Chapitre 6. Gouvernance et relations extérieures
p. 250-295
Texte intégral
1 Créée sous les auspices de l’association de l’Ecole d’études sociales pour femmes en 1918, l’Ecole a vécu trois modifications majeures de son statut : association, fondation de droit public, école cantonale et école intégrée à la HES-SO Genève, établissement autonome. Ses ressources financières ont longtemps été fragiles et si elle a joui d’un (modeste) financement fédéral dès 1921, elle n’a bénéficié de financements importants (canton et Confédération) qu’à partir de la fin des années 1940, ce qui lui a permis une meilleure assise financière et a aussi, d’une certaine manière, contribué au maintien de son existence. Mais l’histoire de l’Ecole s’est également enrichie de ses liens à l’international – avec une période particulièrement intense sur le plan relationnel durant la Seconde Guerre mondiale – et de ses liens avec les autres écoles de travail social suisse, ainsi que des liens noués avec l’Université de Genève et avec l’Institut Rousseau.
D’une association privée à une école membre d’un établissement public autonome
De l’association...
2C’est sous le régime associatif, selon les articles 60 et suivants du Code civil suisse, qu’est instituée la Société de l’Ecole d’études sociales pour femmes en date du 23 mars 1918. Le nom retenu n’est pas sans prêter à confusion, le statut juridique d’une société étant différent de celui d’une association, mais la référence à l’art. 60 CC est sans ambiguïté : c’est bien une association à but non lucratif qui est créée ce jour-là295. Les statuts ont été rédigés sous le contrôle de l’avocate Nelly Schreiber-Favre – qui sera élue membre du comité – et il semble donc que c’est à dessein qu’un nom équivoque a été choisi pour dénommer l’association. Cette équivoque ne sera levée partiellement qu’en 1933, à l’occasion de la première révision des statuts, qui maintient le terme « société » dans deux articles296, et sera finalement totalement éliminée lors de la révision des statuts de 1950.
3L’article 2 des statuts précise les buts de l’association :
la Société a pour objet la création et l’administration d’une Ecole d’Etudes sociales pour femmes, comportant une école spéciale pour la préparation des femmes aux carrières sociales et des cours complémentaires et publics d’enseignement civique et social. D’une manière générale la Société peut étendre son activité à tous les domaines annexes qui pourront être jugés utiles pour la spécialisation de ce but.
4Relevons encore que la formulation de l’article 2 des statuts de 1918 a été adroitement rédigée pour anticiper tout développement postérieur de l’Ecole. Les diverses révisions ultérieures concernent d’ailleurs essentiellement l’intégration dans les statuts de la mention des écoles qui ont été créées par la suite.
5Il est à noter que le terme « suisse » (cf. chapitre premier) n’apparaît pas dans les statuts, alors qu’il figure dans le procès-verbal de l’assemblée générale constitutive et figurera sur le papier à lettres. Par ailleurs, ce n’est que dans la révision de 1950 que la référence aux femmes disparaît des buts, dans l’article 3 :
- L’association a pour but la formation professionnelle :
- d’assistantes et assistants sociaux ;
- de bibliothécaires-secrétaires ;
- de laborantines.
Elle peut étendre son activité à d’autres domaines analogues.
Elle réalise ses objectifs par l’activité de l’Ecole d’études sociales de Genève et ses écoles annexes, l’Ecole de bibliothécaires et l’Ecole de laborantines.
6Le premier comité, élu le 23 mars 1918, est composé de Hans Töndury, président, Emilie Gourd, vice-présidente, Charles Kunz, secrétaire et Marie Walter, trésorière. A la suite du conflit opposant Emilie Gourd à Hans Töndury (cf. introduction), c’est Eugène Choisy qui est élu à la vice-présidence, Charles Waegeli comme secrétaire, et la trésorerie est confiée à Emma Burkhardt. Les statuts précisent que le comité se compose de cinq à quinze membres, ce nombre passant à quinze à vingt membres lors de la révision des statuts de 1969. Le comité de l’association est mentionné dans les statuts comme étant le comité de direction de l’Ecole ; ainsi que cela a été mentionné précédemment (cf. chapitre premier), les premiers membres du comité sont essentiellement des personnes recrutées sur la base de leur statut et proviennent, pour la plupart, d’autres institutions d’éducation ou de formation : l’Institut Jean-Jacques Rousseau, l’Institut des ministères féminins, l’Université, l’Ecole secondaire, l’enseignement primaire, l’Ecole ménagère, l’Ecole Vinet ou la Bibliothèque publique et universitaire (BPU). Ils sont d’ailleurs mentionnés selon leur statut de professeurs, enseignants ou directeurs de ces institutions, et il est probable que cette configuration – concomitante avec l’élection de notables (avocats, médecins, banquiers) – ne doive rien au hasard et serve à renforcer l’assise de cette nouvelle école. Il est à relever que, jusqu’en 1934, il n’y a parmi les membres du comité aucune personne issue d’œuvres sociales, hormis Alexandre Aubert, qui est secrétaire général du Bureau de bienfaisance ; la première assistante sociale élue au sein du comité est Marie Ginsberg en 1928 (cf. chapitre 5) et la première ancienne diplômée de l’Ecole – de la section protection de l’enfance, en 1928 – est Jeanne-Marie de Morsier en 1934, secrétaire-adjointe de l’Union internationale de secours aux enfants. La même année, Henri Revilliod, président du Cartel genevois d’hygiène morale et sociale, entre au comité ; puis, en 1938, c’est au tour d’Henri Dubois, directeur de l’Office social, et d’Edouard Laravoire, directeur du Service d’observation médico-pédagogique de l’Office scolaire de l’enfance.
7Quant aux membres de l’association, les statuts distinguent les membres individuels et les membres collectifs, chaque catégorie pouvant adhérer en tant que membre actif ou membre fondateur ; la différence entre ces deux statuts est d’ordre financier, la cotisation des membres fondateurs étant dix fois plus élevée que celle des membres actifs :
8a] membres fondateurs (cotisation unique) :
a. collectifs | CHF 200.- |
b. individuels | CHF 100.- |
9b] membres actifs (cotisation annuelle) :
a. collectifs | CHF 20.- |
b. individuels | CHF 10.-297 |
10Notons que les statuts de 1918 ne prévoient que les cotisations comme ressources ; il faut attendre la révision des statuts de 1950 pour que soient introduits dans les ressources les subventions, donations et legs. Cette particularité – étonnante quant à la durée de son maintien – explique en partie la fragilité financière de l’Ecole à ses débuts, qui a conduit au conflit Gourd-Töndury. A l’assemblée générale du 17 décembre 1919, l’association compte cent quatre-vingt-trois membres, dont cent seize membres actifs et soixante-sept membres fondateurs ; on dénombre aussi quarante-trois donateurs, bien que les statuts ne prévoient pas cette qualité de membre. Retenons que les statuts indiquent que les membres fondateurs « font, à vie, partie de la Société ». Les adhésions proviennent de toute la Suisse – 37 % viennent de l’extérieur de Genève : Bâle, Berne, Neuchâtel, Vaud, Argovie, Soleure, Zurich, Lucerne, Saint-Gall, Thurgovie ; mais à cette époque, aucun membre ne provient des cantons de Fribourg ni du Valais. Relevons la présence de quelques personnalités parmi eux : Gustave Ador, alors conseiller fédéral et président de la Confédération, Marguerite Evard, pédagogue neuchâteloise, les théologiens Francis Chaponnière et Lucien Gautier ou la féministe bâloise Georgine Gerhard.
11Au fil des révisions statutaires, outre l’adjonction des nouvelles écoles ou centres créés, il est à noter en 1951 l’adoption de la baisse de la cotisation de membre actif individuel, qui passe de CHF 10.- à CHF 5.- : l’association cherche à se revitaliser quelque peu et compte sur une cotisation plus accessible pour recruter de nouveaux membres. En 1969, la qualité de membre à vie pour les personnes payant une cotisation unique disparaît et est remplacée par la qualité de membre honoraire, suite au constat que près des deux tiers des membres de l’association sont des membres à vie dont beaucoup ont adhéré il y a fort longtemps et sont alors très âgés. Afin d’éviter une trop abrupte solution consistant à leur demander de devenir membres actifs ou de démissionner, comme le propose un membre du comité, il est décidé de leur attribuer le statut de membre actif honoraire sans cotisation – vu qu’ils ont effectué un versement unique à l’époque –, mais avec voix consultative seulement à l’assemblée générale, à laquelle ne seront convoqués que ceux qui en feront la demande expresse. La composition du comité fait aussi l’objet de modifications dans les statuts : en 1950, elle passe de cinq à dix membres à dix à quinze membres, inscrivant dans les statuts la représentation de quatre membres de l’association des anciennes élèves de l’Ecole ; la révision de 1960 intègre, en outre, la présence des présidents des commissions consultatives de chacune des écoles et en 1973, à la suite de la dissolution de l’association des anciennes élèves, en 1970, six places sont destinées à la représentation professionnelle de chacun des métiers de l’Ecole. En 1975, la dépendance financière à l’Etat étant de plus en plus importante, les statuts prévoient dans le comité la présence de trois personnes déléguées par l’Etat (deux provenant du DIP et une du Département de la prévoyance sociale et de la santé publique) ; à cette occasion, le comité s’agrandit et passe à une taille de vingt à trente membres. Au terme des années 1970, c’est donc un comité quelque peu pléthorique qui préside aux destinées de l’IES et qui se réunit quatre à sept fois par année, avec un taux d’absentéisme allant en augmentant, laissant, dans les faits, son bureau gérer effectivement l’Ecole depuis plusieurs années.
12Si, jusqu’aux années 1950, le comité a surtout traité de finances et de l’organisation de l’Ecole – enseignements, engagement de professeurs et de secrétaires, création d’écoles, admission des élèves –, dès les années 1960, il est saisi d’objets hautement politiques et sensibles : parmi d’autres, les finances, qui prennent une place de plus en plus importante dans ses séances, mais aussi le statut du personnel, l’évaluation des fonctions au sein de l’Ecole, le changement de nom de l’Ecole, l’élaboration d’un règlement-cadre de l’IES, la question de la participation au sein des instances de l’Ecole et le statut juridique de cette dernière.
Changement de nom
13C’est en 1968, année de son cinquantenaire, que l’Ecole d’études sociales (EES) change de raison sociale et devient l’Institut d’études sociales (IES). Depuis sa création, l’Ecole s’est agrandie et accueille alors cinq centres de formation : l’Ecole de service social, l’Ecole de bibliothécaires, l’Ecole de laborantines, l’Ecole d’assistantes de médecins et l’Ecole d’animateurs. La terminologie « école » n’apparaît dès lors plus adéquate pour une institution qui chapeaute quatre écoles plus ou moins indépendantes l’une de l’autre et auxquelles le directeur Yves de Saussure souhaite confier plus d’autonomie ; en effet, contrairement à Marie-Louise Cornaz, qui assumait en sus directement la direction de l’Ecole de service social, Yves de Saussure s’implique moins dans cette dernière et en confie la responsabilité à Andrée Menthonnex. Il perçoit son rôle comme celui d’un directeur général d’un centre de formations – au pluriel – et non comme celui d’un directeur d’une école en particulier. L’occasion d’une révision des statuts pour 1969 et du cinquantenaire à l’automne 1968 paraît donc propice à une réflexion sur l’appellation de l’institution. Le comité penche pour « Institut genevois d’études sociales », se projetant dans un futur où l’Ecole serait peut-être rattachée à l’Université (cf. infra) ; le rattachement, en 1948, de l’Institut des sciences de l’éducation à l’Université de Genève est le modèle qui prévaut dans l’esprit du comité. De leur côté, les monitrices de l’Ecole de service social proposent le nom d’« Institut des sciences humaines appliquées » ; dans sa séance du 5 décembre 1968, le comité estime cette appellation « trop prétentieuse et inexacte ; notre Ecole ne forme pas des scientifiques »298. De son côté, le chef du DIP, André Chavanne, fera savoir son doute sur la pertinence du qualificatif « genevois » dans la proposition du comité : « [...] je me demande si la mention « genevois » n’est pas trop limitative du moment que l’EES accueille un fort contingent d’étudiants confédérés et étrangers »299. C’est donc « Institut d’études sociales » qui est retenu et proposé à l’adoption de l’assemblée générale du 30 janvier 1969, date officielle du changement de nom de l’Ecole par son inscription dans les statuts.
La participation
14Si la participation est un thème très présent au sein de l’IES au début des années 1970, ce n’est pas seulement de celle des étudiants des Ecoles de service social et d’animateurs socioculturels dont il s’agit ; en effet, le comité est appelé à se pencher aussi sur la participation du personnel au sein des diverses instances de l’Ecole. Dans son rapport annuel 1972-1973, le directeur Yves de Saussure se félicite d’ailleurs des revendications participatives émanant du personnel :
Aussi devons-nous nous réjouir tout particulièrement de ce que l’année écoulée ait été celle de la relance d’un véritable esprit communautaire au sein de l’IES et de ce que s’affirment, parmi les collaborateurs de tous les secteurs, la volonté d’une participation plus active aux responsabilités générales, le désir d’être plus directement associés aux problèmes administratifs, autant que pédagogiques. Notre vœu, pour conclure, est donc que l’année 1973-1974 voie renaître, aux nouvelles dimensions de l’Institut, ce sens de la coresponsabilité qui animait, à l’origine, la petite équipe de l’Ecole d’études sociales et qui devra trouver, pour agir dans des structures beaucoup plus complexes et disparates, des voies et des moyens, originaux sans doute, mais qui sont à la portée d’une institution qui se réclame d’un idéal social300.
