1. Perspectives théoriques
p. 15-49
Texte intégral
1Ni la sphère institutionnelle ni ses acteurs ne sont épargnés par les risques d’abus. Les médias révèlent en effet encore régulièrement la présence de maltraitances à l’encontre de personnes avec une DI dans les lieux mêmes qui les accueillent. L’existence de ces faits rarement démentis montre que les établissements socio-éducatifs ne constituent pas un rempart contre la maltraitance (Foubert, 1998). En dépit des tâches d’accompagnement et de protection assignées aux institutions, ces difficultés les touchent au même titre qu’elles interviennent dans d’autres contextes (Michel & Thirion, 2004 ; Erkohen-Marküs & Doudin, 2001). La situation de handicap n’apparaît quant à elle pas non plus comme une frontière protectrice. Nulle déficience ne constitue un bouclier mettant la personne à l’abri de tels risques. Bien au contraire, les données disponibles aujourd’hui laissent penser que la vulnérabilité à la maltraitance se trouve accrue pour les personnes handicapées (Reid, 1994). La prévalence des abus observés dans cette population apparaît en effet régulièrement plus élevée que celle que l’on trouve dans une population sans handicap, avec des rapports de 1,2 à sept fois plus de risques selon la nature du handicap et celle de l’abus (Sullivan & Knuston, 2000).
2Actuellement la prévention de la maltraitance dans les milieux résidentiels pour personnes en situation de handicap (psh) constitue une des tâches prioritaires des pouvoirs publics, des professionnels et des instituts de formation, en collaboration avec les associations et les usagers. Plusieurs facteurs rendent toutefois l’action préventive difficile à mener et ses résultats incertains. La prévention de la maltraitance en milieu institutionnel se heurte en effet à des difficultés de différentes natures, susceptibles de contrarier l’implantation ou la réussite des démarches de prévention. Parmi les obstacles potentiels, on relèvera que 1) la thématique est encore peu investiguée sur le plan théorique ; 2) la thématique est mal délimitée en raison d’un flou persistant dans les définitions de la maltraitance ; 3) la thématique est tributaire des représentations subjectives ; 4) la thématique est complexe en raison de la pluralité des facteurs qui l’influencent ; 5) la thématique véhicule une menace pour l’image et l’identité institutionnelles et/ou personnelles, et finalement 6) la thématique se prête à différentes voies d’intervention dont la complémentarité est souvent méconnue.
3Ces différents enjeux constituent le point de départ de la recherche présentée dans cet ouvrage. Ils seront successivement abordés dans les paragraphes qui suivent.
1.1 Une thématique peu investiguée sur le plan théorique
4Les recherches sur le thème de la maltraitance dans le secteur du handicap sont peu abondantes. En Suisse, par exemple, aucune enquête nationale n’a mesuré la prévalence de la maltraitance subie par les psh. Les indications chiffrées dont nous disposons actuellement émanent uniquement des pays anglo-saxons. Celles-ci ne sont cependant pas totalement satisfaisantes car elles sont rarement exhaustives (échantillon de convenance, par exemple) et souffrent d’un manque d’actualisation, comme le montre l’état de la recherche réalisée par l’une des auteures sur mandat de la Commission cantonale consultative vaudoise pour la prévention des mauvais traitements (Petitpierre-Jost, 2002a, 2002b). Les points présentés dans les paragraphes suivants, qui documentent le risque de cooccurrence entre la maltraitance et les situations de handicap, sont extraits de ce travail.
5En matière de prévalence, la majorité des publications rendent compte du risque accru de mauvais traitements à l’égard des personnes handicapées comparativement au reste de la population (Verdugo et al., 1995 ; Orelove et al., 2000). Les abus commis à l’encontre des personnes en situation de handicap seraient jusqu’à sept fois plus fréquents selon la nature du handicap et celle de l’abus (Sullivan & Knuston, 2000). Ces mêmes sources indiquent que les personnes avec une DI pourraient être jusqu’à quatre fois plus exposées à la maltraitance que la population non handicapée. Malgré leurs limites, ces travaux témoignent de la force d’association qui existe entre la DI et le risque de maltraitance. La relation est toutefois loin d’être directe ; elle suppose des médiations symboliques ou des mouvements intrapsychiques (Petitpierre-Jost, 2002a). Ainsi, certains travaux ont montré que la vulnérabilité de ces personnes n’est pas proportionnelle à la gravité de la DI. Les enfants présentant des incapacités plus légères semblent courir plus de risques de faire l’objet de négligences et de mauvais traitements que leurs camarades avec une déficience plus grave. Une telle différence de vulnérabilité, qui bouscule probablement certains présupposés, est tributaire des représentations que se fait l’éducateur de l’enfant et de la personne avec une déficience. On sait ainsi qu’une déficience légère et peu stigmatisante suscite souvent des attentes moins bien ajustées au potentiel de la personne que celles que l’on pourrait développer avec un individu plus gravement handicapé. Les exigences en décalage avec les compétences réelles de la personne handicapée occasionnent de grandes frustrations dans le processus éducatif, ce qui peut créer un climat précipitant l’apparition de maltraitance (Petitpierre-Jost, 2002a).
6De manière générale, les études montrent que les personnes avec une DI sont exposées à des formes d’abus identiques, qui entretiennent entre elles une fréquence relative analogue à celles que l’on rencontre dans l’ensemble de la population (Sullivan & Knuston, 2000 ; Marneffe, 1995). Selon Verdugo et al. (1995), les négligences constituent les faits les plus fréquemment mentionnés (98 %) ; elles sont suivies des abus émotionnels (65 %), puis des abus physiques (45 %), de l’exploitation de l’enfant comme force de travail (4 %) et des abus sexuels (2 %). L’étude de la littérature indique que les abus dont sont potentiellement ou effectivement victimes les personnes en situation de handicap sont sensiblement similaires dans le cercle familial et dans le milieu institutionnel. Malgré les analogies mentionnées, on fera toutefois remarquer que les personnes porteuses de déficience sont exposées à des formes d’abus qui ne se rencontrent pas dans le tout-venant de la population. L’obligation de recourir à une aide externe en raison d’une autonomie diminuée place la personne avec une DI dans une situation de vulnérabilité accrue. La relation éducative, même lors - qu’elle poursuit des objectifs de soutien et d’étayage, court le risque d’outrepasser le respect et la subjectivité fondatrice de la personne en tant que sujet (Petitpierre-Jost, 2004). Le risque d’emprise, volontaire ou involontaire, n’est jamais totalement écarté. La privation, le retrait ou le contrôle illégitime des aides dans le but d’isoler, de dominer ou de censurer la personne constituent des formes d’abus particuliers qui se présentent de façon typique dans toute population entretenant une forte dépendance à l’égard d’autrui (Horner-Johnson & Drum, 2006). Certains types d’abus interviennent plus spécifiquement dans les milieux de vie organisés sur un mode institutionnel et collectif. Malgré les évolutions en matière d’intégration et les perspectives inclusives qui se dessinent actuellement, l’institution socio-éducative constitue dans notre pays, comme dans la plupart des pays européens, le lieu de vie le plus souvent fréquenté par les personnes adultes avec une DI modérée, sévère ou profonde. Ces milieux de vie, dans lesquels cohabite souvent une forte densité de personnes, sont régis par des principes de vie collective et rencontrent fréquemment des difficultés à garantir ou à faire respecter et assurer les droits et besoins de chaque individu (Dieval, 2001). L’existence, dans les milieux institutionnels, de pratiques à tendance totalitaire, exprimées sur des modes administratif, symbolique ou physique, a été identifiée depuis longtemps. Leurs conséquences oppressives sur l’usager sont bien connues (Goffman, 1968 ; Nirje, 1969/1994).
7Au-delà des questions de prévalence, la légitimité de la recherche relève en priorité de la nécessité de prévenir les conséquences et la souffrance inhérentes aux abus. Parmi les travaux récents, l’étude menée par Murphy et al. (2007) confirme, si besoin était, l’impact massif de la maltraitance sur l’équilibre psychologique et la vie quotidienne de la personne avec une DI qui en est victime. Les conséquences se manifestent dans quatre grands domaines de vie, à savoir ceux de l’autonomie, de l’autodétermination, de la responsabilité et de la socialisation. L’intérêt de l’étude de Murphy et al. (2007) réside également dans le compte rendu qu’elle fait des réponses très désorganisées et peu systématiques qui sont données aux personnes victimes d’abus et à leur entourage. Face à des faits même gravissimes, les conséquences juridiques restent rares et le suivi thérapeutique inégal. Les allégations des personnes concernées ou celles de leur entourage restent souvent sans réponse, ou sont parfois suivies de mesures connues pour être insatisfaisantes, car elles occasionnent des perturbations supplémentaires pour la personne telles que le transfert de la victime dans une autre structure (ib.).
8Dans une synthèse très récente, Horner-Johnson et Drum (2006) regrettent le peu de travaux déjà constaté par Brown et al. (2002), Petitpierre-Jost (2002a) et l’Unapei (2000). Actuellement, tout chercheur, praticien ou représentant des pouvoirs publics qui se penche sur la question de la maltraitance doit composer avec des connaissances très lacunaires sur la question et le manque d’attention porté à la collecte de données favorisant la compréhension de la maltraitance des personnes en situation de handicap (Horner-Johnson & Drum, 2006, p. 57).
