Chapitre V. La Ḥāfiẓiyya aujourd’hui
p. 131-146
Texte intégral
1La Ḥāfiẓiyya a changé depuis quarante ans, comme l’Égypte elle-même a changé. La confrérie a globalement pâti des transformations de la société égyptienne. Des ajustements plus subtils se sont aussi produits, que seules l’enquête de terrain nous permettent de percevoir. Il n’est pas faux de parler de déclin, à condition d’en préciser le sens. Faut-il comprendre par là la phase qui suit immédiatement l’apogée ? C’est le sens le plus neutre, qui découle de l’idée d’un âge d’or de la confrérie des années 1920 aux années 1970. Faut-il plutôt entendre la phase finale d’une histoire qui approche de son terme ? La confrérie Ḥāfiẓiyya, comme le confrérisme en général, sans parler du soufisme, ne semble pourtant pas prête de disparaître. Certains auteurs inversent même la problématique, et s’interrogent sur la résilience plutôt que sur le déclin1. Le déclin, est-ce alors une diminution du nombre de « soufis » ? Une diminution relative du poids des soufis dans la population totale2 ? Mais qu’est-ce qu’un soufi ? Si l’on ne peut parler non plus de déclin quantitatif, peut-être est-il qualitatif ? Le soufisme aurait-il perdu sa force, son éclat, ses grandes figures de saints ? Rien ne permet de l’affirmer, sinon un jugement de valeur anhistorique3.
2Le paradigme du déclin4 est épuisé : la question de l’évolution historique se laisse mal enfermer dans la trilogie croissance, apogée et déclin. Parler de déclin de la Ḥāfiẓiyya, c’est seulement considérer que ce que l’on a sous les yeux est inférieur à ce que l’on imagine ou reconstruit du passé, selon des valeurs subjectivement construites5. Nous ne nous interrogerons pas davantage sur la résilience, qui continue à intégrer une vision téléologique de l’histoire : telle confrérie, tel pèlerinage auraient dû disparaître, pourquoi demeurent-ils malgré les évolutions historiques ? Nous décrirons donc, dans ce chapitre, les évolutions que nous avons constatées sur le terrain, sans présupposer un déclin ni une résilience.
3Nous reviendrons d’abord sur la question du déclin, puis évoquerons le rôle d’arbitrage traditionnel des cheikhs de la Ḥāfiẓiyya en prenant l’exemple d’une fitna (division confessionnelle entre chrétiens et musulmans) qui eut lieu en 2007 au village de Bamhā, et enfin les trajectoires sociales contemporaines dans la confrérie.
1. Le déclin et la Ḥāfiẓiyya
4Selon une vision très répandue, l’islam et le soufisme déclinent depuis la mort du Prophète, et ne cesseront de décliner jusqu’au jour du Jugement dernier. Il faut donc faire la part du stéréotype et de l’image convenue, dans les discours des soufis comme des chercheurs occidentaux qui relèvent du paradigme du déclin. L’idée que la Ḥāfiẓiyya a connu un déclin est partagée par tous, depuis les cheikhs jusqu’aux disciples. Les analyses proposées diffèrent en revanche substantiellement. Beaucoup de disciples âgés considèrent que la confrérie déclina après la mort du cheikh dont ils avaient reçu l’initiation : après sa mort, « l’esprit a disparu (mā baqāš fī rūḥ) », « ce n’a plus été comme avant (mā baqāš zayy mā kān qabl keda) ». La confrérie, sa prospérité, sont associées au cheikh charismatique que l’on a connu : la distinction n’est pas toujours faite entre la confrérie comme institution pérenne, et les cheikhs investis d’autorité par cette institution. Le cheikh est la confrérie, et qu’il meure, tout se passe comme si une partie de la confrérie mourait avec lui.
5La succession héréditaire ne signifie pas que le charisme et l’autorité du père ou de l’oncle se transmettent automatiquement au fils ou au neveu : encore faut-il faire ses preuves ; c’est la raison pour laquelle tous les hommes de la famille reçoivent les marques de respect dues à un cheikh, alors qu’en définitive, seuls quelques-uns jouent le rôle de cheikh. La succession à l’intérieur de la confrérie, que l’on considère logiquement comme une continuité, est en fait vécue par beaucoup de disciples avec la douleur d’une perte irrémédiable, l’idée qu’une fois de plus, l’irremplaçable s’en est allé. L’idée du déclin, régulièrement, s’en trouve réactivée6.
6Cette conception du déclin n’est pas absente chez les cheikhs, ou plus généralement parmi les disciples éduqués, mais elle est doublée par des considérations historiques portant d’un côté sur l’occidentalisation de la société et l’oubli de Dieu, de l’autre côté sur l’islam radical des salafistes et des Frères musulmans, qui est désigné par l’expression al-islām al-wahhābī, l’islam wahhabite. Les liens entre occidentalisation et islam radical sont très rarement conscients : ils sont simplement pensés en termes de simultanéité. Être conscient d’un déclin n’implique pas systématiquement de réaction : occidentalisation et islam radical sont perçus comme des phénomènes transitoires, qui finiront par disparaître pour rendre au soufisme ses droits naturels. La Ḥāfiẓiyya n’est ni réformiste ni activiste. Le voulût-elle, elle n’en aurait probablement pas les moyens.