15Confirmant le vœu de la direction, le comité abroge, en 1973, une clause qui excluait de l’association les collaborateurs permanents de l’Ecole, permettant ainsi à ceux qui le souhaitent de participer plus directement aux destinées de l’IES ; relevons que cette clause avait été adoptée par l’assemblée générale de 1947 à la demande – surprenante – de l’association des anciennes élèves. Une forme d’élargissement de la participation au sein de l’Ecole est mise en œuvre lors de l’exercice 1974-1975 avec le développement de l’autonomie des écoles, qui se voient confier la reprise de responsabilités administratives, financières et pédagogiques jusqu’alors en mains de la direction ; cette « décentralisation » conduit par ailleurs la direction à devoir développer les échanges d’informations entre les diverses instances de l’Ecole. En ce sens, l’assemblée du personnel, bien que n’apparaissant pas dans l’organigramme officiel de l’Ecole, devient rapidement un interlocuteur incontournable de la direction et du comité. Le projet de règlement-cadre de l’Ecole prévoyait initialement un article général dédié à la participation, mais le comité préféra biffer cet article – contre l’avis de la direction – au profit de l’établissement d’un règlement dédié à la participation au sein de l’IES. C’est ainsi qu’il propose, en février 1979, la création d’une commission paritaire comité-personnel pour faire avancer le dossier de la participation. Il doit cependant essuyer le refus de l’AP de désigner les deux délégués demandés, la conception de la participation émanant du comité n’étant pas partagée par l’AP, qui déplore une participation couvrant seulement la consultation et non les décisions ; par ailleurs, l’AP demande de voir siéger au sein du comité trois membres délégués par elle. Il apparaît à cette occasion une tension certaine dans la relation entre ces instances (AP, direction, comité), qui subsistera301. Le comité prend acte du refus de collaboration de l’AP, n’entre pas en matière sur la demande de participation au comité et demande à l’AP de préciser sa position quant à la participation. Huit mois plus tard, rien n’a bougé et l’assemblée du personnel fait part au comité qu’elle n’a pas achevé ses travaux concernant cette demande de clarification. Le comité décide alors de procéder à une pré-consultation sur les modes de participation au sein de l’IES et, pour ce faire, de convoquer des représentants de toutes les instances, y compris de l’AP ; la rencontre permet de distinguer la participation à la politique générale de l’Ecole et la participation liée aux problématiques employés-employeur. Si cette dernière se trouvera réglée par des contacts réguliers entre la direction et l’AP, la première subira l’effacement du temps, notamment lié à la transformation de l’association de l’IES en fondation de droit public. Dans son rapport annuel 1978-1979, Yves de Saussure convient que cela prendra du temps :
Il reste encore à en [la participation] définir les modalités dans les règlements fondamentaux de l’IES afin d’en garantir non seulement le principe et le fonctionnement, mais la reconnaissance de sa pratique à tous niveaux. S’agissant toutefois de structures relativement novatrices et dont les modèles sont encore rares, le travail de réflexion entrepris sur ce thème au sein de l’IES en fait apparaître les possibles écueils et contradictions, autant que les désirs respectifs ou les convergences entre partenaires. Ainsi faudra-t-il sans doute un certain temps, encore, avant qu’un « règlement sur les modes de participation au sein de l’IES » puisse venir entériner des expériences jusqu’ici occasionnelles ou fragmentaires et obtenir l’adhésion du Comité en tant, si possible, que partie prenante à ce qui, dans un lieu de formation aux relations interpersonnelles comme l’est l’IES, devrait être un modèle privilégié de fonctionnement302.
16Il est à relever qu’il n’y aura pas de règlement sur la participation au sein de l’IES et que, hormis l’AP, existant en tant que telle depuis 1973, la seule instance participative mise en place sera le collège des enseignants, créé en 2001 ; mais, comme son nom l’indique, il ne concerne que le personnel enseignant. Pour le reste, le personnel est régulièrement associé, depuis 1948303, à diverses commissions et groupes de travail mis en place selon les besoins du moment, mais dans lesquels il siège avec voix consultative.
17Notons que la question de la participation ressurgit à l’occasion de l’autonomisation de la HES-SO Genève, en 2014, qui met en place diverses instances participatives dans les écoles, tels le conseil académique et la commission mixte ; les mêmes questionnements qu’en 1979 sur le type de participation – décisionnaire ou consultative – refont surface, sans qu’il y soit donné de réponses plus satisfaisantes qu’à l’époque, les perceptions de la participation restant différentes chez chacun des partenaires.
... à la fondation
18C’est dès 1961 que la question du statut juridique de l’Ecole commence à occuper les discussions au sein du comité de direction : faut-il lui conserver son statut privé ou envisager un rattachement à l’Etat, ou encore un rapprochement avec l’Université ? L’éventualité d’une disparition pure et simple de l’Ecole pour laisser les écoles qui la constituent poursuivre seules leur destinée est même évoquée. La dépendance financière à l’Etat toujours plus importante, l’augmentation des effectifs, l’impératif d’améliorer le niveau des études justifient, pour le comité, de se poser la question. Ce dernier met alors en place une commission « rattachement à l’Etat », composée de deux de ses membres, le pédagogue Robert Dottrens et Christian Dominicé304 ; dans un rapport donné au comité en juin 1962, la commission propose dans un premier temps de passer une convention avec l’Etat, à l’instar de celle signée avec l’Ecole du Bon Secours en 1949 (Francillon, 2005, p. 112), c’est-à-dire une convention ménageant le statut associatif de l’Ecole et sa liberté d’offre de formation. Dans un second temps, la commission propose que les écoles s’approchent des facultés de l’Université leur correspondant pour établir les liens qu’elles jugeront nécessaires en vue de relever le niveau des études. Le comité entérine ces propositions, mais ajourne les travaux de la commission jusqu’à l’automne. En juin 1963, la situation n’ayant pas évolué, Christian Dominicé propose alors au comité de donner un mandat plus précis à la commission et suggère de modifier son appellation en « commission juridique ».
Un rattachement à l’Université ?
19Pour sa part, Robert Dottrens milite pour un rattachement à l’Université dans des conditions analogues à celles qui ont présidé au rattachement de l’Institut Rousseau à l’Université en 1948, et dont il a été l’un des artisans ; c’est la raison pour laquelle il demande au comité, en mars 1964, de se positionner sur un tel rapprochement. Mais le comité se montre prudent et estime prématuré d’entamer des négociations avec l’Université, considérant qu’une telle intégration aurait des conséquences lourdes sur les conditions d’admission ; il préfère entrer dans une période transitoire, durant laquelle l’Ecole pourra progressivement se rapprocher du niveau universitaire. Le projet de rattachement à l’Université porté par Dottrens, s’il reprend le vœu émis dès 1920 par le comité305, ne sera finalement jamais réalisé ; l’Ecole nouera, par contre, des collaborations avec l’Université (cf. infra).
20La question du rattachement à l’Etat refait surface en 1967, année où l’on parle pour la première fois de la création d’une fondation de droit public ; lors du comité de direction du 10 avril 1967, le président Uldry informe ce dernier que Christian Dominicé prendra contact avec le DIP pour envisager l’opportunité d’une telle transformation. Les enjeux sont importants quant au statut du personnel et pour le financement de l’Ecole, et le comité souhaite avancer prudemment sur ce dossier ; le sujet revient régulièrement dans les ordres du jour des séances du comité, mais ce dernier est partagé quant à la voie à emprunter. Dans le rapport annuel 1968-1969, Raymond Uldry ne cache pas sa préférence pour le statut privé, sous lequel l’Ecole existe depuis sa création :
D’aucuns pourraient prétendre que notre Association n’a plus sa raison d’être puisque les fonds dont elle dispose lui sont fournis par l’Etat dans une proportion qui ne cesse de croître. Pour notre part, nous ne pensons pas que notre caractère privé d’utilité publique puisse être mis en cause pour des raisons financières. Ce qui donne à notre Association son droit d’existence, c’est son esprit et le dévouement désintéressé d’un nombre considérable de personnalités ;
21Il poursuit par une profession de foi quant à la mission qu’il considère être celle de l’Ecole :
Nos étudiants doivent savoir que cette Association, dont ils entendent rarement parler, partage leur idéal : une éducation à la liberté dans un monde à la fois plus libre et plus dur, plus menaçant pour l’homme ; une éducation qui vise à exercer progressivement les jeunes à assumer leurs responsabilités, à prendre en main leur destin, à savoir s’adapter à des situations nouvelles, à étudier seuls mais aussi à travailler en équipe ; une éducation qui a l’ambition de les rendre clairvoyants, plus maîtres d’eux-mêmes et plus engagés au service d’autrui.
22Des propos qui, relevons-le, restent d’actualité aujourd’hui, traduits dans le langage plus technocratique de « praticien réflexif ». Le président Uldry termine en réaffirmant son souhait du maintien du statut privé :
Notre Institut a choisi de conserver son statut privé parce que l’activité professionnelle qui attend ses étudiants est un engagement, pour beaucoup une vocation qu’il s’agit de faire naître et d’entretenir, parce qu’il est l’héritier d’une longue tradition de libéralisme et d’éducation de la personne306.
23Néanmoins, le maintien du statut associatif ne bénéficie que d’un répit de dix années et la question revient sur la table des discussions du comité en 1978, à l’occasion de l’élaboration du projet de règlement-cadre pour l’IES ; l’un des représentants de l’Etat pose la question de savoir si ce règlement est une priorité et demande ce que « [l’]on veut faire de l’IES ? Un Institut qui comporte diverses sections ? Faut-il garder le statut actuel ? Le comité doit clairement dire ce qu’il veut. » L’évaluation des fonctions et ses conséquences sur le statut du personnel, ainsi que les démarches pour adhérer à la CIA confirment au comité qu’il n’y a plus lieu de tergiverser : il doit apporter des réponses sur l’avenir de l’Ecole, et ce tant à l’Etat qu’au personnel, qui s’inquiète de ses futures conditions de travail.
Les Actes de Saint-Luc
24Il convient ici d’ouvrir une parenthèse à propos d’un document important pour l’avenir de l’Ecole et de l’association : les Actes de Saint-Luc. En juillet 1980, le bureau du comité et la direction (le directeur, l’adjoint de direction et l’administrateur) se réunissent durant trois jours à Saint-Luc (VS), dans la résidence secondaire d’Yves de Saussure, pour réfléchir à l’avenir et débattre de quelques thématiques centrales pour ce dernier : vocation de l’IES, statut juridique de l’Ecole, rapport à l’Etat, composition du comité, situation des écoles et centres, développement de l’IES, besoins et budget, situation du personnel permanent et vacataire, relations employeur-employés, notamment. De ces trois jours de réflexion, un rapport est rédigé à l’attention du personnel et du comité en vue d’ouvrir et nourrir un débat : les Actes de Saint-Luc. Notons que cette pratique se renouvellera deux fois et qu’il y a donc trois rapports éponymes. Retenons encore l’avant-propos de ce premier rapport, qui sonne comme une prise de conscience salutaire, si ce n’est un aveu, d’un fonctionnement jusqu’ici pragmatique, de moins en moins compatibles avec les exigences « modernes » de gestion d’une institution de formation aussi complexe : « Jusqu’à ce jour, et dans la plupart des cas, le Comité et la direction se sont limités à répondre au coup par coup aux problèmes posés hic et nunc sans vision prospective suffisante et surtout sans politique à long terme clairement définie. La politique pratiquée a été plus souvent opportuniste qu’anticipatrice »307.
25Au chapitre du statut juridique de l’IES, le rapport confirme la position déjà énoncée en 1967 par Raymond Uldry – qui a quitté la présidence depuis et est maintenant vice-président –, à savoir le maintien du statut associatif privé et la nécessité « de veiller au maintien du statut actuel de l’Institut (ou à un statut s’en rapprochant mais donnant les mêmes garanties » ; mais dans le chapitre suivant, portant sur le rapport à l’Etat, après avoir listé cinq situations emblématiques308 du renforcement de ce rapport, le comité pose la question de « savoir ce que nous voulons : maintenir notre statut actuel, devenir une fondation de droit public, ou devenir à terme un organisme public »309.
26Lorsque, dans sa séance du 9 octobre 1980, le comité discute des « Actes de Saint-Luc », les représentants de l’Etat exposent sans ambages la position de l’Etat, et plus particulièrement du DIP ; c’est la première fois, du moins dans les documents d’archives dépouillés, que les attentes de l’Etat sont aussi clairement et crûment posées : le DIP souhaite avoir affaire :
[...] à des interlocuteurs qui soient des exécutifs « autorité et pouvoir ». [...] Le Département demande que la direction soit un organe fort, contrôlé par le Comité qui doit cependant lui accorder une large confiance. A l’avenir, il n’est plus possible d’envisager le rôle d’exécutif du Bureau tel qu’il se pratique aujourd’hui. Cette position est en effet contradictoire avec l’idée des responsables du DIP qui souhaitent que l’autorité émane d’un organe déterminé qui s’engage (la direction) tout en rendant en permanence des comptes au Comité310.
27Il est effectivement à relever, à l’appui de la critique des représentants de l’Etat, que le bureau est devenu, au fil du temps, le réel organe décisionnel de l’association et de l’Ecole ; dérive au demeurant « normale » au regard de son mandat de gestion des affaires courantes avec la direction, qui l’a transformé en bureau exécutif, alors que, selon le modèle associatif, il est censé représenter l’organe législatif par délégation du comité. Placé en quelque sorte au pied du mur, le comité confie à la commission juridique le mandat d’analyser les avantages et désavantages du statut juridique associatif, ainsi que des formes d’étatisation. Cette dernière rend son rapport en juin 1981, qui conclut à l’inadéquation de la structure associative : les assemblées générales ont lieu devant un public clairsemé (quinze membres présents pour deux cent septante membres, dont douze membres du comité lors de la dernière assemblée de l’exercice 1980-1981), il en va de même pour les séances du comité, qui ne sont fréquentées que par la moitié des personnes élues et la direction doit faire face à des tâches de plus en plus complexes qui nécessitent une réorganisation de cette dernière. La commission a examiné la possibilité de transformer l’IES en école d’Etat – mais ce dernier a déjà fait savoir qu’il n’y tient pas – ou en fondation de droit privé – mais l’Ecole n’a pas de capital le permettant –, aussi propose-t-elle la transformation en fondation de droit public, qui présente selon elle le plus d’avantages pour l’avenir de l’IES. Lors de sa séance du 25 juin 1981, le comité accepte les conclusions de la commission juridique et lors de sa séance du 10 décembre 1981, il vote formellement311 l’acceptation de la transformation en fondation de droit public.
