8. Annexes
p. 191-220
Texte intégral
8.1 Eclairage contextuel
8.1.2 Les juridictions gacaca : originalité et acquis
1Paul Rutayisire
2(Cette synthèse a été écrite en vue d’une présentation à Swisspeace, à Berne, en décembre 2011)
3Dans cette communication, j’aimerais insister sur l’originalité du processus gacaca dans la gestion du contentieux du génocide et sur l’héritage qu’il laisse à la communauté rwandaise. La première question qui vient à l’esprit, maintenant que l’on connaît plus ou moins les acquis des juridictions gacaca, est de savoir si la décision de confier le contentieux du génocide à la population était appropriée.
8.1.2.1 La complexité du contentieux du génocide
4Il faut d’abord rappeler la complexité de ce contentieux. Bien que l’élimination systématique des Tutsi présente toutes les caractéristiques d’un génocide planifié, celui-ci se particularise par la participation spontanée de milliers de citoyens ordinaires. Il a été aussi qualifié de génocide de « proximité », dans le sens où beaucoup de familles ont été tuées, trahies ou dénoncées par des voisins, ou de génocide « intrafamilial » dans le sens où certaines personnes ont été trahies par leur conjoint, et certains enfants par leur père ou leur mère ! Pendant la période critique des tueries de masse d’avril à juillet, la dénonciation, la participation dans l’assassinat des voisins et dans le pillage de leurs biens n’étaient pas des actes exceptionnels. Ils étaient quasiment généralisés. Ce qui fait que beaucoup de familles ordinaires se sont retrouvées avec des criminels ayant participé soit à la planification, à l’organisation, soit surtout à l’exécution du génocide. La résultante de cette banalisation de la criminalité (voulue par les planificateurs du génocide) est la culpabilité collective et finalement la déresponsabilisation.
Pourquoi, dans ce contexte, le choix des juridictions gacaca ?
5D’abord à cause du constat selon lequel les tribunaux ordinaires ne pouvaient pas juger les cas de coupables présumés du génocide et offrir la justice aux victimes et aux suspects pendant qu’ils étaient encore en vie. En effet, la première solution, qui s’est matérialisée par la loi du 30.08.1996 fut d’instituer des chambres spécialisées au sein des tribunaux civils et militaires, des parquets et des auditorats militaires pour prendre en charge les dossiers en rapport avec le génocide. Mais cinq ans après l’instauration de ces tribunaux, seuls six mille procès avaient été clôturés, alors que plus de cent vingt mille prisonniers étaient détenus provisoirement en attente d’être jugés et que beaucoup de rescapés meurtris par les blessures, le viol et le traumatisme mouraient progressivement avant d’obtenir justice. La tragédie était sans précédent dans l’histoire du Rwanda et il fallait réfléchir à une solution originale pour prendre en charge le contentieux du génocide, car aucun modèle de justice classique existant ne pouvait prendre efficacement en charge des crimes de masse aussi généralisés sur tout le territoire national.
6Deuxièmement, les quelques procès qui eurent lieu avaient clairement mis en évidence que le génocide qui venait d’être commis au Rwanda revêtait un autre caractère spécial, car il avait même réussi à disloquer des liens intrafamiliaux sacrés. Comment pouvait-on gérer les relations futures entre un père coupable de l’assassinat de son épouse et dont les propres enfants constituent ses principaux témoins à charge ? Dans un tel contexte, le besoins de justice allait de pair avec celui de ressouder les liens intrafamiliaux et interfamiliaux rompus par le génocide.
7Troisièmement, sur presque chaque colline, un crime a été commis, que ce soit sous la forme d’un discours d’incitation à la participation au génocide, de dénonciation de lieux de cache des victimes, de viol, de tuerie ou de pillage, etc. Face à l’ampleur de l’entreprise génocidaire, au nombre de participants, à la multiplication des lieux de crime, aucun dispositif classique d’investigation ne pouvait conduire à des enquêtes dignes de ce nom dans un temps raisonnable, instruire les dossiers et conduire les procès pour que les victimes et les détenus puissent obtenir justice de leur vivant.
8Bref, aucune alternative autre que les juridictions gacaca ne permettait à la fois d’offrir aux victimes et aux suspects en prison la justice dans un temps raisonnable, et d’établir la responsabilité individuelle de milliers de suspects. On évitait également ainsi de ne traduire en justice que quelques personnages symboliques pour faire la leçon aux générations futures, comme cela se passa à Nuremberg, après la chute de l’Allemagne nazie.
9Le choix du système de justice participative gacaca a émergé des réflexions engagées depuis 1998 dans le cadre des réunions tenues au Village Urugwiro. Eu égard aux difficultés rencontrées par le système judiciaire classique, il était de l’avis des participants qu’un système alternatif de justice soit mis en place. Au terme de multiples consultations fut votée la loi n ° 40/2001 du 26 janvier 2001 portant création des juridictions gacaca et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité, commises entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994.
8.1.2.2. L’évolution des attitudes et des perceptions
10Une telle initiative, s’apparentant presque à un saut dans l’inconnu (tant il y avait d’incertitudes à surmonter), n’a pas recueilli l’unanimité des parties intéressées par la justice postgénocide. Beaucoup de membres influents de la communauté internationale, surtout les activistes des droits de la personne humaine, ne comprenaient pas comment un contentieux devant lequel les juridictions ordinaires s’étaient montrées impuissantes pouvait être confié à des juges inyangamugayo (des personnes intègres) ne connaissant même pas les principes de base du droit classique.
11Une telle attitude était compréhensible dans la mesure où leur cadre de référence était le modèle occidental de justice qui s’était justement montré inadapté à instruire des milliers des dossiers dans un délai raisonnable et à traduire en même temps des milliers des suspects en justice. Mais ces partenaires stratégiques du gouvernement rwandais avaient des difficultés à proposer des solutions alternatives car les cadres légaux existants et les expériences d’ailleurs n’étaient pas adaptés au contexte rwandais.
12De leur côté, les rescapés du génocide, qui réclamaient justice, doutaient de la pertinence et de l’efficacité d’un tel dispositif juridique basé essentiellement sur les apports des membres de la communauté locale, car ils présumaient que beaucoup d’entre eux se préoccuperaient plus de chercher à disculper leurs proches qu’à offrir la justice aux quelques survivants qui avaient échappé aux tueries.
13Enfin, les personnes suspectées de participation au génocide avaient du mal à croire que des aveux volontaires leur assureraient une réduction de peine. Ils interprétaient plutôt ce processus comme un stratagème inventé par le gouvernement en place, consistant à leur faire avouer des faits qui les exposeraient plus tard à la vengeance. Cette attitude de méfiance était renforcée par les campagnes anti-gacaca orchestrées en Occident – surtout par des réseaux créés par les membres de l’ancien régime responsable de la planification du génocide – et dans la région des Grands Lacs par les groupes politico-militaires.
14La phase pilote de collecte d’informations et d’aveux volontaires de culpabilité menée dans les prisons a permis de détendre la situation et de créer un climat de confiance. Au début de cette expérience unique en son genre, une panique généralisée s’était installée car beaucoup de prisonniers racontaient sans scrupules les tortures, les viols déshumanisants qu’ils avaient fait endurer aux femmes et même aux filles mineures avant de les tuer.
