La mixité en maison de quartier : entre désir de parité et division sexuelle du travail
p. 117-136
Remerciements
Je remercie Séverine Rey pour ses relectures et conseils.
Texte intégral
1En quoi la thématique de la mixité touche-t-elle le domaine de l’animation socioculturelle ? Au premier abord, les valeurs transmises par ce secteur d’activité semblent d’évidence aller dans le sens d’une mixité valorisée entre les sexes, mais aussi entre les personnes d’origines sociales et nationales diverses. Pourtant, à y regarder de plus près, rares sont les études portant sur la mixité entre femmes et hommes, tant dans les équipes d’animation qu’auprès des publics des activités proposées. Le secteur professionnel de l’animation, comme les autres domaines du travail social, est passablement féminisé, c’est-à-dire qu’il comprend une majorité de femmes actives professionnellement. Mais les femmes sont également présentes en nombre sur le terrain associatif de l’animation, dans les maisons de quartier notamment, où elles s’engagent en tant que mères d’enfants participant aux activités ou en tant qu’habitantes du quartier. Il est dès lors intéressant de se demander comment cette configuration particulière confronte la question de la mixité et en quoi elle l’interroge dans ses principes mêmes. Peut-on parler de mixité lorsqu’un domaine est majoritairement investi par des femmes ? Et quelle est la place des hommes dans ce cas précis ?
2Dans le cadre des activités proposées aux enfants et aux adolescent-e-s, l’animation socioculturelle se trouve face à une situation paradoxale : lorsque les enfants sont petits (moins de 13 ans), garçons et filles sont présent-e-s lors des activités proposées mais, dès l’adolescence, les professionnel-le-s observent une désertion des filles des activités. A ce premier constat s’ajoute celui d’une spécialisation des animatrices et animateurs selon les domaines d’activités, les premières étant majoritaires dans les secteurs regroupant les enfants, les seconds se retrouvant davantage dans les secteurs de l’adolescence. A ce stade, nous pouvons nous demander ce que signifie cette forme de division sexuelle du travail et ce que cela implique sur la question de la mixité des équipes d’animation.
3Dans le cadre d’un mémoire de Master2, j’ai mené une enquête qui interroge et analyse les pratiques et discours des professionnel-le-s et bénévoles de l’animation socioculturelle sous l’angle des rapports de genre. Réalisée auprès d’une maison de quartier et des associations composées d’habitant-e-s d’un quartier de la ville de Genève, elle cherche à savoir comment se déploie la division sexuelle du travail, tant parmi les membres des associations du quartier que chez les professionnel-le-s de l’animation. Méthodologiquement, elle fait appel aux outils de l’ethnographie : observations et entretiens approfondis. Durant un été, j’ai réalisé des observations lors des réunions d’associations et des activités de la maison de quartier proposées aux enfants et aux adultes. J’ai également mené une série d’entretiens avec des actrices et acteurs de la vie associative du quartier, dont des animatrices et animateurs socioculturel-le-s.
4Mon objectif est de donner un éclairage spécifique des pratiques et discours de et sur la mixité entre animatrices et animateurs travaillant au sein de cette maison de quartier et d’analyser leurs effets en termes de division sexuelle du travail. Après une brève mise en contexte de l’enquête et une explicitation du cadre théorique sur lequel je m’appuie, mon propos se développera en quatre points. Premièrement, je montrerai que la mixité fait l’objet d’une valorisation au sein des équipes d’animation, risquant d’une part d’opposer la volonté paritaire à la féminisation de la profession et dissimulant d’autre part des activités centrées sur un public principalement féminin. Deuxièmement, l’accent mis sur la répartition des rôles entre animatrices et animateurs pendant les activités révélera la division sexuelle du travail qui la sous-tend. Troisièmement, je mettrai en lumière la logique de complémentarité issue des discours sur la mixité des équipes et des tentatives d’en sortir. Enfin, la répartition des professionnel-le-s par secteur et par activité interrogera la notion de non-mixité des animations, au travers de l’étiquetage des activités selon le sexe des enfants, ainsi que du phénomène de disparition des filles des activités de loisirs à partir de l’adolescence.
Contexte de l’enquête
5En Suisse, l’époque de l’institutionnalisation des maisons de quartier et centres de loisirs, dans les années 1960, correspond à l’entrée massive des femmes sur le marché du travail. Dans le même temps, l’animation socioculturelle se professionnalise et se positionne sur le champ de la jeunesse. En 1962, à Genève, est créée l’école d’animatrices et animateurs de l’Institut d’études sociales (IES) pour former les employé-e-s de ce secteur. L’animation perd alors son statut de bénévolat issu notamment des mouvements chrétiens et devient un métier à part entière (Felder, 1979). Les maisons de quartier, aujourd’hui subventionnées par l’Etat et actives dans les lieux publics, se font le relais des familles dans la prise en charge des jeunes en dehors des heures scolaires. Il est par ailleurs intéressant de constater que, d’une certaine manière, les maisons de quartier, en particulier concernant les jeunes enfants, contribuent à professionnaliser les valeurs et les pratiques du care3, considérées traditionnellement comme féminines.
