L’horizon social de l’urgence : malaise dans le travail social
p. 149-158
Résumé
Die Zunahme des Sozialen angesichts der wachsenden Prekarisierung der Individuen treibt das Soziale unausweichlich in eine Krise. So kann man sich fragen, was denn überhaupt noch «sozial» ist an der Umsetzung von Sozialprogrammen zur Unterstützung von Menschen, die am stärksten aus der Gesellschaft ausgegrenzt sind. Das Fehlen einer Perspektive in bestimmten Notsituationen signalisiert auf jeden Fall die sinnbildliche Realität dieses Missstandes. Die wirtschaftsnahe Logik, welche dort dominiert, führt durch Institutionalisierung ihrer Entfaltung zu einem genaueren Einblick in diesen Rückgang. Dies führt eher zur Angst davor zu viel zu tun, als zu einer idealen Neubestimmung des Sozialen von heute.
Texte intégral
Ainsi mourut un homme qui s’était élevé jusqu’à une hauteur de vue peu commune, où lui était apparu que la plus grande des libertés, pour lui, consistait justement à y renoncer. On ne le lui permit pas. Les sages de l’Antiquité l’auraient admiré. Nous autres, hommes de la modernité, hommes de progrès, hommes éclairés, ne réussîmes qu’à le conduire à la mort. Pour son bien …
Patrick Declerck (2001 : 281)
1D’importantes mutations ont marqué le cours du XXe siècle, et la tendance semble aujourd’hui se poursuivre dans de nombreux domaines, et en particulier dans le social. Plus aucun domaine ne paraît épargné par le sentiment de crise, et paradoxalement, dans le domaine du social, ce sentiment coïncide avec la montée du social (voir en particulier Michel Freitag (1989, 2011)) que libère le développement toujours croissant de services et d’institutions spécialisées. Le perfectionnement et l’esprit gestionnaire qui s’y manifestent participent aujourd’hui d’une certaine remise en question du travail social. Faut-il aujourd’hui que le travail social s’inscrive dans cette logique et participe de l’édification néolibérale d’une dynamique sociale qui suscite le désarroi, à commencer par ceux qui font profession d’éduquer, de soigner ou d’aider leurs semblables ? Ou faut-il chercher d’autres solutions et réinventer un nouvel équilibre qui renoue avec l’idée d’une plus grande justice sociale ?
2Rien ne permet de dire a priori que le travail social est en crise, au vu des mesures d’optimisation dont il fait l’objet pour renforcer son fonctionnement et assurer sa reproduction. Pourtant, on doit bien admettre que, malgré cette nouvelle rationalisation du travail social, il devient difficile de concilier efficacité et justice sociale de façon durable. Car le plus souvent, au lieu d’intégrer durablement des individus marginalisés, le travail social consiste plutôt à les insérer socialement au risque de les exclure ! L’évolution de la pratique du travail social en situation de grande précarité confronte de jour en jour les travailleurs sociaux à la question de la finalité du travail social et de son sens, puisque le monde dans lequel ils vivent ne les épargne pas, loin s’en faut, de cette nouvelle responsabilité sociale et politique de restauration du lien social. Ce constat soulève la question de savoir si, dans la pratique, les travailleurs sociaux auraient perdu à ce point l’idée que le travail social recouvre encore un sens affilié à une idée de justice sociale ou si, au contraire, ils ne s’accommodent pas à leur insu de l’idée qu’il n’y a plus de sens en dehors d’un travail social purement fonctionnel et opératoire. C’est ce que constatent aussi Marc-Henri Soulet, qui pense que le travail social actuel « privilégie davantage des valeurs d’efficacité et d’évaluation proches du monde économique » (2000 : 59), et Véréna Keller, pour qui « le travail social se développe aujourd’hui sur de nouveaux principes, fondés sur l’humanitaire et la compassion, et non plus sur la justice sociale et l’égalité » (2005 : 66). Et cela dans un horizon social où l’on ne fait plus que « répondre à l’urgence dans l’urgence », écrit Xavier Emmanuelli (2009 : 27) !
