Chapitre 14
Théâtre et controverses : un dispositif d’apprentissage à la communication scientifique
p. 357-370
Texte intégral
« L’opération de la science, comme celle de l’art, est une dissection infinie qui n’atteint jamais son terme. C’est dans cette absence d’œuvre permanente qu’est la tension de la recherche »,
Nicolas Bouchaud1
Analyse de controverse et formation par le théâtre
1Les controverses scientifiques sont devenues un des thèmes majeurs d’une histoire et d’une sociologie attentives à la complexité des événements et des interactions culturelles, sociales et politiques qui participent à la vie des sciences. Il est normal qu’elles inspirent à leur tour une manière de mettre en culture les sciences au théâtre. Elles ont toutefois toujours été un ressort des œuvres à thème scientifique, comme celles sur Galilée au xixe siècle. Chez Molière même, dans Le Malade imaginaire par exemple, les échanges entre les « circulateurs » et les « anti-circulateurs » sont objets de controverses. La notion s’est cependant densifiée et ses modes d’approche diversifiés. Parallèlement à cette évolution, l’enseignement des sciences en société a lui-même intégré de manière croissante les « jeux sérieux » (à la place de la traditionnelle approche par résolution de problème) pour développer la réflexion sur les savoirs qui interviennent dans des situations complexes où se mêlent connaissances scientifiques robustes et enjeux sociétaux2.
2Les réflexions relatives aux relations entre science et théâtre sont ainsi devenues courantes. Le nombre de publications qui leur sont consacrées, est cependant encore limité. Il ne reflète pas la part croissante des expériences qui associent chercheurs, enseignants, artistes et aussi, souvent, étudiants3. Le spectacle des sciences est pourtant dès le xviie siècle un des ressorts principaux de l’enseignement, de la publicisation et de la vulgarisation des sciences expérimentales, pour employer des termes qui ne lui étaient pas contemporains. Si la démonstration expérimentale reste le cœur de la médiation et une approche classique/traditionnelle du spectacle scientifique dans les centres de sciences (comme au palais de la Découverte), l’aventure personnelle des héros scientifiques a aussi nourri quantité de scénarios, comme lors de certaines expositions à la Cité des sciences et de l’industrie4. « Les savants et la Révolution » en 1989 – exposition temporaire animée par des comédiens –, est un excellent exemple, exposition-spectacle où le rôle des savants de l’époque est joliment mis en scène5.
3Nous voudrions rendre compte ici d’un dispositif de formation professionnelle, d’une expérience pédagogique réservant une place centrale aux intrications des savoirs scientifiques et de la société. Si sa genèse date de la fin du siècle dernier (1997 à l’université Paris 7 plus précisément), nous focalisons plus particulièrement notre propos sur les expériences datant de 2007 jusqu’à aujourd’hui parce qu’elles ont comme point d’appui commun et plus explicite la question des controverses sociotechniques6. Partie intégrante du master « Audiovisuel, journalisme et communication scientifiques » de l’université Paris-Cité, elle s’appuie sur la théâtralisation de controverses. Pour les futurs professionnels de la médiation ou journalistes scientifiques que nous formons, les controverses sont en effet une source d’intérêt majeure. Il ne s’agit pas simplement d’étudier un objet de science, mais de voir en quoi cet objet, qui peut être un ensemble de résultats scientifiques, est discutable. Concernant les controverses historiques, ou fermées, bien qu’avec le temps la controverse ait été tranchée, cela n’empêche pas de se replacer dans le contexte historique et de rejouer les débats scientifiques de l’époque. Par exemple, dans la controverse qui opposa Camillo Golgi et Santiago Ramón y Cajal sur la structure du cerveau : Cajal avait raison, ce sont bien des réseaux de neurones (cellules individuelles) qui constituent le cerveau, et non pas un syncytium comme le proposait Golgi7. La démarche a pour objectif de développer une conscience à la fois réflexive et collective de la complexité de la recherche et de la vie sociale des faits scientifiques.
