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Chapitre V. Mise en perspective

p. 75-92


Texte intégral

Adapter le marché ou adapter les demandeurs d’emploi ?

1La création, le développement et le mode d’action des entreprises d’insertion en Suisse romande s’inscrivent pleinement dans une perspective d’adaptation des demandeurs d’emploi aux exigences du marché du travail. Les entreprises d’insertion ne diffèrent ainsi pas fondamentalement dans leur finalité de l’ensemble des mesures actives fédérales ou cantonales. L’émergence d’un chômage structurel, plus ou moins important selon les cantons toutefois, oblige à se poser la question de savoir s’il ne s’agit pas de commencer à réfléchir aussi à la manière d’adapter le marché de l’emploi aux demandeurs.

2La réalité d’un chômage persistant ne fait toujours pas partie de la vision de la plupart des décideurs. Nombreux sont ceux qui persistent encore à voir le chômage comme un problème temporaire, autant lié à un manque de volonté de travailler des exclus du travail qu’à un manque passager d’emplois. L’attention portée aux signes de reprise économique en début 2006 témoigne de ces espoirs immenses.

3On constate toutefois, depuis 2005, une meilleure acceptation de cette réalité qui ouvre la porte à la question de savoir comment gérer ce chômage durable pour en éviter des effets sociaux et sanitaires. Il est temps en effet d’aborder la problématique depuis l’autre bout de la lorgnette et de dépasser, en Suisse, une vision qui fait porter aux exclus du marché de l’emploi la majeure partie du fardeau du chômage. Il s’agit d’arrêter de blâmer les victimes et de poser la question de l’adaptation des entreprises et des services publics aux compétences disponibles, voire de poser la question d’une autre économie capable de produire et d’inclure : c’est le débat sur l’économie sociale et solidaire (ESS).

4Les finalités et valeurs des entreprises de l’ESS sont bien distinctes de celles des entreprises capitalistes et des services publics et il serait important d’étudier leur capacité à développer à long terme un marché de l’emploi capable d’inclure des personnes moins « compétitives » selon les critères du marché de l’emploi actuel. La comparaison avec les pays voisins montre que les emplois salariés dans l’ESS sont encore numériquement limités en Suisse. On les estime pour Genève à environ 6 %, alors qu’ils représentent entre 12 et 14 % en France voisine (INSEE Rhône-Alpes, 2003).

5Même si l’ESS semble offrir des pistes à étudier pour l’avenir, les entreprises actuelles à but commercial ainsi que les employeurs publics sont loin d’avoir exploité toutes les possibilités d’intégrer des personnes peu ou pas qualifiées. Les offices de promotion économique des cantons romands pourraient articuler leurs démarches plus précisément avec les enjeux du chômage, pour que le développement économique soit davantage en cohérence avec les profils des demandeurs d’emploi. L’accent a été principalement mis sur des emplois à haute valeur ajoutée par ces offices de promotion, avec des résultats très positifs. Le temps est venu d’élargir et compléter leur mission en direction d’emplois moins exigeants en compétences.

6Il ne s’agit cependant pas de vouloir relocaliser ici les emplois délocalisés (en Chine par exemple). Il suffit pour s’en convaincre de constater les différentiels salariaux pour des compétences qui doivent être, par contre, largement convergentes entre des ouvriers non qualifiés chinois et suisses (ou résidant en Suisse). Mais à court terme, il semble possible et réaliste de développer des programmes de formation sur quelques mois pour permettre à des demandeurs d’emploi sans qualifications d’acquérir les compétences qui leur font défaut pour accéder aux emplois disponibles exigeant des compétences spécifiques. Cela demande la coopération des milieux économiques, des acteurs de la formation et des acteurs publics et privés de la réinsertion. L’industrie horlogère suisse a démontré que c’était possible ces dernières années avec des programmes de formation très ciblés sur quelques mois (quitte ensuite à permettre aux personnes engagées de compléter leur formation pour obtenir un CFC). Il reste par conséquent à explorer l’ensemble des autres champs économiques pour identifier les autres pistes possibles. Tant dans l’industrie que dans les services, les opportunités semblent nombreuses. On peut citer, à titre d’exemple, le champ de la santé avec l’ensemble des métiers allant des professions relationnelles à celles de la maintenance ou de la restauration.

7A plus long terme, nous ne voyons pas d’autre issue que de développer une politique nationale massive de qualification des actifs. Si le nombre d’emplois peu exigeants en qualifications continue de diminuer, seule une population active la plus qualifiée possible sera garante d’une économie prospère et d’un taux de chômage limité. Dans cette vision, l’ensemble des mesures actives proposées aux demandeurs d’emploi, notamment par les entreprises d’insertion, pourront s’orienter vers une stratégie de qualification. Une telle perspective, qui est encore loin d’être partagée en Suisse, inscrira les mesures actives dans une vision positive et non plus seulement dans une attitude réactive de lutte contre le chômage.