6A Genève, les maisons de quartier sont des institutions gérées par des comités associatifs bénévoles et qui emploient des animatrices et animateurs socioculturel-le-s diplômé-e-s. L’organe institutionnel qui chapeaute les maisons de quartier est la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (FASe), regroupant elle-même quatre partenaires : l’Etat, les communes, les représentant-e-s des animateur-trice-s et la Fédération des centres de loisirs et de rencontres (FCLR) qui, ensemble, décident de la politique et de la gestion des maisons de quartier et centres de loisirs du canton de Genève. Le contexte politique dans lequel se situent les maisons de quartier au moment de la recherche est celui d’une crise institutionnelle avec leur organe de gestion, la FASe4. Par un changement législatif, l’Etat aimerait garantir la primauté de la dimension socio-éducative des maisons de quartier, en focalisant leur action sur les adolescent-e-s et particulièrement les jeunes en rupture sociale, majoritairement des garçons. Les maisons de quartier, et principalement leur volet associatif, craignent que la dimension socioculturelle visant un public plus large d’habitant-e-s des quartiers soit mise de côté et que l’existence même de comités associatifs soit remise en cause (Causes communes, 2009).
7Le quartier dans lequel cette enquête a été réalisée se situe dans une ancienne zone industrielle, dont les habitant-e-s sont souvent issu-e-s des classes populaires et d’origine étrangère. Plus récemment, des étudiant-e-s sont arrivé-e-s dans le quartier, attiré-e-s par la proximité des centres universitaires et les loyers encore modestes. La maison de quartier qui y est implantée est à la fois un lieu d’accueil et d’animation pour les habitant-e-s et un centre d’activités de loisirs en faveur des enfants et des jeunes. C’est aussi là que se rencontrent et se fréquentent les professionnel-le-s de l’animation socioculturelle et les bénévoles associatifs du quartier. Par les ressources dont elle dispose, tant en termes financiers et matériels qu’en termes de personnes et d’espace, la maison de quartier étudiée se positionne au cœur de la vie associative du quartier.
8La maison de quartier est segmentée en différents secteurs d’activité selon les publics concernés : le secteur enfants pour les moins de 13 ans, le secteur adolescent-e-s pour les 13-18 ans et le secteur tout public, qui correspond aux activités destinées aux adultes et en lien avec la vie citoyenne du quartier. Lors des activités proposées aux enfants et aux jeunes, les équipes d’animation socioculturelle travaillant à la maison de quartier sont composées d’animatrices et animateurs professionnel-le-s et de monitrices et moniteurs engagé-e-s durant les congés scolaires. Au moment de l’enquête, trois femmes et quatre hommes travaillent comme animateur-trice-s socioculturel-le-s, ainsi qu’une proportion égale de moniteur-trice-s. Dans les animations proposées aux enfants et aux adolescent-e-s, les animatrices et animateurs ainsi que les monitrices et moniteurs fonctionnent généralement par binômes mixtes5.
La mixité en question
9La littérature scientifique traitant de la question de la mixité affirme généralement que l’égalité est indissociable du principe de mixité. D’une part, l’égalité est « le préalable indispensable à la réalisation de la mixité dans n’importe quelle institution », d’autre part, elle est « unanimement considérée comme l’aboutissement ultime, l’objectif final de la mixité qui ne vaudrait elle-même que comme un de ses moyens » (Chaponnière et Chaponnière, 2006 : 127). Dans le cas de l’école par exemple, l’introduction de la mixité avait comme but de créer de l’égalité entre filles et garçons, non seulement par un enseignement commun, mais aussi parce que la cohabitation des deux groupes était censée atténuer les différences entre eux (Chaponnière et Chaponnière, 2006). Toutefois, le présupposé qui veut que plus de mixité mène à plus d’égalité ne se constate pas de manière si évidente dans la réalité. En effet, « la mixité est [peut-être] le principe même de la vie sociale dans une démocratie et la condition nécessaire d’une véritable égalité des sexes », mais elle n’est pas en soi « un principe suffisant, si elle ne s’accompagne pas d’une véritable politique d’égalité » (Mosconi, 2004 : 172).
10Sur le marché de l’emploi, la division sexuelle du travail s’observe par une ségrégation des professions et des positions entre femmes et hommes selon « deux principes organisateurs : le principe de séparation (il y a des travaux d’hommes et des travaux de femmes) et le principe hiérarchique (un travail d’homme ‘vaut’ plus qu’un travail de femme) » (Kergoat, 2004 : 36). La ségrégation verticale implique « la sous-représentation des femmes dans les postes hiérarchiquement élevés », tandis que la ségrégation horizontale « se réfère au fait que sur le marché de l’emploi les femmes n’occupent pas les mêmes emplois que les hommes et sont concentrées dans certains secteurs d’activité » (Parini, 2006 : 57-58). Dans les espaces de travail où existe une certaine mixité entre les sexes6, des études ont montré que la division sexuée du travail se déplace plutôt qu’elle ne disparaît (Fortino, 2002). Au contraire, lorsque femmes et hommes « cohabitent » dans un même travail, ces études constatent une recréation d’espaces séparés et une continuité des mécanismes de ségrégation horizontale et verticale. Ainsi, des femmes et des hommes exerçant un même métier dans un espace mixte peuvent être amené-e-s à occuper des postes similaires sans pour autant faire le même travail (Fortino, 2002).
