Chapitre 2. La fabrique du militant
p. 67-114
Texte intégral
Ai-je suivi la route
Qu’un jour vous m’avez tracée ?
Parfois me vient le doute Et je ne sais que penser1.
Environnement familial et premiers pas politiques
La famille : rupture de la socialisation ou continuité d’un engagement ?
1Le milieu familial constitue un espace de sociabilité où la politique joue un rôle non négligeable. Des hommes et des femmes se construisent une conscience politique en continuité – plus ou moins consciente et évidente – avec cette première forme de socialisation, ou au contraire, se positionnent en réaction à ce milieu, allant parfois jusqu’à rompre avec lui en affirmant des choix politiques différents ou antagoniques. Pas d’automatisme en effet. Si « la décision d’entrer au parti [peut faire] intervenir des relations affectives qui se construisent dès l’enfance2 », être issu d’une famille de gauche, voire communiste, ne garantit pas mécaniquement un engagement. Et rappelons qu’un même milieu familial peut produire des parcours fort différents.
2Nous avons pu identifier l’orientation politique familiale de 73 membres du corpus. On a regroupé quelques grands blocs d’analyse (membres du PC, sympathisants, socialistes, syndicalistes, etc.) qui, bien évidemment, ne peuvent donner un aperçu que très partiel des orientations politiques de la famille du militant (il s’agit avant tout des parents si ceux-ci sont en vie, ou de ceux qui l’ont élevé, ou bien des membres de la famille plus éloignés mais qui contribuent à l’orientation politique).
3Les renseignements proviennent en majeur partie des « bios », mais également des récits mémoriels. Le premier des trois graphiques suivants traite de l’appartenance à une organisation politique d’au moins un membre de la famille. Le second et le troisième portent sur l’appartenance à la « mouvance » ou la culture politique, sans qu’il y ait forcément recoupement avec le premier tableau. L’apparition de doublons ne doit ici pas étonner, elle est révélatrice soit d’adhésions multiples3, soit d’un cumul d’affinités politiques diverses. Par exemple, le père de Charles Tillon est décrit comme anticlérical, puis proche des syndicalistes révolutionnaires, et enfin du socialisme4. Il apparaît donc trois fois dans le tableau sur les mouvances.
4La première donnée à souligner est qu’une majorité de familles des membres de notre corpus n’apparaît pas ici. Si 73 familles sont renseignées, pour les 114 restantes leurs opinions politiques sont soit inconnues soit qualifiées d’inexistantes par les militants eux-mêmes. Même si ce chiffre est à prendre avec précaution, la première remarque à formuler est que l’encadrement communiste régional de la deuxième partie des années trente est formé d’individus issus de familles sans opinion ou dont l’opinion est inconnue. Les enfants de militants ne constituent donc qu’une minorité du corpus : un peu plus de 18 %. En revanche, les enfants de familles plus ou moins politisées représentent toujours une minorité, mais une minorité de poids : environ 40 %. Même si les renseignements fournis par les militants dans leur « bio » peuvent masquer une réalité ou ne pas évoquer des interdits de la culture communiste (par exemple une famille proche de la LDH ou de la franc-maçonnerie), cela reflète les enjeux à l’œuvre, les contextes qui évitent tout déterminisme.
Les idéologies familiales
Je fus marqué dans le sang pour le combat révolutionnaire dès ma naissance, héréditairement…5
5Penchons-nous d’abord sur les militants issus de familles communistes. Si l’on ne devient pas automatiquement communiste parce que ses parents le sont, du moins vit-on dans un environnement qui facilite, aide et parfois prépare à rejoindre le parti.
6Dix-neuf membres de notre corpus ont des parents membres du PCF. À une exception près, celle de Marcel Bonin6, l’engagement communiste d’au moins un parent précède celui de l’enfant. Dans au moins six cas, il s’agit d’un père membre de la SFIO qui rejoint la SFIC après Tours. Pour Marcel Rosenblatt, la famille est partagée : le père était à la SFIO, mais ne franchit pas le pas de l’adhésion au PC, ce qu’accomplit en revanche sa mère. Marcel Raison énonce clairement dans sa bio que c’est « sur les conseils de [son] père » qu’il a rejoint le PCF7, de même que Marcel Guyot8. Georges Déziré explique ainsi sa venue au parti : « élevé dans une famille de communistes, lecteur de toujours de l’Humanité, fréquentant les meetings du Parti, j’étais sympathisant et ai adhéré quand j’ai senti que je devais le faire9 ». Avoir des parents communistes faciliterait-il la réussite scolaire ? C’est ce que semble sousentendre l’analyse des parcours scolaires des militants. Si les « primaires » restent, comme pour l’ensemble du corpus, les plus nombreux (mais de peu : onze sur dixneuf), il faut signaler un taux élevé de réussite au CEP (huit élèves sur ces onze). Enfin, le passage par l’enseignement post-élémentaire (EPS et ENI) est marquant (six sur dix-neuf). De plus, le seul militant qui franchit les portes du lycée fait partie de ce segment, ainsi qu’un des sept ayant réalisé des études supérieures. Appétence des familles pour la lecture ? L’ouverture sur le monde ? La culture ? Le niveau social des parents ne semblant en effet pas spécialement favorable à la réussite scolaire, en tout cas pas différent des autres membres du corpus, il faut sans doute voir la proximité avec l’écrit (journaux, brochures), souvent dès l’enfance, comme facteur aidant. Cette présence de l’écrit n’est d’ailleurs pas singulière au milieu communiste mais caractéristique du milieu militant. En tout cas ces individus arrivent au sein de l’organisation partisane avec une longueur d’avance probable sur les autres : ils en connaissent de près les us et coutumes, le vocabulaire, les codes, ils ont grandi au rythme de ses temps politiques et de ses rites. En bref, ils sont déjà, en partie, imprégnés de la culture politique communiste. Au-delà des familles militantes, la principale mouvance qui apparaît dans nos données est la mouvance communiste, rassemblant donc militants et sympathisants. Ce dernier terme recouvre bien entendu une variété de situations, allant du vote pour le parti communiste à la lecture de sa presse, de la fréquentation de réunions à l’adhésion dans une des organisations constituant la galaxie. Là aussi l’appartenance familiale à cette mouvance constitue un moule favorisant l’identification au discours et aux pratiques du parti communiste. Avoir un père lecteur quotidien de l’Humanité et un oncle, cultivateur, qui fit graver une faucille et un marteau sur sa cheminée, influence forcément le parcours de Robert Jolly10.
7Le deuxième grand sous-ensemble en termes de culture politique est constitué par la mouvance socialiste. Maurice Lampe se présente comme le fils d’un « guesdiste ardent » sans qu’il soit d’ailleurs membre du parti, mais qui « participa à toutes les luttes ouvrières de l’époque » et qui fut plusieurs fois arrêté11. Les « premières leçons de socialisme » furent données à Julien Airoldi, non par ses parents, mais par un oncle socialiste qui avait recueilli cet avant-dernier enfant d’une fratrie de neuf12. Trois des enfants Airoldi deviennent plus tard communistes, tandis qu’un quatrième, Paul, militant syndicaliste, mourut au combat en 1918. N’oublions pas là non plus les effets cumulatifs. Émile David, dont le père était selon ses mots « tendance mi-socialiste mi-anarcho-syndicaliste » : « mon père m’emmenait avec lui dans les réunions syndicales et politiques et cela m’a permis de m’initier de bonne heure aux questions sociales13 ». Le poids de la figure militante paternelle est déterminant dans l’itinéraire politique d’un militant comme François Billoux14. Il est pour autant difficile de conjecturer sur la part d’héritage ou/et de rupture qui caractérise ces militants visà-vis de cet environnement socialise ou socialisant. Six d’entre eux précisent que leur parent socialiste a, plus tard, rejoint le PCF. Héritage de la « vieille maison » ou rupture face à, par exemple, la « trahison » de 1914 ? Continuité d’un engagement pour le socialisme radicalisé par la guerre et Octobre ou mise au rencart des vieux repères ? Sans doute faut-il penser ces processus à l’œuvre simultanément.
8C’est également l’engagement laïc, voire anticlérical, à travers la Libre-Pensée, qui forge également la matrice politique des individus15. L’exemple le plus évident parmi les membres de notre corpus est sans doute celui de Waldeck Rochet, tant son prénom montre l’attachement du milieu familial aux combats républicains de la fin du xixe et du début du xxe siècles, sous le gouvernement de Pierre WaldeckRousseau, qui rappelle aussi l’importance du combat laïc.
Mon père était considéré dans la commune comme un homme de gauche et un fervent laïque. Il était même le seul homme de la commune à appartenir à la Libre-pensée. Il a beaucoup contribué à m’intéresser aux choses politiques16.
9Cet engagement libre-penseur est celui de bon nombre de militants communistes. La mention de la Libre-Pensée dans les « bios » compense « les silences des militants » auquel s’était heurtée Jacqueline Lalouette dans ses travaux17. « Je l’ai toujours connu, aussi loin que remontent mes souvenirs, libre penseur18 », écrit ainsi Cécile RomagonOuzoulias sur son père, Maurice Romagon, brièvement dirigeant de la région de l’Aube en septembre 1939. Marcel Rosenblatt, dirigeant alsacien, insiste dans sa biographie sur son engagement à la Libre-Pensée « prolétarienne19 », regrettant d’ailleurs de ne pouvoir y accorder davantage de temps20. Il ne faut pas oublier l’analyse qu’avait faite Maurice Agulhon21 sur cet « esprit critique », fruit de la République libre-penseuse, où la critique antireligieuse a aidé la critique sociale la plus radicale en lui ouvrant la voie, du moins en lui préparant le terrain. La sentence de Marcel Cachin, « Les paysans bretons aiment mieux les communistes que les socialistes parce que nous ne sommes pas anticléricaux22 », est tout à fait juste au regard de la stratégie d’ensemble du parti en mai 1937, et particulièrement de la « main tendue » aux catholiques, elle a cependant pu faire grincer quelques dents. Notamment à ceux qui quelques années auparavant pouvaient scier des croix23 ou hisser des drapeaux rouges aux faîtes des églises24, réinvestissant ainsi un répertoire d’action alors abandonné par les radicaux, porteurs du combat laïc et/ou anticlérical. Mais dans le même temps, la référence dans le discours et les rites du parti aux encyclopédistes et aux philosophes des Lumières (Diderot, Rousseau, Voltaire, dont d’immenses portraits parcourent les cortèges communistes parisiens), empruntait aussi au patrimoine symbolique de la Libre-Pensée25. Des monographies ont révélé l’impact du phénomène dans la militance communiste. Ainsi, les travaux d’Olivier Bélingard26 sur la Dordogne montrent à quel point cette tradition républicaine, laïque, voire anticléricale caractérise « le militant communiste périgourdin ». Laird Boswell, en étudiant le vote communiste en Limousin, a montré la corrélation entre l’hostilité au catholicisme et le soutien au parti communiste27. Le communisme rural doit beaucoup à cette reprise de la tradition anticléricale28. Ici, la géographie libre penseuse et anticléricale se fait plus diverse : Alsace, Aube, Eure-et-Loir, Saône-et-Loire, Loire… et ne recoupe pas toujours celle de l’influence radicale. Ainsi le « landrysme » corse, du nom du dirigeant du clan radical qui domine la gauche dans l’île, peut cohabiter avec la culture catholique : Jean Bartolini évolue ainsi dans une famille « landryste catholique29 ». Cet héritage laïc ne doit pas faire oublier que bon nombre de militants proviennent de familles divisées sur cette question. Il n’est ainsi pas rare, en retraçant les parcours biographiques, de trouver des familles où le père est laïc et la mère croyante (l’inverse apparaît peu voire pas du tout). Si une première hypothèse peut nous conduire à mettre en opposition ces deux pôles d’influence idéologiques (avec une influence politique du père sur le garçon plus fréquente), il ne faut pas oublier les effets cumulatifs, les hybridations. De plus, des aspects de la foi chrétienne amènent parfois au communisme30. L’étude de Julian Mischi sur Saint-Nazaire a bien montré que làbas le christianisme constitue « une matrice culturelle de l’adhésion au communisme31 ».
La marque de la guerre
10On ne saurait trop insister sur l’impact du premier conflit mondial dans la naissance et le développement du mouvement communiste. Des travaux, récents ou plus anciens, ont montré le rôle des anciens combattants et du pacifisme dans la construction du parti communiste en France32. La guerre est en effet « un creuset au sein duquel se noue la crise de la social-démocratie et se forge une critique d’où émerge le communisme, tel un idéal révolutionnaire renouvelé sur un paysage de décombres33 ». S’il est difficile de saisir toutes les influences qu’exerça la Première Guerre mondiale dans la construction idéologique et politique des membres de ce corpus, qu’il nous soit permis d’évoquer deux situations : les anciens combattants, et les enfants d’anciens combattants34. Si la plupart des secrétaires régionaux étudiés sur la période furent trop jeunes pour participer au conflit, bon nombre d’entre eux le vécurent à travers diverses épreuves « civiles » (déplacement forcé, internement par l’occupant, répressions de grèves, dureté des conditions de travail et de vies, etc.) ou à travers l’expérience du front de leurs parents. Louis Molinier, comme d’autres camarades de sa génération, adolescent au moment du premier conflit mondial, voit son père partir au front. Engagé comme volontaire, celui-ci rentre chez lui en 1917 et c’est, selon son fils, « un autre homme qui revint35 », qui « se rangea de suite, sans réserve et avec enthousiasme, aux côtés de la Révolution russe36 ». Le jeune Molinier, devenu laboureur à 16 ans, se décrit alors comme « avant tout un pacifiste intégral, opposé à la violence », qui lit l’Humanité que son père achète quotidiennement. François Billoux fait le même récit d’un père dont l’influence fut déterminante dans son entrée en politique : « mobilisé en 1915, appartenant à un régiment marqué par les mutineries de 1917, enthousiasmé par la Révolution russe, il fit adhérer son fils, au mois de septembre de la même année, au cours d’une permission, aux Jeunesses socialistes de Roanne37 ». Le père devait d’ailleurs mourir dès 1921 d’un « mal contracté à la guerre ». Car la marque que laisse le conflit est souvent celle de la tragédie. Le père de Félix Cadras, qui professait dès avant la guerre des idées socialistes d’inspiration libertaire, lisait l’Humanité (dont il avait souscrit à la fondation). Il fut tué en octobre 1915. Sa veuve éleva sans doute les enfants, Félix et Georgette, dans les idées pacifistes et socialistes. Félix Cadras la décrit comme « communiste38 ». Ici l’hybridation, le cumul des expériences (libertaire, pacifiste, socialiste, de guerre), vont jouer à plein dans le mouvement qui va progressivement amener le jeune Cadras vers le Parti communiste, réceptacle de nombre d’espoirs de révolte face au militarisme, à la guerre et à ses terribles conséquences. D’autres pupilles de la Nation ou orphelins de père figurent dans notre étude : Robert Gagniaire, Louis Bertin, Charles Lahousse, Léopold Roque, Paul Delanoue, Marcel Messeau, Paul Entzmann, Jules Thomas… Julien Airoldi quant à lui voit son frère, par ailleurs militant syndicaliste, mourir au combat en 191839. Et puis il y a les membres de notre corpus anciens combattants eux-mêmes, qui vécurent dans leur chair les combats de ce titanesque conflit industriel, expérimentant violence et mort de masse : Virgile Barel (décoré, pensionné 100 %), Jules Thomas (blessé, gazé), Maurice Romagon, Raymond Sémat, Marius Jacquemard, Émile Labrunie (main droite mutilée), Venise Gosnat, Henri Delannoy (gazé), Gaston Cornavin (gazé), Barthélémy Ramier, Fernand Soupé, Marcel Raison (réformé à 20 % avec un éclat d’obus dans le poumon)… De retour du front, ceux-ci ne s’enferment pas dans le silence. Bien au contraire, fréquentant d’autres anciens combattants, ils transmettent leur sentiment pacifiste et leur dégoût de la guerre40. Les histoires familiales, en particulier des guerres construisent et/ou participent à la structuration d’un univers de représentations. La fille de Maurice Romagon décrit ainsi les veillées au domicile familial :
Le soir, à la veillée, lorsque des amis venaient à la maison, il était souvent question de la guerre. Papa était communiste. Ses camarades, anciens combattants, parlaient souvent de ces années terribles. […] Les récits de Pa-Jules sur la guerre d’Italie et les silences de Pa-Mile sur celle de 1870 me revenaient à la mémoire lorsque je montais me coucher. Mêlés à ce que j’avais entendu à la veillée, ils ont fortement marqué ma jeunesse. C’est de là, je crois, que j’ai appris à haïr la guerre et à aimer viscéralement la paix41.
11Organisés ou non au sein de l’ARAC42, ces anciens combattants se tournent vers le communisme par pacifisme, antimilitarisme, ou sur la base d’anciennes convictions socialistes ou libertaires radicalisées par la guerre. Un titre de presse « semble avoir jou[é] un rôle décisif pour de nombreux militants43 ». Il s’agit du journal fondé par le député socialiste et pacifiste Pierre Brizon, La Vague.
J’ai beaucoup réfléchi sur la guerre et la paix, sur les causes du conflit. Un camarade de tranchée me passait La Vague de Pierre Brizon, périodique contre la guerre qui soutenait les revendications des soldats et a joué un grand rôle. […] J’ai lu, en 1916, dans l’Œuvre le célèbre roman Le Feu d’Henri Barbusse, où nous trouvions la description de notre existence. Cette lecture a contribué à développer en moi l’idée qu’aux tranchées nous étions du matériel humain sacrifié pour l’intérêt des gros richards44.
