I. Les monastères modernes
p. 1-27
Texte intégral
1Les monastères modernes de Ceylan se distinguent des monastères anciens par divers caractères. Tout d’abord, ils n’ont pas d’orientation déterminée et, si l’on rencontre toujours les mêmes éléments, ceux-ci sont disposés selon un plan qui n’est aucunement fixé et qui varie beaucoup d’un monastère à un autre. Ce double caractère contribue à créer dans la disposition des bâtiments une fantaisie qui n’est pas sans charme. Ce qui frappe ensuite, ce sont les dimensions relativement restreintes des monuments modernes, dont les plus grands, du reste assez rares, ne dépassent guère en superficie une dizaine d’hectares et n’abritent que quelques douzaines de moines, encore s’agit-il là de monastères faisant office de séminaires, les autres comptant rarement plus d’une dizaine de moines à titre de résidents. Enfin, les monastères modernes sont remarquables par leur style simple, étroitement apparenté à celui des habitations de la petite et de la moyenne bourgeoisies actuelles. Les temples eux-mêmes, à quelques exceptions près, ne se distinguent guère des autres bâtiments par leur aspect extérieur. Les cours et les jardins qui les entourent sont soigneusement entretenus, plantés d’arbres et égayés de pelouses et de buissons de fleurs comme n’importe quel jardin privé. L’ensemble convient donc à une religion aimable, accueillante et est par là exactement à l’opposé des temples hindous dans lesquels tout semble tendre à séparer la vie religieuse de la vie laïque et à conférer à la première un caractère transcendant.
2Les divers bâtiments du monastère sont dispersés dans une cour-jardin entourée d’une clôture. Celle-ci n’est ni haute ni redoutable et est plus souvent constituée par des haies ou des fils de fer que par des murs. Elle a beaucoup plus pour fonction de délimiter le terrain qui est la propriété du monastère que d’interdire l’accès de celui-ci. L’entrée se fait par une porte à deux battants, en général largement ouverte, dont le style simple est celui des portes des propriétés civiles. Parfois, comme à Kelanïya, le visiteur entre par un portique de style ancien, mais ces cas sont très rares. Souvent même, dans les petits monastères de campagne notamment, la porte n’est qu’une large ouverture, sans vantaux, pratiquées dans la clôture. Ces caractères renforcent l’aspect accueillant des monastères modernes.
3En principe, les monastères doivent toujours être construits en dehors des agglomérations et à une certaine distance de celles-ci. En fait, l’extension rapide de certaines villes, notamment de Colombo, a abouti à ce résultat que les monastères édifiés il y a plus d’un demi siècle conformément à cette règle se trouvent maintenant dans des faubourgs très animés et, dans certains cas mêmes, assez peu éloignés du centre de l’agglomération. S’ils ont réussi, pour la plupart, à préserver la quiétude qui doit les entourer parce qu’ils ouvrent sur des rues assez calmes, celles-ci débouchent souvent, à une courte distance, sur l’une des avenues les plus actives et les plus bruyantes de la ville, et certains d’entre eux sont maintenant situés au bord même de telles artères. Il faut ajouter que, comme cela arrive presque partout dans le monde, un monastère important, attirant de nombreux dévots, devient bientôt le centre d’une agglomération commerciale dont une partie des habitants vit en restaurant ou hébergeant les pèlerins et en leur vendant les fleurs, les parfums et les objets divers dont ils ont besoin pour accomplir leurs devoirs religieux. C’est, à ce qu’il m’a semblé, le cas de Kelanïya, près de Colombo.
4Dans l’enceinte du monastère, on trouve les bâtiments et édicules suivants, que nous étudierons ensuite séparément :
le temple ;
le stūpa ;
l’arbre de la bodhi ;
la salle de prédication ;
la salle de réunion du chapitre, qui ne fait souvent qu’un avec la précédente ;
la bibliothèque ;
la résidence des moines, qui comporte parfois plusieurs bâtiments distincts : dortoirs, résidence du supérieur, cellules, réfectoire, cuisine, édicules sanitaires etc…
des édicules divers : clocher ; lampe perpétuelle ;
accessoirement, des salles de cours.
5Les matériaux employés à la construction de l’ensemble des bâtiments des monastères modernes, aussi bien des temples et des stūpa que des dharmasālā et des habitations, sont la brique pour les murs et les tuiles pour les toits. Les briques sont des briques pleines de petites dimensions, du modèle que l’on trouve couramment à Ceylan et dans l’Inde du Sud. Elles sont assemblées au mortier et toujours recouvertes d’un épais crépi de plâtre, lequel est peint. La couleur employée est généralement l’ocre jaune pour les bàtiments résidentiels et secondaires, le blanc, le plus souvent bleuté, pour les temples, les dharmasālā, les uposathāgāra, les stupa, les balustrades d’arbres de la bodhi et les édicules maçonnés. Pourtant, le temple de Kelanīya est de couleur ocre, ceux du Vajirārāma, de Ward Place, de Kotahena ont des parties blanches et des parties ocres (notamment les colonnes du péristyle jusqu’à une certaine hauteur) et l’uposathāgāra de Gaḍalādeṇiya est ocre. Au contraire, les bâtiments résidentiels de l’Asokārāma sont blanc bleuté et une partie de ceux du Vajirārāma également.
6La toiture est formée de tuiles reposant sur une charpente de bois. Elles sont d’un rouge plus ou moins sombre, tirant souvent sur le brun. On en trouve de deux sortes, semi-cylindriques ou plates, ou plutôt légèrement ondulées. Dans un même monastère, il est assez fréquent de rencontrer certains bâtiments recouverts avec des tuiles d’une forme et les autres avec des tuiles de l’autre forme, sans que rien ne détermine le choix de telle sorte de tuiles pour telle espèce d’édifice. Les lignes de tuiles semi-cylindriques ou en forme de cornières qui marquent les arêtes et le faîte de toits ne donnent lieu à aucune espèce d’ornementation. Tout au plus peut-on signaler parfois la présence d’un épi au sommet du toit lorsque celui-ci est de forme pyramidale ou aux extrémités de la ligne de faîte dans les autres cas. Cet épi est du reste toujours de dimensions modestes et de forme plutôt simple.
7La forme de la toiture est dans l’ensemble assez simple et toujours composée d’éléments plans se raccordant selon des arêtes rectilignes. La pente du toit est assez douce, voisine de 30° en moyenne sur l’horizontale. Dans certains temples, la toiture prend une forme composite, la partie inférieure du toit ayant une pente douce et la partie supérieure une pente assez abrupte, formant avec l’horizontale un angle de 60° et plus, le raccord se faisant à une hauteur variable selon le cas. Dans quelques temples, et aussi dans certaines dharmasālā, l’ensemble de la toiture conserve la même pente douce mais la partie centrale est surélevée d’une hauteur variant de 50 cm. à deux mètres et plus, le raccord entre les deux parties étant effectué par un mur qui peut être percé de fenêtres si sa hauteur est suffisante. Cette dernière disposition se justifie dans les temples importants pour éclairer ainsi la salle centrale qui est séparée du dehors par un mur sans ouvertures autres que la ou les portes, et par la galerie qui l’entoure. A cela peuvent s’ajouter, sur un côté ou plus souvent sur les quatre côtés, les éléments de toiture se terminant par des pignons au dessus des portes extérieures de l’édifice. Ces pignons peuvent ou non encadrer un fronton ou même, dans quelques temples (Asokārāma, Vajirārāma, Isipatanārāma) et dans certaines dharmasālā (Vidyālaṇkāra, Jayavardhana), un portail monumental de forme variée.
8Etant donnée l’importance de la véranda et du péristyle dans l’architecture religieuse singhalaise, le rôle du pilier et de la colonne n’est pas négligeable. Les piliers des dharmasālā sont généralement de section carrée, mais dans certains cas ils sont remplacés par des colonnes à section circulaire (Kelanīya. Isipatana). Les colonnes rondes semblent être au contraire préférées pour soutenir le bord extérieur des péristyles des temples (Isipatanārāma) et parfois leur diamètre est si minime qu’on les groupe par trois (Ward Place). Dans la plupart des grands temples, colonnes rondes et piliers carrés ou octogonaux sont employés conjointement (Kelanīya, Asokārāma, Vajirārāma). Il en est de même dans les bâtiments résidentiels où l’on rencontre indifféremment le pilier, la colonne et même la gracile colonnette de bois. Sauf dans quelques temples importants, ils ont des formes très simples et sont dépourvus de toute décoration.