Un atelier pour associer sciences et théâtre : méthode et déroulé
4L’intention première n’est évidemment pas de transformer les élèves en comédiens, mais de leur permettre de travailler ensemble, pendant un temps particulièrement court, environ cinq semaines, en regard d’un objectif pédagogique précis : présenter devant un public, depuis une scène de théâtre et sous la forme d’une création originale, le résultat de leur analyse d’une controverse et partager leurs réflexions lors du débat qui suit, éprouvant de cette façon une pratique de médiation des sciences et de la société.
5Les étudiants de première année commencent leur formation début septembre par une unité d’enseignement intitulée « Initiation aux controverses scientifiques8 ». Détenteurs a minima d’une licence, le plus souvent de sciences, il n’est pas rare d’accueillir des étudiants ayant déjà validé un master, voire un doctorat. Ils viennent d’horizons variés et forment ainsi chaque année un groupe hétérogène de douze à quinze étudiants.
6Le déroulement de l’atelier lui-même est court, relativement à l’exercice : trois séances de six heures par semaine pendant cinq semaines, et deux jours de répétition au théâtre. Volontairement, aucun cours n’est dispensé durant cette période et aucune bibliographie n’est fournie. Les étudiants n’ont, comme seule directive pour commencer l’atelier, que son organisation générale et l’exploration documentaire du thème imposé. L’exercice se déroule suivant trois principales étapes : se documenter pour délimiter les cadres de la controverse, créer et mettre en scène la pièce, la présenter face au public et assurer collectivement un retour d’expérience que cet exercice de médiation procure.
7Au bout de cinq semaines, les étudiants se connaissent bien. Ils ont travaillé ensemble, se sont « jetés à l’eau », aussi bien pour la partie intellectuelle que pour les exercices et les jeux liés à la formation théâtrale. Ils acquièrent liberté et confiance individuelle au sein du groupe. Il n’est pas inutile de préciser que cette étape demande la plus grande bienveillance de la part des encadrants. Les propositions sont écoutées et appréciées, critiquées s’il le faut, mais toujours avec le souci de valoriser la parole et le travail produit. Outre la formation d’un groupe enthousiaste et soudé, dont les liens perdurent au moins pendant les deux années d’enseignement, l’atelier procure des compétences et des contenus de savoirs importants : procéder à des recherches documentaires, repérer les données scientifiques solides au milieu de résultats douteux, voire faux, être capable de se forger une idée plus concrète de la complexité de la science et d’aiguiser son esprit critique.
Délimiter les cadres de la controverse
8Le sujet de la controverse est imposé, circonscrit à un domaine large ou restreint. Il peut s’agir d’étudier une controverse scientifique fermée, dont les tenants et les aboutissants sont clairement établis, ou, le plus souvent, une controverse ouverte (actuelle) correspondant à un thème à l’origine de controverses scientifiques et sociotechniques non résolues, faisant encore l’objet de débats et de disputes entre scientifiques et au niveau sociétal.
9Au cours de cette première phase de réalisation, les étudiants vont eux-mêmes collecter les articles scientifiques et les documents relatifs au sujet. Cela les incite, à partir de mots clés, à rechercher et à différencier les sources : articles scientifiques, revues, textes de vulgarisation. Sources dont ils doivent préciser la nature et le statut lorsqu’ils présentent le contenu d’une publication en séance. Quelle est la nature de la publication ? De quand date-t-elle ? Qui la signe ? Est-ce que d’autres publications contredisent ces résultats ? Ces appréciations critiques discutées plus tard dans d’autres unités d’enseignement sont essentielles pour des jeunes gens qui se destinent aux métiers de la vulgarisation scientifique. L’ensemble est présenté au groupe. Il s’agit alors, à partir de ces ressources abondantes, de discuter de leur intérêt et de repérer les points saillants de la controverse. Ainsi, certains thèmes disparaissent au cours des échanges, d’autres perdurent et sont approfondis. Une proposition peut être reprise par d’autres qui présentent à leur tour des résultats complémentaires, voire contradictoires, lors d’une prochaine séance. Cette première partie du travail est essentielle, car chacun défend la pertinence de ses sources et de ses arguments au cours d’une négociation collective sur le sens des savoirs sélectionnés et leur robustesse. Elle permet également de mettre en question les acquis des encadrants. Eux-mêmes prennent connaissance d’éléments nouveaux apportés par les étudiants qu’ils questionnent et approfondissent avec eux.