11Bien souvent, le travail professionnel des femmes s’inscrit dans une logique de continuité avec le travail domestique et l’arrivée des hommes dans les métiers traditionnellement féminins ne remet pas en cause cette assignation sexuée des tâches. Les compétences mobilisées dans le travail professionnel par les hommes et les femmes, « acquises hors de la sphère professionnelle […], sont identifiées comme autant de qualités innées, voire biologiques, possédées en propre et de façon exclusive par l’un ou l’autre sexe » (Fortino, 2002 : 190).
12Les métiers dans le domaine du travail social, tout comme la formation, sont caractérisés par une importante féminisation. En 2010, sur 7198 étudiant-e-s inscrit-e-s dans la filière Travail social des Hautes écoles spécialisées de Suisse (HES), 5393 sont des femmes, soit 75% d’étudiantes7. La proportion est la même concernant la HES de Suisse occidentale (HES-SO) avec 1401 étudiantes et 435 étudiants inscrit-e-s en travail social en 20108. Selon une étude menée en 2008 sur la situation de l’emploi dans le domaine social en Suisse romande, le pourcentage de femmes travaillant comme animatrices socioculturelles est de 62%. Si l’on observe les cohortes d’âge, il semble que la féminisation de la profession s’accroît ces dernières années (Gaberel, 2009).
13Cette situation est très similaire au phénomène observé en France, où le secteur de l’animation tend à se féminiser depuis les années 1980 et s’accompagne d’une précarisation croissante des métiers de l’animation. Dans ce secteur, les accueils extrascolaires sont « les plus faiblement professionnalisés, les moins qualifiés et les plus précaires, ces dispositifs sont aussi les plus féminisés » (Bacou et Raibaud, 2011 : 56). L’évolution des modèles éducatifs constitue une explication possible de la féminisation de la profession. Ainsi, dans les années 1960, les animateurs de la première génération sont plutôt des hommes et s’inscrivent dans un régime éducatif autoritaire. Depuis les années 1970, un revirement de la conception de l’éducation fait passer le modèle éducatif dominant à un modèle de maternage. Conséquemment, le secteur de l’animation est peu à peu déserté par les hommes et investi majoritairement par les femmes (Bacou, 2006). A l’intérieur même du secteur, des spécialisations apparaissent, répartissant les hommes plutôt dans le domaine de l’adolescence et les femmes dans celui de l’enfance.
Une mixité valorisée
14Au vu de cette forte présence de femmes dans le secteur professionnel de l’animation, quelles questions cela pose-t-il au travail des animateur-trice-s et quels sont leurs discours sur la mixité ? Dans le contexte de l’enquête menée auprès de la maison de quartier, la mixité des équipes d’animation est largement valorisée et est toujours la solution privilégiée lorsqu’il s’agit de constituer des groupes de professionnel-le-s pour les activités. Tant parmi les animateur-trice-s que chez les bénévoles, la mixité semble aller de soi et est même érigée en norme professionnelle, cherchant à atteindre une représentation paritaire. Ainsi, la volonté d’engager un nombre équivalent de femmes et d’hommes dans les équipes est exprimée par une animatrice :
« Elle est de l’ordre du voulu, c’est-à-dire que ça arrive quand même souvent quand tu fais une ouverture de poste où c’est marqué, t’as pas le droit par exemple de dire, on cherche une animatrice, mais tu peux mettre cherche animateur-trice, à compétences égales, la préférence ira à un homme ou une femme pour des questions d’équilibre d’équipe. Ça, tu vois tout le temps, tout le temps. Donc c’est quelque chose où, dans nos métiers, c’est indispensable qu’il y ait vraiment cette mixité » (Lucie, animatrice)9.
15La recherche de la parité dans ce secteur fortement féminisé pose différentes questions : d’une part, la recherche d’animateurs, et d’hommes en général, peut être interprétée dans le sens d’une meilleure reconnaissance et valorisation des métiers de l’animation, considérés comme peu qualifiés. Or, les métiers fortement féminisés sont souvent ceux qui bénéficient le moins de la reconnaissance des compétences de leurs salariées. De plus, « la mixité, lorsqu’elle signifie un renforcement de la présence masculine dans un secteur numériquement dominé par les femmes, est valorisée, notamment par les femmes. Simultanément, celles-ci dénigrent l’espace de travail féminisé » (Fortino, 2002 : 200). Nous pouvons donc constater, comme dans d’autres domaines professionnels qui connaissent une majorité de femmes, une tendance à la valorisation de la présence d’hommes et, simultanément une moindre reconnaissance du travail des femmes.
16D’autre part, une application stricte du principe de parité des équipes d’animation peut porter préjudice à l’engagement de femmes dans un milieu professionnel où beaucoup plus d’entre elles sont en concurrence sur le marché de l’emploi. Dès lors, le choix de privilégier la parité dans les équipes d’animation a pour conséquence de favoriser l’engagement des hommes au bénéfice d’une formation d’animateur socioculturel au détriment des femmes.
17En outre, les discours valorisent la mixité parce qu’elle est censée représenter un idéal de société où hommes et femmes vivraient en harmonie. Selon l’interprétation d’un membre du comité associatif de la maison de quartier, la mixité dans le cadre de l’animation socioculturelle serait ainsi garante d’une certaine harmonie sociale.