1) Le temple ou vihāra
9Généralement, le temple est un édifice à plan rectangulaire ou carré, construit sur un seul plan et reposant sur une plateforme plus ou moins haute (généralement de quelques marches, parfois de la hauteur d’un étage). On rencontre aussi des temples de plan octogonal (Asokārāma de Colombo), ou de plan hexagonal (petit temple de la Kelanī). Le plus souvent, le temple est entouré d’une véranda plus ou moins large qui forme ainsi un péristyle. Parfois celui-ci s’élargit devant la porte d’entrée en un véritable pronaos, comme au petit temple d’Anuwārāma près de Paduwanna. Dans ce dernier cas, ce pronaos sert de salle de prédication et contient à cet effet la chaire ou dharmāsana.
10De même que les autres édifices du monastère, les temples modernes ne sont pas orientés, sauf exception (Kelanīya). Parmi ceux que j’ai visités et dont j’ai pu déterminer l’orientation, quatre sont tournés sensiblement vers le Nord (Isipatana, Kotahena, Vidyodaya et Vidyālaṅkāra), trois vers le sud (Asokārāma, Anuwārāma et Abhayagiri d’Anurādhapura), deux vers l’Ouest (Vajira et Ward Place), deux vers le Sud-Ouest (Gotamī et Jayavardhana) et deux vers le Sud-Est (Sīgiriya et Ruwanwelī d’Anurādhapura). Il faut bien noter que ces directions sont approximatives. Un cas intéressant est celui du temple de Ruwanwelī qui, quoiqu’édifié sur la terrasse entourant l’un des plus célèbres stūpa antiques, et par conséquent exactement orientée, a été restauré à la fin du siècle dernier et fait face à peu près au Sud-Est. Il apparaît donc bien que l’on ne tient presque jamais compte de l’orientation dans la construction des temples modernes. Ce qui détermine généralement leur orientation, comme celle de l’ensemble du monastère, c’est la direction de la voie principale qui borde celui-ci.
11Les petits temples de campagne ne comportent qu’une seule pièce, de dimensions plus ou moins réduites. La disposition intérieure en est analogue à celle de la salle centrale des temples plus importants. On y rencontre notamment une statue du Buddha assis, face à l’entrée, flanquée des statues de Sāriputra et de Maudgalyāyana (temple de Sīgiriya). On peut y trouver en plus des statues du Buddha debout et du Buddha couché, ainsi que celle de Maitreya (temple d’Anuwārāma). Des fresques représentant des évènements de la vie du Buddha complètent la décoration de cette salle. A l’extérieur et de chaque coté de la porte peuvent être peintes des images de gardiens de porte ou dvārapāla (Sīgiriya). Une ou plusieurs tables à offrandes sont placées devant les statues du Buddha. Parfois, comme à Sīgiriya, un petit éducule situé derrière le temple est consacré aux dieux, Viṣṇu etc…, et renferme leurs statues ou leurs images peintes sur les murs et une table d’offrandes (Sīgiriya).
12Les temples de certains monastères urbains importants sont parfois aussi exigus et simples que les précédents. Ainsi, celui du Vajirārāma de Colombo se réduit à une petite pièce carrée entourée d’un péristyle et dans laquelle on ne trouve qu’une statue du Buddha assis flanquée de celles de deux grands disciples.
13Tout aussi simples, quoique plus vastes, sont deux temples d’Anurādhapura, celui de l’Abhayagiridagoba et celui de Ruwanwelidagoba. Ils ont une forme rectangulaire, l’un des longs côtés étant tourné vers dagoba. Par deux portes situées sur l’autre long coté, on entre dans le véranda pui est réduite à la longueur de ce seul côté et qui donne, par deux portes placées vis-à-vis des deux premières, accès à la salle de culte. Contre le mur du fond se trouve la statue du Buddha couché et, le long des petits côtés, diverses statues. Au temple de Ruwanwelī, sur la véranda et adossés au mur intérieur, sont dressées cinq statues représentant Maitreya, Sākyamuni et les trois derniers Buddha antérieurs.
14Le temple du Vidyālaṅkāra Pirīvena de Colombo ressemble par ses dimensions et sa disposition aux petits temples de Sīgiriya et du Vajirārāma, à savoir qu’il est de dimensions modestes, de plan carré et entouré d’une véranda. Il s’en distingue cependant par la petite pièce oblongue dans laquelle on pénètre d’abord et dans laquelle sont placées, à gauche et à droite, les statues de Viṣṇu et de Kataragama.
15Au Vidyodaya Pirīvena, le temple est un peu plus compliqué encore. D’une part, la véranda n’entoure que trois côtés, et d’autre part, on traverse deux pièces oblongues et non pas une avant de pénétrer dans la salle centrale. Ces deux pièces ne contiennent que deux statues de gardiens de porte donnant accès de la première à la seconde.
16Les grands temples de Colombo se distinguent d’abord des précédents par leurs dimensions, qui sont plus grandes sans pour cela dépasser celles d’une de nos petites églises de village. Cette exiguité relative des temples bouddhiques, très nette dans les édifices modernes, mais remarquable aussi dans les temples anciens, s’explique par le fait que ces monuments ne sont pas, en principe, des lieux de culte collectif et par conséquent ne sont pas destinés à contenir des foules comme nos cathédrales.
17Un autre trait qui les distingue des petits temples, c’est l’adjonction d’une galerie intérieure qui fait tout le tour de la salle centrale qu’elle isole du dehors et double ainsi le péristyle lorsque celui-ci existe. Assez souvent, celui-ci a disparu dans ces sortes de temples, alors qu’on le rencontre presque toujours dans les temples plus petits. Il semble que la nécessité architecturale moderne de cette galerie comme du péristyle doive être trouvée dans le rite de la circumambulation par la droite ou pradakṣiṇa. Pourtant, on remarquera que, dans es temples anciens, on ne trouve presque jamais de telle galerie ou, lorsqu’elle existe, elle est si réduite et si exigüe que l’on peut douter de son usage. Autrefois, la circumambulation devait se faire autour du temple et en plein air, comme cela se pratique du reste dans les temples hindous. Une mode architecturale assez récente ayant imposé la véranda — que l’on retrouve du reste dans les édifices civils et les habitations laïques, ce qui prouve bien que son origine est tout autre, il est possible qu’on ait pris l’habitude de s’en servir pour accomplir le pradakṣiṇa dans des conditions plus confortables, à l’abri du soleil ou de la pluie, et que de cet usage ait découlé la galerie intérieure. Cette galerie intérieure peut être divisée en plusieurs pièces se faisant suite par des cloisons percées de larges portes. Elle est éclairée par des fenêtres situées à hauteur normale ou par des vasistas placés à deux mètres de hauteur ou plus. Elle renferme le plus souvent les statues de personnages de moindre importance, notamment celles des Buddha antérieurs ou de certains personnages des Jātaka et autres légendes, et elle est décorée de fresques représentant des scènes de la vie du Buddha et des épisodes légendaires. Parfois, elle contient aussi les statues du Buddha couché et, moins fréquemment, celles du Buddha debout ou assis.
18Les images des dieux hindous sont généralement absentes de ces temples, ou bien réduites à des fresques peintes sur le mur de la galerie (monastère de Ward Place à Colombo). Lorsqu’elles existent, elles sont reléguées dans de petites chapelles extérieures donnant sur la galerie (Jayavardhanārāma) ou même sur la véranda (Asokārāma).