8Cependant, même en développant de tels modules de formation spécifiques à court et moyen terme, même en améliorant le fonctionnement des acteurs de la réinsertion et leur capacité de réinsertion rapide, les entreprises commerciales ne vont pas pouvoir intégrer plus de travailleurs peu ou pas qualifiés qu’elles n’en ont besoin. Les services publics de leur côté, pour des raisons budgétaires, sont face à la nécessité de limiter leurs effectifs et d’augmenter leur efficacité. Ce contexte augure mal d’une politique d’engagement de collaborateurs ne correspondant pas tout de suite à leurs besoins.

9Il y a donc un déficit patent de possibilités d’emploi pour des milliers de personnes difficilement réinsérables. Or le travail reste pourtant, dans les sociétés postindustrielles, une condition de l’intégration sociale (Harribey, 2005) au niveau individuel et de la cohésion sociale au niveau collectif. L’absence d’activité professionnelle est un des principaux déterminants des processus de fragilisation sociale et sanitaire, menant parfois à l’exclusion. La question se pose très clairement : comment faire face à ce besoin de travailler dans une économie qui n’offre pas une opportunité à tous les demandeurs d’emploi ?

Le marché complémentaire de l’emploi

10C’est dans ce cadre que la notion de « marché de l’emploi complémentaire », appelé aussi « marché secondaire », mérite d’être explorée dans notre pays. De quoi s’agit-il ? Le marché complémentaire de l’emploi, qui n’est pas encore défini de manière homogène, recouvre dans notre perspective l’ensemble des emplois aidés (subventionnés) dans des secteurs d’intérêt collectif. Il englobe, à ce jour, les emplois offerts en ateliers protégés, en entreprises d’insertion, ou encore dans les programmes d’emplois temporaires fédéraux ou cantonaux et les contre-prestations mises en place dans certains cantons pour les bénéficiaires de l’aide sociale.

11Dans le secteur des services aux personnes, des activités écologiques, des projets sportifs et culturels, les besoins en main-d’œuvre ne manquent pas. Toutefois les organisations qui offrent ces prestations ou qui cherchent à les développer n’ont pas, ou pas suffisamment, de ressources financières pour engager ces demandeurs d’emploi en tant que salariés.

12Il faut s’attendre à une croissance des besoins dans plusieurs domaines des services de proximité compte tenu, en particulier, du vieillissement de la population, des besoins en garde d’enfants, etc. Etre en activité dans un tel domaine grâce à un cofinancement public maintient un sens à sa vie et ses liens sociaux, évitant ainsi un processus de marginalisation. Nombre de ces activités offrent de surcroît des possibilités de formation qui vont augmenter à terme les chances de trouver un emploi sur le marché principal.

13Cette vision du marché complémentaire met l’accent d’abord sur la prévention des risques de marginalisation et moins sur le devoir de contrepartie de mesures telles que le revenu minimum d’aide sociale le prévoit. Mais les effets sont convergents sur les bénéficiaires. Dans les deux approches il semble plus économique de faire travailler des chômeurs pour la collectivité que de leur verser une aide et d’assumer en parallèle l’augmentation des coûts sanitaires et sociaux entraînés par leur inactivité.

14Ce marché complémentaire de l’emploi n’a de sens et n’est viable qu’en complément au marché principal du travail. Il est nécessaire et complète ce marché dans la mesure où celui-ci ne peut, dans la logique économique dominante actuelle, intégrer tous les actifs potentiels d’une société. C’est donc un rôle supplétif que doit assumer le marché de l’emploi complémentaire, indispensable à un fonctionnement social sans rupture dangereuse du lien social.

15En tout temps, la passerelle du marché complémentaire vers le marché principal doit être favorisée. Quand une personne retrouve un potentiel professionnel adapté à la demande des employeurs du marché principal, elle doit pouvoir y postuler.

16Le concept de « marché de l’emploi complémentaire » est non seulement pertinent pour combattre l’exclusion des demandeurs d’emploi de longue durée, mais il ouvre de nouvelles perspectives pour les entreprises d’insertion. En effet, la mission historique de réinsertion sur le marché de l’emploi se voit complétée par celle de l’accompagnement vers le marché complémentaire. Cet accompagnement est déjà réalisé dans la plupart des entreprises d’insertion actives dans les cantons qui ont mis en place des opportunités de placement hors du marché principal. Cependant, à notre connaissance, mis à part un placement en atelier adapté (protégé), qui implique d’abord d’être reconnu en situation de handicap par l’AI, seul le Jura permet un emploi illimité dans le temps sur le marché complémentaire avec un salaire. D’autres, tels que Genève et Vaud, ont mis en place des contre-prestations à l’aide sociale, sans que la personne quitte le statut d’assisté.

17Le principe et la reconnaissance de l’intérêt d’un marché de l’emploi complémentaire est loin d’être partagé par les décideurs. Il fait toutefois de timides avancées, comme par exemple dans le canton de Genève, qui a introduit une proposition « d’emplois solidaires » sur le marché complémentaire dans sa nouvelle loi cantonale contre le chômage, en cours de consultation au moment de la parution de cet ouvrage.

