De l’art du déguisement chez les soldats romains
p. 213-241
Texte intégral
1Se servir d’un déguisement relève de l’utilisation d’un stratagème. Si l’on se déguise, c’est en effet avant tout pour ne pas être reconnu par l’ennemi et pouvoir ainsi acquérir un avantage sur ce dernier. C’est pourquoi on trouve de nombreuses références à ces déguisements aussi bien chez Frontin que chez Polyen, qui ont tous les deux écrit un livre sur les stratagèmes1. Ces références sont éparpillées un peu partout dans l’œuvre de ces deux auteurs. Certains chapitres de Frontin, par exemple le chapitre 2 du livre III2 ou le chapitre 7 du livre IV3, en comportent cependant plus que d’autres. Dans les Excerpta de Polyen, ouvrage qui date au moins de 850 apr. J.‑C.4, l’anonyme qui entreprit de résumer Polyen rassembla également les anecdotes par thèmes, et il y a un chapitre intitulé « Tromper grâce à la similitude des vêtements5 », ainsi qu’un autre concernant « Les évasions d’un homme et d’une femme6 », qui met surtout en scène des civils. Mais il s’agit d’un résumé, et il n’y a que cinq anecdotes concernant les déguisements rassemblés dans le premier chapitre mentionné (et neuf dans le second), alors qu’il y en a bien d’autres dans l’œuvre de Polyen. Ces deux auteurs ne sont cependant pas les seuls à fournir des renseignements à propos des soldats qui se déguisent. Les historiens en particulier sont également très utiles.
2Quels sont les déguisements utilisés par les soldats de l’armée romaine ? Il faut préciser tout d’abord qu’ils utilisent moins le déguisement que d’autres7. Une telle différence est conforme à l’idée que les Romains voulaient donner d’eux-mêmes : des gens attachés à la fides et qui combattent « à la loyale ». Ce qui ne les empêchait pas de répondre par le stratagème au stratagème8, ou d’utiliser la ruse quand cela pouvait leur être utile. Les déguisements adoptés sont d’autre part relativement variés : cela va du général en chef à la prostituée, en passant par le marchand ou le paysan. Parmi ces déguisements, deux posent problème : les travestissements en transfuge et en malade. Peut-on se déguiser en transfuge ? Autrement dit, le soldat qui désire passer à l’ennemi adopte-t-il une tenue particulière, qu’un autre soldat peut adopter s’il souhaite passer pour un transfuge ? Une chose est sûre : il n’y a pas une tenue « type », mais il semble bien qu’il y a au moins une constante, qui permet de reconnaître un transfuge : le fait que le soldat arrive chez l’ennemi sans armes. Quand il est un faux transfuge, très souvent, ses armes sont cachées. Il est donc possible de considérer qu’un soldat qui se présente auprès de l’ennemi comme un transfuge alors qu’il n’en est pas un endosse un travestissement, même si les accessoires sont limités. Ces derniers sont encore plus limités en ce qui concerne le cas des malades. Encore qu’il y ait les bandages (et sans doute les fausses plaies). Mais il s’agit aussi beaucoup d’une attitude : les soldats font semblant de, en l’occurrence d’être malades. D’une certaine manière, ces soldats utilisent un déguisement. Le recours à un tel déguisement est de toute façon très rare (il n’y en a qu’un). Les cas, relativement nombreux, où le soldat faisait semblant d’être blessé pour échapper au service militaire ou pour se mettre à l’abri, ce qui lui valait, sous l’Empire, une ignominiosa missio9, ne vont en effet pas être étudiés. Seuls les cas des déguisements en rapport avec l’ennemi, et non pas en rapport avec sa propre armée, vont être envisagés.