Créer, jouer, débattre
10Une deuxième étape consiste à imaginer des personnages incarnant une position particulière et argumentée par rapport à une ou plusieurs controverses. Les propositions sont à ce stade extrêmement variées. Les liens potentiels entre ces personnages sont alors exploités. Les étudiants écrivent des dialogues et relient entre elles les scènes. Ainsi surgit, d’une façon non anticipée, et assez tard dans le déroulé de l’exercice, une histoire, un récit, une dramaturgie. Des répétitions et des improvisations sur la base de ces scènes écrites permettent la consolidation d’un cadre narratif, d’un fil directeur. Des allers et retours entre le texte et le jeu d’improvisation sur scène le rendent progressivement plus concret et plus intéressant.
11Les séances de travail ont lieu dans les locaux universitaires, dans une salle suffisamment spacieuse pour être adaptée aux exercices de théâtre. Les dernières répétitions et la représentation se font dans une salle de théâtre, pour une raison simple : la scène, les éléments sonores (bande-son) et visuels (plan de feu) ajoutent à la motivation des étudiants comédiens et à la qualité de la pièce. Il est difficile de notre point de vue d’imaginer une restitution ailleurs que sur la scène d’un théâtre, ou du moins, comme le réfectoire des Cordeliers, dans un lieu « transformé » en salle de théâtre9. Cela impressionne de jouer dans une « vraie » salle de théâtre, mais la motivation, les émotions et les souvenirs n’en sont que plus forts et plus durables.
12Chaque année, en milieu d’exercice (après environ trois semaines) s’installe une période de doute, de « flottement », qui inquiète la plupart des étudiants. Cet aspect est flagrant quand on les observe. Il devient évident lorsqu’ils viennent nous questionner et qu’ils expriment leurs craintes. Cette période est systématique, et probablement importante pour remotiver étudiants et encadrants jusqu’à la représentation ! De fait, la troisième phase (une à deux semaines) est particulièrement intense. Chacun réalise qu’il est engagé dans un processus irréversible et il est important de redire que la réussite du projet dépend de l’engagement individuel au sein du collectif.
13Les dernières répétitions, les réglages techniques, les précisions pour les entrées et les sorties, les déplacements ont lieu dans l’espace de jeu, deux jours en amont de la représentation. Au cours de cette dernière étape, qui intrigue et stimule, se crée la tension qui les conduit au soir de la représentation, qui chaque année a lieu devant une centaine de personnes. La représentation, malgré ses défauts, est toujours très au-dessus des dernières répétitions. Les corps se sont libérés un peu plus, les étudiants osent davantage, et les émotions produites et ressenties sont plus fortes.
14Quelques jours plus tard, un retour d’expérience est assuré sous la forme d’une expression libre et enregistrée.
Partager collectivement un retour d’expérience
15Après chaque représentation, un focus group est organisé et chacun est invité à s’exprimer sur l’expérience vécue. La parole est libre. Les entretiens montrent à quel point les étudiants sont eux-mêmes surpris par leur propre implication.