7La question de la réalité du déclin se pose enfin à l’observateur : plusieurs évolutions historiques convergentes font globalement penser à un déclin de la Ḥāfiẓiyya, quoiqu’il faille apporter quelques nuances. Il y a tout d’abord la diminution drastique du territoire de la confrérie : entre Barnaš, au nord, et la frontière du gouvernorat de Banī Swayf, au sud. La disparition, aujourd’hui complète, des liens confrériques avec le Delta parachève les évolutions entamées dans le second xxe siècle. Il n’y a plus de disciples dans le Delta, et Ṭanṭā a cessé de jouer le rôle de pivot à partir duquel les cheikhs des premières générations enseignaient et faisaient des disciples jusqu’aux années 1950. Les liens avec ʿUnaybis, le village natal du cheikh ʿAbd al-Ḥāfiẓ, ont cessé dans les années 1990 lorsque les disciples ne firent plus le voyage jusqu’à al-Saʿūdiyya, une fois l’an, pour les pèlerinages.
8À l’échelle du markaz, dernier territoire de la confrérie, l’hégémonie de la confrérie s’est peu à peu érodée. Al-Saʿūdiyya, qui fut jusque dans les années 1950 le principal village, puis bourg de la région, fut ensuite largement dépassée par al-ʿAyyāṭ à partir de l’époque nassérienne : 4 400 habitants contre 8 500 en 1960, 5 000 contre 16 000 en 1976, 8 700 contre 30 000 en 19967. On trouve en outre à al-ʿAyyāṭ toutes les administrations publiques importantes. Plusieurs grandes confréries de l’islam égyptien se sont récemment implantées à al-ʿAyyāṭ, sans pour autant se diffuser largement dans l’arrière-pays : la Ḫalīliyya s’est installée dans les années 1980, suivant de quelques années la Burhāmiyya. La Ḥāfiẓiyya compte aussi des disciples à al-ʿAyyāṭ, sans jouir de la même importance que dans le reste du markaz. Quelques confréries font aussi des disciples dans l’arrière-pays : la Ṣāwiyya est implantée à Lišṭ et Kafr ʿAmmār, et la Ḍayfiyya à Barnaš. Arrivées après la Ḥāfiẓiyya, elles ont profité de la proximité de ces trois confréries issues de la Ḫalwatiyya pour se fondre dans le paysage religieux. Plus au nord, à Dahšūr, la branche Diyāba de la Šāḏiliyya compte elle aussi des disciples. Géographiquement, il faut donc noter la diminution du territoire de la confrérie, sa dilution dans un paysage confrérique plus varié qu’auparavant, et la marginalisation politique et économique de son centre dans l’environnement régional avec l’essor politico-administratif d’al-ʿAyyāṭ.
9Il est donc de plus en plus difficile de trouver de nouveaux disciples, encore davantage de les garder. « Les confréries, aujourd’hui, ne peuvent plus compter uniquement sur l’adhésion automatique de groupes sociaux »8, même à l’échelle du village. La Ḥāfiẓiyya a connut ainsi une importance chute de son activité dans les années 1990 à Abū Ruwayš et dans ses environs, après la mort du cheikh Muḥammad Ḥāmid al-Bašīr en 1985, et est demeurée vingt ans sans cheikh installé au village. Le cheikh Aḥmad al-Bašīr est revenu en 2005 s’installer dans la maison familiale, après avoir achevé ses études au Caire ; le déclin a pu être enrayé, et l’on constate même un certain nombre d’initiations de jeunes gens du village9. La participation des jeunes paraît l’enjeu le plus important pour parvenir à renouveler les rangs de la confrérie. Ils sont évidemment loin d’être absents mais demeurent minoritaires. Leur conception de l’appartenance à une confrérie soufie est différente de celle de leurs parents. On peut faire à cet égard deux remarques : le fait que l’initiation était autrefois systématiquement héréditaire impliquait-il que tous les jeunes participaient à la vie de la confrérie ? Ou bien, comme certains baptisés se mettent à aller à l’église une fois atteint l’âge mûr, comme certains décident d’aller à l’opéra, ces « soufis de naissance » se mettaient-ils à pratiquer sur le tard ? D’autre part, concernant la conception des jeunes, nous n’avons pas encore creusé la question : on remarque une moindre participation au ḏikr, une plus grande attention aux livres, une méfiance envers certains aspects désomais considérés comme trop irrationnels du surnaturel, une attitude de respect légèrement différente envers les cheikhs.
10Au-delà du déclin géographique, il faut dire un mot de l’évolution de la profondeur de l’emprise de la Ḥāfiẓiyya – et du soufisme – sur son territoire. Les confréries soufies étaient, il y a un siècle, la forme par excellence d’appartenance sociale et religieuse, « la principale forme d’organisation de la société égyptienne […]. Elles constituaient la colonne vertébrale de la vie sociale et jouaient un rôle important dans les festivités publiques, qui étaient l’expression principale de la conscience sociale des masses10. » Elles sont devenues, depuis près d’un siècle, une proposition parmi d’autres, qui a certes des atouts à faire valoir, mais n’en est pas moins vigoureusement combattue. Les villages de la région ont tous leurs soufis, leurs salafistes, leurs Frères musulmans et leurs indifférents. Cela ne signifie pas que ces groupes sont imperméables les uns aux autres, ou nécessairement hostiles : nous avons aperçu, dans le marché d’al-ʿAyyāṭ, des posters où le cheikh soufi al-Šaʿrāwī11 voisinait en souriant avec le télégénique cheikh salafiste Muḥammad Ḥasan. Il ne faut pas exagérer, dans les consciences, les contradictions entre soufisme et salafisme, quoique les événements politiques des deux dernières années, surtout après l’accession des Frères musulmans au pouvoir, aient tendu à les marquer plus nettement. Sur la plupart des thèmes islamiques évoqués, on ne note pas de différence de fond majeure entre les deux discours. C’est bien plutôt sur la forme de la prédication qu’on peut les différencier clairement. C’est ainsi que des disciples de la Ḥāfiẓiyya peuvent se rendre à des réunions salafistes, voter pour les Frères musulmans et continuer à les défendre après la destitution du président Muḥammad Mursī à la suite des manifestations du 30 juin 2013, tout en se rendant à la ḥaḍra hebdomadaire et aux pèlerinages.
