Chapitre premier. Contexte, population et démarche de recherche
p. 23-54
Texte intégral
1La population qui a fait l’objet de notre étude a été constituée par le jeu combiné d’une politique d’admission restrictive – la clause de NEM – et d’une politique d’accueil dissuasive – la suppression de l’aide sociale. Assise sur ces deux piliers, la politique d’asile s’est de plus en plus étroitement articulée à la notion d’« abus du droit d’asile ». Dans une première section de ce chapitre, nous montrerons que les motifs juridiques pour décider la nonentrée en matière sur une demande d’asile se sont multipliés au fil du temps, de nouveaux arguments ayant progressivement été pris en compte comme indicateurs d’« abus » au cours des réformes successives du droit d’asile. La suppression de l’aide sociale représente cependant une nouvelle étape dans l’évolution de la politique d’asile et vient compléter le durcissement juridique par une action sur les conditions de vie des personnes à qui la procédure d’asile a été refusée par la décision de NEM. Les restrictions formelles d’accès à la procédure d’asile, ancrées sur la véracité de la demande d’asile et les éléments tangibles qui attestent la persécution, vont donc être associées à des dispositions rendant le séjour en Suisse le moins attractif possible, dans une visée de dissuasion. La suppression de l’aide sociale représente cette seconde composante de la politique d’asile. Si elle renvoie à des moyens plus informels de limiter l’asile, puisqu’ils sont censés avoir un impact sur la subjectivité des personnes, la mesure de suppression de l’aide sociale a nécessité la mise en place d’instruments juridiques permettant de l’appliquer aux personnes frappées de NEM. Nous expliquerons comment, sur le plan juridique, la suppression de l’aide sociale a pu être appliquée à cette seule catégorie de requérant-e-s avant même la révision de la loi sur l’asile, qui l’a étendue à l’ensemble des débouté-e-s dès 2008.
2Dans une seconde section de ce chapitre, nous offrons un aperçu de la population NEM sur laquelle a porté notre étude, à l’aide de quelques données permettant d’appréhender sa composition, sa provenance et certains aspects liés à son séjour en Suisse. Ces données, issues des Rapports de monitoring de l’ODM1, des statistiques fédérales de l’asile et des statistiques cantonales que nous avons pu obtenir dans les cantons de Berne et de Genève, permettent également de saisir, par le biais de données chiffrées, la présence du phénomène de la « disparition » des personnes du fait de la situation contradictoire issue de l’illégalité de leur séjour et des obstacles à leur départ ou de l’impossibilité de leur renvoi. Nous présenterons enfin, dans une troisième section, les éléments méthodologiques sous-tendant notre démarche de recherche. Nous préciserons alors le profil de nos répondant-e-s et soulignerons les difficultés inhérentes à une recherche abordant des phénomènes à la limite de la légalité et cherchant à rencontrer des personnes saisies dans des processus d’invisibilisation.
1. Une politique d’asile sur deux piliers
3En matière d’étrangers, la Suisse offre une double image, opposant à sa renommée mondiale comme terre d’accueil une réputation de xénophobie invétérée (D’Amato, 2008 ; Parini et Gianni, 2005). Sa longue tradition de refuge et sa place sur la scène internationale comme siège d’organismes à vocation humanitaire rendent compte de la première dimension. Pour comprendre la seconde, il convient de souligner les discordances existant en Suisse entre régions et entre niveaux fédéral et cantonal. Si, historiquement, le pays s’est distingué dans le contexte européen pour avoir reçu des vagues de réfugié-e-s de provenances et de composition multiples, l’accueil réservé à ceux/celles-ci a été très différent d’un endroit à l’autre, les cantons étant, jusqu’à une date récente, pleinement souverains en la matière. L’hospitalité a donc été tributaire d’options religieuses (protestants accueillis dans les cantons réformés du XVIe au XVIIIe siècle) ou de sympathies politiques (vagues de réfugiés politiques dans les cantons libéraux), les autorités et les acteurs cantonaux faisant preuve d’ouverture ou de fermeture face aux victimes de persécutions (Vuilleumier, 1992). Certaines disparités, en partie héritées de l’histoire, se retrouvent aujourd’hui dans le traitement réservé par les cantons aux requérant-e-s d’asile, comme nous le verrons dans la suite de cet ouvrage.
4Cependant, une évolution dans le sens d’une affirmation du pouvoir étatique s’est développée dès le milieu du XIXe siècle, marquée par la prise de contrôle de la Confédération sur la population étrangère (Office central de police des étrangers en 1917, Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE) en 1931), bien qu’une législation spécifique sur l’asile n’ait vu le jour qu’en 1979. Les nombreuses initiatives dites « xénophobes » qui ont jalonné les années 1970 autour des thèmes du nombre et du taux souhaitable d’étrangers pour se prolonger plus récemment sur des questions touchant plus directement l’asile (voir Annexe 1) ont invariablement été introduites et débattues au niveau national. Le rejet de l’étranger aurait joué un rôle non négligeable dans la construction de la nation helvétique, comme facteur d’intégration d’une société traversée par de multiples lignes de démarcation (linguistiques, religieuses, politiques, etc.) (Tabin, 1999).
5La prise de contrôle de l’Etat sur l’asile infléchit la conception moderne du droit d’asile, selon laquelle c’est l’individu persécuté qui demande une protection à un autre Etat que le sien, au nom de la défense de la liberté. Symboliquement attaché à l’individu, l’asile exige cependant une série de procédures et de prestations qui va le faire dépendre de l’Etat. Ce passage d’un droit de l’individu à un droit exclusif de l’Etat a été consacré dans une définition du droit d’asile et non du droit à l’asile, ce dernier étant plus favorable au demandeur (Ségur, 1998). Au cours de ces dernières décennies, le droit d’asile a connu, en Suisse comme ailleurs, une série de restrictions justifiées notamment par le poids pris par les procédures, qui ont contribué à renforcer la soumission de l’individu à la puissance étatique. En Suisse, la « politique des réfugiés », fondée sur la définition donnée par la Convention de Genève de 1951, s’est transformée, au fil du temps, en « problème de l’asile » (Efionayi-Mäder, 2003). La politique de durcissement de l’asile, dont l’introduction de la clause de non-entrée en matière et la suppression de l’aide sociale aux requérant-e-s frappé-e-s de NEM sont les pierres de touche, a provoqué de vives réactions dans les milieux de défense de l’asile et auprès de responsables politiques, de même que des tensions entre Confédération et cantons. Nous allons en retracer ci-dessous les principales étapes.
Admission restrictive : la clause de non-entrée en matière (NEM)
6Jusqu’au début des années 1980, l’accueil des réfugiés a revêtu en Suisse à la fois la forme de l’accueil individuel et celle de l’accueil de « contingents » de réfugiés fixés par le Conseil fédéral. La politique active d’accueil de réfugiés au sortir de la Seconde Guerre mondiale a permis à la Suisse de s’inscrire dans le cadre des conventions internationales et de redorer une réputation entachée par sa responsabilité dans le renvoi des Juifs à la frontière. Le droit des réfugiés est garanti par la Déclaration universelle des droits de l’homme, les principes du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), la Convention de Genève de 1951 et le Protocole de New York de 1967. Aux termes de la Convention de Genève de 1951, ratifiée par la Suisse en 1955, le statut de réfugié est accordé à toute personne :
Qui, par suite d’événements survenus avant le 1er janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou qui, si elle n’a pas la nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.2
7La Convention de Genève a été adoptée dans un contexte de guerre froide et de prospérité économique, ainsi qu’à une époque de promotion de la défense des droits de l’homme, au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Limitant sa portée aux réfugiés issus d’événements datant d’avant 1951, elle a été complétée en 1967 par le Protocole de New York, qui supprime cette limitation et étend sa validité au-delà des frontières européennes.
8Le processus menant à la confection d’une loi spécifique sur l’asile n’a été initié qu’en 1973 avec le dépôt de la motion Hofer demandant une base juridique sûre au droit d’asile. La première législation sur l’asile (LAsi) voit le jour en 1979. Jusqu’à son entrée en vigueur, le 1er janvier 1981, la législation sur l’asile faisait partie du droit des étrangers et reposait essentiellement sur des ordonnances fédérales. La nouvelle loi réglait l’octroi de l’asile et le statut juridique des réfugiés, ainsi que la protection temporaire et le retour des personnes qui en bénéficiaient. Elle reprenait la définition de ceux qui pouvaient être reconnus comme réfugiés3 aux termes de la Convention de Genève de 1951. Elle se chargeait également de définir les conditions et la procédure de renvoi des personnes déboutées.
