Chapitre 8. La présence à l’autre : une pratique risquée et engagée
p. 255-277
Texte intégral
1Afin de repérer si les « gestes professionnels » engagés par les éducateurs en foyer d’hébergement peuvent être transférables d’un milieu à un autre, nous avons procédé à une autoconfrontation croisée entre deux professionnels inscrits dans des pratiques différenciées auprès de jeunes en difficulté. A cette fin, nous avons confronté l’éducateur Jean, particulièrement intéressé par la démarche, à un travailleur social en milieu ouvert (Théo). Celui-ci travaille également avec des jeunes en situation précaire, mais dans un contexte de rue. Nous différencions la notion de pratique, qui se réfère à un champ d’activité, de la notion de l’acte, que nous avons défini à partir de la dimension risquée de l’acte (Mendel, 1998) et du réel de l’activité (Clot et al., 2001).
2Nous avons retenu, pour cette autoconfrontation croisée, la situation de L’aspirateur, qui relate le contrôle des tâches quotidiennes et se poursuit par la réunion hebdomadaire obligatoire à l’appartement éducatif. Situation au sein de laquelle l’éducateur Jean est fortement engagé. Parallèlement, nous présentons à Jean des séquences de l’activité de Théo, filmées lors d’une recherche précédente assurée par nos soins, dans sa fonction de Travailleur social hors murs [TSHM] (Libois & Wicht, 2004). Les séquences choisies retracent la présence du TSHM lors de l’ouverture libre d’une salle de basket permettant aux jeunes de pratiquer, en hiver, du free basket. Ce qui distingue cette pratique d’un entraînement de sport traditionnel est l’absence de règles formelles et d’obligations. Le travail social hors mur est construit sur le concept de « libre adhésion », ce qui diffère fortement d’une prise en charge de mineurs soumise à des mandats judiciaires ou civils.
Quel que soit le cadre, on sent qu’il y a de la profession derrière. Que c’est pas juste comme ça [L’éducateur claque des doigts]. Il y a des objectifs, il y a des intentions, il y a… Il y a une attention qui est prêtée à quelqu’un, ou à un collectif, pour arriver quelque part… Et que ça soit dans un lieu très ouvert, ou dans un lieu très fermé… ben… c’est du boulot ! (Jean)
3Le boulot est référé à une intentionnalité en amont de l’acte. Jean relève l’importance de celle-ci, articulée à la notion d’attention prêtée à quelqu’un ou à un collectif. L’intention devient porteuse de sens si elle s’accorde au geste de prêter attention. Ce serait même la condition pour arriver quelque part. L’éducateur articule les deux dimensions, sans les opposer.
4Les dires du praticien nous renvoient à la part professionnelle de l’agir. Faire preuve de professionnalisme passe par la pose d’objectifs partagés. Les métiers de l’humain ne se déterminent pas par une activité construite sur des objectifs prédéfinis rigides. Là, peut-être plus qu’ailleurs, le soin porté à l’interaction dans le déroulement de l’acte est constitutif de l’agir. Nous rejoignons la définition de l’acte en trois temps chez Mendel, constituée d’une intention dans le pré-acte (action), de la part risquée de l’acte et de la réflexivité instituée comme post-acte. La qualité de présence comme acte engendre un certain risque dans ce qu’elle offre d’émergence et d’inattendu. Laisser advenir sollicite l’expression de l’émotionnel, qui nécessite une élaboration et un accompagnement. En cela, elle engage à offrir de l’écoute et du suivi. L’attention se définit dans un double mouvement comme offre de présence et d’effacement. Etre pleinement là, porteur de créativité en coprésence, mais aussi savoir se retirer.
5Nous relevons que l’articulation entre pose d’objectifs et place à l’imprévu est constitutive de l’acte éducatif. Le professionnalisme est défini par un enchevêtrement d’intention et de présence à la situation, mais peu d’éléments sont apportés par les praticiens sur la part réflexive en fin de processus.
6En arrière-fond se trame à nouveau la question délicate du pouvoir et de la place des acteurs en situation : place de l’éducateur, place de l’usager, place des sujets engagés dans la situation.
7Les professionnels converseront sur l’importance de porter du respect : le respect de la parole d’autrui, le respect du lieu, le respect de soi. Respect couplé d’une nécessité d’aimer les gens. Aimer et être engagé, précisera Jean. Dimension reprise par son pair Théo, qui renvoie l’engagement à un cadrage plus macro : faire changer un peu le monde adulte, les décideurs, et faire bouger la société. Le terme de conscientisation sera même employé, dimension politique en référence au projet de libération porté par Paulo Freire. Processus d’émancipation en Amérique du Sud et, par vagues concentriques, dans bien des parties du monde. « Personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde. » (Paulo Freire, 1974)
8L’éducation favorise une prise de conscience des systèmes d’oppression, de la servitude, et l’action socioculturelle ouvre la voie à l’émancipation. Elle est ouverture au chemin de la liberté, dans le sens d’accès à l’autonomie et de capacité de jugement. Etre éducateur social aujourd’hui participe aussi de cet engagement-là. Ne pas faire à la place d’autrui et œuvrer au processus d’émancipation pour tous. Rappelons-nous la définition de l’éducation sociale adoptée par la HES-SO1 :
[…] les travailleurs sociaux s’appuient sur les ressources des usagers pour favoriser leur participation sociale dans le respect de leurs spécificités. Ils fondent leurs actions sur les concepts et valeurs des droits fondamentaux et de la justice sociale, défendus par la société sur un plan national et international. Ils s’engagent pour que chacun soit en mesure d’agir en tant que citoyen. Sur la base de ces valeurs, ils s’opposent aux inégalités, quelle qu’en soit l’origine.
9Investiguer l’activité réelle qui engage la part risquée de l’acte nous a porté jusqu’au deuxième mouvement du boulot défini par Jean, soit l’attention portée à autrui. Attention que nous commenterons au travers de la qualité de présence à autrui.
La qualité de présence
10En quoi une attention portée à autrui peut-elle être constitutive d’un acte éducatif, d’une émergence constructive, d’un développement personnel et citoyen ? La difficulté est encore redoublée quand l’activité se fond dans la quotidienneté, qui renvoie à un univers coutumier du vivre ensemble, de ce qui fait humanité. Travail invisible qui se dissout dans une banalité journalière, faite de plein et de vide.