19La salle centrale acquiert une certaine importance. Souvent elle est nettement plus haute que la galerie et éclairée par des fenêtres ouvrants au dessus du toit de celle-ci. On y pénètre par une, deux ou trois portes dont la principale au moins est percée en face de celle de la galerie et par conséquént de l’escalier qui accède à la véranda. Cette salle est décorée de fresques et contient diverses statues placées contre les murs. Le plus souvent, celle du Buddha assis fait face à la porte d’entrée et elle est même, parfois la seule statue de Buddha dans la salle centrale (Gotamīvihāra, temple de Ward Place). Elle est parfois remplacée par la statue du Buddha couché, soit seule (Kotahena), soit flanquée de celles du Buddha assis et du Buddha debout (Isipatanārāma). La statue du Buddha debout, que l’on y trouve assez souvent, n’est jamais placée devant le mur du fond mais contre l’un des murs latéraux. Il y a aussi, le plus souvent, d’autres statues représentant des disciples, des rois et des dieux en adoration. Enfin les murs sont recouverts de fresques dont les sujets sont tirés, comme toujours, de l’histoire et des légendes. Devant chaque statue de Buddha sont placées des tables d’offrandes. Souvent aussi, chaque statue de Buddha est à demi-cachée par un grand rideau de mousseline richement brodé, de couleur orangée ou rosée très pâle. Ce rideau diffère ainsi de ceux de dimensions moindre et d’étoffe opaque derrière lesquels sont dissimulées les statues des dieux, Viṣṇu, Kataragama et autres. Très rarement, la statue de l’un de ces dieux vénérés trouve place dans le sanctuaire central. C’est le cas de Viṣṇu que l'on trouve dans celui du temple de Kotahena, dans l’angle à droite en entrant.
20Très différent de tous les autres est le temple de Kelanīya, situé dans la banlieue Nord-Est de Colombo. Bien que moderne, il est inspiré de l’art ancien en ce qui concerne l’architecture et la décoration. Il est beaucoup plus vaste que les autres sans pour cela atteindre nullement à des dimensions imposantes. Son plan est aussi plus complexe. A l’instar des temples anciens, il ne comporte ni péristyle, ni galerie intérieure de circumambulation et il est orienté, la porte d’entrée faisant face à l’Est.
21On pénètre d’abord dans un vestibule en forme de tau auquel conduisent trois escaliers, l’un central et les deux autres latéraux. De chaque côté de la porte et à l’extérieur se dresse une statue de dvārāpāla de beau style ancien. On entre dans une longue et haute salle flanquée de deux autres de dimensions semblables et auxquelles donnent accès deux portes percées dans chacun de ses côtés. Au milieu du mur de droite est adossée la statue peinte et haute de près de 4 m., du roi légendaire Nāga qui éleva là le premier stūpa. Elle est flanquée des statues de deux lions semi-dressés et rugissants. La salle de droite ou salle du Nord contient le long du mur nord, une gigantesque statue de Buddha couché. Le long du mur ouest sont placées deux statues de Buddha assis hautes de 1,50 m. environ. L’angle nord-est est occupé par une cage de bois longue et large de 2 m. environ, haute de 3 m., recouverte d’étoffes sombres et dans lesquelles sont placées les statues, invisibles aux fidèles, des dieux Viṣṇu, Kataragama et Saman, le gardien du Pic d’Adam. La salle sud, qui communique avec l’extérieur par deux portes percées dans le mur sud, renferme un reliquaire caché dans une cage cubique d’un peu plus d’un mètre d’arête, recouverte d’une étoffe jaune et placée sous un pavillon de bois doré en forme de tau, l’ensemble étant placé contre le mur ouest.
22Ces trois salles communiquent avec une sorte de transept assez étroit, et qui donne sur trois salles relativement petites, celle du centre ayant une forme carrée et ne prenant la lumière que par les portes qui la relient aux autres salles. Elle est donc relativement obscure. Une large baie la fait communiquer avec la salle du fond qui constitue le sanctuaire proprement dit. Celui-ci de dimensions moyennes, est doucement éclairé par deux fenêtres latérales et haut placées. Il ne contient qu’une statue dorée du Buddha assis, haute de 1,50 m. environ, de style birman et qui se détache sur le mur du fond représentant un paysage de hautes montagnes enneigées, à demi estompées par des voiles de brumes, se découpant doucement sur un ciel bleu. De l’ensemble se dégage une impression de sérénité prenante.
23L’intérieur du temple est donc presque vide, mais les murs et les plafonds sont entièrement décorés de fresques à décors floraux ou représentant des scènes de l’histoire du bouddhisme singhalais et du sanctuaire lui-même. Elles appartiennent à des époques diverses et sont très différentes comme style et comme valeur esthétique, les plus belles étant les plus récentes, celles qui ont renoncé au style image d’Epinal pour chercher leur inspiration dans les fresques antiques de l’Inde et de Ceylan. Les fenêtres, haut placées et de dimensions moyennes, sont des ouvertures rectangulaires non vitrées pourvues de barreaux verticaux de bois tourné et peint en zones multicolores, selon le style populaire singhalais.
24A l’extérieur, le temple est décoré de frises sculptées représentant des oies sacrées, des gnomes, des éléphants, et de quelques statues grandeur nature représentant des dvārapāla, des Bodhisattva et des divinités protectrices du bouddhisme. Frises et statues, nettement inspirées des modèles singhalais anciens, sont très belles.
25Un cas particulier est celui du monastère d’Avukana qui semble ne pas avoir de temple. En réalité, celui-ci est à ciel ouvert et constitué par les murs latéraux hauts de deux mètres qui entourent la grande statue du Buddha debout, datant du V° siècle mais restaurée, qui s’appuie, face à l’Est, sur une paroi de rocher. Il semble qu’à l’époque ancienne, cette statue était entourée et recouverte par les murs et le toit d’un vrai temple dont il ne reste plus que quelques vestiges consolidés.
26La culte des dieux est généralement associé au culte du Buddha. Rares sont les monastères où ce culte est absent et où l’on ne rencontre aucune de leurs images (Vajira, Vidyodaya, Gotamī).
27Dans quelques cas, le culte des dieux se fait dans un bàtiment complètement séparé du temple. C’est le cas à Kelaníya, où un petit temple rectangulaire, de dimensions fort modestes1, et sans aucune ornementation, est consacré au dieu gardien Bībisana, gardien du grand temple. A l’Isipatana, l’une des tables d’offrandes qui entoure l’arbre de bodhi est aménagée en minuscule chapelle dédiée au dieu Kataragama.
28Dans de nombreux cas, une chapelle adjointe au temple et toujours de dimensions très reduites (dix mètres carrés de surface tout au plus) renferme les images des dieux. Ces chapelles font saillie à l’extérieur du temple et donnent sur le côté extérieur de la véranda (Asoka, Sīgiriya, petit temple de la banlieue est) ou, lorsque celle-ci est réduite à un vestibule, sur celui-ci et sur le mur extérieur de la galerie entourant le sanctuaire (Jayavardhana).
29Dans d’autres cas, les images divines sont placées à l’intérieur même du temple, soit dans la galerie (Vidyālaṅkāra), soit dans la partie de la galerie servant de sanctuaire secondaire, de part et d’autre de la statue du Bouddha couche (Ward Place), soit dans le sanctuaire proprement dit (Abhayagiri et Ruwanwelī d’Anurādhapura, Kotahena) où elles sont placées contre les murs latéraux, près des portes.
30Examinons maintenant le mobilier des temples. En plus des statues diverses sur lesquelles nous reviendrons au chapitre III, il se réduit aux tables d’offrandes et aux troncs.
31Les tables d’offrandes sont de petites tables rectangulaires généralement en bois et très simples, mais parfois aussi, constituant les dons de dévots aisés, elle sont plus ou moins richement ornées, en bois sculpté avec dessus de marbre blanc. Dans ce dernier cas le nom du donateur y est gravé. Sur ces tables, on trouve quelques vases, souvent même de simples boîtes de conserves vides, dans lesquelles sont disposées des fleurs naturelles ou artificielles à longues tiges et des baguettes d’encens, mais la plupart des fleurs, coupées au ras des sépales, sont déposées à même la table.
32Les troncs ont la forme de petites boîtes de bois, plus ou moins cubiques, mesurant en moyenne 50 cm d’arête et soutenues par quatre pieds hauts de 50 cm environ. Elles n’ont aucun ornement et sont fermées par un gros cadenas. On peut les trouver, comme les tables d’offrandes, non seulement dans les temples, mais à côté des stūpa et de la balustrade des arbres de bodhi.
2) Le stupa ou vehera, ou caitya, ou dagoba
33Le stūpa n’est pas un élément constant du monastère singhalais. Non seulement la plupart des petits monastères ruraux en sont dépourvus parce que les frais de leur construction dépassent les disponibilités de la communauté locale, mais il est des monastères importants, comme le Vajirārāma et l’Asokārāma de Colombo, qui n’en ont pas.