9La loi de 1979 représente un tournant dans la politique d’asile par rapport aux années 1950 et 1960, dans le sens d’une affirmation du pouvoir d’Etat, notamment en réponse à la volonté exprimée par des secteurs de la société civile et des Eglises de venir en aide aux réfugiés chiliens suite au coup d’état militaire de septembre 1973 (Piguet, 2004 : 79). Contrastant avec la magnanimité avec laquelle les autorités suisses avaient accueilli les réfugiés des pays de l’Est (10 000 Hongrois accueillis en 1956, 14 000 Tchèques accueillis en 1968, cf. Piguet, 2004 : 75-77), la limitation à 255 du nombre de réfugiés chiliens, en dépit de l’appel du HCR, ainsi que l’obligation pour ceux-ci d’obtenir un visa, suscitèrent protestations et actions au sein de la société civile. Face à la popularité que remportait l’idée de prendre des initiatives privées en matière d’asile, mais aussi face à l’afflux de nouveaux réfugiés tels que les Vietnamiens et Cambodgiens dès 1979, les autorités s’orientèrent vers un contrôle spécifique de ce domaine, venant compléter celui qu’elles détenaient dans le domaine de l’immigration. Au cours des décennies qui vont suivre, la signification de l’asile va connaître un infléchissement vers la notion de « migration masquée » ou d’« asile abusif », une tendance que connaissent les pays européens :
Jusqu’aux années 1970, il y avait une catégorisation distinguant bons et mauvais réfugiés en fonction de leur aversion pour les dictatures brunes ou rouges. Cette dichotomie politique a été remplacée par celle de faux/vrai demandeur d’asile : la référence au droit international n’apparaît plus dans ce vocable. (Lagrange, 2007 : 8)
10Le thème de l’« abus de l’asile » s’affirme à un moment où le nombre de requérant-e-s explose, passant de 1882 en 1979 à 7135 en 1982, et où les dossiers en suspens s’accumulent (de 5756 en 1982 à 13 470 en 1984, cf. Maillard et Tafelmacher, 1999 : 22). Les demandes d’asile concernent de plus en plus de pays dits du « Sud », notamment du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’Asie. Les migrant-e-s qui en sont issu-e-s ont des qualifications moindres que ceux/celles provenant du bloc communiste dans la période antérieure (exception faite des Polonais-e-s dès 1982). Bien que l’accroissement des demandes d’asile apparaisse largement lié à des situations de guerre ou de persécution, des dispositions sont mises au point pour débusquer celles qui n’auraient pas de fondement valable pour l’obtention du statut de réfugié. La première révision de la LAsi introduit ainsi en 1983 la notion de demande manifestement mal fondée4, dont les cas de figure sont définis par le Conseil fédéral et qui inaugure un durcissement du droit d’asile par le biais d’une limitation de l’accès à la procédure (voir tableau récapitulatif des révisions du droit d’asile, Annexe 2). Un examen individuel est mis à l’ordre du jour et la proportion des demandes acceptées devient de plus en plus faible. Raffaele Poli et Guillemette Gold (2006) notent que si 75 % des requérant-e-s reçoivent le statut de réfugié en 1982, ce taux chute à 14 % en 1984 et à 7 % en 2003.
11Une nouvelle étape dans cette orientation est franchie lors de la 2e révision de la LAsi (1985-88) qui instaure la règle de la prise de décision sur simple dossier sans audition fédérale, principale mesure de restriction d’accès à la procédure. Cette révision, qui vise encore à accélérer la procédure, est acceptée par le peuple à une majorité de 67,1 % le 5 avril 1987. Elle est bientôt suivie et renforcée par l’arrêté fédéral urgent sur la procédure d’asile (APA) prononcé le 22 juin 1990.
12Les mesures prises par le biais de l’utilisation de l’arrêté fédéral urgent entrent directement en vigueur sans risquer le référendum et sont intégrées dans la législation ordinaire une fois qu’elles ont été adoptées dans les pratiques. C’est cet arrêté urgent de 1990 qui introduit l’innovation que représente la clause de non-entrée en matière assortie du renvoi immédiat pour demande abusive ou refus de collaborer (art. 32 et 45 al. 2), ainsi que le classement de certains pays comme pays sûrs en vue de décisions de non-entrée en matière (art. 34). Cette 3e révision du droit d’asile intervient dans un contexte d’accroissement du nombre de requérant-e-s provenant du Sri Lanka (Tamoul-e-s opposé-e-s à la majorité cingalaise au pouvoir), de Turquie (Kurdes persécuté-e-s par l’autorité militaire d’Ankara), ou encore du contexte conflictuel du Liban en 1989 et 1990. Mais, plutôt que d’être systématiquement rapportée à ces situations de crise, la hausse des demandes d’asile a alimenté l’argumentaire pointant les avantages indus que les requérant-e-s tiraient de la lenteur des procédures pour trouver un emploi en Suisse. D’où, face à ces migrant-e-s dit-e-s « économiques », l’ancrage de l’interdiction de travailler dans la loi.
13Les nouvelles mesures devaient permettre le traitement d’un plus grand volume de dossiers en moins de temps : si leur nombre atteignait un record de 61 700 en 1991, l’accélération des procédures allait permettre d’en traiter deux fois plus en première instance en 1992 qu’en 1990 (Piguet, 2004 : 81). La LAsi établit une liste des motifs de NEM autorisant l’exécution immédiate du renvoi. Ainsi, l’article 16 stipule qu’il n’est pas entré en matière sur une demande, lorsque le requérant :
N’a pas remis aux autorités, dans un délai de 48 heures après le dépôt de la demande d’asile, ses documents de voyage ou d’autres documents permettant de l’identifier ;
A trompé les autorités sur son identité ;
Peut se rendre dans un pays dans lequel une procédure d’asile est encore pendante ou qui est compétent pour mener la procédure d’asile et de renvoi ;
A déjà fait l’objet d’une procédure d’asile qui s’est terminée par une décision de renvoi, a retiré sa demande ou est rentré, durant la procédure d’asile, dans son pays d’origine ou de provenance ;
Enfreint intentionnellement et de manière grossière son devoir de collaboration.
14L’initiative de l’UDC5 Contre l’immigration clandestine, lancée en 1993, assimilant l’asile à l’immigration illégale va jouer un rôle clé dans les durcissements ultérieurs. Dans la continuité des sept initiatives précédentes qui, de 1965 à 1992, se sont attaquées à la « pénétration », à l’« emprise » et à la « surpopulation » étrangère, l’UDC vise l’immigration, désignée dans l’intitulé de son initiative. Toutefois, l’initiative concerne exclusivement l’asile puisque il s’agit d’interdire le droit d’asile en Suisse à toute personne entrée illégalement dans le pays, précisant qu’un refus de l’octroi de l’asile provoque systématiquement une expulsion du/de la requérant-e déboutée. Elle sera refusée par le peuple lors de la votation du 1er décembre 1996 (53,7 % de non), mais ses principales propositions seront reprises lors de la révision de la LAsi de 1998.
15Soulignons que, durant l’année 1993, de vifs débats ont été soulevés autour de la question de la délinquance des étrangers et des « faux requérants d’asile » sur fond de mise à l’index internationale des « scènes ouvertes de la drogue » dans le quartier du Letten à Zurich et au Kocherpark de Berne. Le scandale des « scènes ouvertes » a justifié l’adoption en urgence d’un décret destiné à prévenir le trafic de stupéfiants et organisant de fait la répression des étrangers en situation irrégulière. Adoptée par les Chambres le 18 mars 1994 et soumise à référendum, la loi sur les mesures de contrainte en matière de droit des étranger-ère-s est acceptée par 72,9 % des votante-s le 4 décembre 1994 et entre en vigueur le 1er février 1995. Ces mesures ont rendu possible la détention des étrangers et étrangères en situation de séjour illégal et leur portée a été étendue aux requérant-e-s d’asile, associant plus étroitement l’asile au séjour illégal des personnes étrangères et à la criminalité. Les mesures de contrainte prévoient une restriction de liberté, sous la forme notamment de « détention en vue du refoulement », destinée à empêcher les personnes censées quitter le territoire de commettre des actes délictueux pendant leur séjour.
16Une 4e révision de la LAsi est préconisée dès cette année 1993 par le Conseil fédéral afin d’y intégrer les mesures instaurées par l’APA et d’y ajouter deux compléments : 1) l’absence de papiers d’identité comme motif de NEM et 2) la suppression des jours fériés dans les délais de recours. En ce qui concerne l’absence de papiers d’identité, une directive de l’Office fédéral des réfugiés (ODR) exigeant que la personne puisse l’expliquer de manière plausible pour avoir accès à la procédure fut jugée contraire au droit par le Tribunal fédéral, qui précisa que ce sont précisément les personnes ayant la qualité de réfugié qui sont souvent dépourvues de pièces d’identité6. Or, en 1998, dans un contexte de guerre au Kosovo et de forte pression de la demande d’asile, l’Arrêté fédéral sur les mesures d’urgence dans le domaine de l’asile et des étrangers (AMU) permet au Conseil fédéral de décréter la non-entrée en matière pour les requérant-e-s dépourvu-e-s de pièce d’identité ou ayant essayé de dissimuler leur identité, ainsi que la mise en détention de personnes entrées illégalement.
17L’AMU de 1998 reprend aussi des éléments préconisés par l’UDC dans le cadre de son initiative Contre l’immigration clandestine, pourtant rejetée par le peuple en 1996. Sont intégrées en particulier les notions de séjour illégal en Suisse et de demande raisonnablement exigible plus tôt comme motifs supplémentaires de NEM. Une 5e révision de la LAsi, approuvée par référendum en juin 1999 par 71 % de oui, intègre les articles de l’AMU relatifs à la non-entrée en matière dans la législation sur l’asile. Pourtant, dès l’année suivante, l’UDC dépose une nouvelle initiative étendant les motifs de nonentrée en matière, dont celui de la provenance d’un pays tiers réputé sûr, et proposant de limiter l’assistance aux requérant-e-s à des prestations en nature. Rejetée par le peuple en 2002 (mais acceptée par les cantons), l’initiative n’en parvient pas moins à influer sur les restrictions à venir, qui vont désormais porter directement sur l’aide sociale aux requérant-e-s.