11Nous pensons que l’acte éducatif permet un renversement, un espace d’interaction enfin rendu possible où le relationnel surgit en plein, volteface d’un vide sous-jacent. Isolement, ennui, abandon, mélancolie, errance, tels sont les états associés aux problématiques des jeunes placés. Le vide créé par l’absence radicale de l’autre, cet autre désespérément attendu, ou situation pire encore, cet autre qui, par sa présence physique est bien là, mais reste dans une totale absence relationnelle. Le surgissement du plein est accueil d’autrui dans ce qu’il est, dans une tranquillité qui permet l’expression d’une fragilité, de différences. Porter une attention, c’est aussi montrer une part de soi significative dans l’acceptation de l’altérité. Etre en disponibilité, à l’écoute, dans la parole ou dans un silence bienveillant, ou encore oser se laisser porter vers un inattendu, est aussi faire preuve de professionnalisme. Voici ce que nous en dit, à titre d’exemple, une infirmière en psychiatrie :
[…] avant, j’avais besoin de choses très carrées pour me sentir rassurée (pansements, médicaments…). Je recherchais la technique que je connaissais et qui me rassurait, car c’était « protocolaire ». Avant, je ne concevais pas de rester sans rien faire. Maintenant je sais que ne rien faire, c’est faire. (Témoignage de Doris Irep, infirmière, citée par Orofiamma, 2006 : 12)
12Les praticiens ont largement débattu sur la difficulté à « être en situation », à offrir un espace possible de rencontre sans obligation, sans procédures, dans le temps d’un café, d’un regard, dans le temps pris à être assis autour d’une table, dans une cuisine, sur un vieux canapé, derrière un bar, à se laisser guider par le rythme du ou des jeunes, en présence. Dans ce temps de rencontre ouvert, de vacuité, l’éducateur offre un espace de disponibilité. Il est présent, occupé à laisser place à ce qui advient pour soi comme pour autrui.
Ne rien faire et partager cette apparente absence, cet apragmatique si coutumier. Il advenait toujours quelque chose, un bon mot, un sourire, une émotion, une parole pleine, signe de reconnaissance, des histoires à dormir debout. De quoi nous contenter. Ce temps de vacuité était source d’inventivité. (M. Mignot dans Voyage en folitude, cité par Orofiamma, 2006 : 12)
13L’acte est fait de disponibilité, d’ouverture, d’engagement sensible et émotionnel. C’est aussi savoir attendre, être capable de rester là, parfois seul, dans de longs moments d’incertitude. Etre disponible, parvenir à rester physiquement et psychiquement présent, être capable de rester serein, ouvert à un « autre » énigmatique, pensé et désiré. Savoir travailler avec l’imprévu, avec des situations tristes, anodines ou bouleversantes. C’est surtout réussir à ne pas s’activer dans tous les sens pour démontrer ou se prouver que l’on produit quelque chose de visible, qu’on est utile, qu’on travaille « durement ». L’activité n’est pas affairement, nous dit Clot (2010). La difficulté de l’acte éducatif consiste à savoir tenir une attention afin de permettre une libération de l’espace, offrir d’autres possibles tout en dispensant une présence non seulement bienveillante, mais également impliquée et empathique. Il est difficile pour un professionnel de rendre lisible et acceptable une simple présence, un acte en mode mineur au sens de Piette (2009). Comment montrer et faire accepter qu’il est parfois judicieux d’être simplement là, sans proposer une activité ou utiliser un support pour entrer en relation ? Les capacités d’immobilité ou de tranquillité corporelle sont une offre exceptionnelle, rare, ouvrant de réels espaces relationnels. Même s’il est difficile d’exister professionnellement dans ce qui est ou peut être perçu comme une inutilité ou une impuissance, il nous paraît essentiel de définir l’acte en mode mineur comme une des clés essentielles de l’activité socio-éducative.
14La présence à l’autre ne revêt pas une absence de soi mais, au contraire, demande une acuité, une qualité de centration en soi pour autrui. Il s’agit de savoir se débrouiller de l’impuissance à réparer et s’accorder à pouvoir repousser « quelque peu » les limites que l’univers de l’autre impose.
15La présence est non pas désincarnée ou impersonnelle, mais vivante et impliquée. Etre là dans son corps charnel, sans projet pour l’autre, sans attente, offre un espace vacant pour laisser advenir ce qui fera ou ne fera pas événement. Le travail relationnel relève de la présence, du faire « ici et maintenant », de l’ouverture à une rencontre. Elle est existence d’une personne qui se rend ou non « présente » d’une certaine manière : spontanée ou calculée, libre ou imposée, fortement ou faiblement expressive. Accepter d’être affecté par une situation n’est pas se laisser prendre à l’illusion que cette expérience sera exceptionnelle. Accepter de se laisser affecter ouvre un espace communicationnel spécifique avec le partenaire. La relation est transformée par le partage d’une même expérience, celle de la rencontre, éphémère et singulière. Laisser place à l’émergence d’un quelque chose et y rester lorsque cela surgit est un réel positionnement professionnel, qui demande à saisir le sens et le cadre de l’intervention. Cela n’est pas aisé à acquérir, nous diront les professionnels.
Présence à autrui et enjeux de pouvoir
16La question lancinante de Jean sur la place des uns et des autres, réactivée durant l’autoconfrontation croisée avec Théo, reprend la problématique du partage de l’espace symbolique. Prendre place au sein d’une équipe éducative comme auprès des jeunes interroge le pouvoir exercé par les professionnels sur les usagers, au risque de prendre une place surplombante ou en s’immisçant, empli de bonnes intentions, dans la place d’autrui.
17Etre en présence n’est pas une position neutre, n’est pas sans incidences sur le risque de prise de pouvoir. La reconnaissance d’une relation asymétrique avec l’usager est une dimension de l’acte reconnue par les deux professionnels, indépendamment de leurs ancrages institutionnels. Les questions relatives au pouvoir mettent les travailleurs sociaux en posture délicate. Prise de pouvoir dans une culture professionnelle peu hiérarchisée, prise de pouvoir face à des personnes qui sont en perte de pouvoir sur leur propre vie, sans oublier les jeux de pouvoir agissant au sein d’équipes au fonctionnement horizontal. Place de chacun, places qui s’installent, jeux de pouvoirs dont on ne parle pas.
Le pouvoir est tabou, ouais, ça c’est sûr. C’est ça, je pense que c’est plus dans des hiérarchies à plat que ça pose problème. Ou alors, dans un truc pyramidal où, finalement, t’as plus de pouvoir que l’étage supérieur. Parce que le pouvoir, ça se décrète pas, le pouvoir, c’est de la reconnaissance, c’est de l’écoute, c’est… On en a beaucoup, ça c’est sûr. (Théo - TSHM)
18Le jeu des places semble si délicat, si rattaché à des aspects évaluatifs et comparatifs de l’activité qu’il paraît préférable de le taire. Pourtant, le travail en équipe, que l’on soit en institution ou en milieu ouvert, ressort comme un axe central du métier. Travail collectif qui demande des temps de régulation difficiles à vivre, délicats par les équilibres personnels et interpersonnels mis en jeu. Si parler de ces niveaux sensibles est reconnu comme nécessaire, dans le réel de l’activité, il reste malaisé de s’y confronter.
Oui, on en parle un peu, parce que… en fait, on en parle quand on dit comment est-ce qu’on reconnaît les compétences des uns et des autres. Et je sais que moi, j’adore l’animation, j’aime être à cette place. Et ça, mes collègues me le reconnaissent volontiers, et me mettent volontiers aussi à cette place-là. Donc, avec tout ce que ça a comme conséquences. (Jean - éducateur)
19Occuper une place, définie par d’autres, peut aussi être rattaché à de la reconnaissance, à un jugement de beauté ou d’utilité au sens de Dejours (1993).