16Parmi de nombreux exemples :
Ça m’a apporté énormément je trouve, que ce soit pour regarder les autres en face, ce qui n’est pas forcément mon point fort, j’ai pas mal de mal dans le relationnel avec les autres, donc ça m’a apporté énormément, ensuite ça m’a apporté une voie (une voix ?), j’ai appris que je pouvais crier ! Ça, je ne savais pas que j’en étais capable, et puis émotionnellement, ça m’a mis dans un état d’empathie avec le personnage, ça m’a un peu ouvert l’esprit, et peut-être incité à aller voir un peu plus loin comment raisonnent les gens. Ça m’a permis de développer ce côté empathique. Et comme vous l’avez tous dit au niveau de la cohésion du groupe, je pense qu’on a énormément appris les uns sur les autres.
17En quoi cet atelier est cependant intéressant pour de futurs communicants et journalistes scientifiques ? Il n’est nullement demandé aux étudiants de suivre une formation théâtrale et il est parfois difficile de les convaincre du bien-fondé de cet atelier. Dès le début des séances, des exercices basés sur un enseignement de techniques théâtrales sont proposés. Quelques-uns y sont réticents. L’objectif est justement de leur permettre d’acquérir suffisamment de confiance et de les inviter à renoncer à tout vouloir contrôler pour les conduire vers l’interprétation et la scène. Ces exercices sont par ailleurs très importants en vue d’une intégration réussie au groupe. Ils contribuent pleinement à sa cohésion.
18Perplexes ou parfois réticents face à l’idée de faire du théâtre, et ne voyant pas a priori le lien pour la réflexion sur les controverses scientifiques, ils adhèrent avec enthousiasme, et sont d’autant plus enclins à développer un questionnement réflexif sur ce qui s’est passé pendant l’atelier. La surprise vient notamment de l’originalité et de l’intérêt des personnages créés par eux et qu’ils incarnent. Ils s’avèrent également très sensibles à leur propre gestion de la complexité du matériau qu’ils découvrent. Enfin, l’exigence de présenter la pièce devant un public les rend très attentifs aux enjeux véritables de la culture et de la communication scientifiques et, notamment, à la réalité de ce public qui lui-même prend corps et participe à cette expérience.
19De façon systématique, les étudiants réalisent la pertinence de l’exercice quant à sa capacité à fédérer un groupe de travail, une équipe en apprentissage. Chacun s’exprime, chacun écoute, et cela contrebalance leurs frustrations quant aux possibilités d’investir plus à fond une question ou une problématique, mais le temps est compté ! L’éventualité pour chacun de pouvoir retravailler le texte jusqu’au dernier jour fait volontairement partie du travail.
20Sur le plan plus personnel, les retours sont aussi très positifs. Les étudiants se remettent en question au cours de l’exercice, apprennent des autres10. Créer un personnage et le mettre en relation avec d’autres est une étape difficile et réjouissante, qui fait appel à l’imagination et à la créativité. Les aspects théâtraux proprement dits ont sollicité moins de remarques. De manière générale, les étudiants oublient le plus souvent la scénographie, la mise en scène, ou les aspects techniques, qui sont le travail des encadrants, pour se concentrer sur leur personnage et sur le jeu. Enfin, sur le plan scientifique, les avis sont partagés : « Trop de thèmes pour éviter la superficialité », mais aussi « J’ai appris énormément de choses, pas seulement des recherches que j’ai faites, mais aussi de tout ce qu’on a pu dire ensemble ». La frustration de certains à l’endroit des arguments scientifiques est pondérée parce qu’ils réalisent la quantité de travail qui aurait été nécessaire pour parvenir à une démonstration plus exacte et complète. Ce constat est inhérent à la nature des sujets proposés ; il est plus difficile d’investir un thème très large que de s’attaquer à une controverse précise, historique ou non. Les étudiants mentionnent à juste titre la difficulté de cerner une controverse pour des sujets aussi vastes.