11Un très bon exemple de la diminution de l’emprise de la Ḥāfiẓiyya, comme des relations ambiguës entre soufisme et salafisme, est une réunion qu’a tenu la Daʿwa salafiyya (dont le Ḥizb al-nūr est l’expression politique) à Abū Ruwayš, le lendemain du pèlerinage du cheikh Ḥāmid, en avril 2013. Contrairement au pèlerinage qui s’est déroulé en fait à la marge du village, près du tombeau, la réunion salafiste s’est tenue sur la place centrale (appelée en dialecte ǧurn). Nous avons compté près de six cents participants, nettement plus que les soufis ayant participé au ḏikr la veille au soir. Beaucoup de ceux qui étaient présents au pèlerinage se sont retrouvés de surcroît à la réunion salafiste. La majorité du discours a porté sur l’iḫlāṣ, la repentance, les vertus, la purification de l’âme : thèmes qui n’ont rien de spécifiquement salafiste. Ce n’est qu’à la fin de l’intervention que l’orateur a parlé d’extirper les erreurs (aḫṭāʾ) du village, dans une allusion transparente au pèlerinage et aux pratiques soufies. Ce n’est qu’en répondant à une question de l’assistance que l’orateur a qualifié de kufr le culte des saints et les pèlerinages, de sorte que l’on a pu sans difficulté accepter le discours en général, en émettant seulement des réserves sur le takfīr intervenu comme en passant, à la marge de l’intervention, et qui plus est, en réponse à une question d’un auditeur.
12La Ḥāfiẓiyya a connu un recul indéniable pendant les quarante dernières années, dans son étendue comme dans la profondeur de son influence. Il y a d’une part le déclin vécu par les cheikhs et les disciples, dont on doit rendre compte en tant que phénomène historique original ; d’autre part les évolutions historiques, qui ont conduit la Ḥāfiẓiyya à ne plus être qu’une des formes d’organisation sociale et religieuse proposées au croyant musulman. Alors que l’on place souvent l’occidentalisation et l’essor de l’islam radical au premier rang des causes, il convient de nuancer : il faut considérer, à l’échelle locale, d’autres facteurs, démographique, économique, juridique ou administratif ; éviter aussi d’opposer terme à terme les grandes interprétations de l’islam (soufisme, salafisme, etc.) en oubliant que tout le monde ne pense pas à ce niveau de généralité. La réalité est bien plus souvent faite d’accommodements et de compromis, sans toujours rechercher la cohérence. Nous verrons ainsi que lorsque des islamistes attaquent une église, l’islamisme n’est pas forcément condamné en tant qu’idéologie qui conduirait en fin de compte et nécessairement à l’attaque des lieux de culte des autres religions.
2. L’arbitrage et la médiation
13Les cheikhs de confréries soufies ont souvent joué par le passé, et continuent parfois de jouer un rôle de médiation et d’arbitrage12. La modestie de la Ḥāfiẓiyya la défend d’entretenir elle-même une structure dédiée pour mettre à la disposition de son public des juristes ou, dans les cas les plus graves, une assemblée d’arbitrage13 (maǧlis al-ʿarab, maǧlis al-ṣulḥ ou encore maǧlis ʿurfī). Deux situations sont donc envisageables : pour le requérant, visiter le cheikh pour recourir à son arbitrage personnel ; pour le cheikh, participer à une assemblée d’arbitrage organisée localement en tant que notable et chef religieux.
14Les habitants du district peuvent d’abord venir voir un cheikh pour lui présenter une requête, qui peut porter sur tous les domaines de la vie personnelle, économique et sociale : un conflit de voisinage, un problème de terrain ou d’irrigation, un partage d’héritage ou encore des dettes échues et non payées. Dans le cadre de la complication de la relation de clientèle que nous avons évoquée14, le cheikh pourra agir lui-même ou charger un autre disciple d’agir à sa place, à titre gracieux ou contre une rémunération dont il décharge le requérant.
15Le cheikh peut aussi, de son côté, participer à des assemblées d’arbitrage dont il est un membre naturel15. Cette justice coutumière s’observe dans le cas exceptionnel d’un pogrom (le terme arabe qui est employé pour décrire l’événement est fitna) survenue au village de Bamhā en 2007, qui compte 11 741 habitants, d’après le recensement de 2006, dont plusieurs centaines de chrétiens. Les chrétiens du village utilisaient depuis plusieurs années la maison d’un fidèle pour prier en commun. Ils décidèrent finalement de la transformer en église en 2007, après avoir attendu en vain un permis de construire du gouvernorat. Cette décision provoqua la colère des musulmans du village qui, après la prière du vendredi, attaquèrent la communauté copte du village. Une trentaine de maisons brûlèrent, et l’on releva un peu plus d’une dizaine de blessés16.