20Le pouvoir peut être le fruit d’une identification qui fasse sens et permette des jeux de délégation. Il est indéniablement objet du travail au-delà des jugements de valeurs qu’il véhicule. La gestion du pouvoir est une tâche importante du métier. Une tâche qui s’articule à des activités concrètes dans le quotidien. Mais, quelle que soit la dynamique d’équipe, il apparaît que la problématique du pouvoir reste sensible et difficilement partageable.
Plus précisément, il ne faut pas imaginer un monde du discours partagé entre le discours reçu et le discours exclu ou entre le discours dominant et celui qui est dominé ; mais comme une multiplicité d’éléments discursifs qui peuvent jouer dans des stratégies diverses. C’est cette distribution qu’il faut restituer, avec ce qu’elle comporte de choses dites et de choses cachées, d’énonciations requises et interdites ; avec ce qu’elle suppose de variantes et d’effets différents selon celui qui parle, sa position de pouvoir, le contexte institutionnel où il se trouve placé ; avec ce qu’elle comporte aussi de déplacements et de réutilisations de formules identiques pour des objectifs opposés. Les discours pas plus que les silences, ne sont une fois pour toutes soumis au pouvoir ou dressés contre lui. (Foucault, 1976 : 133)
21La citation de Foucault illustre la complexité de tout rapport de pouvoir et nous comprenons dès lors la difficulté à entrer de front dans cette problématique. Pour notre part, nous nous concentrerons sur les rapports de pouvoir inscrits dans le cadre des interactions empathiques. L’empathie telle que nous l’avons présentée, comme capacité à se représenter ce que ressent autrui, sans pour autant épouser en soi ce sentiment. Position qui interroge sur les dérives liées à l’ascendant et à l’emprise sur autrui. Empathie qui, comme nous l’avons vu, demande à être instruite dans une position d’entre-deux : se mettre à la place d’autrui et rester axé en soi. Se mettre à la place d’autrui dans le sens d’établir un rapport en compréhension, sans prendre la place de l’interlocuteur ni décider pour lui. Positionnement éthique, qui demande à ne pas penser pour autrui, à ne pas savoir pour l’autre, à ne pas abuser de la situation de faiblesse dans laquelle se trouve l’usager. « Usager » comme nous l’avions décrit, au sens de pouvoir faire usage de ce qui est proposé. Position éthique de l’empathie, qui ouvre un espace propice au développement de la contre-capture et de l’actepouvoir. Mouvement à trois temps qui évolue par la prise de conscience du pouvoir, par la mise en œuvre et la compréhension des effets de cette force sur l’activité, comme par la capacité à insuffler un pouvoir d’agir aux bénéficiaires.
22La présence, aussi empathique soit-elle, n’est pas affranchie de rapports de pouvoir. Pour notre part, nous nous attacherons à montrer que la présence empathique est acte d’engagement. Non pas de manière inconditionnelle, mais comme position investie par son ressenti, par les forces d’attirance ou de rejet, dans ce qu’elle provoque en soi et chez autrui. Une présence qui peut porter à produire du conseil, du soutien, de la tendresse, mais aussi de la violence par l’emprise sur autrui. Empathie non scandaleuse, si c’est précisément de désaliénation et de présence au monde qu’il s’agit ! Cadre propice au développement de la compétence éducative.
23Nous avons défini l’émotion comme un temps qui désacralise les notions d’objectivité et de subjectivité. Nous avons fait référence au non-soi au sens de Mendel, moment pour lequel il n’y a plus d’ici ou de là, de moi et de non-moi, un instant fugace au sein duquel il y a expérience, rencontre, rapports sociaux et, dès lors, une pratique politique. « L’aboutissement à une objectivité vient d’un travail entre des subjectivités qui acceptent de se confronter. » (Malherbe, 2001, cité par Cifali, 1996 : 139)
24La notion de présence que nous cherchons à inscrire comme acte professionnel ne se suffit pas de la seule bienveillance. Elle produit des effets éducatifs à la condition d’être sous-tendue par une éternelle quête de sens.
[…] mettre au service de l’autre ses savoirs, son expertise, son expérience et son unicité, en s’assurant toutefois de ne jamais se substituer à cet autre, afin de lui permettre d’être le centre de la relation et du processus. Laisser la place et le pouvoir de la relation à l’autre ne signifie pas être dans la non-directivité, la non-intervention, la neutralité ; cela revient plutôt à mettre en priorité, à tout instant et dans une vigilance lucide, la qualité de la présence. (Roberge, 2002 : 106)
25Etre là, dans le rapport à l’autre et à la situation, implique une disponibilité, un engagement du corps, une présence active dans la passivité, autrement dit, une présence agissante, dans le fait que cette présence proche, être là, produit des effets.
Dans les métiers de la relation, l’activité est coactivée, et parler de son métier, de sa manière de faire, c’est à la fois parler de soi et de son partenaire. Les registres de l’être et du faire sont intimement mêlés. (Lhuilier, 2007 : 73)
26Etre là, pleinement et simplement là, demande simultanément de conserver une part de recul, une distance en disponibilité, toujours nécessaires.
27La place laissée requiert une importance primordiale dans la posture professionnelle. Ne pas savoir pour l’autre, ne pas penser pour l’autre demande une force d’humilité et une reconnaissance de la potentielle richesse de l’altérité. Ce que le professionnel peut concevoir de plus précieux est la justesse de sa présence, dans la finesse de son attention à l’autre. L’éternelle question de la bonne distance passe par un positionnement éthique et épistémologique incluant présence et intentionnalité. Etre là, en suspension de jugement, sans attente particulière, dans l’offre d’un espace ouvert au développement d’autrui.
Suspension de l’action, invitation faite au partenaire d’écouter ensemble ce dont il est question dans ce qui est dit et, dans l’écart ainsi dégagé, permettre qu’un sens émerge dont le partenaire puisse faire usage propre. (Jobert, 2006 : 31)
28Lors de l’autoconfrontation croisée, Jean illustre l’importance de l’expérience offerte dans un cadre sécurisant.
Parce que c’est un moment où on doit pouvoir, dans ce cadre-là, pouvoir expérimenter certaines choses, comment on les dit, ce qu’on dit, à qui on les dit, ce qu’on provoque… Si je ne laisse pas cette possibilité-là dans ces moments-là, quand est-ce qu’ils vont faire cet apprentissage ? Là, ils sont en sécurité, parce qu’on est deux éducs, puis tout d’un coup, quand ça va trop loin, eh bien, on va devoir reprendre l’affaire en main. Mais il ne faut pas les empêcher de les vivre ces moments-là, de… Ouais, d’émotion, de dire des choses qui sont pas correctement dites, donc on reprend, et de faire quand même avancer l’affaire.