1.2 Une thématique mal délimitée en raison du flou persistant dans les définitions de la maltraitance
9Qui souhaite aujourd’hui se référer au concept de maltraitance se heurte également, et de façon simultanée, à plusieurs problèmes terminologiques qui ne sont pas sans répercussions sur le plan conceptuel : le premier problème concerne l’amalgame de diverses notions qui toutes évoquent la présence de violence dans la relation ; le deuxième problème renvoie à l’utilisation du même terme, celui de maltraitance, pour évoquer des situations et des actes recouvrant des réalités diverses ; le troisième problème a trait à l’existence d’une certaine polysémie qui permet à un seul et même acte d’être considéré ou non comme maltraitant, selon les conditions et le contexte dans lesquels il prend place.
1.2.1 La violence, la violence institutionnelle et la maltraitance : des concepts amalgamés
10Comme le rappelle Marceline Gabel, envisager la prévention et la protection nécessite de distinguer les concepts de violence et de maltraitance, concepts qui amalgament parfois dangereusement des faits ou des états (2000, p. 19).
11L’étymologie du mot violence trouve son origine dans le latin vis, qui évoque une force en action (Corbet, 2000). Dans le cadre d’une relation interpersonnelle, cette notion suggère l’idée d’une force exercée contre quelqu’un par le biais d’une contrainte, d’une pression de forte intensité ou encore d’une action de domination. Pour Corbet (2000), la notion de violence évoque l’idée d’une perturbation d’un ordre mais aussi la présence de valeurs positives ou négatives attachées à cette perturbation (p. 20). La notion de violence institutionnelle a, quant à elle, été introduite par Stanislas Tomkiewicz et Pascal Vivet en 1982 (Lambert, 1985). Tomkiewicz recourt à l’expression de violence institutionnelle pour qualifier toute action commise dans et par une institution, ou toute absence d’action, qui cause à l’enfant une souffrance physique ou psychologique inutile et/ou qui entrave son évolution ultérieure (2002, p. 310). La définition réfère ainsi à un ensemble de phénomènes (actes, mesures, dispositifs, ambiances, etc.) qui peuvent s’exprimer à travers des actes individuels, collectifs ou organisationnels à l’intérieur d’un milieu institutionnel et dont les effets nocifs s’expriment immédiatement ou de façon plus tardive. Corbet souligne que les violences institutionnelles sont celles que subissent les usagers dans les institutions spécialisées, sociales et médico-sociales. Elles ne sont pas exercées seulement par des professionnels, mais aussi par des usagers de l’institution entre eux (2000, p. 20). Ces phénomènes ont en commun un déni de la qualité humaine de la personne, une négation de l’individu comme sujet de droit, ou encore une nécessité prétextée curative qui préconise l’usage de la violence pour redresser le comportement de la personne ou extirper un trouble ou une déviance quelconque (Tomkiewicz, date non connue). La définition de la violence institutionnelle a récemment été élargie par Corbet, qui propose de faire entrer dans ce champ tout ce qui contredit ou contrevient aux lois du développement, tout ce qui donne prééminence aux intérêts de l’institution sur les intérêts de l’enfant [ou de la personne] (2000, p. 21).
12La notion de maltraitance est, quant à elle, une notion résolument moderne, bien que le verbe dont elle s’inspire remonte au VIIe siècle. Du latin médiéval maletractare (Centre national de ressources textuelles et lexicales, 2008), il évoque le fait de « traîner avec violence ». Cette expression évolua ensuite, au XIIIe siècle, pour la forme mal trester (ib.). De nos jours, les termes maltraiter et maltraitance sont principalement utilisés pour évoquer la présence de violence dans le cadre de relations caractérisées par une asymétrie de force ou de statut entre les acteurs en présence. Même si cette tendance n’est pas universelle, le langage courant tend à consacrer l’usage du terme maltraitance à la maltraitance faite aux enfants (Gabel, 2000 ; Hofner et al. 2001), aux personnes âgées (Busby, 2000) ou aux personnes vulnérables, alors que le terme violence est plus fréquemment utilisé pour évoquer le rapport de force qui s’exprime dans des relations supposées égalitaires, par exemple la violence conjugale à l’encontre des femmes (Casalis & Morbois, 2000 ; Hofner & Viens-Python, 2004).
13L’effort de clarification entrepris dans ce paragraphe est important pour préciser la nature de la démarche de prévention car elle permet de déterminer ce qui rend différents des phénomènes apparemment proches. Dans la suite de ce travail, et compte tenu de ce qui précède, l’emploi du terme de maltraitance sera privilégié, avec une centration sur les interactions éducatives qui prennent place en institution entre l’éducateur et la psh. L’ancrage de ces relations dans des milieux résidentiels ou d’atelier adaptés impose toutefois de rester vigilant face aux dysfonctionnements potentiels du contexte lui-même (Corbet, 2000).
1.2.2. Les définitions théoriques de la maltraitance
14Plusieurs définitions de la maltraitance coexistent actuellement sur le plan théorique (Petitpierre-Jost, 2002a). La plupart se veulent larges et intégratives. Elles appréhendent différentes formes d’actions maltraitantes, les considérant comme relevant de conduites ayant pour points communs une violence non codifiée et des conséquences oppressives. L’une de ces définitions est proposée par l’Organisation des Nations unies dans la Convention internationale des droits de l’enfant1, Elle qualifie de maltraitance :
Toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, faites à l’enfant pendant qu’il est sous la garde de ses parents, représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié (ONU, art. 19, 1989).
15En 2002, un groupe de travail mandaté par le Conseil de l’Europe et placé sous la direction d’Hillary Brown a formulé une définition qui s’applique spécifiquement aux enfants et aux adultes en situation de handicap. Cette définition tient compte des limitations rencontrées par la personne, notamment en termes de capacités de discernement et d’autonomie. Elle privilégie le terme abus (de l’anglais abuse) et le définit comme :
Tout acte, ou omission, qui a pour effet de porter gravement atteinte, que ce soit de manière volontaire ou involontaire, aux droits fondamentaux, aux libertés civiles, à l’intégrité corporelle, à la dignité ou au bien-être général d’une personne vulnérable, y compris les relations sexuelles ou les opérations financières auxquelles elle ne consent ou ne peut consentir valablement, ou qui visent délibérément à l’exploiter (Brown, 2002, p. 9).
16En dépit des informations complémentaires que l’on peut trouver dans l’une ou l’autre des définitions précédemment mentionnées, distinguer ce qui relève ou non de la maltraitance reste une démarche complexe qui laisse une large part à l’interprétation. On peut par exemple constater que certains comportements, lorsqu’ils dépassent des limites, dans leur propre logique, peuvent basculer du bien au mal, ou vice versa, sans changer de nature (Mercier, 2004, p. 88). Cette absence de critères témoigne de la relativité du regard porté sur le phénomène et de la subjectivité qui imprégne son interprétation.
1.2.3. Un jugement rarement définitif, a fortiori dans le champ socio-éducatif et de l’éducation spéciale
17Les définitions permettent rarement de formuler un jugement définitif. La relativité des critères utilisés pour qualifier la maltraitance est particulièrement présente dans les formes les moins bien balisées de la définition, par exemple les maltraitances psychologiques. Elle se manifeste également lorsque le phénomène prend place dans un champ où les repères diffèrent, comme c’est le cas dans le champ socio-éducatif ou de l’éducation spéciale. Dans ces domaines, la présence d’une déficience intellectuelle et les limitations que celle-ci implique sur le plan de la responsabilité propre de la psh modifie les références normalement attendues (Petitpierre, 2002b). A tout instant, l’ambiguïté prévaut lorsqu’il s’agit de déterminer s’il est favorable de laisser telle marge d’autonomie à telle personne adulte avec une déficience intellectuelle ou si cette autonomie représente pour elle un danger qui rend alors préférable une surveillance, voire une aide plus soutenue et plus limitative. Dans ce contexte, l’action de soutien peut devenir maltraitante par excès d’assistance, comme l’absence d’aide peut l’être par insuffisance de protection. Ainsi l’appréciation des faits est-elle difficile. Elle est tributaire des représentations des besoins de la personne accompagnée. Celles-ci retentissent sur les seuils à partir desquels une action bascule du normal au pathologique (Lassus, 2000).
18La notion de la maltraitance, malgré les nombreuses tentatives de définitions qui ont cherché à en préciser les frontières et à en approfondir le contenu, reste donc un concept ambigu, en recherche constante de sens. Cette recherche de sens s’observe notamment dans l’évolution rapide qu’ont connue les dispositifs légaux dans presque tous les pays occidentaux au cours de la dernière décennie.
1.3 La maltraitance, un objet social médiatisé par des représentations
19Certains travaux confirment que la maltraitance est un objet social médiatisé par des représentations. Dans une synthèse réalisée en 1999 à partir d’études anglo-saxonnes, Colette Jourdan-Ionescu montre que des conduites telles l’abus physique et l’abus sexuel sont davantage révélées par les professionnels que les actes de négligence et de manquement au bien-être. Plusieurs études signalent également que des caractéristiques directement en lien avec la manière dont les actes ont été perpétrés, par exemple leur sévérité, leur fréquence, la période au cours de laquelle ils ont eu lieu, sont prises en considération par les professionnels pour décider de la pertinence du signalement. L’indicateur de signalement semble être considéré ici comme un moyen de discriminer entre des formes plus ou moins radicales de maltraitance. Ces constations corroborent celles de Lagraula-Fabre (2005), laquelle ajoute que l’appréhension subjective de la violence est grandement conditionnée par le contexte de sa commission, notamment par les qualités qui caractérisent ses acteurs, comme la présence d’un rapport d’autorité sur la qualification des actes (p. 58).
