Migration de femmes latino-américaines universitaires en Suisse
Géographies migratoires, motifs de migration et questions de genre
p. 115-136
Remerciements
Je remercie profondément toutes les femmes qui ont participé à cette étude – initialement dans l’année 1998 et actuellement en 2004 à travers les ateliers MINGA – pour leur extraordinaire contribution dans le récit et l’analyse de leurs parcours et motivations de migration. Je remercie le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique pour ses subventions pour la réalisation de la recherche (12-52806.97 et 405140-69125) et Rosa Amelia Fierro-Wirz pour sa précieuse collaboration dans l’édition du texte en espagnol.
Texte intégral
Introduction
1La migration latino-américaine en Suisse a un visage féminin. En 2005, 65 % des Latino-Américains qui ont migré en Suisse étaient des femmes. Aucune autre région du monde n’« exporte » autant de femmes en Suisse. Le continent asiatique le suit en importance, mais le pourcentage de femmes n’atteint que 55 % (OFS, 2006, T1207). Malgré son importance quantitative et qualitative, le phénomène de la migration latino-américaine féminine a été peu étudié. Notre connaissance sur les motifs, les parcours et les expériences de la migration des femmes latino-américaines est assez limitée. Le présent article cherche à combler cette lacune en analysant les histoires de migration de 23 femmes latino-américaines possédant une éducation de niveau universitaire. Dans tous ces cas, le motif de la migration a été le mariage binational.
2Le cas des femmes est d’une grande importance pour l’étude de la migration latino-américaine. Les femmes originaires d’Amérique latine résidentes en Suisse ont un haut niveau d’éducation : 55 % de celles-ci ont achevé une formation professionnelle élevée – 31 % du degré secondaire II et 24 % du degré tertiaire (OFS, 2000). Le thème des mariages binationaux est également très important pour comprendre la migration féminine latino-américaine. 37,1 % des mariages réalisés en Suisse se célèbrent entre un-e Suisse et un-e étranger-ère (OFS, 2006, p. 8). La plupart des femmes étrangères qui se marient avec des Suisses sont originaires d’Europe (59 %), puis d’Amérique latine (15.5 %) et enfin, d’Asie (15 %) (OFS, 2006, T1112). 47 % des femmes latino-américaines âgées de plus de 20 ans résidant en Suisse se sont mariées avec un citoyen suisse, ce qui, au total, représente 10 059 femmes (OFS, 2006, T1112 ; T1108).
3Cet article est structuré en trois parties. La première partie décrit le processus récent de féminisation de la migration latino-américaine en Suisse et passe en revue les études existantes sur la migration et le genre en accordant une attention particulière au cas latino-américain. La deuxième partie présente la perspective analytique et méthodologique de l’étude. Cette dernière est basée sur des biographies migratoires, des représentations de genre, et de lieu ainsi que sur la recherche participative. La troisième partie analyse les géographies et les raisons de la migration des femmes participant à cette étude en donnant un accent spécial aux questions de genre.
4L’hypothèse de cet article est que la perspective économique est insuffisante pour expliquer l’augmentation de la migration féminine latino-américaine en Suisse. L’étude montre que le motif principal de la migration des femmes n’est pas le besoin économique mais un lien affectif que l’on pourrait qualifier d’amoureux. Cet amour est imprégné, de manière consciente ou inconsciente, par le désir d’établir des relations de genre plus égalitaires. Les études de la migration féminine doivent ouvrir leur perspective économique pour inclure le rôle des questions de genre.
La féminisation de la migration latino-américaine et les études existantes sur la migration et le genre
5L’étude de la migration féminine commence avec une estimation du nombre de femmes latino-américaines résidentes en Suisse et avec une analyse de son évolution dans les années récentes. L’estimation du nombre de Latino-Américains est pourtant une tâche difficile, vue la manière dont on définit les « Latino-Américains ». Dans les statistiques internationales, il existe deux critères de définition : la nationalité et l’origine. Le concept de nationalité a donné lieu au terme d’« étranger » et le concept d’origine au terme de « migrant ». Dans le cas de la Suisse, les statistiques sont basées sur le concept d’étranger, c’est-à-dire qu’y sont inclus tous ceux qui n’ont pas de passeport suisse, indépendamment du fait d’être né ou non en Suisse. Selon le concept « d’étranger », le nombre de Latino-Américains établis légalement en Suisse en 2005 se montait à 41 974 personnes, dont 65 % étaient des femmes (OFS, 2006, P12). Si l’on considère le concept de « migrant », c’est-à-dire le fait d’être né dans un pays latino-américain et d’avoir migré après coup en Suisse, le nombre de Latino-Américains qui vivaient en Suisse en 2000 atteignait 57 001, dont 64 % étaient des femmes (OFS, 2000). Si on le compare avec d’autres pays européens, ce chiffre prend une grande résonance : la Suisse aurait le nombre le plus important de Latino-Américains en Europe, après l’Espagne (84 678), l’Italie (76 073) et l’Allemagne (58 873) (OIM, 2004).