Les entreprises d’insertion et l’économie sociale et solidaire (ESS)

18Les entreprises d’insertion de Suisse romande sont nées en réponse à un problème social concret. Comme cela a été introduit plus haut, leur ambition initiale était bien plus modeste que de tenter de construire un type d’entreprise alternatif aux entreprises à but lucratif ou aux services publics.

19Pour délimiter notre champ d’analyse, nous avons choisi de mettre l’accent, dans cet ouvrage, sur les pratiques d’insertion par l’économique, plutôt que sur les rapports entre les entreprises d’insertion et l’économie sociale et solidaire.

20Toutefois, la majorité de celles que nous connaissons font partie de l’ESS, même si bon nombre des professionnels qui travaillent en leur sein n’en ont pas conscience. En effet, les entreprises d’insertion correspondent aux critères communément admis pour définir les entreprises des l’ESS. Elles sont autonomes vis-à-vis de l’Etat (même si elles sont subventionnées), la plupart sont des associations démocratiques, elles mènent des activités économiques et poursuivent, enfin, un but d’intérêt collectif.

21A aucun moment, les nombreuses expériences historiques de l’économie sociale européenne ne semblent avoir influencé les choix qui ont été faits dans la création des entreprises d’insertion en Suisse romande. La mise en perspective de leurs expériences avec le renouveau de l’économie sociale est récente et encore limitée.

22En Suisse, la réflexion sur la production de biens et de services semble s’inscrire dans le schéma simpliste qui oppose des entreprises commerciales supposées efficaces par essence d’un côté à des services publics supposés intrinsèquement inefficaces de l’autre. Il aura fallu la chute du Mur de Berlin, puis une série de scandales au sein des entreprises capitalistes (comme les plans sociaux dans le dessein unique d’augmenter les profits, et des malversations monumentales) pour que certains commencent à dépasser cette vision dichotomique en découvrant les expériences et réflexions de l’économie sociale et du courant associationniste du XIXe siècle (Chanial, 1998 ; Laville et al., 2001). Aux côtés des entreprises capitalistes, il existe en effet depuis le XIXe siècle des organisations privées qui entreprennent avec d’autres buts que le profit et d’autres méthodes que celle des entreprises à but lucratif.

23On peut observer, plus concrètement, que quand les entreprises de l’ESS pensent leur organisation de la production en relation avec leurs clients comme avec leurs travailleurs, elles sont capables de générer des rapports de travail favorable à l’inclusion sociale, au développement des compétences et à la motivation des travailleurs. C’est ce qui se passe dans les entreprises d’insertion, qui prouvent que des personnes souvent considérées comme impossibles à employer dans une entreprise commerciale ou dans un service public ont une productivité élevée en leur sein.

24Sur le terrain on peut constater que les valeurs défendues par les créateurs des entreprises d’insertion sont les mêmes que celles des acteurs de l’économie sociale et solidaire. La question qui reste ouverte est de savoir si, à terme, de nouvelles entreprises de l’ESS (entreprises sociales, coopératives, etc.) vont émerger et pouvoir employer un nombre croissant de personnes dans une autre logique que celle du marché de l’emploi de l’économie capitaliste.

25En Suisse romande, au sein du réseau des entreprises d’insertion, l’urgence gestionnaire domine plus que jamais, comme nous l’avons déjà relevé. Il y a donc eu peu de place à la réflexion et aux échanges avec des collègues d’autres pays plus avancés dans ces réflexions entre ESS et entreprises d’insertion.

26Il s’agit pour l’avenir de réfléchir à une économie capable de produire et d’inclure, ce qui pourrait ouvrir des perspectives très motivantes et permettrait de ne plus offrir seulement des emplois « palliatifs » mais réellement alternatifs à plus long terme.

27Cette question n’est pas qu’une ouverture philosophique intéressante, c’est aussi l’opportunité de replacer le travail d’insertion par l ‘ économique dans une perspective à plus long terme susceptible d’assurer la motivation nécessaire aux professionnels. En effet comment rester motivé si son rôle est celui de brancardier d’un capitalisme inhumain, pour reprendre l’expression que nous avons utilisée dans un article précédent ? (Dunand, 1998). Le risque de démotivation n’est pas un problème théorique comme on a pu le constater (Keller et Tabin, 2002) dans le milieu des travailleurs sociaux.

28L’articulation d’un travail palliatif à court terme avec un engagement pour une autre économie à long terme est, semble-t-il, une manière d’éviter cette perte de sens fatale aux collaborateurs des entreprises d’insertion (Dunand, 2006) comme à de nombreux travailleurs sociaux engagés auprès d’exclus du monde du travail. Il est dès lors important de développer cette réflexion au sein des entreprises d’insertion, ce qui aura pour effet de valoriser le sens du travail quotidien et donc la motivation des collaborateurs.