18Avec la 5e révision de la LAsi (entrée en vigueur en 1999), la clause de NEM est étendue à quiconque ne remet pas aux autorités, dans un délai de 48 heures après le dépôt de sa demande d’asile, ses documents de voyage ou ses pièces d’identité7. Cette disposition recevra la critique du HCR par la voix du professeur Walter Kälin. Ce dernier affirme, dans un avis de droit rendu public en novembre 2004, que la mesure peut, suivant son application, contrevenir à la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés8. Il précise notamment que la décision de NEM au motif de l’absence de papiers peut être prise pour autant qu’une audition ait lieu et que la notion de papiers d’identité soit entendue dans un sens large. Il est à noter cependant que, sur cette question controversée, l’ODM a demandé en mai 2006 un avis de droit au professeur Kay Hailbronner, lequel a affirmé que la révision de l’article 32 LAsi concernant le motif de non-entrée en matière en raison de l’absence de papiers d’identité est nécessaire et appropriée et que les motifs justifiant une exception garantissent qu’aucun réfugié ne sera renvoyé dans un Etat persécuteur9.
19Le filtrage des requérant-e-s d’asile assuré par les instruments juridiques issus des remaniements successifs du droit d’asile est concrètement organisé dans un centre d’enregistrement et un dispositif d’incitation au départ est mis sur pied (voir Annexe 3), débutant par l’enregistrement et l’audition du/de la requérant-e et devant aboutir, en cas de décision de NEM, à son renvoi. Celui-ci peut être exécuté à partir du centre d’enregistrement (cf. encadré 1 ci-dessous) ou par le canton auquel le/la migrant-e frappé-e-de NEM est attribué-e. La détention en vue du refoulement peut également être pratiquée mais, comme nous le verrons, le renvoi n’est pas toujours réalisable et un certain nombre de personnes restent dans le canton auquel elles sont attribuées (ou circulent dans d’autres cantons) pour des périodes variables.
Encadré 1 : Déroulement de la procédure d’asile
• Enregistrement dans un des quatre centres d’enregistrement et de procédure (CEP10) tenus par l’ODM (Bâle, Chiasso, Kreuzlingen et Vallorbe)
• Logement dans le CEP pendant la procédure d’enregistrement (885 lits, 1011 en comptant le centre de transit d’Altstätten) : durée entre cinq et dix jours (max. soixante jours11)
• Enregistrement de données personnelles (photo d’identité, empreintes digitales, formulaire de santé)
• Audition personnelle du/de la requérant-e qui expose sa situation et les motifs de sa demande d’asile
• Possibilité d’exécution du renvoi à partir du CEP ou attribution du/de la requérant-e au canton en fonction du nombre d’habitants
• Les cantons hébergent et encadrent les requérant-e-s reçus
20La restriction de l’accès à la procédure d’asile, fondée sur l’équation asile = immigration illégale, va de pair avec une politique de démantèlement des mécanismes d’aide sociale en faveur des requérant-e-s12. Celle-ci, édictée par le programme d’allégement budgétaire de la Confédération du 19 décembre 2003 (PAB 2003), va se mettre en place dès 2004 en reprenant les idées-forces de l’initiative de l’UDC concernant l’aide sociale. Les objectifs formulés sont exclusivement quantitatifs et reposent sur des arguments budgétaires. Ceux-ci vont servir de justification aux conditions d’accueil dissuasives venant compléter les conditions d’admission restrictive. Le but avancé pour la suppression de l’aide sociale est en effet de diminuer le nombre des personnes dans le domaine de l’asile afin de réaliser les économies prévues par le PAB 2003. Les changements législatifs introduits par ce programme, que nous allons examiner à présent, vont permettre d’appliquer la mesure de suppression de l’aide sociale aux personnes frappées de NEM sans que le droit d’asile ne soit encore modifié.
Accueil dissuasif : la suppression de l’aide sociale
21La mesure de suppression de l’aide sociale a été préparée par les propositions d’un groupe de travail mandaté par le DFJP (Département fédéral de Justice et police) pour étudier la possibilité de faire des économies dans le domaine de l’asile. Elaboré sous la présidence de la conseillère d’Etat UDC zurichoise Rita Fuhrer et du directeur de l’ODR13 Jean-Daniel Gerber, le rapport Fuhrer-Gerber pose les prémices du PAB 2003 sous un titre annonçant une approche essentiellement « incitative » : Incitations individuelles et institutionnelles dans le domaine de l’asile14. Les propositions15 concernent en effet les migrant-e-s bénéficiaires de prestations et les cantons fournisseurs de prestations. Ces derniers sont invités à établir une procédure efficace et rapide permettant d’assurer une exécution systématique des renvois sans déroger aux principes du droit international. Quant aux requérant-e-s, seul-e-s ceux/celles se montrant disposé-e-s à collaborer à leur départ auront droit à une aide sociale. Les récalcitrant-e-s verront quant à eux/elles leurs prestations limitées à un minimum vital, ce qui permettra d’assurer l’économie prévue. Le rapport annonce en effet qu’un traitement différencié des personnes de l’asile est opéré, selon leur degré de coopération avec les autorités suisses et le sens des responsabilités qu’elles manifestent pour elles-mêmes et envers les autres16. Mais si les « bon-ne-s » requérant-e-s sont récompensé-e-s pour leur collaboration au départ – et donc voué-e-s à repartir dans de brefs délais – qu’adviendra-t-il des « mauvais-e-s » ? Le rapport préconise la survenue de disparitions volontaires17 consécutives au découragement des candidat-e-s n’obtempérant pas aux prescriptions de la loi suite à la privation d’assistance. Avec cette mention explicite de la disparition volontaire, nous entrons de plain-pied dans la problématique de la construction de l’invisibilité, qui paraît relever d’une option délibérée face à l’impossibilité de renvoyer dans leur pays des personnes exclues de l’asile. Le rapport prédit ainsi qu’avec ces nouvelles mesures destinées à provoquer le découragement, la grande majorité de celles-ci disparaîtrait et chercherait de nouvelles opportunités dans la clandestinité ou au-delà des frontières18.
22Nous verrons dans la suite de cet ouvrage que ces disparitions sont effectivement une des conséquences majeures de la politique dissuasive, dont la suppression de l’aide sociale est le pivot. Cependant, la visée incitative recommandée dans le rapport Fuhrer-Gerber, où les prestations apparaissent comme une récompense envers les bon-ne-s requérant-e-s, n’a finalement pas été reprise. A l’inverse, le traitement mis effectivement en place à partir du 1er avril 2004 n’est justement pas décidé de manière individuelle, mais collective, touchant toutes les personnes ayant reçu une décision de NEM. Les raisons de cet abandon de la notion d’incitation individuelle ne sont pas explicites. Est-ce parce que la mise sur un pied d’égalité des exécutants de la politique (les cantons) et des sujets qu’elle cible (les personnes frappées de NEM) est apparue incongrue ? Est-ce parce que le couplage des termes « requérant-e » et « méritant-e » était discordant avec la notion d’« abus », qui traduit l’idée d’un bénéfice immérité accordé aux (faux/sses) réfugié-e-s ? Ou alors, cet abandon est-il dû, tout simplement, à l’anticipation d’un nombre trop limité de personnes disposées à collaborer à leur départ ? Quoi qu’il en soit, la notion d’incitation a laissé la place à celle de dissuasion, déjà implicite dans le rapport : plutôt que de motiver les personnes à partir, on allait les démotiver à rester.
23Le programme d’allégement budgétaire (PAB 2003), adopté à la suite de l’arrêté fédéral concernant le frein à l’endettement (approuvé en 2001 par 84,7 % des votant-e-s), a engendré une série de modifications dans les dispositions légales régissant le droit d’asile et le droit des étrangers. L’objectif du programme est de réduire de 10 000 le contingent des requérante-s d’asile et d’économiser 137 millions sur trois ans19. Le Conseil fédéral propose d’affecter les ressources à disposition uniquement à la prise en charge des personnes nécessitant réellement la protection de la Suisse20. Arguant que près de 10 000 personnes sortent annuellement du système de l’asile de manière non contrôlée, il considère qu’on peut partir de l’idée que ces personnes disposent d’un réseau social ou qu’elles peuvent, le cas échéant, recourir à des structures d’urgence existantes21. Elles doivent donc se prendre en charge et financer elles-mêmes leur séjour jusqu’au moment de leur départ22 et, dès lors, quitter les centres d’enregistrement, foyers ou appartements mis à leur disposition. Lorsque le renvoi immédiat après la décision n’est pas réalisable, celui-ci devant être possible, licite et exécutable, la loi introduit de nouveaux moyens de pression pour susciter les départs spontanés. La suppression de l’aide sociale est justifiée par le fait que l’aide en question ne saurait concerner des personnes censées quitter le territoire et donc qui ne sont pas vouées à s’intégrer en Suisse. Il n’est pas encore question, à ce stade, d’aide d’urgence, mais la notion de pression à exercer sur les personnes pour les inciter à partir, qui traversera les dispositifs d’aide d’urgence, est déjà présente.
24L’application de la mesure de suppression de l’aide sociale aux seules personnes frappées de NEM a été rendue possible par une des mesures du PAB, consistant à faire passer les personnes frappées de NEM, dont la demande est par là rejetée définitivement, dans la catégorie des étrangers en situation irrégulière. Ainsi, en plaçant les personnes frappées de NEM sous le régime de la législation ordinaire sur les étrangers (art. 44 LAsi), ils/elles peuvent être exclu-e-s de l’aide sociale encore prévue par le droit d’asile (Schertenleib, 2004). Pour mener à bien cette opération, l’Assemblée fédérale a adopté des dispositions légales (19 décembre 2003) permettant de modifier l’OERE du 11 août 199923, qui règlemente les décisions de nonentrée en matière. Cette modification est adoptée le 24 mars 2004 par le Conseil fédéral et entre en vigueur le 1er avril 2004, date à partir de laquelle l’aide sociale n’est plus octroyée aux migrant-e-s frappé-e-s de NEM, et cela avant même la révision de la loi sur l’asile proprement dite24.