6La migration latino-américaine en Suisse a augmenté de manière considérable durant ces dernières années. Selon les statistiques des étrangers en 1990, 15 374 Latino-Américains résidaient en Suisse. Ce nombre a plus que doublé en seulement quinze ans en atteignant un total de 41 974 (OFS, 2006, P12). La raison principale de cette augmentation est due aux femmes. Comme on peut l’observer dans le tableau 1, le pourcentage de femmes par rapport aux hommes latino-américains a amplement augmenté depuis les années 1990. En 1990, les femmes représentaient 47 % du total. En 1995, ce pourcentage était monté à 58 % et en 2005 celui-ci est arrivé à 65 % du total (OFS, 2000 ; OFS, 2006). Par conséquent, le nombre de femmes latino-américaines a triplé en un peu plus d’une décennie. La féminisation de la migration latino-américaine n’est pas spécifique à la Suisse ; elle est commune à d’autres pays européens. En Italie, les femmes représentent 70.6 % du total des migrants latino-américains alors que cette proportion atteint 57.6 % en Espagne (Martínez Buján, 2003, p. 24 ; OIM, 2004, p. 35).
Tableau 1 : L’augmentation de la migration féminine latino-américaine en Suisse (OFS, 2006)
7Dans les milieux académiques suisses, le thème de la migration féminine commence à peine à retenir l’attention (Sutter, 2000 ; Richter, 2000 ; Brutschin, 2001 ; Waldis 2002 ; Riaño, 2003, 2005 ; Hettlage, 2005 ; Le Breton, 2005 ; Wanner et al, 2005). L’intérêt pour la migration féminine est venu en grande partie des institutions d’assistance sociale et des agences gouvernementales intéressées par l’augmentation de la migration féminine, préoccupées par la problématique du trafic des femmes migrantes et par la situation d’exploitation des femmes sans-papiers (Fibbi, 1995 ; Joris, 1995 ; Karrer et al., 1996 ; Caroni, 1996 ; Le Breton, 1998 ; Prodolliet, 1999 ; Sançar et al., 2001 ; Schertenleib, 2001).
8L’image qui prédomine en Suisse au sujet des femmes migrantes, particulièrement celles provenant des pays du Sud, est très limitée et rigide ; elle se base uniquement sur les manques : la femme serait forcée à migrer à cause de sa pauvreté économique et ses ressources personnelles, éducatives et culturelles supposées très faibles. La réalité est très différente. Il existe une grande variété de situations parmi les femmes migrantes, et cela concerne aussi bien les motifs que les parcours migratoires, la condition juridique, la situation d’intégration sociale et économique et les changements de leur identité comme conséquence de la migration. Malheureusement, les études en Suisse, et en général, dans d’autres pays européens, sont loin de nous donner une vision représentative de la variété de situations de la migration féminine (Riaño, 2005). Le cas des femmes migrantes avec des qualifications professionnelles a été par exemple, avec certaines exceptions, pratiquement ignoré (Haour-Knipe, 1984 ; Riaño, 2003 ; Riaño et Baghdadi, 2007a). Ce phénomène est commun en Europe, où les migrantes avec qualification professionnelle sont restées pratiquement invisibles dans les études sur la migration (Kofman, 2000 ; Raghuram, 2004).
9Malgré le fait que 42,4 % des migrants qui entrent en Suisse le font pour des raisons de famille (mariage binational et réunification familiale), et que seulement 26,3 % le font pour des raisons d’emploi (OFS, 2006, p. 20), le thème de la migration pour le mariage a reçu peu d’attention. Ces dernières années, d’importantes études sur les mariages binationaux ont été réalisées (Alber et al., 2000) mais l’accent a été surtout mis sur les mariages mêmes et leur rôle pour l’intégration des migrantes. Peu d’études ont analysé le rôle des mariages binationaux dans l’augmentation de la migration féminine, et en particulier dans la migration de femmes latino-américaines (Riaño, 2003 ; Echarte Fuentes-Kieffer, 2004 ; Riaño et Baghdadi, 2007b). Les études internationales sur la migration pour le mariage ont eu tendance à interpréter celle-ci principalement comme « stratégie de survie » de la femme (Cahill, 1990 ; Truong et del Rosario, 1994). Il manque des études qui s’ouvrent à cette perspective interprétative et qui considèrent l’impact des relations de genre dans la hausse des mariages binationaux et de la migration féminine (Waldis, 2001 ; Riaño, 2003).