15Cette attitude, qui était interprétée par beaucoup de rescapés comme une volonté à peine voilée de remuer le couteau dans les stigmates encore béants du génocide, avait été atténuée par des séances de préparation des prisonniers à propos des attitudes à prendre une fois qu’ils se trouveraient en face de survivants.
16Les réticences affichées au départ par les membres de la communauté internationale, les rescapés et les personnes suspectées de participation au génocide ont diminué avec le temps. En effet, hormis quelques exceptions, la plupart des réticences affichées par les membres de la communauté internationale ont été atténuées par l’accès facile aux séances plénières de procès, à la possibilité offerte par le Service national des juridictions de discuter leurs observations, de reconnaître et de corriger rapidement certaines erreurs de procédure rapportées par ces organisations.
17Dans la plupart de cas, les rescapés ont été convaincus que le processus gacaca constituait une alternative crédible. Les informations fournies (si partielles soient-elles) avaient permis de localiser les corps des membres des familles et de les inhumer en toute dignité. En outre, avec le temps, les rescapés ont compris que des informations fragmentaires fournies par des prisonniers « manipulateurs » pouvaient servir à ouvrir des nouvelles pistes d’investigation et qu’en confrontant plusieurs témoignages fragmentaires issus de plusieurs personnes qui n’avaient pas eu l’opportunité de se concerter, on pouvait remonter une piste et faire éclater la vérité pendant le déroulement du procès.
18Enfin, la plupart des suspects ont été convaincus que le processus des juridictions gacaca était crédible lorsqu’ils ont vu que, pour les mêmes crimes, ceux qui ont tout avoué et demandé pardon aux victimes ont été libérés pour finir une partie de leur peine sous la forme de travaux d’intérêt général, tandis que ceux qui ont menti ont vu leurs peines renforcées et sont retournés en prison. A partir de ce moment, la vérité a pris progressivement le pas sur le mensonge.
8.1.2.3. L’originalité des juridictions gacaca
19L’originalité et l’apport des juridictions gacaca à la communauté expliquent en grande partie les énormes progrès réalisés dans le domaine de la cohésion sociale. Nous ne mentionnerons que quelques aspects majeurs suivants :
201. Une des contributions les plus substantielles du processus gacaca est d’avoir montré que ce crime des crimes est désormais entièrement punissable, quel que soit le nombre des participants, l’ampleur des tueries et des destructions commises. On peut traduire des milliers de suspects en justice dans un temps raisonnable sans se soustraire à l’application de la loi.
212. Le processus gacaca puise sa force et sa légitimité non dans un modèle exogène de justice ayant fait ses preuves ailleurs, mais plutôt dans les valeurs traditionnelles de justice, où la condamnation du coupable est suivie par des initiatives de réinsertion sociale du coupable. Bien que le processus des juridictions ait été formalisé à travers des lois et des directives à suivre pour mieux harmoniser le fonctionnement de différentes juridictions disséminées dans les différentes cellules et secteurs du pays, les débats en séance plénière de procès étaient sous-tendus par la culture traditionnelle rwandaise, où la recherche de la vérité est essentiellement basée sur la confrontation des faits rapportés par les témoins oculaires.
223. Dans le dispositif mis en place pour guider l’instruction des dossiers et la conduite des procès, l’originalité des juridictions gacaca réside dans le caractère systématisé et progressif de ce processus très complexe, où des données substantielles ont été d’abord accumulées avant d’être utilisées dans les procès. Ce dispositif a efficacement mis à contribution le plaidoyer de culpabilité et de repentir des personnes suspectées de participation au génocide. Ces aveux étaient transcrits sur des fiches appropriées et remis au secrétariat de la juridiction qui en examinait le contenu et en identifiait les points obscurs à soumettre à l’examen de l’assemblée générale pour clarification.
234. Les juridictions gacaca ont fonctionné de façon décentralisée depuis la collecte des informations à partir de l’échelle des Nyumbakumi (la plus petite entité administrative à l’époque), lesquelles informations étaient ensuite validées par l’assemblée générale de tous les habitants de la cellule, jusqu’aux procès.
24Durant cette phase, la population ne jouait pas un rôle passif comme dans les tribunaux ordinaires où les affaires se discutent uniquement entre les officiers du Ministère public, les juges et les avocats. Dans les juridictions gacaca, les membres de la communauté locale étaient partie prenante du processus. Ils avaient la latitude de se constituer en témoins à charge ou à décharge ou tout simplement de poser des questions permettant d’enrichir le débat, d’ouvrir de nouvelles pistes d’investigation ou de compléter les informations collectées pendant la séance précédente.
25L’ordre des audiences commençait par ceux qui ont avoué leurs crimes, ce qui a été d’un apport substantiel dans l’accumulation des faits contre ceux qui avaient opté pour le silence. Cette mesure a permis aux juges d’accéder plus facilement à la vérité, aux rescapés de connaître le sort de leurs proches et de se faire une idée claire des circonstances de leur mort, d’identifier les lieux où ont été jetés les corps des victimes, et aux prisonniers repentants de bénéficier de la réduction des peines.
265. Le processus gacaca a l’avantage d’avoir opté pour le jugement des coupables sur les lieux du crime. Dans un tel contexte, l’implication de tous les habitants dans la collecte d’informations et la conduite des procès a eu un effet de catharsis très important car cette opération a placé chaque personne face à l’innommable, c’est-à-dire face à la réalité du génocide et face à sa propre histoire au cours de cette période critique de la vie nationale. A la fin du processus gacaca, personne ne peut plus se cacher derrière les arguments généraux tels que « tous les Hutu sont coupables » car ils ont appuyé ou tout au moins sympathisé avec les génocidaires, ou tels que « tous sont innocents » car personne ne pouvait se dérober à la machine génocidaire. Avec le processus participatif gacaca, la population sait maintenant qui a fait quoi : qui a opté d’entrer dans le camp des bourreaux (perpetrators), qui a affiché plus de zèle dans les atrocités, qui a opté pour sauver des vies en danger malgré les risques que cela représentait (rescuers) et qui a opté pour ne rien faire (bystanders). En définitive, le processus des juridictions gacaca a posé les jalons sur lesquels les générations postgénocide peuvent se baser dans la construction de la mémoire collective postgénocide ; la mémoire collective étant entendue ici comme étant la construction d’un sens partagé de l’histoire nationale.
276. La mise en marche de ce dispositif exceptionnel exigeait une coordination efficace. Pour ce faire, le Secrétariat exécutif chargé de la coordination a été renforcé par le recrutement d’experts juristes chargés d’assurer l’application de la loi et de trouver des solutions aux problèmes juridiques qui se posaient à chaque étape. Pour relayer aussi rapidement que possible les mesures prises à l’échelle nationale, chaque secteur administratif était supervisé par un coordinateur chargé de suivre de près l’évolution des travaux et de prodiguer des conseils techniques aux juges Inyanagamugayo.
28Comme il s’agissait d’une solution originale qui ne puisait pas dans les jurisprudences existantes, les agents du SNJG étaient en permanence à la recherche de nouvelles solutions aux diverses exceptions survenues dans la pratique. C’est la raison pour laquelle la loi régissant les juridictions gacaca a été modifiée en 2006, 2007 et en 2008 pour l’adapter aux exigences du terrain. La coordination impliquait en permanence un travail de conception de nouvelles mesures, de recadrage pour harmoniser l’agir des juges Inyangamugayo et de suivi régulier de l’évolution du processus.