25Cette révision, adoptée par le Parlement le 16 décembre 2005, introduit l’extension de la suppression de l’aide sociale à l’ensemble des débouté-e-s de l’asile. Au terme de cette révision, l’article 44 de la LAsi, qui plaçait les personnes ayant reçu une NEM sous la législation relative aux étrangers, a été abrogé. Les modifications allaient donc dans le sens du traitement unifié des personnes ayant reçu une décision de NEM et des requérant-e-s d’asile débouté-e-s en les soumettant à une nouvelle législation sur l’asile qui, cette fois, stipulait la suppression de l’aide sociale pour ces deux catégories de requérant-e-s. La proposition du Conseil fédéral d’élargir la suppression de l’aide sociale à tous les requérant-e-s d’asile débouté-e-s a été plébiscitée le 24 septembre 2006, date à laquelle le peuple a approuvé à une majorité de 67,8 % la 7e révision de la LAsi. A la suite de cette votation populaire, la LAsi est entrée en vigueur le 1er janvier 2008.
26La gestion des requérant-e-s se voyant privé-e-s d’assistance va s’articuler autour de l’art. 12 de la Constitution fédérale, qui stipule un droit à une aide d’urgence pour toute personne dans le dénuement. Sur la base de l’art. 12 Cst., un véritable système, une administration et un monitoring de cette aide d’urgence vont être établis et concrétisés par les cantons. Ce système ouvre la voie à un traitement qui s’avérera différencié – selon les cantons d’attribution – envers des personnes pourtant indifférenciées car identifiées sur la seule base de l’illégalité de leur présence en Suisse. En outre, inspiré par le rapport Fuhrer-Gerber (Schertenleib, 2005), il associe étroitement l’octroi d’une aide à l’objectif de réaliser rapidement les départs. Ce lien présage l’utilisation de pressions au départ, exercées dans le cadre de l’aide d’urgence, ainsi que le caractère conditionnel – l’obligation de collaborer à son propre départ – introduit parfois par certains cantons dans le dispositif – en principe inconditionnel – de l’octroi de cette aide.
27Il est à souligner que la première phase d’application de la mesure de suppression d’aide sociale a pu circonscrire la population concernée à un effectif de 10 000 personnes, qui représente précisément l’objectif de réduction des effectifs dans le processus d’asile avancé en 2003 dans le programme d’allégement budgétaire de la Confédération. Nous allons à présent donner un aperçu de la composition de cette population et en faire ressortir, par le biais de données quantitatives à disposition, les traits les plus marquants.
2. La population frappée de NEM
28Les données dont nous avons pu disposer sont issues des Rapports de monitoring NEM25 établis par l’ODM et d’un extrait de la base de données AUPER26 contenant des données brutes sur les personnes ayant reçu une décision de NEM entre le 1er avril 2004 et le 17 avril 2007. Nous avons également pu obtenir des données brutes du canton de Berne et du canton de Genève en ce qui concerne notamment les personnes attribuées au canton, les personnes recevant l’aide d’urgence, les interpellations et les disparitions. Nous résumerons ici les principales caractéristiques de la population NEM qui se dégagent d’un travail particulièrement lourd, en raison de l’extrême fragmentation des données fournies par les différents services cantonaux.
29Près de 10 000 demandeur-euse-s d’asile ont été frappé-e-s d’une décision de NEM au cours de la période étudiée de presque quatre ans (avril 2004 – décembre 2007) depuis le début de la suppression de l’aide sociale. Cela représente environ un cinquième de toutes les demandes d’asiles traitées. Comme il ressort du tableau 1, le nombre de décisions de NEM entrées en force annuellement a diminué de moitié entre la première et la deuxième année. Entre la deuxième et la troisième année, la baisse s’élève à environ un tiers et, entre la troisième et la quatrième année, on assiste à une certaine stabilisation. Toutefois, il importe de considérer ces données dans une perspective de plus longue durée, qui révèle que ces quatre années ont été précédées et suivies par des années durant lesquelles un nombre important de décisions de NEM ont été appliquées (voir le tableau 6 au chapitre 8 pour les décisions de NEM de 1996 à 2009). Dans la mesure où d’importants changements sont intervenus avec l’extension de la suppression de l’aide sociale aux requérant-e-s débouté-e-s, nous fournirons ci-dessous quelques données essentielles relatives à la population et à la période ayant suivi celles qui ont fait l’objet de la présente étude.
Tableau 1 : Nombre de décisions de NEM entrées en force par année (2004-2007)
CH | |
1re année 04/05 | 4450 |
2e année 05/06 | 2235 |
3e année 06/07 | 1606 |
2e-4e trimestre 07 | 1495 |
Total | 9786 |
30Les quatre cantons étudiés accueillent près de la moitié de l’ensemble des personnes ayant reçu une décision de NEM, soit un total de 4339 personnes. Les deux cantons alémaniques considérés totalisent plus du tiers des cas, avec 1308 personnes attribuées à Berne et 1771 à Zurich, contre 13 % du total pris en charge par Genève et Lausanne, avec respectivement 449 et 811 personnes ayant reçu une décision de NEM entrée en force pour la période considérée.
31Les motifs fondant la décision de NEM pour la période considérée sont consignés au tableau 2, où apparaît clairement l’importance du motif controversé et relativement récent de l’absence de pièces d’identité. L’absence de risque de persécution et la tromperie sur l’identité, motifs qui ont été retenus pour établir l’« abus du droit d’asile », figurent également en bonne place.
Tableau 2 : Motifs juridiques de la décision de NEM de première instance ou entrée en force (1.4.04 au 18.4.07)27
Décision selon LAsi28 | Motifs pour la NEM | Nombre de personnes | Part en % |
Art. 17b Art. 32.1 | Emolument non payé pour la demande de réexamen | 5 218 | 0,06 % 2,54 % |
Art. 32.2a | 3027 | 35,32 % | |
Art. 32.2b | Tromperie sur l’identité | 861 | 10,05 % |
Art. 32.2c | Autre violation grave de l’obligation de collaborer | 1405 | 16,39 % |
Art.32.2d29 | Possibilité de départ dans un pays tiers sûr (responsable de la procédure d’asile) | 41 | 0,48% |
Art.32.2 | Deuxième demande déposée après décision négative ou suspension de la demande précédente, sans motif nouveau | 1452 | 16,94 % |
Art.32.2f | Décision négative d’un pays de l’UE / EEE , sans motif nouveau | 494 | 5,76% |
Art.33 | Dépôt ultérieur abusif de la demande d’asile | 189 | 2,21% |
Art. 34 | Absence de risque de persécution à l’étranger | 879 | 10,26 % |
Total | 8571 | 100,00 % |
32En ce qui concerne le profil des personnes ayant reçu une décision de NEM, on constate que parmi les groupes de sexe, d’âge, de nationalité et de cause de NEM, les plus représentés sont les hommes (env. 85 %), ayant entre 18 et 30 ans (env. 60 %), de pays d’origine inconnu (13,49 %), ayant reçu une décision de NEM pour absence de papiers d’identité ou de voyage (35,32 %). Les mêmes tendances se retrouvent dans les cantons considérés. Malgré cela, comme le montre le tableau 3, la population des personnes frappées de NEM se caractérise par une grande diversité, particulièrement concernant la nationalité (quatre-vingt nationalités à Berne).
Tableau 3 : Pays d’origine des personnes avec une décision de NEM de première instance ou entrée en force (1.4.04-17.4.07)
Pays d’origine | Nombre | % |
Etat + continent inconnus | 1156 | 13,49 % |
Serbie | 1060 | 12,37 % |
Nigéria | 649 | 7,57 % |
Bulgarie | 531 | 6,20 % |
Géorgie | 508 | 5,93 % |
Algérie | 322 | 3,76 % |
Turquie | 312 | 3,64 % |
Guinée | 299 | 3,49 % |
Russie | 241 | 2,81 % |
Bosnie-Herzégovine | 190 | 2,22 % |
Autre | 3303 | 38,54 % |
Total | 8571 | 100,00 % |
33Le groupe des hommes de nationalité inconnue et âgés entre 18 et 30 ans constitue le principal bénéficiaire de l’aide d’urgence. A Berne, entre 45 et 60 % des Nigérian-e-s, des personnes de nationalité inconnue et des Libérien-ne-s sont soutenu-e-s par l’aide d’urgence au moins une fois. Les ressortissant-e-s de Bulgarie, Géorgie et Serbie à Genève et les Mongolien-ne-s, Turcs/ques, Bulgares et Géorgien-ne-s à Berne sont sous-représentés parmi les bénéficiaires de l’aide d’urgence et surreprésenté-e-s parmi les personnes ne la demandant jamais. Environ un tiers des personnes frappées de NEM dans le canton de Berne demande au moins une fois l’aide d’urgence, correspondant ainsi à la moyenne suisse, tandis que 40 % de cette population sont dans ce cas à Genève. Autre différence entre les cantons considérés, la durée à l’aide d’urgence est plus importante – souvent plus de trois mois – dans le canton de Berne qu’à Genève. Dans ce dernier canton, un quart des personnes avec aide la reçoivent pendant une durée maximale d’une semaine, deux sur cinq pendant plus de trois mois. Il y a une relation, de manière plus générale, entre le fait de demander l’aide et la durée : les groupes de personnes (par rapport à l’âge, au sexe et à la nationalité) qui la demandent souvent ont tendance à la demander pour une durée plus longue. A l’inverse, ceux qui la demandent rarement ont de plus tendance à y recourir pour une courte période.