28Le comité s’attelle, dès lors, à la préparation de cette transition, qui prendra trois ans de négociations avec l’Etat et de discussions internes (composition du futur conseil de fondation, répartition des tâches entre le conseil et la direction, préparation de l’acte de liquidation de l’association et reprise du passif de cette dernière, etc.). Finalement, le 13 décembre 1984, le Grand Conseil adopte le projet de loi relative à la Fondation de l’Institut d’études sociales, avec entrée en vigueur au 30 janvier 1985, après le délai référendaire légal. Si, jusqu’alors, l’association a toujours été présidée par des hommes312, la création de la fondation marque l’avènement de la première femme présidant aux destinées de l’Ecole, Ruth Hutmacher – diplômée de l’Ecole de service social en 1957, alors secrétaire générale de l’Astural – qui présidera le conseil de fondation de 1985 à 1992. Hasard de l’histoire, c’est aussi la secrétaire générale de l’Astural, Dominique Chautems Leurs, qui présidera à la dissolution de la fondation en 2014.
La disparition de la fondation
29Jusqu’en 2004, le conseil de fondation est composé de quatorze membres, dont dix sont désignés par le Conseil d’Etat : deux personnes représentant le Département de l’instruction publique, une personne représentant le Département de l’action sociale et de la santé, une personne représentant le Département de justice et police et des transports, et six personnes représentant les milieux professionnels ; à ces membres s’ajoutent une personne désignée par le Conseil administratif de la Ville de Genève, deux personnes désignées par le rectorat de l’Université et une personne désignée par l’assemblée du personnel.
30Le passage de l’IES au statut de Haute école spécialisée conduit à une révision des statuts de la fondation en juin 2004, avec notamment le changement de nom de l’Ecole, qui devient Haute école de travail social-Institut d’études sociales (HETS-IES). Mais c’est aussi l’occasion d’une modification de la composition du conseil de fondation, qui passe à vingt et un membres : l’une des deux personnes désignées par le DIP représente désormais la direction générale de la HES genevoise et le nombre de représentants des milieux professionnels augmente à dix ; par ailleurs, les représentants du personnel sont désormais deux et l’on introduit deux représentants des étudiants, absents dans les précédentes versions des statuts.
31Mais l’année 2004 est aussi celle du rapprochement des écoles dites « SO »313 et des écoles dites « S2 », conduisant à une seule entité juridique HES-SO sur le plan romand ; à Genève, la HETS-IES intègre de plain-pied la HES Genève – officiellement ainsi nommée en 2006 – et change de statut : elle perd son statut d’institution privée et devient officiellement une école cantonale relevant du DIP, tout en conservant son conseil de fondation. L’ensemble du personnel de l’Ecole acquiert dès les lors le statut de fonctionnaire. Ainsi se trouve réalisé le projet évoqué par la commission juridique de l’Ecole, dont l’Etat ne voulait pas en 1980 et contre lequel Raymond Uldry opposait les avantages du statut privé de l’association (cf. supra).
32La nouvelle loi cantonale du 28 août 2013 sur la HES-SO Genève transforme cette dernière en établissement autonome avec effet au 1er avril 2014 et conduit à la dissolution de la fondation de la Haute école de travail social, qui est radiée du Registre du commerce à compter du 3 octobre 2014 ; l’ensemble du personnel perd le statut de fonctionnaire et son employeur est désormais la HES-SO Genève ; le statut du personnel administratif et technique reste cependant régi, par analogie, par le règlement d’application de la Loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements médico-sociaux (règlement B5.05).
L’association des anciennes élèves
33Il serait injuste de parler des structures de l’Ecole sans mentionner l’association des anciennes élèves, qui a été durant de nombreuses années un interlocuteur incontournable du comité de direction, agissant à bien des égards comme une sorte de contre-pouvoir et qui a souvent été à l’initiative d’améliorations dans les programmes et l’organisation des formations dispensées par l’Ecole.
34Cette dernière n’a pas encore délivré son premier diplôme lorsque, en juillet 1919, les élèves annoncent la création d’une société des anciennes élèves de l’Ecole et leur intention de créer un journal ; la demande semble pour le moins précoce, puisque l’Ecole vient juste de terminer sa première année de cours et que les conditions d’obtention du diplôme viennent à peine d’être définies. Si le comité de direction se montre favorable à la création de cette association, il s’avère, en revanche, nettement hostile à la création d’un journal et fait savoir par courrier aux élèves qu’il « les décourage de fonder un journal »314. Malheureusement, le procès-verbal du comité reste muet sur ses appréhensions quant à la création d’un journal par les élèves. Dans les premiers temps, les activités de l’association des anciennes élèves relèvent de celles d’une amicale : elles organisent des réunions pour se rencontrer, mènent des actions caritatives et, rappelons-le, créent et gèrent la bibliothèque de l’Ecole.
35L’idée d’un journal de l’association des anciennes élèves refait surface en 1928, sous les auspices de Jeanne-Marie de Morsier, diplômée la même année, qui souhaite entretenir les liens avec les anciennes élèves dispersées de par le monde ; raison pour laquelle elle propose Le Trait d’union comme titre du journal ; ce dernier paraîtra jusqu’en 1969. En 1932, Jeanne-Marie de Morsier donne une nouvelle impulsion à l’association des anciennes élèves, qui s’inscrit dès lors comme un organe de propositions et de promotion de la qualité des formations dispensées au sein de l’Ecole. C’est ainsi qu’en décembre 1933, l’association transmet au comité un mémoire lui faisant part de ses critiques ; elle demande notamment plus de sévérité dans les admissions, souhaite que les entrées en formation n’aient lieu qu’à l’automne et plus au printemps et estime que la première année devrait être une année d’orientation professionnelle, qui devrait permettre d’« éliminer les incapables »315. En 1936, l’association revendique que les élèves soient régulièrement suivies par l’Ecole durant leurs stages, ce qui conduira le comité à organiser la surveillance des stages de manière plus formelle (cf. chapitre 5). En 1943, c’est la question de l’âge d’admission (18 ans) que l’association soulève, en argumentant sur le fait que les élèves sortant de leur école « risquent d’être animées d’un esprit scolaire regrettable » et sur le souci de ne pas « lancer des jeunes filles trop jeunes dans ce que le travail social présente de plus triste et douloureux »316 ; en réponse, le comité arrête l’âge d’admission à 19 ans pour les sections sociales, mais maintient l’âge de 18 ans pour les bibliothécaires, les laborantines et la section Techniques du secrétariat317. En 1946, l’association des anciennes élèves demande une modification des statuts visant à rendre incompatible la fonction de professeur dans l’Ecole avec le statut de membre du comité, proposition qui sera adoptée lors de l’assemblée générale du 28 avril 1947 ; cette disposition ne sera rayée des statuts qu’en 1973 (cf. supra).
L’association des anciennes élèves comme contre-pouvoir
36Mais l’association se préoccupe aussi des moyens de faire entendre sa voix au sein du comité et revendique, dès 1949, une représentation officielle de quatre de ses membres au sein du comité de l’Ecole, revendication qui sera adoptée lors de l’assemblée générale du 4 décembre 1950. Par ailleurs, elle porte le souci de la formation continue des assistantes sociales et organise elle-même certains cours de perfectionnement, comme en 1953 un cours sur l’avortement et un autre sur la lutte contre l’analphabétisme, ou en 1961 sur le développement communautaire. Cependant, l’association – qui est devenue entre-temps l’association des anciens étudiants de l’Ecole d’études sociales – marque un essoufflement dans la seconde moitié des années 1960 : le recrutement des membres s’avère difficile et ses assemblées générales sont de plus en plus clairsemées ; la représentativité de ses délégués au sein du comité de l’Ecole s’avère dès lors discutable, et le constat est posé que l’association ne semble plus répondre aux besoins des anciens étudiants, qui préfèrent s’investir dans des associations professionnelles. Le 31 mai 1969, l’assemblée générale de l’association se prononce en faveur de la dissolution et sa présidente, Françoise Demole – diplômée en 1958 de l’Ecole de service social –, procède à une consultation des quatre cent quatorze membres qui confirme le projet de dissolution. Le 24 février 1970, un courrier est envoyé aux membres de l’association leur annonçant la dissolution, qui sera actée en assemblée générale à l’automne. Entre-temps, en avril 1970, la présidente propose au comité de l’Ecole que les membres de l’association des anciens étudiants puissent adhérer individuellement à l’association de l’IES, mais souhaite que leur place soit conservée sous une forme ou une autre au sein des structures du l’Ecole (comité et commissions consultatives) ; c’est ainsi qu’émerge l’idée de créer un conseil des anciens étudiants, qui pourrait ainsi désigner des délégués au sein du comité de l’Ecole et des commissions consultatives des écoles. La création de ce conseil est actée et inscrite dans les statuts lors de l’assemblée générale de l’Ecole du 22 mars 1971.
37Néanmoins, force est de constater que ce conseil des anciens devient rapidement une coquille vide : il dispose de six places au sein du comité de direction, mais fonctionne sans président et ne se réunit plus, si bien que, en 1973, le directeur Yves de Saussure pose au comité la question de son maintien ; la discussion débouche sur le constat qu’il serait plus utile pour l’Ecole d’avoir des délégués des associations professionnelles et qu’il serait nécessaire de modifier les statuts en ce sens : « Si désagréable que ce soit, il faut supprimer le Conseil des anciens et en priorité se poser la question de la participation des associations professionnelles et du staff de l’IES au Comité »318. La proposition de modification des statuts en ce sens est avalisée par le comité lors de sa séance du 7 mars 1974 et actée lors de l’assemblée générale du 15 mai 1974. Une page de la participation des anciens étudiants aux destinées de l’Ecole se tourne définitivement. En 2013, une association des alumni de la HETS a été créée pour fédérer les anciens étudiants de l’Ecole, mais force est de constater qu’elle n’a guère plus de succès – à ce jour – que le conseil des anciens de 1971.
Les finances : une préoccupation constante
38S’il est une permanence dans les préoccupations du comité et de la direction de l’Ecole durant le siècle de son existence, la question du financement est certainement la plus récurrente. Les moyens de l’association de l’Ecole d’études sociales pour femmes, puis de l’Ecole elle-même sont au début fort modestes et quelque peu précaires ; en effet, dès la création de l’association en mars 1918, ses seuls revenus proviennent des cotisations levées auprès de ses membres et de dons, assortis d’une garantie de déficit de CH 3 500.- accordée par certains d’entre eux pour des sommes de CHF 500.- ou CHF 1 000.-319. Si le premier exercice comptable, du 15 avril au 29 novembre 1918, se boucle avec un bénéfice de CHF 6 714.40, le compte des dépenses indique un montant de CHF 4 070.75 au titre de brochures – celle de Töndury, éditée en 3 000 exemplaires en français et 1 000 en allemand –, programmes et circulaires320. Le bénéfice présenté est par ailleurs expliqué à l’assemblée générale du 30 novembre 1918 par une rentrée supérieure aux prévisions des cotisations et des écolages, ainsi qu’au fait que les professeurs et la directrice ont renoncé à une partie de leur traitement, sans quoi les comptes auraient accusé un déficit de CHF 2 137.85. C’est donc dans une situation financière fragile que l’Ecole démarre et, de manière générale, ses comptes accuseront plus souvent un déficit qu’un bénéfice au cours de son histoire.
39Afin d’atténuer les pertes et augmenter les ressources financières, le comité prend diverses initiatives, telles l’organisation de thé-ventes et de ventes de type kermesses paroissiales, avec productions et comptoirs divers ; il propose aussi, en 1922, l’émission de parts sociales d’une valeur de CHF 200.-, dont trente-sept trouveront acquéreur, rapportant ainsi CHF 7 400.-. Le lecteur se souviendra aussi que, sur la période allant de 1924 à 1927, le comité de direction demande aux professeurs le sacrifice de 10 % de leur traitement au vu des difficultés financières rencontrées par l’Ecole (cf. chapitre 5) ; il procède aussi à des augmentations des taxes d’études (cf. chapitre 5), mettant ainsi à contribution les élèves : ainsi chacun et chacune, professeurs, élèves, membres du comité et du personnel sont-ils appelés à soutenir financièrement l’Ecole d’une manière ou d’une autre. Notons encore qu’en novembre 1944, le comité décide une majoration de l’écolage au titre de la participation aux frais de chauffage : de CHF 5.- pour les laborantines – qui sont moins souvent présentes dans la maison de Malagnou du fait de leurs travaux pratiques dans des laboratoires médicaux –, de CHF 10.- pour les élèves des autres sections, mais de CHF 20.- pour les élèves habitant chez leurs parents. Dès 1921, l’Ecole fait payer un émolument de CHF 50.- pour l’établissement du diplôme, de CHF 20.- pour le certificat d’économie domestique et de CHF 5.- pour les attestations et certificats semestriels. Le foyer de l’Ecole servira aussi à assainir la situation financière de l’Ecole, notamment par la location des chambres durant les vacances. Le comité fait donc feu de tout bois pour s’assurer des rentrées propres, mais cela ne suffit pas à empêcher la nécessité du recours à des aides publiques.
Les premières subventions publiques
40On se souviendra que, dès avril 1918, à l’instigation de Hans Töndury, des démarches sont entreprises auprès du Président de la Confédération, Félix Calonder, en vue de l’obtention d’une subvention fédérale, voire de la nationalisation de l’Ecole (cf. chapitre premier) ; malgré le soutien effectif et les conseils de Félix Calonder, ces démarches aboutissent à une fin de non-recevoir de la part de la Confédération et, dans sa séance du 18 septembre 1919, le comité de direction doit prendre acte « que la subvention espérée ne sera pas octroyée ». La première subvention fédérale, d’un montant de CHF 10 500.-, sera toutefois octroyée à l’Ecole dès 1920 pour son foyer et les enseignements qui y sont donnés, grâce à l’astuce de Marie Walter (cf. chapitre 2) ; toutefois, dès 1921 et jusque dans les années 1950, cette subvention ne sera plus que de CHF 7 000.-.
41Devant faire face à un manque de liquidités d’environ CHF 8 000.-, le comité sollicite, en octobre 1922, la Ville de Genève, les communes de Plainpalais et des Eaux-Vives321 et le Canton, mais avec un succès très relatif, puisque seules la Ville de Genève et la Commune des Eaux-Vives contribuent, avec chacune un don de CHF 200.- ; quant à l’Etat de Genève, il refuse d’allouer une aide financière à l’Ecole « pour des raisons de principe », tout en l’assurant du « soutien moral du Département de l’instruction publique et plus particulièrement de son chef, le conseiller d’Etat Mussard »322. En outre, une demande de subvention ayant été adressée à la Ville de Genève en 1932, le comité doit prendre acte du « refus du Conseil municipal de la Ville de Genève, sur préavis négatif du Conseil administratif »323. Il est donc permis d’affirmer que les débuts de l’Ecole ne bénéficient d’aucun soutien des autorités cantonales ou communales, si ce n’est d’un soutien moral.