10Le manque de connaissances sur la migration féminine est spécialement grave dans le cas latino-américain. Les études existantes en Suisse et en Europe sont rares. En Suisse, les recherches qui se sont penchées, en partie ou dans leur totalité, sur les migrantes latino-américaines ont traité les thèmes suivants : la situation des migrantes exilées (Bolzman, 1993), la situation de stress, les stratégies d’action et d’identité de femmes sans-papiers (Previsic, 2002 ; Stienen, 2003 ; Carbajal, 2004), le trafic international des femmes (Le Breton et Fiechter, 2005), les caractéristiques de la migration à cause de l’amour (Riaño, 2003 ; Echarte Fuentes, 2004 ; Riaño et Baghdadi, 2007b), l’influence de la politique migratoire sur les femmes (Bueno, 1995 ; Riaño, 2003), les changements dans la situation professionnelle et les relations de couple (Mainardi, 2003) et la lutte pour l’intégration de Latino-Américaines avec des qualifications professionnelles (Riaño, 2003, Riaño et Baghdadi, 2007a). En Espagne, les études ont examiné les aspects quantitatifs des flux migratoires, les types d’emplois des femmes latino-américaines (ex. Martinez Pizarro, 2003 ; Ramirez Bautista, 2000 ; Escrivá, 2000) et le cas des femmes travailleuses sexuelles (Manzo et Murray, 2002). En Allemagne, les thèmes d’analyse ont inclus les formes et les motifs de la migration féminine (Gruner-Domić, 2002) et le cas des migrantes intellectuelles (Gutiérrez Rodríguez, 1999). Aux Pays-Bas, les études se sont focalisées sur les migrantes sans-papiers (Ruiz, 2003).
Migration féminine : la perspective de genre et la recherche participative
11Comme cela a été expliqué au début de cet article, l’objectif est ici de contribuer à combler les lacunes de connaissances sur la migration féminine en examinant les géographies migratoires et les motifs de migration de 23 femmes latino-américaines possédant une éducation de niveau universitaire et ayant transféré leur lieu de résidence en Suisse pour des raisons de mariage binational. Avant d’aller plus loin, surgit la question de la perspective conceptuelle et méthodologique la plus adéquate à l’étude de la migration féminine latino-américaine. Une des perspectives prédominantes dans la littérature est celle de la globalisation de l’économie. Selon cette dernière, l’augmentation radicale dans le mouvement migratoire des femmes ayant eu lieu durant les deux dernières décennies est liée aux transformations économiques globales et à la restructuration internationale du marché du travail (Sassen et Appiah, 1999 ; Salazar Parreñas, 2001). Etant donné que les citoyens des pays industrialisés sont toujours moins susceptibles de réaliser des travaux de nettoyage et de soins et que de plus en plus de femmes refusent les rôles domestiques, le vide produit par ces changements est couvert par les femmes des pays du Sud. Ainsi se produit une division internationale du travail où les femmes du Sud travaillent dans le secteur du nettoyage, les services sexuels et les soins (enfants, personnes âgées, handicapés) (Truong, 1996).
12Le fait d’obtenir du travail et de rester à l’étranger est souvent plus facile pour la femme migrante en raison d’une grande demande dans le secteur des services mais aussi parce que les contrôles de police se focalisent principalement sur les hommes. D’ailleurs, les lois migratoires des pays industrialisés favorisent indirectement la migration féminine. En permettant la réunification familiale des migrants légalement établis et en acceptant les migrants qui se marient avec des citoyens du pays, les pays industrialisés facilitent la migration des femmes. En Suisse, par exemple, les visas de réunification familiale sont beaucoup plus faciles à obtenir que les visas de travail qui sont très strictement contrôlés. Les lois migratoires suisses discriminent les citoyens provenant de pays extra-européens. Les citoyens des pays communautaires ont la priorité pour les visas de travail alors que le nombre de ces mêmes visas disponibles pour les citoyens des pays latino-américains est dérisoire.
13Si les perspectives décrites précédemment sont indispensables pour expliquer la migration féminine, elles sont aussi insuffisantes. La décision de migrer ne dépend pas exclusivement de conditions de type macro, mais aussi de facteurs micro comme l’existence de réseaux sociaux qui peuvent encourager ou restreindre cette décision (Ribas-Mateos, 2000 ; Maloney, 2000). Par ailleurs, les raisons qui peuvent pousser une femme à quitter son pays ne sont pas exclusivement économiques. Pour beaucoup de femmes, la migration est une manière de se libérer de la pression sociale et/ou de sortir d’une relation insatisfaisante (Kofman et al, 2000). Pour d’autres, c’est une manière de résoudre les problèmes liés aux tensions qui se génèrent entre hommes et femmes à cause des changements actuels dans les rôles de genre (Waldis, 2001 ; Riaño, et Baghdadi, 2007b). Les réseaux sociaux et les questions de genre sont clairement un point de départ important pour l’étude de la migration féminine et recevront par conséquent une attention spéciale dans cet article.
