Chapitre I. Introduction
p. 1-19
Texte intégral
Nécessité de l'industrialisation
1Bien que nous vivions dans une ère industrielle et que notre prospérité et jusqu’à nos moyens de subsistance dépendent entièrement ou partiellement des fruits de l’industrie, nous sommes souvent d’une ignorance surprenante quant à sa nature réelle. Il est certain que récemment l’idée de l’importance de l’industrialisation a gagné du terrain, particulièrement dans les pays d’Asie ; mais, toutefois, l’ignorance de sa nature et de sa nécessité est encore trop fréquente. Elle s’explique en partie par la difficulté du sujet1.
2Peu de problèmes sont aussi urgents aujourd’hui que celui de l’industrialisation. Cette question a attiré l’attention des politiciens, des hommes d’Etat, des économistes, des sociologues, des députés, des hommes d’affaires et du public en général. La naissance de l’industrialisation a fait apparaître de graves problèmes sur le plan social et humain. Le développement technique a multiplié les forces matérielles mais n’a point réglementé les impulsions humaines. L’invention mécanique a fait un progrès rapide mais le développement des institutions sociales n’a pas suivi le même rythme. Le résultat en a été un retard culturel qui, s’il est négligé trop longtemps, risque de provoquer un grave malaise social2.
3De façon à préserver une société de ces agitations, il est nécessaire de combler ce décalage et d’aplanir le processus d’adaptation au cadre économique. Ce problème a une portée toute particulière en Inde où il s’unit à la reconstruction économique par des méthodes démocratiques. Nous avons devant nous le panorama de l’expérience des pays étrangers et notre planning national pourrait recevoir une ligne définie afin d’éviter les conséquences indésirables de la Révolution industrielle occidentale. Il est évident que les méthodes occidentales ne peuvent être superposées sur la scène indienne. Chaque nation doit élaborer son propre processus de réadaptation sociale dans le contexte de sa culture3, mais les rigueurs de l'industrialisation peuvent et doivent être atténuées, particulièrement dans l’Inde du Nord où un rythme de croissance économique accélérée a été condensé dans un laps de temps très court afin de surmonter les handicaps du passé. Il est essentiel que l’esprit de compréhension mutuelle et de bonne volonté règne parmi les intérêts qui participent au processus de l’industrialisation de notre pays.
4Ceci appelle une nouvelle tentative d’analyse du concept d’organisation industrielle. On se représente en général une usine comme un ensemble d’immenses bâtiments, de cheminées qui fument, de machines géantes, comme le mouvement d’un énorme stock de produits et le travail d’un grand nombre de personnes. Ce n’est cependant que l’un des aspects du tableau. Si l’on approfondit la question, on découvre que l’usine est un monde social en soi Ce qui donne vie à l’organisation c’est l’interdépendance des travailleurs. La force ouvrière est le plus souvent un groupe hétérogène, composé de personnes venues de régions différentes, de différentes castes, parlant des langues différentes, possédant une spécialisation et un niveau d’éducation différents et faisant des travaux différents. Tous participent à l'élaboration de l'organisme social de l’usine, basé sur leurs droits et obligations respectifs, leur attitude et leurs sentiments. C’est du bon fonctionnement de cet organisme social que dépend le succès de l’entreprise.
5Pour employer la formule de Moore : “L’industrie est sociale aussi bien que mécanique, elle est un groupe organisé de travailleurs autant qu’un groupement efficace de machines”4. Pour Miller et Form, l’industrie est “un échantillon complexe d’interrelations sociales”5. Cette organisation a pour fondement la volonté de coopération des hommes. Il faut souligner ce point car il existe une tendance à ignorer l’homme derrière la machine. L’organisme social de l’industrie a été transformé par les complexités de l’invention mécanique. On peut dire que le machinisme a été une épreuve quant à la capacité des hommes à travailler ensemble.
6Un sociologue français, Frédéric Le Play, fut peut-être le premier à aborder le problème de façon scientifique, il y a environ cent vingt-cinq ans. Le Play commença sa carrière comme ingénieur mais il se tourna ensuite vers la sociologie avec le dessein d’étudier les problèmes humains posés par l’industrie. L’intérêt qu’il portait à cette recherche était tel qu’il passa une longue période de sa vie (1829-1855) à parcourir l’Europe tout en analysant ici et là les réactions sociales aux changements économiques6. Il observa que dans les communautés où la vie économique est centrée autour de la pêche, de l’élevage ou de l’artisanat de village, la coopération humaine est plus ou moins automatique. Les individus sont réunis dans le travail et ont le sentiment d’avoir un statut en propre. Mais si nous examinons les régions industrielles, nous découvrons que les communautés sont, selon l’expression de Le Play “ébranlées’’ ou “désorganisées”. La coopération n’apparaît pas volontiers. Bien que d’une manière générale les travailleurs jouissent d’un niveau de vie plus élevé que ceux des communautés traditionelles, ils ont perdu leur individualité et ont été séparés des moyens de production. Les forces qui engendrent la coopération volontaire se sont affaiblies. Un abîme sépare le travailleur de l’employeur, comme s’ils tiraient dans des directions différentes. Cette absence de collaboration spontanée est un des plus grands problèmes de la société industrielle.