12De très nombreux militants de notre corpus évoquent sa lecture, parfois seule, parfois aux côtés de l’Humanité ou du Feu45. Journal essentiel dans les réflexions politiques de ces hommes, il témoigne du « sceau de la guerre » qui imprègne la construction et le développement du communisme, de la dimension centrale de l’antimilitarisme et de la volonté de mener la « guerre à la guerre46 ».
Les cas de rupture
13Il y a des militants – peu nombreux – pour qui l’engagement communiste constitue une rupture avec leur milieu familial. Il y a d’abord des cas d’oppositions politiques nettes. On devine sans peine les relations compliquées qui existent entre Marguerite Buffard et ses parents, qu’elle ne voit d’ailleurs que huit jours par an. Elle décrit, non sans une pointe d’ironie, un père « inscrit au parti socialiste, [qui] pense en radical et n’agit pas », et d’ajouter : « il n’a pour les communistes que de l’antipathie. Ma mère serait communiste si elle ne tremblait pas à la pensée que je suis communiste et risque, dit-elle, ma situation et santé47 ». Étienne Fajon revient sur son environnement familial qui fit en sorte, dit-il « de ne laisser dans ma mémoire aucun souvenir personnel de quelque importance » de la révolution d’Octobre ou de la fondation du PCF48. Venant d’un foyer où la mère est institutrice et le père viticulteur de tendance radicale, le futur dirigeant du Gard peut affirmer : « je ne suis pas communiste par héritage ». « Mes parents », poursuit-il « dont la sincérité et l’aspiration au progrès étaient indiscutables, considéraient comme immuable l’ordre établi, et […] ni leur milieu ni leur formation ne les avaient préparés à comprendre le combat de ceux qui veulent changer cet ordre des choses. » On devine la tension dans les relations familiales lorsque, évoquant son emprisonnement en 1929, Fajon estime qu’aux yeux de son père il constituait « une tâche sur l’honneur de son nom ».
14On peut également évoquer ces enfants de familles croyantes qui rompent avec plus ou moins d’éclat avec les convictions de celles-ci. Auguste Gillot, orphelin très tôt, est confié à sa tante, très catholique. Il devient enfant de chœur mais, par réaction aux agissements d’un prêtre, refuse d’entrer au séminaire49. Sans sur-interpréter des événements sur lesquels nous manquons d’information, on peut cependant y voir les premiers pas d’une rébellion, d’un refus de l’injustice et de ce qui est perçu comme l’hypocrisie l’entourant.
15Exercice difficile que de tenter de résumer, voire de quantifier, les mille et une facettes de l’enfance et de la jeunesse, plus ou moins liées au milieu familial, qui « fabriquent » la conscience d’un individu et le conduisent, en conformité ou en rupture avec cet héritage et cette socialisation primaire, vers l’engagement. On peut retourner les modèles du désengagement proposés par Catherine Leclerq50 pour poser un regard sur l’engagement : on retrouve en effet le « natif », celui qui a baigné dès la naissance dans un milieu communiste, à la différence du « converti » qui vient d’un milieu différent, voire opposé. Mais entre ces deux pôles les voies vers le communisme français sont nombreuses, plurielles, certaines en apparence contradictoires, plus volontiers hybrides selon nous.
Le passé militant
16Ce sont 46 militants, soit 24,6 % du total des membres de notre corpus, qui connaissent un engagement avant leur adhésion au parti. Bien entendu là aussi ces données ne sont pas exemptes d’une petite marge d’erreur. Il faut souvent aller audelà de ce que le militant indique à travers l’exercice biographique, répondant à la question « 24° Avez-vous été membre d’un autre parti avant votre adhésion au PC – Depuis quand, pendant combien de temps ? […] ; 26° Avez-vous fait partie de la franc-maçonnerie ou de la Ligue des Droits de l’Homme51 ». Bien des éléments ne transparaissent pas toujours, les réponses se contentant de mentionner des structures de type parti politique. Le vaste champ du para-politique (associations, lectures, affinités diverses) s’en trouve fortement réduit. De plus, afin de lire au mieux cet engagement ante communiste, il faut évoquer les engagements, multiples et cumulatifs. Ainsi une catégorie peut parfois en masquer une autre. Si René Bailly, par exemple, apparaît dans notre tableau sous l’étiquette SFIO, il ne faudrait pas omettre dans son parcours sa participation aux Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR), avec tout ce que cela peut comporter d’hybridation, de syncrétisme entre différentes cultures politiques (libertaire, socialiste, communiste naissante). Nous avons ainsi, comme pour l’engagement familial, construit deux graphiques. Le premier porte sur l’adhésion formelle à une organisation et le second évoque l’intérêt ou l’attrait porté à une mouvance, ne se traduisant pas toujours par l’appartenance à une organisation bien définie. Qu’on nous pardonne d’avoir voulu « harmoniser » certains résultats, la liste détaillée des adhésions se retrouve en annexe52. Reste que le premier enseignement est bien celui-ci : pour la grande majorité des membres de notre corpus, le parti communiste est la première organisation à laquelle elle adhère.
17Trente-cinq militants de notre corpus ont donc un passé à la SFIO. Bien entendu, ce passé peut-être plus ou moins important et marquant. Entre les adhérents de la fin des années 1910 – voire encore plus tardifs comme Roland Boudet ou Léon Feix – et ceux qui connurent les premiers pas du parti socialiste unifié en 1905, les références et l’expérience militantes ne sont pas forcément les mêmes. Mais ils furent tous à plus ou moins grande échelle, marqués par une culture politique commune. Pour les plus « anciens », leurs parcours peuvent être mis en parallèle avec celui de Marcel Cachin, « l’homme de la transition », érigé par le PCF comme symbole de ce « passage de relais » entre socialisme et communisme en France53. La présence relativement élevée dans ce corpus (18.72 % du corpus total) d’anciens membres de la SFIO ne doit cependant pas faire perdre de vue qu’à différentes échelles de l’organisation leur présence se fait plus rare. Ainsi du comité central de 1936 où il ne reste que trois anciens dirigeants54 de la SFIO. On peut également se référer à ces propos, où perce une pointe de nostalgie, du délégué du CC à la conférence de la région des Hautes-Pyrénées : « …j’ai pu constater que sur les 32 délégués à cette conférence, je n’en ai retrouvé aucun de ceux avec lesquels nous avions fondé le Parti en 192155 ».
18Des militants sont également marqués par la culture syndicaliste-révolutionnaire. Celleci est imprégnée par un fort ouvriérisme, le rejet de l’opportunisme, la défiance vis-à-vis de l’État et des partis politiques, une combativité et un volontarisme affichés, l’horizon de la grève générale comme mythe mobilisateur à forte dimension messianique et eschatologique56. Flandrin, Bartolini, Bailly, etc. sont de ces ouvriers qui firent leurs premières armes dans des syndicats marqués par cette culture, comme dans des organisations plus explicitement porteuses du projet syndicaliste-révolutionnaire : Jeunesses syndicalistes pour Louis Molinier, Émile David et Jules Auffret, par exemple. Là également, l’aspect cumulatif des engagements est à observer : si Auffret est proche du syndicalismerévolutionnaire, cela ne l’empêche pas de militer à la SFIO. Quant à Molinier, le pas est vite franchi entre adhésion aux JSR et profession de foi anarchiste. L’anarchisme est sans aucun doute une catégorie peu aisée à appréhender et notre classement ne s’est pas opéré sans schématisme. Pour autant, il semble important de faire apparaître qu’une petite proportion des membres de notre corpus (neuf personnes) a connu, avant l’adhésion au parti, un attrait, plus ou moins marqué, pour les idées libertaires. Cet attrait peut se traduire par l’adhésion à une organisation (Jeunesse libre, par exemple) ou la proximité avec d’autres individus gravitant dans une sociabilité, une culture, proche de l’anarchisme. Les familles « syndicaliste-révolutionnaire » et « libertaire » pouvant entretenir des liens d’ailleurs fort proches… Les premiers pas en politique de Louis Molinier s’établissent ainsi par la lecture et la rencontre avec les milieux syndicalistes d’obédience libertaire57. La lecture quotidienne de l’Humanité achetée par son père se double de celle des brochures fournies par Raymond Sémat, secrétaire de l’Union locale des Syndicats de Béziers. Il devient alors secrétaire de la Jeunesse syndicaliste révolutionnaire de Sérignan, se décrivant comme un militant anarchiste, végétarien et non buveur. En mai 1922, il se souvient avoir « l’honneur et la joie de porter le drapeau (rouge avec une petite bordure noire) de la JSR. J’étais encadré par mes aînés, solides, et qui avaient fait la guerre ; aussi je ne lâchai pas mon emblème58 ». On voit ici une illustration des liens qui s’établissent entre une mouvance syndicalisterévolutionnaire, voire anarcho-syndicaliste et le communisme français naissant, que d’aucuns voient comme « la continuité du pacifisme révolutionnaire de la Belle Époque59 » après le trauma de la Première Guerre mondiale. Ici, Molinier est « encadré » à la fois politiquement et très pratiquement par ses « aînés » (et indirectement son père, ancien combattant60). Portant le drapeau, il est le continuateur direct et symbolique du combat de ses pères marqués par le premier conflit mondial. Venise Gosnat lui-même reconnaît sa proximité avec Pierre Monatte61, ce qui fait d’ailleurs écrire à C. Pennetier qu’au début de son militantisme, « au sein de la Fédération communiste du Cher, Venise Gosnat joua un rôle apparemment modeste, au point que certains militants gardèrent de lui l’image d’un syndicaliste révolutionnaire qui suivait sans enthousiasme l’évolution du Parti communiste62 ». De plus, au-delà des discours et proclamations, la pratique syndicale communiste en France puise largement dans le modèle dit « français », « latin » ou « d’action directe », largement inspiré du syndicalisme-révolutionnaire63. Au-delà du syndicalisme révolutionnaire, les idées anarchistes ont eu leur part dans l’éveil politique des militants. Hubert Ruffe décrit, dans une note manuscrite de 1981, sa prise de conscience politique : « J’ai durement ressenti une jeunesse au plus bas de l’échelle sociale. J’ai été un révolté de l’ordre social, extrêmement sensible aux idées et théories anarchistes. Bakounine, Sébastien Faure étaient mes auteurs préférés64. » Plus d’un militant évoque le souvenir d’un ami, d’un oncle d’inspiration anarchiste et qui éveille à la conscience politique et sociale, qui donne les premières bases de la formation politique.
19D’autres engagements apparaissent de façon plus marginale. On trouve deux mentions d’adhésion à la JLR65, même si l’un de ces adhérents semblait plus attiré par la bibliothèque de la section locale que par la ligne politique de l’organisation. Un seul militant mentionne une appartenance passée à la Ligue des droits de l’homme. Considérée, comme la francmaçonnerie, comme une organisation « bourgeoise », son appartenance est prohibée pour tout communiste66 bien qu’une certaine souplesse se développe progressivement sur ce point67, avant même d’ailleurs la période du Front populaire. Marguerite Buffard peut ainsi écrire dans sa « bio » de 1937 qu’elle appartient à cette organisation68. La Ligue fédéraliste bretonne (LFB69), à laquelle appartient Robert Ballanger avant son adhésion au PCF, évoque cette tentation de l’autonomisme par de jeunes gens orientés à gauche (Ballanger est auparavant à la JLR) mais qui, par l’action antifasciste et au contact des communistes des comités Amsterdam-Pleyel, finiront par s’en détourner70. Enfin, indice d’un parcours de vie extraordinaire pour l’époque, la mention d’une adhésion au Parti socialiste américain. Fernand Arnal, fils de mineur, détenteur d’un CEP, passe deux années dans une école primaire supérieure puis, âgé de dix-sept ans, traverse l’Atlantique et se fait tour à tour berger, barman et mineur. Sur place il est confronté aux luttes sociales, se syndique aux United Mineworkers of America (UMWA, Mineurs unis d’Amérique) et rejoint la fédération de langue française du parti socialiste des États-Unis71.
20Voici résumée une partie des éléments qui forme la matrice politique des individus : orientations idéologiques de la famille ou des proches parents, poids de la guerre, scolarité, adhésions à des mouvances plus ou moins lâches ou au contraire à des organisations structurées, professions… Cette période, d’une durée variable selon les cas, toujours complexe, doit être gardée à l’esprit lorsque l’on se penche sur l’adhésion au parti communiste. Celle-ci ne vient pas de nulle part, elle s’inscrit dans le parcours d’individus. En se gardant de tout mécanisme, qui nous ferait lire ces parcours uniquement dans la perspective d’une adhésion quasi-automatique au parti communiste, on arrive cependant à faire émerger des cohérences ou des ruptures, du moins à esquisser des pistes de l’explication de l’adhésion au communisme.
L’adhésion au parti communiste
21La date d’adhésion au PC et/ou à la JC est connue avec relativement de précision pour 144 militants de notre corpus. Si l’on ne peut définir précisément pour chacun des membres de ce corpus les motifs qui le poussèrent à rejoindre le parti communiste, on peut en revanche distinguer, à partir de ces dates, quelques grandes phases de l’adhésion. Recoupées avec l’orientation de la ligne politique communiste d’alors, et éclairées par les parcours vus plus haut, elles permettent d’approcher quelques éléments d’explication.
Les grandes périodes de l’adhésion
22Sur les 144 dates d’adhésions précises connues, la valeur médiane correspond au début de l’année 1925. C’est-à-dire qu’il y a autant de secrétaires régionaux en poste entre 1934 et 1939 qui ont adhéré avant et après cette date au Parti communiste ou à la Jeunesse communiste.
23Premier fait remarquable : l’année ayant vu le plus de membres de notre corpus adhérer au parti est 1920. Vingt-neuf militants, soit près de 16 % de l’ensemble du corpus et 20,14 % du corpus renseigné, ont rejoint le parti au moment du congrès de Tours. Si l’on ajoute les adhérents regroupés dans la séquence « Fondation » du second tableau, on se retrouve ainsi avec un encadrement régional composé, entre 1934 et 1939 et pour les adhérents dont nous connaissons la date d’adhésion, à 37,5 % d’adhérents des premières années du parti (un peu plus de 26 % d’adhérents de la toute première heure en comptabilisant uniquement les années 1920 et 1921). Cela permet de revenir sur l’idée communément admise du « parti-passoire ». Idée tout à fait valable pour la grande masse des adhérents et reconnue par les dirigeants du parti eux-mêmes (l’expression est utilisée par Pierre Sémard lors du congrès de Lille de 1926), mais qui est ici à relativiser. Ce chiffre permet également de critiquer le congrès de Tours vu comme un simple accident, un malentendu, bref une simple « greffe » pour reprendre la formule d’Annie Kriegel. Nuançons tout de même : il s’agit ici d’étudier des secrétaires régionaux, donc des militants a priori « aguerris », en tout cas pas des militants de la base.
24La deuxième année rassemblant le plus d’adhésions est 1924 : début de la bolchevisation, elle est marquée par l’ouvriérisation des discours, du recrutement, et par l’implantation des cellules d’entreprises. Mais si l’on raisonne en termes de séquence (tableau 2) c’est la période du « classe contre classe » qui arrive seconde dans le recrutement des membres de notre corpus (30,56 % des renseignés). Il s’agit d’une période difficile pour le PCF, qui voit fondre ses effectifs et ses résultats électoraux. Radicalisant discours et actions, le parti voit les prémices de la révolution annoncées par les difficultés puis la crise du système capitaliste. Dès lors, la socialdémocratie, parfois affublée du qualificatif de « social-fasciste », est dénoncée comme ennemi principal de la prise de conscience révolutionnaire des masses. Ce qui n’empêche pas d’anciens membres de la SFIO, partisans de la IIIe Internationale à Tours, de rejoindre à ce moment-là le PC (Marius Jacquemard, par exemple). Là encore, ces chiffres, même conditionnés à l’arbitraire inévitable de séparation par séquence, permettent de revenir sur l’image accolée à la période. Sectaire, fermée, la séquence « classe contre classe » l’est assurément. Pour autant, les militants ayant rejoint le parti dans ces années-là, et ceux qui ont traversé cette période car ayant adhéré antérieurement, représentent l’écrasante majorité du corpus. Même en étudiant les conflits, les oppositions, les résistances dus au tournant de 193472, on ne peut que constater que la plupart des dirigeants locaux de la période du Front populaire furent formés à l’école de ces rudes années. Faut-il y voir un suivisme mécanique à l’égard des consignes du centre, qui accepte sans mot dire toute orientation dès qu’elle provient du « sommet » ? Ou alors peut-on considérer que les années de fermeture et de radicalité parfois « hors-sol » n’ont pas été que cela ? Que se sont développées, avec ou parfois contre les orientations générales, des façons de faire et d’être communiste qui, si elles ne furent pas toujours en plein accord avec celui-ci, permirent ou du moins n’empêchèrent pas la réalisation du changement stratégique de l’été 1934 ? La suite de notre étude tente d’apporter des éléments de réponses.