Les subventions fédérales
42La subvention fédérale réadaptée en 1921 reste inchangée jusqu’en 1951 ; elle est octroyée par le Département de l’économie publique, via l’Office fédéral des arts et métiers et du travail (OFIAMT). Il est à noter que, depuis 1922, les écoles de service social suisses reçoivent une subvention de la Confédération, mais que celle-ci fait l’objet d’un arrêté fédéral reconductible tous les cinq ans. En 1952, la Confédération transfère la compétence du subventionnement des écoles sociales au Département fédéral de l’intérieur, mais décide en même temps que seules les formations de service social auront droit à ses contributions ; dès lors, les Ecoles de bibliothécaires et de laborantines ne peuvent plus compter que sur des subsides cantonaux et communaux. Néanmoins, cette subvention fédérale augmente substantiellement et voit son montant doubler, passant à CHF 15 000.-, puis connaît des augmentations régulières jusqu’à atteindre CHF 41 000.-324 en 1969.
43L’ouverture de l’Ecole d’éducateurs spécialisés, en 1970, permet l’obtention d’autres sources de financements fédéraux, par le biais de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et du Département fédéral de justice et police (DFJP) ; mais le montant de ces derniers est lié au nombre d’étudiants diplômés par l’Ecole dont le premier emploi correspond à des critères de reconnaissance définis par les instances fédérales et ne sera donc octroyé qu’à partir de 1973, après la délivrance des premiers diplômes d’éducateurs spécialisés. Ce mode de financement implique que ces subventions ne peuvent être versées que rétroactivement et pose chaque année à l’Ecole quelques difficultés dans l’établissement de son budget, qui comporte dès lors une part aléatoire de ressources externes. Les estimations budgétaires ainsi effectuées contribuent à générer une sorte d’effet yo-yo sur les comptes de l’Ecole, qui a pu se trouver durant l’exercice comptable d’une année dans des difficultés réelles de trésorerie et avoir un bilan excédentaire l’année suivante, selon le nombre effectif d’étudiants diplômés dans l’année précédente ; par exemple, les graves difficultés de trésorerie de 1982 conduisent le comité à solliciter de la part du Canton de Genève une avance sur la subvention fédérale à obtenir, mais l’exercice comptable de 1983 se boucle avec des comptes équilibrés – ce qui n’était plus arrivé depuis 1978 –, notamment du fait d’une subvention fédérale pour l’exercice 1982 plus importante que prévue.
44Les subventions fédérales augmentent fortement dès 1971 : elles sont multipliées par trois cette année-là, soit CHF 122 592.-, puis passent le cap du million au début des années 1980 pour se stabiliser vers trois millions et demi au terme des années 1990. Néanmoins, aussi spectaculaire qu’apparaisse l’augmentation de la somme octroyée par la Confédération depuis 1921, ce financement ne représente, en 2000, que le tiers des subventions reçues par l’IES. Relevons toutefois qu’au tournant du XXIe siècle, les écoles de Genève et de Lucerne ne sont plus les seules écoles de travail social en Suisse : depuis 1975, la Confédération subventionne dix écoles, dont quatre en Suisse romande. Le poids de ce financement sur les budgets des départements fédéraux concernés conduit notamment le DFI à envisager, en 1984, de ne pas reconduire l’arrêté fédéral permettant l’octroi des subventions au-delà de 1990. De son côté, le DFJP cesse son subventionnement dès l’exercice 1988 et l’OFAS laisse planer le doute sur le maintien de ses aides. Les nuages noirs s’amoncellent sur les finances des écoles, mais aussi sur celles des cantons : ce serait à eux qu’incomberait la prise en charge de la différence. Cette perspective mobilise le comité et la direction de l’IES qui sollicitent l’intervention des autorités cantonales, ainsi que celle des élus genevois au sein du Conseil national et du Conseil des Etats ; des démarches similaires sont entreprises par les autres écoles sociales de Suisse, soutenues par la Conférence suisse des écoles de service social et celle des écoles d’éducateurs spécialisés. Les Autorités fédérales acceptent finalement de proroger pour cinq nouvelles années l’arrêté fédéral, puis trois années supplémentaires, mais avec un taux de subventionnement de 31,5 % au lieu de 35 % jusqu’alors.
45Cette période correspond au premier train de mesures fédérales visant à reporter sur les cantons un certain nombre de charges et le financement des écoles sociales fait l’objet à Berne de discussions à propos d’un « second paquet » de report de charges envers les cantons. La pérennité du financement des écoles sociales n’est plus seulement un problème financier : elle devient un objet politique. En mars 1987, une motion – dite motion Fischer-Sursee – est déposée au Conseil national, demandant au Conseil fédéral « de préparer les bases juridiques nécessaires au subventionnement des écoles de service social au-delà de 1990 »325. Notons que cette motion propose en outre, en référence à un avis de droit demandé à ce sujet, que les écoles sociales soient considérées comme des écoles d’enseignement supérieur, au même titre, par exemple, que les écoles techniques. Traitée par le Conseil national en octobre 1988, cette motion est acceptée par cent voix contre quarante-sept, puis par le Conseil des Etats en février 1989 par vingt-six voix contre treize. La conséquence en est la constitution d’un groupe de travail chargé d’élaborer un projet de loi donnant une base juridique au subventionnement des écoles sociales par la Confédération ; parmi les membres de ce groupe de travail siège notamment le directeur de l’IES, Paul Weber. Trois ans plus tard, le 9 mars 1992, le Conseil des Etats adopte par trente voix contre deux le projet de loi qui lui est soumis et le Conseil national fait de même, le 19 juin 1992, par cent huit voix contre cinquante ; l’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur les aides financières aux écoles de travail social est fixée au 1er janvier 1993. La promulgation de cette dernière conduit à la transformation d’INTEREC en Ecole supérieure de travail social. Relevons que, jusqu’en 2015, les écoles de travail social devenues HES sont restées subventionnées par le Département fédéral de l’intérieur, puis, à partir de la promulgation de la nouvelle loi sur les hautes écoles, leur subventionnement a été transféré au Département fédéral de l’économie ; il s’agit en quelque sorte d’un retour aux sources, puisque c’est ce même département qui a octroyé la première subvention à l’Ecole d’études sociales pour femmes en 1921.
Les subventions cantonales
46Sollicité en 1919 pour octroyer une subvention – même modeste – à l’Ecole, le Canton de Genève répond par la négative, préférant attendre que celle-ci ait fait ses preuves avant d’envisager une entrée en matière ; la réponse sera toujours défavorable lors des sollicitations ultérieures de 1922 et 1932, le Conseil d’Etat justifiant son refus « pour des raisons de principe »326. La demande de subvention déposée en 1946 reçoit enfin une réponse favorable d’entrée en matière et la première subvention cantonale – d’un montant de CHF 4 000.-327 – est octroyée sur l’exercice 1947. Il est difficile d’expliquer objectivement les raisons qui ont contribué à faire changer d’avis le DIP, auprès duquel les demandes ont été déposées, les procès-verbaux du comité de direction étant muets sur ce point ; il n’est toutefois pas déraisonnable de penser que ce changement d’optique à l’égard de l’Ecole puisse être lié au changement de conseiller d’Etat en charge du département. En effet, lors des demandes précédentes, ce sont le démocrate Jules Mussard et le radical Paul Lachenal qui ont refusé l’entrée en matière. Dès 1945, c’est Albert Picot, du parti démocrate lui aussi, qui reprend les rênes du DIP ; il est connu pour ses positions en faveur du suffrage féminin et a fait un bref passage en tant que membre du comité de direction de l’Ecole en 1920 : peut-être cela a-t-il joué ?
47La subvention accordée dès 1947 permet d’améliorer l’état des comptes de l’exercice, qui ne sont plus que légèrement déficitaires, mais si l’augmentation régulière du nombre d’élèves contribue à une augmentation du poste des écolages, les frais généraux subissent eux aussi une élévation constante et l’Ecole se retrouve rapidement à nouveau dans une situation précaire la conduisant à solliciter une augmentation de la subvention cantonale en 1950. Albert Picot obtient du Grand Conseil une augmentation substantielle de cette dernière, puisque son montant est quadruplé pour l’exercice allant du 1er août 1950 au 31 juillet 1951, soit une somme de CHF 16 500.-. Dès 1952, la subvention cantonale subit une nouvelle adaptation avec un montant de CHF 25 000.-, puis se monte à CHF 32 500.- dès 1958, année du quarantième anniversaire de la création de l’Ecole. L’année suivante, elle passe à CHF 40 000.- et franchit le cap des CHF 150 000.- en 1963. Avec une subvention de CHF 412 500.- (dont CHF 60 000.- pour le loyer), le président Uldry peut annoncer, dans son rapport 1968-1969, que le canton assure les quatre cinquièmes du budget de l’Ecole et saluer la bienveillance de l’Etat envers cette dernière. En dix ans, la subvention cantonale a été multipliée par douze.
48Les activités de l’Ecole se développent avec une certaine constance : créations de l’Ecole d’assistantes de médecins, de l’Ecole d’animateurs socioculturels, du cours de Maîtres et moniteurs d’ateliers professionnels, de l’Ecole d’éducateurs ainsi que du CERES ; cela conduit le budget de l’Ecole à passer la barre du million de francs au début des années 1970, puis celui de cinq millions dans la première moitié des années 1980. Le budget franchit la barre des dix millions au début des années 1990 et se stabilise autour des onze millions de francs au début des années 2000. Mise en route en 1918 avec un budget d’une vingtaine de milliers de francs, l’évolution de son budget permet de lire le remarquable développement de l’Ecole au cours du temps. La subvention cantonale suit ce développement depuis 1947 et atteint la barre du million à la fin des années 1970, pour atteindre un pic d’environ sept millions en 1998 et se stabiliser autour de cinq millions et demi à l’orée des années 2000. Cette augmentation spectaculaire des sommes allouées à l’Ecole traduisent l’augmentation régulière des effectifs et le développement des infrastructures (CEFOC, CERES, SAVI, Sinfo, infothèque), mais doit aussi être mise en lien avec l’augmentation du coût de la vie, l’évaluation des fonctions et l’entrée du personnel au sein de la CIA (cf. chapitre 5). Si l’Etat de Genève a soutenu l’Ecole assez tardivement, il faut ici relever la constance de son soutien depuis lors ; en 1972, l’augmentation des subventions conduit le trésorier André d’Arbigny à s’inquiéter quant au statut privé de l’IES « au vu de l’importance croissante des subventions officielles »328.
49Certes, un tel investissement de la part de l’Etat ne s’est pas effectué sans heurts ni contreparties. Dès 1964, les comptes de l’Ecole sont vérifiés par le service du contrôle financier de l’Etat et, dès 1971, l’exercice comptable doit porter sur l’année civile et non plus sur l’année scolaire. Dès cette même année, les tarifs de rémunération des chargés de cours et des experts doivent obtenir l’aval du DIP. Dès 1975, au vu de l’importance du financement cantonal, l’Etat impose une augmentation du nombre de ses représentants au sein du comité, qui passe de un à trois délégués (cf. chapitre 2) ; au début des années 1980, les services financiers de l’Etat font pression sur l’Ecole pour qu’elle passe d’une comptabilité manuelle à une comptabilité informatisée et le DIP exige, dès 1981, qu’elle rédige un plan quadriennal de développement accompagnant son budget, dans le but d’éviter à l’avenir les demandes de subventions extraordinaires auxquelles l’IES a dû recourir à plusieurs reprises depuis le milieu des années 1970. Relevons que c’est à partir de cette période que l’Etat impose à tous ses départements et aux organismes subventionnés des mesures d’économie, qui correspondent pour ces derniers à des baisses de subventions substantielles ; c’est la fin des Trente Glorieuses : la crise la plus importante depuis la Deuxième Guerre mondiale frappe la Suisse329, et le canton de Genève – bien que, dans un premier temps, moins affecté que d’autres régions330 – commence à mettre en place une politique d’austérité. Les premières baisses de subventions attribuées à l’Ecole apparaissent dès 1973 et en 1975, c’est avec une somme cantonale de CHF 50 000.- de moins que l’Ecole doit boucler son budget, pour arriver en 1980 avec une demande de d’Etat de réduire de CHF 250 000.- la somme demandée au titre de subvention cantonale. Après quelques exercices comptables bénéficiaires, l’Ecole renoue avec les déficits : de CHF 21 000.- en 1977, il passe à CHF 311 000.- en 1979 et le budget de 1982 prévoit un déficit de CHF 624 000.- ; au prix de diverses mesures drastiques – dont certaines difficiles à prendre pour une institution de formation, telle la suppression de la deuxième volée de formation en emploi INTEREC qui devait débuter en 1982 –, l’Ecole parvient à réduire ce déficit budgétaire à CHF 105 400.- et au 31 décembre 1982, les comptes se bouclent avec un déficit effectif de CHF 94 000.-, ce qui a permis d’éviter de recourir à un emprunt pour couvrir le déficit, ainsi que le recommandait André Chavanne.