7Non que la communauté traditionnelle fût exempte de conflits sociaux et de mécontentements. Sans aucun doute, il y avait des souffrances et des cas de non-adaptation ; mais, dans l’ensemble le sentiment de la réciprocité des services dominait la vie économique. Le travailleur pouvait s’identifier aux objectifs de la communauté. Avec l’impact du machinisme, les relations humaines ont été déformées, le sentiment inné de coopération fit défaut et une sorte de coopération de travail fut imposée sous la pression du nouveau développement économique. La satisfaction du travailleur, sa journée de travail terminée, a disparu parce que la machine tend à éliminer le sens de l’efficacité individuelle. Le sentiment de coopération a été brisé et le rapport entre le travail individuel et les objectifs de la communauté est devenu lointain. Le travailleur se préoccupe de plus en plus de la récompense pécuniaire de son travail plutôt que des biens et des services qu’il fait pour la communauté.
8L’organisation de la société industrielle, selon Selekman, encourage chaque individu, suivant son rôle économique, à considérer les autres bien davantage comme des concurrents, des rivaux, des exploiteurs ou des agitateurs non-syndicalisés que comme des camarades de travail dans un système coopératif7.
9Ce serait une exagération de dire que la communauté traditionnelle était un Elysée. On a tendance dans certaines sphères à peindre le passé en rose et à le décrire comme un Age d’Or, à réclamer même un retour aux sources. Mais on peut contester cette philosophie, fallacieuse à bien des égards. En tous cas, l’histoire ne corrobore pas cette façon de voir. Et quand bien même cela serait vrai, il n’est plus possible de retourner en arrière ; on ne peut faire machine arrière avec le progrès. Il n’y a pas moyen de se soustraire à la machine parce qu’elle touche notre vie à des points essentiels. Aucune nation ne peut se permettre de fermer ses portes aux découvertes scientifiques. Il serait donc souhaitable de dresser les modèles des relations humaines afin de contrôler les fruits du développement scientifique.
Industrialisation et industrialisme
10Une brève discussion sur le concept et les modèles d’industrialisation ne serait pas hors de propos ici car le terme d’industrialisation a des acceptions différentes, ce qui crée une certaine ambiguïté parfois. A titre d’essai, nous pouvons définir l’industrialisation comme la période de transition entre la société traditionnelle et l’industrialisme. Selon Hagen, une société est traditionnelle si “les mœurs s’y perpétuent avec peu d’altération de génération en génération. Là où il y a tradition, d’autres caractéristiques sont également visibles. Les mœurs sont régies par la coutume, non par la loi. La structure sociale est hiérarchique, la position de l’individu dans la société est normalement héritée plutôt qu’acquise. Et du moins dans l’état traditionnel jusqu’à présent dans l’histoire du monde, la productivité économique est faible. Une société traditionnelle, en résumé, a tendance à être attachée à la coutume, hiérarchique, ascriptive et improductive”8.
11On peut définir l’industrialisme comme “la production dans les conditions de technique mécanique du système de l’usine plutôt que par le travail manuel du système domestique”9.
12Le processus d’industrialisation partout dans le monde transforme la culture des sociétés traditionnelles. Chaque société en voie d’industrialisation a ses racines dans une culture pré-industrielle et la vieille société doit subir certains changements, matériels et psychologiques. Certains éléments de la culture pré-existante sont plus résistants que d’autres à la pénétration de l’industrialisation, certaines sociétés sont plus tolérantes que d’autres ou, au contraire, donnent la place prépondérante au maintien des valeurs traditionnelles10.
Pourquoi l'Industrialisation ?
13On peut se poser une première question d’une importance fondamentale : pourquoi une nation ou un gouvernement ont-ils besoin de l’industrialisation comme programme organisé indépendant ? En fait, le pourquoi et le comment sont des questions importantes en toutes choses. Et le pourquoi est en général celle qui, la première, se pose à l’esprit des personnes ou de la société concernées, et particulièrement lorsqu’on lance un nouveau programme.
14Les contrées industrialisées ont besoin de débouchés pour les produits de leur industrie, d’où le besoin pour elles d’encourager un mouvement universel d’industrialisation, susceptible de créer des clientèles nouvelles pour certaines de leurs industries nécessaires à la création ou au fonctionnement de nouvelles industries, et aussi de rendre plus répandus dans le monde entier les besoins en produits industriels, de rendre universelle la demande en tous pays de produits industriels.
15Deuxièmement, nous avons tout lieu de penser que l’industrialisation est le seul remède à la pauvreté dans les pays sous-développés. De nombreuses études ont souligné une corrélation positive entre l’industrialisation et les niveaux de vie élevés11.