25Enfin, nous avons fait le choix de faire démarrer la séquence « Front populaire » en 1934. Bien que ce choix puisse se discuter, il est indéniable que les militants (11,81 % du corpus des renseignés) qui rejoignent le PC lors de cette séquence le font non par découverte soudaine de l’organisation, mais par un lent mûrissement accéléré par l’actualité et l’évolution de la ligne du parti, où l’antifascisme joue un rôle central73. Pour Philippe Button :
La sensibilité de ces communistes du Front populaire est fort différente de celle de la génération précédente et se trouve placée sous le signe de la mixité : mixité nationale – les drapeaux rouge, soviétique et tricolore doivent fraternellement mêlér leurs plis – et mixité politique : le discours immédiat est réaliste mais les canons de l’idéal sont soigneusement préservés et affichés74.
26Huit proviennent d’une famille politisée à gauche (du radicalisme aux sympathisants communistes), soit une proportion qui est à peu près celle de l’ensemble du corpus. En revanche aucun n’est enfant de communiste. De plus, leur niveau de scolarité paraît plus élevé que la moyenne : sur treize militants dont le niveau scolaire est connu, si les « primaires » dominent, cinq dépassent le primaire, soit 38.46 % (sur 14.97 % pour l’ensemble du corpus) et parmi eux, deux suivent des études supérieures. En revanche, leurs professions75 les éloignent du profil-type de l’adhérent communiste de la génération Front populaire, jeune ouvrier de la métallurgie. Un seul parmi eux correspond à ce profil : Roger Bastion, futur secrétaire régional du Calvados. Mais cette tendance est celle qui se révèle dans l’étude de la composition des comités régionaux : accroissement du poids des classes moyennes, avec une « réapparition notable, en grand nombre, des instituteurs76 ». Certains sont des sympathisants de longue date, comme Jean Perfettini, qui avait même brièvement pris sa carte en 1929.
27Ces données se fondent sur la date de la première adhésion au parti ou aux JC. Il existe en effet un très petit nombre de membres du corpus (sept), qui, après une première adhésion, interrompt le militantisme et ne ré-adhère que quelque temps plus tard. Le questionnaire biographique s’intéresse à ce processus de manière assez détaillée : « 35° Y-a-t-il eu des interruptions dans votre activité de militant dans le parti ; en quelle année, pendant combien de temps, pour quelles raisons ? Lieu de séjour et genre de travail pendant cette interruption ? » L’interruption n’a pas toujours lieu pour des raisons politiques évidentes. Elle peut être liée à l’isolement du militant, à un déménagement, à une rupture dans le rythme de vie. C’est le cas pour Yves Angeletti, adhérent de 1927, qui reprend sa carte en 1933, après une interruption lors de son service militaire : « je ne vois aucune raison sérieuse à cette interruption, sinon une négligence de ma part et de la part des organisations dont je faisais parti [sic]77 ». On peut aussi émettre l’hypothèse qu’un certain nombre d’appelés sous les drapeaux préfère se préserver lors d’une période où le militantisme s’avère particulièrement délicat et risqué, et où l’incitation au travail « anti » mène bon nombre de communistes à connaître la répression… Antoine Émorine, de Saôneet-Loire, adhère quant à lui en 1925, guidé par un cousin sympathisant, alors qu’il se trouve en région parisienne. Mais trois ans plus tard il arrête son militantisme au PC, pour ne reprendre sa carte qu’en 1934. Il justifie ainsi son interruption :
Mon service militaire terminé étant peu éduqué politiquement et même autrement aussi je n’ai pas compris que mon devoir était de retourner au parti de mes aspirations. Donc de 1928 à 1934, travaillant aux Ateliers des Mines de Blanzy j’ai été en dehors du parti. Je suivais malgré tout ses mots d’ordre et je défendais tant bien que mal sa position dans les discussions que j’avais avec mes camarades. Je tiens à ajouter qu’aux Ateliers des Mines de Blanzy, où il n’y avait jamais eu d’ouvriers syndiqués avant 1936, et où il y en a maintenant plus de 73 % d’organisés au syndicat des Mineurs, il existait une répression vis-à-vis de ceux qui étaient soupçonnés d’être des militants communistes. Je pense aussi que ma jeunesse a été pour beaucoup dans mon éloignement du parti car je n’avais qu’un but, m’amuser et j’oubliais donc hélas mon devoir de classe78.
28Cet assez long développement donne un bon exemple de différents procédés utilisés par un militant devant se justifier dans les conditions de l’exercice biographique. Le passage par le service militaire et le manque d’éducation, comprise ici au sens politique comme générale, sont d’abord invoqués pour expliquer le manquement au « devoir », terme qui sera utilisé deux fois au cours du développement. Ensuite, Émorine veut donner l’assurance que, même non-encarté, il a toujours continué à défendre les positions du parti, manière d’atténuer l’importance de l’interruption. Mais c’est surtout le passage sur la répression qui marque : l’isolement du militant (aucun ouvrier ne serait-ce que syndiqué, aux Ateliers des mines de Blanzy) et sa crainte de la répression patronale donnent de nouveaux éléments d’explication. Mais dans le même mouvement, l’explosion des effectifs syndicaux de 1936 permet de mettre en avant Émorine et son travail d’organisateur syndical. Enfin, une mention d’une jeunesse cherchant à s’amuser vient clore la liste des justifications mêlées d’autocritique. Et c’est ce dernier point qui retint le plus l’attention de la commission des cadres, au point que la plume du vérificateur se demandait sur la fiche synthèse accompagnant la bio du militant de Saône-et-Loire si celui-ci « aime toujours rire79 ? ». Émorine reconnaît que sa ré-adhésion fut déclenchée par « le coup de force fasciste du 6 février [1934]. Cette journée dans laquelle le fascisme pensait nous ravir nos libertés démocratiques m’a ouvert les yeux. » Si le vocabulaire et la lecture de l’épisode sont certes convenus, ils nous rappellent tout de même l’importance de l’événement qui enclenche le début d’un vaste processus d’adhésions ou de ré-adhésions au PC. Seul Raymond Sémat évoque une rupture à caractère politique : « J’ai quitté le PC après avoir travaillé à sa création au congrès de Marseille, écœuré de la salade Piock-Frossard80. » Se déclarant alors « ouvriériste », sans doute faut-il y voir une déception liée à ses engagements syndicalistes-révolutionnaires. Il ré-adhère en 1925, à la faveur de la grève contre la guerre au Maroc81, « reconnaissant que ma place était au PC que je n’aurais jamais dû quitter ». Les autres interruptions sont dues à des sanctions : exclusions temporaires, mises à l’écart… Ces sanctions, vécues par des militants rapidement réintégrés, sont donc loin de constituer un handicap dans la carrière en période d’ouverture. Si ces parcours sont exceptionnels dans le cadre de cette étude se focalisant sur les cadres régionaux, où l’adhérence est la norme, ils sont là pour nous rappeler les itinéraires parfois sinueux, marqués par des ruptures plus ou moins nettes, tantôt discrètes tantôt revendiquées, qui font aussi la vie des militants.
Le passage par la Jeunesse communiste
29La Jeunesse communiste est une structure qui reste encore en partie méconnue, même si de récents travaux ont contribué à en éclairer l’histoire82. C’est une dimension assez peu relevée, mais même lorsqu’il y a passage formel par la JC, celui-ci n’est pas toujours considéré par le militant comme bien distinct de l’adhésion au parti. La frontière entre les deux structures peut être des plus minces, ne serait-ce que pour des raisons d’effectifs faibles, les structures de base des deux entités s’interpénètrent, que cela soit au moment de l’adhésion même ou au cours de la carrière militante. Ainsi on a pu établir que trente-quatre membres de notre corpus étaient passés par la JC (soit 18,18 %). Parmi eux, sept adhèrent d’un même mouvement aux deux organisations. C’est le cas de Marcel Barbot qui se conçoit sans contradiction aucune « membre des JC en même temps que du parti83 ». Ainsi, délégué par la Jeunesse au bureau du rayon du PC de Saint-Étienne, André Moine estime que dès lors, « la distinction entre le Parti et la JC devient formelle84 ». Si Sylvain Boulouque a raison de constater que les mémoires de militants évoquent le passage par la JC « au détour, comme un instant fugace85 », c’est aussi en partie du fait de cette porosité entre les deux structures, qui brouille les reconstitutions postérieures. D’autant plus qu’intervient ici l’âge théorique auquel passer d’une structure à une autre : 25 ans, 30 ans après 193486. Or, un militant détenant des responsabilités à la JC peut adhérer au parti avant même ses 18 ans ; un âge où il n’est pas majeur, ne peut voter… Le PC ici bouscule les interdits législatifs et permet la « montée » dans l’appareil de militants (très) jeunes. Parfois ce peut être le service militaire qui sert de point de bascule. « Test de virilité », passage au statut « d’homme », selon les mentalités et les conventions de l’époque, il n’est pas systématique, mais certains militants évoquent ce rite de passage comme celui permettant la transition de l’organisation juvénile au parti. C’est ainsi le cas de Marcel Messeau, d’Alain Le Signor ou encore de Jean Lagarde. Henri Chaze écrit dans ses mémoires :
C’est dans cette période [1934-1935] qu’avec Marcel Peytier nous avons demandé au camarade responsable de la cellule du Parti de nous donner notre carte. À son avis nous étions trop jeunes et il valait mieux faire notre service militaire ! Il n’y eut pas moyen de le convaincre87.
30En revanche des contre-exemples existent, comme celui de René Camphin qui rejoint le parti avant de faire son service, pour montrer que cette étape n’est pas automatique.
31Pour certains le passage par la Jeunesse communiste fut un moment important dans la carrière militante. François Billoux est nommé à son secrétariat en 1931, Waldeck Rochet la même année, à son comité central. Roger Roby est également membre du secrétariat des JC en 1932. Tous les militants ne gardent pas de leur passage par la JC cette image « d’école du communisme ». Ainsi, un décentrement du regard permet de nuancer l’image globale de la structure juvénile. Jean Lagarde, pour justifier une baisse d’activité militante avant son départ au régiment, estime que les dirigeants régionaux de la JC, dont il était secrétaire d’une cellule dans le Cher, se contentaient de l’envoi de lettres lors de souscriptions, sans s’intéresser aux luttes et au recrutement des jeunes ruraux, notamment des ouvriers agricoles et domestiques de ferme, et qualifient de « promenades » les congrès régionaux de l’organisation88.
32Après cet aperçu sur les grandes phases de l’adhésion au parti, il s’agit de se pencher sur la formation politique, « l’éducation » pour reprendre le vocabulaire communiste d’alors, des membres de notre corpus. Par quel biais se met-elle en place ? Quel est son contenu ? Tous les membres de notre corpus n’abordent pas ces questions de la même manière.
La formation politique communiste
33La formation des militants a occupé une place centrale dans la vie du parti communiste. S’il parvient à contrecarrer le « cens caché », cette « illégitimation culturelle et sociale dont font l’objet les agents sociaux appartenant aux classes populaires89 », c’est en partie grâce à une attention portée sur l’acquisition par ses membres d’un certain nombre de connaissances et de compétences propres à les rendre aptes à batailler dans l’arène politique. Non sans contradiction, puisque ceuxci durent souvent naviguer dans une tension permanente entre la disqualification des intellectuels (au bénéfice du groupe ouvrier) et la promotion de normes de formation intellectuelle. Les écoles du parti « conduisent à promouvoir un type de militant certes ouvrier, mais aussi “bon élève”90 ». Mais cette formation ne passe pas seulement par ces écoles : elle mobilise le militant lui-même, chargé de s’« auto-former », entre initiative et encadrement par le parti. Ce sont ces différentes facettes de la formation des militants que nous étudions ici, à commencer par la question de l’auto-formation.
Une formation essentiellement autodidacte ?
34La question de l’auto-formation des militants pose la question de l’articulation entre l’individu et la part qui revient au parti dans la fabrication de ses cadres. Dès les années 1920, le PCF insiste sur l’auto-formation de ses militants. Dans leur écrasante majorité (119 sur 187, soit près de 64 %), les militants de notre corpus se forment de manière autodidacte, dans le sens où leur formation politique ne leur est pas transmise par des professeurs à travers des écoles du parti. Encore pourrait-on interroger le terme « autodidacte ». En effet, si l’on considère comme tel une « personne qui s’est instruite par elle-même, sans maître91 », ne peut-on considérer le parti comme un « maître » collectif ? N’est-ce pas l’institution qui fournit au militant le matériel sur lequel celui-ci s’appuie, ainsi que l’impulsion, voire l’injonction, à se former ? Et les réunions, les discussions, l’acte militant dans toute sa diversité, ne sontils pas des étapes de la formation où l’individu se retrouve de fait dans un cadre collectif ? Dit en d’autres termes :
Le PC est la seule université populaire ayant une existence durable : ce n’est pas seulement la formation dispensée dans ses écoles qui influence ses militants, mais c’est le parti en tant que tel qui modèle ses membres. Le PC est un « savant collectif » qui créé les conditions de la promotion, elle aussi collective, de ses adhérents92.
35Néanmoins il s’agit bien ici de focaliser le regard sur la formation autre que celle dispensée par l’action quotidienne.
36La question d’une auto-formation devient particulièrement importante avec l’explosion des effectifs sous le Front populaire. Si le développement des écoles, surtout locales, est à l’ordre du jour, elles ne peuvent accueillir tous les militants. Il faut donc que ceux-ci, plus que jamais, s’instruisent de leur propre initiative. Cette auto-formation passe donc essentiellement par la lecture93. Comme l’écrit J. Vigreux :
Le livre tient à cet égard une place particulière ; à la fois comme support de la ligne politique, mais aussi comme outil de formation des militants qui n’ont pas eu la chance de faire des études. Le parti est en ce sens une école, un centre de formation qui offre un autre regard, celui de l’émancipation face à une culture bourgeoise94.
37Sous ses diverses formes, le livre doit contribuer au savoir émancipateur, à la constitution d’une culture communiste, tout en s’opposant à la figure du « sachant » déconnecté du terrain de la lutte de classes. L’étude des questionnaires biographiques apporte des éclairages sur le type de lectures des membres du corpus. Le militant doit ainsi répondre à « quelle est l’instruction politique que vous avez reçue, vous êtes-vous instruit vous-même en lisant des livres pendant combien d’années et dans quels domaines ? ». Ces questions sont complétées par une autre portant sur la lecture des classiques du marxisme-léninisme. À la question « Qu’avez-vous lu de Marx, Engels et Lénine et dans quelle mesure avez-vous étudié ces ouvrages ? » on ajoute Staline à partir de 1937. Les ouvrages de ce dernier semblent d’ailleurs revenir tout particulièrement dans les « bios » étudiées, Le Léninisme théorique et pratique ou Les questions du léninisme. S. Wolikow écrit à propos de cet ouvrage :
Il s’agit d’une compilation de textes destinés originellement aux cadres du Parti mais qui s’adressent à tous les membres de l’organisation. Sur ce point, le style, comme le vocabulaire, présente des particularités qui permettent au lecteur de s’identifier au secrétaire général dont la modestie affichée indique qu’il n’a pas de compétences particulières mais qu’il peut, grâce à la culture du Parti, avoir des réponses et des avis sur toutes les questions. La forme pédagogique du propos est permanente […]95.
38D’autres titres apparaissent. Parmi eux, on retrouve régulièrement cité l’ABC du communisme. Ouvrage de Nikolaï Boukharine, édité par le PCF depuis les années 1920, il est présenté comme le manuel par excellence :
l’ABC est le livre de lecture type, le manuel de vulgarisation qu’il faut toujours avoir sous la main parce qu’il contient des réponses intelligibles à toutes les questions que se posent les prolétaires attentifs qui entrent dans nos rangs et dont nous avons à faire l’instruction96.
39Mais ce sont surtout les brochures qui tiennent le haut du pavé. Elles sont mentionnées par la plupart des militants, notamment ceux pour qui l’exercice de la lecture est le plus difficile et portent tant sur des questions idéologiques que d’actualité. Ceci est à mettre en lien avec la politique éditoriale du parti : « les communistes français publient d’abord de la littérature d’agitation, des œuvres politiques simplifiées ou des discours. Le poids des brochures, qui représentent 69 % de la production, le prouve97 ».
40Bien entendu des difficultés apparaissent, et bien des « biotés » tentent d’expliquer ou de justifier leur peu d’appétence pour la lecture. « Je suis paresseux98 », déclare ainsi B. Ramier, tandis qu’Émile Drouillas, André Parreaux ou encore Jean Perfettini insistent sur le manque de temps qu’ils peuvent consacrer à la lecture… du fait de leurs activités militantes99. Yves Flouriot écrit en 1937 : « par suite de multiples tâches politiques qui m’accaparent littéralement, je n’ai pas le temps de lire, sauf l’Huma et l’Ouest-Eclair par nécessité d’informations100 ». Marcel Bonin, quant à lui, développe l’idée suivante : « J’aime surtout le travail de propagande terre à terre, parmi les travailleurs de nos campagnes, à qui il ne faut pas trop en conter et qui aiment les choses simples de la vie courante101. » Toute la difficulté de la formation consiste ainsi à contrôler en permanence la tension entre l’exercice intellectuel et le fait de ne pas devenir un intellectuel. À l’inverse, des militants comme G. Auguet ou E. Ginestet développent assez longuement leurs réponses. Pour ce dernier il s’agit d’exposer une évolution dans ses lectures, qui commencent par les « brochures et les tracts » des partisans de l’adhésion à la IIIe Internationale jusqu’aux « classiques » du marxismeléninisme, notamment durant un séjour en prison102. Il dévoile ainsi une forme de cursus honorum communiste à vocation exemplaire. Pour Joseph Navoizat, la lecture est même une « seconde nourriture103 », qui satisfait l’appétit d’un militant rappelant l’insistance de son directeur d’école souhaitant lui faire poursuivre ses études, poursuite empêchée par le besoin d’un salaire en plus à la maison. Une formule qui n’est pas sans rappeler les témoignages d’autres autodidactes104.