34Les indications relatives au taux de bénéficiaires de l’aide d’urgence en fonction du nombre de personnes NEM attribuées aux différents cantons nous permettent d’estimer l’importance de la population NEM ne demandant jamais l’aide d’urgence. Il ressort du tableau 4 une certaine variabilité cantonale quant au nombre de bénéficiaires de l’aide d’urgence au début du système, avec le pourcentage initial le plus élevé à Zurich, suivi de Genève, puis de Berne et de Lausanne. Mais ces données illustrent déjà le phénomène de disparition, les bénéficiaires étant dans tous les cas une minorité. Le tableau 4 révèle aussi que les cantons de Berne et Zurich voient leurs effectifs plus réduits la quatrième année que Genève. Le canton de Vaud connaît quant à lui une évolution particulière. On observe une hausse du taux de bénéficiaires entre la première et la deuxième année, sans doute en raison de la mise en œuvre tardive d’un dispositif d’aide d’urgence dans ce canton (voir chapitre 2). Par la suite, on y constate, comme dans les autres cantons, une diminution des bénéficiaires. Comme cela a déjà été mentionné, la période à l’aide d’urgence est plus courte dans les cantons alémaniques que dans les cantons romands.
Tableau 4 : Nombre moyen des bénéficiaires de l’aide d’urgence par canton, en fonction du nombre total de personnes frappées de NEM attribuées
BE | GE | VD | ZH | |
1re année 04/05 | 19,55% | 24,75% | 11,83 % | 36,70 % |
2e année 05/06 | 7,85% | 18,93% | 19,15 % | 23,85 % |
3e année 06/07 | 9,38% | 15,25% | 16,88 % | 12,83 % |
2e-4e trimestre | 8,40% | 15,43% | 16,17 % | 8,93 % |
35Les Rapports de monitoring fournissent des indications sur la durée de séjour en Suisse après la décision de NEM, par le biais des données sur les personnes à l’aide d’urgence et les personnes arrêtées. Les personnes qui ne reçoivent pas l’aide d’urgence réapparaissent dans les statistiques lorsqu’elles font l’objet d’une arrestation. Ces indications sont donc à prendre avec prudence et à lire comme des estimations minimales, auxquelles il faudrait ajouter toutes les personnes qui ont disparu des statistiques soit parce qu’elles ne reçoivent pas l’aide d’urgence, soit parce qu’elles n’ont pas été appréhendées par la police. Les données sur la durée du séjour fluctuent au cours des (presque) quatre ans, mais il s’agit grossièrement des chiffres apparaissant au tableau 5. Ces données illustrent le fait que plus le temps écoulé depuis l’entrée en force de la décision de NEM est long, moins on trouve de traces des personnes concernées dans les statistiques officielles.
Tableau 5 : Personnes enregistrées avec une décision de NEM entrée en force, en fonction du temps écoulé
Durée depuis l’entrée en force de la NEM | Part des personnes enregistrées par rapport à toutes les personnes avec une décision de NEM entrée en force |
Après 1 mois | Env. 30 % |
Après 6 mois | 20-25 % |
Après 1 an | 10-15 % |
Après 2 ans | 5-7 % |
36A Berne comme à Genève, un quart des personnes disparaît des statistiques officielles au plus tard une semaine après la décision. Un peu plus d’une personne sur six à Berne se trouve toujours – ou de nouveau – en Suisse plus d’un an après la décision. Les personnes d’origine nigériane et guinéenne sont fortement représentées parmi les personnes avec une durée de séjour de plus d’un an, tandis que les Mongol-e-s, les Turcs/ques, les Serbes et les Bulgares enregistrent des séjours de courte durée. A Genève, pour plus de la moitié des personnes avec une décision de NEM, on observe la dernière trace administrative au plus tard trois mois après la décision de NEM. Les femmes, les mineur-e-s et les personnes de plus de 50 ans sortent plus vite des statistiques que la moyenne dans les deux contextes considérés.
37Le fait que les pourcentages des personnes enregistrées s’amenuisent au fil du temps ne signifie pas que les personnes sortant des statistiques ont effectivement quitté le pays. Ces données doivent être mises en rapport avec celles qui concernent le retour. Tout comme pour la durée de séjour, les données sur le retour sont peu abondantes dans les Rapports de monitoring et il faut les considérer avant tout comme des points de repère. Une première indication est fournie par la base de données AUPER 2 qui établit la proportion des départs contrôlés par rapport à l’ensemble des personnes avec une NEM entrée en force au cours des trois premières années de la suppression de l’aide sociale. Il est fait état dans le rapport correspondant (p. 14 de l’édition allemande) que 20 % de toutes les personnes avec une décision de NEM entrée en force ont fait l’objet d’un départ contrôlé. Cela correspond, entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2007, à 1658 départs contrôlés. Pour les trimestres restants de l’année 2007, les Rapports de monitoring ne donnent plus d’indications à ce propos.
38Ce nombre de 1658 départs contrôlés et celui des personnes à l’aide d’urgence (870 au 4e trimestre 2007) peuvent être considérés comme des indicateurs fiables du lieu de séjour d’une personne frappée de NEM (indiquant si la personne réside encore en Suisse à l’aide d’urgence ou a quitté le pays de manière contrôlée). Si on soustrait ce total (2528) du nombre total des décisions de NEM entrées en force (9786), on constate qu’à fin 2007, le lieu de séjour d’environ trois quarts (7258) de toutes les personnes avec une décision de NEM entrée en force depuis le 1er avril 2004 est inconnu. Nous avons là une indication chiffrée du phénomène d’invisibilisation par la disparition des personnes du processus d’asile sans qu’elles aient nécessairement quitté le territoire. On peut supposer que le 20 % des départs contrôlés se compose notamment de 609 personnes frappées de NEM pour lesquelles les cantons ont reçu une indemnité pour le renvoi30 et de 463 personnes frappées de NEM ayant reçu l’aide au retour31 pendant la période considérée.
39Une indication supplémentaire du phénomène de disparition est le fait que plus de la moitié (52,2 %) de toutes les personnes frappées de NEM enregistrées dans le canton de Berne sont mentionnées dans les statistiques cantonales comme ayant disparu au moins une fois. Par ailleurs, près de la moitié (48,7 %) de toutes les personnes disparues ont reçu l’aide d’urgence au moins une fois. Cela montre qu’être à l’aide d’urgence n’est pas un état stable, mais peut être temporaire ou constituer une étape. Ce constat est confirmé par le fait que la moitié de toutes les personnes qui se trouvent dans une structure de soutien cantonale ou communale s’y trouvent à plusieurs reprises, autrement dit avec des interruptions.
40Les données statistiques ne confortent pas la thèse selon laquelle la suppression de l’aide sociale allait intensifier la délinquance de survie. Un peu moins d’une personne sur huit a été, selon les statistiques, interpellée au moins une fois à Berne, tandis que près de la moitié l’a été à Genève, ce qui représente un taux quatre fois supérieur. Il s’agit principalement, à Genève, d’hommes âgés entre 18 et 30 ans, ressortissant-e-s de Guinée, du Nigeria et de nationalité inconnue. En plus, une partie importante des personnes interpellées à Genève a été attribuée à un autre canton que Genève. Le motif principal d’arrestation à Genève est une violation de la LStup (Loi sur les stupéfiants) tandis que, dans le canton de Berne, la moitié des interpellations sont motivées par le séjour illégal et seulement une sur six par des délits contre la LStup. Une personne sur douze à Berne – surtout parmi les personnes provenant du Nigeria, de Guinée et de Sierra Leone – est placée en détention en vue du renvoi pour une durée moyenne de deux mois et plus d’une personne sur dix se trouve au moins une fois et pour une durée moyenne de 126 jours en détention préventive ou en exécution de peine.
41Une vue d’ensemble des informations disponibles pour la Suisse, Berne et Genève fait ressortir deux constats : tout d’abord, le taux élevé de personnes de nationalité inconnue ou nigérianes à l’aide d’urgence pour une longue durée, ensuite les interpellations et la longue durée de séjour « enregistrée ». Par ailleurs, les ressortissant-e-s de Bulgarie et parfois de Serbie ou de Géorgie sont sous-représenté-e-s parmi les bénéficiaires de l’aide d’urgence et parmi les personnes interpellées ; leur consommation brève de l’aide et une durée de séjour également courte représentent les aspects les plus saillants. Ce même constat vaut pour les tendances observées chez les femmes.