29La coordination du processus gacaca a été largement participative en ce sens que les nouveaux problèmes constatés sur le terrain étaient immédiatement communiqués au SNJG qui, à son tour, réunissait ses experts juristes pour trouver des solutions rapides et adéquates et en assurer le suivi. Ce dispositif original associant la concertation, la conception de nouvelles mesures et la supervision directe de leur application a été largement déterminant dans les bons résultats enregistrés par les juridictions gacaca.
307. Le gros du travail des juridictions gacaca reposait sur les juges inyangamugayo. Ils étaient en charge de la collecte des informations sur les crimes commis, leur organisation en dossiers judiciaires et la conduite des procès. Ils ont clôturé plus d’un million de procès en un temps record tout en appliquant adéquatement les lois guidant le processus gacaca. Plus précisément, un total de 1 222 093 procès, dont 383 118 procès de la deuxième catégorie et 838 975 procès de la troisième catégorie, ont été clôturés38. Parmi les prévenus de la deuxième catégorie, 28 % ont plaidé coupable, 41 % ont été reconnus coupables tandis que 30 % ont été acquittés. Parmi les prévenus placés dans la troisième catégorie, seuls 4 % de prévenus ont été acquittés tandis que 96 % ont été reconnus coupables d’avoir pillé ou détruit des biens pendant le génocide.
31Dans l’histoire du Rwanda, on a rarement vu une telle détermination partagée, par laquelle les juges se sont attelés à maîtriser la loi, à l’appliquer équitablement et à demander promptement conseils aux experts juristes du SNJG lorsqu’ils rencontraient des cas difficiles à interpréter. En outre, lorsqu’il s’est avéré que le nombre des procès restants ne pouvait être clôturé à l’échéancier prévu, ces juges ont augmenté le nombre de jours de travail proportionnellement au nombre des procès qui restaient.
32Ce comportement est d’autant plus appréciable lorsque l’on sait qu’ils travaillaient dans des conditions difficiles, sans salaire officiel et qu’ils étaient souvent menacés ou marginalisés par les familles des personnes condamnées. Une telle prise en charge du processus gacaca à partir de la base a été un facteur déterminant et trouve ses racines profondes dans la culture rwandaise, où les conflits locaux étaient davantage l’affaire des habitants que des instances dirigeantes.
338. L’implication de la population locale. Bien que, au début, beaucoup de personnes étaient réticentes à raconter ce qu’ils avaient vu aux juges inyangamugayo, le caractère participatif du processus gacaca a permis de lever progressivement le voile sur les faits dissimulés par certains suspects partagés entre le désir de bénéficier de la réduction des peines et celui de se solidariser avec ceux qui persistaient dans la manipulation de la vérité.
34Le concours de la population locale était déterminant dans l’identification des milliers de victimes et des milliers de suspects qui n’avaient pas toujours d’adresse officielle fixe ni de fonction administrative connue au moment des faits et dans l’identification des lieux du crime.
35Notons cependant que la contribution de la population dans la collecte des faits inculpant les coupables ou disculpant les innocents n’a pas été partout identique. Elle a surtout été substantielle dans les sites où les prisonniers ont rapporté plus ou moins fidèlement ce qu’ils avaient fait et où il y avait des survivants pouvant confirmer ou réfuter les versions présentées par les prisonniers.
36Dans les sites où il n’est resté aucun survivant pour témoigner et où les prisonniers ont décidé de garder le silence sur certains crimes, la plupart du temps, la population locale se complaisait dans un silence taciturne, se contentant de ne confirmer que les faits auxquels elle ne pouvait se dérober.
8.1.3 Conclusion : la capacité des Rwandais de surmonter les conséquences du génocide
37A la fin du génocide, beaucoup d’observateurs étrangers estimaient que la reconstitution du tissu social rwandais était quasi impossible, certains allant même jusqu’à proposer la séparation des Tutsi et des Hutu. Le processus gacaca est une illustration de la capacité des Rwandais de surmonter leur douleur et de participer à la recherche de solutions aux problèmes cruciaux qui se posent à la société. Au-delà de la résolution des problèmes liés à la justice, le processus gacaca a permis aux familles des victimes et des personnes condamnées de se regarder en face, de parler de vive voix de ce mal qui gangrène la société rwandaise postgénocide et de retisser des relations sociales positives à travers le processus de demande et d’accord de pardon.
38Sur le plan psychologique, le processus gacaca s’est révélé être un processus de résilience nationale dans le sens où la douleur portée par les victimes a été ressentie par toute la communauté à travers la révélation de toutes les trahisons et atrocités commises à leur encontre. Sur le plan général, le processus gacaca a réussi à concilier deux aspects cruciaux, à savoir rendre justice et réconcilier le peuple rwandais. La grande majorité des Rwandais estiment que le processus gacaca était le seul moyen adéquat de prise en charge du contentieux du génocide permettant en même temps d’accéder à la vérité, de rendre justice dans un délai raisonnable, de lutter contre l’impunité tout en favorisant la réinsertion sociale des condamnés repentis et la réconciliation nationale.
39Avec la clôture des juridictions gacaca, les instances habilitées devraient définir le plus tôt possible le cadre juridique régissant la poursuite des infractions constitutives du crime de génocide afin d’éviter un vide juridique éventuel dans l’après-gacaca.
40Quels que soient les résultats positifs atteints, l’on ne peut pas prétendre que tous les crimes liés au génocide aient été identifiés et punis. Ainsi, la sensibilisation de ceux qui détiennent encore des informations sur les crimes commis devrait continuer, afin que ces crimes soient jugés par les juridictions habilitées.
41Enfin, il faut espérer que l’expérience et l’expertise acquises pendant le processus gacaca seront mises à profit dans la gestion des conflits au sein de la communauté nationale.
8.2 Le partenariat avec les sites de citoyenneté
8.2.1 Message aux sites de citoyenneté
42(CCM et HETS)
43(Ce message a été adressé en kinyarwanda à tous les membres des trois associations partenaires)
Vivre notre citoyenneté au quotidien : une recherche-action
Une proposition du Centre de gestion des conflits de Butare (CCM et de la Haute école de travail social de Genève (avril 2008)
Nous autres chercheurs souhaitons partager des moments de parole et de réflexion avec toutes les personnes actives dans votre projet. Nous savons que vivre aujourd’hui dans la paix et la démocratie, avec le poids de notre passé terrible, nous demande beaucoup de courage, de franchise et de volonté. Nous pensons qu’agir ensemble malgré tout ce qui nous a divisés, dans le respect de tous et avec le souci de la justice, est une tâche difficile. C’est cependant la seule manière de surmonter notre passé et de libérer un chemin pour les nouvelles générations.
Nous avons pris connaissance avec bonheur de votre action et pensons que beaucoup d’autres Rwandais pourront apprendre des voies que vous avez ouvertes, des obstacles que vous rencontrez sur votre chemin et surtout de votre manière d’agir et de travailler dans le souci de n’exclure personne.
Parce qu’ils sont étroitement liés, nous aimerions aborder trois thèmes avec vous :
Notre citoyenneté démocratique
Exercer notre citoyenneté démocratique ce n’est pas seulement participer aux élections c’est aussi, dans la communauté où nous vivons, recréer de la confiance entre Rwandais, y compris à travers les conflits que nous pouvons aborder de manière loyale. Avec vous, nous aimerions réfléchir à la manière dont vous vous y prenez pour recréer de la confiance, surmonter les difficultés et les préjugés.