50Les restrictions budgétaires imposées – à tout le secteur subventionné, rappelons-le – tombent au plus mauvais moment pour l’IES, qui vient de créer le CEFOC en 1978, d’ouvrir la formation INTEREC et de créer un poste de responsable audiovisuel en 1980, et dont les charges salariales ont déjà été alourdies avec l’évaluation des fonctions adoptée en 1979 ; ces demandes budgétaires interviennent, par ailleurs, au moment même où l’IES négocie avec l’Etat l’adhésion à la CIA (cf. chapitre 5). Par ailleurs, la pratique fédérale consistant à verser les subventions a posteriori contribue à placer l’IES dans une situation financière fragile, le conduisant même à de réelles difficultés de trésorerie en 1982331. Si, jusqu’en 1977, le canton a accepté de couvrir les déficits découlant de ces versements fédéraux a posteriori, il demandait à l’IES de lui rétrocéder les montants avancés ; à partir de 1978, le chef du DIP André Chavanne accepte que l’Ecole conserve ces subventions, mais demande à ce que leurs montants soient budgétés « au plus juste, c’est-à-dire dans l’hypothèse la plus défavorable »332, arguant qu’il est plus facile de conserver un excédent que de demander une couverture de déficit. Il convient de relever ici que l’IES a toujours bénéficié d’une large compréhension de la part d’André Chavanne, ainsi que du soutien actif et des conseils précieux de son directeur administratif et financier du DIP, Dominique Föllmi333. Si les relations ont parfois été âpres, il apparaît qu’elles étaient franches et, plus d’une fois, le chef du DIP a accepté de soutenir des demandes de subventions extraordinaires permettant à l’Ecole de traverser la période allant du milieu des années 1970 au milieu des années 1980 sans trop de dommages. Les procès-verbaux du conseil de direction portant sur cette période témoignent de l’importance des problèmes financiers de l’IES et de l’intense activité déployée avec le DIP et les services financiers de l’Etat. Il est d’ailleurs frappant de constater que, à partir de l’entrée en vigueur de la fondation de l’IES en 1985, puis de l’adoption en 1992 de la loi fédérale sur les aides financières aux écoles de travail social, les rapports annuels et les procès-verbaux n’accordent plus qu’une place marginale aux questions financières et de subventionnement. C’est ainsi que dans le rapport annuel 1992-1993, le directeur Paul Weber se contente d’indiquer, sous le chapitre des finances, que « 62 % de nos recettes proviennent de la subvention du Canton de Genève, 26.5 % de la Confédération (Office fédéral de l’éducation et de la science 19.4 % et Office fédéral des assurances sociales 7.1 %), 6.5 % des écolages (il s’agit essentiellement des finances d’inscription aux cours du CEFOC) et le solde de 5 % d’autres recettes (Fonds national de la recherche scientifique, rétrocessions de salaires, etc.) ».
Les subventions communales
51Hormis le don de CHF 200.- qu’elle a octroyé en 1922, ce n’est qu’à partir de 1947 que la Ville de Genève accepte l’octroi d’une subvention régulière à l’Ecole ; son montant est de CHF 2 000.-334, mais, à la différence de la subvention cantonale qui augmente au fil du temps, la subvention communale fait preuve d’une étonnante stagnation malgré plusieurs sollicitations de la part du comité en vue d’une augmentation de cette somme. Ce n’est qu’en 1966 que la Ville répond favorablement à une telle demande et sa subvention passe à CHF 3 000.-, somme qui reste inchangée jusqu’en 1984, année où elle passe à CHF 15 000.- ; en 1982, le comité de direction a en effet écrit au maire de la Ville de Genève, Claude Ketterer, pour solliciter une augmentation de la contribution communale en argumentant sur le fait que la somme de CHF 3 000.- « correspond à la moitié du coût d’un étudiant pour une année, alors que l’IES est fréquentée par sept-cent étudiants»335, ainsi que sur le fait que la Ville bénéficie de professionnels formés par l’Ecole, qu’il s’agisse des travailleurs sociaux ou des bibliothécaires. L’augmentation octroyée en 1984 signe la reconnaissance de l’apport de ces formations pour les différents services et organismes municipaux.
52Cependant, la subvention communale subit une baisse à CHF 14 250.- dès 1991 et est supprimée dès l’exercice comptable de 1992 : la Ville subit elle aussi les conséquences de la récession qui touche le canton et l’adoption de la loi fédérale sur les aides financières aux écoles de travail social contribue à son retrait définitif de tout subventionnement de l’IES.
L’ouverture sur l’international
La première Conférence internationale de service social
53Dès 1926, cette ouverture à l’international se renforce par un engagement important et durable accepté de plein droit par le comité de direction, mais dont la réalisation repose essentiellement sur les épaules de la directrice, Marguerite Wagner-Beck ; cette dernière se rend à Paris en septembre, à l’invitation de la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge, pour la création du comité provisoire d’organisation de la première Conférence internationale de service social (ICSW336), qui doit se tenir en juillet 1928. Elue membre du comité d’organisation, elle assume la vice-présidence de la IIe section (enseignement du service social), aux côtés d’Alice Salomon (Allemagne), présidente de la section, d’Elisabeth Macadam (Grande-Bretagne), de Marie Mulle (Belgique) et de Marinus Jan Adriaan Moltzer (Pays-Bas), vice-présidents. Le but de la conférence, qui réunira à Paris 2841 participants337 du 8 au 13 juillet 1928, est de « faciliter l’établissement de relations personnelles, de contribuer à la diffusion des renseignements, de permettre les échanges de vues entre les travailleurs sociaux et les organisations du service social du monde entier » (Première Conférence internationale de service social, 1929, p. 25). La Conférence internationale de service social a lieu tous les quatre ans et Marguerite Wagner-Beck sera membre de son comité d’organisation jusqu’à la conférence de 1936, qui se tiendra à Londres ; c’est la dernière conférence avant les hostilités, celle prévue à Bruxelles en 1940 étant annulée en raison de la situation internationale. Chaque pays adhérant à la Conférence internationale de service social étant encouragé à créer un comité national, c’est Marguerite Wagner-Beck qui est chargée de constituer le comité national suisse en vue de favoriser la participation des institutions publiques, des œuvres sociales et des travailleurs sociaux à la conférence de 1928. Aux côtés de trois conseillers fédéraux et de diverses personnalités de toute la Suisse représentant les milieux concernés, nous trouvons dans ce comité national plusieurs membres du comité de direction de l’Ecole (Töndury, Choisy, Bovet, entre autres), ce qui confirme, si besoin était, que l’engagement de l’Ecole sur la scène internationale n’est pas le fait de sa seule directrice. La mise en place de ce comité national contribue en outre à un rapprochement plus formel des écoles de Genève, Lucerne et Zurich avec la création, en 1928, de la Conférence des directrices des écoles de service social ; cette dernière deviendra en 1963 le Comité suisse des écoles de service social, puis, en 1975, la Conférence suisse des écoles de service social (CSESS).
Un Comité international des Ecoles de service social
54A la suite de cette première conférence, s’opère au plan international ce qui s’est passé en Suisse pour les écoles de service social : la création à Berlin en 1929 d’une instance réunissant les écoles, le Comité international des écoles de service social (International Committee of Schools of Social Work-ICSSW)338. La présidence en est confiée à Alice Salomon et la directrice de l’Ecole de Genève est élue membre du secrétariat de cette nouvelle organisation internationale ; le bureau du comité tiendra d’ailleurs ses séances à l’Ecole en 1933, 1938 et 1946. La directrice de l’Ecole est plus particulièrement chargée de prendre contact avec le Bureau international du travail (BIT) en vue de rassembler en son sein toute la documentation sur les écoles sociales des différents pays ; le BIT créera ainsi, en 1929, un centre de documentation des écoles de service social au sein de sa bibliothèque et en confiera la responsabilité à André de Maday (cf. chapitre premier) ; la responsabilité du bureau de renseignement sur les écoles sociales lié à ce centre de documentation est confié à l’Ecole d’études sociales, et c’est ainsi que Marguerite Wagner-Beck se livre à un imposant travail de recensement des programmes et des travaux de diplômes des écoles membres du comité international (en 1932, ce ne sont pas moins de 1 500 fiches qui ont été reçues…).
55Qu’il s’agisse des conférences internationales de service social ou du comité international des écoles de service social, cette ouverture sur le monde contribue non seulement à renforcer la connaissance et la reconnaissance du service social, mais aussi, et peut-être surtout, les relations interpersonnelles entre leurs membres. C’est donc grâce aux relations établies avec les directrices et directeurs d’écoles sociales ou d’institutions sociales que Marguerite Wagner-Beck inaugure une nouvelle pratique avec ses élèves : les voyages d’études internationaux – qui deviendront ultérieurement une tradition bisannuelle – en vue de connaître d’autres réalités et d’autres contextes du travail social ; le premier voyage a lieu à Paris en 1931, puis à Rome en 1933, à Bruxelles en 1934 et en Hollande en 1935. Ces voyages peuvent être perçus aussi comme une forme d’application de l’intuition de M.J.A. Moltzer, directeur de l’école sociale d’Amsterdam, concernant l’intérêt pédagogique des échanges d’étudiants et de professeurs entre pays différents ; intuition émise dans un rapport qu’il présente à la deuxième conférence internationale à Francfort, en 1932, dont le principe est adopté par l’assemblée, malgré les difficultés financières de tels échanges dans une période économique difficile, liée à la crise de 1929. Nous pouvons relever ici qu’il s’agit des prémices de ce qui donnera bien plus tard naissance aux échanges internationaux entre écoles sociales, qu’il s’agisse d’échanges sous l’égide d’Erasmus ou non. En ce qui concerne les apports de ces rencontres internationales pour la reconnaissance du service social, rappelons que c’est lors de la première conférence internationale que s’esquisse une première définition consensuelle de ce champ :
[...] embrassant tout effort visant à soulager les souffrances provenant de la misère, à replacer les individus et les familles dans des conditions normales d’existence, à prévenir les fléaux sociaux, à améliorer les conditions sociales et à élever le niveau de l’existence, soit par le service social des cas individuels, soit par les services sociaux collectifs, soit par l’action législative et administrative de la collectivité, soit enfin par les recherches et les enquêtes sociales (Première Conférence internationale de service social, 1929a, p. 7).
56Il est à remarquer que cette définition – considérée à l’époque par certains comme trop large – fait non seulement référence à l’intervention individuelle et collective pour le service social, mais qu’elle mentionne la recherche et l’enquête sociale, ainsi que la dimension législative (ce qu’on nomme aujourd’hui la politique sociale) et administrative comme faisant partie intégrante du service social. C’est lors de la troisième conférence internationale de 1936 qu’est adopté un programme minimum pour les écoles de service social, mettant en exergue l’importance du lien théorie-pratique et la nécessité de mieux lier la formation en école et les stages ; ce programme minimum n’a cependant pas de valeur contraignante et ce n’est qu’en 1950 que la Conférence suisse des directrices d’écoles de service social édictera son premier programme minimum de formation.
Une présence discrète dans une Europe en guerre
57Dans cette période d’entre-deux-guerres, l’Ecole n’est pas insensible à la détérioration de la situation internationale et tente, malgré ses maigres moyens, de répondre au mieux aux sollicitations qui lui proviennent de l’étranger. C’est ainsi que, en 1933, le comité de direction alloue une centaine339 de francs à une action, soutenue par les écoles de Lucerne et de Zurich, visant à procurer un séjour de vacances à plusieurs assistantes sociales allemandes340 et qu’il prend acte de la demande du Comité international des écoles de service social de venir en aide à des professeurs allemands ayant perdu leur emploi, suite aux circonstances politiques dans leur pays. Estimant ne pas pouvoir faire grand-chose à ce moment en termes de travail, le comité de direction s’engage toutefois à examiner la possibilité pour le foyer de l’Ecole de venir en aide à l’une ou l’autre de ces personnes. C’est ainsi que le procès-verbal du comité du 14 juillet 1933 nous apprend que le comité de direction a accepté de recevoir deux réfugiées intellectuelles allemandes en échange de leçons d’allemand. En 1936, le comité est tenu informé par la directrice du fait que, lors du Comité international des écoles de service social qui s’est tenu à Francfort – suite à la deuxième Conférence internationale de service social –, l’Allemagne n’a pas envoyé de délégués parce que le comité international était placé sous la présidence d’Alice Salomon, alors directrice de la Soziale Frauenschule de Berlin. Née dans une famille commerçante juive, cette dernière est expulsée d’Allemagne en 1937 et se réfugie aux Etats-Unis. Lorsque, en mai 1938, le Comité international des écoles de service social crée un fonds pour venir en aide à Alice Salomon, le comité de l’Ecole décide d’y participer en versant une somme de 2 £ annuelles341. Du fait de l’éloignement d’Alice Salomon de l’autre côté de l’Atlantique et de la guerre, les activités du comité international se trouvent interrompues ; il est toutefois décidé de maintenir son titre à la présidente en exil et Marguerite Wagner-Beck est désignée, en tant que vice-présidente, pour la remplacer ad interim et assurer la continuité. Le comité de direction de l’Ecole, par la voix d’Eugène Choisy, se félicite de ce choix « qui honore notre directrice et l’Ecole »342. Cette dernière s’efforcera de maintenir un lien épistolaire avec les diverses écoles des pays belligérants afin de maintenir le lien entre les écoles membres du comité international et l’Ecole servira d’intermédiaire pour leur correspondance.
Le Livre du soldat
58En 1944, les élèves de l’Ecole, toutes sections confondues, répondent activement aux demandes des assistantes sociales et des aumôniers des camps de réfugiés établis dans les cantons de Vaud et de Genève en organisant des récoltes de jouets, de livres, de tissus, de savons et de cirage, ainsi que deux soirées pour récolter de l’argent en vue d’acheter des vêtements et de la laine à tricoter destinés aux internés. Dès le début de la guerre, les élèves ont manifesté leur volonté de se rendre utiles de quelque manière que ce soit, au vu des circonstances de l’époque ; dès 1939 germe le projet de récolter des livres pour les foyers du soldat gérés par le Département social romand (DSR) des Unions chrétiennes de jeunes gens. Ce projet est transmis au DSR par un membre du comité de l’Ecole et le projet de récolte de livres se transforme en projet d’organisation et de gestion d’une bibliothèque circulante et gratuite pour les soldats suisses, le Livre du soldat. Le DSR entre en matière et fournit des fonds à disposition, l’Ecole mettant à disposition du personnel bénévole – des élèves – pour réaliser le projet. C’est ainsi que les élèves récoltent près de quatre mille ouvrages dans le canton, qu’elles répartissent dans des caissettes en bois contenant une vingtaine de volumes destinés aux soldats romands mobilisés et, plus tard, dans des caissettes de soixante volumes, destinées aux militaires français internés en Suisse343. Les élèves de la section Bibliothécaires sont en première ligne pour le remplissage des caisses, mais sont secondées par les élèves de la section Activités sociales ; le Livre du soldat est une opération qui connaît un certain succès, puisque l’on passe de 192 caisses en 1939 à 344 en 1943.