42En général, il y a de nombreuses tendances qui convergent plus ou moins pour les trois perspectives (Suisse, Berne et Genève) et qui permettent de conclure que nous avons une image plus ou moins représentative. Des divergences claires ressortent seulement pour quelques aspects. Ainsi, concernant la durée à l’aide d’urgence, on observe des tendances inverses à Genève et à Berne pour les femmes et les personnes de Serbie. De plus, la durée à l’aide d’urgence est tendanciellement plus courte à Genève qu’à Berne. En outre, comme nous l’avons signalé, concernant les interpellations, le taux des personnes arrêtées dans le canton de Genève est supérieur à celui de Berne et les motifs d’arrestation diffèrent également fortement : au niveau suisse comme à Berne, les interpellations pour séjour illégal sont trois fois plus élevées qu’à Genève. Par contre, les arrestations en raison de délits contre la LStup sont plus de trois fois plus nombreuses à Genève et au niveau suisse qu’à Berne. Enfin, à Genève encore, près d’un quart des personnes enregistrées soit par la police, soit par les autorités de l’aide d’urgence ont été attribuées à un autre canton, ce qui renvoie à la question de l’« attractivité » du canton de Genève et à celle des disparités cantonales dans le traitement réservé aux requérant-e-s, questions qui seront abordées dans la suite de l’ouvrage.
43Avec l’extension de la suppression de l’aide sociale aux requérant-e-s débouté-e-s, il faut désormais compter les décisions de NEM et les décisions d’octroi d’asile négatives (NEGE) pour considérer la population concernée par la mesure de suppression de l’aide sociale. Selon les données de l’ODM32, les décisions entrées en force en 2008 et 2009 cumulées concernent 7188 nouveaux cas de NEM et 4237 nouveaux cas de NEGE, ce qui totalise 11 425 nouveaux cas de personnes privées d’aide sociale pour ces deux années. Si on ajoute ce nombre à celui des personnes considérées dans notre étude, soit les 9786 cas de NEM prononcés entre 2004 et 2007, un total de 21’211 personnes ont été concernées par la mesure de suppression de l’aide sociale entre le 1er avril 2004 et le 31 décembre 2009. Ce nombre se monte à 26’201 si l’on compte en outre les 4990 personnes en régime transitoire jusqu’au 31 décembre 2004.
44Les données fournies par l’ODM établissent pour l’année 2008 que 4308 personnes sont concernées par la suppression de l’aide sociale (1748 NEGE et 2560 NEM), dont 2401 ont demandé l’aide d’urgence, ce qui correspond à 56 % des bénéficiaires potentiels. Selon la même source, pendant l’année 2009, 6859 décisions négatives (2291) ou NEM (4859) sont entrées en force, soit 37 % de plus qu’en 2008, et 4173 personnes ont ensuite sollicité l’aide d’urgence (42 % de plus qu’en 2008), soit 51 % des bénéficiaires potentiels33. Au total, depuis le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009, 6977 personnes ont perçu l’aide d’urgence, ce qui représente un taux de 61 % des bénéficiaires potentiels contre un taux moyen de 30 % pour la période couverte par notre étude concernant les seules personnes NEM (2004 à 2007). Concernant la durée de la perception de l’aide d’urgence, environ 70 % des bénéficiaires en 2008 (décision rendue en 2008 et octroi de l’aide d’urgence en 2008) recevaient encore l’aide d’urgence en 2009 (Sutter, 2011). Bolliger et Féraud (2010), du bureau Vatter à Berne, ont réalisé, sur mandat de l’ODM et des cantons, une étude sur le thème de l’octroi de l’aide d’urgence pendant une longue durée aux requérant-e-s d’asile débouté-e-s. Selon leur rapport, sur les 4699 bénéficiaires de l’aide d’urgence au deuxième trimestre 2009, 2093, soit 44 %, ont reçu une décision de renvoi entrée en force avant 2008 et 1413, soit 30 %, en 2005 ou avant. Dans 579 cas touchant l’aide d’urgence en 2009, la décision a été notifiée déjà avant 2004. L’ODM signale en outre que 12 % des personnes ayant sollicité l’aide d’urgence en 2008 (287 personnes) et 17 % de celles qui ont sollicité l’aide d’urgence en 2009 (988 personnes) sont concernées par des départs contrôlés.
45A la lumière de ces données, se pose de manière encore plus aiguë en raison de l’importance accrue de la proportion de personnes ayant recours à l’aide d’urgence et de leur vulnérabilité, le problème de la survie sur la durée d’individus et de familles dans des conditions expressément conçues pour les forcer à quitter le territoire. L’examen approfondi des effets de la suppression de l’aide sociale au cours de la période étudiée peut apporter des enseignements importants pour tirer des conclusions d’ensemble, ceci au moment où les organisations actives dans le domaine de l’asile dénoncent « l’impasse que constitue l’aide d’urgence »34.
46Nos données révèlent d’ores et déjà que des pratiques différentes sont déployées envers les membres d’une même catégorie administrative, ce qui n’est pas sans poser une série de problèmes qui seront saisis au travers des témoignages. Afin d’introduire aux chapitres consacrés à ceux-ci, nous nous tournons à présent vers les aspects méthodologiques qui nous ont permis de recueillir, auprès de nos interlocuteurs et interlocutrices, une expérience et des avis qui ont été insuffisamment pris en compte alors que ces personnes se sont trouvées soit au premier rang dans l’application de la politique – représentant-e-s des autorités, membres des milieux associatifs ou caritatifs –, soit dans sa ligne de mire – les migrant-e-s frappé-e-s de NEM.
3. L’enquête
47L’enquête de terrain dont les résultats sont analysés dans le présent ouvrage avait deux objectifs principaux. D’une part, il importait de connaître le contexte général – historique, politique et juridique – de la suppression de l’aide sociale pour les personnes frappées de NEM ainsi que le fonctionnement officiel et la mise en œuvre pratique du dispositif d’aide d’urgence. D’autre part, nous nous proposions d’examiner de manière approfondie les divers effets de la suppression de l’aide sociale pour les personnes frappées de NEM et de mettre en évidence les perspectives diverses et parfois divergentes des différent-e-s acteur-e-s concerné-e-s. Pour atteindre ces objectifs, nous avons cherché à rencontrer un éventail large d’interlocuteur-trice-s représentant différents milieux, et cela pour les quatre contextes cantonaux choisis. C’est ainsi que nous avons mené deux séries d’entretiens, l’une avec des spécialistes et des personnes clés, représentants des autorités officielles ou acteurs non gouvernementaux, l’autre avec des personnes frappée-e-s de NEM (voir Annexe 4).
48Nous avons choisi de mener ces entretiens sur la base d’un questionnaire semi-structuré, laissant aux interlocuteur-trice-s la possibilité de s’exprimer librement sur leur situation. Les personnes interviewées ont toujours été informées au préalable qu’elles pouvaient refuser d’aborder certains thèmes ou de répondre à des questions jugées trop sensibles35. Pour réaliser les deux séries d’entretiens, nous avons procédé au choix de nos interlocuteur-trice-s – tant les spécialistes que les migrant-e-s – selon la méthode du theoretical sampling (Glaser et Strauss, 1967). Celle-ci ne préconise pas de recruter les participant-e-s en vue de constituer un échantillon statistiquement représentatif, mais plutôt d’obtenir une palette aussi large que possible de personnes représentant différents milieux ou illustrant divers types d’expériences de confrontation à une décision de NEM, cela afin de mettre en relief les différentes situations individuelles considérées et d’en analyser les convergences. L’étude a été menée par la combinaison de différentes sources et méthodes, selon le principe dit de triangulation. Ainsi, nous avons complété les données issues des entretiens par une analyse de sources écrites, telles que rapports de l’ODM et de l’OSAR, bases légales, statistiques de l’aide d’urgence, statistiques policières.
Profil des personnes interviewées
49Nous avons réalisé en tout trente-cinq entretiens avec des spécialistes (voir tableau A1, Annexe 4). Concernant le niveau fédéral et la Suisse alémanique – Zurich et Berne –, nous avons mené douze entretiens36 avec des représentants des autorités, des instances parapubliques et des ONG ou avec des personnes s’exprimant à titre privé. En Suisse romande – Genève et Lausanne –, nous avons conduit au total vingt-trois entretiens avec vingt-six spécialistes37. Le nombre plus important d’entretiens avec des spécialistes en Suisse romande comparativement à la Suisse alémanique, en particulier à Genève (Lausanne, on le rappelle, a fait l’objet d’une étude moins approfondie), s’explique principalement par la présence d’un réseau d’acteurs plus important dans cette ville que dans les villes de Suisse alémanique examinées.
50Les entretiens avec les migrant-e-s sont au nombre de trente-deux (seize en Suisse alémanique et seize en Suisse romande) et concernent des personnes entrées en Suisse entre 1999 et 2006 et ayant reçu une décision de NEM entre 2002 et 2007. Les personnes contactées devaient répondre à deux critères pour être retenues dans l’étude : avoir reçu une décision de NEM durant leur parcours d’asile et avoir été assignées à l’un des quatre cantons inclus dans la recherche.
51Les entretiens avec les migrant-e-s ont été menés sous la forme d’entrevues personnelles en tête-à-tête d’une durée pouvant varier entre une heure et deux heures et demie (deux entretiens ont duré plus de trois heures, un entretien quatre heures et un autre cinq heures). Ils se sont généralement déroulés dans une atmosphère ouverte et empreinte de confiance. La possibilité de pouvoir discuter librement de leur situation a représenté un soulagement et une expérience positive pour beaucoup de personnes interviewées. Les entretiens avec les migrant-e-s se sont déroulés entre juin et décembre 2007 en Suisse alémanique, entre mars et août 2007 à Genève et entre mai et juin 2008 à Lausanne. Le plus souvent, le français ou l’anglais ont été utilisés, dans un cas l’allemand, et deux entretiens ont requis l’aide d’un-e interprète allemand-kurde et français-chinois. Après un premier entretien, nous avons proposé à certain-e-s de nos répondant-e-s un second entretien afin d’approfondir nos connaissances sur le quotidien de ces personnes et de saisir l’évolution de leur situation ainsi que les éventuels changements survenus au cours de l’étude. Nous avons laissé s’écouler deux mois au minimum après l’entretien initial avant de proposer aux personnes concernées de se revoir pour un deuxième entretien.