41La lecture de la presse du PCF fait bien évidemment partie des indispensables. L’Humanité tient un rôle essentiel dans la vie du militant et figure en première position parmi les lectures prioritaires. Un très grand nombre de « biotés » affirment que c’est la lecture du quotidien qui les a conduits à intégrer le parti ou la JC, à l’instar d’un Marcel Messeau qui affirme le lire « depuis l’âge de 12 ans105 ». C’est le résultat d’un double mouvement lié à l’école obligatoire et au développement important de la presse, en particulier de la presse quotidienne régionale. Mais les militants reconnaissent lire assez peu les Cahiers du bolchevisme ou les titres de l’IC (l’Internationale communiste ou la Correspondance internationale). En revanche la presse socialiste apparaît régulièrement, marquant ainsi l’intérêt pour le discours de la « vieille maison » et des partenaires du Front populaire, même si cette presse est spécifiquement désignée dans les questions du schéma biographique. Grand lecteur, Yves Angeletti fait apparaître dans son autobiographie d’autres titres de presse qu’il dit lire régulièrement : Commune106, Vendredi107, le Canard enchaîné, Europe108, la Nouvelle revue française… Si son parcours d’agrégé de mathématiques doit être évidemment considéré comme exceptionnel et non représentatif de l’ensemble du corpus, il renseigne en revanche sur les lectures revendiquées d’un intellectuel communiste.
42La bibliothèque, comme lieu emblématique de la lecture, jalonne l’histoire du mouvement ouvrier. Certains militants sont très fiers de pouvoir constituer, hors de celle de la cellule ou du rayon/section, de petites bibliothèques. C’est le cas de Joseph Navoizat, qui peine à répondre à la question sur ses lectures car « il me faudrait reproduire les titres des volumes que je possède dans ma petite bibliothèque109 ». La liste des ouvrages contenus dans la bibliothèque de Philomen Mioch nous donne un aperçu de ce type de collection110. Près de 81 livres ou brochures parus avant 1939 peuvent ainsi être recensés. Cela ne veut pas dire que l’intégralité de ces ouvrages était possédée par Mioch avant 1939, mais cela donne un bon ordre d’idées. Ce sont les auteurs étrangers et les « classiques » du marxisme-léninisme qui dominent l’ensemble. Lénine arrive en tête (11 titres) suivi par Staline (7). Viennent ensuite Marx et Engels (respectivement 5 et 3 titres) et enfin Boukharine (3). Chez les Français, en dehors des brochures du Parti, ce sont Jaurès et Alexandre Zévaès qui, avec 2 titres chacun, se détachent de peu parmi les autres.
43Les lectures des membres du corpus semblent donc formées principalement d’ouvrages de types « classiques » de Marx, Engels, Lénine, Staline, édités bien avant le « tournant » antifasciste, et de brochures d’actualité ou à vocation de manuels.
La lecture est protéiforme. Elle peut être classique, populaire, militante, selon celui qui parle et l’identité de son interlocuteur. Trait commun à ces trois discours, le modèle scolaire domine : il n’y a pas de lecture sans guide ni contrôle111.
44En effet, la volonté du centre est de guider perpétuellement le militant dans ses lectures. Mais la nature même du questionnaire biographique ne permet guère de saisir la potentielle diversité des ouvrages réellement lus, quand bien même des militants se livreraient davantage que d’autres sur ce point. « J’ai lu sans ordre, sans plan », « un peu de tout », regrettent ainsi bon nombre de militants dans leurs « bios », ayant intériorisé (ou le laissant supposer au lecteur) que cette absence de méthodologie n’est pas validée par l’organisation. Si le parti communiste conserve sa méfiance à l’égard de « l’instituteur » et de la figure du « pédagogue », c’est pour y substituer un modèle de formation proche du modèle scolaire républicain français, malgré un intérêt apporté aux pédagogies alternatives. Mais les dirigeants communistes ont bien conscience que le travail autodidacte, les « écoles de la nuit » pour reprendre l’expression de Benoît Frachon, constituent la pièce décisive du processus de formation.
Les écoles du parti
Le boulot ne va pas tout seul et puis on a la tête un peu dure, ça change d’avec le travail manuel112.
45À partir de 1924 et la période de bolchevisation, le PCF met en place un système d’éducation de ses membres qui se veut en rupture avec l’héritage de la SFIO, s’appuyant sur la mise en avant de militants d’origine ouvrière aux dépens des cadres traditionnellement intellectuels113. Assurant une fonction de sélection, d’évaluation et le cas échéant de promotion des cadres, leur rôle n’est pas de rattraper un parcours scolaire parfois abîmé, mais de donner au militant les outils de son auto-formation et les codes du « savoir-être » communiste114.
46Le premier niveau de formation dispensé est celui des écoles élémentaires :
[Elles] sont destinées à des militants de cellules de base, prioritairement ouvriers, qui sont non seulement généralement démunis des capitaux sociaux et culturels permettant l’accès aux compétences et à la légitimité politique dominantes mais également peu susceptibles de maîtriser les savoir-faire et les schèmes idéologiques légitimes au sein du PCF115.
47Elles se déclinent sous trois formes : les cours pour sympathisants et nouveaux adhérents (les plus nombreux et les plus courts), les écoles pour militants plus expérimentés, par exemple l’école de rayon, et enfin les écoles régionales, « permanentes », c’est-à-dire à plein temps pendant plusieurs jours116. Cette distinction est visible surtout au moment de la stabilisation de ce type d’écoles au moment de la période du Front populaire. Car en dehors des écoles centrales « toutes sortes d’initiatives éducatives sont prises sans que leur structure, leur durée, leur recrutement soient assurés et fixés117 ». Dès lors, les sources s’avèrent peu nombreuses118, parfois contradictoires, pour désigner le type précis de formation suivi par le militant. Concernant les écoles régionales ou de rayons, nous possédons en revanche plus d’éléments. Peu de cours généraux ici, selon Yasmine Siblot119. Il faut relativiser cette observation, à en juger, par exemple, sur le contenu des cours de certaines écoles régionales comme celle tenue sur douze jours dans la région Paris-Nord : les questions d’organisation et d’actualité ne concernent ici que deux séances sur six120. On retrouve les ouvrages de Boukharine et Staline comme piliers de la formation théorique. La plupart des cours portent sur les questions d’organisation, le mode de fonctionnement et la vie du parti. Le travail de Y. Siblot sur les brochures destinées à ces écoles montre également que la période du Front populaire marque une « nationalisation » des enseignements, notamment des cours d’histoire, qui accorde à la France et à la Révolution une place de plus en plus importante. Or, si nationalisation il y a, on relève également un phénomène de « localisation ». Le programme des cours de l’école inter-régionale du Rhône est sur ce point tout à fait éclairant121. Il constitue un vaste exposé sur l’histoire, la géographie, la situation économique et les rapports de forces politiques de la région lyonnaise. La partie historique est ainsi consacrée à la « lutte pour son indépendance » du « peuple lyonnais », à travers « plus de 20 insurrections, révoltes ou émeutes ». Mise en place début 1938, cette école est à l’image de l’orientation donnée au congrès d’Arles, mettant le local et les « provinces » à l’honneur122. Il faut ajouter à cet aspect théorique un autre, pratique, tout aussi important : rédaction de tracts, d’articles, prises de parole, etc. Ces écoles permettent à nombre de militants d’acquérir des bases indispensables à la poursuite d’une « carrière » dans l’organisation. Vingt-deux militants de notre corpus ont pu être identifiés comme ayant participé à ce niveau de formation (voir tableau suivant). Un chiffre peu élevé, qui correspond à la fréquentation peu importante de ce type d’école, régulièrement déplorée par les rapports internes.
Membres du corpus passés par les écoles élémentaires du parti.
Nom | Prénom | Année | Remarques |
BALMIGÈRE | Paul | 1936 | interrégionale |
BILLAT | Paul | 1926 | école JC (8 jours) |
BOURDARIAS | Antoine | ? | « école marxiste » |
CHASSAING | Henri | 1931 | |
CHAZE | Henri | 1932 | cours par correspondance |
CITERNE | Gabriel | ? | cours de Charles Rappoport |
DECAUX | Jules | 1928 | école régionale |
DESRUMEAUX | Martha | 1924 | école de rayon |
DÉZIRÉ | Georges | 1933 | |
HUBERT | Charles | ? | école de rayon |
LAMPE | Maurice | 1932 | école régionale |
LEROY | René | ? | école de section puis régionale |
MIOCH | Philomen | 1925 | école régionale |
MOINE | André | 1926 | |
QUINET | Cyprien | 1930 | école régionale |
RAMETTE | Arthur | 1925 | « école léniniste de Tourcoing » |
ROCA | Edmond | 1930 | école régionale |
ROCHET | Waldeck | 1930 | école régionale |
ROUCAUTE | Gabriel | 1929 et 1930 | école JC puis du parti |
SOUPÉ | Fernand | 1930 | école régionale |
SOUTAN | Julien | ?, ? et 1932 | école de rayon, puis « d'agitateurs », puis régionale |
UNI | René | 1930 | école régionale |
Tableau DM.
48La plupart a donc fréquenté ces écoles avant le tournant de 1934, à l’exception notable de Paul Balmigère, pourtant adhérent depuis 1927. Cinq ont un passé à la SFIO (parmi eux trois suivent la majorité communiste à Tours). La grande majorité détient un niveau scolaire primaire élémentaire : seize militants sur dix-neuf dont le niveau est connu. Parmi eux onze sont titulaires du CEP, un taux supérieur de près de 18 points à la moyenne de l’ensemble du corpus. Dans leur majorité ces militants sont donc pourvus d’un assez bon bagage scolaire élémentaire, ce qui correspond aux volontés des organisateurs de ces cours, qui souhaitent que les élèves disposent d’une base assez solide. Il faut tout de même signaler la présence de Martha Desrumeaux, qui, à l’opposé, ne fréquente quasiment pas l’école. Ce sont dans leur majorité des ouvriers de l’industrie privée (voir tableau suivant).
49Ce tableau, malgré d’inévitables raccourcis, donne une image assez proche du vécu des militants : seuls deux parmi eux sont déjà permanents, ou en passe de le devenir, lorsqu’ils accèdent à leur première école élémentaire. La priorité est donc donnée aux élèves ouvriers ou salariés du secteur agricole.
50André Moine se souvient de son école en région lyonnaise :
Au début de 1926, je participe à une « École de huit jours » qui se tient à Lyon dans une semiclandestinité. Elle est dirigée par un militant soviétique, Pierre, qui sera tué au siège de Léningrad. Le séjour dans cette école est dur car nous ne sortons que le soir d’une toute petite maison. Mais c’est enthousiasmant […]123.
51Selon les périodes où elles se déroulent, plus ou moins marquées par l’orientation radicale de la ligne et par la répression, ces écoles se tiennent en effet dans des conditions proches de la clandestinité. Et l’on ne peut qu’imaginer l’effet produit sur de jeunes militants, surtout en présence d’un camarade d’URSS ! En août 1925, Philomen Mioch participe à « l’école léniniste » régionale du Martinet (Gard) dirigée par André Ferrat. « Cet événement eut dans sa vie une importance considérable et développa chez lui le désir de se cultiver124. » Y. Siblot évoque « l’enchantement125 » d’Henri Chassaing, qui, contraint d’interrompre ses études après l’obtention de son CEP, transpose dans son engagement politique des aspirations intellectuelles qui le précédaient. La première école suivie par Waldeck Rochet est l’école interrégionale d’Oyonnax, dont il suit les cours du 29 juin au 13 juillet 1930. Selon son biographe :
Cette école a pour but de former des militants disciplinés, de véritables militants professionnels. Au programme théorique s’ajoutent des cours historiques et politiques, aussi bien dans les écoles régionales, nationales qu’internationales, avec une place de choix pour la patrie modèle des prolétaires, l’URSS. Une série de cours pratiques présentent les questions d’organisation qui reposent essentiellement sur le travail d’agit-prop, le travail syndical, et les différentes formes d’application du front unique. Les élèves doivent aussi effectuer des travaux pratiques126.
52Si toutes les écoles régionales n’avaient pas forcément vocation à former des militants professionnels, elles étaient considérées comme détectrices et formatrices de cadres.
53Étape supérieure, les écoles centrales sont consacrées à l’instruction des cadres du parti. Étienne Fajon, ancien secrétaire régional du Languedoc, ancien instituteur et élève d’une école de ce type en 1933, devient responsable des écoles centrales à partir du printemps 1935. Il succède à Victor Fay, lui-même à la tête d’un système mis en place par le kominternien Alfred Kurella au moment de la bolchevisation127. Une école centrale d’un mois à Bezons est organisée, puis en 1936, une première école centrale de six mois à Arcueil. En tout, trois écoles de ce type (six mois) eurent lieu avant la guerre128. Elles « deviendront un passage plus ou moins obligé auquel n’échappent que ceux que leur capital scolaire dispense de ce moment d’appropriation des bases idéologiques et théoriques de la doctrine du PC129 ». Son contenu, en direction de militants déjà responsables à divers niveaux de l’organisation, s’avère évidemment plus dense que les écoles élémentaires (voir illustration suivante)130. La structure des cours semble peu évoluer entre le début et la fin des années 1930 : économie politique, histoire, organisation du parti ; à une exception notable : l’ajout d’une importante section « culture générale » à l’école centrale de 6 mois de 1937, qui comprend une sous-section d’« enseignement élémentaire » avec leçons de français, de mathématiques et de géographie. Cet ajout s’explique par le faible niveau scolaire des élèves. Si les écoles du parti n’ont pas vocation à remplacer le système scolaire, les responsables s’adaptent aux réalités du vécu des militants. Ces ajouts s’accompagnent de visites dirigées des grands sites culturels parisiens. Le patrimoine, réinvesti par les communistes, est ainsi mis en avant131. Les lectures obligatoires pour une école centrale en 1936 concernent largement l’actualité et l’orientation de Front populaire. Seuls sept ouvrages sur vingt-deux listés font partie des incontournables du marxisme-léninisme. Le reste est constitué essentiellement de brochures reprenant divers rapports et discours de congrès de dirigeants nationaux ou internationaux132.
54Ces écoles centrales constituent « un lieu de renforcement du “lien d’appartenance” au parti, comportant des modes de socialisation qui excèdent largement l’enseignement lui-même133 ». On peut penser aux visites et discussions avec les membres du cercle dirigeant (Thorez, Duclos…), ou les sorties visant à faire participer les élèves à la vie des structures du parti de la région parisienne qui les « parrainent ».
55Quarante et un membres du corpus sont passés par au moins une école centrale, sur une période comprise entre 1924 et 1938134 (voir tableau suivant). Ce chiffre tient également compte des écoles centrales de la JC, des écoles centrales paysannes, ainsi que des écoles de propagandiste. Vingt-sept étudient après 1934, quatorze avant. C’est donc près de 22 % des secrétaires régionaux en poste entre 1934 et 1939 qui passèrent par au moins une école centrale du parti. Première constatation sous la forme d’une apparente évidence : le passage par ces écoles n’est en rien obligatoire pour l’accès aux plus hautes responsabilités régionales. Le niveau théorique n’est pas essentiel pour être sélectionné à l’école ; Clément Lavergne est l’exemple d’un militant qui dit n’avoir « rien lu135 » mais qui, parce qu’il doit « monter » à la direction du Cantal, suit une école centrale.
Membres du corpus passés par les écoles centrales du parti communiste.
Nom | Prénom | Année | Remarque |
COURTADE | Henri | 1924 | |
DROUILLAS | Émile | 1924 | école JC |
GATIGNON | Louis | 1924 | école JC |
NAVOIZAT | Joseph | 1925 | |
RAMETTE | Arthur | 1925 | |
THIÉBAULT | Henri | 1925 | |
MEUNIER | Raymond | 1926 | école propagandiste |
DECAUX | Jules | 1929 | école propagandiste « anti » |
MIOCH | Philomen | 1932 | |
RUFFE | Hubert | 1932 | |
CARESMEL | André | 1933 | |
CHASSAING | Henri | 1933 | |
FAJON | Étienne | 1933 | |
MAERTENS | Paul | 1933 | |
BENIELLI | Nonce | 1935 | |
FLAVIEN | Jean | 1935 | école paysanne |
GUYOT | Marcel | 1935 | |
PELAT | Georges | 1935 | |
LAGARDE | Jean | 1935 et 1937 | école paysanne puis centrale |
MARZIN | Francis / Pierre | 1935 et 1937 | école paysanne puis centrale |
BALUSSOU | Léon | 1936 | |
BONIN | Marcel | 1936 | école propagandiste |
CAMPHIN | René | 1936 et 1937 | |
DÉZIRÉ | Georges | 1936 et 1937 | |
FLORAS | René | 1936 et 1937 | |
PÉDURAND | Roger | 1936 ou 1937 | |
BALMIGÈRE | Paul | 1936 et 1937 | école paysanne puis centrale |
CADRAS | Félix | 1937 | |
DOMENECH | Marc | 1937 | |
GANDON | Gaston | 1937 | |
JAUFFRET | Émilien | 1937 | |
LALLEMAND | Louis | 1937 | |
LECOEUR | Auguste | 1937 | |
MICHEL | Maurice | 1937 | |
PÉRILHOU | Guy | 1937 | |
ROQUE | Léopold | 1937 | |
SEILLON | Henri | 1937 | interruption en 1936 |
TURREL | Henri | 1937 | |
ÉMORINE | Antoine | 1938 | |
ENTZMANN | Paul | 1938 | |
LAVERGNE | Clément | 1938 |
Tableau DM.
