Chapitre 6
Le positivisme et l’imago maternelle
p. 201-232
Texte intégral
1Quand il écrit Les Châtiments en 1853, Victor Hugo semble placer son espérance dans les progrès de la science. Cette foi est très généralement partagée au xixe siècle, et souvent associée au positivisme. Cependant, le positivisme ne correspond pas au scientisme, il se réfère uniquement à la philosophie d’Auguste Comte, dans laquelle la figure maternelle est centrale.
Le positivisme : vers un culte du maternel ?
Auguste Comte et les femmes, toute une histoire
2Auguste Comte est né en 1798 à Montpellier au sein d’une famille catholique et monarchiste. S’il évoque très peu son frère et sa sœur, il semble avoir révéré sa mère. À l’âge de 9 ans, il est placé en internat, puis admis à l’âge de 16 ans à l’École polytechnique à Paris. Il perd la foi lors de ses études, et prend ses distances avec le monarchisme familial. À Paris, il donne des leçons de mathématiques pour subvenir à ses besoins. En 1817, il devient le secrétaire du comte de Saint-Simon. En 1818, il a une liaison avec une femme mariée, Pauline, dont il a une fille, qu’il n’élèvera pas ; puis il se marie avec Caroline Massin, qui se dit blanchisseuse, mais qui pratique la prostitution de façon intermittente pour remédier aux difficultés économiques du ménage. Leur relation évolue de façon désastreuse, jusqu’à la rupture définitive en 1842. À la fin des années 1820, Comte doit être soigné pour une dépression et une tentative de suicide. En 1844, il fait la connaissance de Clotilde de Vaux, dont il tombe éperdument amoureux. Leur relation reste platonique et ne dure qu’un an, puisque la jeune femme est emportée par la tuberculose en 1846. Cet amour et cette « année sans pareille1 » marquent une césure à la fois dans la vie personnelle et dans l’évolution de la pensée de Comte. C’est en 1847 qu’il lance un cours public sur l’évolution de l’humanité, et qu’il se décide à prolonger la philosophie positive en une nouvelle religion de l’Humanité. En 1855, il rédige son testament, dont la première disposition concerne Sophie Thomas (née Bliaux), sa servante, dont il fait sa fille adoptive : il demande à ses exécuteurs testamentaires de lui verser une rente viagère en reconnaissance de « l’incomparable assistance » qu’elle lui a apportée depuis des années. Par contre, Comte veut à tout prix éviter que Caroline Massin hérite de ses biens, et évoque dans le testament le « fatal mariage contracté le 19 février 1825 avec l’indigne femme dont je fus irrévocablement séparé le 5 août 1842, après dix-sept ans d’intimes souffrances2 ». Caroline Massin sera soutenue par Émile Littré dans le litige qui l’oppose aux exécuteurs testamentaires d’Auguste Comte, qui décède d’un cancer en 1857. Il y a donc trois femmes que Comte a révérées au cours de sa vie : sa mère, puis Clotilde de Vaux et enfin Sophie Thomas, qu’il considère comme sa fille. La représentation ternaire et idéale des femmes (la mère, l’épouse, la fille) correspond à l’organisation ternaire de la société positiviste idéale.
Une société idéale ordonnée par la religion de l’Humanité
3La philosophie positiviste élaborée par Auguste Comte évoque généralement la loi des trois états, l’humanité devant, selon lui, passer de l’état théologique, qui correspond au règne de l’imaginaire et du surnaturel, à l’état métaphysique, qui est celui du règne de la rationalisation abstraite, pour enfin passer à l’état positif, où ce sont les lois de la sociologie positiviste qui doivent organiser la société. La société positiviste idéale devrait être divisée en trois ordres. L’ordre théorique inclut les savants, dont la tâche est de découvrir les lois naturelles grâce à la première des sciences, l’histoire. Après avoir découvert ces lois, il serait possible de prévoir l’avenir et d’organiser la société pour l’améliorer. La théorie étant élaborée par les savants, les « chefs des travaux industriels […] auront à organiser le système administratif et à inventer les institutions correspondant à la théorie3 ». Ces chefs dominent l’ordre pratique ou actif. La vie pratique est dominée par la force, dont ne disposeraient pas les femmes. L’ordre affectif est l’ordre de la sociabilité et de l’altruisme, ce dernier terme ayant été forgé par Comte ; il est supérieur aux ordres théorique et pratique, et aboutit à l’amour de l’humanité. Les femmes en sont les éminentes représentantes. C’est la raison pour laquelle c’est une femme âgée d’environ 30 ans, tenant un bébé dans ses bras, qui doit représenter l’Humanité. En 1848, les « dignes » femmes deviennent alors pour Comte l’objet d’un véritable culte : chaque positiviste devra reconnaître que « notre vrai bonheur, tant privé que public, dépend surtout du perfectionnement moral, et que celui-ci résulte principalement de l’influence de la femme sur l’homme, d’abord comme mère, puis comme épouse4 ». Finalement, « à mesure que la vocation féminine sera mieux comprise et plus développée, chaque femme deviendra pour chaque homme la meilleure personnification de l’Humanité5 ». La devise du positivisme est L’amour pour principe, l’ordre pour base et le progrès pour but. Le sentiment de sociabilité connaît dans la philosophie positiviste une évolution également ternaire : il passe de l’amour et de la vénération pour la mère individuelle à l’amour de la patrie (qui devra devenir l’amour de la matrie) puis à l’amour, au culte et à la religion de l’Humanité. C’est le sentiment d’attachement à la mère qui doit donc conduire à l’attachement à la patrie, puis à l’attachement à l’humanité. Le sentiment d’attachement est associé à la reconnaissance de la dette contractée par chaque être humain à l’égard de la mère et de la société, auxquelles l’on doit tout, comme on doit tout aux générations antérieures. L’homme vient au monde débiteur ; il ne pourra jamais rembourser ce qu’il a reçu de sa mère et de l’humanité qui l’a précédé. Il a donc d’abord des devoirs envers ceux et celles dont il a tout reçu. C’est ce sentiment de reconnaissance qui doit l’animer. Cette notion de dette et de sociabilité doit dominer les instincts égoïstes de ce que Comte appelle la « personnalité », et implique que l’ordre de la société est supérieur à l’individu en tant que valeur. Auguste Comte réussit à réunir autour de lui un groupe d’adeptes éclectique, dont le plus connu est Émile Littré, qui découvre les travaux d’Auguste Comte en 1842 et contribue à vulgariser le positivisme dans le quotidien Le National. C’est le caractère méthodique et scientifique de la démarche d’Auguste Comte qui le séduit. Cette découverte constitue pour lui, comme il l’a dit lui-même, le point cardinal de sa vie. Il devient un proche de Comte, dont il diffuse les idées, et publie un premier résumé de la pensée du maître sous le titre Analyse raisonnée du cours de philosophie positive. L’envergure des travaux de Littré et la place éminente qu’il a prise dans les institutions savantes en France donnent au positivisme une capacité d’influer fortement sur l’esprit de l’époque. Des ouvriers, des enseignants, comme le professeur de mathématiques Pierre Laffitte, font également partie des adeptes du positivisme.