Les vertus de la scène théâtrale : émotion et raison
21Pour les controverses ouvertes, a fortiori sur des thèmes aussi larges que la majorité des thèmes proposés depuis quatorze ans, il faut laisser le citoyen, le citoyen-lecteur ou le citoyen-spectateur (à moins que ce ne soit le contraire : le lecteur-citoyen et le spectateur-citoyen) se faire sa propre opinion. Pour le spectateur, s’il est intéressé, ou frustré, ou mécontent, et que d’une façon générale la présentation produit un effet sur lui, il cherche lui-même d’autres arguments, et se rend compte progressivement de la complexité de la question. Dans un programme de recherche mené en 2009, non publié, nous avons comparé l’impact d’une représentation théâtrale d’une controverse scientifique portant sur les biothérapies (spectateurs), d’une conférence accessible au grand public par un spécialiste du sujet (auditeurs) et d’une lecture d’un article scientifique de vulgarisation (lecteurs). À partir d’un public homogène, d’étudiants d’un même cursus universitaire, nous avons enregistré leurs propos au cours de trois focus groups. Nous n’avons pas quantifié les résultats, mais le vocabulaire utilisé par les spectateurs de la pièce montre comment ils sont touchés par une histoire, et comment à travers cette histoire, ils perçoivent certains enjeux liés à la thérapie génique. Un nombre croissant de débats sur les grandes questions scientifiques, éthiques et sociotechniques se déroule aujourd’hui. La scène théâtrale est l’un des moyens, à petite échelle, de répertorier, de comprendre et de diffuser les questions liées à ces enjeux11.
22L’opérativité du théâtre, c’est de donner vie au savoir, permettant de sensibiliser les publics aux sciences et au monde de la recherche. Le théâtre peut être alors un « outil de communication », à même de susciter le goût des sciences, ou simplement l’envie d’intervenir. À l’issue d’une représentation théâtrale, lorsqu’on laisse la place et le temps à un échange avec les spectateurs, la parole est prise avec facilité. Ils prennent plaisir à commenter ou poser une question. Jean-Marc Lévy-Leblond précise qu’il ne croit pas aux collaborations, qu’il croit aux rencontres. « La science et l’art ne sont pas des voies parallèles. Elles sont au contraire parfaitement orthogonales. De temps en temps, aux carrefours, peuvent se dérouler de brèves rencontres, intéressantes justement parce qu’elles sont brèves12. » Parce qu’ils ne sont ni un public littéraire ni vraiment un « grand public », le débat qui suit la pièce entre ces spectateurs « particuliers » et les étudiants a un rôle très important. Les enjeux scientifiques mis en scène les font réagir, et la qualité de leurs interventions est souvent pertinente, aussi bien sur le sujet scientifique abordé que sur la qualité de ce qu’ils viennent de voir et d’entendre. Il faut parfois mettre fin au débat alors que d’autres interventions seraient encore possibles !
23En conclusion, les représentations théâtralisées de controverses scientifiques se situent au carrefour de plusieurs expériences. Il s’agit de traiter un sujet controversé en recherchant les contradictions et les contradicteurs, de présenter ces arguments sur une scène théâtrale, en racontant une histoire. « Le théâtre de sciences est donc un théâtre qui évoque la manière dont les hommes organisent leur connaissance scientifique du monde, sur le plan de la pensée et de l’affect, de manière individuelle comme dans les rapports avec la société. […] Le théâtre de sciences rend visible le débat d’idées que déclenche l’avancée de la recherche en sciences13. » « Le spectacle vivant est susceptible de proposer, à l’éducation et à la culture scientifiques et techniques, des objectifs originaux par rapport aux autres formes qu’elles peuvent prendre », à condition d’avoir plutôt comme objectif de « donner l’envie de savoir plutôt que de vouloir transmettre le savoir lui-même14 ». Le spectacle vivant provoque des réactions parmi le public grâce à la dramatisation des propos, alors que l’argument scientifique seul a du mal à y parvenir. Le « cours dramatisé » a plus d’impact que le « cours professé » parce qu’on se souvient, de différentes manières, du contexte émotionnel avec lequel un personnage a défendu un point de vue ou un argument, assez peu de la nature et de l’enchaînement de résultats scientifiques bruts.