29Et Théo de reprendre en s’imaginant en situation, comme s’il s’adressait à l’adolescente Jamie :
Voilà : « Oui, t’as le droit de péter les plombs, et non, t’es pas une merde. Par contre, quand tu pètes les plombs, je te reprends, voilà. Et mélange pas tout, je ne suis pas d’accord que tu mélanges tout. » Enfin, voilà, ça c’est de la pédagogie, je trouve. Comme moi je l’aime bien. Tu ne fais pas des leçons, tu dis juste : « Non, pas d’accord qu’on fonctionne comme ça dans ta tête » […]. C’est vraiment de lutter contre, contre ces sales idées qu’ont beaucoup de jeunes dans la tête : Parce que j’ai fait deux-trois trucs foireux, je suis qu’une merde, quoi. »
30Approfondir la qualité d’une présence en conscience passe aussi par des moments de tension, de refus, de cadrage. Autant de positions qui déploient une reconnaissance d’autrui dans ce qu’il est, acteur de son propre développement. Tout projet porté vers l’autonomie inclut les dimensions d’acceptation des parts d’ombre et de lumière inscrites en chacun, dans une dynamique de transformation. C’est en cela que la qualité de présence est l’outil professionnel le mieux affûté pour l’accompagnement.
31Les deux travailleurs sociaux ont traité le thème de la confiance en lien avec l’acquisition de l’autonomie. Commencer par faire confiance avant de demander la confiance à l’autre, dira Théo. Asseoir le métier passe par une posture tranquille, en confiance. J’aurais jamais autant osé faire confiance à l’autre, autant aller dans des trucs que tu ne maîtrises pas. C’est là où moi, je parle de métier, de pratique professionnelle.
32Cette citation illustre la prise de risque intrinsèque à l’acte, comme énoncée par Mendel. Prise de risque qui demande à être articulée à une confiance en soi et en la situation. La confiance se construit en situation, en situation d’engagement au sens de Quéré (2006). Cela ne revient pas à faire de la confiance une sorte d’engagement à toute épreuve mais, à l’inverse, à considérer la confiance comme une dimension constitutive de toute situation d’engagement. L’engagement personnel comme une capacité à s’installer, à habiter une situation. Lorsqu’aucun obstacle ne surgit, un équilibre se construit par l’expérimentation, par des opérations, maintenues par des révisions et des corrections, sur la base desquelles le corps lui-même saisit la signification des choses et des événements, ce que Quéré nomme « agir en mode transparence de l’outil » (2006 : 121). Capacité d’être tout à sa tâche, car les habitudes se sont formées et les obstacles sont ainsi levés. Il en va tout autrement en situation de difficulté qui bloque la progression de l’action ; ici, le doute s’infiltre comme composant de l’acte à mener. L’agir en mode transparence nous renvoie au mode mineur de l’acte chez Piette et à « l’agir tranquille » tel que relevé par les professionnels.
Présence tranquille
33Nous avons relevé à de nombreuses reprises, dans les dires des professionnels lors de l’autoconfrontation croisée, la référence à la tranquillité.
Oui, moi le mot tranquille, ça me définit dans ce moment-là. Je ne suis pas préoccupé, donc je suis ouvert à ce qu’on m’atteigne, à ce qu’on m’interpelle, et ainsi de suite. […] Donc tranquille, ça me met déjà en position de tu peux, tu peux venir […] Ouais, mais à la base, c’est un état qui est plutôt réceptif, quoi. On attend. (Jean)
34Et pour Théo :
Voilà, t’es ouvert, cool, relax, enfin… prêt à tout. Non, mais c’est un peu la confiance, enfin l’expérience. Faire confiance à l’autre, sachant que tu ne peux pas maîtriser l’autre. Du coup, soit tu te dis : Je suis dans une position où j’essaie de tout maîtriser, tout gérer, et là tu stresses à mort. Soit tu te dis : Vu que je ne peux pas tout maîtriser, du coup je vais lui faire confiance, puis on verra bien. Et la meilleure garantie que tu as de pouvoir improviser, de réagir, c’est de rester tranquille. Je crois que ça, c’est une évidence pour moi. C’est le meilleur moyen que t’as de rester ouvert à tout, [adossé] contre le mur, justement [illustre avec ses bras, tête, regard] et c’est d’être tranquille. Si t’es agité, que t’es partout, tu captes rien, quoi ! Moi, je le vois comme ça.
35Cette manière de se positionner en silence, sans agitation, revêt une qualité essentielle de l’action. Etre à disposition, sans agir en lieu et place d’autrui, laisser advenir la situation, demande de ne pas se laisser emprisonner dans les schèmes traditionnels de la suractivité qui permettent, le plus souvent, de justifier son activité aux yeux d’autrui.
36Piette, dans ses recherches sur l’acte d’exister dans la vie quotidienne, propose une théorie de la présence axée sur la notion de reposité. « C’est bien l’émiettement du quotidien dans ses attitudes les plus faibles qui intéresse la phénoménographie » (Piette, 2009 : 100). Il contourne les lectures classiques de la sociologie en termes de détermination, d’intentionnalité, de volonté, de liberté, de rationalité ou encore de stratégie pour s’interroger sur la reposité dans l’acte. « L’acte d’exister passe aussi par les modes de repos » (ibid : 119). Or, le repos n’est pas une position facile à adopter, et transposer celle-ci dans le monde professionnel peut paraître mal à propos ou même impertinent. Notre matériel nous amène à oser emprunter le chemin de cette impertinence-là.
37La capacité de tranquillité nous renvoie au mode mineur d’exister (détachement/tranquillité) développé par Piette (2009). Nous avons relevé qu’une activité professionnelle éducative centrée sur l’accompagnement dans la vie quotidienne demande à savoir jouer des dispositions en mode mineur comme en mode majeur. Adopter une posture en mode mineur au sein d’une activité professionnelle relève d’une demande à donner sens à une posture en tranquillité.
38Piette identifie plusieurs formes de repos : l’économie cognitive, la docilité, la fluidité et la distraction. C’est sur la base d’appuis antérieurs expérimentés au travers d’anciennes situations, et de la possibilité de s’y poser, que l’être humain développe une capacité à se reposer. Repos qui s’institue à partir de la confiance acquise et qui prend forme dans le relâchement ou la passivité. Si la reposité s’immisce dans l’acte, elle n’est qu’une part de l’acte.
Je ne sais pas comment dire. Alors oui, dispo, mais en même temps : « Ben, là je vais me fumer une clope, si tu veux venir, viens, sinon on se chope tout à l’heure, quoi. » Voilà, enfin… [petit silence]. Mais, par contre, je pense que je lui ai donné la bonne réponse, c’est : « Oui, on va s’attraper. » Ça, c’est clair, ce n’est pas fuyant. (Théo)
39Du côté du mode majeur d’exister se trouvent l’intentionnalité et la quête de sens. Nous pensons que l’activité d’éducateur social se construit sur une alternance intégrative entre les deux modes d’existence.