La révolution de 1848
4Lors de la révolution de 1848, les positivistes saisissent l’occasion de ce bouleversement politique majeur pour essayer de propager leurs idées et de contribuer au soulèvement. Des ouvriers positivistes participent au mouvement social et propagent leurs idées par différentes publications, dont un Rapport à la Société positiviste, par la commission chargée d’examiner la question du travail signé par « Magnin, ouvrier-menuisier, rapporteur. Jacquemin, ouvrier mécanicien. Belpaume, ouvrier-bottier », publié le 6 juin 1848. Auguste Comte en écrit le préambule dans lequel il récuse la prétention de réorganiser la société à coups de lois et de façon « métaphysique ». Pour lui, il faut régénérer le corps social grâce à une « doctrine universelle » en vue d’une « reconstruction des opinions et des mœurs » qui verra surgir une « nouvelle autorité spirituelle, arbitre naturel des conflits industriels6 ». Avec Pierre Laffitte et les ouvriers positivistes, Comte appelle de ses vœux une consultation universelle avec des discussions, des journaux, des réunions populaires, des penseurs isolés. Émile Littré, lui aussi, est tout d’abord un fervent partisan de la révolution et il accepte la fonction bénévole de conseiller municipal de Paris. Au vu du déroulement des événements, il donne cependant rapidement sa démission, refuse le ruban de la Légion d’honneur qui lui avait été offert et donne son aval à la répression contre l’insurrection de juin 1848. Après les massacres qui s’en sont ensuivis, il publie avec Pierre Laffitte et Fabien Magnin un rapport7 préfacé par Auguste Comte, sur la couverture duquel est inscrit le slogan positiviste République occidentale, Ordre et Progrès. Il est daté du 2 août 1848 et de la soixantième année de la grande révolution, et signé par « Littré, membre de l’Institut et du Conseil Municipal de Paris, rapporteur. Magnin, ouvrier-menuisier. Laffitte, professeur de mathématiques ». Dans cet opuscule de trente-trois pages, les trois auteurs et le préfacier constatent l’échec immédiat et à court terme de la Révolution française. Comte affirme dans la préface que la politique qu’il appelle de ses vœux doit écarter « les constructions abstraites », et toujours concevoir « l’ordre artificiel comme une sage extension de l’ordre naturel8 ». Comte veut instituer une religion de l’Humanité dont les philosophes doivent être les prêtres. Dans le but de la réforme de la société, ces prêtres de l’Humanité ont un rôle crucial à jouer, mais ils ne peuvent pas avoir de fonction proprement politique : « Les prêtres de l’Humanité ne peuvent aujourd’hui obtenir leur légitime ascendant spirituel que d’après leur renonciation fondamentale à toute autorité temporelle, locale ou centrale. » Il est à noter que François Arago, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, ancien professeur de physique à Polytechnique, élu député du parti républicain en 1831 et président de la Commission exécutive du gouvernement révolutionnaire de 1848, aurait demandé à Comte de jouer un rôle politique actif en février 1848. Comte décline cette proposition, tout en adressant à Littré un courrier d’explication de ce refus afin qu’il assure « une publicité plus étendue9 » à sa réponse orale. Dans ce courrier daté du 27 février 1848, il dit ceci :
J’ai, d’abord, proclamé ma ferme résolution de ne jamais accepter aucune position politique proprement dite […] : je n’ai point hésité à présenter ce solennel engagement comme ne m’étant pas seulement personnel, mais aussi comme commun à tous les philosophes positifs qui veulent désormais vouer sérieusement leur vie au sacerdoce de l’Humanité10.
5Cette lettre est reproduite dans la préface du Discours sur l’ensemble du positivisme. Comte se considère comme un prêtre de l’Humanité qui ne doit pas intervenir directement dans la vie politique. Le refus de Comte a pu également être motivé par sa rancœur vis-à-vis d’Arago, à qui il reproche d’avoir empêché sa nomination de professeur à l’École polytechnique et de l’avoir éliminé de son poste d’examinateur puis de répétiteur11.
La religion de l’Humanité et l’utopie de la Vierge‑Mère
6Auguste Comte souhaite ainsi mettre en place la religion et le culte de l’Humanité, parfois également présentée comme un « Grand-Être ». C’est une entité exclusive, car tous les êtres humains n’en font pas partie. Le Grand-Être suprême n’incorpore en effet que les « morts vraiment dignes », c’est une élite. L’humanité ne comprend pas
tous les hommes, mais ceux-là seuls qui sont réellement assimilables, d’après une vraie coopération à l’existence commune. Quoique tous naissent nécessairement enfants de l’Humanité, tous ne deviennent pas ses serviteurs, et beaucoup restent à l’état parasite qui ne fut excusable que pendant leur éducation12.
7Comte affirme que ces « parasites » ne sont venus au monde que pour « faire du fumier ». Ainsi, pour Comte, ces « producteurs de fumier » ne font vraiment point partie de l’humanité. La religion de l’Humanité est associée à l’utopie de ce qu’il appelle la « Vierge-Mère ». En effet, la vie pulsionnelle, et en particulier la sexualité, doit être réprimée, voire éliminée pour parvenir à une humanité idéale. Il qualifie la sexualité de « domination d’un instinct que notre maturité doit éteindre13 » et de ce qui est le « plus perturbateur de tous nos instincts14 ». Il souhaite que l’humanité se reproduise par parthénogenèse, ou sans fécondation, l’acte sexuel n’étant plus nécessaire, et la femme pouvant se passer de l’homme pour procréer. Comte souhaite associer le culte de la femme à « la fête publique de la Vierge-Mère15 ». Cette utopie est imaginée au moment où l’Église catholique proclame le dogme de l’Immaculée Conception, en 1854. Elle sera plus tard mise en exergue par les positivistes religieux et certains représentants de l’Action française, dont Charles Maurras16. Notons que le clivage vis-à-vis du monde pulsionnel renvoie au clivage de la représentation de l’humanité, qui accueille ses « dignes » représentants, tout en excluant « le fumier » et les « parasites ». Cette utopie et la religion de l’Humanité n’ont cependant pas été acceptées par tous les positivistes, loin de là. En 1852, Émile Littré rompt avec Comte. Il affirme ne pas accepter le « deuxième Comte », celui de la religion de l’Humanité. La rupture entre les deux hommes intervient en 1852, lorsque Comte publie son Système de politique positive et entérine le coup d’État de Bonaparte. Littré condamne le coup d’État de 1851 et la prise du pouvoir par Napoléon III ; de plus, il a pris le parti de Caroline, l’épouse de Comte, dans le conflit qui l’oppose à son mari. Pendant toute la durée de l’Empire, il ne participe pas à la vie politique, et continue ses travaux littéraires et scientifiques grâce auxquels il est considéré comme l’un des principaux savants de l’époque. Littré s’érige en véritable représentant du positivisme.