16Historiquement, la société hindoue a été une société stratifiée et traditionnelle à l’extrême. Les rapports individuels ou de groupe y étaient, dans une large mesure, déterminés par la naissance dans telle ou telle caste et famille. Et, selon la définition de la société traditionelle de Hagen, on pouvait la qualifier de hiérarchique, attachée à la coutume et improductive. Dans l’acception occidentale du terme c’était une société non-industrielle.
17Mais la définition de Hagen ne paraît pas bien s’appliquer à l’Inde. On affirme que celle-ci est attachée à sa tradition, mais il y a de multiples traditions en Inde formées par des différenciations très nombreuses qui répondent à des changements fréquents dans l’histoire. L’Inde a toujours gardé certains traits, certaines attitudes dont précisément celle de l’adaptation à des situations nouvelles : islamisation, anglicisation, par exemple. Avant cela, des changements considérables se sont produits par la création des mouvements jain et bouddhiste, et par les transformations qui ont fait évoluer la religion védique en hindouisme moderne.
18Dans le domaine de l’agriculture et du commerce, les changements par adaptation aux conditions naturelles et aux conjonctures économiques ont été fréquents : installation des grands systèmes d’irrigation, établissement du commerce avec l’étranger, etc.
L'idéologie gandhienne était-elle hostile à l’industrialisation !
19On a souvent cité le Mahatma Gandhi comme un adversaire de toute industrialisation du pays. Selon Tibor Mende : ’’...L’enseignement de Gandhi est indiscutablement antitechnologique ; sous son influence, l’usage du rouet est devenu une sorte de rite, et c’est non seulement une protestation économique, mais encore une révolte symbolique contre la civilisation technologique occidentale’’12
20Ce point de vue est également soutenu par le Professeur A. K. Saran de l’Université de Laknau. Selon lui, “même le Mahatma Gandhi, tout en faisant campagne activement pour de nombreuses réformes sociales radicales, pouvait en même temps se dresser de façon véhémente et intransigeante contre tout développement économique au sens occidental du terme. L’économie gandhienne était fermée et primitive. Durant l’occupation britannique, non seulement la politique impériale, mais aussi Gandhi et l’idéologie du Khadi du Congrès étaient hostiles à l’industrialisation de l’Inde. Le célèbre mouvement de boycottage de Gandhi était dirigé, non seulement contre les produits anglais et étrangers, mais encore contre tous produits fabriqués”13.
21Il nous apparaît que le Mahatma Gandhi et l’idéologie gandhienne n’ont jamais été hostiles au développement de l’industrie en Inde. En fait, le but de Gandhi était de fournir à l’Inde des cotonnades produites à partir de la matière brute sans l’intermédiaire des filatures anglaises. Ainsi que Meynaud l’a justement fait remarquer : “Selon Gandhi, l’introduction aveugle de la technologie moderne en Inde ne pouvait avoir qu’un effet — la dislocation de la structure des rapports humains”14.
22Pour soutenir notre point de vue selon lequel Gandhi et son idéologie n’étaient pas hostiles à l’industrialisation, nous citerons des fragments d’une interview donnée par Gandhi en Octobre 1924 à Mr. Ramchandran, le thème de cette interview étant le machinisme15 :
RAMCHANDRAN : “Etes-vous contre tout machinisme ?”
GANDHI : “Comment le pourrais-je, alors que je sais que ce corps même est une machine délicate ? Ce à quoi je m’oppose, c’est la fureur pour le machinisme, non le machinisme lui-même, cette fureur pour ce qu’on appelle le machinisme qui épargne du travail. Les hommes épargnent du travail jusqu’à ce que des milliers en soient dépourvus et jetés à la rue pour y mourir de faim. Je veux épargner du temps et de la peine, non pour une fraction de l’humanité, mais pour tous. Je veux la concentration de la richesse, non dans les mains de quelques-uns, mais dans les mains de tous. Aujourd’hui, le machinisme aide quelques-uns à vivre sur le dos de millions d’autres. L’impulsion qu’il y a derrière le machinisme, ce n’est pas la philanthropie, le désir d’épargner du labeur, mais la cupidité. C’est contre cet état de choses que je me bats de toutes mes forces..... Mon intention n’est pas de condamner tout machinisme, mais de le limiter Je ferais, par exemple, des exceptions intelligentes : prenez le cas de la machine à coudre Singer.
RAMCHANDRAN : “Mais, dans ce cas, il faudrait une usine pour fabriquer des machines à coudre Singer, et un équipement de machines mues par des moteurs du type courant.
GANDHI : Oui, certainement. Mais je suis assez socialiste pour aire que de telles usines devraient être nationalisées ou contrôlées par l’Etat. Ce que je veux, c’est un changement des conditions de travail. Cette course effrénée à la richesse doit cesser et le travailleur doit être assuré, non seulement d’un salaire qui lui permette de subsister, mais encore d’une tâche quotidienne qui ne soit pas une pure corvée... L’individu est l’unique et suprême considération. C’est l'économie du travail de l’individu qui devrait être le but, ainsi que des considérations humanitaires honnêtes, et non la cupidité...”