3Même Robert Castel (2003 : 41) s’accorde à dire que nous sommes au creux de la vague et que « l’Etat s’avère de moins en moins capable de jouer le rôle de pilotage de l’économie au service du maintien de l’équilibre social ». Cet effacement de l’Etat est particulièrement visible à la lumière des réformes qui se sont enchaînées depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui. Selon François-Xavier Merrien (1999 : 95), ces réformes préconisent « un ensemble de recommandations destinées à mettre fin à des formes d’Etat providence jugées illégitimes et productrices d’effets anti-économiques ; [et dont] (…) le point commun est de chercher à introduire des marchés ou des quasi-marchés au sein des institutions de l’Etat providence de manière à en renforcer l’efficience » ; alors que l’objectif de l’administration publique, précise de son côté Jean-Noël Du Pasquier (2007 : 240) « n’est pas de réaliser des bénéfices ou des profits, mais de veiller à l’intérêt général, de garantir à l’ensemble des citoyens, sur une base égalitaire, l’accès aux services qu’elle propose, notamment dans les domaines de l’éducation, du social et de la santé ». Faut-il alors balancer par la fenêtre du social tous les acquis de l’Etat providence au nom du dogme néolibéral, pour voir à nouveau entrer par la grande porte du marché les problèmes mêmes que la constitution d’un Etat social efficient a mis plus d’un siècle à résoudre ? A côté des missions pragmatiques de prise en charge et de gestion de l’inégalité sociale, d’encadrement et d’insertion sociale, d’amélioration et de distribution des richesses collectives, ne serait-il pas judicieux de renouer avec l’idée d’une justice sociale plus politique que gestionnaire, de manière à redonner sens au sentiment d’une perte de sens du travail social ?
4Nul doute que la montée du social et son perfectionnement opératoire à travers l’optimisation de sa gestion participent de la perte de l’illusion qu’il y a encore quelque chose de social dans cette manière de travailler ; c’est-à-dire qu’il subsiste encore un projet commun à un vivre-ensemble qui fasse sens avec un projet politique et démocratique de société. L’absence de perspective, dans certaines situations d’urgence, appartient en tous cas aujourd’hui à une réalité assez emblématique de ce malaise social auquel sont de plus en plus confrontés les travailleurs sociaux. Les cas extrêmes d’exclusion et de marginalité sociales nous le rappellent quotidiennement en saturant nos jugements d’interrogations pour l’avenir. Il en ressort davantage une peur d’en faire trop qu’un idéal à la fondation d’un monde commun, c’est-à-dire à la redéfinition du social aujourd’hui.
Le nouveau réalisme gestionnaire de l’Etat de droit
5Si l’on pratique un bref survol du dispositif d’aide d’urgence que chacun contribue à perpétuer, année après année1, en pensant ainsi perpétuer un héritage social digne d’un Etat de droit, on est assez vite frappé par un certain décrochage : là où l’appartenance à une collectivité publique garantissait en quelque sorte une protection contre l’exclusion, là où le développement d’une forme de solidarité sociale agissait contre ce qui menace le lien social, là où l’on croyait avoir mis en place et forgé une sécurité sociale au service de l’immense majorité de la population en donnant naissance à des institutions sanitaires, éducatives et sociales, c’est justement là que se situent aujourd’hui des décisions contradictoires, des politiques assez diffuses et un système social qui semblent incapables de modifier le sentiment bien réel d’une montée inéluctable du social ; ce dernier devient, de surcroît, chaque jour plus problématique. Pour le dire autrement, les mesures institutionnelles les plus récentes, voire les plus prometteuses, semblent inaptes à apporter des solutions satisfaisantes aux nouveaux publics émergents en déficit, dans un horizon social où s’enracinerait un tant soit peu un projet porteur d’intégration sociale à long terme. Un tel projet donnerait en même temps les moyens de promouvoir une participation active à la consolidation d’une citoyenneté engagée et libre. Au lieu d’une intégration sociale procédant d’une volonté politique engagée et de droits sociaux universalistes, les missions sociales de l’Etat visent de plus en plus à définir un seuil minimal au-delà duquel la responsabilité de l’Etat n’est plus engagée, mais renvoyée à l’individu lui-même. Ce faisant, plus rien ne nous surprend quant aux solutions préconisées pour venir à bout de la misère, si ce n’est que les choses empirent chaque fois un peu plus, à mesure que la dépendance sociale s’accentue. Comme le démontre Patrick Declerck (2001, 2005), l’exclusion n’a pas de fin, puisque, après avoir été exclus du marché du travail, les clochards finissent par se « détourner du monde, pour mieux se détruire sous nos yeux » (2001 : 4e de couverture), en vivant à la marge de la marge, loin, très loin de ceux qui gravitent déjà en permanence aux marges concentriques de la pauvreté, dans la plus grande indifférence politique.