Le développement du positivisme
8Après la sécession de Littré, le positivisme « complet », ou « orthodoxe », continue à se propager, en France et à l’étranger. En 1851, le disciple prolétaire le plus important est l’ouvrier menuisier Fabien Magnin (1810-1884). D’abord de tendance communiste, il subit à partir de 1843 l’influence d’Auguste Comte. Autodidacte, il enseigne à son tour l’astronomie et la géométrie, tout en restant ouvrier ou contremaître dans divers métiers et fait, parmi les ouvriers, une propagande considérable en faveur du positivisme. Il fonde le Cercle des prolétaires positivistes. Pendant le Second Empire, ce cercle propage la doctrine positiviste, crée des cercles affiliés, à Lyon notamment, organise l’enseignement positiviste populaire, publie des brochures, et noue des liens avec des syndicalistes anglais, tel que le cordonnier George Odger, un des fondateurs de la Première Internationale17. C’est ainsi que Louis Reybaud, qui fait en 1855 une enquête pour le compte de l’Académie des sciences morales et politiques auprès des ouvriers soyeux de Lyon, est surpris d’entendre son interlocuteur lui expliquer que « nous, Monsieur, nous sommes positivistes18 ». Cet ouvrier explique aussi que le culte positiviste est « le seul dont des hommes raisonnables pussent s’accommoder ». Les prolétaires positivistes et religieux associent l’éducation à la religion et au culte de l’Humanité. L’éducation ouvrière doit être plus morale qu’intellectuelle. Quant aux femmes, affirme l’ouvrier positiviste Émile Morlot, elles n’ont pas vraiment besoin d’instruction, car « on procède chez elles à contre-sens des indications de la nature. On exalte ainsi leur vanité et l’on diminue d’autant l’intensité de leurs facultés d’attachement19 ». Certains de ces positivistes prolétaires sont nommés exécuteurs testamentaires d’Auguste Comte.
Les exécuteurs testamentaires d’Auguste Comte
9En 1855, Auguste Comte rédige son testament ; il s’agit d’un document de trente pages, publié en 1884 et réédité en 1896 par ses exécuteurs testamentaires. Il souhaite désigner un successeur à la tête du positivisme, dans la fonction de grand prêtre universel. Il estime que Pierre Laffitte n’en est pas encore capable et décide donc de confier l’exécution de son testament à certains de ses disciples en attendant que Pierre Laffitte devienne ce grand prêtre. Il y a parmi les exécuteurs testamentaires trois médecins, Georges Audiffrent, Antoine Édouard Foleÿ et Jean-François Eugène Robinet, ainsi qu’un banquier, Eugène Deullin, un ingénieur et agriculteur, Auguste Hadery, un professeur de mathématiques, Alexis Papot, un agent de change, Joseph Lonchampt, et l’ouvrier Fabien Magnin. Pierre Laffitte devient le président de l’exécution testamentaire et le directeur intérimaire du positivisme, fonction qu’il occupera en fait pendant plus de quarante ans. Après la mort de Comte, Fabien Magnin devient président perpétuel de la Société positiviste, société que Comte avait créée en 1848 pour être une sorte de cercle de réflexion politique. Dans son testament, Auguste Comte exhorte Napoléon III à « instituer, en temps opportun, la dictature positiviste20 », et nomme à cet effet Magnin comme gouverneur des Finances, Hadery comme gouverneur de l’Intérieur et Deullin comme gouverneur de l’Extérieur. Auguste Comte meurt en 1857 et Pierre Laffitte prend immédiatement les choses en main. Le 30 octobre 1857, il écrit et envoie une circulaire à tous les adhérents du positivisme :
Auguste Comte nous transmet donc [un] noble héritage […] : continuer la constitution commencée d’un nouveau pouvoir spirituel qui, au nom de la religion démontrée, vienne graduellement rétablir en Occident l’ordre intellectuel et moral […]. Il y a, par suite, interrègne dans le sacerdoce de l’Humanité. Les disciples qu’il a le plus spécialement désignés à cet égard, dans son testament, devaient donc pourvoir à organiser un tel interrègne21.
10Les exécuteurs testamentaires présents à Paris ont constitué un comité positiviste, dont Pierre Laffitte est nommé président. Il considère que ses tâches consistent à enseigner, conseiller, consacrer, juger ce qu’il estime être « les fonctions de tout pouvoir spirituel22 ». En 1858, les réunions hebdomadaires de la Société positiviste reprennent dans l’appartement de Comte sous la présidence de Magnin. Pierre Laffitte a d’excellentes relations avec les groupes positivistes anglais, dirigés par Richard Congreve, ex-pasteur. Ce dernier est considéré comme le disciple le plus religieux ; il fonde en 1870 le premier temple de l’Humanité pour lequel il crée un rite de prières, de chants choraux, d’exhortations et de sermons. Laffitte ne le suit pas dans cette voie, puisqu’il pense que le catholicisme satisfait pour l’heure les besoins du cœur et de dévouement, et qu’il n’est pas encore nécessaire de mettre en place un nouveau culte. Cependant, Laffitte soutient Congreve dans ses positions politiques, qui dénoncent le colonialisme (Inde, Irlande), et demandent le respect de la culture chinoise. Fabien Magnin soutient aussi les ouvriers du bâtiment en grève à Londres. Il regrette cependant les préjugés communs aux industriels et aux ouvriers selon lesquels « ils doivent naturellement être en guerre, ayant des intérêts naturellement opposés23 ». Pour lui, il faut que les producteurs collaborent de façon volontaire, afin de résoudre le problème qui a acquis « une ampleur inconnue de tout temps : procurer la plus grande somme de bien-être et de sécurité à toute la famille occidentale d’abord, et graduellement à toute la famille humaine24 ». Il affirme ainsi qu’il faut que « les forts protègent les faibles, dans les époques antérieures par la guerre et maintenant par le travail ». En effet, nous avons vu que, pour Auguste Comte, les industriels devraient remplacer la noblesse et les chevaliers ; ceci implique donc une vision féodale du lien social. Comme le vassal au Moyen Âge, le prolétaire devrait faire vœu de fidélité à son seigneur et travailler pour lui afin qu’il le protège et le nourrisse. Selon cette représentation, ce devoir incombe maintenant à l’homme de guerre moderne, l’industriel. Pour Magnin, cela permettrait à l’ouvrier de nourrir sa femme qui pourra ainsi « créer paisiblement de nouveaux travailleurs, seul, mais précieux produit que nous ne pouvons attendre que d’elle25 ». Magnin reprend aussi à son compte la répartition des tâches et des fonctions de l’ordre positiviste. La femme doit rester au foyer et élever ses enfants, ce qui serait sa seule activité « productrice ». Magnin n’a pas besoin d’insister sur le rôle spirituel de la femme et en particulier de la mère, théorie positiviste dont Congreve est un fervent apôtre. Les prolétaires positivistes sont très présents dans le débat social et participent aussi aux congrès ouvriers qui ont lieu dans les différents pays d’Europe. En 1864 est fondée à Londres la Première Internationale (ou Association internationale des travailleurs) dans un meeting que préside le positiviste anglais E.S. Beesly, ami personnel de Marx26. Beesly est resté « fidèle au positivisme jusqu’à sa mort. Il joua un grand rôle dans le mouvement des Trade Unions27 ». Bruno Gentil, dans son article « La maison d’Auguste Comte, témoin de l’histoire du positivisme28 », considère que la période allant de 1857 à 1870 représente l’âge d’or du positivisme. Il cite Jean-François Robinet se rappelant « l’ardeur de la foi, le désintéressement des inspirations, la sincérité des amitiés » de cette époque. Un schisme s’établit cependant entre le groupe des positivistes religieux et celui des positivistes laïcs, dont Émile Littré est le plus éminent représentant.