Exercer notre citoyenneté démocratique, c’est aussi agir pour les droits humains et en premier lieu le droit de s’exprimer, d’exercer son esprit critique en laissant derrière nous la culture de l’obéissance aveugle. C’est une question importante à aborder avec vous : comment développer et utiliser les espaces d’expression où faire valoir son point de vue ? Comment faire pour que la parole de chacun puisse être entendue et respectée ?
Dans les droits humains, il y a bien sûr notre droit à lutter contre la pauvreté, pour le bienêtre social et l’éducation. Comment pouvez-vous, sur ce terrain aussi, faire entendre votre voix, votre connaissance précise de la situation et des enjeux ? Comment vous adresser aux institutions et aux autorités ?
La mémoire du génocide
Parler de notre histoire commune et de nos histoires différentes, sur le plan personnel et familial, est, nous le savons, une tâche douloureuse et difficile. C’est cependant une tâche indispensable pour comprendre qui nous sommes aujourd’hui et nous engager sur le chemin de la réconciliation. Puisque vous avez eu le courage de miser sur le dialogue, nous aimerions réfléchir avec vous sur les exigences de ce dialogue : comment nous regarder dans le miroir de notre passé et comprendre ce qui nous est arrivé ? Comment donner une place à la souffrance et à la parole de chacun ? Au-delà de nos divergences sur la manière de raconter ce passé, sur quoi pouvons-nous nous mettre d’accord ? Comment transmettre cette histoire avec lucidité et franchise pour que le poids n’en soit pas trop lourd pour nos enfants ?
Parler de cette mémoire est une tâche qui s’impose au quotidien et nous questionne sur la bonne manière de la mener ; sur ce point aussi, nous aimerions apprendre de vous : comment susciter le dialogue, dans quel espace, avec quelles règles, dans quel respect des témoignages et des silences de chacun ?
L’action au quotidien
Agir ensemble au quotidien suppose de vivre votre projet lui-même comme un espace de démocratie. Sur ce point également, il y a beaucoup à apprendre : comment vous y prenez-vous pour échanger sur les difficultés les plus concrètes qui se présentent au quotidien ? Comment vous mettez-vous d’accord sur vos actions ? Comment prenez-vous des décisions ? Comment faites-vous pour impliquer au mieux tous les membres de votre communauté ?
Agir ensemble suppose aussi de trouver la bonne manière de s’organiser : quelle est la plus appropriée à votre communauté et à votre projet ? Cela nous amène à réfléchir à nos capacités à agir collectivement, comme aux compétences particulières exigées des personnes parmi vous à qui on a confié des tâches d’animation et d’organisation.
Qu’attendons-nous de ces échanges ?
Quelles bonnes raisons avons-nous, chercheurs et participants au projet, de nous engager dans ces échanges ? Quels en seront les bénéfices ?
Pour le dire le plus simplement, nous attendons beaucoup de :
- Notre partage d’expériences et de compétences.
- Notre désir de mettre en lumière et d’affronter toutes les difficultés qui se présentent sur notre chemin.
- Notre collaboration dans la recherche de solutions.
- Ce que nous pourrons transmettre de votre créativité à d’autres groupes dans le pays.
8.2.2 La Convention de partenariat
CONVENTION DE PARTENARIAT
Entre :
Le Centre de gestion des conflits de l’Université Nationale du Rwanda,
Sis à Huye, Province du Sud, B.P. 264 Butare, Tél. 55102712
Représenté par Prof Anastase Shyaka, Directeur du Centre ;
Et :
L’Association « Abiyunze b’Igahini »,
Sis à Kayonza, Secteur Gahini, Province de l’Est, BP,
Tél. 08816342 / 08532919
Représenté par Mr Rucamubyago Longin, Président de l’association
EST CONVENU CE QUI SUIT :
ARTICLE 1
L’Association Abiyunze b’Igahini et le Centre de gestion des conflits conviennent de développer un partenariat dans le cadre d’une Recherche-Action sur la citoyenneté démocratique.
ARTICLE 2
L’objet de la présente convention porte sur les points suivants :
- L’échange sur différentes activités et expériences de chaque partie à la convention ;
- L’organisation des débats sur les thèmes suivants : Notre citoyenneté démocratique, la mémoire du génocide et notre action au quotidien ;
- L’organisation de discussions sur différents thèmes qui seront déterminés par les deux parties à la convention.
A tout moment et d’un commun accord, les parties pourront apporter toutes les modifications qu’elles jugeront utiles au présent article en vue de l’adapter à la réalité de l’évolution des actions menées sur le terrain.
ARTICLE 3
Les modalités de mise en œuvre des dispositions de la présente convention se présentent comme suit :
- Avec l’appui de la Haute Ecole de Travail Social (HETS), le CCM, s’engagent à organiser les activités suivantes :
1. Une à deux rencontres par mois dans la mesure du possible avec les membres de l’association ;
2. A verser une somme modeste de trente mille francs rwandais (30 000 FRW) par mois en soutien aux activités de l’association ;
- Toutes autres questions utiles, notamment les modalités d’organisation de discussion, la logistique, matériel, … seront convenues entre le CCM et l’Association Abiyunze b’Igahini.
ARTICLE 4
Pour garantir des résultats satisfaisants, une évaluation sera faite au terme de chaque activité.
ARTICLE 5
Les produits des discussions et débats seront développés pour une éventuelle recherche par le Centre de gestion des conflits. Toutefois, les résultats de la recherche seront communiqués à l’association partenaire.
ARTICLE 6
La présente convention est conclue pour une période de 24 mois à compter de la date de signature.
ARTICLE 7
Chacune des deux parties s’engage à exécuter de bonne foi ses obligations conventionnelles.
En cas de non-respect, par l’une ou l’autre des parties, des engagements réciproques et lorsque à l’issue de négociations aucune solution n’a été trouvée, la convention pourra être résiliée de plein droit à l’initiative de chacune des deux parties en précisant les motifs de ladite résiliation.
Fait à Huye, le 07 octobre 2008 en deux originaux, chacune des parties en conservant un exemplaire.
Pour Le Centre de gestion des conflits Pour L’Association Abiyunze b’Igahini
Prof. Anastase Shyaka Directeur
Rucamubyago Longin Président
8.3 La méthode du journal de bord Note théorique
44Roland Junod
45(Note théorique adressée aux chercheurs en début de la démarche)
46Dans le processus partenarial que nous avons choisi, le journal de bord joue un rôle décisif. Il constitue une sorte de laboratoire où la substance de la recherche s’organise, où le questionnement prend autant de place que le recueil de données. C’est pourquoi il importe de le tenir avec rigueur, mais aussi avec imagination et créativité.
47Tous les chercheurs qui utilisent cet instrument le relèvent, non seulement dans la recherche-action mais aussi dans toutes les formes de recherche qualitative, en particulier ceux qui pratiquent l’observation participante : tenir un journal de bord est à la fois astreignant et passionnant. D’un côté, il demande l’effort de noter systématiquement une quantité d’évènements dont la pertinence ne nous apparaît pas immédiatement, de l’autre il permet de voir émerger progressivement le sens des choses tel qu’il nous échappe dans l’immédiat.