29Si la dimension alternative paraît intéressante pour la pérennité des emplois, il faut toutefois se préparer à affronter un autre obstacle venant des pouvoirs publics et des donateurs, qui octroient pour le moment des subventions et des dons pour des prestations palliatives. Maintiendront-ils leur appui financier pour des solutions plus alternatives, même si elles offrent plus de perspectives pour la personne en réinsertion ?

30Cependant, si en raison des valeurs qu’elles défendent et de l’organisation du travail mise en place, les entreprises de l’ESS réussissent à valoriser la capacité des personnes peu ou pas qualifiées ou en difficulté, il ne faut pas cantonner l’ESS aux activités d’insertion et d’occupation des demandeurs d’emploi. Il suffit pour s’en convaincre de consulter le portrait genevois des entreprises de l’ESS (www.apres-ge.ch). L’ambition de l’ESS dépasse largement le seul but de réinsertion. La vision réductrice, qui cantonne les entreprises de l’ESS au champ de la réinsertion, provient du fait que les entreprises d’insertion jouent un rôle moteur dans l’essor de l’économie sociale et solidaire.

Les entreprises d’insertion et la coopération au développement

31L’accès au marché de l’emploi est également une question centrale dans les pays pauvres. Cette question s’inscrit dans celle plus large du développement d’activités génératrices de revenus et d’activités formatrices, qui retient l’attention des bailleurs depuis quelques années. Les revenus des activités des organisations de développement doivent remplacer à terme les aides de la coopération internationale. Des formations professionnelles liées aux opportunités de l’économie sont trop rares dans de nombreux pays. Les institutions de formation professionnelle ont souvent des moyens limités, la formation en entreprise est rare et la formation académique est éloignée des opportunités entrepreneuriales.

32Toute opportunité d’autofinancer, même partiellement, des organisations capables de former et d’insérer est positive. Une étude sur l’intérêt des expériences d’insertion par l’économique pour les pays pauvres dépasse le cadre de cet ouvrage. Nous avons cependant jugé pertinent de mentionner brièvement ces enjeux communs. Certaines expériences acquises dans des pays riches sont susceptibles de contribuer à la recherche de solutions pour l’insertion des millions de demandeurs d’emploi des pays pauvres. Mais il s’agit aussi de mentionner la contribution des expériences de développement pour aborder la question de l’insertion et de la formation des personnes peu ou pas qualifiées dans les pays riches. A Réalise, par exemple, la mise en place des formations a bénéficié des réflexions et des expériences d’alphabétisation fonctionnelle menées au sein de pays pauvres.

33La question des cofinancements est toutefois un problème central à régler. Pas plus en Suisse qu’au Sénégal, par exemple, il est réaliste d’attendre qu’une entreprise d’insertion s’adressant à des personnes en difficulté pour les former et les accompagner vers un emploi sur le marché puisse avoir la rentabilité d’une PME active dans le même secteur économique.

34Si dans les pays pauvres des entreprises d’insertion peuvent autofinancer une partie significative de leur budget par la production, des aides à long terme sont incontournables. Dans la majorité des cas aujourd’hui, c’est l’aide internationale qui assure les cofinancements nécessaires à l’atteinte de l’équilibre économique des ONG. Cette aide internationale n’ayant pas vocation à perdurer, il se pose un problème de taille. Les cofinancements locaux sont souvent difficiles à obtenir, car les maigres budgets publics sont le plus souvent entièrement affectés aux administrations. En plus de la question de la rareté des moyens, ces dernières voient aussi les organisations de la société civile comme des concurrents, ce qui ne favorise pas les partenariats.

35La formation des cadres des entreprises d’insertion est certainement aussi un enjeu plus important dans les pays pauvres. Les professionnels de la coopération actifs dans les pays pauvres ont bien plus souvent une formation en sciences sociales qu’en management. Les expériences de formation à la gestion de projet menées de longue date à l’Institut universitaire d’études du développement (IUED) l’a montré depuis de nombreuses années : les compétences entrepreneuriales sont rares. De plus les besoins de revenus, ou l’attrait d’activités plus profitables, détourneront de nombreux candidats compétents d’un engagement au sein d’une entreprise d’insertion.

36Ces questions de financement et de compétences et les grands enjeux de management d’entreprises d’insertion n’ont ainsi pas de frontières. Elles sont liées aux finalités, et non au contexte géographique et social dans lequel l’entreprise d’insertion s’inscrit. Dans cette perspective, des échanges entre entreprises d’insertion des pays riches et des entreprises d’insertion des pays pauvres pourraient se développer.

Les six fonctions des entreprises d’insertion

37Les entreprises d’insertion ont jusqu’ici fait la preuve qu’elles remplissaient trois fonctions clefs qui sont maintenant reconnues par les professionnels de l’insertion ainsi que trois fonctions nouvelles ou en émergence.