« C’est un milieu dans lequel il y a une atmosphère qui est orientée vers la recherche de consensus, vers la recherche de l’harmonie, de l’entente, etc. Et à mon avis, ça tient peut-être au fait qu’il y a cet équilibre hommes-femmes, ça tient aussi peut-être au fait que, encore une fois, quand tu fais de l’animation socioculturelle, immanquablement tu tends vers cet objectif-là d’une certaine harmonie dans le fonctionnement, parce que le but ultime de l’animation socioculturelle, c’est d’apporter de l’harmonie sociale » (Jean-Pierre, bénévole).
18Mais pour quelle raison la mixité apporterait-elle plus d’harmonie ? L’idéal de société qu’elle est censée représenter ne reflète pas toujours la réalité, particulièrement dans le contexte de la maison de quartier, où cette vision idéalisée, voire mystifiée, de la mixité prête à réfléchir. En effet, non seulement l’espace professionnel de l’animation socioculturelle est passablement féminisé, mais les bénévoles, qui participent à la vie du quartier et aux activités de la maison de quartier, sont essentiellement des femmes. Celles-ci sont majoritaires à participer aux cours et activités proposées dans le cadre associatif de la maison de quartier, dont l’offre reflète les goûts censés plaire à un public féminin (danse, couture, activités créatrices, etc.). De plus, l’espace de la maison de quartier est aussi un lieu de rencontre pour les mères, principales interlocutrices des animatrices et animateurs lors des interactions avec les parents. Dès lors, cette vision idéalisée de la mixité correspond peu avec la réalité sociale vécue dans ce domaine de l’animation socioculturelle.
Répartition des rôles pendant les activités
19Au-delà de sa vision, idéalisée ou non, comment la mixité est-elle mise en pratique dans les animations quotidiennes qui ont lieu dans le cadre des activités de la maison de quartier ? Les animateur-trice-s et moniteur-trice-s réalisent leurs animations auprès des différents publics sous forme de binômes, la plupart du temps mixtes. A ce titre, la description d’une des activités principales destinées aux enfants durant les beaux jours est éclairante. L’activité dite de la « charrette » a pour caractéristique d’être gratuite et sans inscription préalable des enfants. Ceux-ci ne sont donc pas directement sous la responsabilité de la maison de quartier et de son équipe d’animation, mais sous celle de leurs parents. Cette activité consiste à proposer des jeux et des animations (dessins, activités créatrices, bricolages, jeux d’équipe ou individuels) aux enfants dans le parc du quartier. Dans la charrette mobile, tirée à bras, se trouvent des jeux en tous genres, destinés à un public d’enfants de 6 à 13 ans. Durant tout l’après-midi, ceux-ci sont mis à disposition des enfants, sous le contrôle des animateur-trice-s et moniteur-trice-s et des adultes accompagnant les enfants. L’extrait suivant, capté un après-midi d’été dans le parc, montre comment s’établissent les rôles entre l’animatrice et le moniteur responsables à ce moment-là des activités autour de la charrette.
30 juin 2009, animation charrette
Un peu avant 15h, je retrouve l’animatrice Vanessa et le moniteur Philippe dans le local de la maison de quartier et nous partons chercher la charrette, qui est entreposée dans l’annexe. Philippe tire la charrette pendant que Vanessa et moi sommes derrière et la poussons. A peine arrivés au parc, déjà des enfants nous suivent et nous installons la charrette près de l’atelier de réparation de vélos. Vanessa commence à lire les règles de la charrette avec les enfants qui se sont rassemblés autour d’elle (cinq ou six filles et deux garçons entre 6 et 10 ans). Au bout d’un moment, les garçons se lassent et s’en vont, seules les filles restent à écouter les consignes. Pendant ce temps, Philippe bricole les affiches rappelant les consignes pour les faire tenir sur la charrette. Un peu plus loin, la buvette du parc ouvre également et les deux jeunes hommes qui la gèrent installent les chaises longues, attirant ainsi vers eux les garçons. Alors que les filles sortent les perles de la charrette pour faire des colliers, Philippe propose aux garçons de réparer les pièces manquantes d’un jeu.
Lors de mes présences pendant cette activité, je remarque que Vanessa se comporte facilement de manière affectueuse avec les enfants en les prenant dans ses bras et les cajolant et que ceux-ci lui marquent en retour également beaucoup d’affection. Elle exprime ce rôle comme celui d’une « maman de compensation », qu’elle prend volontiers en charge parce que, selon elle, de nombreux enfants se retrouvent seuls (sans leur mère) dans le parc. Philippe, quant à lui, joue plutôt le rôle du « grand frère », dont la logique repose sur une proximité avec les enfants plutôt que sur un rôle d’autorité (Bessin, 2005), et propose plus souvent des activités aux garçons (jeux d’équipe ou individuels, bricolages, etc.). Cette relative complémentarité des rôles à l’interne du binôme d’animation n’est pourtant pas absolue, car certaines activités sont interchangeables entre l’animatrice et le moniteur (les jeux de cartes, par exemple). Par contre, certains rôles sont bien définis comme celui qui veut qu’un homme soit indispensable pour tirer la charrette, lourde et encombrante.
