Chapitre I. Présentation du contexte
p. 15-17
Texte intégral
1La Suisse, à l’exception de certaines régions industrielles spécialisées, comme le Jura avec le secteur horloger, a été touchée plus tardivement que les pays environnants par le phénomène du chômage. Cependant, avant même de voir le nombre d’exclus du marché de l’emploi croître de manière importante – et surtout durable – il était déjà très difficile pour des personnes sans activité professionnelle d’accéder à un emploi sans transition accompagnée. En Suisse, comme dans de nombreux autres pays, on a constaté qu’une activité de production était la meilleure façon pour des personnes en difficulté de reprendre pied dans la vie active et d’assurer cette transition. Ce ne sont pas les entreprises qui ont exploré cette voie, mais généralement des professionnels du social ou de la formation des adultes. Ces derniers ont mis en place des organisations, souvent associatives, dont le but est social, mais dont la démarche est économique. Elles constituent le champ émergent de l’insertion par l’économique.
2La visibilité de ces organisations reste faible en raison de leur dimension à la fois novatrice et hybride (économique et sociale) et d’un manque de liens entre elles. L’insertion par l’économique est pourtant devenue la démarche la plus pertinente, et la plus utilisée, pour venir en aide aux exclus du marché de l’emploi, en difficulté ou fragiles. Les expériences empiriques menées par ces associations et fondations doivent maintenant être validées et reconnues par une inscription dans les politiques publiques.
3Cet ouvrage de synthèse a pour but de contribuer à capitaliser les expériences et réflexions menées en Suisse romande qui, bien que discrètes, sont nombreuses et riches. Il est l’aboutissement d’un engagement de plusieurs années pour favoriser une réflexion en lien avec une pratique de terrain. En effet, à la suite de divers travaux initiés par le DASS (Département de l’action sociale et santé) en 19941 dans le cadre du Conseil d’action sociale, il est apparu aux auteurs de ce document qu’il était important que les enseignants, les chercheurs et les praticiens travaillent en commun. Depuis une dizaine d’années, des séminaires ont été organisés, au niveau genevois d’abord puis au niveau romand, sous le nom de Résol (Réseau romand d’économie solidaire) et ceci grâce à la collaboration des personnes du réseau constitué des principaux lieux d’insertion romands et de personnes extérieures ; trois ou quatre réunions annuelles ont permis de discuter et d’échanger sur les pratiques des lieux d’insertion, sur les bénéficiaires, sur les politiques cantonales en la matière et sur les stratégies mises en place. Le réseau ainsi constitué est actuellement en pleine évolution – il vient de recevoir un nouveau sigle : CREI (Conseil romand des entreprises d’insertion) – avec l’intention de développer encore les échanges de compétences et de savoirs grâce à une reconnaissance professionnelle par les HES (hautes écoles spécialisées). Les autres pays européens, et également le Québec, ont quelques longueurs d’avance dans ce domaine. Leurs expériences permettent des confrontations intéressantes avec les projets menés en Suisse. Mais l’insertion par l’économique, par sa capacité à autofinancer des prestations d’intérêt collectif par la vente des biens et services produits, est une démarche qui possède aussi un important potentiel pour les pays pauvres.
4En effet, la modélisation des expériences en Suisse, dans une approche qui n’est pas uniquement centrée sur la prestation aux bénéficiaires, mais aussi sur les aspects institutionnels et économiques de la production de la prestation, en d’autres termes de la dimension « entreprise associative » dans une vision d’économie sociale et solidaire, intéressera aussi les pays dont les moyens publics de faire face au chômage sont bien plus limités qu’en Suisse. Quand ils ne sont pas simplement inexistants.
5Les études scientifiques sur les entreprises d’insertion de Suisse sont encore rares et les statistiques quasiment inexistantes ou seulement sectorielles. Le nombre d’entreprises d’insertion (qui dépend aussi de la définition retenue), le nombre de places de réinsertion et le poids économique de ces entreprises à finalité sociale ne peuvent être tous recensés à ce jour. Le but de cette synthèse est d’ouvrir la voie vers d’autres recherches, dotées de moyens adéquats pour combler les lacunes, en particulier statistiques.
Structure de l’ouvrage
6Le document est divisé en cinq chapitres. Après la présentation du contexte, le chapitre II parle de la place de l’insertion par le travail que les institutions, souvent privées, assument en Suisse. Il la situe dans le contexte des difficultés économiques, de l’augmentation du chômage et décrit la politique décentralisée de la Suisse, qui rend difficile la compréhension du système institutionnel mis en place, tant pour les bénéficiaires, les professionnel(le)s de l’action sociale, que pour les instances étatiques qui financent partiellement ou totalement ces dispositifs.
7Le chapitre III présente les acteurs de l’insertion, leurs caractéristiques et l’évolution liée aux changements économiques et sociaux. Il met en évidence la difficulté de la tâche, qui demande des compétences à cheval entre l’économique, le social, la formation des adultes et la gestion. Ceci pour une entreprise bien particulière qui doit produire des biens ou des services et former son personnel pour que ce dernier puisse la quitter dès qu’il peut retrouver un emploi !
8Le chapitre IV amène quelques réflexions sur le rôle, la place et les difficultés de management de ces lieux dont la finalité est sociale, mais qui doivent se faire une place et assumer une part d’autofinancement.
9Le chapitre V tente une mise en perspective et pose quelques questions sur l’avenir des entreprises d’insertion dans une économie qui, tout en laissant de plus en plus de personnes sur le côté, accepte difficilement une protection de l’Etat pour elles.
Notes de bas de page
1 Le DES (Département de l’économie et de la santé) a repris ce champ depuis le changement de Conseil d’Etat (janvier 2006).
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