48Le sens du journal de bord et sa forme même sont liés aux finalités et aux caractéristiques de la recherche-action en général, c’est pourquoi il faut commencer par faire un rappel sur ce point.
8.3.1 Les finalités de la recherche-action
49Sur la définition et les caractéristiques de la recherche-action, je vous renvoie aux documents de présentation de notre séminaire d’avril 2008. En les relisant, en particulier le schéma de Reason et Bradbury (2008), vous constaterez que la recherche-action combine étroitement différentes finalités :
une finalité scientifique : comprendre et éclairer la réalité vécue des acteurs de terrain et les problèmes qu’ils se posent dans des situations précises, en retirer des savoirs transférables dans d’autres contextes. L’aspect scientifique se construit dans la coopération entre chercheurs et acteurs, dans la réflexion dans et sur l’action et dans le croisement des différents regards (la pluriperspectivité) ;
une finalité stratégique : obtenir des changements dans une situation difficile, résoudre des problèmes qui se posent dans l’action grâce à une meilleure implication des acteurs, une meilleure compréhension des contraintes, un accroissement de leur capacité d’agir et de leur autonomie
une finalité formative : permettre à tous les participants (acteurs et chercheurs) de développer leurs compétences humaines et sociales : aptitude à la connaissance, à l’expression et à l’échange, à la relation, à la collaboration, à l’organisation et à l’action ;
une finalité démocratique liée à la participation : expérimenter un processus démocratique à travers la recherche-action ; exercer tout d’abord la démocratie dans le groupe et l’association, mais aussi à un niveau politique plus global (en ce qui nous concerne : la refondation de la citoyenneté démocratique rwandaise, le travail de réconciliation, les politiques publiques de développement). L’aspect démocratique de la recherche-action réside aussi bien évidemment dans le partenariat entre chercheurs et acteurs. Sous cet angle la finalité est de déconstruire l’asymétrie traditionnelle entre l’expert et le citoyen et de tendre vers une relation plus égalitaire ;
une finalité de développement communautaire : permettre à la communauté de trouver des formes durables d’organisation et de développement, de retrouver au besoin une identification positive grâce à de nouvelles formes de coopération et une vision renouvelée de l’avenir.
8.3.2 La définition du journal de bord
50Commençons tout d’abord par emprunter à Colette Baribeau (2005, pp. 111-112) l’excellente définition qu’elle donne du journal de bord :
Il existe, au cœur d’un processus de recherche, des activités méthodiques de consignation de traces écrites, laissées par un chercheur, dont le contenu concerne la narration d’événements (au sens très large ; les événements peuvent concerner des idées, des émotions, des pensées, des décisions, des faits, des citations ou des extraits de lecture, des descriptions de choses vues ou de paroles entendues) contextualisés (le temps, les personnes, les lieux, l’argumentation) dont le but est de se souvenir des événements, d’établir un dialogue entre les données et le chercheur à la fois comme observateur et comme analyste et qui permettent au chercheur de se regarder soi-même comme un autre. Cette instrumentation est essentielle pour assurer à la fois la validité interne et la validité externe du processus de recherche. »
51J’en retiens les mots clefs suivants :
narration (ou récit) : la recherche-action s’inscrit dans une histoire personnelle et collective, cette histoire se raconte ;
événements : on y raconte tout ce qui se passe dans nos têtes et sur le terrain, tout ce qui nous interroge et fait sens ;
souvenir : tous ces « événements » restent sans trace et se déforment dans le temps s’ils ne sont pas consignés ; l’élément de mémoire est essentiel ;
dialogue entre les données et le (s) chercheur (s) : il est un instrument du questionnement scientifique. Notre démarche étant dite « constructiviste » les éléments de connaissance sont construits à travers ce « dialogue ». Il nous revient de restituer à travers quel chemin nos élaborations théoriques ont été construites, et ce n’est jamais un chemin droit, bien plutôt le « chemin des écoliers » ;
se regarder soi-même comme un autre : c’est l’élément de distance critique par rapport à notre propre pensée en voie d’élaboration et par rapport aux représentations préalables sans lequel aucune recherche n’est possible ;
validité : ce dialogue entre données recueillies et élaborations théoriques constitue le mode de validation de la recherche et de ses résultats, il en établit le caractère « scientifique » (cf. plus bas).
8.3.3 Les finalités du journal de bord
52Comme son nom l’indique, l’instrument journal de bord du chercheur, tout en s’inspirant de pratiques dites « non scientifiques » (l’autobiographie, le journal de voyage…), a été pensé d’abord en lien avec la finalité scientifique de la recherche et, logiquement, je développerai plus particulièrement cet aspect. Je défendrai néanmoins ici le point de vue qu’il a un lien très clair avec les quatre autres finalités définies plus haut. En effet, si la responsabilité de tenir ce journal incombe au chercheur qui est formé à le tenir (et c’est, vous l’avez constaté, une discipline exigeante), s’il n’est pas forcément pertinent que tous y aient accès, il n’en reste pas moins que le journal de bord est un instrument essentiel de feedback39. L’idée que tout ce qui s’élabore (mémoire, réflexions et hypothèses) doit être restitué aux acteurs de terrain de façon continue est un principe essentiel de la recherche-action. C’est à travers les moments de restitution et de dialogue entre chercheurs et acteurs que l’on peut contribuer à la résolution de problèmes, à la participation et à la formation des acteurs, à la conscience que la communauté a d’elle-même.
8.3.4 Le journal de bord comme instrument scientifique
53En quoi le journal de bord est-il un instrument d’élaboration scientifique40 ? Pour aller à l’essentiel, on dira que le journal de bord est le lieu du recueil des données (au sens des événements dont parle Baribeau), qu’il rend possible la triangulation de ces mêmes données, qu’il permet, comme le dit aussi Baribeau, d’assurer à la fois la validité interne et la validité externe du processus de recherche. Reprenons ces différents éléments.
8.3.4.1 Le recueil de données
54On a déjà insisté sur le fait que, dans notre mode de faire où le chercheur s’invite et s’implique dans l’action, il ne saurait revendiquer une position de neutralité et un rapport objectif aux faits observés. La subjectivité du chercheur est pleinement assumée, c’est le moteur même de la recherche : ce qu’il perçoit et ce qu’il choisit d’investiguer, les informations qu’il a recueillies, les questions qu’il se pose, les émotions qui le traversent. La scientificité de la démarche exige alors que tous ces éléments de construction personnelle soient explicités, dans leur succession temporelle, et restitués dans leur contexte particulier. C’est cela même qui permet d’y revenir, d’avoir une distance critique sur son propre cheminement (se regarder soi-même comme un autre) et de créer les conditions d’un dialogue avec les partenaires de la recherche. Il faut donc dans un premier temps retenir cette acception constructiviste (et non positiviste) du concept de données.
8.3.4.2 La triangulation
55La triangulation consiste à comparer des données obtenues à travers des démarches d’observation distinctes et poursuivies de façon indépendante à différents moments de la démarche. Ces différentes démarches peuvent avoir été menées en suivant des méthodes différentes et par des chercheurs différents. On peut également trianguler des théories différentes sur le même objet. Laperrière (1997 : 378) résume en disant que « la triangulation des données vise à établir la concordance entre différentes sources de données et diverses interprétations ».