38Les trois premières sont :

  • la mobilisation des ressources des demandeurs d’emploi à travers une activité de production qui donne un sens à la démarche de réinsertion et contribue à la (re) socialisation ;

  • l’acquisition de compétences supplémentaires, tant au niveau relationnel (savoir être) qu’au niveau technique (savoir faire), utiles aux emplois futurs ;

  • l’accompagnement vers l’emploi et la formation.

39Les entreprises d’insertion se sont montrées particulièrement efficaces pour des personnes en difficulté. Que ces difficultés soient le fait de lacunes en matière de capital culturel (non-maîtrise de la langue, absence de formation, etc.) ou de capital social (réseau) ou le fait de problèmes de santé, d’addiction, administratifs, d’endettement, etc.

40Cependant, ces dernières années les résultats en baisse sur le plan du retour à l’emploi, observés dans la plupart des entreprises d’insertion amènent certains à remettre en question la pertinence de l’insertion par l’économique. Comment en effet justifier les dépenses consenties dans le cofinancement public des entreprises d’insertion si les chances de sortie du chômage ou de l’assistance publique sont limitées ? Même si les entreprises d’insertion sont particulièrement capables, en comparaison avec d’autres organisations à but social, d’autofinancer leur budget par les revenus de la production, leur équilibre économique est impossible sans cofinancements.

41Cette question est difficile. Nous avons abordé dans cet ouvrage les raisons de ces résultats limités de retour à l’emploi. Pour rappel ils sont dus essentiellement à un problème structurel (manque massif d’emplois pour des personnes peu ou pas qualifiées et une compétition par conséquent très élevée entre les personnes qui postulent). Les entreprises d’insertion ne créent pas d’emplois et leur efficacité en termes de réinsertion dépend d’abord de facteurs externes.

42Pourtant, même si les emplois peu exigeants en qualifications ont diminué, ils n’ont pas disparu pour autant. Il est même probable que l’ajustement structurel de l’économie, qui a vu de nombreux emplois du secteur secondaire partir vers d’autres cieux, soit achevé et qu’à l’avenir de nouvelles opportunités émergent. On peut penser en particulier aux services périphériques du tertiaire (garde d’enfant, restauration, services domestiques) ainsi qu’aux services destinés à la population âgée qui devront croître. Sans optimisme exagéré, il nous semble possible de penser que les taux de réinsertion limités des années 2003 à 2005 appartiennent au passé. Deuxièmement, même avec un chômage élevé et peu d’opportunités pour les personnes moins qualifiées, les entrées et sorties du marché de l’emploi continuent.

43A côté de ces trois fonctions « historiques » des entreprises d’insertion, trois fonctions supplémentaires semblent à même de justifier leur action pour l’avenir : Il s’agit d’abord d’amener les demandeurs d’emploi à saisir les opportunités du marché de l’emploi. Ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui sont concernées. En s’adressant en priorité aux chômeurs de longue durée ou aux personnes susceptibles de l’être, les entreprises d’insertion contribuent à limiter la durée du chômage pour un bon nombre d’individus et les risques sociaux et sanitaires qui lui sont liés. Les effets statistiques de ce type de fonction passent inaperçus. Mais quand on constate les effets excluants de la durée du chômage, il y a une contribution concrète – mais discrète - à la lutte contre la marginalisation.

44Ensuite, la fonction des entreprises d’insertion est de permettre aussi à des demandeurs d’emploi d’accéder au marché complémentaire de l’emploi et de rester ainsi actifs, ce qui limite les risques de marginalisation. Ce rôle d’accompagnement vers une place de travail sur le marché complémentaire, pour les personnes ne pouvant plus prétendre accéder au marché principal, est peu spectaculaire mais va certainement devenir le « second rôle » reconnu des entreprises d’insertion.

45Quand les lois cantonales permettront toutes l’existence d’un marché complémentaire et quand cette nouvelle fonction sera reconnue, les entreprises d’insertion vont voir leurs résultats augmenter de manière significative. Elles distingueront les personnes qui ont retrouvé un emploi sur le marché principal durant ou à la fin du stage de celles qui ont trouvé une activité professionnelle sur le marché complémentaire. Au total on peut s’attendre à plus de 50 % de taux de réinsertion à l’avenir, ce qui mettra fin aux remises en question récentes.

46En dernier lieu, la fonction des entreprises d’insertion est de contribuer à la lutte contre l’exclusion et la désaffiliation, et partant la lutte contre la pauvreté. Cette fonction est directement liée aux deux précédentes. Comme nous l’avons souligné, la rotation des actifs et le placement sur le marché complémentaire évitent les risques de marginalisation. Mais il importe de distinguer cette dernière fonction des entreprises d’insertion pour les replacer dans le cadre plus large et à plus long terme de la contribution à la cohésion sociale pour un développement durable. L’insertion sociale et professionnelle commence à être reconnue comme une stratégie de développement durable. Pour la première fois en Suisse à l’automne 2006, un séminaire national de l’Office fédéral le l’aménagement territorial a porté sur ce thème. Cette évolution fait des entreprises d’insertion des acteurs concrets du développement durable. Elle légitime leur entrée dans les « agendas 21 » locaux.