RAMCHANDRAN : “Si vous faites une exception pour la machine à coudre Singer et pour votre rouet, où ces exceptions s’arrêteront-elles ?”
GANDHI : “Là où elles cessent d’aider l’individu et lèsent son individualité”.
RAMCHANDRAN : “Mais, je ne pensais pas à l’instant à l’aspect concret. En idée, ne supprimeriez-vous pas tout machinisme ? Si vous faites une exception pour la machine à coudre, vous devrez faire des exceptions pour la bicyclette, l’automobile, etc...”
GANDHI : “Non, car elles ne satisfont aucun des besoins primordiaux de l’homme...En idée, cependant, je supprimerais tout machinisme, de la même façon que je rejetterais ce corps qui ne sert pas au salut, et rechercherais la libération absolue de l’âme. De ce point de vue, je rejetterais tout machinisme, mais les machines subsisteront, car, comme le corps, elles sont inévitables. Le corps lui-même, comme je vous l’ai dit, est la forme la plus pure de mécanisme ; mais si c’est un obstacle aux hautes envolées de l’âme, il faut le rejeter.”
23Cette citation montre clairement les idées de Gandhi sur les machines et la technologie. Mais, après avoir vu quelque temps l’exploitation à la fois des fabricants Européens et Indiens, Gandhi fit cette concession : “Le machinisme a sa place ; il a pris racine. Mais il ne faut pas permettre qu’il supplante le travail humain nécessaire. Une charrue est une bonne chose. Mais si par aventure, un seul homme pouvait labourer par quelque invention mécanique de son esprit toute la terre de l’Inde et avoir main mise sur tout le produit de l’agriculture, et si des millions étaient sans emploi, ils mourraient de faim et par leur oisiveté, ils deviendraient ce que beaucoup déjà sont devenus : des idiots.”16
24Il serait hors de propos de discuter ici la position de Gandhi sur l'industrialisation, sa fin et les moyens de l’atteindre. Selon les propres paroles de Gandhi : “Moyens et fins sont convertibles dans ma philosophie de la vie...On dit : les moyens après tout ne sont que les moyens. Je voudrais dire : les moyens après tout sont l’essentiel. Tels les moyens, telle la fin. Des moyens violents donneront à l’Inde une indépendance violente. Cela constituerait une menace pour le monde et pour l’Inde elle-même...Il n’y a pas de mur de séparation entre les moyens et la fin. En réalité, le créateur nous a donné une certaine prise sur les moyens, mais non sur la fin. L’accomplissement du résultat poursuivi est en proportion exacte avec les moyens effectivement employés. Cette proposition ne souffre aucune exception. Parce que je crois cela fermement, je me suis efforcé d’appliquer continûment le pays à des moyens qui soient purement pacifiques et légitimes.”17
Industrialisation et transformation de la société en général
25Il faut souligner ici un fait significatif, à savoir que le processus d’industrialisation entraîne, outre des changements matériels et physiques, certains changements culturels. Nous examinerons brièvement les changements culturels et ce qu’il faudrait éviter en introduisant une innovation dans une société.
26La culture se compose de facteurs d’ordre matériel, moral et psycho-social. Dans chacun de ces facteurs il existe une interrelation avec le milieu physique et l’hérédité biologique. Un point important à cet égard, noté par Sir Frederic Barlett, mérite notre attention. Il a fait remarquer que chaque culture a ses points “hard” et “soft”. Si on cherche à introduire le changement d’abord sur un point “hard”, cela ne provoquera pas seulement une résistance, mais un désaccord public et de nombreux problèmes de personnalité. Les points “soft” peuvent être plus aisément surmontés18.
27Il explique le sens de “hard” et “soft” à peu près ainsi : les éléments culturels sont “hard” selon les rapports plus ou moins nombreux et plus ou moins intimes qu’ils ont avec les possessions psychologiques, l’aspect attitudional, et avec les croyances fondamentales de la population. Mais il existe aussi des éléments de culture qui semblent être de plus en plus dissociés des possessions psychologiques, qui ne sont pas profondément enracinés dans notre mentalité : ce sont les points “soft Rien n’est entièrement dissocié des possessions psychologiques. Ce n’est qu’une question de relativité. Nous pouvons dire, d’une manière générale, que pour qu’une innovation ait quelque chance de succès durable, il faut s’efforcer de la rattacher aux désirs et aux mœurs du public. Une innovation doit, d’une façon ou d’une autre, être ajustée à l’idéologie publique et entrer dans le cadre existant de la culture psychologique et matérielle. Le point essentiel est alors d’éveiller la conscience à certains besoins importants. Mais avant tout, encore faut-il remplir les besoins déjà ressentis par la population.
28Examinons à présent dans quelle mesure, au moment d’introduire des changements en Inde, on a pris en considération cette question des points “soft” et “hard” d’une culture.