Un autre exemple de la répartition des rôles féminin et masculin réside dans la description d’une autre activité importante de la maison de quartier : la grillade hebdomadaire qui a lieu en été dans le parc. Cette animation s’adresse à tou-te-s les habitant-e-s du quartier et remporte un joli succès auprès d’un public familial. Les grillades sont organisées en principe par les animateur-trice-s, qui se répartissent les soirées en binômes. Les animateur-trice-s prennent contact avec le groupe de musique qui crée une animation dans la soirée, mettent en place les grils à disposition des habitant-e-s et veillent à ce que le matériel soit bien rangé à la fin de la soirée. Bien qu’il n’y ait pas de règle absolue, les binômes d’animation sont en principe mixtes. La répartition des rôles fait que les hommes gèrent les tâches autour des grils, alors que les femmes s’occupent plutôt de la mise en place des tables et de la préparation de la nourriture pour le repas des membres de l’équipe présents et des musicien-ne-s.
30 juin 2009, grillade au parc
Aujourd’hui, c’est Michel qui est chargé d’organiser la grillade avec Lucie, qui le rejoint après sa journée au centre aéré. D’autres animateurs sont également présents, comme Christian, qui est aussi là avec sa famille, comme Michel. Ce soir, il fait chaud et c’est la première semaine des vacances. Le parc est rempli d’enfants et de familles, qui se répartissent sur les tables disposées de manière aléatoire sur l’herbe. La population est multiethnique, mais les groupes familiaux, assez homogènes, restent plutôt entre eux, sans grand mélange. Le lieu de rencontre se situe autour des grils, où tout le monde doit s’entendre pour se faire de la place. Certaines personnes polémiquent sur la question des grils avec ou sans viande de porc, alors que d’autres critiquent les odeurs des viandes grillées. La préparation et la mise en place des grils est une tâche prise en charge par les hommes, pendant que les femmes portent et installent les tables.
Ces deux exemples permettent d’illustrer la manière dont la répartition des rôles entre animatrices et animateurs suit la division sexuelle du travail, d’une part en associant, lors des activités avec les enfants, le care et les activités créatrices aux femmes et le rôle du grand frère et les jeux individuels ou d’équipe aux hommes. D’autre part, la division des tâches lors des activités auprès des habitant-e-s renvoie également à des compétences sexuées, associant les hommes à la gestion du feu et au maniement des outils liés aux grils et les femmes à l’accomplissement des tâches domestiques de la cuisine, du rangement et du nettoyage. Cette division des rôles à l’intérieur des équipes d’animation rappelle ce que Marc Bessin nomme une « conception essentialiste d’une mixité de complémentarité » (dans Herman, 2006 : 95). Dans la logique de la complémentarité, la division sexuelle du travail entre animatrices et animateurs vient renforcer la mixité, qui sert une répartition traditionnelle du travail entre femmes et hommes, où les premières sont chargées de l’affectif et les deuxièmes de l’autorité. Parallèlement, les femmes gèrent plutôt les activités manuelles d’intérieur, tandis que les hommes monopolisent les activités sportives d’extérieur (Herman, 2006).
La « complémentarité » des compétences
20La notion de complémentarité des hommes et des femmes dans les équipes est souvent mise en avant par les animatrices et animateurs, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des activités en faveur des enfants. Tout en soulignant l’importance que revêt la mixité des équipes, cette animatrice insiste sur les approches différenciées des hommes et des femmes dans le travail d’animation :
« On a quand même aussi des approches féminines, masculines, etc. Même si des hommes peuvent en avoir des féminines et des femmes des masculines, mais c’est fondamental, je pense. »
21Elle perçoit la mixité entre femmes et hommes comme un moyen pour les équipes d’animation d’être plus complètes lorsqu’elles doivent gérer des groupes d’enfants.
« Et je pense quand même que si tu es un homme et une femme, c’est plus complet. Tu vois, si tu es en sortie, tu as dix gamins et… Ouais, je pense, t’es plus complet. »
22Et finalement, elle interprète les compétences des animatrices et des animateurs comme complémentaires.
« On accepte assez bien les compétences de chacun et puis on a tous pas mal de compétences. Dans des domaines qui se complètent, tu vois […]. C’est vraiment beaucoup de chance d’être en cohésion là-dessus. Aussi, justement hommes-femmes » (Lucie, animatrice).
23Selon cette vision, les animatrices et animateurs sont différenciés par leurs approches de l’animation qui permettraient d’apporter une complémentarité au sein des équipes. D’une part, la complémentarité évoquée renvoie au concept de « naturalisation », dans une vision qui combine les compétences acquises durant la socialisation avec ce que les femmes et les hommes sont censés être par nature. L’idéologie naturaliste « rabat le genre sur le sexe biologique, réduit les pratiques sociales à des ‘rôles sociaux’ sexués, lesquels renverraient au destin naturel de l’espèce » (Kergoat, 2004 : 36). D’autre part, les animatrices et animateurs sont vus comme des individus porteurs de compétences et d’affinités particulières réductibles à leur individualité. Ainsi, l’injonction qui veut que les animateur-trice-s mettent de soi dans les activités, c’est-à-dire les personnalisent, tend à privilégier une répartition traditionnelle du travail entre femmes et hommes et une conception essentialiste de la mixité (Herman, 2006).