6Le phénomène d’exclusion creuse chaque jour ce décalage de la condition humaine, au point qu’on en vient naturellement à accepter la condition d’exclus comme s’il s’agissait d’une situation normale de la vie sociale, alors que c’est une atteinte profonde à la condition humaine. La présence des SDF dans l’espace public doit nous interroger sur le fondement de la vie humaine, entendue comme vie sociale. La grande exclusion dont ils sont les victimes nous oblige à remettre plus que jamais sur le métier l’importance de la question sociale. Cependant, il me paraît important de souligner ici que l’exclusion dont ils sont les victimes n’est plus le fait d’une configuration sociale marquée d’anciennes institutions et coutumes féodales, ou encore habitée de pratiques traditionnelles « arriérées » et « irrationnelles » ou arbitraires (si tant est que cette configuration sociale ait eu une fois l’impact qu’on lui attribue aujourd’hui à tort sur le plan social), mais qu’elle est précisément le fait d’une société moderne avancée et progressiste qui se définit fondamentalement comme un Etat de droit. Un Etat de droit qui affirme, d’une part, que tous ses sujets deviennent formellement égaux devant la loi et, d’autre part, que la vie politique démocratique a pour but de veiller au maintien en son sein d’une coexistence équilibrée des libertés individuelles qui ne nuise pas à sa légitimité. Par la reconnaissance mutuelle d’individus libres, en tant que sujets ou personnes appartenant formellement à un Etat, ce progrès social de la modernité réalisait idéalement son achèvement dans la formation d’un Etat qui admet comme personne juridique tout individu-citoyen appartenant à cet Etat de droit ; et il le fait notamment à travers la diversité des conditions sociales qui le composent et qui coïncident avec le sujet de droit, le sujet économique, le citoyen, l’homme cultivé, le travailleur ou encore l’ouvrier, etc. Il s’y manifeste à partir de là, et quasiment en permanence, la recherche des médiations sociales par lesquelles les individus participent à la société en lui cherchant au mieux une forme démocratique idéale, d’où ne peuvent émerger ni puissance illégitime ni forme d’exclusion ; cela sert, entre autres, à ne pas renouer avec une justice sociale différenciée, arriérée, irrationnelle ou arbitraire, ou encore partiale, en raison même de son appartenance à une classe sociale favorisée ou non. Or, paradoxalement, c’est grosso modo le cadre politique dans lequel se déroule aujourd’hui la grande exclusion dont nous devons admettre que les ressorts ne s’inscrivent tendanciellement plus dans un ordre social et politique d’où pourrait sortir une citoyenneté engagée et sur lequel ceux qui en sont victimes seraient réellement en mesure d’agir. Ce cadre « politique » renvoie plutôt concrètement à un Etat de droit qui se dévoie de ses responsabilités en soumettant chaque fois un peu plus la population à la précarité à mesure que se resserre sa gestion.