29Selon Srinivas, “brusquement, au milieu du XXo siècle, la société la plus stratifiée de l’histoire décida de se donner l’objectif d’un ordre social égalitaire et prit immédiatement quelques mesures dans ce sens comme une preuve de ses intentions à le réaliser. On peut mentionner l’abolition constitutionnelle de l’Intouchabilité, les dispositions prises pour sauvegarder les castes et les tribus “scheduled” et l’introduction du suffrage universel pour les adultes comme quelques-unes des mesures adoptées les plus importantes"19.
30L’abolition constitutionnelle de l’Intouchabilité et, partant, l’entrée des Harijans dans les temples sacrés, ne peut en aucune façon être considérée comme un point “soft”. Au contraire, c’est l’un des points les plus “hard” de la culture hindoue. Lorsque Vinoba Bhave conduisit des Intouchables dans le temple de Deogarh, il fut battu et blessé par les prêtres. Evidemment, le grand prêtre dut payer une amende et fut contraint de réunir un groupe d’intouchables en tête duquel se trouvait le Premier Ministre de l’Etat. Quand on ouvrit le temple de Vishvanath à Varanasi, les prêtres transportèrent la divinité dans un autre temple construit de manière à ce que personne, même le prêtre, ne pût approcher le sanctuaire.
31Le mariage est aussi un point “hard”, Srinivas, tout en le faisant remarquer, a recommandé aux réformateurs d’aller lentement dans ce domaine20. Par contre, on peut considérer comme des points relativement “soft” l’adoption d’un système monétaire décimal, l’abolition de la zamindari.
32Ici encore, l’Unesco nous a donné une série de principes sur lesquels le changement culturel s’élabore, dans l’étude publiée sous la direction de Margaret Mead dans “Cultural Patterns and Technical Change”21, principes que l’on devrait prendre en considération avant d’introduire des changements dans une communauté, et également lors de leur mise en œuvre. De tels changements n’ont de l’effet que très graduellement et rencontrent souvent des résistances.
Pourquoi la résistance ?
33La résistance aveugle à la nouveauté n’a peut-être jamais existé. Les cas où l’on voit les raisons de la résistance montrent qu’elle est souvent justifiée par la maladresse des changements dont les conséquences désastreuses inspirent la méfiance à une population pauvre qui ne peut subir sans dommages les mauvais effets éventuels d’un changement proposé.
34Le mode de vie de la population rurale de l’Inde du Nord est presque identique à celui de ses ancêtres, il y a deux cents ans. Au XXo siècle encore, les paysans continuent à labourer avec des charrues de type primitif, à irriguer les champs avec des godets de bambou, à transporter les marchandises au moyen de charrettes tirées par des bœufs. Ils continuent à vivre sans électricité, eau courante, radio, téléphone ni journaux. En cas de maladie, ils ont encore recours à des guérisseurs et à des devins22.
35Dans la population rurale de l’Inde du Nord, il semble y avoir une résistance considérable, manifeste et cachée, consciente et inconsciente, organisée et spontanée, à l’innovation. Ces résistances à l’échelle nationale retardent le processus d’industrialisation rapide du pays tout entier. On a essayé de discuter quelques-unes des raisons d’une telle résistance.
36La première de ces raisons est sans doute que le paysan indien est virtuellement effrayé de prendre quelque risque que ce soit. Il ne peut compter que sur lui-même ; il n’a rien d’autre que ses purs moyens de subsistance à mettre en jeu. Il ne peut se risquer à expérimenter des changements dans ses pratiques agraires qui constituent un ensemble de connaissances et de coutumes transmises d’une génération à l’autre C’est ce savoir qui lui a permis de survivre pendant plusieurs siècles dans des conditions difficiles, ce qui a développé en lui une certaine foi dans les techniques traditionnelles et, de même, un certain scepticisme envers l’innovation23.
37Comme Srinivas l’a souligné : “Les administrateurs qui tentent de changer les coutumes agraires, ou sanitaires, ou autres, des paysans, doivent comprendre ce fait et en tenir compte. Il peut y avoir résistance à un nouvel outil, même si son efficacité a été démontrée devant les paysans, parce que cela risque de perturber la division traditionnelle du travail entre les sexes”24.
38Le paysan trouve d’autant plus de difficulté à se résoudre au changement que la culture qui l’a servi au cours des dernières générations a été, du moins en partie, dépassée par les nouvelles connaissances, la nouvelle technologie, les formes politiques et l’accroissement des populations. “Changer cette culture pour s’adapter à la nouvelle situation est au-delà de ses ressources intellectuelles, matérielles et morales”25.