34Si l’on compare les stūpa modernes à ceux d’Anurādhapura qui ont quelque vingt siècles, on peut dire que la forme de ces édifices n’a guère varié à Ceylan depuis si longtemps. Seules, les dimensions en sont beaucoup plus réduites et rares sont les stūpa d’aujourd’hui qui dépassent 15 m de haut. Nous sommes loin des 80 m et plus que mesure encore le dagoba ruiné de l’Abhayagiri à Anurādhapura.
35Fidèle en cela aux plus antiques traditions, le stūpa moderne est un monument orienté. Les côtés du prisme carré surmontant la masse paraboloïde font face aux points cardinaux, et ceux de l’octogone du soubassement font face aux points cardinaux et aux directions intermédiaires. Les tables d’offrandes principales sont également disposées faces aux points cardinaux.
36Le stupa est construit sur une terrasse basse ou un simple terre-plain dégagé de toute végétation (padakkhiṇapatha), le plus souvent en pierre, et environ trois fois plus large que le monument mesuré à sa base. Cette terrasse a une forme généralement circulaire ou octogonale. C’est sur elle que sont dressées les tables d’offrandes et sur elle que circulent, pieds nus, les dévots qui accomplissent les divers rites de vénération envers les reliques enfermées au centre du stūpa. Le monument proprement dit repose sur un soubassement généralement octogonal, mais parfois circulaire (Gotamīvihāra, Kelaniya, Ward Place), haut de 1,50 m à 2 m et plus ou moins décoré de bas-reliefs à motifs simples. Au dessus, on trouve trois bandes circulaires légèrement eu retrait les unes sur les autres et hautes chacune d’un mètre en moyenne (vedikābhūmi ou pupphādhāna). La masse centrale du stūpa, ayant la forme approximative d’un paraboloïde de révolution (aṇḍa), repose sur elles. Sa hauteur représente généralement le tiers ou le quart environ de la hauteur totale du monument, mais à Kelanïya elle atteint presque la moitié. Si l’on compare avec les anciens dagoba d’Anurādhapura, on constate que le rapport des dimensions de cette partie principale à celles de l’ensemble a diminué progressivement depuis l’Antiquité. Ce paraboloïde est toujours lisse et dépourvu de toute décoration. A son sommet est situé un prisme à base carrée (hammiya), portant au centre de chaque face, en bas-relief, la roue de la Loi. On trouve au dessus de ce prisme un tambour cylindrique surmonté d’un cône assez effilé dont la pointe porte des ornements divers. L’ensemble du monument est recouvert d’une couche de peinture blanche, parfois légèrement bleutee.
37Au monastère du Jayavardhana de Colombo, le stūpa se distingue des précédents par son soubassement octogonal, haut d’environ deux mètres et dans chacune des huit faces duquel est creusée une large niche vitrée, en forme de fer à cheval, renfermant une statue de Buddha assis haute d’environ un mètre.
38Le stūpa du monastère de Kotahena est très différent des autres stūpa singhalais. Il a la forme d’une pyramide à base carrée et sa surface est décorée de dizaines de niches renfermant des statues de Buddha de dimensions variées.
39Sur la terrasse qui entoure le stūpa, et à un mètre en moyenne de celui-ci, sont placées des tables d’offrandes (malāsana). Celles-ci sont généralement au nombre de quatre, placées face aux points cardinaux, mais il arrive qu’elles ne soient que trois (monastère de Ward Place) ou deux (Vidyālaṅkāra Pirīvena), que l’une d’entre elle soit orientée face à l’une des directions intermédiaires (Isipatanārāma), ou encore qu’il n’y ait qu’une seule table disposée sans souci de l’orientation (Kelanīya). Dues souvent à la générosité de donateurs différents, les tables d’un même monument présentent fréquemment des différences sensibles dans leur forme, leur âge et leur richesse. Installées en plein air, elles sont presque toujours intégrées à un édicule maçonné qui les recouvre d’un auvent et les protège de deux murets latéraux soutenant celui-ci. Généralement aussi, un petit mur s’élève du côté qui fait face au stūpa, mais ce mur est souvent arrêté à environ 1,20 m du sol ou plus haut (Isipatanārāma, par exemple) ou bien il est ajouré selon un motif décoratif (Vidyodaya Pirīvena). Dans quelques cas, ces édicules reposent sur une plateforme haute de quelques centimètres (Isipatanārāma). Les plus grands peuvent avoir 2,50 m de haut, autant de long et 1,50 m de large mais les dimensions courantes sont plus réduites, moins de 2 m en hauteur et en longueur, 1 m en largeur.
3) L’arbre de la bodhi
40L’arbre de la bodhi est, au même titre que le temple, un élément essentiel du monastère.
41Cet arbre de la bodhi est un figuier pippāla mais ce n’est pas, en général, une bouture de l’arbre célèbre qui est conservé à Anurādhapura. Grâce aux soins qui lui sont donnés, il peut atteindre un âge très avancé, d’autant plus qu’il appartient à une espèce possédant une longévité rare, et présenter alors de dimensions fort respectables. Ce n’est évidemment pas le cas de ceux qui sont vénérés dans les monastères modernes et sont relativement jeunes mais sont quand même, le plus souvent, de bien beaux arbres.
42Presque toujours, et même, dans les monastères ruraux, il est entouré d’une ou deux balustrades. Je ne puis guère citer comme en étant complètement dépourvu que celui du Gotamīvihāra de Colombo.
43Ces balustrades, qui ne sont pas orientées comme le stūpa, peuvent être au nombre d’une ou de deux, de forme carrée ou octogonale, plus ou moins grandes ou décorées et pourvues de tables d’offrandes, de piliers, d’escaliers, de terrasses etc… La forme la plus simple est présentée par celle de l’arbre de Kelanīya, qui consiste en une terrasse carrée d’environ 80 cm de haut et de quelque 15 m de côté sur laquelle est édifié, en retrait de 50 cm, un mur carré, sans ornement ni ouverture, haut d’un mètre. Les fidèles déposent leurs offrandes sur le rebord de la terrasse. Celui du Vajirârâma s’élève sur une terrasse carrée peu élevée, d’environ 7 m de côté et est entouré d’une balustrade carrée sans ouverture de 3 m de côté et haute d’un mètre. Au milieu de chaque côté s’élèvent deux petits piliers hauts d’un mètre et soutenant une dalle légère, longue de 1,50 m au plus, large de 40 cm et épaisse de 10 cm. L’ensemble représente ainsi une forme élémentaire, mais charmante, de l’abri de table d’offrande, laquelle est ici constituée simplement par la partie du dessus de la balustrade située entre les deux piliers et quelque peu élargie. La balustrade qui entoure l’arbre du monastère de Ward Place est presque aussi simple et ses dimensions sont aussi modestes en largeur et en hauteur. Elle dessine un carré à pans coupés (octogone irrégulier), très largement ouvert sur l’un des côtés, où est située la table d’offrandes sous abri analogue à celles du stūpa et, comme celles-ci, indépendante.
44L’ensemble se complique dans les cas suivants. A l’Asokārāma, la balustrade est de forme octogonale, large d’environ 10 m et haute de 2 m, la moitié inférieure étant constituée par un mur plein et sans ornement, et la moitié supérieure par un mur ajouré selon des motifs ornementaux régulièrement disposés. Un autre motif ornemental est posé sur le dessus de la balustrade au milieu des quatre côtés intermédiaires. Les éléments les plus caractéristiques sont les deux tables d’offrandes avec abri qui occupent deux côtés opposés et sont intégrées dans l’ensemble. Leur forme ne diffère pas sensiblement de celle des tables d'offrandes des stupa mais, faisant partie intégrante de l’édifice, elles sont identiques et disposées symétriquement, comme ce sera le cas dans les exemples suivants, à cela près que l’on trouve généralement quatre tables et non deux.