Un exemple
56Imaginons que la recherche se focalise à un moment précis sur un problème particulier : Comment parle-t-on du génocide au sein de l’association ? A quels moments en parle-t-on ? Avec quels mots et avec quels effets ?
57Le journal de bord permettra alors de comparer des éléments contenus dans des comptes rendus d’assemblées, dans des entretiens individuels, dans des documents de référence de l’association, dans des observations faites par les chercheurs au cours des rencontres : Il y a alors à la fois triangulation des données et des méthodes.
58Pour interpréter ces données, nous pourrons alors nous référer à des théories différentes, entre autres : des théories psychologiques orientées vers la compréhension des traumatismes et le rôle de la parole (et du silence) dans un travail de résilience difficile, des théories sur l’élaboration des récits collectifs41 et leur lien avec l’identité des groupes, des théories sur la communication dans l’espace public42. C’est la triangulation des théories.
8.3.4.3 La validité interne
59Comme le dit Mucchielli (1996 : 116) : « Le journal de bord aidera le chercheur à produire une recherche qui satisfait aux critères de validation de cohérence interne ». La validation interne de la recherche, et donc la prétention à une certaine scientificité, résulte précisément des possibilités de triangulation offertes par les données recueillies dans le journal de bord. On s’assurera de la validité interne de l’analyse dans la mesure où :
on aura recueilli et intégré un maximum de données pertinentes permettant de cerner les problèmes posés ;
on aura confronté ces mêmes données à une pluralité de théories et d’interprétations possibles ;
on aura réussi à réduire la quantité d’interprétations possibles et à produire une théorie interprétative simplifiée et englobante à la fois (certains auteurs parlent de parcimonie de la théorie) ;
on aura vérifié dans l’action la portée explicative des interprétations avancées : ces interprétations sont déclarées plausibles, voir éclairantes par les acteurs eux-mêmes ;
on aura fait évoluer vers un plus grand degré de compréhension un certain nombre de représentations préalables.
60On l’aura compris : même si une élaboration théorique complète peut appeler un autre document, le journal de bord est le laboratoire où se développe la théorie. Il sert de moyen de preuve.
8.3.4.4 La validité externe
61S’assurer de la validité externe de la recherche consiste à se donner des moyens pour que ses résultats puissent être comparés à d’autres productions théoriques et servir dans d’autres contextes.
62Il n’est pas évident a priori de déterminer l’utilité générale d’une étude du type de notre recherche-action puisqu’il s’agit de trois expériences singulières menées dans trois contextes particuliers. Cependant, outre le fait que cette triple référence permette déjà des comparaisons fort intéressantes, il sera par ailleurs possible de comparer les résultats obtenus et de les transférer dans d’autres contextes sans procéder à des généralisations abusives sous certaines conditions :
que l’on ait bien fait ressortir ce qui est particulier (ou anecdotique) chez les populations et situations observées et ce qui est semblable à d’autres populations et situations : la condition sociale, la situation familiale, les traits culturels, le lien au génocide, etc ;
que l’on explicite les limites de la recherche (qui sont celles des informations recueillies dans le journal de bord) ;
que l’on puisse trouver des concordances avec d’autres études ou au contraire être en conflit d’interprétation avec elles tout en produisant des arguments qui font avancer la controverse ;
que des acteurs de terrain (et finalement tous les Rwandais) puissent trouver dans la recherche une confirmation de ce qu’ils vivent eux-mêmes ainsi qu’un éclairage pertinent.
8.3.4.5 Une triple validation
63Je crois qu’il faut l’avoir à l’esprit lorsqu’on tient la plume du chercheur dans le carnet de bord : la mémoire de la démarche et la qualité des informations recueillies servent à valider la recherche :
auprès de nos partenaires des sites : ils sont les premiers à attester de la portée de la réflexion menée en commun ;
auprès de la communauté scientifique : la démarche doit servir de référence, se prêter au débat et nourrir d’autres recherches ;
auprès du public rwandais : il doit servir au débat sur la citoyenneté démocratique, la mémoire et la réconciliation.
8.3.5 Le journal de bord comme instrument de feedback
64Comme je le suggérais plus haut, le journal de bord sert également les quatre autres finalités de la recherche-action (stratégique, formative, participative et communautaire). Il se révèle être un instrument précieux du dialogue entre les chercheurs et leurs partenaires de terrain en ceci qu’il permet d’organiser la dimension réflexive de l’action et l’interaction entre chercheurs et acteurs.
65La formation à la « pratique réflexive » est précisément le service que la recherche-action peut rendre aux acteurs de terrain. Essayons de développer ce point en lien avec ces quatre autres finalités.
8.3.5.1 Le journal de bord et les finalités stratégiques
66Ce point n’est pas traité dans la littérature à ma connaissance, mais je considère pour ma part que le journal de bord peut être véritablement un instrument d’aide à la décision. Naturellement, la position du chercheur est délicate dans tous les processus de décision ; il doit éviter de se retrouver dans une situation de leadership implicite. Néanmoins, au moment où des décisions qui engagent l’action doivent être prises, il peut, au moyen des notes du journal de bord, « doper » la part réflexive de la discussion :
en favorisant la mémoire de la démarche, des débats et décisions intérieures ;
en faisant part au moment opportun des réflexions qu’il s’est faites dans sa position, privilégiée sous certains égards, d’observateur impliqué ;
en restituant ce qui dans les notes permet d’identifier les potentialités et les contraintes de l’action.
8.3.5.2 Le journal de bord et les finalités formatives
67Le journal de bord est tout d’abord un instrument d’auto-formation pour le chercheur, un travail jamais achevé : à travers la prise de notes, il s’exerce à stimuler sa curiosité et sa réceptivité, puis à prendre distance par rapport au vécu, à formuler sa pensée et à conceptualiser. René Barbier (1996) défend l’idée que le journal de bord est un moyen de devenir davantage soi-même (comme peut l’être un journal autobiographique) : « L’identité d’une personne est cet écart sans cesse modifié entre ce qu’elle faisait et pensait hier et ce qu’elle pense ou fait aujourd’hui. L’analyse de cet écart permet d’éclairer ce qu’elle pensera ou fera demain. »
68Au plan collectif, et même si le journal de bord n’est pas accessible à tous43, le chercheur peut s’en servir pour entraîner les membres de l’association à la pratique réflexive. A travers le dialogue qu’il mène dans les sites, le chercheur pousse à identifier et à nommer les choses, à faire émerger la parole propre des personnes. En s’appuyant sur ses notes, il entre dans des échanges du type : « Lors de notre dernière rencontre, j’ai noté les paroles de Jeanne qui m’ont frappé, elle a dit […] et cela m’a inspiré la réflexion que… qu’en dites-vous ? » Ou encore : « En participant à votre réunion, j’ai observé que… est-ce que je me trompe ? » Ce faisant, il crée un dialogue et la possibilité d’un retour critique sur les choses dites et observées. Pour faire ce travail, il est certainement dans une position intéressante par rapport à celle d’un organisateur ou d’un leader communautaire qui, s’il est un bon leader, peut certes encourager cette dimension réflexive, mais s’il le fait, ce sera toujours dans une position d’implication ou de pouvoir plus difficile à cet égard.