39Dube a souligné que : “les villageois ont tendance à se fier à leurs propres expériences, particulièrement en ce qui concerne les pratiques compliquées ou celles qui nécessitent un changement radical dans la coutume ou la pratique, plutôt qu’à celles prêchées par les agents du changement.”26 D’anciennes variétés de grain sont préférées aux nouvelles, quand bien même les dernières donnent de meilleurs rendements, parce que les variétés anciennes sont meilleures au goût et comme valeur nutritive. Il fait remarquer plus loin que : “Une innovation est rarement acceptée dans la forme sous laquelle elle est présentée à la communauté, car il se produit un phénomène de “screening” au passage d’un type de “maître” à un autre”.27
40La progression en flèche du système d’extension dans le Japon d’après-guerre est un exemple unique où la politique gouvernementale “n’imposa jamais quoi que ce soit à la population contre son gré28”. Cette politique a donné des résultats d’une importance considérable pour la production alimentaire de ce pays. On notait en 1955 que le Japon dépendait des importations pour plus de 20 % de son approvisionnement, et seulement quatre ans plus tard, en 1959, on notait que le Japon avait atteint son indépendance alimentaire.29
41La réplique du système d’extension au Japon est le programme de développement communautaire en Inde, programme dans lequel : “le but ultime est, par un changement culturel intégré, de transformer la vie sociale et économique des villages”.
42Plus spécifiquement, l’objectif de ce programme est le développement d’un système social qui relie le village à un réseau de communications très intensifié, avec le but d’accroître la production agricole, d’améliorer les artisanats et les industries de village existants et d’en créer de nouveaux, de fournir toutes les facilités d’éducation et les programmes nécessaires, d’améliorer les conditions de vie et de logement, et de procurer aux femmes et à la jeunesse des occupations.
43Il y a tout lieu de penser que dans la mise en œuvre des programmes de développement communautaire en Inde, la résolution japonaise de ne “jamais imposer quoi que ce soit à la population contre son gré” n’a pas été prise en considération. Dube fait observer que les gens ont tendance à ne voir dans les buts et les objectifs que des obligations à remplir “parce que le gouvernement l’exige30”. On ne peut, bien entendu, les blâmer de résister à des changements qu’ils ne souhaitent pas et qui leur sont imposés par le gouvernement.
44En outre, la résistance se manifeste dans les communautés traditionnelles quand elles sont confrontées avec des changements susceptibles de troubler les mœurs coutumières et l’équilibre réalisé. Dans cet ordre d’idées, nous avons traité des effets de retardement provenant de la survivance des castes31 en Inde. Cette résistance existe bel et bien et se manifeste parfois vigoureusement. Le refus peut être public et violent ou, bien que répandu, à l’état latent. Dans bien des cas, il ne fait que prendre la forme d’un manque de coopération et d’enthousiasme. Les nouvelles pratiques ne sont pas rejetées mais les personnes concernées négligent ou ignorent la procédure nécessaire pour les rendre effectives.
45Enfin, les valeurs traditionnelles jouent le rôle d’obstacles à une amélioration du niveau de vie et résistent au changement. Nous ne nous attarderons pas sur ce point : un chapitre entier a été consacré à expliquer ce facteur en plus amples détails.
Quelques questions d’ordre général concernant le problème actuel
46Il semble approprié de discuter ici brièvement de quelques questions importantes d’ordre général concernant le problème actuel :
Comment nous proposons-nous d’appliquer notre recherche à la société indienne ?
Quels faits nous permettent d’affirmer qu’il y a résistance à l’industrialisation dans l’Inde du Nord ?
Est-ce que résistance à l’industrialisation et absence d’industrialisation sont la même chose ?
Quelle est notre théorie de l’industrialisation ?
47Il est réellement difficile de répondre à toutes ces questions. Mais on peut affirmer à coup sûr que l’industrialisation est devenue un besoin inhérent et recherché pour lui-même par l’homme d’aujourd’hui, d’où son caractère inévitable dans la société actuelle. Cependant, notre choix s'est porté en faveur d’un travail de recherche théorique plutôt qu’empirique en raison de certaines difficultés pratiques. Il va sans dire que la seconde partie de cette étude, c’est-à-dire le travail empirique, reste à faire.
Postulat de base
48Nous pouvons prendre comme postulat de base qu’il y a eu et qu’il y a encore des résistances à l’industrialisation dans la société indienne de l’Inde du Nord. Notre postulat est que cette société dans son ensemble ne coopère pas à la transformation accélérée du pays par sa participation au développement des industries lourdes et des industries de base, et de plus, que certaines forces socio-psychplogiques sont peut-être responsables d’une telle absence de coopération aboutissant à des résistances actives à l’industrialisation de tout le pays.
Le problème tel qu’il se présente
49Les premier et second plans quinquennaux indiens ont insisté sur le développement de l’industrie lourde, de l’énergie électrique, de l’amélioration des transports et des facilités de communication, des travaux d’irrigation et des autres attributs d’une société moderne industrialisée. En même temps, les appels répétés et la propagande lancée par le gouvernement indien pour la participation du public et pour la réussite de ces plans, amènent à se demander s’il y a ou s’il y a eu un refus de participation de la part du public en général, et, de plus, dans quelle mesure un tel refus de participai ion a été une entrave à la transformation rapide du développement industriel du pays. Le but de la présente étude est d’étudier quels sont les facteurs socio-psychologiques qui agissent derrière ce refus de coopération.