3Si l’on regarde d’un peu plus près, on se rend compte que certains travestissements sont plus souvent adoptés que d’autres. Les Grecs et les soldats d’autres nations choisissent rarement le vêtement d’un pêcheur10, d’un chasseur, d’un paysan, d’un bûcheron, d’un prisonnier. Les Romains adoptent peu le costume d’un voyageur, d’une femme, d’un marchand, d’un berger, d’un simple soldat, d’un blessé. Il y a enfin certains déguisements que les soldats de l’armée romaine n’adoptent jamais (ou presque), alors qu’ils ont été adoptés par les soldats d’autres armées. Il s’agit de celui du pêcheur, du chasseur, du bûcheron, du prisonnier, du commandant en chef, du prêtre ou de quelqu’un prêt à accomplir un acte religieux. De même, les Romains n’ont jamais déguisé leurs esclaves en soldats. Il y a certes le cas de Marius lors de la bataille d’Aquae Sextiae (Aix-en-Provence) en 102 av. J.‑C. Pour accroître la taille d’un détachement de cavalerie et d’infanterie, il a armé des agasones et des lixae et a fait équiper des bêtes de somme comme des chevaux de la cavalerie11. Certes, donner des armes à des agasones, c’est d’une certaine façon les déguiser en soldats. Mais d’une certaine façon seulement. Ils n’ont que les armes, ils n’ont pas le reste de l’équipement. Il s’agit surtout de grossir le vrai détachement, pour donner à l’ennemi une fausse impression. Si d’autre part les agasones étaient des esclaves, chargés plus spécialement du soin des animaux12, les lixae étaient des hommes libres, qui suivaient l’armée et vendaient essentiellement de la nourriture aux soldats13. En revanche, les Romains n’hésitent pas à se déguiser eux-mêmes en esclaves, en cas de besoin14. S’il n’est pas absent, le déguisement des esclaves en soldats est également rare dans les autres armées. Vers 393-392 av. J.‑C., Iphicrate fit changer de vêtements à ses soldats pendant la nuit. Il donna aux soldats les vêtements des esclaves et aux esclaves les vêtements des soldats15. Vercingétorix déguisa également des esclaves de l’armée romaine en légionnaires romains. Il en avait en effet à sa disposition : ils avaient été pris quelques jours avant parmi les fourrageurs et étaient exténués par les fers et la faim. Il leur avait indiqué ce qu’ils devaient dire avant de les faire venir devant ses soldats, à qui ils déclarèrent qu’ils étaient des soldats légionnaires poussés par la faim et la misère, sortis en secret du camp, que toute l’armée était dans le même état, et que les Romains allaient lever le siège d’ici trois jours16. Les soldats gaulois connaissent les légionnaires romains, et pour donner de la crédibilité au discours des esclaves, il est vraisemblable que Vercingétorix s’est arrangé pour qu’ils aient l’air de légionnaires. Il n’y a qu’un seul exemple de soldats déguisés en femmes chez les Romains, plus exactement en prostituées, alors que les exemples sont nombreux chez les Grecs en particulier. Il en est de même pour le déguisement en ennemis ou encore en faux transfuges ; les cas sont nombreux chez les Grecs et d’autres peuples, beaucoup moins chez les Romains. Comme les autres, les Romains se déguisent en marchands, en bergers, en paysans, ou encore adoptent l’« uniforme » de l’adversaire (mais moins que les autres). En revanche, ils se déguisent beaucoup plus souvent en esclaves et sont les seuls à choisir l’apparence d’un simple particulier, d’un voyageur ou d’un blessé.
