu’un jugement pratique ; et s’il le peut pourquoi lui refuser le désir ? Dans le second cas, si le jugement de l’un est dû à une absence de saisie de différence, qui relèverait d’un autre, pourquoi ne relèverait-il pas d’une cruche ?”
26 A.V., II. 2. 21 [1] (p. 123a) icchāmyaham iti hyeva nijānubhavarodhataḥ/ “parce que ceci est en accord avec l’expérience innée qui affirme : c’est moi qui désire”. Jayatīrtha commente : nijānubhavaḥ sākṣyanubhavaḥ/aham icchāmiti tāvad icchātmasambandhinī sākṣiṇānubhūyate/na ca sā dvikartṛkā sambhavati/kvāpyekasya vyāpārasya dvikartṛkatvānupalambhāt/“une expérience innée, c’est-à-dire une expérience du sākṣin. Pour autant que lorsque je dis ‘je désire’ le sākṣin a l’expérience du désir comme lié au sujet même. Et il n’est pas possible que ce désir possède deux agents ; car on ne saisit jamais une double activité dans une opération unique”.
27 A.V., II. 2. 29 [1] (p. 23a) mokṣakāmo bhaved anyo yadi muktād bhaviṣyataḥ/mokṣakāmasya kiṃ tena svanāśārthaṃ ca ko yatet/“Si celui qui a le désir du salut est autre que celui qui existera dans le salut pourquoi désirerait-il le salut et qui ferait effort en vue de sa propre destruction ?”
N.S., ibid., (p. 40a) yadi kāmo’ntaḥkaraṇakartṛkaḥ syāt tadā mokṣakāmo’pyantaḥkaraṇasyaiva syāt/mokṣas tvātmana iti ca prasiddham/“si le désir avait pour auteur l'antaḥkaraṇa, alors le désir du salut, lui aussi, appartiendrait à l'antaḥkaraṇa : mais il est bien certain que c’est à l'ātman qu’appartient le salut”.
28 A.V., II. 2.22 [1] (p. 23a)..mano ma iti bhedataḥ/manaso’pi gṛhītatvāt.../“parce que le manas lui-même est saisi comme différent (du sujet) lorsque l’on dit ‘mon manas’”.
N.S., ibid., (p. 30a) kena punaḥ pramāṇena mano gṛhyate/ sākṣiṇeti vadāmaḥ/ “quel est donc le pramāṇa qui saisit le manas ? nous disons que c’est le sākṣin
29 A.V., II. 2. 25 [1] (p. 23a) dvaividhye’pi tu kāmādeḥ kutaḥ svāmitvam ātmanaḥ/ sākṣādanubhavārūḍhaṃ śakyate’podituṃ kvacit/ icchāsvāmitvam evoktam icchāvattvaṃ na cāparam/ “Bien que le désir soit de deux sortes, comment la souveraineté de l'ātman, enracinée dans une expérience immédiate, peut-elle jamais être niée ? Parler de souveraineté sur les désirs, c’est dire qu’il possède des désirs : il n’y a pas d’autre sens”.
N.S. ibid. (p. 36b) satyaṃ kāmo dvividha ātmadharmo manovṛttiśceti/ tatra manovṛttim api kāmaṃ pratyātmana eva svāmitvaṃ na manasaḥ/ ahaṃ kāmaya iti sākṣyanubhavasiddhatvāt/ manasas tu kāmaṃ pratyupādānatvam eva/ “Il est certain que le désir est de deux sortes, l’un attribut de l'ātman, l’autre modification du manas. Cependant même par rapport au désir qui est modification du manas, la souveraineté appartient à l'ātman, non au manas, comme l’atteste l’expérience du sākṣin : c’est moi qui désire. Mais le manas, par rapport au désir est la cause matérielle”.
30 N.S., II. 2. 23 (p. 29a) dvividho hi kāmo’sti/eka ātmadharmo’paro’ntaḥkaraṇadharmaḥ/ “en effet le désir est de deux sortes ; l’un est attribut de l'ātman l’autre est attribut de l'antaḥkaraṇa”.