59Notons encore au chapitre de la modeste place que l’Ecole a occupée durant la Seconde Guerre mondiale qu’elle a accueilli des étudiantes juives dès 1933, dans la mesure de ses possibilités : mais « c’est beaucoup trop peu, vu l’affluence de demandes de familles israélites d’Allemagne qui nous supplient d’accepter leur fille à l’Ecole344», déplore Marguerite Wagner-Beck. En 1942, la directrice de l’école sociale de Bruxelles sollicite l’Ecole de Genève pour venir en aide à deux jeunes réfugiées belges en France, poursuivies par la Gestapo du fait de leur origine juive et dont l’une était professeure dans son école. Des démarches sont alors entreprises auprès du conseiller d’Etat genevois Paul Balmer, en charge du Département de justice et police, en vue de ramener la caution exigée pour l’obtention d’un visa de CHF 10 000.-345 à CHF 5 000.- pour les deux personnes ; les écoles de Genève et de Zurich mettront CHF 2 000.- et les CHF 1 000.- restants seront réunis par l’association des anciennes élèves des deux écoles. Les deux jeunes filles n’ont toutefois pas utilisé le visa obtenu et sont restées cachées en Haute-Savoie jusqu’à la fin des hostilités. L’une d’elle, l’enseignante, rendra visite à l’Ecole en été 1944 pour la remercier de son intervention et s’est engagée auprès de l’administration des Nations-Unies pour le secours et la reconstruction (UNRRA) pour travailler auprès de huit camps de concentration. Pour conclure sur cette période de guerre, nous pouvons constater que l’ouverture à l’international n’a pas seulement été le fait d’une présence active dans diverses instances de réflexion sur le service social, mais s’est aussi traduite par des actes d’humble solidarité envers des professionnelles affectées par les conséquences de la guerre.
Liens avec l’Université
60Dans son opuscule publié en 1918, Hans Töndury aborde les liens avec l’Université sous l’angle de la complémentarité avec l’Ecole d’études sociales pour femmes, argumentant sur la différence du projet pédagogique des deux institutions : une formation purement théorique et à la recherche pour l’Université, alors qu’il vise à promouvoir une formation alternant l’enseignement théorique et la formation pratique pour l’Ecole. Il relève, en outre, que la formation universitaire exige préalablement « des études classiques et scientifiques approfondies », alors que « celle des professions féminines exigera avant tout, à côté des connaissances de culture générales, des études dans le domaine pratique. Il ressort de tout ceci que l’introduction de ces études professionnelles à l’Université n’est pas désirable » (Töndury, 1918, p. 32-33). Selon Töndury, le positionnement de ces formations professionnelles à l’Université induirait l’exigence d’un niveau d’admission élevé qui serait contradictoire avec leur objectif même de promotion des carrières féminines ; rappelons en effet qu’en ce début du XXe siècle, l’accès à l’Université reste purement théorique pour les jeunes filles genevoises, pour lesquelles la voie des études secondaires est l’Ecole secondaire et supérieure de jeunes filles, qui n’introduit le latin dans son programme qu’en 1900 – comme discipline facultative – et n’offre qu’à partir de 1922346 une maturité réale347 latine – reconnue par la Confédération en 1928. Or, le latin et la maturité sont, à l’époque, deux conditions d’accès à l’Université348. C’est la raison pour laquelle Töndur y prévoit qu’« il y aura d’un côté l’Université, institution de recherches scientifiques, avec son enseignement purement théorique ; de l’autre, l’école d’études sociales pour femmes dont l’enseignement, basé sur le travail scientifique, aura surtout une tendance technique et pratique » (Töndury, 1918, p. 33).
Rapprochement ou rattachement ?
61Toutefois, dès 1920, ces velléités de collaboration avec l’Université de Genève se transforment en désir de rattachement à cette dernière, dans le but de donner une position financière plus stable à l’Ecole. L’intention est attestée dans les procès-verbaux du comité de direction, mais ces derniers ne font aucune mention de démarches officielles à ce sujet ; au contraire, l’intention du rattachement semble, à ce moment-là, devoir rester confidentielle. En effet, lors de la séance du comité de direction du 27 novembre 1920, alors qu’Eugène Choisy présente les éléments qu’il compte inclure dans le prochain rapport annuel, Hans Töndury estime inopportun de mentionner dans ce dernier l’idée du rattachement à l’Université, pensant que cela pourrait nuire à l’idée elle-même, et le comité se montre « d’accord pour que nous ne laissions pas trop voir le but que nous désirons atteindre »349. Ce but fait l’objet de ce qui apparaît être une stratégie d’approche progressive, que l’on peut lire dans la nomination, à partir de décembre 1920, de Charles Muller comme directeur des études (cf. chapitre 5) : ce dernier, pasteur licencié en théologie et en droit, présente toutes les qualités requises pour ce poste, et surtout « en vue d’un éventuel rattachement de notre Ecole à l’Université, il importerait d’avoir à sa tête un gradué350». En mai 1921, plusieurs voix au sein du comité expriment le vœu d’un rattachement prochain à l’Université mais, ici encore, aucune démarche officielle n’est entreprise à ce sujet. La question revient en juin 1927, lorsque Hans Töndury propose, afin d’établir un contact avec l’Université, de recommander aux élèves de l’Ecole certains cours à l’Institut des hautes études commerciales – parmi lesquels les conférences qu’il y donne – et, en juillet 1927, le comité entérine cette idée en acceptant que l’Ecole prenne à sa charge la moitié des frais d’inscription ; lors du comité de direction du 15 mai 1928, Hans Töndury annonce qu’un accord a été conclu avec l’Institut des hautes études commerciales de la Faculté des Sciences économiques et sociales, permettant l’admission des élèves de l’Ecole à plusieurs cours universitaires. Cet accord marque la fin provisoire des velléités de rattachement de l’Ecole à l’Université et signe le retour à la conception d’une complémentarité sous la forme d’une collaboration entre les deux institutions, au même titre qu’elle existe déjà avec l’Institut des sciences de l’éducation et l’Institut des ministères féminins ; en effet, dès 1918, une collaboration s’instaure avec l’Institut Rousseau, qui ouvre certains cours aux élèves de l’Ecole (notamment Psychologie et pédagogie des enfants anormaux, Pathologie et clinique des enfants anormaux, Les grands principes de l’éducation des petits, Questions sociales relatives à l’enfant) et avec l’Institut des ministères féminins, dès 1929, pour un cours portant sur la morale, puis un enseignement sur le christianisme social.
62Durant l’année 1957, le comité de direction met en place une commission appelée à traiter des liens avec l’Université de Genève, dont l’un des participants est un nouveau membre élu en 1956 au sein du comité, Christian Dominicé, professeur de droit à l’Université. C’est notamment sous son impulsion que naît le projet de faciliter l’obtention du diplôme d’assistant social aux étudiants de la Faculté de droit et de celle des sciences économiques et sociales. En novembre 1957, l’assemblée générale de l’Ecole est informée que les démarches effectuées auprès du sénat de l’Université ont reçu un accueil favorable et que la faculté a inscrit à son programme la possibilité de faire parallèlement ou successivement des études d’assistant social, selon le principe de suivre les cours théoriques à l’Ecole en deux semestres au lieu de quatre, d’effectuer un stage de douze mois et de rédiger un travail de diplôme. Cette offre de formation vient de s’ouvrir à l’automne et déjà trois étudiants universitaires sont inscrits dans cette nouvelle démarche. Cette collaboration ne survivra pas aux années 1960, mais il est à noter que deux universités romandes – celles de Fribourg et de Neuchâtel – proposeront dans les années 1970 une licence en service social sans collaboration avec les écoles sociales351.
La prudence du comité
63La question du rattachement de l’Ecole à l’Université de Genève redevient d’actualité en 1962, à l’occasion des travaux de la commission chargée de réfléchir à un rattachement de l’Ecole à l’Etat (cf. supra) ; l’augmentation des activités de l’Ecole par la création de l’Ecole d’assistantes de médecins en 1953, du Centre de formation des éducateurs pour l’enfance inadaptée en 1954, puis celle de l’Ecole d’animateurs de jeunesse en 1962, ainsi que la dépendance de plus en plus importante aux subsides cantonaux conduisent le comité à s’interroger sur l’avenir de l’institution. L’éventualité d’un rattachement à l’Université est alors envisagée comme une voie possible, permettant une meilleure stabilité financière de l’Ecole, une amélioration du niveau des études et, par conséquent, une meilleure reconnaissance de ses formations. Les réflexions que mène l’Université de Genève à cette époque sur son enseignement – visant à compléter les études théoriques par des travaux pratiques et des stages en vue de renforcer le contact des étudiants avec la vie économique – semblent justifier les intentions du comité de direction ; dans son rapport présenté à l’assemblée générale du 21 novembre 1963, Raymond Uldry confirme ce fait et argumente sur les apports potentiels de l’Ecole à l’Université : « L’Université elle-même souhaite que les études théoriques approfondies s’insèrent dans la réalité, ce qui est un excellent moyen de stimuler les étudiants et de motiver leur effort. Notre Ecole peut fort bien jouer le rôle d’institut spécialisé, elle est un champ d’expérimentations idéal. Par les stages pratiques qu’elle organise, par l’apprentissage systématique des techniques professionnelles et par le contrôle vigilant du travail personnel des élèves, notre Ecole est un complément souhaitable des études universitaires. » Néanmoins, le comité se montre soucieux de ne pas aller trop vite en besogne, car le devenir de l’Ecole de bibliothécaires et des Ecoles de laborantines et d’assistantes de médecins, ainsi que du Centre de formation des éducateurs pour l’enfance inadaptée est à assurer en cas de rattachement de l’Ecole à l’Université ; il en va de même avec le diplôme de secrétariat d’institutions sociales de l’Ecole de service social : si la voie d’un rattachement de l’Ecole de service social apparaît pouvoir se faire « naturellement » au sein de la Faculté des sciences économique et sociales ou de la Faculté de droit, il n’en va pas de même avec les autres formations de l’Ecole, pour lesquelles l’intégration dans une faculté apparaît difficile – soit en termes de niveau de titre exigé à l’admission (assistantes de médecins, par exemple), soit en raison de l’absence de proximité des études théoriques (bibliothécaires).
64La situation n’ayant guère évolué deux ans plus tard, le président de la commission juridique – nouvelle appellation de la commission « rattachement à l’Etat » –, Robert Dottrens, pose par voie épistolaire de manière plus incisive la question qu’il considère comme prioritaire : « Le Comité est-il d’accord, oui ou non, de vouloir le rattachement de l’Ecole à l’Université dans des conditions analogues à celles dont a bénéficié l’Institut des sciences de l’éducation en 1948 ? »352 ; en outre, Dottrens fait part de son souhait que les commissions consultatives de chaque école se positionnent à l’égard d’un tel rattachement en argumentant sur ses avantages et désavantages, ainsi que sur les facultés avec lesquelles il faudrait négocier. Mais ici encore, le comité ne se montre pas prêt à franchir le pas d’une intégration au sein de l’Alma mater : il estime prématuré « de faire des ouvertures officielles auprès de l’Université. Nous sommes pour l’instant une Ecole professionnelle dont il n’est pas objectif de dire qu’elle a un niveau universitaire»353; il craint qu’un rattachement ne conduise à des changements trop importants pour les étudiants, notamment en termes de conditions d’admission. Le comité décide d’un rapprochement progressif, en travaillant d’abord à une amélioration du niveau de l’Ecole de service social – notamment par un affermissement des enseignements de sociologie et des recherches –, ainsi qu’en accroissant progressivement les liens avec les diverses facultés en vue d’un rattachement école par école, sur le long terme. Il apparaît donc qu’à choisir entre une meilleure assise pour l’avenir de l’Ecole par le biais d’un rattachement à l’Université et le maintien d’une ouverture la plus large possible de l’accès à ses formations professionnelles, le comité donne la préférence à la seconde option.
L’Ecole de bibliothécaires et l’Université
65La problématique du rattachement à l’Université n’est cependant pas enterrée définitivement : en 1965, des contacts ont été pris avec la Faculté des lettres en vue d’un rattachement de l’Ecole de bibliothécaires, mais les négociations débouchent sur une impasse, la faculté étant disposée à créer une licence en bibliothéconomie, mais d’une durée de quatre années et exigeant une élévation des conditions d’admission, alors que l’Ecole de bibliothécaires vient de réduire la durée de la formation pour les porteurs de maturité. C’est pourtant la Faculté des lettres qui reprend contact avec l’Ecole de bibliothécaires en 1975 pour savoir si cette dernière accepterait d’accueillir des étudiants en lettres et de leur proposer un programme cohérent en bibliothéconomie dans le cadre de l’option C de leur licence354. La réponse de l’Ecole de bibliothécaires, sans être négative a priori, reste néanmoins dubitative : elle craint des effets négatifs sur le terrain de l’emploi pour ses propres diplômés, les bibliothèques – surtout les bibliothèques universitaires – risquant de préférer à l’embauche des diplômés universitaires avec cette option C. Elle ne souhaite pas non plus former des bibliothécaires au rabais, estimant que les cours techniques et les stages sont indispensables pour acquérir de solides connaissances en bibliothéconomie. Or, l’acquisition de ces connaissances est incompatible avec les exigences de l’option C de la licence, qui demande six heures de cours hebdomadaires sur deux ans. Il s’ensuit plusieurs séances de négociation entre le doyen de la Faculté des lettres, le directeur de l’IES et les responsables de l’Ecole de bibliothécaires, qui aboutissent à un accord mis en œuvre dès la rentrée académique 1976 : les étudiants de la faculté choisissant l’option C en bibliothéconomie et qui souhaitent obtenir parallèlement le diplôme de bibliothécaire suivent les enseignements techniques de base de l’Ecole de bibliothécaires (dix à douze heures hebdomadaires), effectuent les stages prévus par l’Ecole avec un étalement possible et doivent présenter un travail de diplôme. Notons que cette possibilité de formation ne survivra pas à la mise en œuvre, dès 1990, du nouveau plan de formation de l’Ecole de bibliothécaires, dans lequel les heures de formation technique subissent une forte augmentation. A partir de 1982, c’est l’Ecole de bibliothécaires qui rouvre le dossier du rattachement à l’Université, constatant que, presque partout ailleurs dans le monde, les formations en bibliothéconomie sont dispensées en université ou en haute école ; il est notamment envisagé une licence en bibliothéconomie au sein de l’institut de la communication que l’Université envisage alors de créer. De plus, le départ des écoles médicales de l’IES conduit l’Ecole de bibliothécaires à se considérer en situation de minorité au sein de l’institut, au vu des effectifs plus importants des filières sociales. La réouverture du dossier universitaire est en outre alimentée par les conclusions du rapport de la commission Schneider – du nom du président de la Commission fédérale pour la coordination de la documentation scientifique –, qui préconisent la transformation de l’Ecole de bibliothécaires en un institut universitaire autonome au sein de l’Université de Genève. C’est cependant une fin de non-recevoir qu’oppose à ce projet le vice-recteur, l’Université ne souhaitant pas développer plus ses activités annexes. Jacqueline Court émet par ailleurs l’hypothèse que l’Université a pu s’offusquer de ces recommandations fédérales (Court et Kretschmer, 1993, p. 330). Le vice-recteur ne ferme cependant pas la porte à une collaboration plus étroite avec l’Ecole de bibliothécaires et propose la mise en place d’un groupe de travail pour y réfléchir. Ce groupe de travail débouche sur la création, dès 1987, d’une formation de troisième cycle, le certificat de spécialisation en information documentaire (CESID), dont le comité scientifique est composé de représentants de l’Ecole de bibliothécaires et des facultés des sciences, de sciences économiques et sociales, de droit et des lettres355. La page du rattachement de l’Ecole de bibliothécaires à l’Université est alors définitivement tournée.