20L’intérêt que portent les chercheuses aux représentations est directement lié aux difficultés que rencontrent les définitions à créer du consensus et de la clarté autour de la notion de maltraitance. La recherche entreprise vise à étudier cette subjectivité et à comprendre pourquoi certaines actions sont susceptibles d’être considérées comme maltraitantes, alors que d’autres ne le sont pas ou le sont moins. Il conviendra de s’interroger sur la manière dont seront pris en compte certains facteurs dans la qualification de l’abus, notamment la forme de l’abus, les conséquences de l’acte sur la victime, l’intention sous-tendant l’acte commis par l’auteur et le contexte dans lequel l’acte est commis. De même, il importera de discerner si ces critères seront utilisés par les personnes en situation de handicap, les parents et les éducateurs spécialisés pour examiner les mêmes faits.
La forme de l’abus et son influence sur la qualification de l’acte maltraitant
21Historiquement, la maltraitance fut initialement réduite aux abus exprimés de façon active (brutalités physiques, injures). Elle ne concerne que de façon plus récente des phénomènes moins visibles, en creux2, qui se définissent plutôt par l’absence de comportements bénéfiques que par la présence de conduites néfastes, et que l’on qualifie de négligence (Ethier, Lacharité & Gagnier, 1994). Les études épidémiologiques contemporaines montrent toutefois que la négligence, tout comme la maltraitance psychologique, sont des formes d’abus auxquelles sont particulièrement exposés les enfants et adultes présentant une déficience (Verdugo et al., 1995 ; Sullivan & Knuston, 2000).
Les conséquences de l’acte sur la victime et son influence sur la qualification de l’acte maltraitant
22En 2002, le Conseil de l’Europe a étendu la définition des maltraitances aux actes cumulés ou répétés dont les effets négatifs ne sont pas immédiatement observables mais sont susceptibles d’avoir des conséquences à plus long terme. La manière dont se manifestent les effets peut jouer un rôle dans les représentations. Les conséquences des maltraitances psychologiques, bien que connues pour être gravissimes, sont cependant difficiles à établir et on peut supposer que leur caractère plus ou moins tangible constitue un critère qui conduit à distinguer des formes plus ou moins prototypiques de maltraitance. Les travaux analysés par Colette Jourdan-Ionescu (1999) montrent que, sur ce point, les procédures de dénonciation de la maltraitance sont tributaires de l’objectivité des preuves dont disposent les professionnels. Le signalement intervient plus rarement lorsque les professionnels ne disposent pas de critères précis permettant de distinguer les situations présumées des situations incontestées (ib.). Ainsi, les possibilités de dépistage sont-elles tributaires des compétences communicationnelles des personnes en situation de handicap, dont certaines sont dans l’incapacité fonctionnelle, psychologique ou contextuelle de témoigner des situations de maltraitances dont elles auraient pu être victimes.
L’intention sous-tendant l’acte commis et son influence sur la qualification de l’acte maltraitant
23Pour déterminer la peine encourue par l’auteur de maltraitance, le législateur suisse nuance la gravité de la responsabilité selon que l’action commise était délibérée ou involontaire. Les caractéristiques des acteurs en présence jouent un rôle fondamental sur le plan pénal. Il en va de même du Conseil de l’Europe, qui considère que même si un abus peut être commis par n’importe quel individu (y compris une autre personne handicapée), il [l’abus] est particulièrement grave quand il s’inscrit dans le cadre de rapports de confiance caractérisés par une position de force… (Brown, 2002, p. 9). On peut se demander si, dans leurs représentations, les participants examineront les faits et les jugeront à l’aune de ce critère.
Le contexte dans lequel l’acte est commis et son influence sur la qualification de l’acte maltraitant
24Les critères usuels destinés à assurer la sécurité et la protection de la personne sont appelés à varier dans le contexte éducatif spécialisé du fait de la présence d’une déficience intellectuelle et d’une responsabilité diminuée. Ainsi, un acte éducatif peut-il constituer une menace pour l’intégrité physique ou psychologique de la psh s’il ne tient pas compte de ce qui caractérise cette personne sur le plan de son développement ou de son autonomie. La prise en compte des critères contextuels suppose qu’un comportement peut être dangereux pour un individu, compte tenu de son niveau de développement (par exemple, laisser un enfant en bas âge sans surveillance) ou compte tenu de facteurs de vulnérabilité particuliers qui modifient les références normalement attendues pour un âge donné (déficience intellectuelle, par exemple).
1.3.1. L’étude des représentations de la maltraitance au service de la prévention
25Les paragraphes précédents ont permis de montrer que la maltraitance n’est pas une réalité scientifiquement définie. Les regards individuel et collectif pèsent sur les contours du phénomène. La représentation sociale est un ensemble organisé et cohérent à l’intersection des processus cognitifs et de la logique sociale (Abric, 1994, 2003). Elle est formée des croyances, des valeurs, des attitudes, des préjugés et des savoir-faire des personnes en présence. Les représentations guident les conduites de l’individu dans ses rapports avec autrui. Ces représentations forment le lien entre le sujet (l’univers intérieur de l’individu) et l’objet appartenant à son univers extérieur (Jodelet, 1989). Pour Moscovici (1984), le lien avec l’objet est une partie intrinsèque du lien social et doit donc être interprété dans ce cadre. Abric (1994, p. 13) insiste sur le fait que la représentation n’est pas un simple reflet de la réalité, [qu’]elle est une organisation signifiante. Il s’agit d’une représentation qui se construit à la fois comme produit et processus d’une activité mentale et qui permet à l’individu de reconstituer le réel auquel il est confronté en lui attribuant une signification spécifique (ib.).
26Il est d’usage de distinguer le noyau central de la représentation de ses éléments périphériques. Le noyau central est constitué de tout élément ou ensemble d’éléments qui donne à cette représentation sa signification et sa cohérence (Abric, 1987, p. 68). Pour Seca (2001, p. 74), le noyau serait stable, source de cohérence et de résistance au changement. Il est peu sensible aux évolutions du contexte ou de l’actualité, à l’insertion temporaire d’un individu, et dans un collectif aux représentations différentes, à l’adoption de pratiques contradictoires ou sources de dissonance. Le système périphérique, quant à lui, est constitué d’éléments plus instables, d’idées, de cognitions mobiles. Les éléments du système périphérique sont plus nombreux dans le discours explicite ; ils représentent des variantes du noyau central. Le noyau constitue l’élément unificateur et stabilisateur de la représentation, il relie les éléments contextuels et périphériques de la représentation et organise le système périphérique de la représentation (Abric, 1994).
27L’objectif de cette recherche exploratoire est de procéder à la mise à jour des représentations qu’individus et groupes d’individus, appelés à se côtoyer dans les milieux éducatifs spécialisés, portent sur le phénomène de la maltraitance. Autrement dit, il s’agit de déterminer les caractéristiques qui, chez les uns et les autres, contribuent de façon plus ou moins déterminante au noyau représentatif de la maltraitance ainsi qu’à ses éléments périphériques.
1.3.2 Représentations et signalement des actes d’abus
28Les représentations sociales ont différentes fonctions. Elles permettent aux acteurs de comprendre et d’expliquer la réalité qui se présente à eux et peuvent justifier leurs prises de positions et leurs comportements (Abric, 1997). La reconnaissance de l’acte abusif dépend, on l’a dit précédemment, des représentations, et plus précisément de la fonction qu’elles assurent au niveau cognitif, qui permet aux partenaires concernés d’appréhender le phénomène en lui donnant sens. Cette fonction a également pour objet de favoriser l’assimilation des connaissances nouvelles afin que celles-ci deviennent compréhensibles et trouvent une cohérence avec le système de normes et de valeurs tel qu’il est déterminé socialement. C’est pourquoi il n’est pas possible d’isoler l’étude des représentations des participants en matière de maltraitance de l’étude du contexte sociopolitique, en particulier celui du cadre législatif qui constitue l’arrière-fond dans lequel évoluent les acteurs.
29Les représentations permettent aussi de guider les comportements (Abric, 1997). On sait toutefois que si les représentations sociales ont la possibilité d’influencer les pratiques, les agir ne correspondent pas toujours aux désirs ou aux représentations exprimées (Bouchard, 2002, 1994). Certaines conditions peuvent cependant renforcer le lien entre la représentation et l’agir. Jourdan-Ionescu (2001) relève, par exemple, que l’existence de procédures, et une bonne connaissance de celles-ci, contribuent à leur utilisation par les professionnels au moment où ceux-ci rencontrent, dans leur environnement, des situations potentiellement abusives.
1.4 Une thématique complexe
30Définir les causes à l’origine de la maltraitance constitue une tâche difficile. Deux tentatives d’explication coexistent. La première posture épistémologique se limite à une explication causale unique, définitive et limitative des faits de maltraitance. La seconde explication opte pour une compréhension dynamique qui consiste, à partir de perspectives théoriques différentes, à inscrire le phénomène dans le contexte écologique afin de n’omettre l’influence d’aucun système, que celui-ci agisse de façon directe ou indirecte (Petitpierre-Jost, 2002a ; Verdugo et al., 1995). C’est ce dernier point de vue qui sera présenté.
1.4.1 Une épistémologie multidimensionnelle de compréhension
31Lorsque l’on s’intéresse au phénomène de la maltraitance, on s’aperçoit que la situation ne se laisse généralement ramener ni à des principes mécanicistes ni à des déterminants causaux uniques. Le problème est en effet presque systématiquement au cœur d’un faisceau de variables multiples, individuelles et sociales, psychologiques et culturelles, concrètes et symboliques qui, loin d’être mutuellement exclusives, agissent le plus souvent de façon complémentaire et en équilibre réciproque. Ces influences sont susceptibles d’agir tantôt comme des facteurs protecteurs, tantôt comme des facteurs favorisants ou aggravants (Palacio-Quintin & Coderre, 2004 ; Verdugo & Bermejo, 1997).