31 N.S. ibid. : asti tāvad āstikakāmukasya puruṣasya srakcandanavanitādāvidaṃ me syād ityekataḥ kāmaḥ/ anyatas tyajeyam iti/ na caika evāyam/ viruddharūpatvāt/ na ca dvāvapi manodharmau/ yaugapadyāt/ yugapat sajātīyadharmajananāyogāt/ na ca yaugapadyaṃ nāsti/ anubhavasiddhatvāt/“Il existe en effet chez un homme pieux et attaché aux désirs de guirlandes, de santal, de femmes, d’une part un désir disant ‘puissé-je posséder ceci’, de l’autre le désir qui dit ‘il me faut y renoncer’. Et ce n’est pas un seul et même désir, puisque les natures de ces désirs sont opposées. Et ils ne sont pas non plus tous les deux des attributs du manas, parce qu’ils sont simultanés ; car il ne se peut que se produisent au même moment des attributs de même ordre. Et il ne faut pas dire qu’il n’y a pas simultanéité, parce que c’est attesté par l’expérience”.
32 A.V., II. 2. 27 [1] (p. 23a) kiñcit tadvaśagatve’pi svāmitvaṃ lokavad bhavet/“Même si la dépendance vis à vis de celui-ci est partielle, on peut parler de pouvoir, comme on le fait en ce monde”.
33 A.V., III. 4. 28 [4] (p. 55a) apāpatvaṃ ca naivāsti yāvat saṃsāram asya hi/ārabdhapāpam astyeva duḥkhaṃ ca jñānino’pi hi/“Tant qu’il est dans le saṃsāra il ne peut être sans péché. Même le jñānin en effet subit le péché qui a commencé à porter ses fruits, et la douleur également”.
34 B.S. Bh., II. I. 22 jīvakartṛtvapakṣe hitākaraṇaṃ ahitakaraṇaṃ ca na syāt/ “Si le jīva possédait la faculté d’agir (par lui-même) il n’aurait pas impuissance à atteindre son bonheur, pouvoir de faire son malheur”.
35 N.S., III. 3, 180 (p. 81a) nāpi niṣiddhākaraṇaṃ sambhāvitam/ prāmādikānāṃ mānasavācikakāyikānām aparihāryatvāt/ prāyaścittāt tatkṣaya iti cenna/ prāyaścittasyāpi samyaganuṣṭhātum aśakyatvāt/ “et il n’est pas possible de ne pas commettre d’infractions, parce qu’on ne peut éviter les négligences qui proviennent du manas, de la parole ou du corps. On les efface par les réparations, dira-t-on. Non, parce que cette réparation elle-même ne peut être exactement accomplie”.
36 A.V., I. 1. 100 [2] (p. 5a) hitākriyādidoṣaṃ ca vakṣyatyeva svayaṃ prabhuḥ/ “le maître par lui-même (Vyāsa) dira assurément quelles sont les imperfections (du jīva) telles que le fait de ne pouvoir se procurer son bien etc.”.
37 Cf. Ie part. ch. 4.
38 B.S. Bh., III. 2. 39 ata eveśvarāt phalaṃ bhavati/ na hyacetanasya svataḥ pravṛttir yujyate/ “Ainsi le fruit n’advient que par le Seigneur, car ce qui est inconscient ne peut avoir d’activité par soi-même”.
39 N.S., I. 1. 55 (p. 228a) yo hi sāttvikaprakṛtir lokapravādāt kāryatvādiliṅgānusandhānād vā svatanubhavanādeḥ kartāraṃ sāmānyato jānan snehamāhātmyajñānābhyāṃ tadviśeṣajñānārtham utkaṇṭhitamānasas tatsaṃkāravaśāccānyad agaṇayan variate/ taṃ pratyāpto bandhur ivāyaṃ samasto vedas tatsvarūpaṃ svapradhānam eva pratipādayati/ tato vakyārthajñānād avāptaparamānandas tatsākṣātkāraṃ kāmayate/ taṃ prati tadupāsanā vidhīyate/ sā ca prakṣīṇāntaḥkaraṇamalasyaiva sambhavatīti tadarthaṃ karmavidhayaḥ/ athavā yaḥ sāṃsārikavividhaduḥkhaṃ jihāsuḥ paramānandaṃ ca prepsus tatsādhanaṃ jijñāsate/ taṃ prati parameśvara eva prasannaḥ parameṣṭasādhanatayopadiśyate/ tataḥ katham asau prasīdatītyapekṣāyāṃ tatsākṣātkāras tadaṅgatayā karmāṇītyubhayathā svapradhāna eva parameśvaro vedārtha iti/“Mais celui dont la nature est pure, soit parce qu’on le lui enseigne, soit parce qu’il réfléchit à des raisons telles que la nature des effets etc., connaît de façon générale qu’il y a un auteur