40Piette définit toute situation à partir de quatre types d’appui :
- les règles, les normes ou lois composant le cadre à partir duquel une situation est organisée. Sans ces appuis, la situation n’est que désordre.
- les repères immanents à la situation. Ressources directes pour l’accomplissement de l’agir, servant à organiser l’espace, à informer sur l’acte à accomplir, à susciter les gestes précis à engager.
- l’enchaînement intrinsèque des situations dans le temps quotidien : déroulement de l’agir sans besoin de décisions sur l’acte suivant.
- le maillage des situations insérant chacune de celles-ci dans un réseau et l’associant ainsi à d’autres situations selon les liens divers qui laissent dans chacune des traces ou des indices de cette configuration (Piette, 2009 : 119-120).
41Nous pensons non seulement utile, mais essentiel d’inscrire la notion de présence tranquille sous forme de « reposité » dans une théorie de l’activité des éducateurs sociaux. Celle-ci n’est pas une vacance, mais repose sur un cadre normé et articulé inhérent à toute situation professionnelle. La présence tranquille est présentée par les professionnels comme une force tranquille en soi qui agit sur autrui.
Ouais, je pense, c’est une attitude qu’on a. Enfin, moi, c’est dans le style dans lequel je bosse. C’est pas « tranquille » dans le sens : « Tenez-vous tranquilles. » C’est : « Ça sera tranquille, nous, ça, on vous le garantit, c’est notre cadre. » Moi, je crois beaucoup dans la force tranquille. (Théo)
42Le travailleur social hors murs insiste sur la force de la position tranquille. Je pense qu’on est beaucoup plus fort quand on est tranquille. Etre tranquille n’est pas une position innée, ou naturellement donnée. Ah, non, non, alors, moi je suis un sacré agité en même temps. Voilà, c’est un peu paradoxal, quoi. Il va jusqu’à définir cette position comme une posture de survie dans le cadre des activités dont il a la charge.
Théo : « Faut bien s’imaginer que dans une salle, quand t’as quatre-vingts jeunes que tu connais pas, dont tu n’as pas le nom et rien, et que tu es seul ou deux, si tu n’es pas tranquille, t’es mort. »
Jean, qui ironise : « Plus tranquille que mort, tu ne peux pas ! »
43La posture tranquille définie ainsi n’est pas vraiment la reposité telle que définie chez Piette. Rappelons que Piette s’appuie dans ses recherches sur l’acte d’exister dans la vie quotidienne. Il n’a pas construit sa théorie à partir de situations professionnelles, même si celles-ci ne s’excluent pas de ses découvertes. Théo présente la reposité comme un acte délibéré, intentionnel, comme une survie.
Moi, je peux arriver avec mes propres stress de la journée ! Je ne vis pas dans un monde limpide et je ne suis pas zen. Ce n’est pas ça, mais quand t’arrives là, moi je me mets en mode, comme il disait, « disque dur » : confiance à des inconnus et tranquille. Et c’est un apprentissage, de se mettre en « mode tranquille ».
44Et Jean de relever la contradiction entre la posture de reposité et l’intentionnalité posée avec le « passage en mode tranquille ».
Ça peut paraître contradictoire, ce que tu dis, et je crois que ça l’est pas. Parce que, à la fois, quand tu dis : « Je me plaque contre le mur et il y a comme une maîtrise », en même temps, quand tu dis : « Je viens tranquille, et puis ils sont quatre-vingts », tu vois le paradoxe qu’il peut y avoir là-dedans ? Mais en même temps, je crois que tu as raison, il y a les deux choses qui existent. A la fois, ce sentiment de vouloir avoir un œil un petit peu partout, et en même temps, c’est là où ça devient un outil, c’est qu’en même temps, on se dit : « Mais il faut que je sois tranquille quand même ». Parce que déjà, moi, je vais induire les choses rien que si je suis alarmé, excité, en position de défense, c’est déjà terrible. Donc, il y a ces deux mouvements qui coexistent alors qu’ils sont, qu’ils peuvent paraître contradictoires. Ils peuvent paraître, mais ils ne le sont pas forcément.
45La présence tranquille en situation professionnelle s’inscrit dans deux mouvements qui se rejoignent et se complètent. Pensée dialectique au sein de laquelle rien n’existe sans son contraire. S’il était question de présence engagée ou de qualité de présence à autrui précédemment, ici, la présence s’enrichit sous une forme de repos, de présence immanente au sens de Piette :
La présence interactionnellement pertinente est nécessairement doublée d’une dimension dégagée, relâchée et fluide, par la présence à côté d’êtres et d’objets qui sont des repères et des indices sous la forme de traces de raisons antérieures d’agir et de routines développées antérieurement, par la présence extérieure d’autres rôles et situations imbriqués avec la présence immanente. (2009 : 137)
46Une présence chargée d’intentions dans l’interaction, dont Théo relève l’importance dans les situations de stress, de conflits potentiels.
On a tous une force tranquille, ou une mauvaise énergie, ou du stress, quoi. Tout ça, on le partage avec les autres, et ça, ça influence à mon avis, complètement. Ça oriente tout.
47Nous avons cherché à déterminer la part sensible de l’acte à travers la notion de présence. Une analyse en termes de présence, qui cherche à décrypter les modalités d’être dans les séquences d’activités professionnelles. Présence agissante, qui se décline en différentes techniques et facultés, au milieu d’autres objets et d’autres êtres, en interaction constante. Nous avons déjà relevé, lors des situations empiriques, la notion interactionnelle de coprésence. Tout rapport humain se déploie dans une coprésence immanente. Présence journalière entre les êtres, qui se réalise bien en deçà de la conscience. Dans le cadre de l’activité professionnelle, la coprésence est aussi appréhendée dans sa part intentionnelle, interactionnelle et communicationnelle. Capacité à être engagé dans la coprésence, à l’égal d’une capacité à prendre de la distance dans une tranquillité confiante. Piette définit quatre modalités de coprésence : la tranquillité, la familiarité, la tension, la fatigue. La qualité de présence telle que nous cherchons à la circonscrire traverse ces quatre dimensions. La coprésence se joue de déplacements qui modulent tant la familiarité et la tranquillité que, selon des intensités diverses, la fatigue et la tension. Une présence engagée envers autrui, soit une coprésence, ressort tant du mode majeur que du mode mineur d’exister.
48Nous pouvons considérer, dans l’acte de présence, plusieurs strates qui s’enchevêtrent et, en cela, se nuancent. La coprésence, en tant qu’elle suppose une part de flou, de minimal et de relâchement, est constitutive de la vie quotidienne, mais demande aussi une attention à soi et aux autres. La qualité de présence est autant engagement qu’effacement, en cela elle a indéniablement affaire à l’absence. Présence-absence si sensible dans la présence proche proposée par Deligny ; présence-absence qui se nuance entre présence intentionnelle et présence immanente, entre mode mineur et mode majeur d’exister. Présence-absence indubitablement nécessaire au processus d’acquisition de l’autonomie chez les jeunes, objectif finalisé du placement éducatif.