24S’agissant de concevoir le rapport entre sexe et genre, les anthropologues ont montré que « les sociétés instaurent concrètement […] une différence des sexes et leur ‘complémentarité’, très généralement hiérarchique. Dans la majorité des sociétés, la bipartition du genre doit se calquer sur la bipartition du sexe qui elle-même se réalise sous forme normale ou normée dans l’hétérosexualité. Le genre ‘traduit’ le sexe » (Mathieu, 2004 : 207). Même si d’autres manières de concevoir le rapport entre sexe et genre concurrencent cette vision complémentaire10, celle-ci est encore très répandue dans la société d’aujourd’hui et il n’est dès lors pas étonnant de retrouver ce discours sur la complémentarité au sein des équipes d’animation.
Le modèle parental hétérosexuel
25La symbolique de la différence sexuée, mise en avant par des compétences différenciées, puise régulièrement dans la référence au couple parental hétérosexuel, dont les binômes d’animation sont porteurs. Ainsi, un animateur énonce la référence aux parents dans les animations auprès des enfants comme une image fondamentale et idéale participant d’un équilibre social, dont la maison de quartier se fait le relais.
« Alors, pour faire un rapport simpliste, c’est pour les jeunes, il y a papa, maman. Mais c’est pas papa, maman, mais c’est quand même l’homme et la femme. Deux références. Qu’on soit garçon ou fille, on a besoin des deux. Et c’est retrouver cet équilibre. Je pense que c’est un équilibre. Ça participe à un équilibre. Vis-à-vis des jeunes » (Eric, animateur).
26L’observation de la répartition des tâches et des activités entre les deux membres du « couple » d’animation ne représente pas forcément une division sexuelle du travail stricte, car une partie de celui-ci est interchangeable. Pourtant, la symbolique d’une complémentarité hétéronormée entre les sexes reste forte, d’autant plus dans un quartier où vivent de nombreuses familles monoparentales à bas revenu. La présence des binômes d’animation mixtes et l’image (assumée ou non) renvoyée aux enfants par les rôles des animatrices et des animateurs font pencher vers une interprétation en termes de rééquilibrage du présupposé manque de pères, et donc du rétablissement d’une certaine forme d’autorité masculine là où on pense qu’elle aurait disparu (Bacou, 2006). Les professionnel-le-s de l’animation ont tendance à utiliser des ressources sociales acquises dans leur quotidien et s’inspirent des modèles parentaux lors des interactions avec les enfants. Cette pratique de la mixité renvoie à une vision binaire de la complémentarité entre les sexes où les différences sexuées sont considérées comme naturelles (Herman, 2006).
Une tentative de renversement des rôles
27Cette observation est toutefois nuancée par certaines tentatives des animatrices et animateurs de remettre en question les normes de genre lors des activités. Les modèles parentaux traditionnels peuvent également être bouleversés par d’autres types de représentations, comme dans l’exemple de ce moniteur qui s’amuse à troubler les enfants en se maquillant.
« Cet été, il y avait un moniteur qui s’est peint les doigts et qui avait du maquillage. Alors là, ils mettent un moment avant de… C’est génial, parce que ce moniteur, qui est vraiment très homme, tu peux pas le confondre. Alors, ils sont complètement déstabilisés. Mais en même temps, ils se disent, c’est vraiment un gaillard et tout. C’est drôle et c’est une manière aussi de les choquer, enfin entre guillemets. Permettre à ce que ces repères posés comme ça de manière formaliste puissent exploser un petit peu […]. Nous, on s’amuse des fois justement à essayer d’ouvrir les modèles » (Lucie, animatrice).
28La tentative relatée par cette animatrice est intéressante, car elle essaie de dépasser et de remettre en cause les modèles genrés incorporés par les enfants. Pourtant, si ce travestissement le temps d’un jeu avait pour but de déranger les enfants dans leur représentation des hommes et des femmes, il n’engage pas une réflexion plus large dans les activités proposées et on peut regretter que d’autres actions allant dans le sens d’un dépassement des normes de genre ne soient pas plus courantes.
La répartition par secteur et par activité
29S’il existe une certaine polyvalence des professionnel-le-s dans les secteurs d’activité (notamment ceux concernant les adultes), la spécialisation est plus développée dans les secteurs prenant en charge les enfants et les adolescent-e-s. Les activités avec les enfants jusqu’à 13 ans, où la logique du care est prépondérante11, sont plus investies par les femmes. Quant aux hommes, ils sont surreprésentés dans les activités en lien avec les adolescent-e-s. Cette division sexuelle du travail est à nouveau le fruit d’une logique de complémentarité par nature des compétences des hommes et des femmes, les premiers, censés représenter l’autorité, gérant les garçons difficiles, alors que les deuxièmes sont renvoyées à leurs compétences maternelles (Raibaud, 2007).
30Parmi les activités proposées aux enfants, certaines sont plus ou moins étiquetées « pour les garçons » ou « pour les filles », malgré la volonté de l’équipe d’animation de proposer une offre plaisant autant aux un-e-s qu’aux autres. Certaines activités sont dans les faits peu mixtes, particulièrement celles dites en accueil libre, c’est-à-dire n’impliquant pas d’inscription au préalable. Dans ce dernier cas, l’équipe d’animation exprime son désarroi face à la difficulté de toucher un public de filles et le besoin de faire des efforts pour aller à la rencontre de celles-ci.