Émile Littré : vers un positivisme « laïc »
11Sous le Second Empire, Littré poursuit ses travaux scientifiques et collabore avec de nombreux scientifiques. Il travaille notamment avec le médecin Charles Robin (1821-1885) et commence avec lui la réédition du Dictionnaire de médecine de Pierre-Hubert Nysten qui paraît chez Baillière en 1855. Littré se lie aussi d’amitié avec Grégoire Wyrouboff (1843-1913). Il a été initié au positivisme au lycée russe par les conférences de littérature française d’Edmond Pommier, ami de Littré. Littré fonde avec lui en 1867 la revue La Philosophie positive qui diffusera jusqu’en 1883 les recherches positivistes. Dans son ouvrage Conservation, révolution et positivisme29 publié en 1852, Littré expose sa vision du positivisme. Il utilise lui aussi la métaphore maternelle pour insister sur le sentiment de dette et de reconnaissance que chaque être humain venant au monde doit avoir vis-à-vis des générations précédentes :
Supposez un moment anéanti ce fruit du labeur de tant de siècles, que deviendrions-nous, même avec tous nos moyens d’action perfectionnés ? […] Tout cela nous vient par héritage. […] Maintenant qu’une claire vision de la filiation des choses nous est donnée, il n’est plus possible de recevoir ces enseignements supérieurs, que nous recevons comme un enfant le lait de sa mère30 […] ; et l’Humanité, en nous mettant en communication les uns avec les autres, nous vivants, avec ceux qui ne sont plus, nous soutient, nous parle et nous inspire31.
12Nous avons donc ici l’équivalence métaphorique entre l’humanité qui précède chaque nouveau-né, qui lui prodigue ses enseignements, et la mère qui allaite son enfant. De même, l’humanité qui « nous soutient, nous parle et nous inspire32 » évoque l’image d’une mère qui berce son enfant. Dans son opuscule Application de la philosophie positive au gouvernement des sociétés et en particulier à la crise actuelle33, Littré évoque la condition féminine et les relations entre les hommes et les femmes. Il souligne le fait que « les historiens sagaces ont reconnu que la condition des femmes est, chez les diverses populations humaines, la mesure du progrès social34 ». Comme Auguste Comte, il considère que le « côté intellectuel » et « pratique » est subordonné au « côté affectif » (il ne parle pas d’« ordre ») :
Le côté affectif [sera] mis au-dessus du côté intellectuel, [et] le cœur au-dessus de l’esprit, la sociabilité au-dessus de la personnalité, ce qui est si pleinement et si heureusement conforme à la nature féminine ; l’affection devenant la grande affaire d’une société où l’humanité est l’idéal, et tendant toujours à subordonner comme des serviteurs l’intelligence qui construit les théories et l’activité pratique qui les applique35.
13La conséquence de la prédominance du cœur sur l’esprit permettra de former une opinion publique par l’éducation féminine qui prendra une part considérable « dans la direction des sentiments et des mœurs » sans sortir de la vie de famille36. Ainsi,
on verra refleurir ces sentiments de tendresse et de vénération qui, dans l’âge chevaleresque, ne furent jamais l’apanage que d’une classe très restreinte. De ce fait, sous l’ordre positif, la morale, premier besoin des sociétés, aura pour gardiens et pour organes ce qu’il y a de plus généreux et de plus désintéressé et ce qu’il y a de plus tendre et de plus affectif37.
14Au moment où il parle, les femmes sont selon lui « retenues aux institutions du passé » (la religion catholique) et les hommes « sont entraînés vers les entreprises révolutionnaires ». Il faut les réconcilier. Tout comme Comte, Littré n’envisage pas que la femme puisse participer à la vie politique ou intellectuelle, elle doit rester confinée chez elle, « élever » son mari et ses enfants, qui en retour doivent la respecter et, pour le mari, la nourrir. À partir de ces deux textes de Littré, nous mesurons la similarité de leurs points de vue quant au rôle et à la place de la femme, et en particulier de la mère dans la société. Tous deux utilisent la métaphore maternelle pour figurer l’humanité. Cette conception de la fonction de la femme dans son rôle de mère à qui l’on doit tout, comme on doit tout à l’humanité qui nous a précédés, fonde une conception morale de la société et du lien social. Il a la même vision de l’histoire que Comte ; comme lui, il estime que la révolution de 1789 correspond à la fin d’une société organisée par les rois et les seigneurs et soumise à l’ordre théocratique. La Révolution est passée dans les faits, c’est un acquis sur lequel il ne faut pas revenir. Il est un républicain convaincu, mais un républicain conservateur : il prône la liberté d’expression, mais exige « le maintien de l’ordre matériel avant tout38 ». Cependant, il considère que si le siècle des Lumières avait apporté la liberté de penser, les révolutionnaires auraient envisagé de bâtir la nouvelle société française sur un socle de préjugés métaphysiques ne tenant pas compte de l’histoire. Il estime donc que « pour construire un mouvement républicain, les démocrates avaient besoin d’adopter une méthode qui prenait en compte les faits, une méthode qui soit à la fois empirique et historique – la méthode positiviste39 ». L’avènement de l’esprit positif coïncide avec celui d’une société « enfin consciente d’être organisée en vue non de la guerre, mais de l’exploitation de la nature, de la production ; il n’est plus alors question de gouverner, mais d’administrer, tâche pour laquelle sont évidemment désignés les chefs d’industrie, constituant alors une nouvelle aristocratie40 ». Mais la tâche d’administrer la production n’est qu’une infime partie de la nouvelle organisation de la société à venir, qui doit être subordonnée au nouveau pouvoir moral et spirituel. Littré continue à se préoccuper des questions sociales et du travail, et reste en relation avec des ouvriers. C’est ainsi que, dans le préambule de Ce que c’est que le socialisme, l’ouvrage de Félix Aroux, Émile Littré explique sa vision politique et positiviste de la société. Littré part du postulat de l’inégalité des hommes « en force, en adresse, en santé, en beauté, en longévité, en moralité, en capacité pour les métiers, pour les lettres, pour les arts, pour les sciences41 ». Cependant, « c’est de tels éléments que se forme le tout ». Le rôle de la philosophie positive doit être celui d’une « éducation populaire dont les bases intellectuelles et morales soient les mêmes pour toutes les classes42 ». Il ne veut pas séparer l’éducation intellectuelle de l’éducation morale, qui ne doit pas non plus être une éducation théologique. Un nouveau pouvoir spirituel est donc nécessaire. C’est pourquoi « du langage catholique le terme de pouvoir spirituel a passé dans le langage de l’école positive43 ». La tâche du positivisme est de démontrer expérimentalement que les lois naturelles qui régissent l’univers doivent se substituer aux « doctrines mystiques et idéalistes ». Avec la philosophie positiviste, « l’amour de l’humanité s’épanouit comme sur son sol naturel. De sorte que le positivisme est, comme le paganisme et le christianisme, un phénomène moral. […] À l’antagonisme des hommes et des États et à l’anarchie morale et intellectuelle des esprits, succèdera l’harmonie humaine inspirée par l’unité scientifique44 ». Dans son préambule, Littré affirme aussi qu’il veut convaincre ses contemporains « par la liberté, par la discussion, par les réunions, par la presse, par les parlements45 ».