Une vision à long terme

47Sans pouvoir le considérer comme une de leurs fonctions, les entreprises d’insertion ont contribué à la mise en évidence d’une autre logique économique. Partout en Europe, de multiples initiatives ont montré qu’il est possible de produire et d’inclure, dès lors que le profit n’est pas un but.

48Ainsi, en relation avec les chômeurs ou les demandeurs d’emploi, on peut dire que les entreprises d’insertion ont une approche large et à long terme : la qualification des chômeurs et la lutte contre la pauvreté. La LACI a aujourd’hui une vision nettement plus restreinte du chômage. Les problèmes de précarisation, voire de marginalisation des chômeurs de longue durée ne se posaient pas aussi clairement qu’aujourd’hui lors de l’élaboration de cette loi, ni lors sa dernière révision. Comme dans toute politique publique, les bases légales qui justifient les subventions, ici dans le domaine de l’insertion par l’économique, sont en décalage par rapport à la réalité. Les organisations associatives qui ont pour mission et pour caractéristiques de répondre aux besoins du terrain grâce à leur capacité d’adaptation rapide ont joué le rôle qui est attendu dans cette fonction de délégation. Mais elles sont, de fait, un peu à côté ou au-delà de la loi qui vise l’insertion par un travail sur le marché principal. Il est ainsi dans l’ordre des choses que les entreprises d’insertion répondent aux besoins des demandeurs d’emploi même si l’insertion dans un marché du travail complémentaire n’est pas encore explicitement dans les objectifs des politiques publiques dont ces entreprises dépendent !

49La reconnaissance du travail des entreprises d’insertion doit donc se faire sur une perspective plus large aussi bien en ce qui concerne la personne au chômage ou demandeur d’emploi que ce qui concerne le développement d’une économie sociale et solidaire qui offre des emplois et défend une vision à plus long terme ainsi qu’un engagement d’abord sociétal.

50Au plan international, l’insertion par l’économique est considérée comme une évolution des mesures de gestion du chômage. Mesures longtemps passives, c’est-à-dire basées sur l’indemnisation, elles sont devenues partiellement actives, axées sur un engagement des chômeurs dans un poste de travail, elles sont maintenant plutôt ciblées sur des publics spécifiques. En Suisse, comme nous l’avons montré, l’insertion par l’économique, mise en place dans les entreprises d’insertion, a précédé les « mesures actives » destinées aux bénéficiaires de la LACI, et deux types de mesures complémentaires coexistent maintenant :

  • les entreprises sociales créées spécifiquement pour l’insertion par l’économique et les ateliers protégés ;

  • les « mesures actives », en particulier les programmes d’emploi temporaire collectifs et les entreprises fictives.

51La souplesse des entreprises d’insertion et leur diversité sont bien souvent compensatrices des cloisonnements et des rigidités du dispositif. Mais si cette souplesse permet de limiter les ruptures dans les parcours d’insertion, elle produit une image complexe, qui nuit à leur reconnaissance.

Les enjeux d’avenir

52La reconnaissance des entreprises d’insertion est un enjeu central. Voici les principaux atouts qu’elles doivent faire valoir :

Dans l’accompagnement de publics en difficulté

  • Un développement des compétences selon des modes bien rôdés sous forme de formations dispensées durant les stages, une validation des acquis de l’expérience, un accompagnement sur mesure pour « une première marche » vers une qualification.

  • Une compétence dans des fonctions spécialisées et un fonctionnement plus adéquat que ce que pourrait offrir un service public (services sociaux, services de l’emploi) ou une entreprise commerciale de formation et de placement.

  • Des formations de qualité, le plus souvent certifiées Eduqua.

  • Leur rôle de passerelle vers le marché de l’emploi (entreprises à but lucratif et services publics) qui doit cependant encore être renforcé.

Dans le domaine économique

  • Une production de biens et de services utiles à la collectivité grâce à leur capacité d’innovation et de créativité, largement sous-estimées.

  • Leur capacité d’autofinancement, comme contribution à la limitation des dépenses publiques.

  • Leur contribution à la mise en évidence d’autres modes de production de biens et de services dans lesquels produire et inclure n’est pas incompatible (l’économie sociale et solidaire et le développement durable). Un enjeu considérable quand on constate l’augmentation des problèmes de santé au travail et des cas d’invalidité.

53Elles doivent toutefois convaincre que leurs caractéristiques économiques et d’insertion tout à la fois, ne justifient pas qu’on les accuse de concurrence déloyale et doivent trouver des stratégies qui désamorcent ce qui n’est qu’un faux problème !

Dans l’activité d’insertion

  • Leur contribution à placer également des demandeurs d’emploi sur le marché complémentaire, en dépassant l’idée que ce n’est pas une manière d’habituer les chômeurs à des bas salaires dans des « productions et services bas de gamme, remplaçant des emplois publics par des sous6emplois » (Pittet, 2003).