14L’approche méthodologique de cette étude se base sur l’inclusion de la perspective des femmes migrantes elles-mêmes. Cette approche a gagné en importance dans les études géographiques de genre (Chant, 1992 ; Lawson, 2000). L’étude se base ainsi sur la communication directe avec les femmes à travers des entretiens approfondis sur leurs histoires et leurs expériences de migration (Ellis et Bochner, 2000). La narration approfondie est complétée avec des ateliers de groupe. La méthodologie des ateliers de groupe a reçu le nom de MINGA et a été conçue dans le cadre de ce projet (Riaño et Baghdadi, 2007a). La perspective des ateliers MINGA est celle de la recherche participative. L’objectif de cette approche est de développer des relations plus égalitaires entre chercheuses et participantes (Mountz, 2002). De ce fait, l’objectif des ateliers MINGA n’est pas seulement que la chercheuse obtienne des données sur les « informatrices », mais aussi que se réalise une activité ayant un bénéfice mutuel pour les deux parties. Les ateliers de travail entre chercheuses et participantes sont particulièrement adéquats pour cette étude étant donné qu’ils sont une méthode de recherche collective et non individualiste. Par conséquent, les ateliers MINGA ont été conçus de manière interactive : un groupe de femmes migrantes se réunit avec les chercheuses, chaque femme raconte son histoire migratoire et le groupe fait une analyse ensemble. Les femmes peuvent ainsi, non seulement « connaître leur histoire », mais aussi participer à l’analyse de leurs propres expériences et celles d’autres femmes du groupe. Les objectifs principaux de la méthodologie MINGA sont les suivants : réflexion sur la propre migration et la situation d’intégration, production de connaissances en groupe, expansion et rétro-alimentation de connaissances pour toutes les participantes, formation de réseaux et impulsion pour l’action individuelle et collective.
Femmes latino-américaines en Suisse : géographies migratoires et le rôle des représentations de genre et de l’imaginaire géographique dans leur migration
15Cet article est basé sur les résultats d’une étude préliminaire réalisée en 1998 et d’une étude actuelle plus vaste qui se réalise dans le cadre d’une recherche financée par le Fonds National Suisse de la recherche scientifique1. Les 23 femmes incluses pour l’analyse de leurs géographies migratoires et raisons de migration proviennent de 10 pays latino-américains : Mexique (5), Pérou (4), Brésil (3), Colombie (2), Equateur (2), Nicaragua (2), Bolivie (1), Honduras (1), République Dominicaine (1) et Venezuela (1). Elles ont toutes émigré en Suisse pour des raisons de mariage binational et dans tous les cas, sauf un, se sont mariées avec un citoyen suisse. Les femmes proviennent de familles de classe moyenne à classe moyenne haute ; elles ont vécu dans des centres urbains de taille moyenne à grande avant de migrer en Suisse et un nombre important d’entre elles étaient professionnellement actives avant leur arrivée en Suisse. La plupart habitent dans le canton de Berne, sauf deux femmes qui vivent en Suisse romande (elles étaient originellement arrivées en Suisse allemande) et une dans le canton de Zurich.
16Toutes ces femmes possèdent une formation professionnelle dans les domaines d’étude suivants : sciences sociales (8), économie, droit et gestion de commerce international (5) ; dessin technique, architecture et ingénierie (4) ; hôtellerie (2) ; médecine et odontologie (2) ; secrétariat bilingue (1), et physique (1). 74 % d’entre elles ont réalisé leur premier degré universitaire dans leur pays d’origine et le reste de leurs études à l’étranger. Un tiers a une formation post-grade réalisée hors du pays d’origine.
Géographies migratoires : premier pas, destinations et stratégies
Tableau 2 : Géographies migratoires de femmes latino-américaines migrant en Suisse pour un mariage binational
17L’analyse des géographies migratoires des 23 Latino-Américaines considérées dans cette étude nous montre deux types de modèles migratoires. Dans le premier modèle (65 % des cas), il s’agit d’une migration initiale de type temporaire pour cause d’études, de travail ou de tourisme. Durant son séjour à l’étranger, la femme fait la connaissance de son futur partenaire de nationalité différente. Cette relation binationale transforme la migration temporaire en migration définitive. Dans le deuxième modèle (35 %) la migration initiale est de type long terme pour des raisons de relation binationale. Dans ce cas, les membres du couple se sont connus dans le pays de la femme.
18Les caractéristiques spécifiques de chaque modèle migratoire sont présentées en dessous.
Migration initiale de type temporaire
19Dans ce type de migration, qui correspond à la plupart des cas (65 %), la femme s’absente initialement de son pays de manière temporaire. Les raisons de la migration sont des cours de langue, des échanges culturels, du tourisme, du travail ou des études pré ou post-universitaires. Les destinations de la migration temporaire sont multiples et incluent la Suisse (moins de la moitié des cas), la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la Russie, Israël et la Bolivie. Durant son séjour dans ces pays, la femme rencontre son futur mari (de nationalité Suisse dans 95 % des cas) qui vit en Suisse ou qui se trouve de passage dans le pays en question pour les mêmes raisons que la femme (études, échange culturel, tourisme ou travail).