Les opposants républicains à l’Empire et le positivisme
Ferry, un positiviste orthodoxe ?
15Jules Ferry est né le 5 avril 1832 à Saint-Dié, dans les Vosges. Son grand-père et son père sont des notables, Ferry appartient à la bourgeoisie patriote et républicaine de l’Est46. Ses parents lui donnent une éducation classique, libérale et agnostique. Installé à Paris avec sa famille en 1850, il complète sa formation de juriste et est inscrit au barreau en 1851. Devenu secrétaire de la Conférence des avocats, il se fait remarquer en 1855 par un discours intitulé De l’influence des idées philosophiques sur le barreau au xviiie siècle, où s’expriment ses idées républicaines. Il continue sa carrière d’avocat tout en devenant journaliste. Ferry aime les arts, la peinture, les voyages. Il se lie d’amitié avec le journaliste Marcel Roulleaux, qu’il rencontre à la conférence Molé, et avec Philémon Deroisin, futur député et maire de Versailles, qui sont tous deux des disciples de Comte. Ce sont ces deux hommes qui lui auraient fait connaître le positivisme. Une lettre de Ferry à Deroisin en 1857 montre que « déjà le petit cercle se considérait comme entièrement positiviste, sans que l’on s’interdise toutefois d’y plaisanter le vocabulaire ou les tics du Maître47 ». À la mort de Comte, Ferry participe au rachat de sa bibliothèque. Ferry a une correspondance suivie avec Lavertujon, directeur de La Gironde et positiviste déclaré48. Comme ses amis positivistes, Ferry se gausse du spiritualisme cousinien qui représente la philosophie régnante et constitue la fondation de la morale de la bourgeoisie moyenne. Pour lui, cette philosophie alliée au catholicisme ne contribue en rien à résoudre les problèmes sociaux de l’époque. Comme Littré et de nombreux autres penseurs de la première partie du xixe siècle, Ferry rejette tout retour à la monarchie, mais n’adhère pas non plus aux conceptions « métaphysiques » révolutionnaires, ces dernières ayant conduit aux échecs des deux révolutions de 1789 et de 1848. C’est ainsi qu’à propos du positivisme, dans une monographie sur Marcel Roulleaux publiée dans la revue La Philosophie positive de Littré et parue en 1867, Ferry explique que, « peu écoutée au milieu des orages et des incohérences de la période révolutionnaire, la doctrine d’Auguste Comte fit son chemin dans le grand silence qui suivit49 ». La philosophie de Comte avait contribué à redonner de l’espoir à une génération de penseurs républicains, en leur démontrant qu’en dépit des échecs révolutionnaires, le progrès était en marche, et que la science trouverait une solution là où les idées métaphysiques ne menaient qu’à une impasse. Il explique aussi dans cet article son refus de l’individualisme et du libéralisme, auxquels il reproche en fait d’être des théories du passé, ayant emprunté aussi bien à l’âge théologique qu’à l’âge métaphysique, désormais révolus, et qui doivent laisser la place à la science, au positivisme et à l’art social. Il reproche l’insuffisance de la théorie du libéralisme et du « laisser-faire ». Il a certes
servi à battre en brèche les corporations, les monopoles, les règlements industriels, […] a porté […] des coups mortels au système des prohibitions douanières et des sociétés privilégiées. L’individualisme n’est donc point inutile comme agent de controverse ; mais s’il critique, il n’organise pas. […] Nous ne pouvons lui remettre exclusivement le gouvernement de l’avenir50.
16La philosophie politique d’Auguste Comte lui a ouvert une nouvelle perspective en ce qui concerne les relations sociales. Ferry évoque ainsi son enchantement lors de sa découverte de la philosophie positiviste :
Il me souvient de l’effet immense produit, dans cette crise morale, par la lecture du Discours sur l’ensemble du positivisme. Ces pages qui avaient posé, dans la fièvre de 1848, les conditions rationnelles du problème social, restaient, au milieu du désarroi général qui avait suivi, avec leur haute et rassurante sérénité. […] Ces pages répétaient – ce que nous savions bien – qu’il y avait des questions sociales, et qu’il ne dépendait pas plus de la réaction politique que de la réaction économique de les supprimer ; mais elles nous donnaient – ce que nous n’avions pas – la méthode suivant laquelle il convient de les aborder. De ce jour, nous avons su qu’il existe un art social, également distinct de l’observation impassible des économistes, satisfaits de décrire et voués au fatalisme, et de l’utopie irrationnelle et maladive qui caractérise la plupart des écoles socialistes51.
17Les problèmes sociaux ne sont pas non plus immuables et incorrigibles : « Où est la mesure ? Où trouver le procédé et la limite ? Non seulement dans l’analyse sociologique, mais dans l’histoire. L’histoire est l’élément nouveau et décisif que le positivisme introduit dans l’étude des questions sociales52. » La philosophie positiviste a inscrit les questions sociales dans une perspective historique et Auguste Comte a « formulé ainsi la loi historique de l’industrie moderne : séparation progressive du capital et du travail, distinction inévitable et toujours croissante entre la fonction du capitaliste et celle du travailleur, concentration inévitable et croissante du capital dans certaines limites. C’est de là qu’il faut partir53 ». La solution positiviste aux questions sociales consiste dans « une action croissante de l’opinion » et dans « l’organisation collective et l’éducation croissante des masses ouvrières ». D’après Ferry, la philosophie positive parvient ainsi à concilier « liberté individuelle et liberté sociale ». Ce qui est essentiel, c’est de renforcer le « pouvoir moral » de toute société. « C’est sur cette action morale que la philosophie positive fonde son espérance, c’est par là qu’elle s’attache à réformer les idées et les mœurs, bien plus que par la loi, dont le champ d’intervention doit être aussi limité que possible, et qui n’est jamais, en face des grandes évolutions de la société, qu’oppressive ou impuissante54. » Pour Ferry, il est clair que les réformes législatives sont insuffisantes, il faut d’abord créer une opinion et des mœurs publiques qui sont seules à même de fonder les bases solides d’une nouvelle société. Mais pour cela, c’est par l’éducation et la morale qu’il faut commencer, d’où le rôle essentiel de la femme et de la mère dans sa fonction d’éducatrice. Ferry creuse ainsi son sillon dans le courant positiviste, en adaptant les théories de l’art social positiviste. Il se moque néanmoins du culte de l’Humanité et qualifie d’« enfantillages » le culte de la Vierge-Mère et l’idée de la parthénogenèse. Dans cet article, Ferry fait expressément référence au Discours sur l’ensemble du positivisme de Comte. C’est, rappelons-le, dans ce discours que Comte rassemble ses idées sur la religion de l’Humanité qu’il a déjà exposées en 1847 par oral pendant ses cours. C’est également dans ce discours qu’il évoque sa représentation de « l’art social », qui est en lien étroit avec sa religion positive. Ferry est néanmoins un positiviste beaucoup plus « orthodoxe » que Littré et son propos reste parfois ambigu lorsqu’il évoque la religion de l’Humanité. Ferry se reconnaît positiviste, il admet son adhésion à la théorie de l’art social qui donne une place, une « fonction » toute particulière à la femme et en particulier à la mère dans la société. Dans un discours prononcé à la conférence Molé en 1858, il estime que
modérer l’énergie, tempérer l’égoïsme, voilà la fonction de la femme, au point de vue social le plus élevé. Mais […] pour l’exercer il faut qu’elle reste elle-même, c’est-à-dire qu’elle se tienne à l’écart de la vie active qui gâte le cœur, qui exalte la personnalité… […] L’éducation des sentiments, celle qui, au fond, affecte le plus l’ensemble de la vie, doit dépendre essentiellement des mères […]55.