32Le modèle de Bronfenbrenner (1979) a été utilisé par plusieurs auteurs (Belsky, 1980, 1993 ; Verdugo & Bermejo, 1997) à l’occasion de travaux tentant d’évaluer le risque de vulnérabilité à la maltraitance. Dans le champ du handicap, Verdugo & Bermejo (1997) s’y rapportent comme à un référentiel permettant d’inventorier les forces et les faiblesses de l’individu, ainsi que les risques et les opportunités que celui-ci est susceptible de rencontrer dans son environnement. L’équilibre et la combinaison entre ces facteurs multiples permettent de comprendre comment se crée ou non une situation de vulnérabilité aux abus. Historiquement, le principal atout du modèle a été de rappeler le rôle et la responsabilité du contexte social, y compris ceux des structures sociales et politiques, dans la genèse d’un grand nombre de problèmes considérés alors comme individuels. Sur le plan opératoire, ce modèle attire l’attention sur l’influence de quatre systèmes imbriqués les uns aux autres qui, symbolisés par des cercles concentriques, s’articulent autour du (des) système (s) individuel (s).
33L’ontosystème réfère à la personne, avec ses attributs physiques et psychologiques (parmi lesquels son âge, son genre, son tempérament, ses valeurs, ses croyances, son niveau d’activité, sa motivation). Les caractéristiques de l’ontosystème influencent la manière dont l’individu perçoit la réalité et la manière dont il l’interprète, de même qu’elles peuvent influencer la manière dont des tiers, personnes physiques ou institutionnelles, agissent à l’égard de celui-ci (Bronfenbrenner & Morris, 1998). Le microsystème se présente comme le système des milieux physiques et sociaux immédiats dans lesquels l’individu évolue ; il renvoie aux acteurs en relation directe avec le sujet, aux caractéristiques de la relation que le sujet entretient avec chacun d’entre eux, ainsi qu’aux propriétés physiques, sociales ou symboliques des environnements au sein desquels cette relation intervient (famille, école, voisinage, résidence, etc.). Le mésosystème décrit les relations que les différents microsystèmes entretiennent les uns avec les autres, ainsi que les traits, les qualités et les médiations symboliques qui sous-tendent ces relations. L’exosystème se rapporte aux structures ou ressources, présentes ou absentes, dans le contexte sociopolitique, aux conditions d’accessibilité de celles-ci (octroi de services avec ou sans condition, etc.). Le macrosystème fait référence aux options et cadres culturels, économiques, politiques, juridiques et sociaux d’une communauté, y compris ses valeurs, ses idéaux, ses us et coutumes collectifs. En dernier lieu, le chronosystème, système que Bronfenbrenner a introduit dans la plus récente version du modèle (1995), renvoie aux évolutions et aux changements qui traversent les différents systèmes. Le chronosystème rend compte de la dynamique qui touche les différents facteurs.
34Le modèle écologique de Bronfenbrenner offre un support compatible avec la perspective multidimensionnelle privilégiée dans cette recherche, dans la mesure où il prend en compte et tente de figurer les influences réciproques et imbriquées qu’entretiennent entre eux les différents systèmes qui participent des interactions humaines. Certains auteurs tels que Verdugo et al. (1995) ont utilisé ce support représentatif pour tenter de comprendre et de saisir la complexité des influences susceptibles de majorer les risques ou de réduire la protection vis-à-vis de la maltraitance.
1.4.2 Facteurs de risque et de protection
35Lagraula-Fabre définit la vulnérabilité comme une faiblesse qui s’exprime dans le rapport aux autres (2005, p. 25). Soulignant la subjectivité de la notion, elle précise que celle-ci est relative puisqu’elle dépend de la capacité de l’individu à se défendre contre les agressions (Fishter-Boulevard, 2000, p. 323, cité par Lagraula-Fabre, 2005, p. 25). La vulnérabilité à la maltraitance est ainsi modulée par l’équilibre entre des facteurs de risque et des facteurs de protection (Erkohen-Marküs et Doudin, 1999). Ces deux types de facteurs concernent aussi bien la personne que son environnement, avec leurs ressources et leurs limites respectives.
36Les facteurs de risque renvoient aux variables qui accroissent la probabilité d’apparition de la maltraitance. Ainsi que l’a montré Belsky (1980, 1993) à partir du modèle écologique de développement de la personne proposé par Bronfenbrenner (1979), les facteurs de risque peuvent concerner divers sous-systèmes en relation : le niveau ontosystémique, le microsystème, le mésosystème, l’exosystème et le macrosystème. Le modèle suppose que la vulnérabilité soit majorée par la présence cumulée de facteurs de risque relevant des divers niveaux systémiques en présence. Ainsi, l’exposition à la maltraitance induite, au niveau de l’ontosystème, par la présence d’une attitude docile de la part de la personne handicapée, pourrait-elle être augmentée, au niveau du microsystème, par la présence de professionnels peu qualifiés et manquant de distance par rapport à certaines situations du contexte socio-éducatif. Ces deux facteurs verraient leur influence s’accroître encore si devait intervenir, au niveau de l’exosytème, un dysfonctionnement du travail en réseau ou un manque d’ouverture de l’institution vers l’extérieur.
37L’étude de la vulnérabilité ne rend cependant pas compte de l’ensemble des forces en jeu dans la probabilité d’apparition de la maltraitance. L’autre pôle à considérer est constitué par les facteurs de protection. Ceux-ci sont les attributs des personnes, des environnements, des situations et des événements en mesure d’interférer avec les risques dans un sens de modération ou d’atténuation, contrairement aux facteurs de risque qui augmentent la vulnérabilité (Jourdan-Ionescu, 2001 ; Bourguignon, 2000). Les facteurs protecteurs peuvent intervenir préventivement, dans la mesure où ils permettent de réduire l’impact du risque en diminuant l’exposition au risque, mais ils jouent également un rôle dans une situation déjà déclarée, étant susceptibles d’affaiblir la chaîne négative qui suit l’exposition au risque et en perpétue les effets (Bourguignon, 2000, p. 81). Même si l’état des connaissances théoriques en matière de facteurs de protection est beaucoup moins avancé, on sait que ceux-ci peuvent se décliner selon les mêmes niveaux que les facteurs de risque (niveaux de l’ontosystème, du microsystème, du mésosystème, de l’exosystème et du macrosystème). La protection contre les abus s’accroît grâce à la présence cumulée de variables de protection relevant des mêmes niveaux systémiques que les facteurs de risque. Ainsi, l’exposition à la maltraitance est-elle réduite lorsque, au niveau de l’ontosystème, une personne handicapée possède une bonne estime d’elle-même et un discernement suffisant pour envisager comme non acceptables les abus dont elle pourrait faire l’objet ; la protection sera majorée si cette personne dispose, au niveau du microsystème, d’un contact régulier et de qualité avec sa famille ou d’autres personnes de son entourage susceptibles de prendre le relais d’une éventuelle démarche de clarification et de protection et, finalement, si elle vit dans un contexte où existent au niveau juridique des dispositions législatives susceptibles d’assurer sa protection (macrosystème).
38Actuellement, cependant, certains auteurs rappellent la nature probabiliste du concept de vulnérabilité et mettent en garde contre le risque de glisser vers un usage mécaniciste de la notion, que ce soit à des fins de compréhension (explication causale indifférenciée et statique) ou de prévention (action préventive mécanique non personnalisée). Trop de professionnels ont mal compris la nature statistique de ces notions : ils ont confondu risque et fatalité et en arrivent à des jugements péremptoires trop pessimistes et à des pratiques nocives et excluantes (Tomkiewicz, 2000, p. 60).
1.5 Une thématique se prêtant à différentes voies de prévention
39On distingue les mesures de prévention passive des mesures de prévention active. La prévention passive a pour caractéristique de mettre les personnes à l’abri des risques, sans réclamer leur concours ni requérir une mobilisation de leur part (Tursz, 2002, p. 18). Les procédures réglementaires mises en place par les pouvoirs publics, pour réduire l’exposition au risque, relèvent de cette forme de prévention. Ces procédures constituent le sujet du point suivant.
1.5.1 La prévention passive : les domaines du droit en lien avec la protection des personnes handicapées en institution3
40Le droit a plusieurs fonctions (réprimer, protéger, réparer) et plusieurs niveaux (international, fédéral, cantonal), ce qui explique en grande partie les différents points développés ci-dessous, et démontre aussi l’étendue des droits que toute personne peut invoquer lorsqu’elle estime que son bien-être est touché du fait du comportement d’un tiers.
Le droit international
41De la Déclaration des droits des personnes handicapées, proclamée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1975, à la Déclaration de Madrid du 23 mars 2002, la communauté internationale au sens large a édicté des textes pour promouvoir l’autodétermination des personnes vivant avec un handicap. Mais ces textes, aussi intéressants soient-ils, ne sont que des sources d’inspiration pour les législations nationales ; au mieux obligent-ils les États à rendre des rapports réguliers sur l’évolution de la situation dans le domaine des droits des personnes vivant avec un handicap. Il faut néanmoins relever que la nouvelle Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, entrée en vigueur le 3 mai 2008, est accompagnée d’un protocole facultatif prévoyant un droit de plainte de la part de particuliers ou d’associations de défense des droits des personnes handicapées auprès d’un Comité des droits des personnes handicapées. Cependant, la Suisse n’a, pour l’heure, signé ni la Convention ni ce protocole facultatif.