50Il est vrai que 80 % des Indiens vivent dans le secteur rural, et que 70 % de la population totale dépendent directement du sol pour leur subsistance. De plus, industrialiser un pays immense qui compte 500.000 villages nécessite des efforts considérables, un “planning”, une richesse nationale, un savoir-faire technologique, des organisations politiques et des ambitions publiques non moins considérables.
51Par conséquent, tout manque ou absence d’industrialisation ne doit pas être considéré comme équivalent à une résistance à l’industrialisation. On peut aisément comprendre la résistance initiale contre le machinisme mû par l’énergie. Très souvent, la cause en est l’ignorance des mécanismes en jeu. La vitesse avec laquelle les machines travaillent est généralement inconnue de la population des pays sous-développés, et donc, mise en échec.
52Selon Pei-Kang Chang, l’industrialisation peut être réalisée sous différents schémas ou formes selon les critères pour la classification. La part de l’initiative prise par le gouvernement dans le processus d’industrialisation varie considérablement d’un pays à l’autre32. Le développement de l’industrialisation semble subir l’influence du système politique du pays dans lequel il se produit.
53Donc, le processus d’industrialisation ne suit pas un seul chemin ou schéma prescrit. Les pays sous-développés ne doivent pas nécessairement suivre la même évolution dans tous les domaines que tel ou tel pays avancé33. Le processus d’industrialisation d’un pays particulier dépend de ses objectifs, du degré d’arriération de sa société, des obstacles qu’il rencontre, et qui sont différents de ceux d’un autre pays, tout comme le taux d’évolution dans les divers secteurs, varie selon les pays34.
54En même temps, le taux de développement économique varie considérablement d’une région à l’autre, et le fait qu’une région du pays soit très fortement industrialisée n’implique pas nécessairement que les autres régions le soient.
55La France nous fournit un exemple frappant à cet égard. “Economiquement, la France est un pays très développé où le développement des différentes régions apparaît comme très inégal. L’industrie et l’agriculture sont tellement concentrées dans le Nord du pays, que la France du sud de la Loire est souvent qualifiée de sous-développée. Mais en dépit de ce sous-développement purement économique, beaucoup de régions au sud de la Loire possèdent les plus hauts indices de développement dans d’autres sphères que l’économie”35. Cependant, pour citer Medina Echavarria : “Le progrès économique n’est pas un don des dieux, tombant telle la manne sur quelques nations élues. C’est l’œuvre de certains groupes d'hommes bien définis qui un jour se sont résolument mis à la tâche”36.
56Ceci nous donne un aperçu du problème actuel et nous indique les diverses institutions37, tant sociales, religieuses, économiques que politiques et autres, qui, volontairement ou involontairement, continuent de résister de toutes leurs forces à l’introduction d’une nouvelle technologie dans l’Inde du Nord. Nous avons tenté dans les chapitres suivants, d’examiner précisément comment une telle résistance endigue l’avancement du progrès industriel dans le pays.
Notes de bas de page
1 Eliezer B. Ayal : Value system and Economic Development in Japan and Thailand, dans : The Journal of Social Issues, Jan. 1963, vol. XIX, No. 1, pp. 35-51.
2 S. Howard Patterson A. M. : Social aspects of Industry, Mc. Grawhill Book Co., New York, 1943. Le terme “culture” n’est pas employé ici dans son acception littéraire, mais dans son sens ethnologique, indiquant l’ensemble des valeurs et des conventions d’une société.
3 R. Aron dans : Dix-huit leçons sur la société industrielle, Gallimard, N.R.F., 1962, pp. 196-7 fait remarquer que : “...les procédés par lesquels on obtient la croissance (économique) ne sont pas automatiquement transférables d’un pays à un autre, la conduite humaine par laquelle l’accroissement est obtenu, est spécifique, singulière, elle implique de la part des producteurs le consentement à l’innovation, un certain état d’esprit que nous appellerons, faute d’un meilleur terme, rationnel. ”
4 W. E. Moore : Industrial Relations and the Social Order, McMillan Co., New-York, 1951.
5 D. C. Miller and W. H. Form : Industrial Sociology an Introduction to the Sociology of Work Relations, Harper and Brothers, New-York, 1951.
6 Frédéric Le Play : Ouvriers Européens, édition révisée, Tours, A. Marne et Fils, 1877-1879.
7 B. M. Selekman : Labour Relations and Human Relation. Mc Grawhill Book Co., New-York et Londres, 1947.
8 Everest E. Hagen : On the Theory of Social Change, the Dorsey Press Inc., Illinois, 1962, p. 55.
9 S. Howard Patterson A. M. : Social Aspects of Industry, Mc. Growhill Book Co., New-York, 1943, p. 16.
10 Kerr Clark, Dunlop J. T., and others : Industrialism and Industrial Man, Heinmann, Londres, 1962, p. 77.
11 B. K. Sarkar ; The Positive Background of Hindu Sociology, Panini office, Allahabad, India, 1937, Publisher’s Preface, p. 25, Cf. A. K. Saran and V. B. Singh : Levels of Living and Minimum Wages in Industrial Labour in India. Ed. V. B. Singh, Asia Publishing House, Londres 1963, pp. 140-146.