Une formation universitaire en travail social ?
66Pour les formations sociales de l’IES, la question d’un rattachement à l’Université n’est plus une question d’actualité depuis 1964, année où le comité a décidé d’une politique des petits pas à l’égard du rapprochement avec l’Université ; c’est le mode de la collaboration qui prévaut et qui débouche sur quelques projets, dont certains sont d’envergure romande. La création de licences universitaires portant la mention « service social » à l’Université de Fribourg et au sein de celle de Neuchâtel dans les années 1970 est par ailleurs plutôt fraîchement reçue par l’Ecole de service social, dont la responsable, Andrée Menthonnex, fait part dans le Rapport annuel 1972-1973 de sa crainte de voir émerger une concurrence des deux voies de formation :
Que les écoles soient un jour incorporées aux universités parce que l’option aura été prise que les études en service social ont avantage à être universitaires, est une voie qui peut être acceptable et que de nombreux pays ont choisie ; autre chose est, à notre avis, de promouvoir sur un petit territoire comme la Suisse romande, deux voies distinctes de formation qui coûtent cher l’une et l’autre à la collectivité et qui conduiraient, sur le marché du travail à deux catégories d’assistants sociaux : les universitaires et les professionnels.
67La position que défendent alors les associations professionnelles et les écoles de service social est une formation professionnelle de base d’assistant social en école professionnelle, et une formation supérieure de perfectionnement et de spécialisation dans les universités.
68C’est donc en conformité avec cette position que l’IES accueille favorablement, en 1972, l’initiative des professeurs Roger Girod et Patrick de Laubier, de la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Genève, visant à créer un certificat universitaire de formation continue en politiques sociales accessible aux travailleurs sociaux. L’IES est associée à la mise en place et à la gestion de cette formation par la présence d’Yves de Saussure, puis de Marcel Fallet, dans la commission du cours qui débutera en janvier 1975. Dans la même période, la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Lausanne met en place un certificat de formation continue en action sociale, ouvert lui aussi aux travailleurs sociaux et opérationnel dès le printemps 1975 ; pour des raisons évidentes de proximité géographique, c’est l’Ecole d’études sociales et pédagogiques de Lausanne qui collabore à ce projet.
69Dès 1973, c’est avec le département de pédagogie de l’Ecole de psychologie et des sciences de l’éducation que des liens s’établissent, et plus particulièrement avec le professeur Michael A. Hubermann (1940-2001), qui y a présidé à des changements décisifs avec l’introduction du système de crédits, l’admission d’étudiants non-titulaires de maturité, une organisation des cours permettant l’exercice d’une activité professionnelle en parallèle ; ces contacts débouchent sur la possibilité pour les diplômés des Ecoles d’animateurs, d’éducateurs et de service social d’accéder à la licence en pédagogie dès 1974.
Le Diplôme supérieur en travail social
70Dès 1992, c’est une collaboration plurielle impliquant les Ecoles supérieures de travail social et les universités du territoire romand qui s’instaure avec la mise en place du Diplôme supérieur de formation continue en travail social (DSTS). L’initiative émane de l’Association vaudoise des travailleurs sociaux de l’éducation spécialisée (AVTES), qui propose de réfléchir à une formation continue de niveau universitaire pour les travailleurs sociaux, à l’instar de celle qui existe déjà en France depuis 1978356. Le groupe de travail nommé à cet effet regroupe finalement trois universités romandes (Fribourg, Genève et Neuchâtel) et trois écoles de travail social (Fribourg, Genève et Lausanne) ; il débouche sur la proposition d’un cours sur trois années d’environ neuf cents heures, dont au moins trois cents heures doivent avoir été suivies dans le cadre des formations continues pour travailleurs sociaux – i.e. des formations offertes par le CEFOC, l’INPER ou le Certificat de politiques sociales –, ce qui permet de valoriser dans le cadre de ce cursus à vocation universitaire les formations professionnelles permanentes existantes. En effet, si les écoles de travail social participent à la gestion du programme qui débute en 1994, ce dernier est placé sous la responsabilité des instances universitaires, en l’occurrence l’Université de Neuchâtel, qui signe les certificats ; malgré les tentatives des écoles sociales en vue d’obtenir une cosignature, les instances universitaires l’ont toujours refusée. La convention liant les trois universités et les trois écoles de travail social est dénoncée en 2006 et le DSTS devient un Master of Advanced Studies de la HES-SO, le MAS en action et politiques sociales géré par l’EESP. Les écoles de travail social sont effectivement entre-temps passées du niveau tertiaire non universitaire (écoles supérieures) au niveau tertiaire universitaire (HES) et l’intérêt d’une « caution » universitaire sur des certificats de formation continue en travail social ne présentait plus vraiment d’intérêt. Si l’abandon du DSTS signe définitivement l’émancipation des écoles de travail social à l’égard de la tentation universitaire, il signe aussi l’apparition d’une ère nouvelle dans le champ de la formation continue : celle de la concurrence.
71Relevons encore que les liens entre l’Université de Genève et l’IES n’ont pas été exclusivement liés à des questions de collaboration pour des formations : ils ont aussi porté sur des questions techniques, et plus spécifiquement informatiques. En effet, si les débuts de l’informatisation de l’Ecole remontent à 1981 (cf. chapitre 4), le développement fulgurant des systèmes et des applications informatiques, ainsi que l’apparition publique d’Internet dès le milieu des années 1980, conduisent l’IES à opter pour un concept informatique compatible avec celui de l’Université. Une convention est signée à cet effet en janvier 1988 : à partir de ce moment-là, l’IES est considéré comme un nouveau groupe d’utilisateurs du réseau universitaire. Cet accueil informatique par l’Université cesse en 2004, année où l’IES-HETS rejoint officiellement le DIP et, par conséquent, le réseau informatique de l’Etat.
72Ce qui apparaît flagrant dans les relations de l’Ecole d’études sociales avec l’Université depuis 1918, c’est le jeu continu fait de rapprochements et de distanciations ; de la complémentarité rêvée par Töndury des formations aux collaborations effectives sur des projets de formation continue, en passant par l’intégration au système informatique de l’Université, c’est un fait que les deux institutions ne se sont pas ignorées et si l’Ecole a fait preuve d’ambition dans ses velléités de rattachement à l’Université, cette dernière a su ne pas faire preuve de condescendance à son égard. Avec son passage dans le niveau du tertiaire universitaire, la HETS a vu s’accomplir le souhait des membres du comité de direction qui se sont succédé depuis 1918, à savoir donner une meilleure assise à l’Ecole et une meilleure reconnaissance à ses formations, rendant caduque toute velléité d’intégration à l’Alma mater et laissant désormais le champ libre à des collaborations – parfois non exemptes d’une pincée de concurrence – sur des projets communs.
Lien aux autres écoles sociales
Des relations bilatérales aux Conférences suisses d’écoles
73Si les relations avec l’Université n’ont parfois pas été exemptes d’arrière-pensées stratégiques – liées au souhait d’une meilleure reconnaissance des formations ou d’une assise financière plus stable –, les liens avec les autres écoles sociales traversent divers états au cours du temps : de la comparaison courtoise à la cohabitation polie, puis à la coordination effective actuelle, en passant par la collaboration sur certains projets, sans omettre parfois une certaine pointe de concurrence.
74Très rapidement, en juin 1918 déjà, Marie Walter prend contact avec la directrice de l’Ecole sociale de Lucerne et avec celle des Cours sociaux de Zurich, cette dernière ayant fait parvenir un courrier à l’Ecole pour faire part de son souhait « de bonne entente et de travail en commun »357 ; le hasard fait qu’un courrier portant sur le même objet envoyé par la directrice de Zurich, Hedwige Bleuler-Waser (1869-1940), croise celui de Marie Walter. Les rapports avec les écoles de Suisse alémanique semblent empreints de cordialité, mais n’empêchent pas les comparaisons mettant en exergue les différences. Ainsi, Marie Walter ne semble pas peu fière d’annoncer, lors de l’assemblée générale du 2 mars 1922, que lors du Congrès national pour les intérêts féminins, qui s’est déroulé à Berne précédemment, a été donnée une conférence sur les écoles sociales par Martha von Meyenburg – alors directrice de la nouvelle Ecole sociale pour femmes de Zurich –, dont « il ressort que notre Ecole est la plus complète et la mieux fréquentée des quatre écoles existantes en Suisse »358. La crainte d’une concurrence de la part des écoles alémaniques ne semble pas d’actualité : l’école de Lucerne est une école catholique qui fonctionne selon le système d’un internat et il est fort improbable qu’elle recrute des jeunes filles protestantes de Suisse romande ; quant à l’école de Zurich, les statistiques montrent que son ouverture, en 1920, ne modifie pas la proportion de jeunes filles provenant de Suisse alémanique au sein de l’école de Genève.
La création des conférences spécialisées
75Libérées de cette crainte, les écoles sociales peuvent entamer des collaborations sur des projets qui les réunissent sur le plan national, comme la préparation d’un stand et la présence à Berne, en 1928, à la SAFFA359, où les trois écoles présentent en commun notamment les carrières sociales ; cet événement permet « une heureuse collaboration avec les Ecoles de Lucerne et de Zurich »360, qui sera notamment renouvelée en 1933 à l’occasion de l’organisation du séjour de vacances pour assistantes sociales allemandes fatiguées (cf. supra), mais aussi durant la Seconde Guerre mondiale avec les démarches pour venir en aide à deux réfugiées juives belges (cf. supra), ou encore en 1944 avec la mise en place du cours d’auxiliaires pour le travail d’assistance d’après-guerre (cf. supra). La collaboration entre les écoles sociales suisses est en outre formalisée avec la création, en 1928, de la Conférence des directrices des écoles de service social, qui se transforme en 1963 en Comité suisse des écoles de service social, puis en 1975 en Conférence suisse des écoles de service social (CSESS) ; de rencontres de bon voisinage entre directrices qu’elles étaient au début, ces séances deviennent au fil du temps des moments de concertation, puis de coordination entre écoles sur les plans d’études, les exigences du travail de diplôme ou des stages. Un important travail au sein de cette instance aboutit, en 1950, à l’adoption d’un premier programme de formation, qui pose des exigences minimales permettant une reconnaissance mutuelle des formations. Dans la seconde moitié des années 1960, l’Ecole de service social de Lausanne rejoint la faîtière, puis c’est le tour de l’Ecole de Sion, dans la seconde moitié des années 1970. La faîtière devient aussi un interlocuteur de la Confédération pour discuter des subventions fédérales allouées aux écoles de service social. L’IES prend une part active au sein de la CSESS en assumant selon les périodes sa présidence ou sa vice-présidence, ainsi qu’une présence assidue dans diverses commissions ou groupes de travail mis en place.
76A peine créée, l’Ecole d’éducateurs spécialisés participe activement, par son directeur Paul Weber, à la création, en 1970, de la Conférence suisse des écoles d’éducateurs spécialisés (CSEES), regroupant quinze écoles d’éducateurs et qui édicte un premier programme minimum de formation ; Paul Weber présidera cette faîtière durant plusieurs années. En 1973 est en outre créé un Comité d’entente romand des écoles d’éducateurs spécialisés réunissant les Ecoles de Fribourg, Genève et Lausanne, puis Sion à partir de 1975 ; ce comité mène notamment une étude sur la situation de l’emploi des éducateurs spécialisés en Suisse romande (1985), mais sera dissout en 1996 pour laisser place à une nouvelle structure romande englobant toutes les écoles sociales de Suisse romande et du Tessin (cf. infra).
77L’Ecole d’animateurs socioculturels genevoise entretient des contacts réguliers avec l’Ecole lausannoise, puis avec celles de Zurich et de Lucerne. Les quatre écoles intensifient leur collaboration, qui débouche sur le souhait de développer leur coordination au sein d’une faîtière nationale ; ne visant pas, dans un premier temps, à créer une nouvelle structure, elles s’adressent à la CSESS qui, en 1978, a mis en place un groupe de travail « formation des animateurs » en vue d’harmoniser les programmes de formation entre les écoles sociales de Suisse. C’est toutefois une fin de non-recevoir que leur oppose la CSESS en 1982. La coordination des écoles d’animateurs se poursuit néanmoins et débouche, en 1984, sur la publication de la Plateforme commune des écoles suisses d’animateurs socioculturels –, document qui présente les objectifs et méthodes de l’animation, ainsi que les formations existantes. De leur côté, les Ecoles d’animateurs de Genève et de Lausanne organisent en 1984 et en 1986 les premières Journées romandes de l’animation. C’est le 8 décembre 1987 que les quatre écoles suisses d’animateurs se constituent en une faîtière, la Coordination des écoles suisses d’animation socioculturelle (CESASC), qui publie en 1990 une brochure bilingue présentant la profession et les formations, Animation socioculturelle, quelles formations pour quelles pratiques ? C’est au printemps 1991 que la CESASC adopte les exigences minimales pour la formation des animateurs socio-culturels et elle collabore à l’organisation du premier Symposium de l’animation socioculturelle, qui se déroule en mars 1992 à Bienne.