52Que ce soit en Suisse alémanique ou en Suisse romande, les origines de ces personnes témoignent d’une grande diversité (voir tableau A2, Annexe 4), reflétant la multiplicité des provenances de la population frappée de NEM en général (voir ci-dessus), avec une prépondérance de l’Afrique. La période écoulée entre leur demande d’asile et la décision de non-entrée en matière varie de deux mois à trois ans. Ainsi, une partie de ces personnes ont reçu cette décision avant et une autre après l’entrée en vigueur des mesures législatives concernant la suppression de l’aide sociale. Parmi nos interviewé-e-s de Suisse alémanique, une très légère majorité (neuf) bénéficiaient de l’aide d’urgence alors que sept n’y avaient pas recours au moment des entretiens (voir tableau A3, Annexe 4). Pour la Suisse romande, le nombre de personnes interrogées recourant à l’aide d’urgence au moment de l’entretien (dix) est supérieur à celui des personnes n’y recourant pas (six). Cette différence s’explique par la plus grande difficulté à entrer en contact avec ces dernières.
53Tout comme la population dont elles sont issues, les personnes frappées de NEM que nous avons interviewées sont en grande majorité des hommes jeunes, ayant entre 21 et 47 ans au moment des entretiens. Seules deux femmes ont été interviewées en Suisse alémanique et une en Suisse romande. Sur le plan de leur situation familiale, la majorité sont célibataires (dix en Suisse alémanique et treize en Suisse romande) et deux sont veufs. En Suisse alémanique deux personnes forment un couple marié avec deux enfants vivant avec eux en Suisse. En Suisse romande, quatre personnes sont mariées, dont deux le sont entre elles et ont un enfant en Suisse, et une femme a un compagnon suisse. Certain-e-s interlocuteur-trices ont des enfants vivant à l’étranger. Toutes les personnes interviewées affirment avoir une confession religieuse : huit personnes sont de confession chrétienne, six de confession musulmane et une de confession hindouiste en Suisse alémanique, tandis que neuf sont de confession musulmane, cinq de confession chrétienne (catholique ou protestante) et deux de confession bouddhiste tibétaine en Suisse romande. En matière de formation et d’éducation, les personnes interviewées reflètent également des situations variées : en Suisse alémanique quatre d’entre elles ont reçu une instruction jusqu’à l’âge de 6 ans et quatre autres jusqu’à l’âge de 20 ou 21 ans. Entre ces deux pôles, se trouvent cinq personnes ayant reçu une formation jusqu’à l’âge de 11, 15 ou 18 ans. Quatre personnes suivaient des études au moment de quitter leur pays. Les autres travaillaient dans l’agriculture, la vente, l’enseignement, la construction, le secrétariat ou le domaine ecclésiastique. Une personne n’avait aucune occupation dans son pays d’origine. En Suisse romande, quatre personnes ont terminé une formation universitaire (dont un enseignant et une fonctionnaire de l’Etat), trois ont fréquenté une université, mais ont quitté leur pays avant d’achever leur cursus, et deux sont titulaires d’un baccalauréat. Les personnes restantes ont terminé l’école primaire et ont exercé des professions telles que serrurier, électricien ou serveur dans la restauration.
Difficultés rencontrées et limites de la recherche
54Sur le terrain, l’établissement des contacts avec les personnes frappées de NEM n’a pas été sans difficultés. Sur les nombreux intermédiaires potentiels contactés, seule une minorité d’entre eux/elles nous ont effectivement permis de déboucher sur une prise de contact avec des personnes frappées de NEM correspondant aux critères de notre étude et acceptant d’y participer. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à expliquer ces difficultés. D’une part, le thème de la recherche est particulièrement délicat et s’insère dans un contexte politique tendu, d’autre part, il semble que les intermédiaires potentiels, s’ils connaissent bien le domaine de l’asile d’une manière générale, ne sont en revanche pas toujours bien informés de la situation spécifique des migrant-e-s frappé-e-s de NEM. En effet, les migrant-e-s concerné-e-s, par précaution ou méfiance, se confient très peu à leur entourage – qu’il s’agisse d’autres personnes frappées de NEM, de représentant-e-s d’organisations d’entraide ou d’autres personnes avec lesquelles ils/elles sont en contact –, qui méconnaît ou ignore tout simplement leur situation de NEM. Par ailleurs, la complexité du système juridique rend souvent confuse, pour les personnes frappées de NEM, tout comme pour les intermédiaires, la distinction entre les différents statuts de séjour existant en Suisse.
55Cette difficulté générale à rencontrer des migrant-e-s correspondant aux critères de notre étude se trouve encore accrue pour les personnes ne faisant pas appel aux structures de l’aide d’urgence et celles qui sont originaires des Balkans de l’Ouest. Concernant les premières, on peut souligner que les requérant-e-s d’asile qui tombent dans l’illégalité se trouvent souvent dans une situation encore plus précaire que celle des sans-papiers « classiques » (Achermann et Chimienti, 2006). Les personnes frappées de NEM qui renoncent à faire appel à l’aide d’urgence et qui vivent relativement isolées peuvent de ce fait se montrer particulièrement réticentes vis-à-vis de l’enquête. Nous avons ainsi multiplié les contacts avec des intermédiaires potentiels afin d’être finalement en mesure de rencontrer des personnes sans aide d’urgence. Quant aux personnes frappées de NEM originaires des Balkans de l’Ouest, nous ne sommes malheureusement parvenues à entrer en contact avec aucune d’entre elles, malgré des efforts répétés. Une explication fréquemment évoquée à ce propos par les spécialistes est que les migrant-e-s originaires des Balkans de l’Ouest ont une longue tradition d’immigration en Suisse et appartiennent à une large collectivité dont les membres partagent des liens étroits. Les personnes n’appartenant pas à ce cercle privé ne parviennent que difficilement à entrer en contact avec ses membres.
56Une autre limite de la présente recherche concerne le relatif déséquilibre existant entre les informations obtenues dans les quatre cantons considérés. Les raisons de cela sont de plusieurs ordres : d’une part, l’importance des moyens et de la durée de l’étude ont été variables selon les cantons, avec un investissement plus grand à Genève et Zurich qu’à Berne et Lausanne ; d’autre part, l’accès à l’information proprement dite a été beaucoup plus problématique à Zurich que dans les autres cantons, les autorités et les responsables zurichois ayant opposé une fin de non-recevoir à nos sollicitations ; enfin, les différences sur le plan des réseaux d’entraide et du climat général envers les migrant-e-s expliquent également la plus ou moins grande aisance que nous avons pu rencontrer sur le terrain. Ces difficultés sont sans doute en partie inhérentes à un projet se voulant d’ampleur nationale et cherchant à rendre compte des réalités souvent contrastées de la Suisse alémanique et de la Suisse romande.
Conclusion
57L’histoire du développement du concept de non-entrée en matière et de sa mise en œuvre institutionnelle révèle l’orientation essentiellement dissuasive prise par la politique suisse dans le domaine de l’asile. Elle amène aussi à s’interroger sur le pilotage du domaine de l’asile, en particulier en ce qui concerne le recours à des mesures d’urgence ou l’intégration dans la législation de mesures sur lesquelles la population s’est prononcée négativement comme cela a été le cas, nous l’avons vu, avec l’initiative UDC « Contre l’immigration clandestine ». Justifiées par les impératifs budgétaires de la Confédération et l’objectif de diminuer l’« attractivité » de la Suisse, les mesures prises dans le cadre de la clause de non-entrée en matière sont entrées en vigueur avant la révision du droit d’asile. Elles introduisent pour la première fois une limitation des prestations d’assistance à un minimum vital conçu en termes de survie physiologique pour des personnes hautement précarisées et fragilisées. Destinées à faire partir les personnes, elles font véritablement figure d’« instrument de contrainte » (Povlakic, 2011b). Sans que les leçons de l’expérience de l’application de la suppression de l’aide sociale au groupe de près de 10 000 personnes frappées de NEM n’aient été tirées, cette politique minimaliste en matière d’assistance a été étendue à une nouvelle catégorie de personnes du domaine de l’asile, ce qui, d’une certaine manière, revient à expérimenter le système, cette fois auprès d’une population ayant d’autres caractéristiques, en termes notamment d’intégration en Suisse ou de vie de famille (Sutter, 2011). Inscrit dans le cadre d’une politique dissuasive, ce minimum octroyé en vertu de l’aide d’urgence prévue à l’article 12 de la Constitution fédérale, et que nous examinerons en détail au chapitre 2, soulève d’importantes questions lorsque le séjour, prévu de très courte durée, se prolonge de plusieurs mois, voire de plusieurs années.