45Plus complexe encore est le cas dans lequel il existe deux balustrades, l’arbre étant toujours situé en leur centre commun. Les deux balustrades peuvent être sur le même plan et avoir la même hauteur (Isipatanārāma, Vidyālaṅkāra Pirīvena) ou bien celle de l’intérieur est environ deux fois plus élevée que celle de l’extérieur (Jayavardhanārāma) ou encore la première est placée sur une terrasse surélevée d’un mètre environ et par conséquent semble plus haute d’autant que la seconde (Avukana). Dans ce dernier cas, un petit escalier permet d’accéder à la dite terrasse. Le plan des enceintes peut être carré pour les deux (Vidyālaṅkāra Pirīvena) ou octogonal pour les deux (Jayavardhanārāma, Avukana) ou bien encore octogonal pour la balustrade intérieure et carré pour l’extérieure (Isipatanārāma). La balustrade extérieure est en moyenne deux fois plus large que l’autre et les dimensions en sont variables, soit, pour l’enceinte extérieure, une largeur (côté du carré ou diamètre du cercle circonscrit à l’octogone) de 7 m à Avukana, de 10 m au Vidyālaṅkāra et de 15 m à l’Isipatana. Les balustrades n’ont, en général, qu’un mètre de haut. A Avukana, la terrasse intérieure est cause du fait que l’enceinte extérieure se compose d’un mur plein haut d’un mètre surmonté d’une balustrade un peu moins élevée. Ces enceintes sont généralement de véritables balustrades. Au Vidyālaṅkāra, celle de l’extérieur est constituée par un mur plein et sans ornement, et celle de l’intérieur par une barriêre doublée, à moins d’un mètre derrière, par un second mur plein.
46Les tables d’offrandes, régulièrement au nombre de quatre, situées face aux côtés du carré lorsque l’enceinte extérieure présente cette forme, font partie intégrante de la balustrade intérieure, l’autre en étant dépourvue. Toutefois, à Avukana, les tables d’offrande sont remplacées par une niche vitrée contenant une statue de Buddha assis. Cette niche a la forme générale et les dimensions d’une table avec abri, et est située à l’extérieur contre la balustrade extérieure. Les tables d’offrandes proprement dites sont alors de simples tables de bois ordinaires placées devant cette niche. A l’Isipatana, l’une des quatre tables d’offrandes sert en même temps de niche renfermant deux statuettes du dieu Katarāgama, celle-ci étant à demi dissimulée derrière un rideau rouge et bleu selon la coutume. Autre particularité des tables de l’Isipatana, le mur du fond est remplacé par une fenêtre vitrée.
47Pour que l’on puisse accéder aux tables d’offrandes intégrées à la balustrade intérieure, l’enceinte extérieure possède des ouvertures, généralement au nombre de quatre et qui font face aux quatre tables. Elles peuvent être flanquées chacune de deux piliers ornementaux plus ou moins hauts, mais ne comportent pas de linteaux. Au Vidyālaṅkāra, il n’y a que deux portes pratiquées dans le même côté, près des extrémités de celui-ci, et qui peuvent être fermées par de petits vantaux grillagés.
48On trouvent souvent, accrochés aux branches de l’arbre de la bodhi, et surtout aux plus basses qui sont aussi les plus accessibles, de petits oriflammes plus ou moins ornés, d’une forme particulière et de couleurs diverses, bien que la plupart soient blancs. On y trouve également de simples petits morceaux d’étoffe. Les uns et les autres peuvent être aussi accrochés à de légers cadres de bois posés à côté de l’arbre. Ils sont ainsi déposés en signe d’hommage par les fidèles et notamment par les pèlerins.
4) La salle de prédication ou dhamasālā
49La salle de prédication est un élément constant du monastère. Elle forme presque toujours un édifice indépendant. Nous avons vu plus haut, cependant, qu’au petit monastère rural d’Anuwārāma, elle était constituée par le pronaos du temple, mais ce cas est exceptionnel.
50Son architecture est généralement très simple : c’est un abri formé d’un toit de tuiles supporté, sur tout son pourtour, par des piliers. Le plus souvent, elle repose sur une plateforme peu élevée, à laquelle on accède par deux ou trois marches. Le plan en est très généralement carré, mais quelquefois il présente la forme d’un rectangle dont, du reste, la longueur ne diffère pas beaucoup de la largeur. Le côté de ce carré mesure en général une dizaine de mètres. La plus grande dharmasālā de ce type classique que j’ai visitée, celle de Kelanīya, ne doit guère dépasser 20 m de longueur
51Généralement, la colonnade extérieur, se double, à l’intérieur, d’une autre colonnade concentrique formant un carré ayant pour côté la moitié ou le tiers du côté extérieur, et qui a souvent pour rôle de soulever de 50 cm à 1 m la partie centrale du toit reposant sur cette colonnade intérieure. Au Vidyālaṅkāra Pirīvena, il y a encore une troisième colonnade intérieure aux deux autres, et le toit est ainsi divisé en trois parties concentriques décalées d’un bon mètre les unes par rapport aux autres. Ajoutons à cela qu’assez fréquemment, dans les monastères importants, le toit se retrousse en pignon au dessus de l’une ou de chacune des portes pratiquées au milieu des côtés et souvent déborde alors de deux à trois mètres sur ceux-ci ainsi que la plateforme et la colonnade extérieure. Le plan carré peut ainsi se trouver combiné avec un plan cruciforme (Vidyālaṅkāra, Jayavardhana, Avukana).
52Les piliers de ces colonnades ont une section presque toujours carrée et sont dépourvus de tout ornement. Ils ont généralement une épaisseur de 30 à 40 cm, une hauteur de 2 m à 2,50 m et sont espacés de deux mètres environ, parfois plus, rarement moins. Entre les piliers de la colonnade extérieure court un muret plein et sans décoration, haut de 80 cm. L’air et la lumière entrent donc aisément dans ces salles, qu’aucune vitre ne sépare de l’extérieur. Il ne s’agit pas en effet, pour les fidèles qui s’y réunissent, de s’enfermer pour être séparés le plus possible du monde externe, mais simplement d’être à l’abri du soleil et de la pluie pendant qu’ils écoutent les sermons et les leçons des moines. Du reste, les écoles laïques des villages et des petites villes sont en tous points identiques aux dharmasālā des monastères.
53Les portes qui donnent accès aux salles de prédication sont presque toujours au nombre de quatre, une au milieu de chaque côté, et elles n’ont presque jamais de vantaux, ceux-ci étant inutiles puisque ces salles sont largement ouvertes à tous vents.
54L’élément essentiel du mobilier d’une dharmasālā est constitué par la chaire ou dharmāsana. Celle-ci est placée sur une ligne menant du centre de la salle au milieu de l’un des côtés et en général au milieu environ de cette ligne. Lorsque – ce qui est très rare – l’un des côtés est constitué par un mur plein, la chaire est adossée à ce mur au milieu de celui-ci (Vajirārāma). Elle est toujours tournée vers le centre de la salle. Dans quelques monastères importants comme à Kelanīya, elle est placée sur une estrade haute de 80 cm, de forme octogonale ou carrée, large de plusieurs mètres et située au centre de la dharmasālā. Cette estrade est alors entourée d’une balustrade, de piliers et de linteaux, en bois ou en maçonnerie, mais ne comportant pas de Jais. La chaire n’est pas placée au centre de cette estrade, mais Selon la disposition décrite plus haut c’est-à-dire vers le milieu de la ligne reliant le centre de l’estrade au milieu de l’un de ses côtés. Le dharmāsana repose toujours sur une petite estrade, carée ou octogonale, dont la hauteur peut varier de 15 cm à 80 cm et la largeur de 1,50 m à 2 m. Un petit escalier, placé derrière, permet au prédicateur d’y monter. Sur le bord de cette estrade est dressée une balustrade de bois sculpté et verni et quatre ou huit colonnettés de bois hautes de 5 m environ soutenant autant de frontons de bois sculpté, l’ensemble formant une sorte de pavillon dépourvu de toit. Sur l’estrade sont disposés une petite table et un fauteuil plus ou moins richement sculpté qui constitue la chaire proprement dite.
55La dharmasālā servant de salle de cours tout autant que de salle de prédication, il est donc courant d’y trouver des bancs, des tables d’écoliers et des tableaux noirs dont les formes ne diffèrent guère de celles que l’on rencontre dans les écoles d’Occident.
56La dharmasālā peut être combinée avec une véritable école à plusieurs classes et son architecture différer alors beaucoup de la forme classique décrite ci-dessus. C’est notamment le cas qui s’est produit au Vidyodaya Pirīvena, dans lequel la dharmasālā forme le rez-de-chaussée sensiblement carrée d’un bâtiment dont l’étage est occupé par des salles de cours. Cette disposition a contribué a donner à l’ensemble un aspect surprenant..