18Il a décrit sa femme comme la « compagne » de son esprit, « la lumière » de sa conscience, elle est pour lui « une égale dans l’ordre de l’intelligence, mais une supérieure dans l’ordre moral ». Il affirme ainsi : « Elle pense comme moi et je suis fier de sentir comme elle56. » Ferry expose dans ce discours une théorie positiviste de l’éducation qui paraît presque calquée sur les écrits de Comte. La femme doit rester à la maison, et ne pas être souillée par les fonctions productrices et de direction (Comte aurait évoqué les fonctions de l’ordre actif et de l’ordre théorique). Son rôle, même si elle se trouve recluse dans sa famille, est essentiel à la société, puisque c’est elle qui doit apprendre à l’enfant à subordonner son égoïsme au sentiment altruiste. En 1869, pour sa première élection dans la Seine, le comité de soutien de Ferry rassemble Littré et Robinet, deux « frères ennemis » du positivisme, l’un représentant le courant « rationaliste », l’autre le courant « religieux », mais aussi Michelet, qui se dit sympathisant, et Gambetta. Entre Littré et Robinet, Ferry fraye son chemin et opère sa synthèse. Le 10 avril 1870, Ferry donne dans la salle Molière une conférence au profit de la Société pour l’instruction élémentaire et dont le sujet porte sur l’égalité d’éducation. Le président de la séance est Jules Simon, spiritualiste notoire et néanmoins républicain. Dans cette conférence, Ferry dit qu’il a toujours voulu se consacrer à l’éducation du peuple, qui doit contribuer à faire reculer la plus grave inégalité, celle de la naissance. Il fait l’éloge de Condorcet et aborde la question de l’égalité de l’éducation des femmes avec humour :
Les femmes, est-ce que vous les connaissez ? Vous en connaissez une, peut-être, et encore ! (Rires.) Apprenez qu’il est impossible de dire des femmes […] : elles sont ceci ou cela ; il est impossible de dire, dans l’état actuel de leur éducation, qu’elles ne seront pas autre chose, quand on les élèvera différemment. Par conséquent, dans l’ignorance où nous sommes des véritables aptitudes de la femme, nous n’avons pas le droit de la mutiler. […] J’en conclus que l’expérience est faite, et que l’égalité d’éducation n’est pas seulement un droit pour les deux classes, mais aussi pour les deux sexes. […] Mon Dieu, Mesdames, si je réclame cette égalité, c’est bien moins pour vous que pour nous, hommes. Je sais que plus d’une femme me répond, à part elle : Mais à quoi bon toutes ces connaissances, tout ce savoir, toutes ces études ? à quoi bon ? Je pourrais répondre : à élever vos enfants, et ce serait une bonne réponse, mais comme elle est banale, j’aime mieux dire : à élever vos maris. (Applaudissements et rires)57.
19D’un ton badin, il réussit à introduire les théories positivistes de Comte concernant le rôle d’éducatrice des femmes vis-à-vis de leurs maris et de leurs enfants dans la famille. Puis il continue d’un ton plus grave :
L’égalité d’éducation, c’est l’unité reconstituée dans la famille. Il y a aujourd’hui une barrière entre la femme et l’homme, entre l’épouse et le mari, ce qui fait que beaucoup de mariages, harmonieux en apparence, recouvrent les plus profondes différences d’opinion, de goûts, de sentiments ; mais alors ce n’est plus un vrai mariage, car le vrai mariage, Messieurs, c’est le mariage des âmes. Eh bien ! dites-moi s’il est fréquent, ce mariage des âmes ? dites-moi s’il y a beaucoup d’époux unis par les idées, par les sentiments, par les opinions ? […] Dans tous les cas, il faut bien s’entendre, et bien comprendre que ce problème de l’éducation de la femme se rattache au problème même de l’existence de la société actuelle. […] Que cet exemple soit pour nous un enseignement ; les évêques le savent bien : celui qui tient la femme, celui-là tient tout, d’abord parce qu’il tient l’enfant, ensuite parce qu’il tient le mari ; non point peut-être le mari jeune, emporté par l’orage des passions, mais le mari fatigué ou déçu par la vie. C’est pour cela que l’Église veut retenir la femme, et c’est aussi pour cela qu’il faut que la démocratie la lui enlève ; il faut que la démocratie choisisse, sous peine de mort ; il faut choisir, Citoyens, il faut que la femme appartienne à la science, ou qu’elle appartienne à l’Église58.
20Pour Ferry, comme pour Comte, le dévouement maternel va de soi, il est un fait avéré, normal et naturel. Mais dans cette théorie positiviste, il devient une norme, qui suppose des êtres humains sans histoire préalable, sans failles, sans ambivalence. Il est facile d’imaginer que celles et ceux qui ne correspondent pas à cette norme doivent être éduqués et/ou considérés comme déviants ou malades. Avant la fin de l’Empire, Ferry insiste déjà dans ses discours sur la nécessité d’une réforme éducative : il avait décidé de se vouer à l’éducation, programme qu’il mettra en œuvre comme ministre de l’Éducation sous la IIIe République. Pendant toute cette période, au-delà de son prosélytisme positiviste, Ferry construit sa carrière politique. Avec Léon Gambetta, particulièrement, il fréquente avec assiduité les tribunes du Corps législatif, où il admire les interventions des cinq députés républicains opposants à l’Empire, notamment Émile Ollivier, dont il devient l’ami. Par ailleurs, il collabore régulièrement aux journaux d’opposition libérale, comme La Presse ou Le Courrier de Paris. Son pamphlet sur La Lutte électorale en 1863 lui vaut d’être condamné par le régime bonapartiste. Mais il récidive avec une série d’articles publiés en 1868 dans Le Temps, rassemblés dans un ouvrage intitulé Les Comptes fantastiques d’Haussmann, qui critiquent les dépenses excessives des grands travaux du préfet de la Seine. Ferry est élu député de la sixième circonscription de la Seine en tant que républicain modéré aux élections de 1869 et devient l’un des chefs de l’opposition parlementaire. Il critique le régime impérial, ses excès financiers aussi bien que le manque de liberté. Opposé à la guerre contre la Prusse, il vote néanmoins, en juillet 1870, comme une grande partie des républicains, en faveur des crédits de guerre. À la fin du Second Empire, Ferry et Gambetta apparaissent comme les hommes de premier plan de la vie politique française : ce sont les deux premiers hommes politiques qui affichent leur adhésion aux idées d’Auguste Comte.