20Les circonstances de la rencontre du couple binational sont multiples. Dans un cas, les membres du couple se sont connus au Canada, où les deux étudiaient le français ; dans un autre cas, aux Etats-Unis, où les deux faisaient partie d’un groupe de musique internationale. Un autre couple s’est connu en Israël, où les deux travaillaient dans un kibboutz ; et un autre aux Etats-Unis, où les deux assistaient à une conférence internationale. Un couple s’est rencontré en Bolivie où les deux participaient à une excursion touristique et dans trois cas, ils se sont connus durant la visite de la femme à sa sœur résidente en Suisse. Dans sept cas, les membres du couple se sont connus en tant qu’étudiants universitaires en Suisse, en Grande Bretagne ou en Russie. La relation binationale transforme la migration de la femme : son caractère initialement temporaire devient définitif et les déplacements migratoires se multiplient. L’intention d’origine des femmes était de retourner au pays une fois leurs activités à l’étranger terminées. Or, la relation binationale a changé leurs plans. Les femmes réagissent face à cette situation avec deux types de stratégies. Dans la première stratégie (50 % des cas) les femmes décident de ne pas retourner chez elles mais d’accompagner leur mari dans leur pays de résidence ou de le suivre dans un autre pays où il poursuivra des études post-universitaires (Grande-Bretagne, Canada, Etats-Unis). Dans la deuxième stratégie, les femmes choisissent de retourner dans leur pays et de méditer sur la nouvelle situation. Elles continuent leur vie professionnelle, les hommes restant en Suisse et rendant visite périodiquement à leur partenaire. Dans un cas, le mari suisse est allé avec son épouse vivre dans le pays d’origine de cette dernière. Après un certain temps, et si la relation semble perdurer, les couples binationaux se voient confrontés à la question du lieu où habiter. Dans tous les cas, la réponse est en faveur de la Suisse.
Migration initiale de type long terme
21Ce type de migration correspond à la minorité des cas (35 %). Dans ce cas, la femme a connu son futur mari suisse dans son pays d’origine. Des hommes suisses visitaient l’Amérique latine pour des échanges culturels, des études universitaires ou pour travailler. Dans trois cas, ceux-ci faisaient des études d’anthropologie dans des universités latino-américaines (Mexique, Brésil) ou recueillaient des données pour leur travail de recherche ; dans un autre cas, l’homme participait à un programme d’échange culturel (Bolivie), dans trois autres cas les hommes travaillaient pour des compagnies suisses actives à l’étranger ou étaient correspondants de presse (Brésil). Dans un dernier cas, un homme suisse qui a grandi à l’étranger s’est retrouvé en Equateur pour rendre visite à sa famille. Même si l’intention originelle de la femme n’était pas la migration, la relation binationale confronte les femmes à une nouvelle situation. Trois types de réponses sont générés : soit le couple binational vit un certain temps dans le pays de la femme jusqu’à ce que le contrat du mari finisse ou que le mari termine ses études universitaires pour ensuite migrer ensemble en Suisse ; soit l’homme retourne en Suisse une fois conclus ses projets d’études ou d’échange culturel ou face à l’échec de son projet économique et sa femme le rejoint lorsqu’elle a terminé ses études ou ses projets de travail ; soit finalement la femme quitte son pays pour accompagner son mari à la date planifiée pour le retour en Suisse (dans ce cas, ils se connaissaient depuis l’enfance étant donné que le mari suisse avait grandi à l’étranger). Ainsi, dans tous les cas, la décision du lieu où vivre à long terme tombe toujours en faveur de la Suisse. Pourtant, dans trois cas, les femmes retournent en Amérique latine après avoir vécu un certain temps en Suisse. La raison de cette migration de retour est le divorce et/ou la difficulté de combiner leurs vies professionnelles et la maternité. Par la suite, les trois femmes sont retournées en Suisse soit pour rester proches de leurs enfants soit parce que le coût de la scolarité est trop élevé en Amérique latine. De cette manière, et même dans ces cas, la migration de la femme a de multiples variantes.
22On peut donc observer ici que la migration féminine lors d’un mariage binational est un processus beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Cette migration n’est pas, dans la majorité des cas, un processus direct dans lequel la femme ayant connu un citoyen suisse migre une seule fois vers ce pays. La migration peut avoir plusieurs variantes, divers chemins, diverses destinations et peut être composée de stratégies multiples. La plupart des femmes ne quittent pas initialement leur pays pour un mariage binational ; elles le quittent de manière temporaire pour étudier, pour faire du tourisme ou pour des engagements professionnels. La Suisse n’est pas la seule destination de cette migration. La migration temporaire se transforme au moment où la femme construit une relation avec un citoyen suisse. La relation binationale confronte la femme à une décision qui était hors de ses plans initiaux. La difficulté de cette décision est illustrée par le fait que, dans l’ensemble des cas et selon les histoires de migration, il peut s’écouler entre un et six ans avant que la femme ne se décide à migrer définitivement en Suisse. De cette manière, la migration lors d’un mariage binational n’est pas un processus évident et immédiat. Par ailleurs, il n’existe pas un chemin commun concernant les actions qui précèdent la migration en Suisse. Chacune des femmes choisit des stratégies individuelles qui correspondent à ses vœux et à ses besoins personnels. La période de réflexion et les stratégies individuelles montrent le rôle actif de la femme dans le processus de migration.