5) La salle capitulaire ou uposathāgāra ou poya-gè
57La salle où la communauté se réunit pour célébrer seule certaines cérémonies comme l’uposatha ne constitue pas toujours un édifice particulier et c’est souvent la dharmasālā qui sert ainsi de salle capitulaire. La plupart du temps, l’uposathāgārā ne se distingue guère des bâtiments d’architecture toute civile qui servent de résidence, de bibliothèque, de magasin etc…, à la communauté. Construit sur une terrasse peu élevée, de plan rectangulaire ou carré, ses murs ni son toit ne portent d’ornement et ses fenêtres sont ordinaires. Il comporte parfois une véranda qui peut l’entourer complètement (Kelanīya) ou ne s’étendre que sur un seul côté (Panduwas Nuwara) comme dans les bâtiments résidentiels, mais il en est souvent dépourvu complètement (Asokārāma, Gaḍalādeṇiya), ce qui le distingue alors des autres édifices du monastères. Très souvent aussi, il est combiné avec la. bibliothèque, celle-ci étant située à l’étage tandis que la salle capitulaire occupe le rez-de-chaussée (Asokārāma, Kelanīya, Panduwas Nuwara, Kotahena), et dans ce cas il forme un bâtiment composite que l’on distingue aisément des autres par la présence de cet étage.
58Dans certains grands monastères urbains, on tend actuellement à donner plus de solennité à l’uposathāgāra, à l’orner de sculptures et à compliquer quelque peu son architecture. Cela est visible dans ceux du Kotahenavihāra et du Vidyālaṅkāra Pirīvena, qui sont encore en construction. On y remarque notamment, de chaque côté de la porte d’entrée, les statues de deux dvārapāla analogues à celles qui ornent la porte principale du temple de Kelanīya. Au lieu de demeurer un bâtiment sévère dans son extrême simplicité et que l’on distingue mal des constructions secondaires du monastère, l’uposathāgārā deviendrait ainsi un édifice qui rivaliserait avec le temple dans sa recherche esthétique.
59A l’intérieur, l’uposathāgāra se présente sous la forme d’une salle plus ou moins vaste dont les meubles essentiels sont les sièges des moines, adossés aux murs, celui du supérieur étant à la place d’honneur, face à la porte d’entrée.
60La marque caractéristique de l’uposathāgārā est constituée par les huit bornes de simā placées autour du bâtiment dans lequel ont Heu les réunions de la communauté, même s’il a un usage primordial autre que celui-ci, par exemple s’il sert avant tout de dharmasālā. Ces bornes sont disposées à l’extérieur de l’édifice, à moins d’un mètre du soubassement de celui-ci (généralement à 75 cm), quatre d’entre elles étant placées aux angles et les quatre autres au milieu des côtés. Dans quelques cas, il y en a deux rangées de huit, de forme et de taille différentes, la rangée la plus proche étant placée à 20 cm du soubassement, et l’autre à 75 cm (Isipatanārāma). Ces bornes sont formées par de petits monolithes de pierre, ayant des formes simples : prisme à base carrée (Asokārāma), prisme à base carrée coiffée d'une pyramide tronquée (rangée extérieure à l’Isipatanārāma, Kelanīya) forme de nos bornes kilométriques (Vidyālankāra Pirīvena, Panduwas Nuwara, rangée intérieure à l’Isipatanārāma). Leurs dimensions sont généralement assez modestes, leur hauteur allant de 25 cm (Isipatanārāma, les deux rangées) à 1 m (Kelanīya) en passant par 60 cm (Asokārāma, Vidyālaṅkāra, Panduwas Nuwara) et 80 cm (Gaḍalādeṇiya) et leur largeur de 18 cm environ (Asokārāma, Isipatanārāma, les deux rangées) à 40 cm (Gaḍalādeṇiya) en passant par 25 cm (Kelanīya) et 35 cm (Vidyālaṅkāra). Ces stèles sont dépourvues de toute décoration ou inscription et sont parfois même assez grossièrement taillées (Asokārāma).
61Tous les monastères ne comportent pas de salle capitulaire. Les petits monastères ruraux en sont généralement dépourvus et les moines qui y résident se réunissent dans l’uposathāgārā d’un monastère voisin plus important. On rencontre ainsi des groupes de cinq ou six petits monastères disséminés dans un rayon de 10 km environ autour d’un monastère principal dont ils dépendent et qui sert de lieu de réunion à leurs bhikkhu. Dans les grandes villes, comme Colombo, certains monastères même importants, comme le Vajirārāma, n’ont pas de salle capitulaire et les moines qui y résident vont accomplir les cérémonies dans celle d’un autre temple.
62En dehors des moments où les moines s’y réunissent, l’uposathāgārā sert généralement de lieu de résidence. Nous avons, du reste, vu plus haut qu’il sert aussi en partie de bibliothèque.
6) La bibliothèque
63Comme nous venons de le voir, la bibliothèque forme souvent un édifice combiné avec l’uposathāgārā et est située alors au dessus de ce dernier, à l’étage (Asokārāma, Kelanīya, Panduwas Nuwara, Kotahena).
64Dans certains monastères importants, elle constitue un bâtiment séparé, sans étage et qui ne se distingue en rien par l’extérieur des habitations des moines, si ce n’est par son plan qui est souvent un peu plus compliqué. Cela peut s’expliquer en partie par le fait qu’elle sert aussi de résidence à un ou deux moines dont les cellules font partie intégrante du bâtiment.
65La bibliothèque proprement dite constitue la pièce centrale, plus ou moins vaste, de celui-ci. Le mobilier est essentiellement constitué par des armoires vitrées contenant les livres et alignées le long des murs et souvent aussi au milieu de la pièce en un îlot de meubles. On peut y trouver aussi des tables, des guéridons, des chaises, des fauteuils, des canapés, tout ce qui doit permettre aux moines de consulter les ouvrages entreposés en étant confortablement installés. On peut y trouver aussi une vitrine renfermant des statues du Buddha et d’autres objets de piété (Vajirārāma). Aux murs peuvent être accrochées des photos de moines ou de monuments bouddhiques et des images pieuses, comme dans les bâtiments résidentiels.
66L’ensemble des livres peut varier beaucoup en nombre, en diversité, en valeur intellectuelle. On y trouve toujours, évidemment, le Canon bouddhique et un certain nombre d’ouvrages post-canoniques et de commentaires rédigés en pāli, ou en singhalais, et en écriture singhalaise. La plupart se présentent sous la forme de manuscrits sur feuilles de palmier, serrés chacun entre deux plaquettes de bois finement décorées et parfois entourées d’étoffes de valeur, notamment de soieries. A côté de ces manuscrits, il y a des ouvrages similaires, composés eux aussi en écriture singhalaise, mais imprimés et reliés. On pourra rencontrer de même des livres édités en écriture birmane, siamoise, indienne etc…, notamment l’édition siamoise du Tripiṭaka et même des ouvrages bouddhiques chinois et japonais (Vajirārāma). On pourra trouver en outre des ouvrages occidentaux, à commencer par les éditions et traductions de la Pali Text Society, puis un nombre plus ou moins grand de travaux sur le bouddhisme rédigés pour la plupart en anglais, mais aussi en français et en allemand. Si le monastère est un centre intellectuel important, comme le Vajirārāma, sa bibliothèque prendra un aspect encyclopédique. Il y aura l’Encyclopaedia Britannica, le Larousse du XXe siècle et un choix considérable d’ouvrages occidentaux traitant de philosophie orientale et occidentale, des religions les plus diverses, d’histoire, de politique, de sociologie, d’économie politique, de linguistique et nombre de dictionnaires et de grammaires concernant les langues les plus variées. On y trouvera ainsi plusieurs éditions de la Bible, les œuvres de Kant, de Bergson, de Spencer et de Dewey, celles de Staline et de Hitler, les autobiographies de Nehru et de Gandhi, les mémoires de Churchill et bien d’autres ouvrages dont la variété est causée en partie par le fait qu’ils sont tous des dons séparés, mais qui laissent l’impression forte que les intellectuels bouddhistes moines et laïcs, s’intéressent à l’ensemble du monde actuel et à ses problèmes les plus divers. Les conversations que m’ont accordées plusieurs Révérends éminents ont pleinement confirmé cette impression.