16La version orale affirme que ce furent des ḫuṭabāʾ (sing. ḫaṭīb, sermonnaires de la prière du vendredi) venus de l’extérieur – c’est le ministère des awqāf qui nomme les prédicateurs des mosquées qui dépendent de lui, – qui excitèrent la colère des musulmans par leurs prônes contre les chrétiens et distribuèrent des tracts appelant à se venger de l’affront. On lit sur l’un d’eux : « Dieu est grand, Dieu est grand ; l’islam est en danger ; sortez participer au ǧihād après la prière du vendredi »17. Il suffit ensuite de quelques provocateurs (lesānhom ṭewīl, litt. « leur langue est bien pendue ») pour que les affrontements éclatent. On voit encore, ici, que le lien n’est pas nécessairement fait entre les grandes idéologies que l’on aurait tendance à incriminer (l’islam radical, l’intolérance croissante envers les chrétiens, les tensions interconfessionnelles depuis les années 1970) et les événements locaux18.
17Parmi les journaux, il n’est guère que al-Miṣrī al-yawm pour tenter une mise en perspective historique qui dépasse la simple présentation des faits plus ou moins déterminée par l’orientation politique libérale du journal. Il replace la fitna de Bamhā dans la lignée des fitna-s confessionnelles qui aurait débuté dans les années 1970, en lien avec les changements profonds de la société égyptienne. Critique à peine voilée dirigée d’un côté contre l’islamisme radical, de l’autre contre le gouvernement de Ḥusnī Mubārak et ses arrangements avec les islamistes à la suite de Sadate. Les autres journaux se contentent de mettre en cause la lenteur de l’intervention de la police (BBC) ou la négligence du service gouvernemental chargé d’autoriser la construction d’église (al-Misriyyūn). Les quotidiens gouvernementaux (al-Ahrām, al-Ǧumhūriyya, al-Aḫbār), quant à eux, insistent sur le rôle positif de la police, les succès de l’enquête en cours, et proclament l’indéfectible unité nationale (waḥda waṭaniyya) et l’amour (maḥabba) qui règne entre les Égyptiens.
18La priorité, après la survenue d’une fitna confessionnelle, est la réconciliation (taṣāluḥ) entre chrétiens et musulmans, en général pilotée par l’État en coopération avec les autorités religieuses et coutumières. Dans le cas de Bamhā, l’initiative est revenue au mudīr ʿāmm du gouvernorat d’al-Ǧīza : « ce plan prévoit la tenue d’une assemblée d’arbitrage coutumière (ǧalsat ṣulḥ ʿurfiyya) à laquelle assisteront les cheikhs, les hommes de religion et les prêtres afin d’annoncer la réconciliation »19. Cette séance fut précédée de négociations entre les représentants des deux communautés, par l’intermédiaire des notables et de l’État, pour discuter la question primordiale des réparations. Si les quotidiens gouvernementaux se bornent à acter la réconciliation et taisent le contenu des négociations, un article d’al-Miṣriyyūn apporte d’importantes précisions : les représentants coptes auraient refusé la compensation financière offerte par le conseil de réconciliation, car ils tenaient l’État pour responsable ; ce fut donc à ce dernier à fournir la somme20, et non à la communauté musulmane. Les représentants coptes cherchent donc à impliquer l’État comme acteur, et non seulement comme parrain de la réconciliation traditionnelle, qui est un mécanisme institutionnalisé21. Cela tendrait à accréditer la version orale de l’événement, qui met en avant le rôle de prédicateurs et de provocateurs étrangers à la région. La séance finale, qui marque symboliquement la réconciliation entre chrétiens et musulmans, se tint à al-ʿAyyāṭ, en présence d’au moins un tiers des habitants de Bamhā22. Les cheikhs de la Ḥāfiẓiyya y participèrent.
19Les journaux égyptiens se désintéressèrent vite de l’affaire, après huit jours de couverture. L’enquête de terrain dévoile au contraire les efforts d’enracinement de la réconciliation, par deux canaux différents : des négociations locales, à Bamhā, pour rouvrir la maison brûlée qui servait de lieu de prière et la transformer en église – elle fut effectivement rénovée, et fonctionne toujours ; des tenues de réunions informelles dans la région, et l’utilisation du prêche du vendredi (ḫuṭba) pour calmer les esprits et expliquer aux gens les tenants et les aboutissants de l’affaire. Les cheikhs de la Ḥāfiẓiyya jouèrent à ce niveau un rôle important, grâce à leur connaissance de la région, leur implantation dans la plupart des villages, et le réseau d’hommes de religion qu’elle était capable de mobiliser.
20Cet exemple révèle l’une des facettes du rôle d’arbitrage et de médiation dont sont investis les cheikhs de la Ḥāfiẓiyya, en tant que notables locaux et dignitaires religieux. Ils interviennent dans le procès d’arbitrage traditionnel, en vue de la réconciliation, largement institutionnalisé et intégré aux instruments à la disposition de l’État lorsque surviennent des troubles confessionnels23 ; ils prolongent, d’autre part, l’action ponctuelle de l’État au moment de la crise, en contribuant à enraciner la réconciliation entre les habitants, et pallient le manque de continuité des initiatives officielles. Les fitna-s de cette ampleur sont relativement rares dans cette région et ne constituent qu’une part réduite des activités d’arbitrage et de médiation de la Ḥāfiẓiyya.