C’est ce mouvement : « Sachez que je suis là », et puis tu te promènes, tu vas à droite, à gauche, tu serres des mains, tu… t’es dans un mouvement plutôt chaud. Et ouais, c’est la présence, sans forcément qu’il y ait quelque chose de fort à tout moment, quoi, c’est : « Je suis là. »
49Les images de l’autoconfrontation croisée montrent à de nombreuses reprises le TSHM adossé à un mur, en retrait, inactif. Cette position corporelle interroge l’éducateur Jean et la chercheuse, qui insistent auprès de l’intéressé sur le sens de ce positionnement :
Théo : « Enfin, moi, souvent je fonctionne un petit peu en retrait… pour maîtriser tout, en fait. Se poser debout, dos au mur, c’est plus une position, mais ça, physique, que tu te donnes dans un espace. C’est pas du tout le côté rassurant du mur. »
Jean : « Mais moi, je le voyais aussi comme laisser à l’autre plus d’espace. Plus que maîtriser forcément tout ce qui se passe. [Théo approuve de la tête] C’est aussi une façon de dire : « Ben voilà, c’est ton terrain, vas-y. Montre-moi, ou montre-toi ce que tu veux montrer. » Alors, il y a la partie maîtrise, que j’aime bien aussi, mais il y a surtout laisser cet espace à l’autre de faire ce qu’il a envie sans que je sois dans ses pattes. »
50L’éducateur propose une nouvelle articulation entre maîtrise et laisser un espace d’expérimentation à autrui. Si la notion de maîtrise est fortement instituée, le lâcher-prise, déjà évoqué dans la situation La prise, reste dans une zone grise non référencée. Le gris étant compris comme un entre-deux, ni transparent, ni totalement obscurci. Un espace dans lequel un élément est présent, mais peu signifié. Le TSHM parlera de zones intermédiaires.
C’est toutes ces zones intermédiaires, où t’es là sans être là. […] Tu vois, moi [montre l’image du doigt], là, par exemple, nous, notre défi, et aujourd’hui ça l’est, c’était d’arriver à une salle qui vive en autogestion. Donc voilà, si t’approches ça par le milieu de terrain, ou si t’approches ça par les bords du terrain, à mon avis, au niveau symbolique, déjà ça change tout. A mon avis, ce n’est pas très cohérent de d’abord prendre le pouvoir au milieu de la salle, puis de le redonner. Nous, on est partis sur l’idée de se dire, on se met en parallèle des jeunes, à côté d’eux.
51Les deux éducateurs s’accordent sur l’importance d’être là tout en étant en retrait. Si nous avions précédemment insisté sur la qualité de présence, sous une forme engagée d’attention à autrui, nous pensons, suite à l’investigation des situations empiriques et théoriques, que la présence se double de l’absence. Ou, plus précisément, que c’est au travers du jeu entre présence et retrait qu’un espace éducatif peut émerger. Si la présence est fortement engagée, nous comprenons par les propos des éducateurs que la présence se couple d’une nécessaire absence et vice versa.
52Si nous avions relevé quelques indices précédemment, l’autoconfrontation croisée entre l’éducateur Jean et le travailleur social hors murs Théo nous a définitivement engagée sur cette piste.
Le trajet en lieu et place du projet
53Nous avons insisté sur la qualité de présence comme sur la présence tranquille et nous compléterons cette approche par le concept de présence proche, qui réintroduit dans le cadre théorique la notion de citoyenneté. Le concept de présence proche se réfère à l’expérience de Deligny. « Pour Deligny, l’enfant n’est pas au centre de la relation, mais sa présence est sacrée. » (Ribordy-Tschopp, 1989 : 97)
54Durant la période où Deligny travaillait en institution avec des jeunes en rupture, le cadre d’intervention s’appuyait sur une pédagogie qui a été parfois référencée à celle de Pestalozzi. Dans le centre d’observation, Deligny proposait un régime souple, sans règlement, où les jeunes étaient libres d’aller et venir. Les heures du coucher, règles le plus souvent soumises à discussion au sein des foyers, étaient laissées à l’envie de chacun. Du point de vue éducatif, elles sont des occasions d’instruire une bonne distance face aux jeunes. Deligny transférera cette expérience, difficile à tenir dans des cadres institutionnels normés, dans un projet en milieu ouvert, celui de la Grande Cordée2. Le contexte historique de rupture du pénitentiaire et de transformation des vieux internats est inséparable des Vagabonds efficaces (1947). Mais comment articuler une pensée libertaire à des pratiques d’éducation sociale ? La force des expériences de Deligny, qu’elles soient furtives ou ancrées dans la durée aux Cévennes, passe par un contenant adossé à la présence proche.
Les permanents sont là en « présence proche ». Ils sont attentifs à tous les gestes quotidiens qu’ils font pour « orner le coutumier », sans constamment surveiller ou prendre en charge les enfants. (Ribordy-Tschopp, 1989 : 96)
55Le coutumier retrace les micro-événements du quotidien et leur donne sens, car ils sont inscrits dans la tradition. La quotidienneté est dans sa dimension immuable à la fois porteuse de ce qui se répète, mais aussi de ce qui, par la répétition, la surpasse. Etre là, avoir une attention portée à quelque chose qui pourrait se matérialiser dans l’espace de la vie quotidienne.
56Comme le dit Deligny (1980) dans Les enfants et le silence, la présence est faite de la conscience que porte chacun à la présence des autres. Conscience de la présence des autres sans être toujours physiquement là, à leurs côtés. Conscience de présence dans l’expérience avec les enfants autistes dans les montagnes des Cévennes, au travers des activités de la vie. Vie communautaire, où il s’agit avant tout de se nourrir et de vivre, de la façon la plus autonome possible. Tâches prenantes de la vie paysanne, rythmée par les jours et les saisons. Pas de projets, pas d’objectifs, encore moins d’indicateurs de réussite. « Il se pourrait bien qu’il se passe quelque chose, simplement on ne peut pas compter dessus », disait Deligny à un journaliste.
57Il ne s’agit pas d’imposer une présence à autrui ; les enfants vont et viennent et c’est de ces écarts et de ces rapprochements dont il est question. Or, apprendre à percevoir ce qui advient par inadvertance n’est pas facile. Il y faut l’usage d’une pratique patiente, obstinée, dira Deligny (1975b).