7La question de l’urgence et de son traitement social actuel posent désormais le problème de savoir comment aborder la question sociale, non plus sous le seul angle de la responsabilité individuelle, mais aussi sous celui du cadre d’ensemble de structuration de l’individu, de manière peut-être à changer notre regard. Il y a certainement une autre manière de raisonner pour se persuader de la portée limitée de cette perspective sociale par laquelle la pratique institutionnelle actuelle reconduit le problème de l’exclusion. Les médecins, psychiatres et travailleurs sociaux se trouvent en première ligne face à une tension sociale toujours plus vive et insoutenable. Ce sont eux qui sont confrontés le plus souvent à ce que prescrit la nouvelle donne du lien social, et qui portent le poids des contradictions qui existent entre ce que Jean-Pierre Lebrun appelle, un « imaginaire social qui entretient la grande confusion », et « les exigences irréductibles qu’implique une vraie rencontre » ; c’est-à-dire entre « le modèle ambiant » et « la situation de terrain » (2007 : 175). Tant de contradictions qui font aujourd’hui l’impasse sur la vraie nature du lien social et que l’évolution sociale de ces dernières décennies rejette toujours plus sur les travailleurs sociaux obligés de le supporter en se montrant toujours plus efficaces, alors qu’il n’y a parfois plus de solution. « Qui pourtant mieux qu’eux [se demande Jean-Pierre Lebrun] – au-delà du concret de leurs interventions – pourrait prendre la mesure de ce qu’un problème social ne peut prétendre trouver une solution qu’en étant d’abord reconnu comme étant l’affaire d’un sujet ? Mais d’où pourraient-ils désormais tirer la légitimité qui permet de le faire savoir et reconnaître afin de pouvoir enclencher une dynamique « vertueuse » ? Ils sont bien plutôt, on l’a vu, contraints d’endosser l’idéal d’une société du pourvoir » (op. cit, pp. 177-178, c’est moi qui souligne), c’est-à-dire d’une politique sociale de l’urgence, just in time pour reprendre une idée à la mode. Autrement dit, l’idéal d’une société de la compassion sociale de l’urgence, parce que la société applique vis-à-vis de ses sujets les plus fragilisés le principe de la responsabilité individuelle, à un stade si avancé de précarité sociale qu’il est presque inconcevable d’en être tenu pour responsable ; et tout cela parce que l’Etat se désengage de sa responsabilité sociale et politique et ne joue plus son rôle de garant de la dignité humaine ! La dynamique vertueuse d’un Etat de droit n’est-elle pas d’offrir une chance égale d’intégration à tous ses concitoyens ? Il y a de bonnes raisons de douter de la légitimité politique d’un Etat qui prétend qu’à ce stade si avancé d’exclusion on trouve un sujet a priori responsable de son exclusion ! En attribuant la responsabilité de ce qui arrive aux personnes exclues, on s’interdit du même coup de considérer différemment la question sociale. La présence de telles personnes dans l’espace public d’un Etat de droit qui lutte contre l’inégalité sociale devrait attirer notre attention sur l’idée qu’il y domine fatalement un rapport de force défavorable conduisant inéluctablement les sujets les plus fragiles à l’exclusion. Il est temps d’en prendre toute la mesure, si nous voulons inverser cette tendance.
Sortir du malaise par un travail social à réinventer
8Une société riche ne se mesure pas uniquement à l’aide d’indicateurs économiques comme le PIB ou les indices boursiers, mais à la cohésion sociale, et à ce qu’il est maintenant devenu courant d’appeler son développement durable. Il n’est plus possible aujourd’hui face à la grande exclusion et face aussi aux grandes catastrophes naturelles et pollutions majeures de résonner en termes de PIB, sans se soucier de savoir si toutes les ressources sont également réparties, si tout le monde dispose d’un logement ou d’une vie décente. Ne serait-il pas plus profitable pour une société de travailler inlassablement à former ses citoyens, même aux ultimes limites de la survie, pour en faire des sujets acteurs d’une inépuisable richesse d’existence ? Ce qui se manifesterait alors, ce ne serait pas la généralité abstraite de cas sociaux ou d’exclus, ni la singularité d’un fait ou d’un événement comme la mort d’un SDF, mais la particularité d’un existant qui possède son fond propre, c’est-à-dire qui est encore capable de penser par lui-même, d’élaborer ses propres idées et de se mobiliser en apportant sa contribution, petite ou grande, à la société, sans pour autant dépendre de gestionnaires ou de mesures actives urgentes supposées l’encadrer pour son bien.