21Les cheikhs jouent surtout un rôle quotidien, modeste, dans la société villageoise, dans les affaires privées, traitées de manière informelle, difficiles d’accès au chercheur : problèmes conjugaux, différends commerciaux ou financiers, querelles de voisinage, difficulté dans la délimitation des terres ou la répartition des eaux d’irrigation. Il n’est quasiment aucune question que l’on ne puisse soumettre à la médiation d’un cheikh. On se rend chez lui n’importe quel jour de la semaine, avec une plus grande affluence le vendredi. Les hommes comme les femmes peuvent prétendre à une telle rencontre, et il est d’usage de remercier le cheikh par une petite offrande, souvent de la nourriture. De ce point de vue, la médiation du cheikh complète et recoupe parfois celle des assemblées d’arbitrage coutumières.
3. La cohésion de la Ḥāfiẓiyya
22À chaque génération le problème de la cohésion devient plus crucial : tout d’abord parce que le champ du possible social devient de plus en plus vaste, et l’unité de la famille de moins en moins structurée par les fins qu’elle se propose à elle-même24 ; ensuite parce que le nombre des descendants du cheikh ne cesse de croître, et demande de penser des stratégies de réunification. Le mariage entre cousins, et la politique de gestion des biens familiaux en sont les principaux instruments.
23Partons de l’exemple des fiançailles du cheikh Aḥmad al-Bašīr et de sa cousine Asmāʾ al-Disūqī, en juin 2013, que nous avons pu observer. L’analyse de l’invitation aux fiançailles révèle à quel point les enjeux de cohésion sont puissamment ressentis. Elles ont lieu, dit-on, entre deux descendants (aḥfād) de la lignée (sulāla) du cheikh « ʿAbd al-Ḥāfiẓ b. ʿAlī al-Ṣaʿīdī al-Mālikī al-Ḫalwatī šāriḥ Maǧmūʿ al-Amīr ». Il est décrit comme la rencontre (iltiqāʾ) de deux mers (baḥr), celle du cheikh Abū Ḍiyāʾ al-Bašīr et celle du cheikh Muḥammad al-Amīr. L’invitation figure d’emblée ces fiançailles, sur le plan spirituel, comme la réunion de deux des trois lignées saintes issues du cheikh ʿAbd al-Ḥāfiẓ25. Cette réunion spirituelle est sans doute présente et efficace à la conscience des membres de la famille ; elle se déclinera par la suite en relations sociales et en redistribution matérielle des biens de la famille.
24Les fiançailles et le mariage sont pourtant bien autre chose qu’une simple affaire de cohésion de la famille : ils intéressent les disciples et dévots de la Ḥāfiẓiyya et, plus généralement, les habitants des villages de la région qui attendent de la famille un comportement de notables ; autrement dit, une grande fête publique et ouverte à tous. Les fiançailles et le mariage sont affaire publique autant que privée.
25Les réjouissances durèrent trois jours. Le premier jour fut l’occasion d’une grande fête au village d’al-Saʿūdiyya, autour de la maison du cheikh Muḥammad al-Disūqī, centre de la confrérie Ḥāfiẓiyya, et non à Abū Ruwayš, village du cheikh Aḥmad, le fiancé. Cette localisation indique très clairement le caractère public du mariage et son importance pour la confrérie Ḥāfiẓiyya entière. Il se déroula selon tous les standards du mariage traditionnel égyptien en Haute-Égypte. Les participants conviennent toutefois que l’on consomma moins d’alcool, et fuma moins de ḥašīš qu’il n’est coutume, par respect pour la dignité de la famille du cheikh ʿAbd al-Ḥāfiẓ.
26Le deuxième jour coïncidait – c’était tout à fait volontaire – avec la ḥaḍra hebdomadaire du jeudi. Ce fut l’occasion d’un petit pèlerinage, avec ses visites aux tombeaux des saints de la famille au cimetière d’al-Saʿūdiyya, ses chanteurs religieux (munšid), son ḏikr jusqu’à l’aube et ses réjouissances procurées par des mawaldiyya, forains ambulant entre les différents pèlerinages, prévenus on ne sait comment. Comme la veille, on comptait plusieurs milliers de personnes présentes, dont quelques centaines prirent part au ḏikr.
27Tous les cheikhs de la Ḥāfiẓiyya, et peut-être deux ou trois cents disciples, se déplacèrent le vendredi soir à la mosquée de Sayyida Nafīsa, au Caire, pour obtenir la baraka de la sainte. La famille finança une partie du coût des transports, et les disciples prirent à leur charge le reste. Les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, se succédaient dans les salles du dār al-munāsabāt (salle de réception de la mosquée) pour féliciter séparément les fiancés ; du côté des hommes, les cheikhs de la Ḥāfiẓiyya polarisaient bien davantage l’attention que le marié, notamment le cheikh Muḥammad al-Disūqī que l’on ne voit habituellement jamais sortir de sa retraite.
28Alors que la stratégie matrimoniale qui préside à la définition de l’union appropriée est une affaire de cohésion de la famille, la célébration de cette union intéresse l’ensemble de la communauté, parce que le marié est cheikh de confrérie et descendant de saint, et que la famille se doit de tenir son rang. Le mariage est à la fois public et privé. Le disciple se rendra au mariage parce qu’il aime son cheikh : il porte souvent sa photographie dans son portefeuille ou sur son téléphone portable26, connaît les détails et les aléas de ses études et maintes péripéties de son existence. Un cheikh n’est jamais un simple directeur spirituel : il est objet d’amour, de vénération, d’identification. Un événement privé comme le mariage, par conséquent, concerne aussi le disciple.