L’enfant accueilli ne doit pas être guéri ou changé. Si un changement se produit chez lui, c’est par « inadvertance », c’est-à-dire à l’insu de toutes les intentions et projets conscients tant du permanent que de l’enfant. (Ribordy-Tschopp, 1989 : 96)
58La présence proche, dans un cadre libre en pleine nature, offre l’occasion d’une vie quotidienne à ceux pour lesquels il était d’abord question de soin ou d’enfermement. « Il remet à l’ordinaire, au commun ce que l’autisme rend exceptionnel. » (Petrescu, 2009 : 3)
59Deligny et son équipe s’appuient sur le traçage ritualisé des parcours des enfants ; cartes journalières relevant des lignes d’erre. Lignes qui s’entrecroisent sur le papier et marquent le lieu de « chevêtres » : ces points où les lignes d’erre, à travers les années, se recoupent et s’enchevêtrent en des points qui restent permanents. « Comme il en est des étoiles d’une constellation », disait Deligny. L’approche qu’il construit s’appuie sur le trajet en lieu et place du projet. Tracer et voir les traces, c’est repérer « la manière d’être au monde » propre à l’agir des enfants qui n’ont pas la parole pour se dire. Deligny n’impose rien à ces enfants-là. Il laisse vivre le commun, l’ordinaire de la vie quotidienne. Le repos du coutumier de la vie, dans ses dimensions les plus simples des gestes ancestraux, s’oppose à l’exceptionnel de ceux qui se démarquent des normes, aux « débiles » dont on ne sait que faire.
La nécessité de la marge
60Tracer l’immuable, l’éternel recommencement du quotidien, énonce pourtant toujours un rien de différence. Entre les lignes, juste un écart, une différence se dessine. Faire passer la différence entre les lignes, là où les lignes d’erre, tracées et retracées sur du calque, se juxtaposent là où il semble ne rien y avoir.
Tracer c’est alors marquer la différence, le lieu de la différence, « la fêlure entre se voir et ce voir », le voir de la réflexivité, de la raison, de la conscience et le voir qui ne tourne autour de rien. Différence entre ce qui en advient d’un enfant non parlant aux prises avec ces choses et ces manières d’être qui sont les nôtres. (Petrescu, 2009 : 3)
61La présence proche ne cherche pas à établir de relations réciproques ni à se mettre à la place d’autrui. « Ce que je défends, c’est la nécessité de la marge et de ce qui peut s’y passer », dira Deligny dans une interview à un journaliste de l’Express-Méditerranée3. La notion de présence proche, couplée du savoir laisser faire, nous renvoie à la question fondamentale de la norme dans son rapport à la marge, question immuable, toujours d’actualité au sein du travail social. Si le traçage est devenu affaire courante, tracé dans une société de contrôle, il participe d’une autre intention que le tracé de Deligny. Société du repérage par GPS, de la cartographie pour rendre les artères urbaines plus fluides, rendre la ville toujours plus « efficace ». On filme pour sécuriser, pour mieux prendre et enfermer (vidéo de surveillance). L’objectif sécuritaire est devenu priorité. Deligny, de son côté, laisse faire, laisse les enfants vagabonder, errer sur les chemins des Cévennes jusqu’au prochain point d’eau, point de chevêtre où il semble bon de s’arrêter, d’y rester un instant, moment d’un repos, d’un bien-être possible. Laisser l’enfant y aller, le y étant ouvert à l’inconnu, à l’imprévu. Si modification du comportement il peut y avoir, ce serait par découverte, par rencontre, par surgissement d’un on ne sait quoi agissant on ne sait pas pourquoi, à ce moment-là. Lignes d’erre comme temps de retrouvaille à l’adulte, toujours là et absent, en présence proche.
62Un axe fondateur traverse notre cheminement de recherche : laisser place pour que quelque chose puisse advenir là où rien n’est attendu.
63Prise de risque non seulement pour le jeune, mais aussi pour la vie du lieu, pour les professionnels engagés dans l’acte.
C’est à ce sacré virage du risque que tout le monde nous attend. Mais dans tout le monde, il y a ceux qui affirment que le moindre risque, il ne faut le prendre à aucun prix, alors que les enfants, ce qu’ils attendent pour exister, c’est que nous le prenions et dans ce nous il y a eux et leur histoire qui peut ou commencer ou leur être à jamais interdite. (Entretien pour l’Express-Méditerranée, op. cit.)
64Pour Deligny, la prise de risque est concomitante à tout acte éducatif. Prise de risque qui aura gravé son propre cheminement.
65Si la présence proche reste pour nous un concept éducatif majeur, nous ne pouvons instituer l’expérience de Deligny comme modèle à actualiser :
Tout autour il y avait la guerre. Je le répète, parce que je pense que cette circonstance-là a beaucoup d’importance dans ce que je vous raconte. Les gens ne sont plus les mêmes, les événements… je crois qu’une tentative ne se mène pas deux fois. Tout au moins pas la même. S’il fallait que j’exprime une doctrine, ce serait ça : admettre le moment. (Entretien pour l’Express-Méditerranée, op. cit.)
66Si nous avions pensé devoir quitter la pensée de Deligny par son refus des institutions, et ce en raison de notre objet de recherche instruit en foyer d’éducation, le matériel empirique nous a conduite tout au long du parcours à revenir à cet auteur. A ce stade de notre investigation, il ne nous semble plus si judicieux de comprendre la pensée de Deligny au travers du refus ou du déni des organisations. Si, en début de carrière, celui-ci a été fortement entravé par les limites institutionnelles, il finit par refuser tout système assujetti aux normes institutionnelles.
Deligny n’est pas contre l’institution, comme on l’a souvent dit naïvement, il pose comme mode d’institution, comme organisation instituant les relations entre humains, la critique elle-même de l’institution. Ce qui fait institution, c’est profondément la parole inaliénable de chacun. (Rouzel, 2010 : 176)
67Au-delà du rejet des institutions, c’est plus du rapport entre normes exogènes imposées et constitutions de modes de faire marginaux dont il est question. Plus précisément, de la construction d’expériences alternatives en raison de normes institutionnelles devenues castratrices. Une fois installé dans son expérience des Cévennes, libre d’agir, il portera un regard plus nuancé sur le rôle des organisations. La marge reste intimement liée à la norme et les limites imposées par le système étatique et/ou privé favorisent l’expression d’autres possibles, de contre-capture en rupture de l’imposé.
Une tentative, ça se met à dériver, vers la marge, et l’institution s’y perd et elle ne veut pas se perdre. Alors un jour, elle ne s’y prête plus. Elle a été aussi loin qu’elle pouvait aller. Elle reprend tout. Elle fixe des limites. Or je pense que c’est de l’autre côté de la limite que commence la marge. (Entretien pour l’Express-Méditerranée, op. cit.)
68Les « asociaux » sont les experts de la marge, qu’elle soit voulue ou subie. Deligny ne cherche pas à conformer les « enfants aussi fous que des enfants peuvent l’être », selon sa belle expression, mais à leur permettre de vivre « leur folie » en trouvant des voies sociales acceptables. Lorsqu’il ouvre la porte de l’asile de fous, il découvre que, remises dans des contextes sociaux normalisés, les personnes trouvent des espaces d’affiliation alors que l’enfermement à vie leur avait été prédéterminé. Il est ici question de rapport à la norme, de contrôle social et de positionnement éthique sur le vivre ensemble.