56Parmi ce groupe de militants, on trouve seize permanents. Il est d’ailleurs remarquable de constater que neuf d’entre eux le deviennent peu avant ou à l’issue de leur passage par l’école. Il faut également ajouter sept autres militants qui deviennent « fonctionnaires du parti » quelques mois après leur formation. Si le statut de permanent n’est ni une condition ni un débouché automatique du passage par les écoles centrales, la forte proportion de militants « appointés » (surtout pendant et après leur passage), indique tout de même une tendance à la professionnalisation à ce stade de la formation.
57Plus spécifique, quatre militants de notre corpus suivent les cours de l’École centrale paysanne : Jean Flavien, Jean Lagarde, Francis/Pierre Marzin font partie de la promotion de 1935 et Paul Balmigère de celle de 1936136. Cette école fut mise en place en 1935, sous l’impulsion de Waldeck Rochet, devenu un an auparavant responsable de la section paysanne du parti137. D’une durée de deux semaines, ces écoles mêlent théorie politique, histoire et questions d’organisation et d’actualité, reliées aux problématiques touchant le monde paysan138. Là encore une série de travaux pratiques est réalisée : rédaction de tracts, d’affiches, d’articles, mais également d’une lettre d’un rayon communiste à une section socialiste, préparation d’un discours et d’un rapport139. Tous accéderont au secrétariat régional entre la fin 1937 et 1939. Si Flavien et Balmigère se déclarent « cultivateur » et « ouvrier agricole », les parcours professionnels de Marzin et Lagarde présentent « l’éventail des sociétés rurales où existait encore une pluriactivité140 », mais soulignent aussi la précarité et l’instabilité qu’ils connaissent. Marzin par exemple est tour à tour boulanger, tôlier, soudeur, charpentier en fer, et enfin cultivateur141. Il est présenté comme « ouvrier » dans la liste des candidats à l’école paysanne142. Cette école sera essentielle pour un militant comme Flavien. S’il faut attendre 1939 pour le voir accéder au secrétariat régional, les rapports des envoyés du centre dans l’Aube montrent très nettement la progressive ascension du militant au sortir de son école : il est, dès novembre 1935, « de beaucoup, le plus fort politiquement143 », un camarade « excellent », qui peut défendre « la ligne du parti », y compris face à son ancien secrétaire régional144. Il est présent à la conférence des secrétaires régionaux (sans l’être lui-même) d’août 1935 où son assurance frappe et son ton tranche avec les autres interventions145. Balmigère est classé premier de la promotion 1936, considéré comme « excellent », à l’« esprit nerveux, réfléchi146 ».
58Si le passage par ces écoles, élémentaires ou centrales, ne doit pas être surestimé, à la fois parce qu’il concerne une minorité de militants, mais aussi parce que les acquis des formations dispensées sont très difficiles à évaluer dans les parcours biographiques, il n’en reste pas moins un moment important, pour le militant comme pour le centre. Vérification ou repérage des cadres constitue en effet un objectif central du passage par les écoles, parfois déterminant pour la suite de la « carrière ». On le voit par exemple dans le rapport d’évaluation dressé par Fajon au lendemain de la première école qu’il dirigea147. Ses remarques sont favorables au maintien comme dirigeant régional de deux secrétaires (Guyot et Pelat). Quant à Nonce Benielli, il est estimé apte à prendre la tête d’une « petite région ». Les deux premiers militants restent en poste jusqu’à l’interdiction du parti, tandis que Benielli prend la tête de la région corse début 1937. Les vingt-trois autres élèves n’atteignent pas ce niveau de responsabilité. Cela ne veut pas dire que les appréciations de Fajon sont gravées dans le marbre, ni que des évolutions ne peuvent exister ; néanmoins il est remarquable de constater à partir de cet exemple la corrélation entre l’appréciation au sortir de l’école et la suite de la carrière militante. On lit en creux les attentes de l’évaluateur vis-à-vis d’un dirigeant de région : « sérieux », « autorité », « souplesse », « bon animateur », « opiniâtre », sont les qualités attendues chez un secrétaire régional. Mais les critiques nous permettent aussi de concevoir les principaux défauts potentiellement néfastes à ce niveau de responsabilité : travail trop personnel, pas assez de travail « de masse », manque d’initiative…
L’École léniniste internationale
59Mise en place au temps de la bolchevisation des PC, l’École léniniste internationale (ÉLI), à Moscou, constitue l’école de cadres communistes par excellence, une « scolarité supérieure du monde communiste148 ». Entre 1926 et 1938, date de sa fermeture, près de 2 000 militantes et militants sont passés par l’ÉLI.
Être nominé puis choisi pour suivre les cours d’une école internationale de cadres en Union soviétique constitue une étape clé pour gravir les échelons d’un PC. […] ils s’intègrent en général, sauf accident, à la couche intermédiaire située entre le groupe plus nombreux des cadres « inférieurs », locaux ou régionaux, et la direction nationale du parti149.
60Vingt-quatre membres de notre corpus (12.83 %) ont suivi une formation à l’ÉLI (voir tableau suivant).
Membres du corpus passés par l’École léniniste internationale (ÉLI).
Nom | Prénom | Année d'arrivée | Pseudo |
AIROLDI | Julien | 1932 | Paul Meyer |
BILLAT | Paul | 1931 | André Raoul |
CARESMEL | André | 1935 | André Merlin |
DECAUX | Jules | 1931 | Forcy |
DESRUMEAUX | Martha | 1931 | Eugénie Delmare |
GALATRY | Émile | 1931 | Marius Talon |
GILLOT | Auguste | 1931 | |
JOLLY | Robert | 1931 | Robert Portant |
LAHOUSSE | Charles | 1935 | Charles Clément |
MEUNIER | Raymond | 1930 | Charles Leducq |
MEYER | Édouard | 1930 | Ede Stengel |
MIOCH | Philomen | 1933 | |
MOINE | André | 1931 | Marcel Boulogne |
PERONNET | Sylvan | 1927 | Philippe Souppault |
QUINET | Cyprien | 1930 | Druart |
ROBY dit REGOR | Roger | 1935 | Alexandre Lambert |
ROCA | Edmond | 1931 | Edmond Auloin |
ROCHET | Waldeck | 1930 | Paul Moreau |
ROSENBLATT | Marcel | 1934 | Ernest Romain |
ROUCAUTE | Gabriel | 1930 | |
SAUTEL | André | 1936 | André Limoge |
TERRAT | Pierre | 1933 | Henri Bretane |
THOMAS | Jules | 1928 | |
UNI | René | 1931 | Marcel Monier |
Tableau DM.
61Parmi ces élèves, les ouvriers forment la profession la plus représentée, suivis des ouvriers agricoles et des cultivateurs (voir tableau suivant).
62Il faut cependant relativiser ces données. En effet, dix élèves (soit près de 42 %) sont déjà des militants permanents avant leur arrivée à l’école. Il s’agit donc de militants éprouvés, qui ont acquis la confiance de la direction nationale, mais qui souffrent de « faiblesse théorique » pour prétendre à de plus importantes responsabilités. Aucun n’a dépassé l’école primaire, et parmi eux figurent les cas de scolarité à peine commencée ou inachevée : A. Gillot, M. Desrumeaux, E. Ginestet… Le stade le plus abouti de la formation communiste rassemble donc ici les militants aux parcours scolaires les plus chaotiques. Dix d’entre eux sont passés par des écoles de formations locales, seulement quatre par les écoles centrales. Le passage par ces structures ne constitue donc pas un impératif pour accéder à l’ÉLI.
63Le principal groupe est représenté ici par la promotion 1930-1931, dont sont issus quatorze membres de notre corpus. Il existait en effet différents contingents d’élèves ces années-là qui, s’ils ne partirent pas tous exactement à la même période, purent se croiser, travailler ensemble, se lier d’amitié150 ; Martha Desrumeaux y rencontre d’ailleurs son futur époux, Louis Manguine.
64La sélection des élèves n’est pas chose aisée. Les critères pour la promotion 1929-1930 sont les suivants : les meilleurs « lutteurs ouvriers » issus des industries dominantes de leur région respective, possiblement choisis parmi les meilleurs élèves au classement des écoles régionales151. Le but : former rapidement des dirigeants pour les régions les plus importantes du parti152. Accepter de suivre les cours de l’ÉLI implique de laisser pour plusieurs mois, voire plusieurs années, sa vie en France. Les premières formations durent plus de deux ans153 ! Ce problème de la durée des formations est d’ailleurs vite compris par le Komintern : la formation initiale est progressivement accompagnée par des cours d’un an, parfois de moins de six mois. Lorsque Louis Molinier est sollicité, sa première réaction est de refuser :
Quoique cette proposition me touchât beaucoup, je n’acceptais pas d’emblée cet honneur qui me dépassait un peu, me semblait-il. De plus, mon mariage avec Françoise Argence, la fille du trésorier du Rayon de Béziers venait d’être fixé à la mi-décembre154.
65Crainte de ne pas être à la hauteur de la tâche et vie privée bouleversée se conjuguent ici pour que le militant soit réticent. Il faut que Pierre Semard se déplace et insiste auprès de Molinier pour qu’il finisse par accepter la proposition et maintienne sa candidature. R. Jolly s’inquiète auprès de sa direction régionale du devenir de sa famille en son absence. On lui réitère la promesse d’une aide financière de 600 francs par mois155. Une petite somme est en effet envoyée aux familles dépendantes des étudiants. De plus, la sélection d’un militant pour l’ÉLI constitue, dans nombre de cas, un crève-cœur156. Pour les régions, cela veut dire se séparer de militants de qualité. Même si, dans le questionnaire que le responsable régional doit remplir pour justifier du choix de l’élève, une question est réservée au remplacement de celui-ci. De plus, une fois revenus de Moscou, ces militants sont souvent pris par l’appareil national ou bien affectés dans d’autres régions. Lors de l’envoi de P. Billat à l’ÉLI, le secrétaire de la région des Alpes prend ses précautions :
Le camarade Billat tient surtout après l’école revenir [sic] dans la Région qu’il connaît bien. C’est notre avis aussi car il rendra de grands services. Nous insistons par conséquent pour qu’à son retour il revienne à la Région157.
66En effet, « ceux des promotions des premières années 1930, en France notamment, occupent souvent des positions notables, voire stratégiques, dans le parti ou ses organisations annexes158 ».
67Chaque élève possède un pseudonyme159. Le séjour est l’ÉLI se fait en effet sous le sceau du secret. Le voyage est clandestin et la remise de faux papiers est la règle160. Un militant déclare que même sa femme ignore où il se trouve161. Même si l’on peut aisément imaginer la joie et l’enthousiasme que peuvent ressentir les militants à l’idée de se rendre dans la « patrie du socialisme », dans le pays de la révolution victorieuse162, le séjour sur place est loin de représenter une sinécure :
les élèves doivent absorber des notions d’économie politique et d’idéologie marxiste-léniniste mais surtout des connaissances portant sur l’organisation des instances politiques, l’histoire du parti soviétique, du Komintern et de leur propre parti, ainsi que sur la réalité soviétique. La formation intellectuelle ne constitue qu’un aspect du dispositif. Le sport, la lecture, ou le théâtre font également partie intégrante du curriculum. L’horaire est donc plutôt lourd […] et nombreux sont ceux qui se plaignent de surcharge163.
68Martha Desrumeaux se souvient « des heures assise à lire et à écrire. Au début, j’en avais mal au poignet, j’en aurais pleuré164 ». La journée commence à 8 heures pour se terminer à 23 heures. Elle est constituée de cours magistraux doublés de lectures obligatoires et de séances de travaux dirigés. Au programme : économie politique, histoire165, organisation du parti, langue russe. Quelques militants suivent en plus du cursus traditionnel une formation spécifique. Celle-ci peut être liée aux techniques de clandestinité. D’autres s’orientent vers des formations destinées à les faire devenir instructeurs166. Il faut ajouter à ces longues et rudes journées de nombreux travaux et stages, en usine ou à la campagne. Ces expériences sur le terrain « s’avèrent souvent décevantes comme le prouvent les journaux de stage167 ». Des discussions passionnées ont lieu entre étudiants parfois déconcertés par les décalages entre la théorie et la réalité de la vie soviétique. Waldeck Rochet aurait ainsi tenu tête à ses camarades, dans leur immense majorité déçus de ce qu’ils avaient pu apercevoir168. Sylvan Pérronet, s’il déclare lors de son stage en usine qu’il ne souhaiterait pas vivre les conditions de vie des ouvriers soviétiques et refuse de participer à la campagne d’émulation socialiste, s’applique ensuite à l’exercice de l’autocritique, au point « qu’il a lutté énergiquement contre les autres camarades qui commettaient les mêmes fautes169 ».
69À leur retour en France, la grande majorité de ces militants accède à des responsabilités locales. Huit deviennent secrétaires régionaux, trois secrétaires adjoints, cinq secrétaires de rayon/section. Mioch est envoyé combattre Doriot dans son fief de Saint-Denis. Desrumeaux accède au Bureau politique du PCF et à la Commission exécutive de la CGTU. Quant à Quinet il devient dirigeant de la Fédération CGTU des travailleurs du sous-sol. En revanche, Moine ou Jolly n’occupent aucune responsabilité particulière à l’issue de leur formation. Les informations manquent concernant Caresmel et Lahousse, les deux membres de ce corpus qui furent « extraits » de leur mandat de secrétaire régional pour partir à l’ÉLI. On sait seulement que le premier fut « un cadre important » du PCF et que le second dirigea le parti clandestin en Gironde170, ce qui suppose le maintien dans la région d’origine. Si le passage par les écoles ne garantit donc pas une position, rémunérée ou non, au sein du parti, la plupart des élèves deviennent ou sont confirmés comme des cadres sur lesquels le parti peut compter. Mais cette « clarification » politique à laquelle se soumettent les élèves « ne signifie rien d’autre qu’adopter en fin de compte le point de vue des enseignants et donc du parti. C’est à lui ou à ses dirigeants qu’est déléguée l’élaboration de la théorie » et « dans ces conditions, la discipline face au parti est synonyme de “l’autonomie” du cadre171 ». N’y a-t-il pas là une contradiction entre la nécessité d’une autonomie réelle, c’est-à-dire la capacité du cadre à prendre des initiatives et à s’adapter aux réalités de son environnement, et les injonctions à respecter et défendre une « ligne » dont l’élaboration n’est jamais discutée ? Question d’autant plus brûlante au temps du Front populaire. B. Pudal avait relevé cette tension entre la « réinterprétation dogmatique [du discours communiste qui] contrecarre le processus d’ouverture qui est recherché172 ». Il est bien entendu délicat de conjecturer sur ce que l’élève a retenu de son séjour, ses manières de se l’approprier, et ce qu’il a pu mettre en pratique de cette expérience globale une fois revenu. Les témoignages sont peu nombreux. Les quelques lignes qui y sont consacrées dans les « bios » sont bien entendu positives. Galatry estime que :
mon séjour à Moscou ma été d’un énorme profit. Certe mon manque d’instruction ma gêné dans l’étude de l’économie politique mes pour les autres disciplines elle m’ont profité jai baucoup apris par moi même173.
70Il est certain que, pour beaucoup, l’expérience de l’ÉLI est une occasion inespérée d’acquérir des connaissances inaccessibles aux catégories populaires, particulièrement pour tous ces jeunes sortis trop tôt du système scolaire. De plus, Galatry dit ici l’un des buts de ces écoles : apprendre « par soi-même ». En revanche, dans d’autres contextes – l’intimité familiale par exemple – et à travers d’autres sources, les choses peuvent être présentées différemment. De son séjour à l’ÉLI, la fille de Robert Jolly déclare que celui-ci « n’en parlait jamais174 ». Quant à Roger Roby, il « garda le secret sur sa présence à l’ÉLI et à un étudiant qui lui demanda dans les années 1990 quel souvenir il gardait de son séjour à Moscou, il répondit sobrement : “Il faisait froid”175 ». Dans les deux éditions de ses mémoires Auguste Gillot ne mentionne jamais son passage à l’ÉLI176. Pour d’autres, comme Philomen Mioch, il est clair que le séjour ne fut guère heureux du point de vue de l’enseignement puisqu’il entra en conflit avec les professeurs et fut par conséquent « exempté de cours » :
J’avais un esprit critique très développé, je ne pouvais admettre ce qui n’allait pas dans les cours et chez les professeurs. Pour l’économie politique, je demandais à ce qu’on parle en francs et non en roubles ou en shillings, et que des exemples soient donnés à partir de ce qui se passait en France. Finalement, cela m’a valu d’être traduit devant le tribunal de l’école. Dans la discussion, je fus traité de petit-bourgeois… Sur intervention des dirigeants de l’Internationale communiste, je fus exempté de cours, tout en restant logé et nourri par l’établissement. Une autre tâche me serait proposée plus tard177.