La migration lors d’un mariage binational : « migrer par amour »
23La section précédente nous a montré le rôle très important du mariage binational dans la migration féminine. Les raisons de ce type de migration ont été interprétées dans la littérature, la presse et l’opinion publique comme une stratégie de survie de femmes qui ont besoin d’améliorer leur propre situation économique et celle de leurs familles. Il s’est généré l’image que les hommes du « monde développé » « sortent » les femmes du « sous-développement » et les « amènent au paradis ». De cette manière, la migration grâce à un mariage binational serait la seule option pour les femmes des pays du Sud. Même si cette situation se trouve confirmée dans de nombreux cas, il est aussi vrai qu’il existe aussi d’autres réalités.
24Les histoires de migration des femmes considérées dans cette étude montrent que l’interprétation purement économique est insuffisante. Ces femmes proviennent de familles de classe moyenne et moyenne haute et la plupart étaient professionnellement actives avant de migrer définitivement en Suisse. La longue période de réflexion par rapport à la migration définitive montre que la migration n’était pas l’unique option dans leur vie. Au contraire, beaucoup de femmes expriment leurs difficultés à quitter leur pays et leurs incertitudes concernant le futur professionnel en Suisse et l’éloignement de leur culture, de leur famille et de leurs amis. Pour toutes ces femmes, la raison principale de la migration en Suisse est simplement l’amour. Ainsi, j’ai proposé que ce type de migration se nomme « migration par amour » (Riaño, 1999, 2003).
Le rôle des représentations de genre et de l’imaginaire géographique dans la migration féminine
25Dans la section antérieure, j’ai postulé que la perspective économique est insuffisante pour expliquer la migration pour mariage binational. Je postule ici que la perspective de genre est fondamentale pour comprendre le phénomène croissant des mariages binationaux. Dans les pays comme la Suisse, l’émancipation de la femme, un processus relativement récent, a questionné les rôles traditionnels et a généré des tensions entre hommes et femmes, ce qui a rendu difficile le processus d’approche entre l’un et l’autre. Beaucoup de femmes suisses craignent la confrontation avec des hommes suisses qui cherchent, consciemment ou inconsciemment, une femme qui assume les rôles traditionnels. Beaucoup d’hommes, à leur tour, sont gênés dans leur relation avec les femmes suisses puisqu’ils se sentent remis en question dans leur comportement et leur identité masculine. Dans le cas d’une relation binationale, ces tensions de genre n’apparaissent pas clairement, au moins pas au début. Les membres du futur couple binational se rencontrent en un terrain « neutre » et le plus souvent dans des circonstances propices pour initier une relation de couple (voyage, cours de langue, tourisme). En outre, la globalisation des moyens de communication facilite la communication entre des personnes se trouvant en différents points de la planète, phénomène qui n’était pas encore possible il y a seulement quelques années. De cette manière, je pose l’hypothèse que, pour certains hommes suisses, la relation binationale offre, de manière consciente ou inconsciente, une solution aux problèmes de relations entre les sexes qu’ils affrontent dans leur propre pays.
26Un phénomène similaire se produit dans le cas des femmes latino-américaines considérées dans cette étude. Dans la discussion sur le thème du choix d’un étranger comme partenaire, beaucoup disent ne pas avoir choisi consciemment un étranger mais expliquent qu’elles se sentaient fatiguées des « machos » latino-américains. Dans l’idéologie machiste, l’homme ne s’intéresse pas premièrement à la femme comme personne : il la voit avant tout comme un objet sexuel. L’identité masculine de beaucoup de Latino-Américains est définie par le terme « donjuanisme », qui consiste à attirer beaucoup de femmes. Pour beaucoup de femmes incluses dans cette étude, l’infidélité des hommes latino-américains est une expression claire de leur manque de respect pour la femme. En revanche, l’image de l’homme « étranger » (européen, nord-américain) est souvent positive. La vision idéalisée qu’elles en ont est que les étrangers « respectent la femme comme personne et qu’ils sont des partenaires fidèles ». Cette vision est fréquemment partagée par les mères des femmes qui soutiennent et encouragent, dans certains cas, la relation de leur fille avec un étranger. Paradoxalement, après avoir vécu en Suisse pendant un certain temps, beaucoup de femmes latino-américaines découvrent que bien que leurs maris suisses ne se comportent pas comme un « macho » latino-américain, au niveau sociétal (Suisse allemande en particulier), il existe un machisme enraciné, quelques fois très marqué, parfois subtil, étant donné que les mondes du travail et de la politique ne sont pas distribués de manière égalitaire entre les femmes et les hommes mais sont dominés par les hommes.