7) Les bâtiments résidentiels ou pansala
67La forme ancienne de la résidence monastique, à savoir le cloître carré dans lequel toujours les cellules s’ouvrent sur la véranda intérieure et tournent ainsi le dos aux influences perturbatrices du monde extérieur, est extrêmement rare. Je ne l’ai guère rencontrée qu’à l’ārāma où vivent les upāsikā du Home d’enfants de Mahādevī, à quelque 20 km au Nord-Est de Colombo et à Gaḍalādeṇiya où les éléments du cloître étaient pourtant séparés par de larges ouvertures. On trouve parfois une disposition qui rappelle plus ou moins celle-ci, ainsi au Kotahenavihāra, où le cloître est réduit à trois côtés et largement ouvert vers l’Est, et au Vajirārāma où la partie orientale présente une forme analogue, ouverte ici vers l’Ouest.
68En général, la résidence des moines est formée aujourd’hui d’éléments rectangulaires séparés et disposés de façon très variée les uns par rapport aux autres. L’élément type consiste en une file de cellules semblables ouvrant chacune sur une véranda commune bordant l’un des grands côtés. Comme tous les bâtiments du monastère, il repose sur une terrasse dont la hauteur varie de 25 cm à 70 cm environ et à laquelle on accède par un ou plusieurs escaliers de quelques marches. Quelquefois la véranda est limitée du côté extérieur par un muret haut de 80 cm environ (Asokārāma) ou plus souvent par un garde-fou en bois soutenu par quelques colonnettes mais cela reste assez rare. La véranda est assez large (1,50 m à 2,50 m) et meublée, comme celle des habitations laïques, par des chaises, des fauteuils, des bancs, des canapés, et des guéridons, et parfois, dans les petits monastères ruraux, par un ou deux lits (Yāpahuwa, Avukana). Elle constitue en effet moins un lieu de passage qu’un lieu de repos et de détente à l’abri du soleil et de la pluie. Sur des cordes tendues entre ses colonnes, les moines font sécher leurs vêtements après les avoir lavés. Le mur de la véranda est souvent décoré d’images pieuses et de photos de moines ou de monuments religieux.
69La cellule est une petite pièce d’une dizaine de mètres carrés éclairée à la fois par la porte qui ouvre sur la véranda et par une fenêtre percée dans le mur opposé, quelquefois par une seconde fenêtre située à côté de la porte ou dans l’un des murs latéraux lorsque la cellule est en bout de file. Les cellules des moines importants sont quelquefois un peu plus grandes et séparées des files ou placées dans un bâtiment distinct, Le mobilier est constitué par un lit étroit et bas, un ou deux fauteils, une ou deux chaises réservées aux visiteurs laïcs, une petite table et une petite armoire faisant surtout fonction de bibliothèque. Quelques images pieuses, quelques photos peuvent orner les murs. Enfin, il est courant de trouver dans les cellules des grands monastères urbains des postes de T. S. F. L’ensemble est presque toujours très simple et présente ce caractère disparate dû au fait que tous ces éléments proviennent de dons distincts.
70Il arrive assez souvent, dans les monastères aux ressources modestes, que deux ou même trois moines doivent partager la même cellule. La composition du mobilier demeure la même, si ce n’est qu’il est multiplié par le nombre des occupants. Enfin, les étudiants des collèges bouddhiques et les novices des monastères importants logent dans des dortoirs aménagés dans des bâtiments assez vastes. Ceux du Vidyālaṅkāra Pirīvena, par exemple, comportent un rez-de-chaussèe et un étage, donnant chacun sur une véranda.
71Le mobilier des résidences, constitué par des dons de provenances diverses, se caractérise, au sein d’un même monastère, par son hétérogénéité, hétérogénéité dans la forme, dans la valeur intrinsèque des objets, dans leur âge, dans leur degré d’usure. Il semble pourtant que, malgré cette grande diversité, les donateurs doivent respecter certaines règles et que les meubles doivent obéir à certaines normes tirées de l’adaptation du Vinaya aux conditions de la vie moderne.
72Ainsi, la petite table de travail que renferme chaque cellule dépasse rarement une superficie d’un demi mètre carré. Le lit mesure au plus deux mètres de long et 80 cm de large. Le cadre en est situé à quelque 40 cm du sol et est recouvert d’un matelas assez mince, de draps, d’une couverture et d’un dessus de lit. A la tête et au pied, il est limité comme nos lits occidentaux par des dossiers simples pleins ou formés de barreaux, ne dépassant pas un mètre de hauteur. Le lit est souvent en bois, parfois en fer ou en bambou. L’armoire et la bibliothèque, qui généralement ne font qu’un, sont de modèles courants, souvent vitrés et de dimensions moyennes.
73La variété est beaucoup plus grande en ce qui concerne les sièges, fauteuils, bancs, chaises, canapés, lits de repos et autres chaises-longues qui, avec les guéridons de tous modèles, meublent les vérandas. Cette diversité s’allie à un souci du confort, et parfois même de luxe qui pourrait étonner si l’on ne se souvenait que le siège à Ceylan comme dans l’Inde et partout dans le monde, joue un rôle prédominant comme symbole de la hiérarchie. Les moines, étant considérés comme supérieurs aux laïques, doivent occuper dans les pièces où ils peuvent avoir à s’entretenir longuement avec eux, vérandas, parloirs ou cellules, des sièges qui marquent cette supériorité. Les dimensions et les formes des fauteuils sont celles des modèles courants dans les intérieurs de la classe moyenne singhalaise et qui ne diffèrent guère de ceux qu’on peut trouver en Occident. Le siège lui-même est a 40 cm du sol environ, il est long et large de quelque 50 cm, pourvu d’un dossier qui avoisine un mètre de hauteur et de bras. Les fauteuils comme les chaises-longues sont généralement cannés. Le siège d’un moine est le plus souvent recouvert de coussins, fréquemment aussi de petites couvertures épaisses et enfin et toujours, par dessus tout cela, d’une pièce de toile blanche fine et propre, large d’environ 40 cm et longue de 1 m s’il s’agit d’un fauteuil, reposant sur les bras du fauteuil et sur les coussins. Les laïques s’asseyent sur des sièges bas et moins confortables, petites chaises dont le siège n’est qu’à 25 ou 30 cm du sol et ne mesure guère que 30 cm de côté. Bien souvent aussi ils s’asseyent tout bonnement à terre sur une petite natte qu’ils y ont étendue. La règle essentielle est que le laïque soit assis plus bas que le moine. Pourtant, si le laïque est un personnage important et que le moine qui l’accueille veuille lui témoigner des égards, il pourra lui désigner pour siège un fauteuil semblable au sien.
74Dans les grands monastères, le supérieur réside dans un petit bâtiment séparé, rectangulaire et pourvu d’une véranda (Asokārāma, Vajirārāma). Parfois, comme au Vidyālaṅkāra Pirīvena, l’un des édifices résidentiels, constitué selon la coutume par une file de cellules donnant sur une véranda commune, est réservé aux moines de passage qui peuvent du reste y demeurer plusieurs mois.
75Dans les monastères assez importants, un bâtiment spécial est aménagé en refectoire. C’est une longue salle rectangulaire dont l’entrée, située au milieu de l’un des grands côtés, donne généralement sur une véranda bordant celui-ci. Les fenêtres sont le plus souvent de petite taille et placées à 1,50 m au moins du sol intérieur. Le mobilier de la pièce est très simple. Le long des murs sont disposés des bancs en bois à dossier et à bras comme on en trouve parfois sur les vérandas, longs de 2 m, hauts de 20 à 25 cm et larges de 40 cm (Vajirārāma), ou bien un seul long banc cimenté, haut de 20 à 25 cm. large de 50 à 60 cm est aménagé tout le long des murs (Isipatanārāma, Vidyālaṅkāra). Ces bancs sont souvent recouverts de nattes sur lesquelles sont alignés des coussins carrés, larges de 50 cm environ et épais de 7 ou 8 cm, jaunes, rouges ou orangés et sur tout cela est toujours étendue une bande de toile blanche fine et propre, large de 35 à 40 cm environ et longue de plusieurs mètres. Parfois, derrière chaque coussin, un autre semblable est appuyé au mur, formant dossier (Isipatanārāma). Les moines s’asseyent, jambes croissées, sur ces sièges bas devant lesquels sont alignées des tables de bois, longues d’un à deux mètres, hautes de de 40 à 45 cm et larges d’autant, souvent recouvertes d’une plaque de métal blanc, zinc ou aluminium (Vajirārāma), ou de linoléum (Isipatanārāma) et, au moment des repas, d’une nappe de toile blanche. Parfois comme au Jayavardhanārāma, les bancs n’ont ni dossier ni bras et sont hauts de 40 cm environ, la table s’élevant à 80 cm. Cette dernière disposition montre que les moines s’asseyent alors à l’européenne. Le mobilier du réfectoire peut comprendre en outre quelques tables plus hautes, de type occidental, qui peuvent servir de desserte et quelques armoires où l’on range la vaisselle. Celle-ci, provenant de dons divers, peut donc varier dans une certaine mesure en qualité et en composition. Elle comprend des bols, des tasses, des soucoupes et des assiettes généralement de couleur blanche, de forme simple sans décoration et des verres auxquels il faut ajouter plats, casseroles et marmites. On n’y trouve aucun couvert, les moines devant manger avec leurs doigts, selon la coutume du pays.