4Faut-il voir dans tout cela un hasard des sources ou ces choix ont-ils une signification particulière ? D’abord le fait que certains déguisements sont peu utilisés. Pour le prisonnier, cela se comprend, car cela met le soldat dans une situation particulièrement vulnérable : comment se défend-il par exemple si jamais il est démasqué ? Les cas du pêcheur, du chasseur, du bûcheron sont rares sans doute parce que les circonstances où l’on peut se travestir ainsi sont elles aussi rares. Il en va de même pour le pâtre ou le paysan. La chose est plus étonnante pour le marchand : compte tenu du nombre de marchands divers qui suivaient les armées, il semble de prime abord qu’il était facile pour un ou plusieurs soldats de se déguiser ainsi. Une des explications possibles est que certains costumes justifient que celui qui le porte soit armé (le chasseur, le berger par exemple), alors que le marchand, quand il n’est pas sur les routes, n’a pas de raison d’être en possession d’une arme. Une autre raison possible est que nombre de marchands sont sans aucun doute des informateurs, et qu’il n’est donc pas utile de recourir à des soldats. Il est clair d’autre part que les Romains refusent d’endosser certains déguisements. Pour le pêcheur, le chasseur ou encore le bûcheron, on peut sans doute considérer que seul le hasard des circonstances a fait que les Romains n’ont jamais eu à se déguiser ainsi ou que les auteurs anciens ne mentionnent pas ces cas. On ne voit pas bien pourquoi ils se déguiseraient en paysans ou en pâtres et pas en chasseurs. Pour le prisonnier, il est possible que les Romains aient jugé que cela était indigne d’un soldat, mais était-ce plus indigne que le déguisement en esclaves ? Il est aussi probable qu’ils ont jugé, comme les Grecs, que cela mettait les soldats dans une situation très vulnérable. Pour le prêtre ou le participant à une cérémonie religieuse, il est bien possible que ce soient précisément des scrupules religieux qui aient empêché les Romains d’adopter un tel déguisement. Il faut noter de toute façon qu’il n’en est fait que très rarement mention chez les autres peuples : une fois sur ordre de Gélon de Syracuse, en 480, ordre qu’il donne aux archers17, et encore cette version ne se rencontre-t-elle que chez Polyen. On ne la trouve ni chez Hérodote ni chez Diodore de Sicile18. La version de Polyen s’explique peut-être par le fait que dans les versions des deux auteurs qui lui sont antérieurs, il est question d’un sacrifice fait par Hamilcar, l’adversaire de Gélon. Et une fois de la part des habitants de Tarquinies et des Falisques, les habitants de Faléries, en 356 av. J.‑C.19. Dans ce dernier cas, ils choisissent des prêtres très particuliers, puisqu’ils portent devant eux des serpents et des torches. Il s’agit de susciter la peur chez les Romains. Tite-Live cependant évoque lui de véritables prêtres, et non pas des soldats déguisés en prêtres20. Le cas des habitants de Véies et de Fidènes, en 426 av. J.‑C., mentionné par Frontin tout de suite après, est différent. L’auteur parle de torches dont les ennemis se saisissent, il n’est pas question de prêtres, comme il n’en est pas question chez Tite-Live21. Les soldats de l’armée romaine ne se déguisent d’autre part jamais en commandant en chef (alors que le commandant en chef ou un officier peut, lui, se déguiser en simple soldat). Là aussi, il faut y voir sans doute non pas l’effet du hasard, mais une volonté de la part des Romains. Le commandant en chef est revêtu de l’imperium, ce que ne saurait avoir un faux commandant en chef. Il ne peut donc jouer son rôle, même pour un court instant et même s’il a l’accord du vrai. Dans les armées autres que romaines, quand un soldat revêt les habits de son supérieur, c’est la plupart du temps sur ordre de ce supérieur : c’est Gélon qui revêtit Pediarchus, le commandant des archers, qui lui ressemblait physiquement, de ses vêtements22. C’est Alexandre qui fit revêtir à Attale ses vêtements royaux, pour faire croire qu’il commandait d’un côté de la rive et ne pensait pas à traverser23. Mais Timarque, l’Étolien, tua Chamades, le préfet du roi de Macédoine Ptolémée Ceraunus, et s’habilla avec la chlamyde et le casque du préfet24. On peut cependant considérer que c’est un général qui s’habille comme un autre général (ennemi), et non pas un inférieur comme un supérieur. C’est exactement le même cas que celui d’un commandant de la cavalerie d’Arsamès qui prit l’équipement d’un traître, un autre commandant de la cavalerie