27A travers les récits de plusieurs femmes, on peut déduire que beaucoup d’hommes suisses ont aussi une vision idéalisée de la femme latino-américaine. Son image de la femme latino-américaine est qu’elle est « gaie, féminine, docile et maternelle ». Ces qualités sont considérées comme favorables en comparaison à la vision qu’ils ont des femmes suisses. Dans la pratique, comme partout dans le monde, on ne peut pas parler de « la » femme latino-américaine étant donné qu’il existe de grandes différences de caractère et de personnalité entre les femmes latino-américaines. Quelques migrantes latino-américaines racontent la déception de leurs maris en découvrant après un certain temps que leurs femmes ne correspondent pas à cette vision idéalisée de « la » femme latino-américaine.
28Ainsi, les représentations de genre, c’est-à-dire la vision idéalisée par rapport au rôle et comportement de genre adéquats, sont combinées avec l’imaginaire géographique – l’ensemble des représentations d’autres lieux, peuples ou cultures et les manières dont des telles représentations projettent les désirs et les valeurs des leurs auteurs (Gregory, 1994). Les imaginaires positifs que les Latino-Américaines ont des Suisses, de la Suisse, et des relations entre les sexes en Suisse et inversement favorisent la formation de couples binationaux. Ce type de relation implique la migration d’au moins un des membres du couple. La question qui surgit donc est : pourquoi est-ce que ce sont des femmes qui migrent en majorité ? En Amérique latine et en Suisse, la société considère qu’il est « normal » que la femme s’adapte à son mari. Le contraire n’est « pas normal ». Par exemple, dans le cas d’un couple suisse-latino-américain, qui devait décider où vivre, la femme a proposé qu’ils aillent vivre dans un pays industrialisé hors d’Europe où elle avait une offre de travail. Le mari suisse et sa famille ont considéré que la proposition était inconvenante étant donné qu’il avait déjà un poste de travail en Suisse où il se sentait satisfait. La femme a dû refuser son offre de travail et migrer en Suisse pour rejoindre son futur mari.
29Les représentations de genre influencent la vision de l’importance du développement professionnel chez l’homme et la femme. Quelques femmes racontent comment elles ont donné plus d’importance, dans leur décision de migrer, consciemment ou inconsciemment, à la carrière professionnelle de leur mari plutôt qu’à la leur. La raison n’est pas un manque de motivation professionnelle, en effet, ces femmes expliquent qu’il leur aurait été difficile d’affronter le fait d’avoir d’un mari sans réussite professionnelle. Elles disent souvent avoir eu peur que leur mari suisse migre en Amérique latine où se produirait potentiellement une situation d’inégalité professionnelle avantageant la femme. Cette situation aurait été difficile à supporter parce que la société juge plus sévèrement le manque de réussite professionnelle chez l’homme que chez la femme. Ainsi, les femmes décident de migrer en Suisse parce qu’elles pensent que leurs maris peuvent y trouver un meilleur épanouissement professionnel.
30L’imaginaire géographique – les images se rapportant aux qualités et aux possibilités d’un lieu – joue également un rôle important dans la migration féminine. Des études scientifiques (E. Said, 1979) sur la construction de « l’orient » par les forces coloniales nous ont montré que les représentations de lieu ne correspondent pas nécessairement à la variété des situations de la réalité, sinon qu’elles peuvent être basées sur des préjugés ou sur des fausses représentations. La classification des pays du globe en « sous-développés » ou « développés » est un exemple d’imaginaire géographique avec connotation négative. Cette représentation a une incidence importante sur le fait de pousser ou attirer les flux migratoires d’un pays à l’autre. Une expression de ce phénomène est le fait que beaucoup de femmes latino-américaines et leurs familles ont, par rapport à l’Europe et à la Suisse, un a priori généralement positif. La Suisse est vue comme un lieu « développé » avec des possibilités et des perspectives meilleures. Pour les familles de ces femmes, « l’étranger » est, dans beaucoup de cas, toujours mieux. Une des femmes raconte comment sa mère voulait qu’elle se marie avec un « étranger » (européen ou nord-américain) parce qu’à « l’étranger (en Europe ou en Amérique du Nord) il existe de meilleures possibilités de vie ». En revanche, les représentations des familles des hommes suisses sur l’Amérique latine ne sont pas toujours positives. Une femme raconte que la famille de son mari craignait que ce dernier migre en Amérique latine pour y vivre avec sa future épouse, décision incompréhensible pour eux. Par conséquent, les représentations de genre se combinent avec l’imaginaire géographique pour contribuer à l’augmentation de la migration féminine latino-américaine.
31Les résultats de ce travail montrent aussi que malgré le fait qu’il existe des facteurs macro qui conditionnent la migration féminine, il existe aussi des facteurs micro qui jouent un rôle décisif dans cette migration. Les réseaux sociaux ont été reconnus depuis un certain temps comme des structures d’opportunités ou de contraintes qui peuvent appuyer ou restreindre la décision migratoire. Les hommes suisses, leurs familles et leurs amis fonctionnent comme un réseau social avec un rôle décisif dans la création de structures d’opportunités pour la migration de la femme. Cet sujet mérite d’être étudié dans l’avenir d’une façon plus approfondie.