29Les dévots, de même, recherchent la baraka de la famille, et vont au mariage comme ils iraient au pèlerinage d’un cheikh de la confrérie27. C’est la raison pour laquelle le mariage et le pèlerinage partageaient, visuellement et structurellement, un certain nombre de caractéristiques, surtout le deuxième jour qui fut un véritable pèlerinage. Les autres invités se rendirent à ce mariage parce qu’ils avaient d’autres relations sociales à actualiser, et tous, en définitive, désiraient profiter des réjouissances offertes, qui divertissent d’un quotidien parfois étouffant28. Le mariage fait ainsi partie des instruments qui renforcent la cohésion de la Ḥāfiẓiyya, sans s’y réduire tout à fait ; l’analyse montre aussi, à rebours, la difficulté de discriminer les pratiques religieuses décrites dans le chapitre VI et les événements sociaux, en théorie non religieux, qui engagent la confrérie.
4. Conclusion : tradition et modernité dans la Ḥāfiẓiyya
30La Ḥāfiẓiyya offre à l’observateur un visage à la fois traditionnel et moderne29, produit d’une histoire longue d’un siècle et demi. Bien que la période contemporaine corresponde à un reflux de la confrérie, en étendue comme en profondeur, elle demeure toujours solidement ancrée dans le sud du gouvernorat d’al-Ǧīza. Les cheikhs estiment leurs disciples à quelques centaines, les dévots se montant peut-être à quelques milliers30. Ils ne pratiquent aucun prosélytisme et se contentent d’être comme ils pensent avoir toujours été, cheikhs soufis attachés à la Loi, qui expriment tous les potentialités de la sainteté en islam (le ʿālim ʿāmil, l’extatique, le mutaṣawwif ʿamalī), transmettant la voie de leur ancêtre ʿAbd al-Ḥāfiẓ ʿAlī. Ils disposent pour se conforter d’une mémoire collective sûre d’elle-même, d’atouts politiques, économiques et sociaux, qui garantissent pour un temps la pérennité de la présence de la Ḥāfiẓiyya.
31Pourtant, comme toute structure sociale humaine, la Ḥāfiẓiyya a une histoire, de même que les doctrines enseignées et les pratiques religieuses. Les doctrines enseignées, les pratiques religieuses, ont elles aussi une histoire. Il serait par conséquent erroné de voir dans cette confrérie un mode d’organisation archaïque, voué à disparaître, et de s’interroger à rebours sur les raisons de sa résilience. Elle évolue à un rythme propre, intégrant certains éléments nouveaux, en rejetant d’autres, archaïques, et le plus souvent laisse lentement dériver les vieilles pratiques ou idées vers de nouvelles significations, donnant ainsi l’illusion de la continuité.
32Le meilleur exemple de cet entremêlement des formes modernes et traditionnelles est l’utilisation d’Internet. La Ḥāfiẓiyya possède désormais deux pages ouvertes sur le réseau social américain Facebook31, dédiées au cheikh ʿAbd al-Ḥāfiẓ ʿAlī et au cheikh Muḥammad al-Disūqī, de structure assez similaire. Deux utilisations sont possibles pour le chercheur : la lecture comme source historique pour l’histoire de la confrérie ; l’étude des mentalités et des formes de la piété contemporaine.
33Dans le premier cas, on constate que les cheikhs de la Ḥāfiẓiyya ont commencé à utiliser les médias modernes à la fin des années 2000, à l’époque où s’en diffusait l’usage dans la société égyptienne. On peut évoquer le rapport à la politique, dont l’étude permet de comprendre comment des cheikhs soufis conçoivent leur rôle dans la société : engagement en faveur de la révolution du 25 janvier 201132, sourde hostilité au régime des Frères musulmans et soulagement après la deuxième révolution du 30 juin 2013. On peut alors préciser le rôle du soufisme dans les événements des trois dernières années et étudier la façon dont les positions des cheikhs de confréries les plus engagées (la Aẓamiyya par exemple, plus récemment la Šarnūbiyya33) ont été répercutées, et comment s’expriment des positions autonomes parmi les petits cheikhs de confrérie, dans un pays où la politique était devenue le principal sujet de conversation. Après cette date, les messages et les allusions politiques disparaissent totalement34. Ce n’est pas pour surprendre, si l’on sait la reprise en main progressive par l’armée, la compression de l’espace public et des médias, et donc des possibilités d’expression, parmi les masses. La passion de la politique est largement retombée dans la population, et la page Facebook du cheikh ʿAbd al-Ḥāfiẓ en est un témoin.
34On peut aussi essayer d’analyser l’impact de la page sur le public de la confrérie : nous avons rencontré, par exemple, au pèlerinage du cheikh Ḥāmid un groupe de disciples de la Ǧaʿfariyya, qui avaient eu connaissance de la Ḥāfiẓiyya par l’annonce publiée sur la page de la confrérie sur le site du réseau social Facebook. Au-delà de cet exemple, qui est plutôt l’exception, il semble qu’il faille davantage concevoir un réseau numérique de soufis qui se superpose aux appartenances confrériques mais qui use de codes de communication originaux.
35Cela nous conduit à notre second point : l’étude des mentalités et des formes de la piété. La grande question est de savoir ce que signifie être musulman, être soufi au début du xxie siècle ? On dira que l’étude des pages de réseaux sociaux pourrait tout au plus nous renseigner sur la façon dont on montre, dont on exprime son islam ou son soufisme ; ce serait méconnaître l’ambiguïté de la relation entre réseau social et intimité, et ne pas être attentif aux bouleversements que l’on sent dans le rapport entre l’homme moderne, la vie privée et la vie publique.