de son corps, du lieu où il réside, etc., et l’esprit possédé de l’attente de le connaître mieux, par l’amour et la connaissance de sa grandeur, sous le pouvoir de cette impulsion se trouve mépriser tout le reste. A celui-ci le Veda tout entier comme un parent digne de foi, apprend que la connaissance de la nature (de Dieu) est son objet premier. Alors, rempli de la plus grande félicité en comprenant le sens de ces paroles il se prend de la passion de le voir directement. Il lui est prescrite l'upāsanā de celui-ci et comme elle n’est possible· qu’à celui dont la souillure interne est diminuée, on lui prescrit les actes. Ou encore, celui qui désire être délivré de la souffrance multiforme du saṃsāra, qui aspire à la félicité suprême, cherche à savoir quel en est le moyen. A celui-ci, il est enseigné que le Suprême Seigneur, une fois gagnée sa faveur, est le moyen du bien suprême. Alors, s’il demande ‘comment gagner sa faveur’, on lui enseigne que c’est en obtenant la vision directe, et que les actes sont des auxiliaires ; dans les deux cas c’est le Suprême Seigneur qui lui est signifié par le Veda comme étant son objet premier” (pour le sens du mot upāsanā, cf. plus bas).
40 B.S. Bh., 1. 3, 42 svapnādidraṣṭṛtvaṃ ca sarvajñatvāt tasyaiva yujyate/“et la qualité de voyant des rêves etc., lui convient parce qu’il est omniscient”.
41 A.V., III. 2. 108 [4-5] (p. 42a) suṣuptibodhamohāṃśca svavaśas tadvaśaṃ sadā/ jīvaṃ nayati jīveśo.../“Lui qui ne dépend que de lui-même, le Seigneur des jīva, régit le sommeil, la veille et l’évanouissement, comme il régit le jīva qui dépend constamment de lui”.
42 Cf. note 1 p. 254
43 N.S., I.1.11 (p. 57b) karmaṇāṃ tvantaḥkaraṇaśuddhidvāreṇa jñānāṅgatvo - papatteḥ../“parce qu’il est possible de considérer les actes comme des membres auxiliaires de la connaissance, par le fait qu’ils purifient l'antaḥkaraṇa
44 G.T.N., III. 22 (p. 15b) nāhaṃ kartā hariḥ kartā tatpūjā karma cākhilam/tathāpi matkṛtā pūjā tatprasādena nānyathā/“Ce n’est pas moi qui agis, c’est Hari, et toutes mes actions sont le culte que je lui rends. Même si c’est moi qui accomplis ce culte, c’est par sa grâce, non autrement”.
Ce passage est une citation du B.T. (par. 99).
45 N.S., I. 1. 11 (p. 57b-58a) karmāder anugrahamātrahetutvenāpi tad vacanaṃ sārthakam/ ../ svargādihetuprasādamātraṃ karmādisādhyam/ karmaṇā tvadhamaḥ proktaḥ prasāda ityādi smṛteḥ/ “Du fait que les actes sont causes d’une simple faveur, il est utile d’en parler... Ce qu’obtiennent les actes etc., c’est seulement la grâce qui est cause de (renaissance) dans un paradis etc., mais la grâce qui est due aux actes est déclarée inférieure, dit la Smṛti”.
46 A.V., III. 3. 7 [1] (p. 46b) utpādyādhikavairāgyaṃ tadguṇādhikyavedanāt/“suscitant le détachement supérieur par la prise de conscience de la supériorité de ses qualités…”
N.S. ibid (p. 1b) ajijñāsūnām api kadācit kvacit vairāgyaṃ jāyate’to’dhikam ityuktam/ “l’on dit ‘supérieur’ parce que l’on voit, en certains moments, en certain cas, le détachement naître même chez ceux qui n’ont pas le désir de connaissance (du Brahman)”.
47 A.V., III. 3. 55 [1] (P· 48b) sopāsanā ca dvividhā śāstrābhyāsasvarūpiṇī/dhyānarūpā parā caiva tadaṅgaṃ dhāraṇādikam/ “Cette upāsanā est de deux sortes, l’une est pratique des textes, l’autre est l'upāsanā proprement dite. Cette dernière, en forme de contemplation, est supérieure et la dhāraṇā et les autres (exercices du yoga) en sont les membres auxiliaires”.