12 Cf. Tibor Mende : Le Congrès et ses Actionnaires, dans : L’Inde devant l’Orage, Editions du Seuil, Traduction de Jeanne Mathieu, Paris, 1950, p. 207 et suivantes.
13 A. K. Saran : Hinduism and Economic Development in India, conférence non publiée, faite à l'Université de Paris au début de 1963.
14 Cf. J.. Meynaud : Social Change and Economic Development, Unesco, 1963, Introduction, p : 19.
15 Mahatma Gandhi, Vol II, p. 212 ; cité par D. P. Mukerjee : Mahatma Gandhis views on Machine and Technology, dans : Social Change and Economic Development, Op. Ct. pp. 65-66.
16 D. P. Mukerjee, Op. Ct., p. 68.
17 La Jeune Inde, 26 Décembre 1924, cité par O. Lacombe : Gandhi ou la Force de l’Ame, Plon, Paris, 1964, p. 61.
18 Cf. Μ. N. Srinivas, Caste in the India of Tomorrow, dans : Caste in Modem India, Asia Publishing House, Londres, 1962, pp. 75-76.
19 Cf. Μ. N. Srinivas : The Indian Road to Equality, dans ; Caste in Modern India, Asia Publishing House, Londres 1962, p. 87.
20 Ibid. Caste in India of Tomorrow, p. 76.
21 Margaret Mead : (ed.), Cultural Patterns and Technical Change, New-York, The New American Library, 1955.
22 Vu Quôc Thuc : The Rural Problem in the Countries of South East Asia, dans : Social Research and Problems of Rural Development in South East Asia, Unesco, 1903, p. 66.
23 Srinivas : Caste in Modern India, p. 11.
24 Ibid. p. 12.
25 S. C. Dube : India’s Changing Villages, Cornell University Press. 1958, p. 64.
26 Dube, Ibid. p. 64.
27 Dube, Op. Ct. p. 129.
28 Kentaro Tokuyasu : Extension Work in Japan, Tokyo, Extension Division of the Agricultural Improvement Bureau, Japanese Ministry of Agriculture and Forestry, 1955.
29 Arnold Dibble : Hard Working Japan to regain Equality, Tokyo, United Press International, January, 1960.
30 S. C. Dube ; Op. Ct. pp. 126-127.
31 Cf. notre chapitre : Résistances et effets de retardement provenant de la survivance du système des castes.
32 Pei-Kang Chang : Agriculture and Industrialisation, p. 90.
33 Un économiste français a fait observer dans un article fort intéressant : “après avoir exporté ses valeurs, l’Occident exporte aujourd’hui ses complexes. Inquiet de ne plus être suivi, il veut en effet être imité. Jacques Austruy : Existe-t-il un mode obligé de croissance ? Revue d’Economie Politique, Janvier-Février, 1961.
34 Kerr Clark, Dunlop J. T. and others : Industrialism and Industrial Man, op ct. p. 31.
35 Jacques Lambert : Requirements for Rapid Economic and Social Development, dans : Social Aspects of Economic Development in Latin America, op ct., vol. I, p. 56.
36 J. Medina Echavarria : Towards the New Society : the two fundamental questions, Ibid, vol. II, p. 74.
37 “Vues sous leur aspect sociologique, ou, si l’on veut, ethnographique, les institutions sont simplement les manières de faire régulières dans une société, les moeurs, considérées comme ayant une certaine finalité, comme destinées à satisfaire certains besoins, à exercer certaines fonctions... Mais, pour l’individu qui est membre de la société en question, les institutions ne sont pas des phénomènes extérieurs. La société étant pour lui le véritable milieu d’adaptation, le champ de son activité, les institutions deviennent des moules préparés dans lesquels il est appelé à couler ses conduites affectives aussi bien que matérielles ou symboliques. En principe, il n’a d’ailleurs aucune raison de se soustraire à ce que le milieu social semble attendre de lui ; ce serait en grande partie une erreur de penser que les conduites institutionnelles lui sont imposées ; il les recherche, au contraire, dans l’apprentissage social, parce qu’elles sont les voies les plus commodes pour son adaptation ; bien plus, elles sont des centres de valeurs et, non seulement il atteint au succès sur le plan social, mais encore il éprouve une intime satisfaction, avec le sentiment de bien faire, en calquant sa conduite sur ces patrons de comportement”. Jean Stoetzel : Jeunesse sans chrysanthème ni sabre, Plon, Unesco, Paris, 1952, p. 139.
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