Gambetta : un positiviste pragmatique
21Gambetta est moins un théoricien qu’un homme d’action. Pour lui, le positivisme est une théorie qui fait place aux faits, au pragmatisme, à la science. Le positivisme tel qu’il l’adopte reste une hypothèse ouverte. Léon Gambetta est né en avril 1838 à Cahors. Sa famille n’est pas très aisée, mais ses parents appartiennent à ces « nouvelles couches sociales » dont il souhaite la promotion : son père, d’origine italienne et républicain convaincu, a fondé une épicerie à Cahors, et sa mère est fille de pharmacien. Il est très attaché aux figures maternelles de sa famille (tante, mère et grand-mère). Il devient très tôt positiviste et fait sienne la devise positiviste Ordre et progrès. C’est en 1859 qu’en tant que fils d’étranger, il opte pour la nationalité française. Il poursuit ses études de droit à Paris et, en 1861, il est parrainé pour le barreau par Jules Favre. Ce dernier est un vétéran des luttes républicaines, avocat célèbre et académicien. Gambetta se fait remarquer par ses qualités d’orateur, par ses facilités d’élocution et par sa voix puissante. Il ne manque jamais une séance du Corps législatif. Lors du « procès des 5459 » en 1862, il est désigné comme avocat de l’ouvrier Louis Bluette, qui est condamné à « seulement » trois mois de prison. C’est un succès pour Gambetta, que Jules Favre considère comme « le représentant de la jeunesse60 ». Plusieurs journaux, L’Avenir national de Peyrat et Le Réveil de Delescluze, puis La Revue politique et littéraire, ainsi que La Gironde de Lavertujon décident de lancer une souscription pour élever un monument en mémoire du député Baudin, mort sur les barricades le 3 décembre 1851 ; l’Empire est ainsi attaqué symboliquement pour ses origines, et réagit en attaquant en justice les protagonistes de la souscription. Gambetta, alors peu connu, est sollicité en tant qu’avocat pour défendre Charles Delescluze, ancien républicain de 1848 et déporté à Cayenne. En 1863, lors de l’audience, il enthousiasme le prétoire. Le Figaro écrit à propos de Gambetta :
[C’est] un orateur de race. […] Il faut à cette grande éloquence les grandes salles et les grandes questions ; les grandes salles, car sa voix a des éclats suffisants pour les remplir ; les grandes questions, parce qu’il saura toujours s’élever à leur niveau. Rien qu’à voir cette carrure large et solide, cette tête bien posée sur un cou puissant, ce poing vigoureux et fait pour marteler l’idée sur la barre, cet œil de cyclope où se concentrent toutes les lueurs d’une âme ardente, on comprend qu’on n’a pas devant soi un bavard vulgaire, mais bien plutôt un bon dogue de combat, de ceux qui dédaignent les roquets et se réservent pour les vrais coups de gueule61.
22Le procès contribue à le faire connaître, ainsi que le petit groupe de personnalités diverses qu’il a réuni autour de lui. Sa plaidoirie est imprimée et vendue à de nombreux exemplaires. Il est reconnu comme « le chef de file des jeunes du parti républicain62 » dans le pays. En 1869, Gambetta se présente aux élections. Il souscrit au programme de Belleville, qui comprenait parmi ses principaux articles la séparation de l’Église et de l’État et l’abolition des armées permanentes. Élu dans deux circonscriptions, il choisit les Bouches-du-Rhône. Il promet à ses électeurs de faire une opposition « irréconciliable » à l’Empire. À la demande de son comité électoral marseillais, il se fait admettre le 20 mai 1869 dans une loge maçonnique, celle de la Réforme63, affiliée au carbonarisme. Gambetta est en harmonie politique avec la pensée politique qu’elle diffuse, sans être un membre très actif. Il est très ami avec les positivistes Lavertujon et Ferry, et ce dernier lui demande de participer à sa première réunion électorale : « Ton entrée en scène sera absolument décisive ; toute la jeunesse […] ne jure que par Gambetta64. » Dans son discours prononcé au banquet de la jeunesse le 19 avril 187065, Gambetta exhorte les jeunes auditeurs à travailler pour l’émancipation morale de la société. Par une déclamation adressée à la nation, il s’exclame : « Tu m’appartiens ! tu m’appartiens parce que seul je peux réaliser ton émancipation morale et assurer sur les bases de la justice l’ordre véritable et la sécurité matérielle66. » En juillet 1870, il s’oppose à la guerre et demande la communication de la pièce qui constituait le casus belli, en vain. « Il fallait ne consentir à tirer l’épée qu’à la condition de prouver que la nation avait été profondément et réellement outragée67. » Quand la guerre est déclarée et perdue, c’est alors que la « patrie » revient en scène, une mère patrie outragée, mutilée, et dont Gambetta va devenir le porte‑parole.
23On ne saurait sous-estimer l’influence de la doctrine positiviste. Elle offrait une représentation globale, voire totalisante, de la vie en société, un nouveau « grand récit ». S’éloignant de la vision eschatologique de l’histoire chrétienne et des philosophies hégéliennes et marxistes, elle englobait une partie de l’héritage des Lumières françaises, et en particulier celui de Condorcet et de sa vision du progrès humain, tout en reprenant certains éléments de la pensée de Rousseau (que Comte exècre pourtant, car il rejette la souveraineté du peuple), en particulier celui de religion civique. Pour Rousseau, le citoyen devait aimer la société comme sa mère ; pour Comte, c’est l’Humanité en tant que mère (vierge) qui constitue le modèle et l’idéal de toute relation humaine. Les femmes sont très idéalisées (quand elles en sont « dignes ») et elles représentent à la fois un idéal, un modèle et une norme. Les femmes ont pour mission d’éduquer aussi bien leurs enfants que leurs maris. L’éducation des enfants doit les conduire à passer de l’attachement et du dévouement à la mère à l’attachement et au dévouement à la patrie, puis à l’humanité. Comme le rappelle justement Angèle Kremer-Marietti68, le positivisme anticipe la théorie de l’attachement telle qu’elle a été développée par le psychanalyste John Bowlby ou le psychologue René Zazzo. Cependant, le sujet et le Je ne semblent pas avoir de place dans le système positiviste orthodoxe. La doctrine d’Auguste Comte sera reprise par des penseurs de tous les courants politiques, tout en étant remaniée par certains. Le positivisme laïc constituera ainsi le socle de la pensée des républicains opportunistes, en particulier en ce qui concerne l’éducation.
Notes de bas de page
1 https://augustecomte.org/maison-auguste-comte/biographie/ (consulté le 15 décembre 2022).
2 P. Laffitte (dir.), Testament d’Auguste Comte, avec les documents qui s’y rapportent : pièces justificatives, prières quotidiennes, confessions annuelles, correspondance avec Mme de Vaux, publié par ses exécuteurs testamentaires, conformément à ses dernières volontés, Paris, [s. é.], 1884, p. 53 (https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k65101713.texteImage, consulté le 20 octobre 2022).