36L’exemple de la page du cheikh ʿAbd al-Ḥāfiẓ, que gère le cheikh ʿAḥmad al-Bašīr, nous met en présence d’une sorte de « blog » du jeune cheikh soufi. La piété envers les ancêtres est omniprésente, et s’exprime par des poèmes (ceux utilisés lors de la ḥaḍra), des photographies, des citations de la Hidāyat al-rāġibīn et de courtes invocations. À partir de septembre 2013, le cheikh Aḥmad al-Bašīr a commencé à publier des photographies des ouvrages manuscrits et imprimés de ses ancêtres ʿAbd al-Ḥāfiẓ et Muḥammad al-Amīr35. Si l’on ajoute à cela la publication de vidéos de pèlerinages de la confrérie, en particulier celui du cheikh Ḥāmid à Abū Ruwayš, et l’utilisation de la page, entre janvier et l’été 2014, pour mettre en ligne une série de questions sur le soufisme adressées aux lecteurs de la page36, on peut noter une volonté plus grande d’utiliser Internet pour diffuser la voie et éduquer les disciples.
37On retrouve aussi de nombreuses citations des autorités du soufisme, à la fois offertes à la réflexion du lecteur, et données en exemple pour les pieux lecteurs ; les plus célèbres wird-s et ḥizb-s, poèmes religieux des confréries soufies, se retrouvent en outre publiés à intervalles réguliers. Les mosquées d’Égypte sont aussi très souvent évoquées, accompagnées de fragments de biographies des saints qui y sont enterrés, et de tremblantes photographies prises avec un téléphone portable, pendant un pèlerinage ou lors d’une visite pieuse. Les lecteurs répondent le plus souvent par la voie du commentaire : madad yā sayyidī al-šayḫ comme ils le feraient oralement. Peu utilisent le commentaire pour fournir des réponses argumentées.
38On trouve enfin les mêmes éléments que sur beaucoup de pages de musulmans sur le réseau social Facebook : photographies et calligraphies pieuses et fades, citations du Coran, prières et invocations, vidéos de prédicateurs célèbres (al-Šaʿrāwī au premier chef37, ʿAlī Ǧumʿa, l’ancien mufti de la République et lui-même soufi, parfois ʿAbd al-Ḥalīm Maḥmūd, ancien recteur d’al-Azhar, lui aussi soufi). Quel que soit l’intérêt que l’on conçoive pour la période contemporaine, et quelle que soit la valeur que l’on reconnaisse à une histoire du temps présent, il faut être conscient des nouvelles sources disponibles pour le chercheur à l’ère du numérique, et de l’intérêt des réseaux sociaux, que l’on peut considérer dans une certaine mesure comme un prolongement contemporain des écrits du for privé.
Notes de bas de page
1 Luizard, 1990 ; Chih, 2004, p. 79 et autres textes de l’auteur ; Hoffman, 2009, p. 357-374 ; Mayeur-Jaouen, 2005, p. 11-32.
2 Luizard (1990, p. 47), cite le chiffre de six millions. Le Conseil supérieur des confréries soufis (mašyaḫat al-ṭuruq al-ṣūfiyya) parle régulièrement de quinze millions, qui est le chiffre repris par les journaux égyptiens gouvernementaux ou libéraux (au sens égyptien). Je crains que ces chiffres ne signifient rien du tout et doute qu’il vaille la peine même de les mentionner.
3 En plus des ouvrages déjà cités, cf. Lings, 1990.
4 Pour l’historiographie ancienne, cf. Le Chatelier, 1887. Plus récemment, concernant la Ḫalwatiyya en particulier, Bannerth, 1964-1966 ; Martin, 1972.
5 Selon que l’on valorisera, par exemple, le soufisme comme doctrine et pratique destinées à former une petite élite spirituelle ou à spiritualiser l’islam à grande échelle. Cf. Geoffroy (2003, p. 202), qui se sert de ces deux orientations pour distinguer entre soufisme « classique » et confrérique.
6 C’est peut-être l’une des raisons de son enracinement si profond. . On conçoit peut-être autant le déclin pour des raisons purement rationnelles, d’analyse historique, que pour exprimer certains sentiments subjectifs.
7 Recensements du markaz d’al-ʿAyyāṭ. Nous avons arrondi les chiffres à la centaine inférieure jusqu’à 49 et supérieure à partir de 50.
8 Luizard, 1990, p. 18.
9 Plusieurs problèmes demeurent, notamment celui du contrôle de la mosquée de la confrérie, confié dans les années 1990 au ministère des awqāf. La Ḥāfiẓiyya a perdu le droit de l’utiliser pour les ḥaḍra-s, et se voit imposer le ḫaṭīb du vendredi. Le cheikh Aḥmad tente de récupérer le contrôle, ce qui est presque impossible compte tenu de la volonté du ministère de mieux contrôler les masāǧid ahliyya.
10 Baer, 1969, p. 212.
11 Chih, Mayeur-Jaouen, 2002.
12 Chih, 2000, p. 291 et p. 295-304.
13 Dupret, 2005. Dans ce numéro, cf. surtout Ben Néfissa, 2005.
14 Cf. chapitre VI, paragraphe 5, « Les visites et le service du cheikh ».
15 Sur le fonctionnement pratique de la justice coutumière dans la région d’Edfū, voir Nielsen, 1998. Étonnamment, ni Sarah Ben Néfissa ni Hans Nielsen n’évoquent le rôle des cheikhs soufis dans l’arbitrage, pas plus que les cas de troubles interconfessionnels traités par la justice coutumière.