69En fait, les échanges qui ont lieu dans le cadre d’une recherche-action ont une dimension de formation réciproque44 : le regard et la parole de chacun est nécessaire. Mais prendre conscience de la valeur de sa propre parole est souvent chose difficile, à plus forte raison lorsque le désir de cohésion du groupe, et plus largement de paix sociale, exerce une forte pression d’unanimité. Dans ce dialogue, le chercheur peut, en s’appuyant sur ses notes, aider les personnes engagées dans le dialogue à avoir une conscience plus aiguë de leur propre situation et de leur propre manière de voir les choses45. Elles le feront d’autant plus facilement qu’elles prendront conscience de savoir des choses qu’aucun chercheur ne sait. Cet effet de reconnaissance réciproque est certainement à la base d’un processus de formation dans l’action.
70L’autre dimension formative à laquelle le journal de bord peut servir, au-delà de cet effet de reconnaissance, réside dans la possibilité qu’il peut offrir de restituer le contexte (historique, géographique, politique…) dans lequel se situent des évènements particuliers vécus par les participants et, par ce biais, des clefs de lecture. Les participants s’entraîneront ainsi à placer leurs interrogations dans un contexte. Imaginons par exemple qu’un débat ait lieu dans l’association autour de conflits ou d’incompréhensions dans les rapports avec l’administration. Dans la mesure où le chercheur aura lui-même enquêté sur le mode de gestion en vigueur dans le district, et d’une manière plus générale sur le cadre politique, il favorisera la capacité de ses interlocuteurs à faire des liens entre le problème et le contexte, le particulier et le général.
8.3.5.3 Le journal de bord et les finalités démocratiques
71Si l’on reprend l’idée que le processus de recherche-action contribue à encourager la participation démocratique (la formation de l’opinion et le positionnement des membres de l’association partenaire en tant que citoyens), on peut considérer que les moments de rencontre que vous avez avec les sites constituent eux-mêmes une forme particulière d’exercice de la démocratie. Je dirais qu’à travers cette animation, vous créez un espace public. Pour définir ce qu’est un espace public, je me référerai au philosophe Jürgen Habermas, qui est certainement l’auteur de référence sur ce thème.
72Voici ce que dit Habermas :
Le concept d’espace public (Öffentlichkeit, « Public Sphere ») signifie ce « domaine de la vie publique » au sein duquel quelque chose de semblable à une opinion publique peut se former. L’accès est garanti à tous les citoyens. Une portion d’espace public est garantie à tous les citoyens. Une portion d’espace public vient à exister dans chaque conversation dans laquelle des individus privés s’assemblent pour former un public (…) les citoyens agissent en tant que public lorsqu’ils délibèrent sur des thèmes d’intérêt général de manière illimitée avec la garantie de liberté d’assemblée et d’association et la liberté de s’exprimer et de rendre publiques leurs opinions.
73Il faudrait ajouter d’autres développements que l’on trouve chez le même auteur concernant la qualité de l’argumentation et des processus de décision.
74Je dirais en synthèse qu’une réunion que vous tenez avec vos partenaires joue pleinement sa fonction de création d’un espace public démocratique lorsque :
la liberté de participation et d’expression y est respectée ;
l’expérience vécue de chacun y a sa place ;
on tient compte de la pluralité des points de vue ;
la discussion est orientée vers l’intérêt général ou le « bien commun » ;
la formation de l’opinion se fait au travers d’une discussion ;
la confiance créée entre les membres permet à chacun de faire valoir ses arguments.
75Selon Habermas toujours, ce qui est valorisé dans l’argumentation se situe à trois niveaux :
la sincérité : la capacité à se référer authentiquement à l’expérience vécue ;
le rapport au vrai : la capacité à se référer à des éléments de connaissance, à des faits ;
le rapport au juste : l’effort de produire des arguments qui devraient pouvoir être acceptés par tous, parce que l’on tient compte de chacun.
76L’animateur de la réunion peut contribuer à faire émerger les meilleurs arguments.
77Alors, me direz-vous, quel est le rôle du journal de bord là-dedans ? Ma réponse est à deux niveaux.
78Au niveau de la prise de notes :
on gardera si possible une mémoire de la pluralité des points de vue et des arguments qu’une synthèse trop rapide peut masquer ;
on sera attentif à ce qui se joue entre les personnes dans le débat, les émotions soulevées, les arguments utilisés. C’est la différence entre un compte rendu ou un procès-verbal de réunion, qui aura tendance à ne retenir que les aspects de consensus et de décision, et un journal de bord.
79Au niveau de l’animation des réunions :
le journal de bord peut servir de mémoire des discussions, d’autant plus si elles impliquent à chaque fois de nouveaux participants ;
il permet de préparer efficacement les réunions qui peuvent débuter par une synthèse et un point de situation sur la recherche ;
il permet de créer de la transparence entre chercheurs et acteurs.
8.3.5.4 Le journal de bord et l’identité communautaire
80Je dirais que le journal de bord peut amener sa petite pierre à la reconquête d’une identité collective en ceci qu’il se fait témoin des efforts faits pour raconter l’histoire de la communauté, pour reconstruire de la confiance, pour s’organiser et pour trouver des formes de développement et d’organisation durables. Le journal de bord joue un rôle de reflet et de témoin.
8.3.6 Tenir le journal de bord
8.3.6.1 Le plus important : écrire, écrire, écrire…
81Revenons à la pratique du journal de bord. J’espère que la façon dont j’ai tenté d’expliciter l’enjeu et le potentiel de cet instrument n’aura pas un effet inhibiteur. Ce serait totalement contre-productif car le plus important est d’écrire le plus librement possible, dans la continuité, dans l’urgence des choses qui seront oubliées le lendemain, voire même dans le foisonnement. Ce que l’on peut savoir des journaux des chercheurs les plus patentés, c’est précisément cet aspect de spontanéité : souvent on y trouve un fouillis d’informations qui ne seront systématisées qu’a posteriori.
82Ecrire est certes en soi un travail exigeant, voire une souffrance, même pour les passionnés d’écriture : s’agissant de tenir un journal de bord, je proposerai volontiers de privilégier une contrainte et d’en limiter, voire d’en éliminer d’autres.
83La contrainte à privilégier est celle de retenir tous les événements au sens de Baribeau (2005 : 100) : « des émotions, des pensées, des décisions, des faits, des citations ou des extraits de lecture, des descriptions de choses vues ou de paroles entendues) contextualisés (le temps, les personnes, les lieux, l’argumentation). »
84La meilleure manière de le faire est de le faire à vif : prendre des notes lors des démarches de terrain et consacrer le lendemain à l’écriture.
85La contrainte à relativiser est celle de produire un propos d’emblée bien organisé, dans la mesure où cela peut nuire à la spontanéité. La forme d’organisation que nous avons prévue est suffisante ; j’y ajouterai quelques précisions plus loin. Le journal de bord n’est pas destiné à la publication.
86Une contrainte à éliminer est celle qui pousserait à produire des réponses rapides aux questions posées. La recherche se nourrit des questions ouvertes et avance prudemment dans la recherche de réponses.
87Une autre contrainte à éliminer est la contrainte de légitimation : démontrer que notre démarche est la bonne, que nos explications sont les bonnes, que nos partenaires de terrain agissent de façon exemplaire, que la politique de réconciliation est en train de réussir. On peut à la fois respecter l’action des groupes et témoigner de la solidarité et douter parfois des chemins qu’elle emprunte, mettre le doigt sur des difficultés ou des impasses, anticiper des obstacles. Le doute est moteur de recherche.