24Ces approches par le théâtre, pour les jeunes et les moins jeunes, demeurent un enjeu contemporain majeur pour une fertilisation croisée des cultures scientifiques en vue de leur appropriation citoyenne. Cette dernière est d’autant plus nécessaire dans une période de foisonnement technologique et de multiplication des controverses sociotechniques. Par-delà les contraintes politiques et économiques fortes auxquelles est toujours plus soumise la production des savoirs scientifiques, il s’agit de former celles et ceux qui devront œuvrer à la réconciliation des sciences et de la société afin de dépasser l’atmosphère délétère de défiance à laquelle elle est aujourd’hui de plus en plus soumise.
Notes de bas de page
1 N. Bouchaud, Sauver le moment, Arles, Actes Sud, 2021, p. 64.
2 H. Michel, P. McNamara, « Serious games : faites vos jeux ! », Systèmes d’information et management, 19, 2014, p. 3‑8.
3 D. Raichvarg, « Science en scène, réactions en chaîne », Alliage, 44, 2000, p. 96 ; Valmer, « Convoquer la science au théâtre », art. cité, p. 11‑16 ; N. Aboudarham, Le Burlesque au théâtre, Montpellier, L’entretemps, 2015.
4 D. Botbol, M. Girard, D. Chollet, « 30 ans de production d’expositions à la Cité des sciences et de l’industrie », Lettre de l’OCIM, 171, 2017, p. 5‑14.
5 Compagnie Alain Germain, Les Savants et la Révolution (https://alaingermain.com/les-savants-et-la-revolution/#, consulté le 6 décembre 2022).
6 Voir le titre des pièces, des thèmes, les noms des encadrants et les lieux de représentation entre 2007 et 2022 sur le site : https://sciences-medias.fr/blogs/historique-des-controverses-scientifiques-theatralisees-2007-2022/ (consulté le 17 février 2023).
7 J.-G. Barbara, « La controverse Cajal-Golgi : Stockholm, 1906 », Morphologie, 94, 2009, p. 4‑7.
8 Site Sciences & médias : https://sciences-medias.fr/blogs/master/programme-m1/ (consulté le 6 décembre 2022).
9 Les représentations ont eu lieu entre 2008 et 2014 au réfectoire des Cordeliers (rue de l’École-de-Médecine, à Paris). Chaque fois, une scène modulable, des projecteurs et une régie mobiles y étaient montés dans l’urgence !
10 Citons cette jolie réaction d’un étudiant plutôt introverti, mais brillant : « J’ai appris à écouter les autres ! »
11 Tout en restant « modeste et sérieux », comme le suggère Jean-Marc Lévy-Leblond.
12 J.-M. Lévy-Leblond, cité dans http://www.paulbraffort.net/litterature/critique/autrement.html (consulté le 6 décembre 2022).
13 Valmer, Le Théâtre de sciences, op. cit.
14 Raichvarg, Science et spectacle…, op. cit.
Auteur
Biologiste de formation, Frédéric Tournier a dirigé entre 1994 et 2005 une équipe de recherche en biologie cellulaire, et il a soutenu une habilitation à diriger des recherches (HDR) en 2002. En 2008, il rejoint l’équipe « Sciences & médias » à l’université Paris-Diderot (actuellement université Paris-Cité) et assure successivement plusieurs missions universitaires : chargé de mission relations lycées, délégué puis vice-président en charge de la Vie étudiante entre 2010 et 2013. Il a suivi une formation de comédien à partir de 2002 et il a joué dans une dizaine de pièces du répertoire entre 2003 et 2019. Il anime depuis quinze ans l’atelier d’initiation aux controverses scientifiques du master « Audiovisuel, journalisme et communication scientifiques », dont il est par ailleurs responsable. Il mène actuellement des recherches transversales dans les domaines du théâtre de science et de l’histoire des stations de recherche maritimes françaises.
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