9Il serait bon de reconnaître à la dimension sociale bien plus que ce qui a été admis comme une interdépendance empirique et de porter le débat au-delà de la gestion, au-delà des aspects pratiques et de son utilitarisme social : en se concentrant, en effet, uniquement sur les modalités de répartition et de distribution des prestations sociales, on se persuade facilement qu’elles sont trop chères et trop généreuses, qu’elles sont mal organisées et inefficaces et encouragent les abus. Au point que, finalement, toute la question sociale se trouve dépolitisée et que le débat ne porte plus sur la pauvreté, ni sur l’inégalité sociale, la justice ou encore sur la répartition des biens2, mais sur l’idée qu’il y a un moment où la responsabilité de l’Etat n’est plus engagée, quitte à laisser la personne sans autre perspective que l’exclusion. Nous serions bien avisés d’insister davantage sur l’existence réelle d’une structure symbolique interdépendante de l’ajustement empirique des liens sociaux et de la socialité, et d’affirmer avec force que c’est désormais de la mobilisation de cet héritage symbolique que naîtra un possible dépassement de la question sociale ; à condition bien sûr d’en mobiliser la charge symbolique dans le travail social autant que dans l’éducation, à l’aide d’un rapport social plus synthétique visant à élargir l’horizon par la formation d’individus libres. La réappropriation du sens de la vie procède en général de la dimension culturelle inhérente à toute vie en société, et pas seulement d’une intégration, ou plutôt d’une insertion, utile à cette société. La force virtuelle de tous les savoirs culturels confère généralement à l’individu une capacité réflexive de se prendre en main et de penser ce qui lui arrive, même si son expérience de vie est vécue comme inaccomplie, dégradée ou mutilée. Il s’agit, en d’autres termes, d’organiser, comme l’écrit Didier Vrancken (2010 : 95), « la réversibilité des épreuves, pour permettre que la vie se rejoue, se cherche une seconde chance… ». De fait, l’époque actuelle insiste trop souvent sur la dimension marchande ou utilitaire de l’individu qui participe justement de la mise en place d’un horizon social d’urgence. Il est donc plus que nécessaire de compenser la portée empirique du travail social aujourd’hui par un rapport plus synthétique entre la société et la personne précarisée, en examinant soigneusement chaque situation. Cela suppose, bien entendu, des moyens d’action sociale inédits, qu’il s’agit justement d’inventer et de créer, puisque, comme le montre la réalité sociale aujourd’hui, on en fait jamais assez ; on pourrait en faire bien plus, beaucoup plus que ce que le travail social prescrit habituellement. L’invention de nouvelles médiations sociales est certes une tâche immense, mais elle ne pourra naître que de confrontations nouvelles qui devront être animées de tous les côtés, travailleurs sociaux y compris, par la conscience de la nécessité de rechercher une nouvelle synthèse sociale, entre la charge historique du travail social et les enjeux actuels des problématiques émergentes. Le résultat de cette réinvention du travail social renforcera sans aucun doute la portée actuelle du travail social et sa mission d’œuvrer à une vie commune, dont l’épanouissement de tous représenterait la valeur suprême. En fin de compte, penser en-deçà de l’urgence, et ce faisant, dépasser la charge historique de l’utilitarisme de la question sociale, exiger que l’on s’attelle à questionner collectivement sa vraie finalité : c’est la seule manière, à mon sens, d’envisager la possibilité de dépasser le malaise social dans lequel se trouve le travail social aujourd’hui et de renouer avec une grande idée de justice, d’égalité et de liberté, synonyme d’un épanouissement possible pour tous.
Bibliographie
Avenirsocial, travail social suisse : www.avenirsocial.ch
Castel, R. (2003). L’insécurité sociale : qu’est-ce qu’être protégé ? Paris : Le Seuil.
Declerck, P. (2005). Le sang nouveau est arrivé : l’horreur SDF. Paris : Gallimard.
Declerck, P. (2001). Les naufragés : avec les clochards de Paris. Paris : Plon.
Du Pasquier, J.-N. & Rist, G. (2007). Le néomanagérialisme : un fait social total. In M.-D. Perrot, J.-Noël DuPasquier et al. (Eds.), Ordres et désordre de l’esprit gestionnaire. Lausanne : Réalités sociales.
Emmanuelli, X. & Malabou, C. (2009). La grande exclusion : l’urgence sociale, symptômes et thérapeutique. Paris : Bayard.
Freitag, M. (2011), L’abîme de la liberté, critique du libéralisme, Montréal : Liber.
Freitag, M. (1989). Crise du social ou disparition de la société. In D. le Gall, Cl. Martin & M.-H. Soulet (Eds.), L’éclatement du social. Crise de l’objet, crise des savoirs ? (pp. 51-70). Caen : Université de Caen.
Keller, V. (2005). Aider et contrôler : les controverses du travail social. Lausanne : Cahiers de l’éésp.
Lebrun, J.-P. (2007). La Perversion ordinaire : vivre ensemble sans autrui. Paris : Denoël.
Merrien, F.-X. (1999). La Nouvelle gestion publique : un concept mythique. Lien social et politique, 41.