« Dès qu’on se trouve dans les accueils libres en fait, où il y a le libre choix de l’adhésion, etc., pas sur inscription des parents, du coup on se retrouve avec plus de garçons. […] De temps en temps, [on a] besoin de se dire, il faut qu’on fasse quelque chose avec les filles. Faut que les filles puissent trouver leur compte aussi dans les activités qu’on a. Donc un effort dans ce sens-là, oui » (Eric, animateur).
31Ce constat est partagé par un certain nombre d’études qui remarquent un décrochage des activités de loisirs de la part des filles à partir de 13 ans (Barthaburu et Raibaud, 2011 ; Maruéjouls, 2011). Parallèlement, les garçons investissent dès l’adolescence les espaces publics de loisirs (skatepark, terrains de foot, etc.) et les lieux de pratique musicale hors école (hip-hop, groupes de rock, etc.) au détriment des filles. Ces espaces développant un « entre-soi masculin dans lequel se développe l’usage de codes virilistes surinvestis, ils sont peu propices à l’intégration des filles (Maruéjouls, 2011 : 85). Les équipements publics de loisirs, conçus pour tous les jeunes, sont dans les faits utilisés en majorité par les garçons et justifiés par les autorités publiques, qui y voient une utilité sociale, notamment pour canaliser la violence. On peut cependant regretter que la question du genre soit ignorée par ces politiques publiques et contribue à l’invisibilité sociale des jeunes filles, en les reléguant aux espaces privés ou aux lieux de loisirs spécialisés (Raibaud, 2007).
32Selon certain-e-s animateur-trice-s, la manière dont les filles et les garçons sont plus ou moins attiré-e-s vers une activité serait dépendante du sexe de la personne qui gère l’animation. Pour Lucie, les monitrices seraient moins à l’aise avec des activités étiquetées « garçons » comme le foot, par exemple. Par contre, leur présence lors de ce type d’activité aurait comme effet d’inciter plus de filles à y participer.
« On a quand même des moniteurs masculins et des monitrices féminines. Alors, ça arrive que des monitrices lancent un foot, mais c’est vrai qu’un moniteur le fera quand même beaucoup mieux. Je pense que, voilà, par rapport au foot, si un moniteur lance un foot, les gamins ils vont venir, si après une monitrice vient jouer avec, les gamines vont peut-être venir » (Lucie, animatrice).
33Sur le principe, toutes les activités sont ouvertes aux filles comme aux garçons, mais le libre choix est contraint par les propositions faites aux enfants (danse, foot, activités manuelles, etc.), qui les orientent vers des groupes non mixtes (Raibaud, 2007). De fait, les activités proposées aux enfants sont divisées en pratiques supposées plutôt masculines et d’autres plutôt féminines, opposant ainsi le sport aux activités créatrices, la musique à la danse, etc. Cette division du travail est souvent renvoyée aux choix des enfants, qui se dirigent plutôt vers une animatrice ou un animateur pour telle activité ou tel besoin.
« La plupart du temps, on offre aux enfants une présence de qualité et à ce moment-là, c’est l’enfant qui choisit, le jeune qui choisit à qui il va s’adresser. Alors, du coup, on fait appel aux sensibilités personnelles des uns et des autres, aux affinités et aux besoins » (Eric, animateur).
34La composition mixte des équipes d’animation n’empêche pas une assignation de chacun-e à son rôle sexué et « on peut parler d’idéologie de la complémentarité lorsqu’il est fait appel à la parité au prétexte de l’équilibre et de la sécurité des enfants, ce qui est propre aux standards de la société hétérosexuée normée » (Raibaud, 2007 : 69).
Vers une réflexion sur la mixité ?
35L’animation socioculturelle est un secteur professionnel où les femmes sont majoritaires (même si cela dépend des lieux et des activités) et les maisons de quartier génèrent une activité fortement suivie et mise en œuvre par des femmes, des mères en particulier. En parallèle, la valorisation de la mixité par les professionnel-le-s comme par les bénévoles de l’animation montre à quel point cette notion prend une importance toute particulière dans ce secteur. La volonté de constituer des équipes d’animation paritaires, qui est certainement un but louable, ne doit pourtant pas cacher d’une part les difficultés numériques à constituer de telles équipes, les femmes étant plus nombreuses à être formées dans ces professions, et d’autre part le risque d’instrumentalisation de cette parité si elle n’est pas accompagnée d’une réflexion sur la dynamique des rapports de genre.
36En effet, la raison la plus souvent invoquée pour justifier la mixité en tant que norme dominante est celle de l’équilibre qu’elle apporterait au sein des équipes. Cet équilibre est décrit comme nécessaire parce que les femmes et les hommes auraient des approches différentes du terrain et qu’il permettrait aux équipes de se compléter et de jouir des compétences de chacun-e. Dans ce sens, l’appel aux compétences individuelles des professionnel-le-s, associées à des compétences sexuées, vient renforcer la division sexuelle du travail et en invisibilise le caractère construit. Les représentations et les pratiques de la mixité envisagent cette dernière dans une perspective essentialisant les différences entre femmes et hommes. Ainsi énoncé, le principe de mixité contribue davantage à obscurcir les effets de la division sexuelle du travail en privilégiant une définition basée sur l’idée de complémentarité naturelle entre les sexes. L’invisibilité du caractère construit de la division sexuelle du travail dissimule les rapports de pouvoir se jouant quotidiennement dans l’espace de l’animation socioculturelle, celui-ci étant pris dans des dynamiques sociales de reproduction des rapports de genre le dépassant largement.