N.S. ibid. (p. 16b) dhāraṇāpratyāhāraprāṇāyāmāsanayamaniyamānām apyupāsanābhedānāṃ sattvāt kathaṃ dvaividhyam ityata āha tadaṅgamiti/tasya dhyānasyāṅgam eva na tu svatantram upāsanam/ “Puisque la concentration, le recueillement, la régulation du souffle, les positions du corps, les réfrènements, la discipline sont différents de l'upāsanā, comment la dire de deux sortes ? C’est pourquoi il dit : ‘en sont des membres auxiliaires’ ; tout ceci est auxiliaire de la contemplation et n’est pas un moyen d'upāsanā autonome”,
48 M.S.S.S., (p. 139b) tad uktaṃ tantrasāre/ khaṇḍasmṛtir dhāranā syād akhaṇḍā dhyānam ucyate/ aprayatnā samādhis tviti/ “Ceci est dit dans le Tantrasāra : l’évocation intermittente doit être (nommée) dhāraṇā, l’évocation continue dhyāna, mais l’évocation sans effort est samādhi”. Le mot samādhi “position de la pensée” représente le stade ultime atteint par le yogin. Dans ce contexte, il signifie un état stable de contemplation produit par la grâce divine.
49 A.V., III. 3. 5 ss. [1] (p. 46b) dehakartṛtvam īśasya jñātvā tatpitṛtāsmṛteḥ/ viśeṣasneham āpādya sarvakartṛtvato’dhikam/ niṣpādya bahumānaṃ ca tadanyatrātiduḥkhataḥ/ utpādyādhikavairāgyaṃ tadguṇādhikyavedanāt/ sarvasya tadvaśatvācca dārḍhyaṃ bhakter avāpya ca/ yatetopāsanāyaiva viśiṣṭācāryasampadā/ kartavyā brahmajijñāsetyukte kim iti saṃśaye/ “Lorsqu’il a connu le Seigneur comme auteur de son corps, parce qu’il a conscience de sa paternité, lorsqu’il a fait naître en lui-même un attachement unique, lorsqu’il a éveillé en lui un plus grand respect parce qu’il le sait l’auteur de tout, lorsqu’il a suscité, parce que tout le reste ne lui est qu’extrême douleur, un plus grand détachement, par la prise de conscience de la supériorité des qualités du Seigneur et si (en sachant) que tout dépend de lui, il a atteint la fermeté de l’amour, qu’il s’exerce à l'upāsanā, en sachant que la recherche de la connaissance du Brahman doit être faite avec l’aide d’un bon maître. Voici ce qui est dit à qui hésite se demandant que faire”.
50 A.V., III. 3. 53 ss. [1] (p. 4Sa-b) kiṃ mayā kāryam ityeva syād buddhir adhikāriṇaḥ/../... upāsanā nityaṃ kartavyetyādareṇa hi/ “qu’ai-je à faire, se demande en vérité l’aspirant en lui-même.. il faut pratiquer l'upāsanā sans trêve, avec zèle, est-il dit”.
N.S. ibid.(p. 16 b) yasmād upāsanā nityam ādareṇa kartavyā/ ādaranairantaryābhyām eva saṃskārātiśayasyotpādāt/ ādaranairantarye copāsanāyāṃ nābhaktasya bhavataḥ/ “parce que l'upāsanā doit être pratiquée sans trêve, avec zèle ; parce que ce sont ce zèle et cette continuité qui produisent la force des saṃskāra. Et ce zèle et cette continuité dans l'upāsanā n’existent pas chez qui n’a pas la dévotion”.
51 Ait. U., II. 4. 5 ātmā vāre draṣṭavyaḥ śrotavyo mantavyo nididhyāsitavyaḥ/
52 A.V., III. 3. 75 ss [1] (p. 49a) śravaṇaṃ mananaṃ caiva kartavyaṃ sarvathaiva hi/matiśrutidhyānakālaviśeṣaṃ gurur uttamaḥ/vetti tasyoktamārgeṇa kurvataḥ syāddhi darśanam/“l’audition et la réflexion doivent certes être pratiquées, et ceci en tout cas. Le guru supérieur connaît les moments propres à la réflexion à l’audition, à la contemplation : celui qui se conforme à la voie qu’il lui enseigne peut assurément obtenir la vision”.