42Les seuls textes de droit international que pourrait invoquer une personne handicapée devant un tribunal seraient la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) ainsi que le Pacte II relatif aux droits civils et politiques4. Ces textes ne contiennent aucune disposition particulière aux personnes handicapées, mais consacrent la protection contre la torture et les traitements inhumains et dégradants, de même que la protection de la sphère privée.
43Une violation de la CEDH peut être portée devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg, pour autant que le plaignant ait épuisé les voies de recours internes sans obtenir satisfaction. Cette Cour a, à plusieurs reprises, donné raison au justiciable suisse et par là même désavoué le Tribunal fédéral, notamment dans le domaine de la privation de liberté à des fins d’assistance en institution psychiatrique5.
44Le Pacte II prévoit dans un protocole additionnel un droit de plainte des citoyens à un Comité des droits de l’homme, mais la Suisse n’a pas ratifié ce protocole, ce qui laisse à penser qu’elle ne le fera pas non plus pour le protocole facultatif de la nouvelle Convention relative aux droits des personnes handicapées. Les règles de la CEDH et du Pacte II font par contre partie du droit suisse et peuvent être invoquées à tous les niveaux de la procédure interne.
Le droit constitutionnel suisse
45Il est inscrit à l’art. 8 al. 4 de la Constitution fédérale que la loi prévoit des mesures en vue d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées. Le législateur fédéral a rempli ce mandat constitutionnel en édictant la Loi sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (LHand, 2002). Cette loi oblige les architectes, les transporteurs, les fabricants divers et les fournisseurs de services à penser à l’accessibilité de leurs réalisations ou de leurs prestations aux personnes handicapées. De caractère essentiellement technique, cette loi n’apporte pas d’amélioration aux rapports humains au sein d’une institution, ou du moins pas directement. On peut cependant penser que les qualités techniques exigées par la LHand en matière d’accessibilité facilitent la vie quotidienne des personnes handicapées à l’intérieur et à l’extérieur de l’institution, et par là même leur qualité de vie.
46La Constitution fédérale protège la personne handicapée comme tout autre citoyen dans l’expression de ses droits fondamentaux comme la liberté personnelle, la liberté d’expression ou la protection de la sphère privée. Ces droits ne sont pas absolus et peuvent être limités, à condition que cette limitation soit contenue dans une base légale, qu’elle réponde à un intérêt public et reste proportionnée. A l’instar du patient à l’hôpital, la personne en institution est dans un rapport spécial avec l’État et doit s’attendre à davantage de limitations dans ses droits fondamentaux, celles-ci pouvant échapper à l’exigence de la base légale si elles sont dictées par le bon fonctionnement de l’institution, servent l’intérêt public et restent proportionnées. La Constitution fédérale ne protège les citoyens que contre les agissements de l’État et des institutions qui lui sont associées, mais pas contre ceux des institutions privées, même subventionnées6.
Le droit pénal suisse
47Le droit pénal, qui concerne les comportements jugés antisociaux que l’État s’est donné pour mission de poursuivre afin de préserver l’ordre social, fixe de manière assez large les limites à la maltraitance des personnes handicapées. Parmi ces comportements qualifiés d’infractions, en vertu du droit pénal, on peut citer7 :
La contrainte (art. 181 CP), soit l’entrave à la liberté d’action d’une personne par la violence ou la menace.
La menace (art. 180 CP), soit le fait d’effrayer ou d’alarmer une personne sans raison valable.
S’agissant de mineurs, la violation du devoir d’assister ou d’élever un mineur, mettant ainsi en danger son développement physique et psychique (art. 229 CP).
La mise en danger (art. 127 CP), soit le fait d’exposer ou d’abandonner une personne dont on a la surveillance à un danger grave.
Les lésions corporelles intentionnelles graves (art. 122 CP), simples (art. 123 CP) ou les voies de fait (art. 126 CP) qui peuvent être infligées suite au comportement antisocial d’une personne handicapée. Si le droit de correction (physique) semble être admis par la jurisprudence pour les parents (dans une proportion très limitée et pour des situations exceptionnelles, comme le rappelle l’art. 126 al. 2 du CP), il est exclu pour les autres personnes (enseignants, éducateurs, soignants…).
Les lésions corporelles par négligence (art. 125 du CP), soit des atteintes non volontaires à la santé physique ou psychique d’une personne (handicapée).
Les atteintes à la personnalité que sont la diffamation (art. 173 CP), soit la disqualification d’une personne auprès de tiers sans égard au respect de sa vie privée ou de son honneur, les injures (art. 177 CP) proférées directement contre la personne, par la parole ou par le geste, ou encore la violation de la correspondance (art. 179 CP) et des communications (art. 179bis CP) lorsque l’information ainsi récoltée est divulguée.
48Les infractions contre la santé (lésions corporelles, mises en danger…) sont également poursuivies lorsqu’elles sont commises par un acte passif (exposer une personne à un danger extérieur, laisser un objet dangereux dans les mains d’une personne handicapée jusqu’à ce qu’elle se blesse…) s’il existe un devoir d’agir, ce qui est évidemment le cas pour le personnel d’une institution à l’égard des personnes que cette institution accueille (art. 11 CP).
49Les infractions pénales décrites ci-dessus peuvent toutefois être justifiées par la loi (art. 14 CP)8 ; ce sera le cas notamment lorsqu’une infraction de contrainte permet d’éviter une mise en danger de la personne même ou de tiers.
Le droit civil suisse
50Le droit civil s’intéresse aux rapports juridiques que peut entretenir une personne avec d’autres personnes, physiques ou morales, ainsi qu’aux modes de représentation de cette personne dans ses rapports juridiques, lorsqu’elle est absente ou incapable de les exercer elle-même. Ainsi, l’une des questions fondamentales que pose le droit civil porte-t-elle sur la capacité de discernement d’une personne à exercer ses droits (art. 11 à 19 CC). Le droit suisse apprécie dans le concret cette capacité de discernement, à savoir pour chaque acte pris séparément. Une personne handicapée peut très bien être considérée comme capable de discernement pour un acte déterminé, mais pas pour un autre acte. Lorsqu’une personne handicapée majeure présente une déficience intellectuelle, elle est pourvue d’un tuteur (art. 369 CC) ou l’autorité parentale est prolongée (art. 385 al. 3 CC), ce qui ne l’empêche pas d’exercer seule ses droits strictement personnels pour lesquels elle serait capable de discernement9, ou d’exercer certains droits conjointement avec le représentant légal (parent ou tuteur) qui, à l’instar des parents à l’égard de leurs enfants mineurs, dispose d’une grande latitude pour construire et délimiter avec son pupille (et avec la collaboration des professionnels de l’institution) une sphère d’autonomie.
51Le droit civil s’intéresse également à la constatation et à la réparation des atteintes à la personne. Si le droit pénal porte sur la répression étatique des comportements antisociaux, le droit civil s’attache quant à lui aux conséquences de ces comportements sur les victimes et leur permet d’obtenir une réparation pour le dommage ou le tort moral subi. Ainsi les art. 28 CC et suivants permettent-ils à celui qui est atteint dans sa personnalité d’agir contre toute personne qui participe à cette atteinte, en demandant notamment la cessation de l’atteinte et réparation si l’atteinte a causé un préjudice. Comme en droit constitutionnel, l’atteinte peut être justifiée lorsqu’elle répond à un intérêt public ou privé prépondérant, ou qu’elle est dictée par la loi10.
Le droit des contrats
52Lorsqu’une personne handicapée vit dans une institution, il y a toujours un contrat qui lie cette institution au représentant légal de la personne ou à elle-même si elle n’est sous aucune mesure de protection (curatelle, tutelle). Ce contrat, apparenté au mandat (art. 394 et 406 CO), engendre des obligations de part et d’autre, comme celle pour l’institution d’user de toute la diligence requise dans la prise en charge et l’accompagnement de la personne handicapée confiée et celle pour le représentant légal d’informer l’institution des caractéristiques personnelles et médicales de son pupille qui permettent une prise charge appropriée. Ainsi, certains scénarios du film (voir point 2.3.2), ne constituent pas une violation d’une norme légale, mais plutôt une violation du devoir de diligence qui incombe au cocontractant.
53Lorsque la personne handicapée a l’exercice de ses droits civils, c’est elle qui est partie au contrat11.
54Le droit des contrats offre également une action en cas d’atteinte à la personnalité, avec des avantages par rapport à l’action civile ordinaire. En effet, dans l’action civile ordinaire, c’est à la victime de prouver qu’elle a été l’objet d’une atteinte injustifiée, tandis que dans l’action contractuelle, c’est au cocontractant de prouver que l’atteinte ne lui est pas imputable et qu’aucune faute ne peut lui être reprochée. De plus, l’action civile ordinaire donne un an à la victime pour agir (art. 60 CO), alors que l’action contractuelle lui accorde dix ans (art. 127 CO).
55En plus de l’action en protection de la personnalité et en réparation du préjudice, le droit des contrats permet aux parties de résilier le contrat, ce qui est un avantage lorsque le représentant légal de la personne handicapée est en mesure de choisir l’institution la plus appropriée, mais un inconvénient lorsque la résiliation est invoquée par l’institution.