Soulet, M.-H. (2000). Avenir du travail social : enjeux de formation ou enjeux de qualification. In S. Rossini (Ed.), Le social en mouvement (pp. 57-80). Lausanne : Réalités sociales.
Vrancken, D. (2010). Social barbare. Bruxelles : Couleur livres.
Notes de bas de page
1 C’est très concrètement ce que l’on entend aujourd’hui de la part des responsables politiques délégués à la lutte contre la précarité et à l’exclusion qui réclament, année après année, l’ouverture d’urgence de structures d’accueil et d’hébergement du 1er novembre au 15 mars, pour venir en aide aux nombreux SDF qui vivent dans la rue et risquent d’y mourir de froid. « Pourquoi donc commencer si tard ? Et pourquoi arrêter si tôt ? », se demande Patrick Declerck. L’énoncé d’urgence qui s’y déploie clame un semblant de valeurs à maintenir coûte que coûte en dépit des atteintes profondes qu’il porte à l’édifice même d’un Etat de droit, étant donné, écrit Declerck, que « ce n’est rien moins qu’une limite thermique au contrat social qui est figurée ici », puisqu’» en-deçà des seuils définis (à-10 ° C, on se trouve à un « niveau de crise grave », selon les textes officiels), votre mort éventuelle dans la rue fera scandale, car elle relève de la responsabilité de l’Etat et de la société », mais « au-delà, elle sera de votre fait, inévitable conséquence de vos choix existentiels masochiques, et, finalement, non-événement… » politique. Or, on sait que ce n’est pas lors des périodes de grand froid que l’on meurt le plus, c’est-à-dire en grand nombre, puisque « statistiquement l’hypothermie guette déjà l’épuisé, le mal-nourri, le malade, à partir de 16/17 oC », c’est-à-dire quasiment le reste de l’année. Autant dire qu’il n’y a rien à faire de plus que prêter une attention ultime en cas de crise grave, parce que le reste du temps, la présence de SDF n’a plus rien d’une question sociale, puisqu’elle relève d’un choix existentiel personnel (Patrick Declerck, 2005 : 50 ss).
2 Sur toutes ces questions, Avenirsocial mène un important travail d’information.
Auteur
Office des curatelles et tutelles professionnelles (OCTP), Lausanne - Responsable de mandats de curatelle, sociologue et enseignant, patrickernst@bluewin.Ch
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Ne touche pas à tes vieux
Regards sur la maltraitance familiale des personnes âgées
Véronique Gavillet et Laurence Grandrieux
2006
Entre mémoire collective et mémoire familiale
L’héritage d’un trauma collectif lié à la violence totalitaire
Irène Mathier
2006
Travailler pour s’insérer
Des réponses actives face au chômage et à l’exclusion : les entreprises de réinsertion
Christophe Dunand et Anne-Lise du Pasquier
2006
La Suisse au rythme latino
Dynamiques migratoires des Latino-Américains : logiques d’action, vie quotidienne, pistes d’interventions dans les domaines du social et de la santé
Claudio Bolzman, Myrian Carbajal et Giuditta Mainardi (dir.)
2007
Analyse de l’activité en travail social
Actions professionnelles et situations de formation
Kim Stroumza et Joëlle Libois (dir.)
2007
Les entreprises sociales d’insertion par l’économie
Des politiques, des pratiques, des personnes et des paradoxes
Claude de Jonckheere, Sylvie Mezzena et Camille Molnarfi
2008
De l’aide à la reconnaissance
Ethnographie de l’action sociale
Laurence Ossipow, Alexandre Lambelet et Isabelle Csupor
2008
Et ils colloquèrent, colloquèrent, colloquèrent…
Entre théorie et pratique : les réunions des travailleurs sociaux
Nadia Molea Fejoz
2008
L'incident raciste au quotidien
Représentations, dilemmes et interventions des travailleurs sociaux et des enseignants
Monique Eckmann, Daniela Sebeledi, Véronique Bouhadouza Von Lanthen et al.
2009
La protection de l’enfance : gestion de l’incertitude et du risque
Recherche empirique et regards de terrain
Peter Voll, Andreas Jud, Eva Mey et al. (dir.)
2010
La construction de l’invisibilité
Suppression de l’aide sociale dans le domaine de l’asile
Margarita Sanchez-Mazas
2011