37Sur le plan des activités proposées aux enfants et aux jeunes, le constat de la disparition des filles à partir de l’adolescence, mentionnée comme une préoccupation par l’équipe d’animation rencontrée, traverse tout le champ de l’animation socioculturelle et des loisirs et questionne les professionnel-le-s. De plus, le contexte politique actuel tendant à mettre l’accent sur la prise en charge des adolescents « à problèmes », dont la part masculine est la plus visible, accentue l’invisibilisation des filles du même âge. La maison de quartier se trouve dans une situation paradoxale par rapport à la mixité des populations qui la fréquentent, car d’un côté son volet associatif attire un public relativement féminisé, constitué pour la plupart de mères dont les enfants participent aux activités proposées, et de l’autre le volet éducatif, à partir de l’adolescence, est surtout composé de garçons. Les responsables de la maison de quartier sont pris dans une contradiction entre une volonté affichée d’accueillir tout le monde sans distinction de sexe, d’âge ou d’origine et le risque de polarisation des publics et des activités plus ou moins masculinisées ou féminisées.
38Ce constat n’est pourtant pas définitif et l’attachement des maisons de quartier et de leur base associative à la dimension citoyenne de la vie de quartier pourrait être l’occasion de mettre en avant des problématiques liées au genre. Un décloisonnement des activités étiquetées féminines ou masculines permettrait par exemple d’ouvrir d’autres possibilités d’expression de l’identité de genre, en particulier à l’adolescence, et de favoriser la mixité.
39Une des normes affichées de l’animation socioculturelle et de ses actrices et acteurs est celle de l’égalité entre les sexes, mais aussi entre les personnes d’origines sociales et nationales diverses. Néanmoins, sur le terrain de l’animation, comme ailleurs, la volonté d’une mixité entre femmes et hommes ne suffit pas à réaliser l’égalité ; encore faut-il avoir les moyens de l’opérationnaliser. Dès lors, la question de la formation des animatrices et animateurs socioculturel-le-s apparaît comme un enjeu crucial. Pour que les professionnel-le-s aient des moyens d’agir sur les rapports de genre, il est primordial d’intégrer cette grille de lecture à leur formation, afin de leur permettre de s’emparer de cette question pour agir dans le sens du changement social et d’une meilleure prise en compte de l’égalité entre femmes et hommes dans l’animation socioculturelle.
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Références bibliographiques
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Tronto, C. J. (2009 [1993]). Un monde vulnérable. Pour une politique du care. Paris : La Découverte.
Notes de bas de page
2 Cette enquête a été réalisée en 2009 dans le cadre d’un mémoire de Master en Etudes genre à l’Université de Genève, qui s’intitule « Rapports de genre dans les associations de quartier. Un exemple en ville de Genève », sous la direction de Iulia Hasdeu et Lorena Parini.
3 Le care fait l’objet de nombreuses études depuis plusieurs décennies, développées principalement aux Etats-Unis à partir des travaux pionniers de Carol Gilligan (1982), puis ceux de Joan Tronto (2009 [1993]). Pour des développements plus récents, voir notamment Molinier, Paperman et Laugier (2009).
4 Dans un certain nombre de maisons de quartier, professionnel-le-s et bénévoles sont entré-e-s en résistance avec la FASe, à qui ils reprochent un changement législatif octroyant désormais la majorité des voix décisionnelles au canton et aux communes au sein du Conseil de fondation.
5 La mixité entre les sexes est redoublée d’une mixité des fonctions de moniteur-trice et animateur-trice. Je ne développerai ici que des éléments concernant la dimension de la mixité entre les sexes.
6 Une controverse tourne autour de la définition de la mixité : « Peut-on parler de mixité dès lors qu’il n’y a pas de strict équilibre numérique entre hommes et femmes ? » (Fortino, 2004 : 132). Ainsi, un certain nombre d’auteur-e-s préfèrent l’expression de « métier très féminisé » à celle de « mixité » dans les espaces sociaux où la différence numérique entre femmes et hommes est grande.
7 Office fédéral de la statistique, Etudiants des hautes écoles spécialisées, T6 « Etudiants selon la filière, le niveau d’études, le sexe et la nationalité, en 2010/11 ».
8 HES-SO, Travail social, « Statistiques étudiant-e-s 2011-2012 ».
9 Tous les prénoms ont été changés pour garantir l’anonymat des personnes interviewées.
10 Notamment celle qui veut que « le genre construit le sexe ». Dans ce sens, « les sexes ne sont pas de simples catégories biosociales, mais des classes (au sens marxien) constituées par et dans le rapport de pouvoir des hommes sur les femmes, qui est l’axe même de la définition du genre » (Mathieu, 2004 : 208).
11 Le phénomène de « panique morale » (Herman, 2007 ; Murcier, 2007) autour du risque de pédophilie associé aux hommes dans les espaces de travail d’éducation et de soins aux enfants est une des raisons principales pour l’exclusion des hommes de certaines activités, voire de ces secteurs.
Auteur
Collaboratrice scientifique à la Haute école de santé Vaud de la santé (HESAV) et assistante doctorante à l'Institut des Etudes genre de l'Université de Genève ; melanie.battistini@unige.ch
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