53 B.S. Bh., III. 3.44·guruprasādaḥ svaprayatno vā balavān...guruprasāda eva balavān/tāvatālam iti na mantavyam/“Lequel est le plus puissant, de la grâce du guru ou de son propre effort ?... C’est certainement la grâce du guru : cependant que l’on ne pense pas qu’elle suffise”.
A.V., III. 3. 204 [26] (p. 53b) samyagguruprasādaśca mukhyato dṛṣṭikāraṇam/śravaṇādi ca kartavyaṃ nānyathā darśanaṃ kvacit/“et la grâce d’un bon guru est la principale cause de la vision ; il faut aussi pratiquer l’audition etc., jamais la vision n’est obtenue autrement”.
54 A.V., III, 3, 205 28] [(p. 53b) guṇādhikaṃ guruṃ prāpya taddhīnaṃ nāpnuyāt kvacit/viparyayas tu kartavyaḥ sarvathā śubham icchatā/same vikalpa eva syāt pūrvānujñā ca sarvathā/taduttamaguruprāptyai pūrvānujñā na mṛgyate/“s'il a trouvé un guru éminent en qualités, qu’il n’en cherche jamais un inférieur ; mais il faut absolument faire le contraire si l’on veut le vrai but ; si le choix est égal, il faut absolument la permission du premier guru ; pour trouver un guru supérieur au sien l’on ne se met pas en peine de la permission du premier”.
55 A.V., III. 3. 78 [1] (p. 49a) śravaṇādi vinā naiva kṣaṇaṃ tiṣṭhedapi kvacid/atyaśakye tu nidrādau punar eva samācaret/“qu’il ne reste jamais un seul instant sans étudier, etc. : si c’est absolument impossible, comme dans le sommeil, etc., qu’il s’y remette aussitôt après”.
56 N.S., III 3. 1 (p. 2a) sati ca tasmin janmāntarānuṣṭhitasatkarmaṇaḥ satkulaprasūtasya sāttvikaprakṛter vairāgyādikam avaśyaṃ bhavatyeva/“pourvu qu’il y ait cela (l’audition des textes), le détachement et les autres étapes se produiront nécessairement chez celui qui a pratiqué les actions bonnes dans une naissance antérieure, qui est issu d’une bonne famille et dont la nature est pure.”
ibid., : sāttvikaprakṛteḥ satsaṅgavaśād īṣadvairāgyādimataḥ śravaṇena tadabhivṛddhau kṛtamananāder bhūyas tadabhivṛddhir iti /“pour celui dont la nature est pure, qui possède par l’influence d’une bonne parenté un détachement encore incomplet, le śravaṇa augmente celui-ci, puis la pratique du manana etc., l’augmente encore plus”.
57 N.S., III. 3. 1 (p. 1b-2a) kiñca jijñāsā nāma vicārāparaparyāyaṃ mananam/“ce manana, qui est synonyme de vicāra (investigation) n’est rien d’autre que la jijñāsā”.
58 A.V., I. 1. 14 [1] (p. 2a) narte tvat kriyate kiñcid ityāder na hariṃ vinā/jñānasvabhāvato’pi syān muktiḥ kasyāpi hi kvacit/‘“sans toi rien ne se fait’...par ces paroles il est dit que sans Hari, jamais, pour personne, il n’est de salut dû à la seule nature de la connaissance”. (Ṛg V., X. 112. 9).
59 A.V., III. 2. 167 [14] (p. 44b) avyakto’pi svaśaktyaiva bhaktānāṃ dṛśyate hariḥ/“bien que Hari soit non-manifesté, il se laisse voir pour ses dévots par l’effet de sa seule puissance”.
A.V., III. 3. 16 [1] (p.47a) mokṣado hi svatantraḥ syāt../“Il faut que celui qui donne la délivrance soit svatantra”.
60 A.V., I. 1. 12 [1] (p..1b) vṛṇute yaṃ tena labhya ityādyuktibalena hi/jijñāsotthajñānajāt tatprasādād eva mucyate/“Il choisit celui par qui il pourra être atteint...par la force de ses paroles il faut dire que l’on est délivré par sa seule grâce, née de la connaissance, provenant du désir de connaître”. (La citation est de Ka. U. II. 22).