Le droit administratif cantonal
56Depuis 2011, les cantons sont chargés de la planification, de la surveillance et du financement public des institutions œuvrant dans le domaine du handicap. A ce titre, ils peuvent compléter le dispositif législatif existant pour mener une politique publique cohérente en matière de prévention de la maltraitance12. Secoué par plusieurs affaires de maltraitance qui ont défrayé la chronique, le canton de Vaud a décidé de jouer un rôle de pionnier dans ce domaine. Il a édicté des directives très précises en matière de contrainte et de contention dans les institutions. Ces directives accordent un droit de plainte aux résidants, soit auprès du médiateur santé, soit auprès de la Commission d’éthique et de déontologie des institutions sociales vaudoises (CEDIS), commission indépendante mise en place conjointement par le Service cantonal de prévoyance et d’aide sociale (SPAS) et l’Association vaudoise des organismes privés pour enfants, adolescents et adultes en difficulté (AVOP).
57A Genève, la nouvelle loi sur la santé entrée en vigueur en septembre 2006 consacre ses articles 42 à 51 aux droits des patients en institution médicalisée et traite de manière générale des mesures de contrainte, en instaurant notamment un droit de plainte des patients et de leur représentant auprès de la Commission de surveillance des professions de la santé. Cette loi s’adresse davantage aux patients des hôpitaux qu’aux résidants des institutions accueillant de manière durable des personnes handicapées, et les mesures de contrainte mentionnées, de même que la Commission de plainte qu’elle institue, sont principalement destinées à protéger les patients hospitalisés, notamment dans le domaine de la psychiatrie. La loi sur l’intégration des personnes handicapées soumet à autorisation les institutions accueillant des personnes handicapées adultes. Parmi les conditions pour l’octroi d’une autorisation d’exploiter figure la présence d’un projet institutionnel. Ce projet doit contenir notamment les critères d’admission et de sortie, le type de prise en charge, les relations des résidants avec leurs proches et le tissu social genevois, etc. Mais cette loi règle les rapports entre l’État et l’institution, et n’offre pas un droit de plainte aux résidants et à leurs représentants légaux. Une autre loi institue une commission consultative pour la déficience mentale, mais celle-ci n’a pas non plus pour compétence de recevoir des plaintes de la part de personnes handicapées résidant en institution.
58Les dispositifs précédemment mentionnés ont tous pour objectif de diminuer l’exposition au risque, qu’il s’agisse du risque pouvant être encouru en tant que victime ou du risque de commettre ou de développer des attitudes maltraitantes (Petitpierre, 2009, p. 660). En plus des mesures citées, d’autres voies d’action préventive, non plus passives mais actives, sont possibles.
1.5.2 La prévention active
59Les mesures de prévention active ont pour caractéristique de mobiliser et faire participer [les personnes concernées] à leur propre sécurité (Tursz, 2002, p. 18). La prévention active peut emprunter trois stratégies différentes (Petitpierre, 2006, 2009). La stratégie d’information consiste en un apport de preuves ou de renseignements qui rendent accessible un ensemble de savoirs plus ou moins complexes (Cherbonnier, 2003, p. 47). Cette stratégie vise à informer de l’existence d’un risque, de ses causes et renseigne, parfois, sur les moyens de s’en prémunir. Elle repose sur un principe de responsabilité individuelle ; c’est la forme de prévention la moins dirigée, c’est-à-dire celle qui laisse la plus grande marge de liberté au destinataire (Bury, 1988). La stratégie de persuasion offre une marge de liberté limitée au public concerné. Elle ne laisse à la personne visée par la démarche de prévention que la possibilité de s’inscrire en adhésion ou en désaccord avec le message véhiculé. Elle n’invite pas à une élaboration réflexive du contenu et des informations transmises. Les démarches de prévention persuasive recourent le plus souvent à l’émotion et jouent sur la séduction ou la peur, par le biais de messages et images incitatifs ou répulsifs. La stratégie d’éducation au risque entend proposer une médiation du message qui, à terme, devrait favoriser l’autonomie des personnes concernées dans l’appréciation de la situation et la prise de responsabilité. La prévention consiste ici à doter le sujet de connaissances relatives à certains dangers, à certaines menaces, mais elle vise également à soutenir ses aptitudes à se protéger, en l’aidant à élaborer divers moyens d’agir sur certains déterminants de sa sécurité (Trefois, 2003, p. 31).
1.5.3 Les différents destinataires des programmes de prévention active
60Parmi les dispositifs de prévention active, on distingue ceux qui sont axés sur la victime potentielle de ceux qui s’adressent à l’entourage. Les premiers sont pour la plupart constitués de programmes éducatifs caractérisés par l’enseignement de conduites d’autoprotection. Les seconds s’adressent aux professionnels de l’éducation, le plus souvent dans le cadre d’une formation de base ou d’une formation complémentaire. Pour les professionnels en activité, cette information peut intervenir dans le cadre de la formation continue ou dans le cadre de formations intra-muros sur leur site de travail.
1.5.4 Les programmes préventifs ciblés sur la victime potentielle
61Dans les faits, les programmes de prévention de la maltraitance qui s’adressent à la personne avec une DI sont encore rares. Une dizaine d’articles anglophones consacrés aux apprentissages d’autoprotection ont été identifiés par Linda Mechling dans une étude qui a systématiquement analysé les publications parues dans dix-huit revues entre 1976 et 2006. Ils rapportent des dispositifs d’intervention qui visent à apprendre à des personnes avec une DI comment se protéger de tiers menaçants. Apprendre à refuser certains ordres, à garder ses distances vis-à-vis d’une tierce personne, familière ou non, avoir l’idée de se confier à une personne de confiance constituent les objectifs d’apprentissage visés par ces programmes. Parmi les travaux mentionnés, celui de Gast et al. (1993) s’adressait à quatre enfants d’âge préscolaire présentant un retard de développement. Des mises en scène fictives simulant le contexte de classe ont été utilisées par les auteurs. Les enfants ayant suivi le programme ont manifesté des compétences nouvelles durant la phase de simulation déjà, mais seule l’expérience en milieu réel leur a permis de généraliser leurs apprentissages. Le programme de Collins (1992) s’adressait quant à lui à des adultes avec DI et s’appuyait sur les opportunités données dans le milieu réel. Les dispositifs de Haseltine & Miltenberger (1990) et Mazzucchelli (2001) ont eux aussi été proposés à des adultes avec une DI. L’apprentissage de stratégies conversationnelles était visé, par le biais de modalités d’instruction, de modelage, de jeux de rôle et de feedback. Si les participants au projet de Mazzucchelli (2001) semblent avoir développé, au terme du programme, des aptitudes et des connaissances nouvelles en matière d’autoprotection, ils n’ont, sur un plan subjectif, pas exprimé un sentiment de sécurité accru. On peut craindre que le modelage de conduites d’autoprotection se borne à fournir des réponses qui restent rigides et peu adaptées à la diversité des situations du milieu naturel. C’est notamment le cas lorsque l’apprentissage de ces comportements n’est pas sous-tendu par un travail réflexif qui permette véritablement d’analyser la situation. Khemka (2000) fait remarquer que les capacités à prendre des décisions, autrement dit les aptitudes décisionnelles, constituent un facteur d’autoprotection décisif par rapport au risque de maltraitance. Elle souligne que la capacité de percevoir et de comprendre le danger potentiel d’une situation d’abus, d’estimer les risques et les bénéfices inhérents à chacune des alternatives d’action possible, et de choisir une voie d’autoprotection adaptée constitue une aptitude déterminante pour gérer avec succès la présence de cette situation13 (p. 388). En raison de ces limites, certains auteurs ont opté pour des programmes plus réflexifs. Aussi, pour doter la personne avec une DI de moyens lui permettant de se défendre contre les abus, Lumley et Miltenberger (1997), Khemka (2000), Khemka et al. (2005) et Hickson et al. (2008) ne cherchent-ils pas à enseigner des conduites, mais privilégient le soutien à la réflexion en apprenant à la personne avec une DI à questionner la nature des interactions dont elle fait l’objet, à analyser celles-ci et à prendre certaines décisions.
62Le dispositif proposé par Khemka (2000) à quarante-cinq jeunes femmes avec une DI légère et modérée vise à promouvoir des réactions plus adaptées aux situations d’abus, grâce à un entraînement des capacités décisionnelles. Un matériel constitué de vignettes vidéo, mettant en jeu des interactions abusives, a été utilisé pour travailler les processus de prise de décision. Deux procédures d’apprentissage ont été testées dans ce projet ; l’une privilégiait le pôle cognitif par l’entraînement exclusif de conduites décisionnelles, la seconde conjuguait un travail sur les aspects décisionnels et motivationnels, notamment sur le locus de contrôle14. L’aptitude à réagir efficacement en protégeant ses intérêts et son intégrité personnels était recherchée, de même que la capacité de comprendre les enjeux et surtout les effets de ses propres comportements (ib., p. 390). La seconde approche s’est révélée plus efficace que la première, montrant que le seul apprentissage de stratégies cognitives ne suffit pas à doter la personne de stratégies suffisantes contre la maltraitance. Un travail au niveau motivationnel s’avère nécessaire pour les personnes avec une DI, la plupart d’entre elles doutant de l’efficacité de leurs propres actions. Ces résultats laissent penser que les mesures de prévention axées sur la réflexivité doivent prendre en considération les processus cognitifs et motivationnels des participants, notamment leur locus de contrôle.
63Dans une étude récente, Hickson et al. (2008) confirment que les personnes ayant subi une histoire d’abus sont souvent celles qui utilisent des stratégies passives ou évitantes et qui s’appuient sur autrui pour pouvoir s’intégrer dans la vie communautaire. Les auteurs considèrent que ces stratégies ne sont que temporairement efficaces. Même si elles permettent à la personne concernée de s’éloigner de la situation abusive, respectivement de son abuseur, ces réactions ne constituent pas des stratégies pérennes car le risque de voir réapparaître la situation reste bien présent (ib., p. 139).