L’existence des marginaux signifie que notre société est incapable d’intégrer tout le monde et ça c’est salutaire. Une société capable d’intégrer tout le monde est une société condamnée au monologue. Sans négation, il n’y a ni dialogue, ni création, ni vie. (Octavio Paz4)
69Nous pensons que la marge, issue d’une réaction au normatif imposé, est également constitutive du cadrage de la norme. L’un et l’autre sont interdépendants : si la norme pousse à l’opposition et à l’expérience de la marge, celle-ci, par ses alternatives, devient constitutive du déplacement de la norme. Nous portons une différence marquée entre marge et exclusion, la marge permettant des allers-retours dont l’exclusion n’a plus la possibilité. Dès lors, la marge requiert une dimension choisie et assumée de ses positions, ce qui diffère indéniablement du statut de l’exclu.
70Mais rappelons-nous que toute expérience est affaire de moment. Le contexte de guerre et de résistance a permis l’expérimentation libertaire telle que l’a conçue Deligny. Pour nous, aujourd’hui, dans un contexte de société très normée, quel pourrait être l’espace d’expérimentation porteur non seulement de risque, mais surtout d’incertitude ? Incertitude et imprévu, ingrédients indispensables au développement de l’enfant, soutenus par un contenant : la présence proche.
71Prendre le risque de l’ouverture à l’inconnu nous ramène une nouvelle fois à la pensée de Mendel et confirme notre théorie du risque nécessaire dans l’acte d’éduquer.
8.1 Savoir laisser faire
72Deligny laisse faire ou, plus précisément, par la présence proche, offre un cadre qui « laisse faire ». Au regard de notre objet de recherche, nous nous interrogeons sur la transposition possible du concept de présence proche. Au travers de celui-ci, nous pensons que c’est la conscience de l’autre autour de soi qui prévaut, rien d’autre. Une position professionnelle qui laisse advenir demande en soi la capacité de confiance à laisser faire. Un laisser faire actualisé par les paroles de l’éducateur Jean commentant la pratique de Théo :
Moi, j’aime bien ce petit moment-là. Où les deux jeunes s’interrogent. Où toi, tu es à la fois présent, mais moins présent. Je pense que, dans notre boulot, et que ça soit dans le tien ou dans le mien, c’est un des objectifs qu’on doit avoir. C’est que, entre eux, tout d’un coup, ils se parlent, ils s’engueulent ou ils sont d’accord, et ils se le disent, et ils partagent et ils argumentent, et puis tout d’un coup, nous, on peut s’effacer, on peut se retirer, on peut se remettre contre le mur, et ainsi de suite. Donc là, c’est excellent ! Moi j’aime beaucoup ces petits moments où ils s’adressent l’un à l’autre. Si on arrivait à le faire plus souvent, le maximum de fois, ça serait diabolique.
73Position renforcée par le travailleur social hors murs, qui situe cette capacité comme un des enseignements forts de son expérience de terrain :
Voilà, aujourd’hui, moi j’en suis à savoir laisser-faire. Et ça, c’est de la pratique professionnelle. Du savoir-être, moi je suis arrivé au savoir laisser-faire.
74Savoir laisser faire, liberté de faire accordée chez Deligny, qui crée la communauté entre éducateurs et enfants autistes. Savoir à transposer et à reconnaître comme acte porteur de sens et d’effets dans l’intervention éducative.
75Pourtant, être là, autour d’une disposition à accueillir, à écouter, à observer, à être touché par l’autre dans sa différence, demande un savoir-faire difficile à acquérir. Un savoir agir qui ne figure dans aucun manuel de procédures. La qualité de présence demande de l’expérience, nécessite d’avoir fait le deuil de la toute-puissance, d’abandonner l’espoir de trouver la solution miracle, celle qui provoquera un changement jugé comme salutaire. Sortir des sentiers battus de la parole convenue, attendue, oser les chemins de traverse, laisser venir à soi ce qui émerge, ce qui se tait, ce qui fait mal comme ce qui transcende, est ainsi un acte éducatif. Sortir de ce qui est prescrit, jouer sur les frontières, offrir du cadre qui s’installe par l’interaction, au besoin, laisser advenir la crise nécessaire, fait partie du métier d’éducateur. Expérience forte qui engage le corps et l’émotionnel dans l’activité. Pratique qui construit et enrichit un savoir-faire qui, au sein de la profession, reste enfoui, non dit, peu reconnu.
76La présence agissante est difficilement appréhendable pour les professionnels. Lorsque la chercheuse tente d’approcher cet indicible, en mettant l’accent sur les positionnements corporels, sur le silence, sur les regards portés à l’autre, alors les mots se lâchent, petit à petit, testant la recevabilité chez l’interlocuteur. Parler de son positionnement corporel et émotionnel oblige à parler de son investissement subjectif dans l’activité, à nommer ce que l’on offre en termes de qualité de présence. Au-delà du protocolaire, de la prescription, se déroule un monde sous-jacent au sein duquel l’activité consiste à laisser advenir ce qui est à partager. Ouvrir des espaces et des temps de vacuité permet de laisser une véritable place à chacun et de laisser advenir la créativité dans l’interaction. Aborder de front les dimensions incertaines de l’agir demande à l’éducateur de dépasser une certaine pudeur, de conscientiser une force tranquille émanant de soi. Faire monter à la conscience des savoirs pensés préalablement comme « naturels », comme une part de soi incorporée, est un exercice qui entraîne un renversement des schèmes et des représentations usuelles des outils professionnels à disposition. Donner de la lisibilité à ce qui est enfoui au plus profond de son corps revient à revêtir un nouveau regard sur sa pratique. C’est en soi la possibilité de prolonger sa compréhension des situations professionnelles, et c’est aussi prendre en compte la part subjective constituante des interactions à l’œuvre dans l’activité. Repérer que le simple fait d’être là dans une qualité de présence a des effets indéniables sur la construction de la situation et sur le déploiement d’une intelligence des situations permet de comprendre que la présence à l’autre est une qualité professionnelle qui se construit dans l’expérience relationnelle.
77L’analyse de l’activité, par son approche microsociale des situations et par ses méthodologies, permet un regard « méta », en recul, grâce aux images, de sa propre expérience professionnelle. Partager, échanger et mettre des mots sur l’axe corporel de l’activité ouvre la question de la transmission des savoirs incorporés. Prendre en compte les aspects corporels et émotionnels comme des connaissances performatives, dans le sens où elles constituent des effets intentionnels sur l’agir, permet de les penser non plus comme des comportements « naturels », accessibles à tout un chacun, mais bien comme des capacités à acquérir. La difficulté reste accrochée à la légitimité de l’acte, à la carence de lisibilité de discours et de théorisation.
Notes de bas de page
1 Voir le Plan d’études cadre, Bachelor 2006, Filière de formation en travail social de la Haute Ecole Spécialisée de Suisse occidentale, récupéré de http://www.hesge.ch/hets/sites/default/files/contribution/etudier_a_la_hets/documents/pec06ts.pdf
2 Voir chapitre premier.
3 Entretien non daté ni signé. Consulté le 12.10.2010 sur le site : http://www.cip-idf.org/IMG/doc/deligny_une_vie-2.doc-France
4 Citation non datée.
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