N.S., ibid., (p. 58a) na cāvyaktasvabhāvo bhagavān sahasreṇāpi prayatnānāṃ śakyaḥ sākṣātkartuṃ vinā tadanugrahāt/prasannas tvanantācintyaśaktiyogād ātmānaṃ darśayati/...darśanasādhanaṃ cānugrahaḥ svayogyaguṇopetasya nirdoṣasya bhagavadvigrahaviśeṣasyādaranairantaryābhyāṃ viṣayavairāgyatadbhaktisahitād bahukālopacitānnididhyāsanāparanāmakād vicintanād ṛte na labhyate/ “Et le Bienheureux dont la nature est d’être non-manifesté ne peut être connu directement, même par des milliers d’efforts sans sa faveur. Mais s’il est propitié il se montre lui-même par l’effet de sa puissance infinie et incompréhensible, et la faveur qui procure cette vision n’est pas obtenue sans une méditation, autrement nommée nididhyāsana, développée pendant très longtemps, avec zèle et continuité accompagnée de détachement vis à vis du monde et d’amour pour le Bienheureux, méditation qui porte sur l’une de ses formes, pourvue de toutes les perfections qui lui sont propres et dépourvue de tout défaut”.
61 A.V., IV. 2.21 ss. [5] (p. 67b) muktānāṃ tu tadanyeṣāṃ samudrataralopamā/agnijvālāvad eva syāt sṛtigānāṃ dṛśo bhavaḥ/evaṃvidheṣu jñāneṣu tamasā muṣṭadṛṣṭayaḥ/khadybtasadṛśātyalpajñānatvād anyathā dṛśaḥ/vadanti vādino mokṣaṃ nānāmatasamāśrayāt/“mais pour les mukta autres que ceux-ci (la déesse Srī et le dieu Brahmā) (la vision) est comparable aux vagues de l’océan. Quant à ceux qui sont dans le saṃsāra, leur vision ne se produit qu’à la manière des flammes du feu. Ceux dont la vue est obscurcie par le tamas, bien que leurs connaissances soient analogues, se trompent, par l’infime lueur de leur connaissance, semblable à celle d’une luciole : ils enseignent le salut ces docteurs, en s’appuyant sur la variété de leurs opinions”.
62 A.V., III. 3. 78 ss [1] (p. 49a)yadi tādṛggurur nāsti nirṇītaśravaṇādikam/tatsiddhāntānusāreṇa nirṇayajñāt samācaret/“si un tel guru ne peut se trouver qu’il s’exerce à l’étude des textes etc., une fois interprétés, avec l’aide de quelqu’un qui connaisse les interprétations conformes à ce système”.
ibid., III. 3.80 ss. abhāve nirṇayajñasya sacchāstrāṇy eva sarvadā/śṛṇuyād yadi sajjñānaprācuryamupalabhyate/mahadbhyo viṣṇubhaktebhyo yathāśakti ca saṃśayān/chindyāt svato’dhikābhāve svayam eva samabhyaset/brūyād api ca śiṣyebhyaḥ satsiddhāntam ahāpayan/“S’il n’est pas de bon interprétateur, qu’il étudie constamment les vrais textes, pourvu qu’il possède en abondance la vraie connaissance ; qu’avec l’aide de grands dévots de Viṣṇu, il tranche ses doutes selon son pouvoir. S’il n’en est aucun supérieur à lui, qu’il s’entraîne entièrement lui-même, et qu’il enseigne des disciples, sans abandonner la vraie doctrine”.
63 A.V., III. 4. 39 ss. [4] (p.55b) nādhikyaṃ yadi sādhye syāt prayatnaḥ sādhane kutaḥ/yatnaśca dṛśyate teṣāṃ mahān eva mahātmanām/yatra sādhanabāhulyaṃ sādhyabāhulyam atra ca/“S’il n’y avait excellence dans le but, pourquoi l’effort dans les moyens : et l’on voit quel grand effort est celui des grandes âmes. Là où les moyens sont importants c’est que le but est important lui aussi”.
64 A.V., III. 3. 98 ss. [31] (p. 50a) viṣayeṣu ca saṃsargācchāśvatasya ca saṃśayāt/manasā cānyadākāṅkṣāt paraṃ na pratipadyate/iti bhāratavākyaṃ hi tenaitaddoṣavarjitaḥ/sadopāsanayā yukto vāsudevaṃ prapaśyati/doṣā anādisambaddhās te muktiparipanthinaḥ/santyeva prāyaśaḥ puṃsu tena mokṣo na jāyate/“A cause du contact avec les objets des sens, à cause des doutes au sujet de ce qui est impérissable, parce que le manas a d’autres désirs, le séjour suprême n’est pas atteint, dit le Mahābhārata, c’est pourquoi s’il est exempt de tels défauts, et sans cesse appliqué à l'upāsanā, il atteindra la vision de Vāsudeva. Elles sont sans commencement ces fautes qui sont liées aux hommes et font obstacle sur le chemin du salut, c’est pourquoi le plus souvent le salut ne se produit pas pour eux”.