64Khemka et al. (2005) ont développé un programme de formation baptisé ESCAPE qui a été proposé à trente-six participantes présentant une DI modérée ou légère. Des évaluations ont été réalisées avant, durant et à l’issue de la formation pour vérifier les effets de cette dernière. Quatre pôles de compétences ont été évalués : 1) les connaissances développées par les participantes relativement au concept d’abus ; 2) leurs capacités à identifier une situation abusive et à opérer des choix stratégiques pour gérer la situation et neutraliser le danger ; 3) la conception de leur propre auto-efficacité ainsi que 4) leur capacité à gérer le stress. Le programme était composé de trois modules. Le premier module avait pour objectif l’identification de la situation abusive et le développement de capacités d’empowerment. Il abordait des contenus engageant tantôt les processus cognitifs, tantôt les processus motivationnels. Ainsi, définir et distinguer entre les différents types d’abus (sexuel, verbal, physique), distinguer les relations « saines » des relations potentiellement abusives, ou encore identifier des stratégies permettant de faire cesser l’abus relevait du pôle cognitif. Identifier les sentiments que provoquent en soi des relations « saines » vs des relations abusives, identifier les droits individuels que l’on peut faire valoir dans une relation de personne à personne, ou encore définir la manière dont on tend à concevoir l’efficacité de ses propres actions renvoyait au pôle émotionnel et à ses processus. Le deuxième module portait sur l’élaboration et l’entraînement de stratégies de décisions destinées à assurer la sécurité propre et le bien-être des participantes. Il visait à renforcer le sentiment de capacité personnelle grâce à la maîtrise de stratégies réflexives. Ces dernières avaient pour objectif d’aider la personne à interroger les caractéristiques des situations susceptibles de se présenter (Y a-t-il un problème ? Quels sont les choix qui s’offrent à moi ? Qu’arrivera-t-il si j’agis comme ceci/comme cela ? Quelle est la meilleure décision à prendre ? Est-ce que ce choix correspond à mes objectifs personnels ? Est-ce que l’abus cessera ? Est-ce que je me sentirai mieux ?). Le troisième module visait la consolidation, le maintien et la généralisation des compétences développées. Les résultats du post-test ont laissé entrevoir une nette appropriation de compétences par les personnes ayant suivi la formation en comparaison de celles du groupe contrôle. Les participantes témoignaient d’une meilleure capacité de discriminer les situations potentiellement abusives, elles exprimaient un sentiment d’empowerment accru et des capacités plus affirmées leur permettant d’opter librement pour des stratégies répondant à leur propre intérêt (sécurité) ou à leur propre bien-être. Les dispositifs d’autoprotection existants ont pour l’heure rarement donné lieu à des analyses aussi systématiques sur le plan de leur efficacité (Khemka et al. 2005 ; Lumley et al., 1998). Les travaux publiés disponibles sont malheureusement encore le fait de quelques auteurs isolés. Un élargissement thématique s’impose, car la plupart des programmes sont souvent centrés sur la prévention des abus sexuels.
65Tous les spécialistes ne sont pas favorables aux programmes présentés ci-dessus. Certains d’entre eux considèrent que les programmes de prévention ciblés sur la victime font « fausse route » dans la mesure où ils font reposer sur celle-ci la responsabilité de sa propre protection (Van Gijseghem, 1999). Une autre limite inhérente à ce type de dispositifs réside dans le fait qu’ils tendent à placer l’individu à qui ils s’adressent dans une relation de méfiance à l’égard de son entourage proche et lui donnent à penser qu’il vit dans un monde malveillant. Privilégier des programmes axés sur la personne handicapée pose donc question et une attention s’impose en ce qui concerne la manière d’introduire les plans d’intervention dans les milieux d’accueil pour personnes avec une DI. Khemka & Hickson (2000) proposent par exemple de penser la prévention sur un plan plus global. On retiendra leur recommandation qui enjoint de veiller à développer des actions ne négligeant aucune des ressources sociales et personnelles des personnes concernées (Khemka & Hickson, 2000). Publiée en 1988 déjà, l’intervention de Sievert et al., qui propose d’aider les personnes avec une DI à discriminer les situations dans lesquelles leurs droits légaux sont violés, au moyen de scénarios validés socialement, s’inscrit parfaitement dans cette optique.
1.5.5 L’information et la formation à l’intention des professionnels
66La prévention à l’intention des professionnels emprunte actuellement la voie de l’information et de la formation. A titre d’exemple, et sans prétendre à l’exhaustivité, sont indiqués quelques enseignements proposés dans le cadre de la formation de base, de la formation complémentaire ou encore de la formation continue de certaines hautes écoles sociales ou pédagogiques de Suisse romande.
67Ainsi, dans la formation de base, le thème est-il au programme de la Haute école de travail social de Genève (Hets-ies) de manière transversale à l’occasion de plusieurs enseignements consacrés aux questions juridiques et aux mesures de protection de la jeunesse. De plus, depuis 2009, la Hets-ies offre sous forme d’un module libre à choix, en fin de formation initiale, un enseignement interactif sur ce thème (80 périodes de 45’). La Haute école pédagogique du canton de Vaud (HEP Vaud) organise un module obligatoire (48 périodes de 45’) dans le cadre de la formation des enseignants spécialisés. La Haute école fribourgeoise de travail social (HEF-TS) propose deux enseignements optionnels durant la formation des professionnels en éducation sociale. Le premier aborde la question de la bientraitance (16 périodes de 45’), le second est offert à l’ensemble des étudiants des HES-SO dans le cadre d’un module d’approfondissement intersites sur le handicap (OASIS) ; il traite des risques de maltraitance en institution (8 périodes de 45’). Pour l’année 2008-2009, la thématique fait également partie de l’offre de formation continue de la HEF-TS (enseignement de 12 périodes de 45’intitulé « Accompagnement socio-éducatif d’adultes. Maltraitance-bientraitance »). Elle est au programme du Centre de formation continue pour les travailleurs sociaux (CEFOC) de la HETS-ies (enseignement de 16 périodes de 45’intitulé « La maltraitance en institution : rompre le silence, la reconnaître et la prévenir »), ainsi que de la HEP Vaud (enseignement de 12 périodes de 45’intitulé « Le rôle de l’enseignant (e) face aux maltraitances »).
1.5.6 Les niveaux de prévention
68Les mesures de prévention peuvent également être distinguées en fonction des objectifs qu’elles véhiculent. Trois niveaux d’action préventive ont été distingués par l’OMS. La prévention primaire vise à prévenir l’apparition du problème, à savoir l’apparition de nouvelles situations de maltraitance, en intervenant sur les facteurs de risque et de protection. Tout travail de sensibilisation à l’existence du phénomène, à ses conditions d’apparition, de même que l’identification et le déploiement des facteurs de protection relève de la prévention primaire. Dans le contexte de la maltraitance en milieu institutionnel, cette mesure consiste, par exemple, en un travail de réflexion sur ce qui est susceptible de constituer un abus ; elle comprend l’identification du phénomène, le repérage des facteurs de risque et de protection aux différents niveaux des sous-systèmes impliqués. L’attention portée aux facteurs de protection combinée à la réduction des facteurs de risque ont pour but de diminuer l’apparition de nouvelles situations critiques. La prévention secondaire vise à dépister le phénomène pour le traiter et en diminuer la durée. Elle vise à ce que les acteurs présents (victime, agresseur, témoin), en présence d’une situation identifiée comme maltraitante, prennent aussitôt les mesures nécessaires pour son signalement afin d’éviter que la situation ne perdure ou ne s’aggrave. La prévention tertiaire lutte contre les complications afin de diminuer l’occurrence des conséquences handicapantes liées aux situations à risque. Elle consiste à donner suite aux situations de maltraitance dépistées en proposant diverses formes d’aide aux acteurs impliqués. Ce niveau de prévention a pour but de réduire l’impact et les conséquences du phénomène sur les personnes et systèmes concernés. Ces trois niveaux de prévention supposent généralement des actions à différents niveaux systémiques (Charte d’Ottawa, OMS, 1986 ; Papart, 2006). Ainsi, la prévention d’une intrusion dans l’intimité de la personne handicapée suppose-t-elle simultanément une capacité de pratique réflexive (ontosystème professionnel), la prise en compte des caractéristiques de la personne en situation de handicap (ontosystème professionnel), une réflexion sur les dispositifs architecturaux (microsystème), l’existence d’un code déontologique (macrosystème), etc.
1.6 Une menace pour l’image et l’identité personnelles et institutionnelles
69La discussion autour de la maltraitance des personnes en situation de handicap est encore trop souvent un sujet tabou. Omerta, chape de plomb, silence assourdissant sont les termes utilisés par Juihlard & Blanc (2003) pour rendre compte des réactions de non-recevoir accordées à cette problématique jusqu’à la dernière décennie. Ces attitudes ont renforcé le manque de visibilité du problème et induit une circularité qui fait que la prévention peine parfois à atteindre certains milieux socio-éducatifs, notamment ceux qui fonctionnent de façon close et dans lesquels les risques sont particulièrement présents. Des propos tels que : « De toute façon, chez nous, il est interdit de frapper un résidant », illustrent à eux seuls la vision manichéenne qui peut parfois prévaloir dans ce domaine et qui fonctionne implicitement comme évitement défensif, déni ou rejet de la multiplicité des voies que peut emprunter la maltraitance.