  • Leurs fonctions sociétales, souvent largement sous-estimées, voire simplement ignorées : notamment le maintien du lien social et la prévention de la marginalisation.

Des atouts, mais aussi des défis

54Il convient de rappeler ici que travailler reste à la fois la demande de la majorité des demandeurs d’emploi et le processus d’intégration dominant en Suisse. Rien ne laisse penser qu’une autre forme d’intégration puisse émerger à moyen terme.

55Durant ces prochaines années, les entreprises d’insertion risquent par contre d’être confrontées à un certain nombre de difficultés qu’elles auront à surmonter, principalement les suivantes :

Le travail offert et le développement d’activités « nouvelles »

56En effet elles doivent, dans une conjoncture difficile, continuer à utiliser leur capacité d’innovation et de créativité dans la recherche de prestations nouvelles. La diminution croissante de l’emploi manuel peu qualifié et les délocalisations menacent les entreprises d’insertion engagées dans la sous-traitance industrielle.

57Les champs d’activité économique des entreprises d’insertion vont certainement continuer à évoluer. Nous avons mentionné les besoins à venir dans les services de proximité. Même si la situation en Suisse est bien différente de celle de la France où les entreprises d’insertion ont pu développer leurs activités dès la fin des années 1980 dans un contexte de manque massif de services à la personne, le vieillissement de la population ne manquera pas d’offrir des opportunités supplémentaires. Les propositions récentes de mettre en place des programmes de formation ciblés sur des besoins spécifiques vont dans ce sens (auxiliaires de santé, agents de maintenance et de sécurité par exemple), mais il reste aux entreprises d’insertion à saisir ces opportunités et à développer des partenariats avec les employeurs de ces domaines.

L’évolution du profil des bénéficiaires et de leur nombre

58Les bénéficiaires changent, en particulier les jeunes sans formation et les personnes de plus de 55 ans augmentent ; cela implique une évolution des méthodes de prise en charge sur le terrain et le développement de formations qualifiantes accessibles pour les jeunes. Et par voie de conséquence, un élargissement des compétences des professionnels des entreprises d’insertion dans le champ de la formation.

59Ce n’est que très récemment que les questions démographiques ont été prises en compte dans les analyses des problèmes de chômage en Suisse. Certains pensent que dès 2015, la main-d’œuvre risque de manquer, les départs à la retraite excédant le nombre de jeunes prêts à travailler. Si ces hypothèses devaient se confirmer et le flux migratoire continuer, alors le dispositif de réinsertion devra être fortement réduit.

Des enjeux internes aux entreprises d’insertion

60En interne, les entreprises d’insertion ont de nombreux défis à relever. Il s’agira de continuer à développer les compétences des collaborateurs pour assurer un accompagnement de plus en plus complexe et des formations ciblées sur les besoins spécifiques de chaque type de population accueillie. Face au processus de décloisonnement des institutions publiques, les entreprises d’insertion vont aussi devoir ajuster leurs structures et les processus de prise en charge internes. Les professionnels vont devoir s’habituer à travailler avec des statuts administratifs divers et des stages de durée différents au sein des mêmes structures, ce qui pose des problèmes très concrets d’organisation du travail et du suivi des stagiaires.

61Pour maintenir, voire développer l’autofinancement, les entreprises d’insertion vont devoir ajuster leurs activités au marché des biens et services en rapide évolution. L’automatisation et les délocalisations ont déjà mis à mal certains ateliers de sous-traitance. Les activités de recyclage pâtissent de plus en plus des produits bon marché et peu durables. Ce ne sont que deux exemples qui montrent qu’à moyen terme, comme les PME et PMI, des adaptations seront indispensables, au risque de disparaître. Les capacités d’innovation et de marketing devront recevoir une attention particulière. Des collaborations plus étroites entre les entreprises d’insertion et la négociation d’un accès prioritaire aux marchés publics ouvrent toutefois des perspectives intéressantes, comme l’ont montré nos collègues du Québec.

62Les relations avec les bailleurs sont en train d’évoluer rapidement et les risques de perte de marge de manœuvre sont réels. Un important travail de relations externe est nécessaire pour ne pas être réduit à un rôle de sous-traitant, préjudiciable autant pour les activités économiques que pour continuer à faire évoluer les prestations aux personnes en insertion.

Le regroupement et l’organisation des entreprises d’insertion

63Le faible niveau d’organisation des entreprises d’insertion entre elles, les liens trop récents avec les universités et les hautes écoles spécialisées (HES), et partant le peu de recherches qui portent sur leur action, ouvrent autant de chantiers pour l’avenir.

64A cet égard, la création du Conseil romand des entreprises d’insertion (CREI) ainsi que la mise en place de recherches dans le cadre du PNR 43, sont le signe d’un changement. Plusieurs pays, comme le Canada (Québec) et la France, ont créé des réseaux organisés d’entreprises d’insertion et des liens très actifs avec les milieux académiques.