65 N.S., I. 1. 15 (p. 67b) anādeḥ kīdṛśo vināśa iti cet/svarūpadhvaṃsa eva/ “Si l’on demande : quelle destruction peut-il y avoir d’une réalité sans commencement ? Nous répondons : c’est une destruction de son essence même”.
66 A.V., I. 1. 41.[1] (p. 3a) yathā dṛṣṭyāprasannaḥ san rājā bandhāpanodakṛt/evaṃ dṛṣṭaḥ sa bhagavān kuryād bandhavibhedanam/ “de même qu’un bon roi apaisé par la vue (d’un prisonnier) le fait délivrer de ses chaînes, de même le Bienheureux, s’il est vu, peut briser le lien (du saṃsāra)”.
N.S. ibid., (p. 216a) dṛṣṭyā premātiśayayuktayā san uttamaḥ kṛpālutvādiguṇavān/../sādirayaṃ nigaḍādibandho rājñā nivartyatām/anādirayaṃ kathaṃ nivartyata iti tatrokataṃ bhagavān iti/aghaṭitaghaṭakānantaiśvaryādigunavān ityarthaḥ/“‘par sa vue’accompagnée d’un extrême amour ; ‘bon’, (un roi) supérieur ayant les qualités de compassion etc—Ce lien tel l’emprisonnement, qui a eu un commencement peut être supprimé par un roi ; mais celui-ci qui n’a pas eu de commencement, comment peut-il être supprimé ? C’est ici que l’on répond ‘c’est le Bienheureux’. Le sens est ‘il a des perfections telles que sa puissance infinie qui réalise l’irréalisable’.
67 B.S. Bh., III. 2. 19 mahattvabuddhir bhaktis tu snehapūrvābhidīyate/“la bhakti est définie comme la conscience de sa grandeur, précédée d’affection”.
B.S. Bh., III. 3. 54 snehānubandho yas tasmin bahumānapurassaraḥ/bhaktir ityucyate/“ce lien d’affection, précédé d’admiration pour lui est appelé bhakti”.
68 A.V., III. 4. 233 ss [5-6] (p. 62b) bhaktyā jñānaṃ tato bhaktis tato dṛṣṭis tataśca sā/tato muktis tato bhaktiḥ saiva syāt sukharūpiṇī/bhaktyā prasanno bhagavān dadyājjñānam anākūlam/tayaiva darśanaṃ yātaḥ pradadyāmnuktim etayā/ “Par la bhakti peut venir la connaissance, par celle-ci la bhakti, par elle la vision, et par elle à nouveau la bhakti ; par celle-ci la délivrance, et par elle aussi la bhakti en forme de bonheur. Le Bienheureux propitié par la bhakti peut donner une connaissance stable, de laquelle vient aussi la vision par cette bhakti, par laquelle aussi il donnera le salut”.
69 N.S., III. 4. 233 (p. 89a) tato mokṣānantaraṃ bhaktir avatiṣṭhate/sā sukharūpiṇy eva syānna phalavatī/ “ainsi la bhakti demeure après le salut : celle-ci est alors en forme de bonheur et non comme l’ayant pour fruit”.
70 G.T. N., II. 70 (P. 13a) kāmo mokṣavirodhī syānna sarvecchāvirodhinīti ca/na ca sarvecchābhāve jīvanaṃ bhavati/śāntir mokṣo yato hyatra viṣṇuniṣṭhā bhaved dhruveti ca/“les passions peuvent bien être contraires au salut, mais il n’est pas déclaré que tout désir lui soit contraire ; et là où il n’y a plus aucun désir il n’y a plus de vie. Et, s’il est dit ici que le salut est paix, c’est cette paix ferme fixée sur Viṣṇu”.