76La cuisine est formée soit par une petite pièce accolée au réfectoire, soit par un petit bâtiment séparé, mais situé à proximité immédiate de celui-ci. Dans le premier cas, par exemple au Vajirārāma, une ouverture pratiquée à mi hauteur dans le mur mitoyen des deux pièces permet de faire passer très facilement les plats et la vaisselle de la cuisine au réfectoire. Entre ces deux pièces peut en être située une autre, petite et servant d’office. La cuisine est toujours une pièce de petites dimensions, sombre et peu meublée. Même si, comme dans les grands monastères urbains, elle est pourvue de l’eau courante, le système utilisé pour la cuisson des aliments est rudimentaire, généralement un feu de bois installé dans une courette, par derrière.
77Les installations sanitaires varient selon la richesse du monastère. Elles sont situées derrière les bâtiments résidentiels et forment de petites pièces intégrées à ceux-ci ou bien sont composées d’édicules isolés dans la cour postérieure. La salle de bains comprend essentiellement un bac à eau cimenté, à peu près cubique, d’un mètre de côté environ ; et une aire cimentée de quelques mètres carrés, l’ensemble formant une petite pièce souvent à ciel ouvert. Un vase de métal destiné à puiser l’eau dans le bac puis à se la verser sur le corps et parfois une cuvette sur trépied d’un mètre de haut constituent tout le mobilier. Le bac est alimenté soit par un robinet dans les grandes villes, soit par un puits situé à proximité. Cette installation est celle que l’on rencontre partout dans le pays, chez les paysans aisés et dans les classes moyennes. Dans certains monastères riches, comme au Vajirārāma, les salles de bains sont de petites pièces au sol cimenté, aménagées comme ci-dessus mais pourvues en plus d’une pomme de douche au plafond, au dessus du bac, qui n’a guère que 70 cm de haut. Il y a là un compromis entre la méthode singhalaise et la méthode occidentale. On trouve aussi dans ce monastère des lavabos du modèle occidental classique et les WC à la turque ou avec siège et chasse d’eau qui seraient tout-à-fait â leur place dans un appartement européen. Dans les monastères plus pauvres, les latrines sont de petits édicules surélevés d’un mètre au dessus du sol, dans lesquels on trouve un siège de bois percé d’un trou de 30 cm de diamètre environ, d’un modèle fréquent chez les paysans aisés et les classes moyennes de Ceylan, comme il l’est du reste dans nos campagnes.
8) Les édicules rituels
78La cloche, de type occidental, conserve des dimensions modestes et ne dépasse guère 30 cm de diamètre. Elle est suspendue dans un édicule formé le plus souvent de deux piliers. Au Gotamī Vihara, ce clocher comporte un socle maçonné, haut de 80 cm, long d’un bon mètre et large de 40 cm, sur lequel sont plantées verticalement deux barres de fer hautes de plus d’un mètre réunies par deux barres transversales, situées l’une à mi-hauteur et l’autre au sommet. C’est au milieu de cette dernière qu’est suspendue la cloche. Le tout est recouvert d’une plaque de fer incurvée, large de 40 cm, formant abri.
79Au Vajirārāma, la cloche est suspendue à une barre placée au sommet de deux piliers de section carrée, hauts de 2,50 m environ, épais de 40 cm et espacés de 70 cm à peu près.
80Le modèle de clocher le plus courant dans les monastères urbains (Jayavardhana, Kotahena, Ward Place etc…) dérive du précédent en ce sens que les deux piliers sont deux fois plus hauts (5 à 7 m) et forment deux arcades superposées, la cloche étant suspendue au sommet de l’arcade supérieure. Les piliers peuvent alors atteindre 80 cm de côté, autant que l’intervalle qui les sépare.
81Plus complexe encore est le clocher à quatre piliers, toujours à deux étages, dont chaque face présente donc l’aspect du modèle précédent (Isipatana, Vidyālaṅkāra, Abhayagiri d’Anurādhapura). La cloche est suspendue entre les quatre arcades de l’étage supérieur qui est parfois surmonté d’un petit dôme (Abhayagiri).
82La décoration du clocher est aussi simple que celle des temples, et sa couleur blanche, blanc bleuté ou ocre.
83On trouve aussi, dans les monastères assez importants, un édicule contenant une lampe et situé généralement à proximité immédiate du stūpa (Kelanīya, Vidyodaya, Abhayagiri) ou de l’arbre de bodhi (Vidyālaṅkara, Gaḍalādeṇiya, Jayavardhana), ou du temple (Asoka, Kotahena). Le plus souvent il se présente sous l’aspect d’une cage vitrée et grillagée de plan carré, haute de 1,50 m à 2 m et large de 1 m à 1,50 m, d’apparence tout utilitaire, mais ce peut être aussi un édicule maçonné, de plan carré, octogonal (Jayavardhana), ou circulaire (Vidyālaṅkāra), à arcades vitrées et surmonté d’un petit dôme. Dans certains cas (Abhayagiri), un tube de métal en traverse l’une des faces et son extrémité supérieure, située à l’extérieur, est pourvue d’un entonnoir. Ce système permet d’approvisionner en huile la lampe sans avoir besoin d’ouvrir l’édicule. La lampe haute de 1 m à 1,50 m est en laiton ou en bronze. Elle comporte un axe central vertical sur lequel sont fixés tous les 20 cm à peu près, des disques horizontaux de diamètres variés garnis sur leur pourtour de petites lampes à huile grandes comme la main, généralement en forme de feuille de pipai. Parfois au lieu de disques, ce sont des bras horizontaux, de longueurs diverses et d’orientation variée qui supportent ces lampes.
84Dans quelques grands monastères (Vidyālaṅkāra, Kotahena), on trouve aussi à proximité immédiate du temple, une petite niche vitrée, carrée ou octogonale, contenant la statue peinte, grandeur naturelle et d’un art très réaliste, du moine éminent qui a fondé le monastère.
9) Les salles de cours
85L’enseignement religieux étant donné couramment dans la salle de prédication, on ne trouve de salles de cours proprement dites et destinées au seul usage pédagogique que dans les pirīvena ou collèges (Vidyālaṅkāra, Vidyodaya, Kotahena). Elles sont contenues dans des bâtiments sans style bien défini, d’aspect occidental, assez vastes, et pourvus généralement d’un étage.
86A l’intérieur on trouve de grandes salles équipées comme toutes les salles de cours avec des pupitres et des bancs alignés en files régulières, et une estrade supportant la table ou le bureau du professeur et son siège. A cela, on doit ajouter quelques tableaux noirs, une pendule et une ou deux armoires.
87Dans quelques autres monastères on peut trouver une école de type plus ancien. Ainsi, à l’Isipatanārāma, elle est constituée par un petit bâtiment carré fort simple, mesurant environ 4 m de coté, y compris une toute petite véranda. Elle accueille quatre élèves qui y reçoivent l’enseignement traditionnel basé sur l’étude du pāli et du sanskrit.
10) Les ermitages
88Certains moines préfèrent demeurer dans une retraite plus paisible que celle des monastères, presque toujours situés à proximité immédiate d’une agglomération, et résider dans des ermitages. Ceux-ci sont situés dans des endroits difficilement accessibles, au fond de la jungle, dans les montagnes ou dans les îles. Conformément aux traditions les plus antiques, ils sont constitués par des huttes ou des grottes à peine aménagées. Les moines y vivent d’une façon ascétique, passant la majeure partie du temps en méditation. Je n’ai malheureusement pas eu la possibilité d’en visiter un durant mon bref séjour.
Notes de bas de page
1 Comme nous l’avons vu, celui-ci renferme aussi des images divines dans la salle nord-est.
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