du même Arsamès, sur ordre d’Arsamès lui-même25. Reste enfin la répugnance, pour ne pas dire plus, des soldats romains à se déguiser en femmes. Les auteurs anciens ne rapportent qu’un seul cas, et il s’agit de prostituées : Laelius et Clodius, les parlementaires envoyés par une partie de l’armée de Lépide pour négocier avec Antoine, ont choisi ce déguisement26. Plutarque est le seul à mentionner ce détail, et la raison d’un tel déguisement n’est pas évidente. Dans la mesure où les deux hommes bénéficiaient de la complicité d’un certain nombre de soldats de leur armée, il leur était sans doute relativement facile de sortir de leur camp. On peut donc penser que ce travestissement était plutôt pour la seconde partie de la mission, accéder au camp d’Antoine. Mais pourquoi n’avoir pas choisi plus simplement de se présenter comme transfuges ? S’ils ne sont pas sûrs de ne pas être tués en temps normal, ces derniers sont généralement bien accueillis pendant les guerres civiles. Cela aurait été plus simple, et aurait demandé aux deux hommes moins d’efforts que ceux qu’ils ont fournis pour pouvoir passer pour des prostituées. Pensaient-ils avoir ainsi accès plus facilement auprès d’Antoine ? Les auteurs se plaisent à souligner qu’il était un homme à femmes. Toujours est-il que l’anecdote, si elle est vraie, montre également que les prostituées pouvaient être acceptées à l’intérieur du camp. En revanche, une femme qui se déguise en soldat pour pénétrer dans un camp, et qui en plus fait l’amour dans les principia avec un homme qui n’est pas son mari, suscite l’indignation27. Plutarque mentionne un autre cas de soldat romain déguisé en femme28. Mais il est contraint à agir ainsi, et pas sur l’ordre de son commandant en chef. Il s’agit en effet d’un prisonnier fait par les Parthes lors de la bataille de Carrhes. Le soldat romain qui ressemblait le plus à Crassus, nommé Caius Paccianus, fut vêtu d’un habit royal de femme et traîné à cheval au cours d’une parodie de triomphe : des trompettes et des licteurs aux faisceaux ornés de bourses et aux haches décorées de têtes de Romains le précédaient, montés sur des chameaux, des hétaïres et des musiciennes de Séleucie le suivaient et se moquaient de Crassus. Un soldat revêtu d’un costume féminin, quand ce n’est pas pour un stratagème, ne peut que susciter moqueries et quolibets.
5Les Grecs et d’autres peuples ne partagent manifestement pas la même répugnance à revêtir le costume féminin, s’il faut en croire les anecdotes relativement nombreuses à cet égard. Ces hommes habillés en femmes peuvent vouloir passer pour des prostituées29, mais le plus souvent il s’agit de femmes « honnêtes ».
6Ce choix du travestissement féminin pose la question de l’efficacité de ce travestissement en particulier et des déguisements en général. Ceux qui ont recours à de tels stratagèmes ont bien conscience qu’il n’est pas toujours facile de tromper l’ennemi. Ils prennent donc des précautions. Pour les soldats qui se font passer pour des femmes, il y a plusieurs possibilités, que l’on retrouve pour certaines dans les cas autres que celui des déguisements féminins. La première, propre au travestissement féminin, est de choisir des soldats (ou des civils) encore très jeunes et imberbes30. La deuxième est d’agir à la tombée du jour ou de la nuit, quand la visibilité est moins bonne. C’est le cas en 379 av. J.‑C., avec Épaminondas31, ou avec Épaminondas et Pélopidas32. Ou encore d’utiliser un élément du costume pour se dissimuler plus ou moins : des conjurés, qui ne sont donc pas à proprement parler des soldats, se sont déguisés en femmes et ont sur la tête d’épaisses couronnes de sapin et de pin qui leur cachent le visage33. À plusieurs reprises, les auteurs indiquent que le personnage qui s’est déguisé a la tête voilée34. On peut d’autre part rester relativement éloigné, de façon à ce que l’ennemi n’ait qu’une vision d’ensemble35. Dans certains cas du reste, quand les travestis se rapprochent, la ruse est éventée. Il est enfin impératif, quand le costume l’exige, de cacher les armes ou la cuirasse dont on est équipé36. Les soldats de Lysimaque, roi de Macédoine, sont déguisés en faux prisonniers en 287 av. J.‑C. S’il faut en croire la version de Polyen, ils sont habillés, bien que ce soit avec des manteaux grossiers et des vêtements usés, et il leur est ainsi plus facile de cacher une dague sous leur aisselle37. Pour Frontin en revanche, ils n’ont pas d’armes et doivent s’emparer des armes de la citadelle38.