71 G.T.N. (Préambule) p. 2a viṣṇubhakter eva sarvasādhanottamatvaṃ parokṣāparokṣajñānayor jñānino’pi mokṣasya tadadhīnatvaṃ ca/“la bhakti de Viṣṇu est le moyen le plus élevé, plus élevé que la connaissance indirecte ou directe, et le salut du jñānin lui-même en dépend”.
ibid. p. 3a bhaktyā prasannaḥ paramo dadyājjñānam anākulam/bhaktiṃ ca bhūyasīṃ tābhyāṃ prasanno darśanaṃ vrajet/tato’pi bhūyasīṃ bhaktiṃ dadyāt tābhyāṃ vimocayet/mukto'pi tadvaśo nityaṃ bhūyo bhaktisamanvitaḥ/sādhyānandasvarūpaiva bhaktir naivātra sādhanam/“Propitié par la bhakti le Suprême peut donner une connaissance stable, et une plus grande bhakti ; propitié par l’une et l’autre il se laisse voir ; à cause de cette vision il donne une plus grande bhakti et par l’une et l’autre il donne le salut. Même le mukta, sous son pouvoir est comblé d’une bhakti sans cesse croissante : la bhakti a pour essence la félicité qu’elle procure et elle n’en est plus le moyen”.
72 A.V., III. 3. 211 [34] (p. 54a) anuvartate ca sā bhaktir muktāvānandarūpiṇī/tatpūrvikopāsanaivaṃ kartavyā muktaye guṇaiḥ/“et cette bhakti continue dans le salut sous sa forme de félicité ; en vue du salut il faut pratiquer envers les perfections (du Seigneur) l'upāsanā précédée de bhakti”.
73 Cf. note 4 p. 259
74 N.S., I. 1.12 (p. 58a) parameśvarabhaktir nāma niravadhikānantānavadyakalyāṇaguṇatvajñānapūrvakaḥ svātmātmīyasamastavastubhyo’nekaguṇādhiko’ntarāyasahasreṇāpyapratibaddho nirantarapremapravāhaḥ/
75 G. Bh., II. 47 (p. 37b) anyaphalābhāve’pi matprasādākhyaphalabhāvāt/icchā ca tasya yuktā/“parce que là où il n’y a plus d’autre fruit, il y a ce fruit nommé ma grâce : et il est juste que l’on en ait le désir”. N.S. I. 1.12 (p. 58a) ato jijñāsā nididhyāsanaparameśvarānugrahataddarśanaparamabhaktiparamānugrahadvārā mokṣasādhanatvāt kartavyeti/“C’est pourquoi il est dit que la quête de la connaissance doit être entreprise, parce qu’elle est moyen du salut, par l'intermédiaire de la méditation intense, de la faveur du Suprême (Seigneur), de de sa vision, de la bhakti supérieure, de la faveur supérieure”.
76 A.V., II. 1.111 [9] (p. 22a) yāthārthyam eva mānatvam api vākyaṃ prayojakam/mānatvam eti tatrāpi yatsampūrṇaprayojanam/“bien qu’assurément la validité soit le fait d’être conforme à l’objet, une parole qui a un but, atteint à la validité, combien ici celle qui a un but absolument parfait”.
N.S. ibid., (p. 250a) prāmāṇyamātrasya prayojanavattvena vyāptyabhāve’pi tadviśeṣasya vākyaprāmānyasyāstyeva/padānām iṣṭ asādhana eva gṛhītasaṅga tikatvāt/“bien qu’il n’y ait pas de relation nécessaire de la notion de prāmānya, prise en elle-même, avec le fait d’avoir un but, pourtant cette relation existe dans le cas particulier du prāmāṇya de cette parole-là ; parce que l’on comprend les mots dans leur application au but désiré dont ils sont le moyen”.
ibid p. 250b) nāvāntara viṣayaprayojanābhyāṃ vākyasya prāmāṇyaṃ sambhavati/kiṃ nāma yad vākyaṃ yanmahatprayojanam uddiśya yaṃ pradhānaṃ viṣayaṃ pratipādayituṃ pravṛttam/.../vedavkyaṃ ca mokṣoddeśena parameśvare mahātātparyopetam ityuktam/“Une parole ne peut avoir de prāmāṇya par un objet et un but tous deux inférieurs, mais ceci est possible pour la parole, qui désignant le grand but, vise à enseigner celui-ci comme étant son objet premier... Et la parole du Veda, du fait qu’elle désigne le salut est dite avoir son interprétation totale en (son objet) le Suprême Seigneur”.
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