78Suite à l’adoption de la motion Fischer-Sursee (cf. supra) qui, outre l’inscription du subventionnement des écoles sociales dans une loi, les classe dans la catégorie des écoles supérieures, les trois faîtières ajoutent dès 1990 à leur dénomination le terme « supérieur », devenant la Conférence suisse des écoles supérieures de service social, la Conférence suisse des écoles supérieures d’éducateurs spécialisés et la Coordination suisse des écoles supérieures d’animation socioculturelle. A partir de 1995, un processus de rapprochement des trois faîtières est engagé, qui débouche le 1er janvier 1997 sur la création d’une faîtière unique, la Conférence suisse des écoles supérieures de travail social –, qui conserve pour acronyme l’abréviation de l’appellation allemande des écoles de service social, Schweizerische Arbeitsgemeinschaft der Schulen für Soziale Arbeit – SASSA. Cette dernière deviendra plus tard la Conférence suisse des hautes écoles spécialisées de travail social – SASSA. Dans l’intervalle, les écoles sociales romandes et tessinoise créent en 1992 la Conférence latine des écoles supérieures de travail social (CLESTS), qui devient en 2002 la Conférence romande des hautes écoles de travail social (CRHETS). La CLESTS est une instance qui jouera un rôle important dans les travaux préparatoires conduisant à la mise en place des formations HES en travail social en Suisse romande.
79Si chaque école était activement présente dans les instances nationales telles que la CSESS, la CSEES et la CESASC, la mise en place de la SASSA puis des HES conduit à une participation sur un mode représentatif plus restreint : les quatre écoles romandes sont alors représentées par une seule personne au sein du comité de la SASSA et les liens directs entre écoles romandes et suisses alémaniques ont alors tendance à se distendre. La perspective du passage en HES participe d’une intensification patente des relations entre les quatre écoles de travail social romandes au sein de la CLETS et au sein d’autres instances romandes mises en place à cet effet361. Les écoles de travail social se rencontrent régulièrement dans le cadre des séances du secteur Travail social de la HES-S2 – qui devient le domaine Travail social en 2005 – pour organiser et gérer le passage en HES ; par ailleurs de nombreux groupes de travail mis en place permettent aux enseignants de chaque école de collaborer sur le projet HES. Aujourd’hui, certains groupes de travail ont été institués en commissions permanentes et l’un des principes organisateurs est que chaque école y soit représentée ; il en va de même, par exemple, avec le collège des directions, le collège des responsables de la filière Bachelor en travail social ou le collège des responsables de la formation continue. Notons encore que le modèle HES encourage la mobilité des enseignants, et l’on peut observer que des collaborations se sont développées : des enseignants genevois interviennent ainsi occasionnellement ou régulièrement dans certains modules à Lausanne, Fribourg ou Sierre.
80Du fait de la demande de formation, il n’a jamais vraiment été question de réfléchir en termes de concurrence au fil des créations successives des écoles de travail social ; qu’il s’agisse de la création de l’Ecole de Zurich, de l’EESP, de l’Ecole de Fribourg ou de celle de Sion, les effectifs de l’Ecole de Genève ont régulièrement progressé au fil du temps, confirmant l’utilité de l’existence d’autres sites de formation. Certes, des différences ont marqué l’identité de chaque école – liées à la personnalité d’un directeur, à des choix pédagogiques, à son développement historique ou à son positionnement géographique –, mais cette diversité n’a pas été une cause de division et a réussi à s’inscrire dans les programmes cadres développés par les faîtières nationales. Des effets de concurrence commencent cependant à se faire jour avec le passage en HES lorsque des questions liées au financement sont en jeu, notamment dans les domaines de la recherche, de la formation continue ou des prestations de service, toutes activités qui, au sein de la HES-SO, doivent être autofinancées.
Le Master HES-SO en travail social
81A partir de 2007, la HES-SO ouvre des filières Master dans les domaines musique, design et arts visuels, économie et services et sciences de l’ingénieur, élargissant ainsi l’offre de formation en correspondance avec les Accords de Bologne. Le domaine Travail social entame alors les travaux en vue de proposer un Master consécutif à partir de la rentrée académique 2009. C’est une nouvelle occasion de collaboration entre les Ecoles de travail social de Suisse romande et du Tessin puisque, si le Master en travail social HES-SO est placé sous la responsabilité du domaine, ce sont les écoles qui fournissent l’essentiel des ressources humaines nécessaires à son fonctionnement, à savoir les enseignants ; par le biais des responsables de modules qui y siègent, elles sont aussi présentes dans le conseil de filière Master. Alors que la formation Bachelor en travail social est dispensée au sein des quatre Ecoles de travail social, la formation Master est centralisée à Lausanne, au sein des locaux de la HES-SO Master, ce qui participe d’une certaine forme de mobilité pour les enseignants et les étudiants.
Notes de bas de page
295 Relevons toutefois qu’au début du XXe siècle, l’usage du terme « société » est courant pour désigner une association, bien qu’il désigne une forme associative généralement plus restreinte quant à son ouverture sur l’extérieur, plus proche du cercle (société de lecture, société savante, société des arts, société philanthropique). Rappelons par ailleurs qu’en France la liberté d’association n’est adoptée qu’en 1901 (Loi du 1er juillet 1901).
296 Des articles pour le moins importants, puisqu’il s’agit de l’art. 2 portant sur les buts et de l’art. 27 portant sur la dissolution de l’association.
297 En francs actuels, environ (2018) : CHF 200.- = CHF 1 008.- / CHF 100.- = CHF 505.- / CHF 20.- = CHF 101.- / CHF 10.- = CHF 50.-.
298 Source : PV du comité de direction du 05.12.1968.
299 Source : PV du comité de direction du 04.03.1969.
300 Source : Rapport annuel de l’Institut d’études sociales 1972-1973, p. 4.
301 Depuis 2014, l’AP ne fait plus partie de l’organigramme de la HETS et est constituée en association.
302 Source : Rapport annuel de l’Institut d’études sociales 1978-1979, pp.2-3.
303 A noter toutefois que pour l’Ecole de service social, il faut attendre 1958 pour la voir dotée d’une commission consultative dans laquelle siègent, avec voix consultative, les monitrices.
304 Christian Dominicé (1931-), doctorat en droit de l’Université de Genève (1961), directeur de l’Institut des hautes études internationales de 1978 à 1984 ; membre du comité de l’Ecole de 1956 à 1968.
305 Dans sa séance du 30.10.1920, le comité fait déjà état d’un éventuel rattachement à l’Université mais, lors du Comité du 27 novembre 1920, il est décidé de ne pas en faire mention dans le rapport annuel pour ne pas nuire à ce projet, qui restera sans suite à ce moment-là.
306 Source : Rapport du président pour le 51e exercice 1968-1969, p. 3.
307 Source : Actes de Saint-Luc, juillet 1980, p. 1.
308 Outre les subventions, la signature des diplômes par le chef du DIP, extension à l’IES du droit à la gratuité des études, évaluation des fonctions, demande d’affiliation à la CIA et reprise par l’Etat des deux écoles paramédicales de l’IES.
309 Source : Actes de Saint-Luc, juillet 1980, p. 4.
310 Source : PV du comité de direction du 09.10.1980.
311 A l’unanimité des six membres présents, sur vingt que compte le comité.
312 Excepté la courte période de juin à octobre 1918, durant laquelle Emilie Gourd assume la présidence par intérim pendant l’absence de Töndury, en mission à Berne.
313 Ecoles relevant des domaines des Sciences de l’ingénieur et de l’architecture, de l’Economie et service, ainsi que du Design, intégrés dans le modèle HES dès 1995. Les écoles rattachées à la HES-S2 relèvent du domaine Santé, Social et Arts (théâtre, musique) (SSA).
314 Source : PV du comité de direction du 08.07.1919.
315 Source : PV du comité de direction du 15.12.1933.
316 Source : PV du comité de direction du 15.06.1943.
317 Relevons que toutes les problématiques évoquées ici restent d’actualité.
318 Source : PV du comité de direction du 13 décembre 1973.
319 Respectivement CHF 17 644.-, CHF 2 021.- et CHF 5 041.- actuels (2018).
320 Le lecteur se souviendra que c’est sur ce point que se noue le litige opposant Emilie Gourd à Töndury (cf. introduction).
321 Pour mémoire, ces deux communes sont encore des communes indépendantes à l’époque ; la commune de Plainpalais fusionnera avec la Ville de Genève en 1930 et celle des Eaux-Vives en 1931.
322 Source : Rapport du président à l’assemblée générale du 09.12.1922.
323 Source : PV du comité de direction du 17.03.1933.
324 Soit l’équivalent de CHF 125 000.- actuels (2018).
325 Motion Fischer-Sursee du 20 mars 1987, 87.390, Ecoles de service social. Subventionnement, Conseil national. Notons que la version française indique « service social » comme traduction de Sozialarbeit dans la version en allemand.
326 Source : Rapport du président à l’assemblée générale du 09.12.1922.
327 Soit l’équivalent de CHF 18 953.- actuels (2018).
328 Source : PV de la séance du comité de direction du 15.02.1972.
329 Récession due notamment à l’effondrement du système monétaire international (fin du taux de change fixe) et à la crise pétrolière de 1973.
330 Du fait de l’importance du secteur tertiaire – notamment les banques – et de l’importance des organisations internationales pour son économie, et en jouant sur la main-d’œuvre étrangère – notamment les travailleurs saisonniers –, le canton de Genève parvient à atténuer les effets de la crise jusqu’en 1976.
331 En effet, les subventions fédérales dues pour l’année 1981 ne seront versées qu’en 1983.
332 Source : PV du comité de direction du 15.06.1978.
333 Ce dernier prendra la tête du DIP suite aux élections cantonales de 1985, succédant ainsi à André Chavanne.
334 Soit l’équivalent de CHF 9 477.- actuels (2018).
335 Source : PV du comité de direction du 10.12.1981.
336 International Conference of Social Work, qui deviendra en 1966 l’International Council of Social Welfare, Conseil international de l’action sociale.
337 Dont soixante participants helvétiques.
338 Rebaptisée en 1956 International Association of Schools of Social Work (IASSW) – Association internationale des écoles de travail social (AIETS)
339 Soit l’équivalent de CHF 790.- actuels (2018).
340 De 1933 à 1935, cent trois assistantes sociales allemandes bénéficient de l’action Ferienhilfe für deutsche Fürsorgerinnen.
341 Soit l’équivalent de CHF 21.- de l’époque, correspondant à CH 158.- actuels (2018).
342 Source : PV du comité du 18.11.1938. La présidence sera reprise en 1946 par René Sand, fondateur et directeur de l’Ecole centrale d’application de service social de Bruxelles.
343 En juin 1940, la Suisse accepte sur son territoire 29 000 soldats français et 12 000 polonais, ainsi que 2 000 civils suite à la défaite en France ; ils sont répartis dans plusieurs camps d’internement gérés par le Commissariat fédéral à l’internement et à l’hospitalisation (CFIH). La majorité d’entre eux ont été engagés dans des travaux d’agriculture ou sur des chantiers.
344 Source : Rapport de la directrice du 18.03.1938.
345 Soit l’équivalent de CHF 53 000.- actuels, c’est-à-dire une somme très élevée.
346 Quant à la maturité scientifique, il faut attendre 1963 pour que l’Ecole supérieure de jeunes filles puisse la délivrer.
347 Face à l’importance prise par le développement des sciences, du commerce et des techniques au XIXe siècle, le Collège de Genève ouvre en 1886 dans la division supérieure une filière réale langues vivantes et latin, à côté de la filière classique latin-grec. Du latin res, la chose, la maturité réale vise un enseignement plus large que les humanités classiques. La mise en place de la maturité réale latine à l’ESJF en 1922 vise à permettre l’accès à l’Université pour les jeunes filles ; l’ESJF proposera dès 1928 une seconde maturité réale, la maturité réale moderne orientée sur les langues vivantes.
348 Relevons toutefois que, dès 1909, un raccordement permet aux jeunes filles ayant validé trois années d’études à l’Ecole supérieure de jeunes filles de rejoindre le gymnase (actuel collège à Genève) pour y terminer les deux dernières années conduisant à la maturité ; ce qui amène les filles à obtenir leur maturité en cinq ans contre quatre pour les garçons. D’après Schwed (1997, p. 83), la voie du raccordement permet d’éviter de poser une équivalence entre l’Ecole supérieure de jeunes filles et le Collège.
349 Source : PV du comité de direction du 27.11.1920.
350 Source : PV du comité de direction du 30.10.1920.
351 Université de Fribourg, de 1971 à 1998 ; Université de Neuchâtel, de 1974 à 2004. Ces licences visaient essentiellement à former des cadres du travail social.
352 Il s’agit de la création d’un institut inter-facultaire octroyant un statut académique aux grades délivrés et au personnel employé, ainsi qu’une sécurité financière, tout en ménageant une certaine autonomie dans l’établissement des plans d’études, l’engagement du personnel et la gestion de l’Institut (Hofstetter, Ratcliff et Schneuwly, 2012, p. 71).
353 Source : PV du comité de direction du 13.03.1964.
354 A l’époque, la licence en lettres comportait trois options – A, B et C – dont les deux premières étaient les branches principales de la licence, dont au moins une langue ; l’option C devait être accomplie avant la demi-licence et pouvait être choisie au sein d’une autre faculté ou d’une autre institution de formation (par exemple, l’Ecole d’architecture ou l’Ecole des beaux-arts).
355 Suite à l’arrêt des subventions de la Conférence universitaire de Suisse occidentale (CUSO) à ce programme de formation continue, le CESID disparaît en 2009.
356 Le Diplôme supérieur du travail social (DSTS) a été mis en place en 1978 ; il a été réformé en 1998 pour le coupler avec une maîtrise universitaire et a disparu en 2006, remplacé par le Diplôme d’Etat en ingénierie sociale (DEIS).
357 Source : PV du comité de direction du 29.06.1918.
358 Source : Rapport de la directrice à l’assemblée générale du 3.03.1922. La quatrième école dont il est fait mention est celle de Fribourg (cf. chapitre premier).
359 Schweizerische Ausstellung für Frauenarbeit, première exposition nationale suisse pour le travail féminin, organisée à Berne du 26 août au 30 septembre 1928 par l’Alliance des sociétés féminines suisses, la Ligue des femmes catholiques et vingt-huit associations féminines, dans le but de faire prendre conscience de l’importance du travail des femmes dans la société.
360 Source : Rapport de la directrice à l’AG du 01.06.1929.
361 Par exemple, au sein de la Conférence des centres d’enseignement des domaines de la santé et du travail social (C2ES2).
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