8.3.7 Que faut-il noter ?
88L’idée de retenir tous les événements qui font sens peut certes prêter malgré tout à la dispersion, c’est pourquoi je proposerai deux boussoles : une typologie très générale des notes du chercheur telle que la retient la littérature et l’explicitation des questions qui orientent les six thèmes que nous avons retenus. Je vais avec cela tenter de donner quelques exemples
8.3.7.1 Les types de notes
89La tradition anthropologique retient une trilogie qui est reprise en recherche-action et que Deslauriers et Laperrière (cités par Baribeau, 2005 : 105) synthétisent en distinguant :
les notes descriptives qui concernent les données de recherche, les observations, la description de faits, d’événements, la consignation de conversations ;
les notes méthodologiques, où l’on notera toutes les opérations tentées ou planifiées, le choix des méthodes d’enquête et de dialogue, les problèmes rencontrés dans les démarches ;
les notes théoriques qui concernent la recherche de sens, de cohérence des observations faites, les interprétations, les déductions, les conclusions. Elles font état des questions et des explications, des liens, des opinions contrastées, des réflexions ; elles peuvent être des parties d’analyses ou des essais pour tester des modèles théoriques. Le chercheur y fait des liens avec ses lectures. Dans cette visée, elles sont un support à l’analyse et s’avèrent très utiles lors de la présentation et de la discussion des résultats.
90Certains chercheurs identifient a posteriori ces types de notes en notant dans la marge D, M ou T.
91Un exemple tiré du journal de bord d’Alida à Gahini, reçu au moment même où j’écris ces lignes. Au cours d’une réunion, vous assistez au témoignage d’un Twa sur sa participation au génocide et son séjour en prison. Le même événement peut faire l’objet de différentes notes.
92Sur le plan de la description, on notera comme elle l’a fait les mots qu’il a choisis, les paroles les plus significatives, vos observations sur les réactions émotionnelles de l’assemblée, sur l’organisation et le partage de la parole dans ce moment-là, on renverra éventuellement à des documents photographiques ou sonores.
93Sur le plan de la méthode, on s’interrogera sur l’implication du chercheur dans cette situation : quel rôle jouons-nous dans cette scène, sommes-nous pris à témoin, le témoignage appelle-t-il aussi une attente de reconnaissance de notre part et, si c’est le cas, de quelle manière allons-nous donner cette reconnaissance ? On pourrait aussi faire des hypothèses ou des suggestions sur la bonne manière de procéder dans ce type de circonstance : serait-il judicieux d’enregistrer un témoignage de ce type, de rencontrer la personne séparément ou au contraire est-il plus approprié de rester dans le cadre collectif de l’échange ?
94Sur le plan théorique, il y a beaucoup de questions à creuser car on est réellement au cœur de notre problème, mais avant même de les creuser, c’est-à-dire de l’analyser et de construire une interprétation, on se rend compte que la manière de le recevoir et de l’écrire implique déjà une théorisation implicite : on avait déjà une idée de notre rôle puisque nous avons réagi à vif, une idée sur la situation des Twa par rapport au génocide et à la société rwandaise. Ces représentations préalables sont-elles confirmées ? Au-delà de la confirmation ou de la modification d’une représentation antérieure, on peut s’interroger et poser des bouts de construction théorique sur des questions telles que le rôle du témoignage (celui-là et tous les autres) et sa place dans l’histoire de la communauté. On peut s’interroger sur la scène de reconnaissance qui est en train de se jouer entre la personne et le groupe, entre l’association et la Commission Unité et Réconciliation, entre l’association et le CCM. Une scène de ce type permet de poser toutes les bonnes questions quant au concept de réconciliation, comme l’a fait Alida, mais aussi quant à la politique de réconciliation en général.
8.3.7.2 Les problèmes qui orientent nos six rubriques46
95Une autre manière d’orienter notre choix des notes à prendre est d’expliciter les questions sous-jacentes à chacune de nos rubriques car, comme le disait Bachelard (1980 : 14) : « Pour un esprit scientifique toute connaissance est une réponse à une question. » Je vous propose donc une manière de les expliciter et vous me direz si c’est une bonne boussole.
96Il y a d’abord une question générique qui oriente toute recherche-action :
8.3.7.3 Quel est le problème posé dans l’action, comment le définir, le comprendre et le résoudre ?
97Les questions posées dans nos rubriques découlent de cette question générique.
Première rubrique : les démarches
98Quelles démarches mettre en place pour soutenir au mieux les sites dans la résolution du problème et nourrir notre propre réflexion sur les questions de citoyenneté démocratique, de réconciliation et de mémoire ? Ce que nous avons tenté jusqu’ici est-il approprié, y a-t-il lieu de changer notre manière de faire ?
Seconde rubrique : le contexte des sites
99De quoi faut-il tenir compte dans l’action et dans la résolution des problèmes qu’elle pose, de quels éléments de contexte ?
Troisième rubrique : les moments de conflits et/ou de dialogue dans la vie du site en lien avec la mémoire
100Comment nos partenaires des sites vivent-ils leur rapport au passé et comment en parlent-ils ?
Quatrième rubrique : la gouvernance du projet et l’exercice de la citoyenneté
101Comment les sites définissent-ils le problème que l’action doit résoudre et que mettent-ils en place pour y répondre au quotidien ? Comment cette action s’intègre-t-elle dans un cadre politique plus global ?
Cinquième rubrique : les compétences requises des acteurs communautaires
102De quelles compétences les animateurs (ou leaders des sites) ont-ils besoin pour réussir dans leur action ? Par exemple : de quelles connaissances, de quel savoir-être (attitudes, comportements), de quels savoir-faire relationnels, pratiques, organisationnels ? Cette question permet d’explorer les besoins auxquels pourrait répondre une offre de formation à proposer.
Sixième rubrique : les commentaires et réflexions du chercheur
103Que me donne à penser tout ce que j’observe et ressens à travers ces rencontres avec les sites ?
8.4 Liste des concepteurs du plan d’étude et des enseignants
Notes de bas de page
38 Les gacaca ont instruits quatre types de procès correspondant à quatre catégories de crimes : la planification et l’organisation du génocide, l’homicide volontaire ou la complicité d’homicide volontaire, les atteintes graves sans intention de causer la mort et les infractions contre les biens.
39 J’ai de la peine à trouver un équivalent satisfaisant en français : c’est à la fois l’écho, la restitution d’informations et la recherche d’interactions.
40 La construction théorique appelle bien sûr l’élaboration d’autres documents (documents de synthèse, formulation d’hypothèses, articles, rapport de recherche)
41 Cf. la note 1 sur la réconciliation
42 Telle que celle qui est développée par Jürgen Habermas.
43 La pertinence d’une transparence absolue peut être discutée. Cela se pratique parfois cependant, notamment grâce à internet : le gain en communication est alors évident.
44 Proche d’une conception « dialogique » de l’éducation telle que l’a développée le pédagogue brésilien Paulo Freire
45 Sur ce point également, la référence à Paulo Freire est pertinente ; c’est ce qu’il appelle la « conscientisation ».
46 Ces rubriques avaient été définies à l’occasion du séminaire de recherche d’avril 2008.
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