70Le seul fait d’énoncer l’existence de cette thématique suscite parfois encore angoisse, préjugés ou dramatisation, ce qui complique la prévention. Ainsi, comme pour certaines autres formes d’action préventive ayant trait à un problème de santé publique, la prévention de la maltraitance peut-elle constituer une menace pour les images individuelles ou institutionnelles. Au niveau personnel, elle menace l’identité professionnelle, dans la mesure où elle suggère la possibilité d’être impliqué. Au niveau institutionnel, des craintes peuvent survenir qui pourraient ébranler l’image et la réputation de l’institution. Lorsqu’un établissement est sollicité pour une recherche sur cette thématique, la démarche s’accompagne d’une augmentation réelle du risque de révélations. Evoquant la fragilité et la précarité des sentiments individuels ou collectifs de sécurité face au risque, Pollak rappelle la responsabilité des experts et souligne la nécessité de rechercher les moyens de faire passer le message préventif sans provoquer de dramatisation excessive (1996, p. 255). Divers travaux en psychologie sociale ont en effet montré le risque d’affaiblissement de l’efficacité du message préventif dès lors que celui-ci engendre chez le participant une menace pour son image personnelle et pour son identité. Dans certains cas, cette réaction peut conduire l’individu à se défendre contre le message de prévention en refusant son contenu (Falomir & Mugny, 1999).
1.7 Options retenues pour la recherche
71Les enjeux présentés constituent la toile de fond de l’étude. Compte tenu du contexte ainsi délimité, quatre options principales ont été retenues dans la recherche entreprise par les auteurs :
Une préférence pour un travail autour des représentations : la recherche a privilégié un travail de construction du concept à partir des représentations. En effet, partir d’une notion prédéfinie ou préalablement construite sur la base de références théoriques dictées de l’extérieur aurait eu comme inconvénient de laisser le public interpellé en dehors du questionnement sur le contenu conceptuel. Or, comme l’a souligné Mercier (2004), un tel questionnement est fondamental. Pour qui se place dans une perspective de prévention, en faire l’économie renverrait à une action pouvant s’avérer moraliste et peu autonomisante pour les personnes concernées. Prédéfinir la maltraitance ou la réduire à certaines formes d’expression aurait réduit, chez le public visé, la probabilité de se sentir concerné, et surtout celle de se sentir potentiellement interpellé.
Une préférence pour un dispositif de prévention active : parmi les stratégies visant à prémunir un individu ou un groupe d’individus contre un risque potentiel, la recherche a donné la priorité à la prévention active, en empruntant une stratégie dite d’éducation au risque. Cette stratégie suppose un effort d’élaboration de la part des participants. Elle se distingue de la stratégie persuasive, qui aurait imposé une définition préalable de l’attitude maltraitante en contradiction avec l’intention d’investiguer en parallèle les représentations des participants. L’intérêt pour un dispositif de prévention active dans une perspective d’éducation au risque est sous-tendu par le fait que cette stratégie favorise une prise d’autonomie [de la part] des personnes concernées et la recherche de leurs propres marques. La prévention consiste ici à donner au sujet des éléments de connaissance sur certains dangers, sur certaines menaces mais elle vise également à soutenir ses aptitudes à se protéger, en l’aidant à élaborer divers moyens d’agir sur certains déterminants de sa sécurité (Trefois, 2003, p. 31).
Une préférence pour un dispositif centré non seulement sur les victimes potentielles, mais également sur leur entourage : la recherche a tenu compte des limites des dispositifs centrés sur les personnes avec une DI, en impliquant une pluralité d’acteurs. La procédure a donc été élargie aux personnes directement concernées qui forment l’entourage de la personne handicapée. Les parents et les professionnels font partie de cet entourage familier et, en fonction de leur place respective, constituent des relais privilégiés pour prolonger le travail réflexif avec ces personnes (Masse, 2004, 2001, 2000, 1998). Leur regard averti sur les phénomènes qui habitent la scène éducative a été bienvenu, de même que leur expérience des milieux concernés. Ce choix a nécessité de construire un dispositif flexible commun aux participants et accessible à chacun. Ce dispositif devait ne pas faire appel de façon trop directe aux expériences personnelles et limiter la menace induite par le thème.
Une préférence pour un processus de recherche collaboratif : la recherche a privilégié une relation partenariale entre les chercheuses et les participants, qui ont été considérés comme des partenaires de réflexion dans l’approfondissement de la thématique. Sans pour autant renoncer aux principes de rigueur méthodologique, la recherche a visé la possibilité qu’un échange de connaissances au bénéfice du terrain puisse intervenir à travers le processus. Le processus de recherche-action se présentait comme le cadre conceptuel et méthodologique de référence qui répond à de tels critères. Dans un tel processus, il est bien question de mettre l’acteur au cœur du processus de formation et de recherche, l’acteur et son action (en acte ou en perspective, en acquis ou en projet), l’acteur et son milieu (social pour le moins décliné en professionnel ou en associatif), mais plus encore il s’agissait à travers la recherche-action, comme à travers la stratégie éducative, de libérer un discours, de contribuer à l’émergence d’un savoir d’expérience, savoir social né des multiples interactions en mouvement dans la démarche elle-même (Pigault, 2006, p. 44).
Notes de bas de page
1 L’expression a été proposée par Tomkiewicz et Vivet (1991, p. 21).
2 L’expression a été proposée par Tomkiewicz et Vivet (1991, p. 21).
3 Le point 1.5.1. a été rédigé par Yves Delessert (chargé d’enseignement, titulaire d’un Master en droit, Hets-ies).
4 La CEDH a été adoptée par le Conseil de l’Europe en 1950 et ratifiée par la Suisse en 1974. Le Pacte II a été adopté en 1966 par le Conseil économique et social de l’ONU et ratifié par la Suisse en 1991.
5 Par exemple l’arrêt D.N. contre Suisse, n° 27154/95, CEDH 2001-III – (29.03.01).
6 Tout comme le droit international, le droit constitutionnel n’est invocable que lorsque l’institution dans laquelle s’est déroulé l’acte mis en cause est publique ou semi-publique. C’est le droit cantonal qui définit le cercle des institutions qui engagent l’État, en principe dans leur loi sur la responsabilité de l’État. A Genève, les fondations de droit public engagent la responsabilité de l’État (art. 9 de la Loi genevoise sur la responsabilité de l’État et des communes). Les EPI, en tant qu’établissements publics, engagent la responsabilité de l’État. Dans le canton de Vaud, toute personne de droit privé qui accomplit une tâche publique engage également la responsabilité de l’État (art. 3 de la Loi vaudoise sur la responsabilité de l’État, des communes et de leurs agents). Toutefois, l’accueil de personnes handicapées en institution n’est pas à proprement parler une tâche publique sujette à concession, si bien que les institutions membres de l’Association vaudoise des organismes privés pour enfants, adolescents et adultes en difficulté (AVOP) n’engagent en principe pas l’État par leurs actions.
7 Il s’agit d’une liste non exhaustive qui exclut des infractions, notamment d’ordre sexuel, dont la gravité est sans commune mesure avec les scénarios présentés dans les films ayant servi de support à la recherche (voir chapitre Méthodologie, point 2.3).
8 A noter que depuis le 1er janvier 2007, le devoir de fonction (par exemple de l’éducateur) n’est plus un motif pouvant justifier une infraction pénale, à moins que ce devoir ne repose sur une loi.
9 Il s’agit en principe de droits intimement liés à la personne qui n’ont pas d’incidence financière, comme le droit de choisir ses relations, ses centres d’intérêt, sa manière de prendre soin de soi…
10 Ainsi, les atteintes à la personnalité ayant lieu dans les institutions étatiques (voir note n° 6, p. 34) sont-elles examinées au regard du droit constitutionnel, voire du droit administratif cantonal. Elles peuvent être examinées également en vertu du droit civil, mais la victime n’aura une action que contre l’État, et non contre l’encadrant qui est l’auteur de l’atteinte. Lorsque l’atteinte a lieu dans une institution privée, la victime peut agir civilement contre l’encadrant auteur et contre l’institution, qui peut également porter une part de responsabilité civile, ne serait-ce que comme employeur (art. 55 CO), mais ne pourra pas invoquer le droit constitutionnel ou international.
11 A noter que de plus en plus d’institutions font également signer le contrat par la personne handicapée. Cette signature n’a qu’une valeur symbolique et pédagogique lorsque la personne n’a pas l’exercice de ses droits civils (art. 19 al. 1 CC). Toutefois, si elle est capable de discernement, elle peut s’engager seule si le représentant légal ratifie par la suite (art. 410 & 411 CC), mais le cas de figure est assez improbable.
12 A noter toutefois que le transfert de compétences de la Confédération aux cantons s’accompagne d’une loi fédérale destinée à donner un cadre à l’action des cantons. Cette loi fédérale sur les institutions destinée à promouvoir l’intégration des personnes invalides (LIPPI), entrée en vigueur le 1er janvier 2008, prévoit que la reconnaissance d’une institution est subordonnée à la préservation des droits de la personnalité des personnes invalides, notamment le droit de disposer d’elles-mêmes, d’avoir une vie privée, de bénéficier d’un encouragement individuel, d’entretenir des relations sociales en dehors de l’institution et d’être protégées contre les abus et les mauvais traitements, ainsi que leur droit de participation et celui de leurs proches (art. 5 al. 1 et e) LIPPI).
13 Traduit par les auteurs.
14 Le locus de contrôle, concept développé par Rotter en 1966, renvoie au lien que les individus établissent entre leurs conduites et leurs caractéristiques personnelles. Ce lien peut être de deux types : interne/dispositionnel (croyance en un contrôle interne) ou externe/situationnel (croyance en un contrôle externe) (Baggio, 2006, p. 59).
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