16 Version de la presse dans son ensemble : BBC ʿarabī, 11 et 13 mai 2007 ; al-Miṣriyyūn, 11, 12, 14 et 16 mai 2007 ; Ǧarīda Waṭanī, 13 mai 2007 ; al-Ǧumhuriyya, 13 mai 2007 ; al-Dustūr, 13 mai 2007 ; al-Aḫbār, 14, 15 et 17 mai 2007 ; al-Ahrām, 17 mai 2007 ; al-Misrī al-Yawm, 19 mai 2007. Les articles sont réunis sur la page suivante : http://www.coptichistory.org/new_page_1994.htm, consulté en juillet 2013.
17 Tract reproduit dans le quotidien al-Dustūr, 13 mai 2007.
18 Nicolas Michel (communication écrite) n’est pas de cet avis : pour lui, ce discours vise à dédouaner les villageois en rejetant la faute sur des perturbateurs étrangers. Attribuer le pogrom aux villageois pour des raisons idéologiques aurait des conséquences graves sur l’ensemble du village. Le lien avec les grandes idéologies serait au contraire tout de suite fait par les villageois mais considéré si dangereux qu’il devait être vigoureusement nié.
19 Al-Miṣriyyūn, 14 mai 2007.
20 Al-Miṣriyyūn, 16 mai 2007.
21 Nielsen, 1998, p. 155.
22 Al-Aḫbār, 17 mai 2007.
23 Cette compénétration du légal et du traditionnel (ʿurfī) est aussi soulignée par Chih (2000, p. 305) et les auteurs cités précédemment.
24 Nous parlons uniquement de la période contemporaine. Cf. chapitre IV, 2, « Trajectoires sociales dans la Ḥāfiẓiyya ».
25 Nous n’avons observé aucun cas de polygamie dans la Ḥāfiẓiyya : les stratégies matrimoniales restent dans le domaine de ce qui est socialement admis dans cette région, où la polygamie est absente. Les recensements étudiés pour le xixe siècle confirment l’absence de polygamie pour la période contemporaine.
26 Mayeur-Jaouen (éd.), 2002, p. 25 : « la photographie est certainement l’un des bouleversements les plus profonds de l’hagiographie musulmane au xxe siècle ». Signalons que l’on trouve aussi quelques images de synthèse du prophète Muḥammad enregistrés dans les téléphones portables des fidèles musulmans égyptiens.
27 L’analyse des pèlerinages de la Ḥāfiẓiyya se trouve dans le chapitre VI, 4.
28 Nous n’évoquons pas les invités venus du Caire ou d’autres gouvernorats, qui s’expliquent par des formes plus banales de relations sociales : amitié d’école ou d’université, collègues de bureau, etc.
29 Nous avons bénéficié de la lecture d’Ahmed A. Zayed, 2008.
30 Le cheikh Aḥmad al-Bašīr parle de 400 disciples et 3 000 dévots. Le markaz d’al-ʿAyyāṭ est peuplé d’environ 300 000 âmes.
31 Nous y reviendrons dans la troisième partie, chapitre VIII.
32 Article du 11 février 2011, jour du retrait de Ḥusnī Mubārak ; article du 22 février 2011 : « ô Dieu, ô répondant, nous demandons à Dieu qu’il écarte le malheur et la tyrannie des peuples libyen, bahreïni, égyptien, tunisien qui sévissent dans les pays arabes. Nous demandons que les peuples arabes se dressent et prennent conscience de ce qu’ils ont manqué, et devancent les événements, et que revienne la faculté de juger, comme avant. Il n’y a de Dieu que Dieu et Muḥammad est son envoyé ».
33 Entre autres al-Miṣrī al-Yawm, 7 février 2013, 24 juillet 2013 (participation officielle des confréries soufies à la manifestation tafwīḍ al-ǧayš).
34 Nouvelles explorations de la page de la confrérie, été 2016. Il est possible, ne vivant plus en Égypte, que certaines allusions à des événements contemporains, contenues dans certains vers, nous aient échappé. Le mouvement général ne fait en revanche aucun doute.
35 Les ouvrages publiés sont : la Hidāyat al-rāġibīn manuscrite, une ḫuṭba manuscrite pour le ʿīd al-naḥr, un commentaire du poème Banāt Suʿād imprimé, le Luqṭat al-ʿaǧlān imprimé, le commentaire du Rawḍ al-afhām imprimé, les Mināh rabbāniyya manuscrites de ʿAbd al-Ḥāfiẓ ; une partie du commentaire du Maǧmūʿ de Muḥammad al-Amīr ; la silsila de la famille. Il est probable que c’est notre intérêt pour les vieux ouvrages conservés dans la bibliothèque d’Aḥmad al-Bašīr qui a poussé le cheikh a diffusé ces textes en ligne.
36 Quelques exemples : qui appelle-t-on en islam balīʿ al-arḍ ? La femme peut-elle se parfumer ? Qui est l’auteur de ces vers ? Comment interpréter telle sourate ? Quelle est la relation entre Jésus et Zacharie ? Un mari peut-il laver sa femme après son décès ? Comment reconnaître un ʿārif bi-llāh ? L’archéologie est-elle légale ? Quels sont les interdits pendant l’allaitement ? Ces questions reflètent la diversité de l’enseignement dispensé par les cheikhs soufis : droit, tafsīr, soufisme, questions de société interprétées selon les termes de la Loi.
37 Chih, Mayeur-Jaouen, 2002.
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