3 A. Comte, Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société, Paris, Aubier-Montaigne, 1970, p. 35.
4 Ibid., p. 275.
5 A. Comte, Discours sur l’ensemble du positivisme, Paris, Société positiviste internationale, 1907, p. 275.
6 F. Magnin, É. Jacquemin, N. Belpaume, Rapport à la société positiviste, par la commission chargée d’examiner la question du travail, Paris, Librairie scientifique-industrielle de Mathias, 1848, p. 3.
7 É. Littré, F. Magnin, P. Laffitte, Rapport à la société positiviste, par la commission chargée d’examiner la nature et le plan du nouveau gouvernement révolutionnaire de la République française, Paris, Librairie scientifique-industrielle de Mathias, 1848 (https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k5696929c.texteImage, consulté le 20 octobre 2022).
8 Ibid., p. 4.
9 A. Comte, Discours sur l’ensemble du positivisme, Paris, Flammarion, 2008, p. 12.
10 Ibid., p. 13.
11 Cf. B. Gentil, « La maison d’Auguste Comte, témoin de l’histoire du positivisme », Bulletin de la Sabix, 30, 2002, p. 3.
12 A. Comte, Catéchisme positiviste, ou Sommaire Exposition de la religion universelle en treize entretiens systématiques entre une femme et un prêtre de l’Humanité, Paris, Apostolat positiviste, 1891, p. 65 (https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k6108866f.texteImage, consulté le 21 octobre 2022).
13 A. Comte, Système de politique positive, ou Traité de sociologie, instituant la religion de l’Humanité, t. IV, Paris, Carilian-Goeury/Victor Dalmont, 1854, p. 204 (https://books.google.fr/books?id=7_-p3f6BYHAC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false, consulté le 21 octobre 2022).
14 Ibid., p. 282.
15 Ibid., p. 411.
16 Cf. C. Maurras, « Auguste Comte 15 janvier 1798-5 septembre 1857 », Minerva, 2, 1902, p. 174‑204.
17 M. Perrot, « Note sur le positivisme ouvrier », Romantisme, 21-22, 1978, p. 202.
18 L. Reybaud, Études sur le régime des manufactures : conditions des ouvriers en soie, Paris, Michel-Lévy frères, 1859, p. 165. Cité dans Perrot, « Note sur le positivisme ouvrier », art. cité.
19 É. Morlot, L’Instruction populaire, Belfort, Imprimerie Clerc, 1868, p. 22.
20 Laffitte (dir.), Testament d’Auguste Comte…, op. cit., p. 21.
21 Gentil, « La maison d’Auguste Comte, témoin de l’histoire du positivisme », art. cité, p. 4.
22 Ibid.
23 F. Magnin, Lettre sur la grève des ouvriers du bâtiment à Londres, Paris, Dunod, 1861, p. 9 (https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k836407.texteImage, consulté le 21 octobre 2022).
24 Ibid., p. 10.
25 Ibid., p. 12.
26 A. Gérard, « Le positivisme dans le siècle », dans S. de Acevedo, G.-M. de Ficquelmont, et al., Auguste Comte, qui êtes-vous ?, Lyon, La Manufacture, 1988, p. 155.
27 D. Becquemont, « Positivisme et utilitarisme : regards croisés, Comte, Spencer, Huxley », Revue d’histoire des sciences humaines, 8, 2003, p. 60.
28 Gentil, « La maison d’Auguste Comte, témoin de l’histoire du positivisme », art. cité, p. 7.
29 É. Littré, Conservation, révolution et positivisme, Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1852 (https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k86046c.texteImage, consulté le 21 octobre 2022).
30 C’est moi qui souligne.
31 Ibid., p. 294.
32 Ibid.
33 É. Littré, Application de la philosophie positive au gouvernement des sociétés et en particulier à la crise actuelle, Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1850.
34 Ibid., p. 102.
35 Ibid.
36 Ibid., p. 103.
37 Ibid.
38 Littré, Conservation, révolution et positivisme, op. cit., p. 325.
39 P.A. Bertocci, « Positivism, French Republicanism, and the Politics of Religion, 1848-1883 », dans Third Republic, t. II, Somerville, Massachusetts, 1976, p. 205.
40 H. Gouhier, « Émile Littré et la philosophie », dans Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 125-4, 1981, p. 606‑615.
41 É. Littré, « Quelques mots de préambule », dans F. Aroux, Ce que c’est que le socialisme : projet de discours à un congrès, Paris, Germer-Baillière, 1870.
42 Ibid., p. 10.
43 Ibid., p. 11.
44 Ibid., p. 23-24.
45 Ibid., p. 6.
46 Pour les éléments biographiques, voir en particulier : F. Furet (dir.), Jules Ferry fondateur de la République : actes du colloque organisé par l’École des hautes études en sciences sociales, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1985 ; L. Legrand, L’Influence du positivisme dans l’œuvre scolaire de Jules Ferry : les origines de la laïcité, Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1961 ; C. Lelièvre, Jules Ferry : la République éducatrice, Paris, Hachette, 1999 ; P. Barral, « Ferry et Gambetta face au positivisme », Romantisme, 21‑22, 1978, p. 149‑160.
47 C. Nicolet, « Jules Ferry et la tradition positive », dans Furet (dir.), Jules Ferry fondateur de la République…, op. cit., p. 26.
48 Legrand, L’Influence du positivisme…, op. cit., p. 108.
49 J. Ferry, P. Robiquet (dir.), Discours et opinions de Jules Ferry, t. I, Paris, Armand Colin et Cie, 1893, p. 586.
50 Ibid., p. 585.
51 Ibid., p. 586.
52 Ibid.
53 Ibid., p. 587.
54 Ibid., p. 588.
55 Legrand, L’Influence du positivisme…, op. cit., p. 129‑130.
56 M. Ozouf, Jules Ferry : la liberté et la tradition, Paris, Gallimard, 2014, p. 64.
57 J. Ferry, « De l’égalité d’éducation », extrait de la conférence donnée à la salle Molière, 10 avril 1870, p. 26‑27 ; voir aussi Ferry, Robiquet (dir.), Discours et opinions de Jules Ferry, t. I, op. cit.
58 Ibid., p. 28-29.
59 La police avait arrêté pour constitution de société secrète cinquante-quatre personnes dont un ouvrier mécanicien de 22 ans, Louis Bluette.
60 J.-M. Mayeur, Léon Gambetta : la patrie et la République, Paris, Fayard, 2008, p. 40.
61 Cité dans s. v. « Gambetta (Léon-Michel) », dans A. Robert, E. Bourloton, G. Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français : depuis le 1er mai 1789 jusqu’au 1er mai 1889, t. III, Paris, Bourloton, 1889-1891 (https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k75998n/f97.item.r, consulté le 24 octobre 2022).
62 Mayeur, Léon Gambetta…, op.cit., p. 53.
63 Ibid., p. 57.
64 Ibid., p. 56.
65 L. Gambetta, Discours prononcé par M. Gambetta au banquet de la jeunesse, Saint-Germain, [s. é.], 1870.
66 Ibid., p. 3.
67 Ibid.
68 A. Kremer-Marietti, Le Kaléidoscope épistémologique d’Auguste Comte : sentiments, images, signes, Paris, L’Harmattan, 2007.
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