71Mioch est affecté à un travail « technique » : étudier les exportations de capitaux à travers la presse financière. S’il est exempté de cours, les travaux pratiques et les visites continuent. Il rédige avec Pierre Terrat, autre futur dirigeant régional, une brochure sur la vie des vignerons en Languedoc. « C’est la seule fois où nous avons été payés pour ce que nous avons écrit178 », se souvient-il amusé. Ces confrontations avec les instances de l’école n’empêchèrent pas Mioch de poursuivre son chemin et d’assurer les fonctions dirigeantes dans l’Aude de décembre 1934 à juin 1938. Par ailleurs, pour ceux qui ne l’étaient pas en arrivant, l’ÉLI a pour vocation l’apprentissage du rôle de permanent. Elle habitue l’élève durant plusieurs mois ou années à vivre par et pour son idéal et la structure qui le porte, à en maîtriser les codes et les attentes. En revanche, on aurait tort de considérer que le passage par l’ÉLI garantit une position « appointée » dans l’appareil. Tous ne deviennent pas « fonctionnaires » du parti à leur sortie : huit de nos quatorze élèves du corpus n’occupent ainsi aucune fonction rémunérée jusqu’à l’interdiction du parti. Il faudrait ajouter à ceux-là Jolly qui, permanent avant son départ à Moscou, ne l’est plus à son retour. Mais quels que soient les aléas des parcours, ou le caractère dogmatique du bagage fourni par l’école, « il n’implique pas toujours une pratique entièrement normalisée dans le cadre des responsabilités ultérieures […]. L’ÉLI participe surtout à la création de groupes de dirigeants stables qui durent pour certains jusqu’au début des années 1960179 ».
72La formation a pour vocation l’homogénéisation idéologique du parti. Par la sélection des élèves et leurs contrôles biographiques, le passage par les écoles permet la promotion dans l’appareil de cadres issus des catégories populaires, ouvrières surtout, mais aussi rurales et paysannes. Au-delà des apports en connaissances théoriques ou du processus de vérification, l’école a aussi pour but de former à « être communiste », à savoir respecter et défendre la ligne du parti et de l’Internationale, à démasquer et combattre les oppositions, à se « perfectionner » sans cesse, par un patient travail autodidacte, pour atteindre le modèle du « vrai bolchevique ». Accédant aux responsabilités, ces militants transmettent souvent leur savoir à leurs camarades lors de multiples initiatives d’éducation locale, devenant à leur tour des « instituteurs des masses ». Si des militants qui, passant par les écoles centrales ou l’ÉLI, atteignent des responsabilités dirigeantes au plan national, le passage, même bref, par une direction régionale semble être la norme. Le poste de secrétaire régional apparaît ainsi comme un passage important dans le cursus honorum communiste.
73Après avoir donné un aperçu de la formation autodidacte et du passage par les écoles, et en montrant les liens qui unissaient ces deux processus, il faut évoquer un autre lieu dans lesquels le militant peut être amené à développer son éducation politique et son « savoir-être » communiste : la prison.
L’emprisonnement : un temps pour la formation
J’ai été déporté au Pays de Galle. Au camp de Frongoch. Ne le dis pas à ces salauds, mais ce furent les meilleures années de ma vie. J’ai appris à lire et écrire… et penser180.
74L’emprisonnement politique constitue un thème important du discours communiste de l’entre-deux-guerres181. Toujours inscrits au carnet B, les communistes sont les plus touchés par la répression, qui rappelle celle à l’encontre du mouvement anarchiste au début du siècle, sans commune mesure avec nulle autre force politique en France182. Les principaux dirigeants du PCF connaissent l’expérience carcérale. Sans oublier que l’emprisonnement ne constitue qu’une partie de la répression, sa face la plus visible, il s’agit de se pencher ici sur les militants de notre corpus ayant vécu cette expérience. Pourquoi ces militants se retrouvent-ils emprisonnés ou condamnés à la prison ? Comment affrontent-ils cette épreuve ? Quelles sont les attentes de l’organisation vis-à-vis d’eux ?
75Il faut ici bien distinguer entre les arrestations, les poursuites et les condamnations et l’emprisonnement. Il est difficile de relever l’ensemble des arrestations ou poursuites ayant touché les membres du corpus. Qui à l’issue d’une manifestation, qui lors d’un rassemblement, qui pour l’écriture d’un article, a pu connaître l’une ou l’autre. Sans parler des multiples affrontements physiques avec les forces de l’ordre ou les adversaires politiques qui passèrent sous les radars de la justice. Les condamnations ont laissé plus de traces. Nous pouvons établir qu’au moins quarantetrois membres de notre corpus furent condamnés à des peines de prison183. Parmi eux, six furent condamnés à des peines avec sursis et trente-sept connurent un passage effectif derrière les barreaux, soit 19,79 % des membres de notre corpus.
76Nous proposons ce tableau simplifié des motifs des condamnations :
77L’entre-deux-guerres est émaillé de plusieurs affaires de « complots communistes184 ». La première occurrence, antérieure à la fondation de la SFIC, est la partie « la plus spectaculaire de la répression contre les grévistes185 » de l’année 1920186. Deux membres du corpus en font les frais : Marcel Raison, cheminot révoqué et condamné à trois mois de prison et Toussaint Flandrin, ouvrier de l’Arsenal de Toulon. Ce dernier est emprisonné de mai à juillet pour complot contre la sécurité intérieure de l’État, inculpation qui débouche sur un non-lieu. Ce sont Henri Courtade et Étienne Fajon187 qui écopent des deux autres inculpations pour complot, cette fois en juillet et août 1929. Cette période est celle de la hantise du coup de force communiste autour de la fameuse « journée rouge » du 1er août188. Il faut considérer également le cas d’Auguste Gillot, arrêté lors d’une réunion de préparation de cette journée. Dans le corpus étudié par S. Wolikow, les inculpations les plus fréquentes sont celles pour atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État, qui renvoient à cette mécanique du complot189. Or, on le voit, ce n’est pas le cas pour l’échantillon étudié ici. En effet, la répression ne se limite pas à ces séquences particulières. Ainsi, à l’été 1927, peu de temps après le fameux discours dans lequel Albert Sarrault, ministre de l’Intérieur, proclamait « le communisme, voilà l’ennemi ! », une bonne partie du collectif dirigeant du PCF se retrouve en prison, pour des condamnations liées à la campagne antimilitariste de 1925-1926 durant la guerre du Maroc. La mise en place de la stratégie « classe contre classe » se traduit par des tentatives de contrôle de la rue de la part des communistes, cherchant l’affrontement avec la police comme entraînement pratique aux bouleversements révolutionnaires à venir190. En effet :
[…] outre l’orientation gouvernementale, plus ou moins conservatrice, comptent les variations de la ligne politique communiste. Les épisodes où l’emprisonnement politique est le plus fort concordent avec ceux que l’histoire politique a souvent repérés191.
78On retrouve d’ailleurs cette chronologie dans la répartition par année des condamnations des membres de notre corpus :
79Les luttes menées par les communistes contre l’occupation de la Ruhr, contre la guerre du Rif, etc. sont accompagnées de vagues répressives, armées de l’accusation de complot ou non. Ici, c’est l’antimilitarisme qui saute aux yeux dans les motifs des condamnations. La « provocation de militaires à la désobéissance dans un but de propagande anarchiste » est « l’inculpation classique192 ». Son interprétation se fait de manière extensive, puisqu’il suffit de condamner ou critiquer publiquement un aspect de l’institution militaire pour être condamné à de lourdes peines193. Distribution de tracts, participation au concours des Gueules de Vaches, rédaction d’articles à connotation antimilitariste, constituent ainsi les motifs majeurs de condamnation des soldats et des civils194. Le pic de condamnations des membres de notre corpus, situé entre 1927 et 1931, n’étonne guère. Il correspond, on l’a dit, à la période dure du « classe contre classe », où, de concert avec l’Internationale, le PCF radicalise ses mots d’ordres et ses actions et se confronte à un appareil d’État partisan d’un anticommunisme de combat195. Il faut noter cependant le nombre relativement élevé d’emprisonnements pour l’année 1935. Ces emprisonnements correspondent à une période marquée par la lutte contre les ventessaisies dans les campagnes, les combats contre les ligues, et la dernière grande bataille antimilitariste menée par le PCF : la lutte contre les deux ans de service militaire. Le détail de la durée des peines fait ressortir une certaine diversité : de plusieurs années dans le cas d’Yves Cuvilliers à quelques jours pour Waldeck Rochet ou Georges Pelat. Si Toussaint Flandrin est arrêté et condamné le 13 août 1935 à deux mois de prison et cent francs d’amende pour jets de pierre sur des agents, il faut replacer ceci dans le contexte des violentes grèves de ce mois d’août, notamment dans les arsenaux, où de très durs affrontements éclatent entre la troupe et les grévistes, dont certains sont tués. Pour la peine la plus lourde, deux ans et demi, elle est liée à la lutte contre « les deux ans ». Cuvilliers va d’ailleurs, en accord avec son parti, passer dans la clandestinité. Ces données nous montrent que la période du tournant des années 1934-1935 s’accompagne aussi de luttes dures.
80Les militants du corpus cumulent des condamnations à près de 29 années de prison ferme et 32 mois de sursis. La durée de l’emprisonnement effectif (en prenant en compte remises de peines, amnisties et illégalité) a pu être établie à un cumul de 174 mois environ, soit 14 ans et demi sur la totalité. La durée d’emprisonnement « moyenne » est donc de près de 5 mois pour chaque militant de notre groupe, chiffre masquant une évidente disparité des situations. Pour échapper à des peines longues il n’est pas rare que le militant passe dans la clandestinité, sur consignes du centre. Il devient alors un « illégal ». Menant de fait une vie de militant professionnel196, il est entièrement pris en charge par l’organisation qui le « planque » et lui assure sa subsistance. Ce passage concerne six membres du corpus197 (voir tableau suivant).
81Ce passage dans l’illégalité est d’ailleurs valorisé par le Komintern. Il « trempe » le militant, le soumet à l’épreuve de la répression, endurcit sa résistance et dévoile ses capacités à accepter ce type de vie et ses contraintes. Sont réprimandés en revanche les militants qui se présentent d’eux-mêmes à la justice, qui payent leurs amendes, ou qui choisissent d’autres avocats que ceux désignés par le parti ou, plus généralement, par l’organisme spécialement chargé de la solidarité et de la lutte contre la répression : le Secours rouge international (SRI198). On peut retrouver des traces du quotidien de ces illégaux. François Billoux déclare ainsi dans sa « bio » rédigée dans la clandestinité, probablement fin 1932, n’avoir « pas de domicile en dehors de la planque donné [sic] par le service199 ». Émile Drouillas, dans l’illégalité depuis 1927, ne peut assister à l’enterrement de sa femme, morte de la tuberculose, qu’à la sauvette, tentant de jouer au chat et à la souris avec les gendarmes postés à l’entrée du cimetière. Il bénéficie comme nombre de ses camarades d’une amnistie en 1933200. Yves Cuvilliers estime que, malgré les difficultés, ce passage dans la clandestinité a permis de parfaire son instruction politique : « J’ai étudié dans la mesure où le parti et l’usine m’en laissait [sic] le loisir. Le plus où j’ai pu étudier ce fut au cours de ma période d’illégalité où j’avais surtout comme tâche l’éducation201. » Pour Paul Billat, jeune militant isérois, ce passage forcé dans l’illégalité lui permet d’être sélectionné pour une formation à l’École léniniste internationale. Amnistié lui aussi en 1933, il revint à Grenoble et remplaça François Campiglia comme secrétaire de la région des Alpes. En dehors de l’URSS, c’est le plus souvent en Belgique que les militants se réfugient durant quelque temps. C’est le cas, par exemple, de Billat, mais aussi de Julien Soutan ou de François Billoux. Soudant les militants face à la répression, les campagnes pour l’amnistie sont à la fois outil de propagande et outil identitaire. Dénonçant la République « bourgeoise » jusqu’au mi-temps des années trente, ces campagnes s’acharnent à défendre les combattants de la « vraie République » lors de la séquence du Front populaire et peuvent permettre enfin de déboucher sur des actions unitaires202.
82À l’image du personnage incarné par Liam Cunningham dans le film de Ken Loach, la prison peut constituer un moment privilégié d’acquisition de connaissances, de développement intellectuel et de formation. La « pause » dans l’activité militante au jour le jour et les facilités prévues par le régime de prisonnier politique permettent en effet à l’individu d’utiliser le temps dont il dispose à cet effet. Le régime politique, en vigueur en France depuis la monarchie de Juillet, évite l’isolement du militant, en lui offrant la possibilité de se réunir avec ses camarades, d’accéder à des livres et à la presse, etc203. Un arrêté ministériel du 4 janvier 1890 prévoit le non-port de l’uniforme carcéral, la liberté de circuler dans le quartier de la prison réservé aux « politiques », les visites, les facilités d’écriture, etc. Si les conditions de détention d’un Thorez sont passablement pénibles (« La cellule où l’on m’enferma était une pièce noire, sordide, mal aérée, qu’empuantissait une tinette durant les chaleurs de l’été. Et je devais demeurer un an dans ce cachot ! »), l’acquisition du statut de prisonnier politique, obtenu après réclamations et un conflit avec les gardiens, lui permet d’améliorer sensiblement ces mêmes conditions : « Nous passions la journée ensemble et la nuit dans nos cellules respectives. Mais c’était une bataille continuelle pour nous faire respecter par nos gardiens204. » D’autant que l’activité du militant ne doit pas s’arrêter aux portes de la prison. Les questionnaires biographiques, on l’a vu, loin de négliger cet aspect du parcours militant, y accordent une section entière, dans laquelle la question de la formation, de « l’instruction » du prisonnier est essentielle. La prison ne doit pas être un temps mort. Elle permet également à l’organisation de « tester » son militant. Trempé à l’épreuve de la répression, celui-ci « tient » ou flanche, vérifiant ainsi la capacité du militant à faire preuve de « fermeté révolutionnaire ». Il doit donc être capable de s’organiser au sein du régime carcéral. Thorez le rappelle :
Nos travaux en commun et nos conversations me laissaient cependant de longues heures de loisirs. Je les employai de mon mieux à parfaire mon éducation. En liberté, les tâches pratiques absorbent presque entièrement un militant ouvrier, même quand on ne sacrifie que quelques heures au sommeil. Mais dans le calme de la cellule on peut concentrer sa pensée sur les grands problèmes, lire la plume à la main, méditer et écrire205.
83Le temps ainsi mis à disposition doit être utilisé pour s’organiser, s’éduquer, et participer à l’éducation des codétenus. Thorez écrit ainsi qu’« une école pour instruire les jeunes ouvriers emprisonnés avec nous » avait été mise en place. Arthur Ramette, condamné en 1932 à 18 mois de prison pour provocation aux crimes de meurtre, pillage et incendie, « se consacra à la lecture et renforça notablement ses connaissances théoriques par l’étude des principaux classiques du marxisme206 ». « J’ai lu » tient à préciser Étienne Néron qui ne passa que vingt jours en prison, mais qui se tenait informé des activités du parti par sa femme207. La prison doit être aussi un lieu de militantisme en direction de l’extérieur. À l’instar d’Henri Courtade, l’un des inculpés du « complot » de 1929, les emprisonnés continuent d’écrire dans la presse du parti, sous pseudonyme. Marius Navoizat, s’il évoque une « interruption » de son activité militante due à son passage en prison, ajoute immédiatement qu’il travaillait « de l’intérieur de la prison sous la forme d’une collaboration rédactionnelle avec la Dépêche de l’Aube208 », tout en ayant dû « batailler pour le respect du régime politique ». L’obtention du statut politique n’est en effet pas toujours chose aisée. André Caresmel se souvient que c’est au bout d’un mois et demi d’emprisonnement et d’agitation du parti autour de son cas qu’il est transféré de la prison de la Roquette à celle de la Santé où il finit par obtenir le régime politique209. Quant à Edmond Roca, il purge ses deux mois de prison au régime des droits communs… Ce qui lui vaut cette remarque de son secrétaire régional : « a fait preuve de fermeté révolutionnaire », c’est-à-dire que malgré les conditions particulièrement défavorables de l’emprisonnement, celui-ci s’est déroulé selon les attentes de l’institution. Comme vu plus haut, le passage par la case prison occupe une place importante dans le « manuel » du militant Fils du peuple. Thorez s’en sert pour établir les lectures indispensables du militant et rappeler les fondamentaux du marxisme-léninisme.
84Sylvan Péronnet nous offre un exemple d’un secrétaire régional emprisonné alors qu’il exerce son mandat. Rentré d’URSS en 1930, il est placé à la tête de la région troyenne. En janvier 1931, la parution dans la Dépêche de l’Aube d’un article antimilitariste lui vaut une condamnation à un an de prison qu’il effectue en totalité :
J’ai été pendant ce temps, constamment en contact avec le parti, avec la direction régionale, avec quelques cellules (échanges de correspondance). J’ai surtout travaillé pour aider le travail régional et écrit quotidiennement pour la Dépêche (Aube). J’assurais une fois par semaine la « Tribune paysanne ». J’étais en liaison avec nos camarades paysans. J’écrivais pour la « Vie et l’Édification du PC ». Je lisais régulièrement les procès-verbaux du B[ureau] R[égional] et du C[omité] R[égional] et donnais par écrit mon opinion. J’ai été en prison avec le camarade Maillot, travaillant sous le pseudonyme de Rochette à l’imprimerie de l’Huma. Ensuite (durant 7 mois) je fus seul210.