58C’est une telle situation que nous avons interrogée dans la recherche dont nous avons explicité la démarche dans ce chapitre et dont nous présentons les résultats dans ce qui va suivre. Il s’agissait en effet d’en soulever la réalité individuelle et souvent difficile pour les personnes concernées, dans un contexte où celle-ci a pu être occultée par la figure de l’abuseur, dit « faux réfugié ». Au-delà des aspects financiers et des considérations relatives à l’efficience, la politique d’asile restrictive, telle qu’elle a été mise en œuvre sur les personnes frappées de NEM pour être ensuite étendue à l’ensemble des débouté-e-s de l’asile, pose un certain nombre d’autres questions lorsque ce qui est en jeu est le traitement de personnes fondé sur la dégradation de leurs conditions de vie. C’est à cette part plus obscure de la politique d’asile que les résultats de notre recherche, présentés dans les chapitres qui suivent, donnent quelques éclairages. Dans le chapitre suivant, nous allons tenter de restituer les lignes de force de la mise en œuvre locale de cette politique, en soulignant les points de recoupement et de divergence et en retraçant les processus qui, dans les cantons étudiés, ont abouti à leur forme stabilisée.
Objectifs de l'étude
Examiner la situation personnelle et les stratégies d’adaptation des migrant-e-s concerné-e-s
Etudier les réactions des responsables et expert-e-s dans le domaine de l’asile
Estimer l’efficacité de cette mesure en regard des effets escomptés ou imprévus
59La problématique étudiée s’inscrit dans le cadre d’un système de traitement de la question de l’asile reposant sur deux piliers, tels que synthétisés ci-dessous :
ADMISSION RESTRICTIVE : la clause de NEM | ACCUEIL DISSUASIF : l’aide d’urgence |
• elle vise à accélérer la procédure et renforcer l’exécution du renvoi | • elle se fonde sur le droit inconditionnel de chacun d’obtenir une aide en cas de détresse, art. 12 Cst. |
Quelques dates | |
1981 | entrée en vigueur 1re Loi sur l’asile |
1990 | 1res clauses de NEM |
1995 | détention en vue du renvoi |
1998 | NEM si absence de papiers |
1999 | nouvelle LAsi |
2004 | suppression de l’aide sociale en cas de NEM (PAB 2003) |
2008 | nouvelles clauses de NEM et extension aux débouté-e-s |
Notes de bas de page
1 L’Office fédéral des migrations (ODM) a mené un monitoring sur les conséquences de la suppression de l’aide sociale en cas de décision de NEM qui a abouti à des bilans intermédiaires et à deux rapports annuels (ODM, 2004, 2005, 2006, etc.). Suivi par un groupe interne et par un groupe externe composé des représentants des cantons, il se base sur la question des coûts, compte tenu des craintes suscitées par l’affectation aux cantons et aux communes des frais jusqu’alors supportés par la Confédération. Les Rapports de monitoring de l’ODM délivrent des données chiffrées sur le séjour et la délinquance des requérant-e-s débouté-e-s. Pour l’aide d’urgence, voir les analyses et recommandations de l’OSAR (Buchmann et Kohler, 2005 ; Trummer, 2008).
2 UNHCR, Convention et Protocole relatifs au statut des réfugiés, Genève, septembre 2007, p. 16.
3 « 1) Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques.
2) Sont notamment considérés comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l’intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3, Définition du terme de réfugié). »
4 Ordonnance sur l’asile, modification du 1er mai 1984, RO 1985.
5 Union démocratique du centre, parti prônant le libéralisme économique et menant une politique active contre les étrangers et requérants d’asile, dirigé par Christoph Blocher, élu au Conseil fédéral en 2003 et chef du Département fédéral de justice et police (en charge de l’asile) de 2004 à 2008.
6 Conseil fédéral, Message, 1995, p. 30.
7 Loi du 26 juin 1998 sur l’asile (LAsi), RS 142.31, art. 32.
8 Remarques du 14 novembre 2004 sur la demande du Conseil fédéral du 25 août 2004 concernant l’absence de documents de voyage en tant que motif de non-entrée en matière, à l’attention du DFAE, du professeur Walter Kälin ; Asyl 2/3, 2005).
9 Voir http://www.parlament.ch/F/Suche/Pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20061047
10 Avant 2006, appelés les CERA (Centres d’enregistrement pour requérants d’asile).
11 Avant le 1er avril 2006, elle n’était que de trente jours, l’extension à soixante jours faisant partie des changements en lien avec la suppression de l’aide sociale et la nouvelle politique NEM, l’idée étant d’éviter d’attribuer les personnes recevant une décision de NEM aux cantons sans qu’ils effectuent toute la procédure dans les CEP : http://www.admin.ch/ch/f/rs/142_311/a16.html.
12 La Suisse accorde une aide sociale différenciée selon les cantons et le statut juridique des personnes ; http://www.portal-stat.admin.ch/soz-inventar-2002/fr/sections/l1-1-4.01.html.
13 Office fédéral des réfugiés
14 Incitations individuelles et institutionnelles dans le domaine de l’asile, Rapport final du groupe de travail sur le financement du domaine de l’asile à l’attention du DFJP du 9 mars 2000.
15 Ibid., p. 1.
16 Ibid., p. 2.
17 Ibid., p. 7.
18 Ibid., p. 11.
19 FF 2003, p. 5166. Economies par rapport au plan financier du 30 septembre 2002 : 2004 : 15 millions ; 2005 : 45 millions ; 2006 : 77 millions ; http://www.admin.ch/ch/f/ff/2003/5091.pdf.
20 FF 2003, p. 5167.
21 FF 2003, p. 5168.
22 FF 2003, p. 5167.
23 Ordonnance sur l’exécution du renvoi et de l’expulsion d’étrangers (RS 142.281).
24 Précisons que jusqu’au 1.1.2008, l’exclusion de l’aide sociale ne concernait que les personnes frappées de NEM exécutoire, qui avaient un délai de départ. Les personnes qui avaient fait un recours et étaient autorisées à en attendre l’issue recevaient à nouveau l’aide sociale, l’ordre de renvoi étant suspendu. Dès le 1.1.2008, le recours n’a plus donné accès à l’aide sociale mais seulement à l’aide d’urgence, malgré la légalité du séjour (cf. art. 82 al. 2 LAsi).
25 Ces rapports sont appelés, à partir du 4e trimestre 2006, « rapports de suivi ». Nous utilisons ici le premier terme, qui correspond d’ailleurs de plus à la terminologie allemande (Monitoringbericht).
26 AUPER = Registre suisse des personnes du domaine de l’asile. Début 2008, celui-ci a fusionné avec le Registre central des étrangers (RCE) dans un nouveau registre s’appelant SYMIC. Cf. http://www.bfm.admin.ch/bfm/fr/home/dokumentation/gesetzgebung/verordnung_ueber_das.html.
27 A partir de 2009, il faut ajouter les « cas Dublin », voir note 33 ci-dessous.
28 Selon LAsi du 26.12.2006, entrée en vigueur le 1.1.2007.
29 Abrogé dans la version révisée LAsi, état au 1.1.2008
30 Ce nombre se déduit du montant total de CHF 60900.- correspondant à la somme des indemnités forfaitaires de CHF 1000.- par renvoi jusqu’à fin 2007, selon le Rapport de monitoring (3e et 4e trimestre 2007).
31 Cette possibilité existe depuis le 1er mars 2005 et s’adresse non seulement aux requérant-e-s d’asile qui retirent leur demande, mais également aux personnes avec une décision de NEM entrée en force. Du 1er mars 2005 au 31 décembre 2007, un total de 1545 personnes sont rentrées avec cette aide au retour.
32 Rapport de suivi concernant la suppression de l’aide sociale, année 2009, Office fédéral des migrations ODM, Berne, juillet 2010.
33 L’augmentation des décisions de non-entrée en matière à partir de 2009 intervient suite à la mise en application de l’accord de Dublin, le 12 décembre 2008, qui permet de déterminer quel Etat Dublin est compétent pour mener la procédure d’asile et de renvoi et de transférer le/la requérant-e dans cet Etat. Sur les problèmes que posent les décisions de NEM prononcées dans le cadre de la procédure Dublin au regard de la Convention relative au statut des réfugiés, voir Povlakic, 2011a.
34 Un appel public a été adressé au conseiller d’Etat Philippe Leuba par Amnesty International, l’Observatoire suisse du droit d’asile et des réfugiés, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés et Solidarité sans frontières pour obtenir, à court terme, une modification de la pratique de l’aide d’urgence dans le canton de Vaud et, à long terme, une révision fondamentale du système. Ces ONG demandent au conseiller d’Etat de maintenir les personnes vulnérables, dont les femmes et les enfants, au bénéfice de l’aide sociale et dans des logements décents : http://www.amnesty.ch/fr/themes/asile-migration/aide-urgence/2011/appel-philippe-leuba
35 Lors de la première rencontre avec la personne frappée de NEM, la chercheuse remettait à l’interviewé-e une feuille d’information décrivant la recherche, traduite en plusieurs langues, et lui expliquait le contexte de l’étude, soulignant que les chercheuses et instituts impliqués étaient indépendants et que les entretiens seraient traités de manière anonyme et strictement confidentielle.
36 Deux représentant-e-s d’une même institution étaient présent-e-s ensemble lors d’un même entretien.
37 Plusieurs représentant-e-s d’une même institution étaient présent-e-s ensemble lors de deux entretiens (trois dans un cas et deux dans l’autre).
38 S’y ajoutent 4990 personnes frappées d’une décision de NEM entrée en force avant le 1er avril 2004 en régime transitoire jusqu’au 31.12.04 (Rapport de monitoring NEM, ODM).
39 Essentiellement à partir des centres d’enregistrement (CERA). Pour la période d’avril 2004 à décembre 2007, les cantons ont déclaré 609 départs contrôlés ayant fait l’objet d’indemnités de la Confédération (CHF 1000.- / départ), soit environ 6% du total (Rapport de suivi NEM, ODM).
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