Conclusion : la migration féminine et le mythe économique
32Cet article a examiné les parcours migratoires et les motifs de migration de 23 femmes latino-américaines possédant une éducation de niveau universitaire qui ont émigré en Suisse pour un mariage binational. Basée sur une approche de genre, sur le concept de l’imaginaire géographique ainsi que sur la perspective de la recherche participative réalisée à travers les ateliers de travail MINGA et sur des entretiens approfondis, cette étude en arrive à tirer quelques conclusions. La géographie de la migration féminine, par un mariage binational, est un processus beaucoup plus complexe que ce que l’on ne pense habituellement. Dans la plupart de cas, ce n’est pas un processus direct et évident, mais il est composé de paliers, de destinations et de stratégies multiples. La plupart des femmes migrent initialement de manière temporaire – pour des raisons diverses : études, tourisme ou travail – à l’étranger (pas nécessairement en Suisse), et c’est là qu’elles rencontrent leurs futurs maris. La relation binationale transforme ainsi la migration temporaire en migration définitive. La décision de migrer définitivement en Suisse n’est pas facile pour la plupart des femmes, on le voit à travers le fait qu’il peut s’écouler entre un et six ans avant que la femme prenne sa décision finale. Il n’existe pas de parcours commun concernant les trajectoires qui précédent le processus de migration définitive en Suisse. Chaque femme développe des stratégies individuelles qui correspondent à ses vœux et besoins personnels. Les femmes ne sont pas des agents passifs mais jouent un rôle très actif dans le processus de migration.
33Le modèle de la globalisation économique est très important pour comprendre la migration féminine, mais il est insuffisant spécialement dans le cas des femmes latino-américaines incluses dans cette étude. Le mariage binational a été interprété dans la littérature comme une stratégie féminine de survie. Cette explication n’est pas valide pour le cas des femmes incluses dans cette étude. Les femmes proviennent de familles de classe moyenne et moyenne haute et la plupart étaient professionnellement actives avant de migrer en Suisse. La longue période de réflexion concernant la décision de migrer définitivement montre que la migration n’était pas l’unique option de leur vie. Les femmes déduisent que la principale raison pour migrer est l’amour et ainsi, ce type de migration doit être qualifié de « migration par amour ». Les études de migration par mariage binational ont besoin d’acquérir une perspective plus différenciée spécialement dans le cas latino-américain en donnant plus d’attention à la variété des motivations, des mécanismes et des parcours de migration.
34En outre, les représentations de genre et les rôles sexués devraient être combinés aux imaginaires géographiques. L’image idéalisée que les Latino-Américaines se font des Suisses (et inversement) est fondamentale pour expliquer la hausse de la migration féminine, particulièrement dans le cas latino-américain. Ces représentations et la globalisation de la communication nous expliquent la croissance des mariages binationaux. En Suisse comme en Amérique latine, les hommes et les femmes se voient confrontés à une tension croissante entre les sexes due aux changements récents dans les rôles féminins et masculins. Les femmes latino-américaines sont toujours plus réticentes à accepter l’idéologie machiste et refusent les hommes latino-américains. Les hommes suisses se voient questionnés par les femmes suisses dans leur identité masculine traditionnelle. Face à cette situation, la relation binationale offre une solution alternative aux problèmes de genre auxquels les hommes suisses et les femmes latino-américaines se trouvent confrontés dans leurs pays respectifs.
35D’autre part, les représentations de genre influencent la migration féminine parce que la société voit comme « normal » le fait que la femme s’adapte à son mari qui vit à l’étranger ; l’inverse étant moins accepté. Les représentations de genre tendent également à donner plus d’importance à la carrière professionnelle de l’homme qu’à celle de la femme. Ce facteur se combine avec des imaginaires géographiques qui construisent la Suisse en des termes positifs et l’Amérique latine en termes négatifs surtout en ce qui concerne les opportunités professionnelles. La conséquence inévitable est la migration de la femme latino-américaine en Suisse de manière à ce que son mari ait plus d’opportunités de travail. Ainsi, les raisons de l’augmentation radicale de la migration féminine latino-américaine en Suisse ne peuvent pas être réduites exclusivement au besoin économique de la femme et/ou à la globalisation de l’économie. Les motifs de migration des femmes latino-américaines étudiées ici n’étaient pas simplement économiques et par conséquence elles ne peuvent pas être considérées comme de simples victimes de forces économiques globales. Les études dans ce domaine nécessitent de dépasser l’approche purement économique et d’aborder aussi le rôle que les représentations de genre et les imaginaires géographiques jouent dans la migration féminine.
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Notes de bas de page
1 Cf. www.giub.unibe.ch/sg/immigrantwomen
Auteurs
Dr en Géographie de l’Université d’Ottawa, Canada. Elle enseigne au Département de géographie de l’Université de Berne et pilote un projet de recherche dans le cadre du Programme national de recherche N° 51 du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) intitulé « Intégration sociale et exclusion des femmes immigrées en Suisse ». Elle est l’auteure de nombreuses publications dans le domaine genre et migrations
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