85Cette description pose cependant la question de la confidentialité : quid de la censure sur le courrier des détenus ? Les autorités carcérales peuvent-elles également lire ces procès-verbaux évoqués par Péronnet ?
86En revanche, pour les militants soumis à la justice militaire, les conditions ne sont pas les mêmes. Huit militants de notre corpus sont concernés, dont deux avant la création du Parti communiste.
87Bien entendu, pas de régime politique ici. « Je n’ai pu lire et étudier que pendant les deux premiers emprisonnements211 » se justifie André Caresmel qui effectue son troisième séjour derrière les barreaux à la prison militaire du Cherche-Midi. Pour Waldeck Rochet, dénoncé auprès de sa hiérarchie pour avoir pris la parole en uniforme lors d’une réunion publique, c’est le passage par la prison militaire, puis la punition dite de « la pelote » : « chaque jour […] marchant pendant une heure dans la cour du quartier avec un havresac sur le dos, empli de cailloux212 ». Le Parti communiste et le Secours rouge lancent des campagnes autour des condamnés : des brochures sont éditées, tandis que se multiplient les articles et les actions. La brochure réalisée par le SRI autour du cas de Lucien Carré, qui cumule tous systèmes confondus deux ans et trois mois de prison, est exemplaire213. Elle décrit par le menu les conditions de détention du militant, les brimades, les actions déjà menées en sa faveur. Puis s’enchaîne une description de la vie du militant, forcément édifiante. Elle se termine sur un développement sur la politique du parti : lutte pour les revendications des soldats, exaltation de l’Armée rouge et défense de l’URSS.
88Que retenir du passage en prison ou dans l’illégalité des militants ? Si, pour Thorez : « Le cœur ardent, fortifié par toutes les lectures que j’avais faites, ayant longuement médité sur les problèmes qui se posaient devant le prolétariat français et sur les tâches qu’il avait à résoudre, je reprenais ma place dans la lutte214 », ce n’est pas le cas de tous. Lorsque Navoizat établit la liste de ses camarades codétenus, il conclut en déclarant que seuls deux d’entre eux sont restés au parti215. Manière pour le « bioté » de se mettre en avant, de valoriser sa fidélité à l’institution ? Certes, mais révélateur aussi des effets de la répression : le découragement, la désillusion, la peur, la volonté de se préserver (et de préserver ses proches) deviennent parfois plus forts que la loyauté et la ferveur militantes. Thorez écrivait d’ailleurs : « Si l’on jette en prison les militants, c’est pour décapiter le mouvement ouvrier. Comme dans toutes les périodes difficiles, il se produit des trahisons et des abandons216. » Mais au-delà des abandons, des souffrances, la prison ou la vie clandestine sont vécues, par ceux qui « tiennent », comme une étape dans un parcours de vie militante. Une étape qui permet par la suite de se réclamer d’une expérience valorisée par les centres217, et qui permet souvent le développement de la formation, ou le développement intellectuel plus général. À l’image de Thorez alignant les condamnations dans sa « biographie-miroir du militant de base218 », le détenu ou l’illégal peut prétendre à approcher le modèle du cadre type, par sa résistance aux mesures répressives. On aurait tort de sous-estimer cette étape, au prétexte que le régime politique français accorderait des facilités aux détenus219. Il nous semble au contraire que cette séquence peut s’avérer décisive, « un moment fort de la carrière militante220 », tant elle soude face à l’adversité l’individu avec son collectif et marque, avec les expériences nombreuses de répression patronale, la mise à l’épreuve et la rupture qui constituent l’engagement d’une génération communiste221. Ce moment de renforcement d’adhésion au parti et d’apprentissage n’est pas seulement la conséquence du temps disponible, il est aussi dû à la manière dont la temporalité de l’emprisonnement et de l’illégalité est conçue à l’intérieur du parti et, notamment, des incitations en provenance du centre, formalisées dans l’exercice biographique.
Notes de bas de page
1 VINCI Claude, Ma route, 1967.
2 CHRISTIAN Michel, Camarades ou apparatchiks ? Les communistes en RDA et en Tchécoslovaquie (1945-1989), PUF, 2016, p. 323.
3 Comme par exemple les passages de la SFIO au PCF.
4 Notice Maitron de Charles Tillon, par Denis Peschanski.
5 Mémoires d’Henri Martel citées dans OUTTERRYCK Pierre, Henri Martel, un mineur syndicaliste élu du peuple, Éditions Le Geai bleu, 2016, p. 19.
6 Adhérent en 1924 au PC, son père deux ans plus tard.
7 RGASPI 495/270/3756, autobiographie de Marcel Raison, octobre 1937.
8 RGASPI 495/270/3109, autobiographie de Marcel Guyot, 1933.
9 RGASPI 495/270/4187, autobiographie de Georges Déziré, 13 décembre 1937.
10 RGASPI 495/270/8649, autobiographie de Robert Jolly.
11 RGASPI 495/270/19, autobiographie de Maurice Lampe, 27 juillet 1933.
12 RGASPI 495/270/33, autobiographie de Julien Airoldi, 1932.
13 RGASPI 495/270/2970, autobiographie d’Émile David, 1938.
14 Voir plus bas « La marque de la guerre ».
15 LALOUETTE Jacqueline, La Libre Pensée en France, 1848-1940, Paris, Albin Michel, 2001.
16 ROCHET Waldeck, « Souvenirs de militants », L’Humanité, 30 mars 1956, cité dans VIGREUX Jean, « L’Étoffe d’un dirigeant : Waldeck Rochet », Études rurales, n° 171-172, mars 2004, p. 202.
17 LALOUETTE Jacqueline, La Libre Pensée..., op. cit., p. 76.
18 OUZOULIAS-ROMAGON Cécile, J’étais agent de liaison FTPF, Éditions Messidor, 1988, p. 18.
19 Scission, au niveau international, regroupant autour de l’« Organisation des travailleurs sans Dieu » russe, des tendances de gauche et d’extrême-gauche de la Libre Pensée ; voir LALOUETTE Jacqueline, op. cit., p. 74-81.
20 RGASPI 495/270/251, autobiographie de Marcel Rosenblatt, 24 mars 1934.
21 AGULHON Maurice, « Le PCF et la tradition politique française », Communisme, n° 45-46, 1996, p. 153160.
22 PESCHANSKI Denis (dir.), Marcel Cachin. Carnets 1906-1947, t. 4, CNRS, 1993, p. 487.
23 VIGREUX Jean, « “La jeune garde”, fer de lance du modèle communiste (1919-1939) », Revue du Nord, Hors-série, coll. « Histoire », n° 23, 2009, p. 237-250.
24 Il existe de nombreuses occurrences de ce type d’action. Deux exemples : OUZOULIAS-ROMAGON Cécile, op. cit., p. 11, et Notice Maitron de Gaston Beau, par Pierre Broué, René Lemarquis et JeanMarie Guillon.
25 LALOUETTE Jacqueline, « La Libre Pensée et la symbolique iconographique révolutionnaire. Troisième République/Freethinking and Revolutionary Iconographie Symbolism. The Third Republic », Archives de sciences sociales des religions, n° 66, 1988, p. 65-86 et LALOUETTE Jacqueline, « La vie de la Libre Pensée en Europe (1848-1914) », in Les familles politiques en Europe au XIXe siècle, Rome, École française de Rome, 1997, p. 443.
26 Olivier BÉLINGARD, Le mouvement communiste en Dordogne dans l’entre-deux-guerres, 1920-1939 (du Congrès de Tours au Pacte germano-soviétique) Mémoire de maîtrise, Université Montaigne, Bordeaux 3, 1992.
27 BOSWELL Laird, « La petite propriété fait le communisme (Limousin, Dordogne) », Études rurales, n° 171172, juillet-décembre 2004, p. 77-78.
28 VIGREUX Jean, La faucille après le marteau. Le communisme aux champs dans l’entre-deux-guerres, Besançon, PUFC, 2012, p. 269 à 278.
29 Voir sa notice Maitron, par Jacques Girault.
30 Voir par exemple l’itinéraire d’un militant communiste venu du catholicisme, qui se présente comme une rupture mais qui « interroge sur la question du transfert d’une croyance fortement investie à une autre » : « Du catholicisme au communisme : la conversion d’Albert Varloteau », in Pennetier Claude et Pudal Bernard, Le souffle..., op. cit., p. 71-101.
31 MISCHI Julian, Traditions politiques locales et communismes ouvriers. L’implantation du Parti communiste français dans la région de Saint-Nazaire, Association de recherches et d’études du mouvement ouvrier de la région de Saint-Nazaire, 1998, p. 63.
32 Notamment KRIEGEL Annie, Aux origines du communisme français 1914-1920, Mouton, 1964, 2 tomes, 995 p., VIGREUX Jean et WOLIKOW Serge (dir.), Cultures communistes au XXe siècle. Entre guerre et modernité, Paris, La Dispute, 2003 et DUCOULOMBIER Romain, Camarades !..., op. cit., 2010.
33 VIGREUX Jean et Wolikow Serge (dir.), Cultures communistes..., op. cit., p. 10.
34 Un militant de notre corpus recouvre les deux catégories : il s’agit de Jules Thomas, dont le père meurt au front tandis que lui-même est blessé et gazé. Les anciens combattants représentent un quart de la population française en 1920.
35 MOLINIER Louis, Un militant communiste languedocien raconte..., autoédition, 1979, p. 33.
36 MOLINIER Louis, op. cit., p. 34, souligné par l’auteur.
37 Notice Maitron de François Billoux, par Antoine Olivesi.
38 RGASPI 495/270/1776, autobiographie de Félix Cadras, 13 décembre 1937.
39 Notice Maitron de Julien Airoldi, par Maurice Moissonnier et Claude Pennetier.
40 PROST Antoine, Les anciens combattants. 1914-1940, Paris, Gallimard, 2014.
41 OUZOULIAS-ROMAGON Cécile, J’étais agent ..., op. cit., p. 25.
42 LAZAR Marc, 1917-1923, origines et débuts d’une organisation du mouvement ouvrier : l’ARAC (Association républicaine des anciens combattants), mémoire de Maîtrise, 1975 et MANESSIS Dimitri, 1917, entre l’ARAC et la Révolution d’Octobre : les enjeux de la Guerre sur le Mouvement socialiste - Partie 1, séminaire Paparik@2F, janvier 2018 [https://lir3s.u-bourgogne.fr/phonotheque/c-1293].
43 PUDAL, Prendre parti..., op. cit., p. 120.
44 BAREL Virgile, Cinquante années de lutte, Paris, Éditions sociales, 1966, p. 28.
45 Prix Goncourt 1916, Le Feu, journal d’une escouade, roman réaliste établi à partir de la propre expérience de Barbusse.
46 Brizon lui-même adhéra au PC avant d’en être exclu en 1922.
47 RGASPI 495/270/2730, autobiographie de Marguerite Buffard, 1937.
48 FAJON, Ma vie s’appelle liberté, Paris, 1976, Robert Laffont, p. 32. Les citations qui suivent sont extraites de l’ouvrage.
49 GILLOT Auguste, Un Forgeron dans la cité des rois, Dourdan-Longjumeau-Saint-Denis, Halles de Paris, 1991, p. 30-32.
50 LECLERCQ Catherine, « “Raisons de sortir”. Les militants du Parti communiste français », in FILLIEULE Olivier (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005.
51 Questionnaire biographique. Voir annexe n° 1.
52 Voir annexe n° 6.
53 VIGREUX Jean, « Marcel Cachin l’homme de la transition », Nouvelles FondationS, 2006, n° 1, p. 106.
54 Le mot a ici son importance, il existe d’autres membres de l’ex-SFIO au sein du CC.
55 RGASPI 517/1/1819, feuillet 80, Conférence régionale des Hautes-Pyrénées, 12 janvier [1936]. Par Dupuy.
56 Voir notamment DUBIEF Henri, Le syndicalisme révolutionnaire, Paris, Armand Colin, 1969 ; CASTAGNEZRUGGIU Noëlline, Histoire des idées socialistes en France, Paris, La Découverte, 1997, p. 70-80 ; « Le syndicalisme révolutionnaire. La charte d’Amiens a cent ans », Mil neuf cent, revue d’histoire intellectuelle, n° 24, 2006. Sur les liens entre syndicalisme-révolutionnaire et communisme : CHAMBARLHAC Vincent « Les syndicalistes révolutionnaires français. 1917-1921 » in VIGREUX Jean et WOLIKOW Serge (dir.), Cultures communistes au XXe siècle. Entre guerre et modernité, Paris, La Dispute, 2003, p. 51-61.
57 Le passage suivant se base notamment sur MOLINIER Louis, Un militant..., op. cit., p. 39-43.
58 MOLINIER, op. cit., p. 43.
59 CHAMBARLHAC Vincent « Les syndicalistes révolutionnaires français. 1917-1921 », op. cit., p. 61.
60 Voir plus haut « La marque de la guerre ».
61 RGASPI 495/270/999, autobiographie de V. Gosnat, 28 janvier 1933.
62 Notice Maitron, par Claude Pennetier.
63 SIROT Stéphane, « Syndicalisme et politique : des modèles historiques ? », in RÉGIN Tania et WOLIKOW Serge (dir.), Les syndicalismes en Europe. À l’épreuve de l’État, Paris, Syllepse, 2002, p. 22.
64 Cité dans sa notice Maitron, par Claude Pennetier.
65 Sur cette organisation, qui compta dans ses rangs Jean Zay ou encore Jean Moulin, lire MELETTA Cédric, La fédération des jeunesses laïques et républicaines : un apprentissage politique et civique dans la France de l’entredeux-guerres (1924-1939), thèse de doctorat, Paris X, 2005.
66 Un processus particulièrement visible au moment de la bolchevisation du parti (1924-1926), ce qui montre par conséquent que l’interdit ne fut guère respecté lors des premières années d’existence de la SFIC.
67 Par exemple, Maurice lampe, dirigeant de la région Paris-Ville, pose la question de l’appartenance à la franc-maçonnerie : « Nous ne pouvons pas toujours tenir dehors du Parti des camarades qui pourraient être très utiles. » RGASPI 517/1/1714, feuillet 16, Sténographie des séances de la conférence du PCF avec les secrétaires régionaux, 10 août 1935.
68 RGASPI 495/270/2730, autobiographie de Marguerite Buffard, 1937.
69 La Ligue, issue du Parti autonomiste breton et orientée à gauche, fut active dans la première moitié des années 1930 ; GUYONVARC’H Christian, La Ligue fédéraliste de Bretagne – Breiz Kevredel (1931-1935) : aux origines du bretonnisme de gauche, Brest, Université de Bretagne occidentale, 1989.
70 RGASPI 495/270/61, autobiographie de Robert Ballanger, 1938.
71 Notice Maitron, par François Roux et René Lemarquis.
72 Voir chapitre 5.
73 MANESSIS Dimitri, « Parcours de secrétaires régionaux communistes au temps du Front populaire, premières approches », in MANESSIS Dimitri et ROUBAUD-QUASHIE Guillaume (dir.), Empreintes rouges. Nouvelles perspectives pour l’histoire du communisme français, Rennes, PUR, 2018, p. 35-45.
74 BUTON Philippe, « Les générations communistes », Vingtième siècle, revue d’histoire, numéro spécial n° 22, avril-juin 1989, p. 84.
75 Six employés, trois ouvriers, deux cheminots, deux professeurs, un instituteur, un agriculteur, un artisan et un chômeur.
76 PUDAL Bernard, Prendre parti..., op. cit., p. 164.
77 RGASPI 495/270/3066, autobiographie de Yves Angeletti, 24 mars 1938.
78 RGASPI 495/270/4685, autobiographie d’Antoine Émorine, 12 août 1937.
79 Reprenant une des phrases d’Émorine lui-même, sans doute malhabile au vu de l’exercice. RGASPI 495/270/4685, autobiographie d’Antoine Émorine, 12 août 1937.
80 RGASPI 495/270/949, autobiographie de Raymond Sémat, 1933. Louis-Oscar « Ludovic-Oscar » Frossard fut secrétaire général de la SFIC de sa fondation au 1er janvier 1923, date de sa démission.
81 En plein guerre du Rif, la CGTU, le PC et les multiples composantes de sa galaxie, rassemblés dans un Comité contre la guerre, appelle à faire grève contre la vie chère et en soutien aux insurgés rifains.
82 Pour un point historiographique, lire ROUBAUD-QUASHIE Guillaume, « La jeunesse dure longtemps. Quarante ans d’historiographie des organisations de jeunesse communistes françaises », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 116-117, 2011, p 195-227. Sur la jeunesse communiste en France dans l’entredeux-guerres voir WHITNEY Susan B., Mobilizing Youth. Communists and Catholics in Interwar France, Duke University Press 2009. Nous utilisons ici le terme d’usage « JC » pour la (ou les) Jeunesse(s) communiste(s), le titre officiel de l’organisation durant l’entre-deux-guerres étant Fédération nationale des jeunesses communistes de France (FNJCF).
83 RGASPI 495/270/2734, autobiographie de Marcel Barbot, 2 août 1938.
84 MOINE André, Regards critiques et dialogues d’un communiste, Éditions de l’Étincelle, 1986, p. 24.
85 BOULOUQUE Sylvain, « Les Jeunesses communistes : structuration, organisation, implantation 1920-1938 », Communisme, n° 76/77, 2003-2004, p. 7.