65Il sera aussi nécessaire de développer des liens avec la Suisse alémanique et italienne, si les entreprises d’insertion veulent avoir une visibilité au niveau fédéral. L’AOMAS a dans ce sens un rôle clef à jouer, pour autant que sa volonté de couvrir tout le champ de la réinsertion se concrétise sur le terrain. Cette organisation professionnelle nationale, avec ses sections cantonales, était à l’origine réservée aux organisateurs de « mesures actives » financées dans le cadre de la LACI. Son ouverture à l’ensemble des mesures d’insertion, financées par les cantons, les communes, par l’OFAS et par des fonds privés, est récente. Dans le contexte fédéraliste suisse et du cloisonnement des institutions, le chemin vers une organisation nationale des institutions d’insertion risque cependant d’être encore long !

Les résistances au développement des entreprises d’insertion sont multiples

66Certains syndicats et la gauche conservatrice, qui n’ont fait ni le deuil du modèle salarial des « trente glorieuses », ni renoncé à l’avènement d’un autre modèle économique décidé « par le haut », acceptent difficilement l’existence des entreprises d’insertion, « cache-sexe » d’une économie d’exclusion.

67Les entreprises suisses travaillant pour le marché national sont à l’affût de tout ce qui pourrait être dénoncé comme de la concurrence déloyale. Cependant, la situation évolue et la responsabilité sociale des entreprises dans l’insertion de personnes en difficulté devient un thème central.

68Les fonctionnaires, enfin, des services publics de Suisse romande, qui se retrouvent en concurrence avec des entreprises d’insertion qui fournissent parfois des prestations à meilleurs coûts et de meilleure qualité pour la réinsertion des demandeurs d’emploi, ne seront pas pressés de les voir se renforcer. Dans un contexte de réduction urgente des dépenses publiques, la question de savoir qui doit disparaître n’est pas une vue de l’esprit. Cette concurrence pourrait même renforcer la tendance de soumettre les entreprises d’insertion à des règles de fonctionnement bureaucratique entravant considérablement leur dynamisme.

Les mesures d’insertion revues à la baisse

69Une réduction de la durée des indemnités pour tous les chômeurs, la réduction linéaire de la durée des stages de réinsertion et le maintien de la restriction à mener des activités économiques dans le cadre des actions de réinsertion, seraient un recul considérable. Même si une reprise économique semble pointer le bout de son nez en Suisse en 2006, un chômage structurel persistera, en particulier dans certains cantons. Ainsi, il semble très probable que la nécessité durable d’un dispositif d’insertion par l’économique doive être confirmée. L’inscription de ce principe d’action dans les lois serait alors un pas très significatif vers leur consolidation.

Conclusion

70Ce premier ouvrage sur les entreprises d’insertion s’appuie sur les expériences des auteurs, actifs sur le terrain et dans la formation des professionnels depuis plus de vingt ans. Il constitue une première étape, en forme d’état de la situation, qui ouvre la porte à de nombreuses recherches pour l’avenir. Une plus grande visibilité du rôle des entreprises d’insertion en Suisse contribuera certainement à renforcer les liens entre les organisations qui, plus que ne laisse penser la diversité des situations locales, partagent des valeurs et ont des pratiques convergentes.

71L’accent a été mis en priorité sur la typologie des entreprises d’insertion au sein du dispositif complexe des aides aux demandeurs d’emploi suisses. La richesse des pratiques, tant au niveau des prestations aux bénéficiaires, qu’au niveau des activités économiques, sont présentés avec les enjeux qui leur sont liés. Ainsi, autant les enjeux des relations avec les bailleurs, les difficultés spécifiques de la poursuite conjointe de buts économiques, le manque de reconnaissance de la place des entreprises d’insertion, sont quelques-uns des thèmes abordés.

72Dans une perspective de développement durable, les entreprises d’insertion sont souvent exemplaires. Leur approche est économique, mais leur capacité à inclure dépasse celle de toutes les autres entreprises. Plusieurs d’entre elles ont même développé un « management environnemental » novateur. Elles présentent ainsi à la fois une perspective à long terme et un moyen de répondre à des problèmes de femmes et d’hommes qui, ici et maintenant, sont mis en difficulté par une inactivité subie.

73L’exercice d’inventaire tenté dans cet ouvrage, même incomplet à cause du manque de données statistiques et du peu de moyens disponibles pour ce travail, met en lumière un nombre d’organisations et partant de places de réinsertion important. Travailler pour se réinsérer est ainsi une pratique répandue en Suisse romande et les entreprises d’insertion occupent maintenant une place spécifique dans le dispositif d’aide aux demandeurs d’emploi.

74Les enjeux pour l’avenir sont cependant nombreux, comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises. L’insertion par l ‘ économique, au sein d’une entreprise d’insertion, est un travail multidisciplinaire, complexe dans un environnement incertain et très évolutif. Tant que des milliers de femmes et d’hommes auront en Suisse et ailleurs dans le monde besoin de travailler pour se réinsérer et se former, les entreprises d’insertion seront appelées à occuper une place spécifique dans le dispositif.

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