86 Ibid., p. 9.
87 CHAZE Henri, Un communiste ardéchois dans le siècle, Les Allobroges, 1994, p. 25.
88 RGASPI 495/270/4578, autobiographies de Jean Lagarde, 4 février et 26 juillet 1937.
89 PUDAL Bernard, Prendre parti..., op. cit., p. 11.
90 SIBLOT Yasmine, « Ouvriérisme et posture scolaire au PCF. La constitution des écoles élémentaires (19251936) », Politix, n° 58, 2002, p. 170.
91 Dictionnaire Trésor de la langue française informatisé.
92 SUBILEAU Françoise, « Le militantisme politique sous la cinquième République : état des travaux de langue française », Revue française de science politique, n° 31, 1981, p. 1044.
93 BOUJU Marie-Cécile, Lire en communiste. Les maisons d’édition du Parti communiste français 1920-1968, Rennes, PUR, 2010 et DUCANGE Jean-Numa, HAGE Julien et MOLLIER Jean-Yves (dir.), Le Parti communiste français et le livre. Écrire, et diffuser le politique en France au XXe siècle (1920-1992), Dijon, EUD, 2014.
94 Préface à DUCANGE, HAGE, MOLLIER (dir.), op. cit., p. 8.
95 WOLIKOW Serge, « Le livre et l’édition dans le monde communiste européen », dans DUCANGE JeanNuma, HAGE Julien, MOLLIER Jean-Yves (dir.), op. cit., p. 48.
96 DUNOIS Amédé, « l’ABC du communisme », l’Humanité, 17 novembre 1923, p. 4. Cité dans BOUJU Marie-
Cécile, Lire.., op. cit., p. 24.
97 BOUJU Marie-Cécile, op. cit., p. 60.
98 RGASPI 495/1770/486, autobiographie de Barthélémy Ramier.
99 RGASPI 495/270/8641 Drouillas, 490/270/3569 Parreaux, et 495/270/2158 Perfettini.
100 RGASPI 490/270/8634, autobiographie de Yves Flouriot, avril 1937.
101 RGASPI 495/270/3172, autobiographie de Marcel Bonin, 1937.
102 RGASPI 495/270/309, autobiographie d’Edmond Ginestet, 1938.
103 RGASPI 495/270/1054, autobiographie de Joseph Navoizat, 6 mai 1937.
104 Howard Fast par exemple décrit les livres en ces termes : « [ils] étaient notre religion, notre lueur d’espoir, nos rêves et notre avenir » ; Mémoires d’un rouge, Rivages/Écrits noirs, 2000, p. 48.
105 RGASPI 495/270/3976, autobiographie de Marcel Messeau, 3 août 1937.
106 Revue de l’AEAR.
107 Journal soutien du Front populaire, créé en 1935. Il disparaît en 1938.
108 Revue littéraire fondée en 1923 par Romain Rolland.
109 RGASPI 495/270/1054, autobiographie de Joseph Navoizat, 6 mai 1937.
110 Présentation du fonds Mioch sur le site des archives départementales de l’Hérault, 222 J 1 à 222 J 14.
111 BOUJU Marie-Cécile, Lire..., op. cit., p. 142.
112 Lettre d’Henri Turrel, alors élève à l’école centrale du PC, à sa famille, novembre 1937. Cité par Madeleine Casanova dans son étude des lettres du dirigeant isérois.
[https://henriturrel.jimdofree.com/texte-de-madeleine-casanova/introduction/]
113 Les écoles du Parti communiste français ont notamment été étudiées dans PUDAL Bernard, Prendre parti..., op. cit., TARTAKOWSKY Danielle, Les premiers communistes français. Formation des cadres et bolchevisation, Paris, PFNSP, 1980, CARREZ Maurice (dir.), Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, « Les Écoles des partis ouvriers au XXe siècle », n° 79, 2000.
114 Sur ce point lire notamment PUDAL Bernard, Prendre parti..., op. cit., « Le juste cadre dans les écoles du PCF », p. 172-177.
115 SIBLOT Yasmine, « Ouvriérisme et posture scolaire... », op. cit., p. 168.
116 SIBLOT Yasmine, « “Élever le niveau théorique du Parti” : les écoles élémentaires du Parti communiste français (1925-1936) », Les Cahiers d’histoire, n° 79, 2000, p. 85.
117 PUDAL Bernard, Prendre parti..., op. cit., p. 51.
118 SIBLOT Yasmine, « “Élever le niveau théorique du Parti”… », op. cit., p. 84.
119 Nous nous basons ici sur l’article de SIBLOT Yasmine, « “Élever le niveau théorique du Parti”… », op. cit.
120 RGASPI 517/1/1501, feuillets 50-51. Le document est reproduit en annexe n° 7.
121 RGASPI 517/1/1893, feuillets 305 à 348. École inter-régionale mars-avril 1938.
122 Voir chapitre 5.
123 MOINE André, Regards critiques..., op. cit., p. 24.
124 Notice Maitron, par Jean Sagnes.
125 SIBLOT Yasmine, « “Élever le niveau théorique du Parti”… », op. cit., p. 92.
126 VIGREUX Jean, Waldeck Rochet, une biographie politique, La Dispute, 2000, p. 34.
127 Voir leurs notices Maitron et TARTAKOWSKY Danielle, Les premiers communistes français..., op. cit., p. 77 et SIBLOT Yasmine, « Ouvriérisme et posture scolaire... », op. cit., p. 172.
128 PENNETIER Claude et PUDAL Bernard, Le souffle d’octobre..., op. cit., p. 356.
129 PUDAL, Prendre parti..., op. cit, p. 51.
130 Pour un exemple du contenu de l’enseignement, voir RGASPI 517/1/1858, feuillets 5 à 13, Programme de l’école de 6 mois du PCF, 1937.
131 Voir chapitre 5.
132 RGASPI 517/1/1805, feuillet 11, Lecture obligatoire pour l’école centrale, [1936].
133 SIBLOT Yasmine, « Ouvriérisme et posture scolaire... », op. cit., p. 168.
134 TARTAKOWSKY Danielle, « Un instrument de culture politique : les premières écoles centrales du Parti communiste français », Le Mouvement social, n° 91, avril-juin 1975, p. 79-108.
135 RGASPI 495/270/5531, autobiographie de Clément Lavergne, 1938.
136 Cette dernière concerne 25 élèves. PESCHANSKI Denis (dir.), Marcel Cachin. Carnets..., op. cit., p. 353.
137 VIGREUX Jean, Waldeck Rochet..., op. cit., p. 72.
138 RGASPI 517/1/1732, feuillets 72 et 73. Voir annexe n° 8.
139 RGASPI 517/1/1806, feuillet 6, Travaux pratiques faits par les élèves de l’école paysanne [1936].
140 VIGREUX Jean, La faucille après le marteau..., op. cit., p. 266.
141 RGASPI 495/270/4281, autobiographie de Francis/Pierre Marzin du 4 février 1937.
142 RGASPI 517/1/1732, feuillet 74, Candidatures pour école paysanne du 25 novembre au 7 décembre 1935.
143 RGASPI 517/1/1747, feuillet 277, Comité du 10 novembre 1935 de la région Troyenne.
144 RGASPI 517/1/1863, feuillet 80, Conférence de la région Aube Haute-Marne, 4 et 5 décembre 1937.
145 RGASPI 517/1/1714, Conférence du PCF avec les secrétaires régionaux, 10 août 1935.
146 RGASPI 517/1/1806, feuillet 4, Appréciation individuelle des élèves suivant leur classement [1936].
147 RGASPI 517/1/1732, feuillets 61 à 66, Rapport sur l’école centrale du Parti, octobre 1935.
148 PENNETIER Claude et PUDAL Bernard, Le souffle..., op. cit., p. 179.
149 STUDER Brigitte, « L’être perfectible. La formation du cadre stalinien par le “travail sur soi” », Genèses, n° 51, juin 2003, p. 93.
150 RGASPI 517/1/1111, Secrétariat du PCF, Rapport sur l’envoi des élèves du contingent 1931 et Rapport sur le recrutement des élèves du PCF pour les cours de 9 mois de l’ÉLI. Année scolaire 1930-1931.
151 Figurent en annexe n° 10 les remarques établies sur Paul Billat lors de sa sélection pour l’ÉLI (1931).
152 RGASPI 531/1/174a, feuillet 9, Plan général de l’école française de trois mois.
153 WOLIKOW Serge et VIGREUX Jean, « L’école léniniste internationale de Moscou : une pépinière de cadres communistes », Les Cahiers d’histoire, n° 79, 2000, p. 51.
154 MOLINIER Louis, Un militant..., op. cit., p. 67.
155 RGASPI 495/270/8649, dossier biographique de Robert Jolly.
156 BOULOUQUE Sylvain, L’affaire de l’Humanité..., op. cit., p. 113.
157 RGASPI 517/1/1111, dossier biographique de Paul Billat.
158 WOLIKOW Serge, L’Internationale communiste..., op. cit., p. 229.
159 L’usage d’un pseudonyme marque durablement certains militants. Ainsi Charles Lahousse, dans la Résistance, prend comme pseudonyme le même que celui reçu à l’ÉLI : Clément.
160 BOULOUQUE Sylvain, L’affaire de l’Humanité..., op. cit., p. 106-122. L’Intérieur, Charleville, le 18 juin 1932.
161 RGASPI 495/270/4957, autobiographie de Charles Lahousse, 29 septembre 1935.
162 MAZUY Rachel, Croire plutôt que voir ? Voyages en Russie soviétique (1919-1939), Odile Jacob, 2002.
163 STUDER Brigitte, « L’être perfectible. La formation du cadre stalinien par le “travail sur soi” », Genèses, n° 51, juin 2003, p. 98.
164 Témoignage cité dans PENNETIER Claude et PUDAL Bernard, Le souffle..., op. cit., p. 183.
165 Voir en annexe n° 9 le schéma des cours d’histoire de l’IC et d’histoire du PCF.
166 RGASPI 517/531/174a, feuillets 1 et 2, Plan de travail pour les cinq élèves de l’École léniniste destinés à être instructeurs du CC.
167 STUDER Brigitte, « L’être perfectible. La formation du cadre stalinien par le “travail sur soi” », Genèses, n° 51, juin 2003, p. 110.
168 Témoignages d’Henri Barbé rapporté par Branco Lazitch, et d’André Moine. Cités dans VIGREUX Jean, Waldeck Rochet, une biographie politique, Paris, La Dispute, p. 38.
169 RGASPI 495/270/1832, note au dossier biographique de Sylvan Péronnet, n-d [1932].
170 Notice Maitron de Charles Lahousse, par Jean Suret-Canale.
171 STUDER Brigitte, « L’être perfectible. La formation du cadre stalinien par le “travail sur soi” », Genèses, n° 51, juin 2003, p. 101 et 111.
172 PUDAL Bernard, Prendre parti..., op. cit., p. 172.
173 RGASPI 495/270/817, autobiographie d’Émile Galatry, 5 janvier 1938. Nous avons respecté l’orthographe originale.
174 Notice Maitron de Robert Jolly, op. cit.
175 Notice Maitron de Roger Roby dit « Louis Régor », par Claude Pennetier.
176 GILLOT Auguste, Un Forgeron dans la cité des rois, Longjumeau-Paris, Halles de Paris, 1986 et Un Forgeron dans la cité des rois, Dourdan-Longjumeau-Saint-Denis, 1991.
177 MIOCH Philomen, Les tribulations d’un ouvrier agricole, Nîmes, 1984, p. 110.
178 Ibid., p. 111. Contrairement à bon nombre de militants, Mioch donne un témoignage assez développé sur son séjour en URSS.
179 WOLIKOW Serge et VIGREUX Jean, « L’école léniniste internationale... », op. cit., p. 54.
180 LOACH Ken, Le vent se lève, 2006, 127 min.
181 Lire notamment WOLIKOW Serge, « Militants et dirigeants communistes face à l’emprisonnement politique », in DREYFUS Michel, PENNETIER Claude et VIET-DEPAULE Nathalie (dir.), La part des militants, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 1996, p. 105-117.
182 GACON Stéphane, L’amnistie de la Commune à la guerre d’Algérie, Paris, Seuil, 2002, p. 114 ; Pour une vue d’ensemble BECKER Jean-Jacques et BERSTEIN Serge, Histoire de l’anticommunisme..., op. cit.
183 Ne sont pas comptabilisés ici les militants arrêtés et condamnés en août et septembre 1939. Ils sont évoqués dans le chapitre 6.
184 Sur ces affaires lire MONIER Frédéric, Le complot dans la République. Stratégies du secret de Boulanger à la Cagoule, Paris, La Découverte, 1998.
185 MONIER Frédéric, Le complot..., op. cit., p. 105.
186 GACON, L’amnistie..., op. cit., p. 114.
187 FAJON Étienne, Ma vie..., op. cit., p. 52-54.
188 MONIER Frédéric, Le complot..., op. cit, tout particulièrement le chapitre 8 : « L’impossible “décomposition” du parti communiste », p. 213-230. Et BECKER J.-J. et BERSTEIN S., op. cit., p. 213-214.
189 WOLIKOW Serge, « Militants et dirigeants communistes... », op. cit., p. 111.
190 FRANÇOIS David, La violence dans le discours et les pratiques du PCF de 1920 à la Seconde Guerre mondiale, thèse de doctorat, Université de Bourgogne, 2012.
191 WOLIKOW Serge, « Militants et dirigeants communistes... », op. cit., p. 110.
192 THOREZ Maurice, Fils du peuple, op. cit, p. 61.
193 BECKER Jean-Jacques et BERSTEIN Serge, Histoire de l’anticommunisme..., op. cit., p. 205.
194 WOLIKOW Serge, Les prisonniers politiques communistes en France 1920-1939, Université de Bourgogne, 8 avril 1992, séminaire « Crime et criminalité », dirigé par Benoît Garnot, cité dans VIGREUX Jean, Waldeck Rochet..., op. cit., p. 31. Les concours des Gueules de Vaches (GDV) dénoncent les officiers et sous-officiers se livrant à des brimades ou maltraitances sur les conscrits.
195 BECKER J.-J. et BERSTEIN S., op. cit., p. 214.
196 Sur les six « illégaux » de notre corpus, trois militants n’étaient pas permanents avant leur passage dans la clandestinité.
197 Auxquels on pourrait ajouter Édouard Meyer qui passa quelques semaines dans l’illégalité en 1932 avant un procès qui le condamna à de la prison avec sursis.
198 Une thèse est en préparation sur cette organisation : LAHU Corentin, Lutter contre la répression et organiser la solidarité ouvrière : du Secours Rouge International au Secours Populaire (1923-1945), Université Bourgogne Franche-Comté.
199 RGASPI 495/270/80, autobiographie de François Billoux.
200 RGASPI 495/270/8641, autobiographie d’Émile Drouillas, 1937 ; ROQUIER-DROUILLAS Jeanne et THOUANEL-DROUILLAS Renée, Émile Drouillas dit Laporte, militant ouvrier, 1978, p. 28.
201 RGASPI 495/270/2686, autobiographie d’Yves Cuvilliers, 23 décembre 1937.
202 GACON Stéphane, L’amnistie..., op. cit., p. 113.
203 Sur cet aspect lire VIMONT Jean-claude, La prison politique en France. Genèse d’un mode d’incarcération spécifique. XVIIIe-XXe siècles, Anthropos, 1993.
204 Fils du peuple, op. cit., p. 64.
205 Ibid., p. 66.
206 Notice Maitron, par Yves le Maner.
207 RGASPI 495/270/4326, autobiographie d’Étienne Néron, 15 janvier 1937.
208 RGASPI 495/270/1054, autobiographie de Marius/Joseph Navoizat, 6 mai 1937.
209 RGASPI 495/270/663, autobiographie de A. Caresmel, 22 mars 1935.
210 RGASPI 495/270/1832, autobiographie de Sylvan Péronnet.
211 RGASPI 495/270/663, autobiographie de A. Caresmel, 22 mars 1935.
212 VIGREUX Jean, Waldeck Rochet..., op. cit., p. 29.
213 BRB1430, « Arrachons Carré au bagne de Méchéria », Publications du SRI, 1932.
214 Fils du peuple, op. cit., p. 73.
215 RGASPI 495/270/1054, autobiographie de M. Navoizat, 6 mai 1937.
216 Fils du peuple, op. cit., p. 62.
217 Même en cette période de recherche de respectabilité qu’est la période du Front populaire, les passages en prison continuent de figurer dans les professions de foi des militants communistes.
218 CHANFRAULT-DUCHET Marie-François, « Père, Parti et parti pris narratif : Maurice Thorez, Paul Thorez », in LEJEUNE Philippe (dir.), « Le récit d’enfance en question », Cahiers de sémiologie textuelle, n° 12, Université Paris X, 1998, p. 105, cité dans SIROT Stéphane, Maurice Thorez, PFNSP, 2000, p. 22.
219 Comme l’écrit KRIEGEL Annie, Les communistes..., op. cit., p. 131-132.
220 CODACIONNI Vanessa, Punir les opposants. PCF et procès politiques (1947-1962), Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 41.
221 MONIER Frédéric, « La République des communistes », in DUCLERT Vincent et PROCHASSON Christophe (dir.), Dictionnaire critique de la République, Paris, Flammarion, 2002, p. 321.
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