7Dans la très grande majorité des cas, ces stratagèmes tels qu’ils nous sont décrits par les auteurs anciens réussissent. Mais c’est bien en raison de cette réussite que les auteurs anciens les mentionnent. Les échecs se comptent en effet sur les doigts d’une main (quand ce sont des soldats qui se déguisent, les civils ne sont pas pris en compte). Le premier cas est celui de Memnon, qui fit campagne contre Cyzique vers 336 av. J.‑C. Lui et ses officiers ont mis un chapeau macédonien à larges bords, qui présentait en plus l’avantage de les protéger du soleil. Les habitants de Cyzique, qui les voyaient depuis les murailles, ont pensé qu’il s’agissait de leur ami et allié macédonien, Calas, qui venait les aider. Ils ont donc ouvert les portes, mais se sont aperçus de leur identité réelle quand ils approchaient. Ils ont refermé les portes, et Memnon dut se contenter de ravager la campagne39. En 301 av. J.‑C., les faux pâtres utilisés par les Étrusques pour attirer les Romains dans une embuscade ont échoué40. Ils ont été trahis par leur accent, leur tournure et leur embonpoint. Mais il n’est pas sûr du tout que ces faux pâtres aient été des soldats. Les trois derniers exemples (et l’on arrive ainsi à cinq) concernent l’armée carthaginoise pendant la guerre contre Hannibal. Le premier cas prend place en 211 av. J.‑C. : Hannibal, qui a attaqué le camp romain, augmenta le désordre engendré par cette attaque en envoyant des émissaires qui parlaient latin porter l’ordre, au nom des consuls, de faire retraite. Mais sa ruse fut éventée41. On ne connaît pas l’identité de ces émissaires, et il est possible qu’il s’agisse de civils. Mais il est tout aussi possible qu’il s’agisse de soldats appartenant à l’armée carthaginoise. Dans le deuxième cas des Numides, dont on peut supposer qu’ils servaient dans l’armée, acceptèrent toujours en 211 de se déguiser en transfuges pour faire passer une lettre de Capoue à Hannibal. Ils furent dénoncés comme tels et renvoyés à Capoue par les Romains, qui les ont battus de verges et leur ont coupé les mains42. En revanche, un Numide qui s’est fait passer pour un transfuge pour passer du camp d’Hannibal dans Capoue a lui réussi43. En 208 av. J.‑C. enfin, le faux transfuge qu’Hannibal a envoyé à Salapia pour tromper les habitants pensait avoir réussi sa mission, mais en réalité ces derniers savaient qu’il était un faux transfuge44. Dans deux des cas, c’est donc l’apparence des hommes travestis qui les a trahis. Dans le cas des faux transfuges numides, le premier est dénoncé par sa maîtresse, et lui-même a dénoncé les autres sous la torture. En 208, les habitants ont été prévenus. Pour les émissaires d’Hannibal en 211, Tite-Live ne précise pas ce qui a permis de faire échec au stratagème utilisé par Hannibal. Il est difficile de faire des statistiques à partir de cinq exemples. Tout ce que l’on peut dire, c’est que le déguisement n’est pas toujours assez parfait.
8Pour quelles raisons les commandants en chef et/ou les soldats recourent-ils au déguisement ? Les raisons des uns ne sont pas les raisons des autres, les soldats obéissant aux ordres qui leur sont donnés. Le commandant en chef déguise ses hommes avant tout pour vaincre l’ennemi (et le tuer). Mais les cas de figure ne sont pas toujours les mêmes. Le cas le plus fréquent est le désir d’entrer dans un lieu, principalement une place forte ou une ville assiégée. À partir du moment où l’on a pu entrer dans la ville, l’ennemi est vaincu. Vient ensuite la volonté de venir à bout plus facilement de l’ennemi. Mais il peut s’agir aussi de l’attirer dans une embuscade, de l’espionner, de faire passer un message, de semer le désordre, ou enfin de négocier avec toute ou partie de l’armée.
9Pour ce qui est du commandant en chef, c’est surtout quand il est vaincu qu’il prend un déguisement. Il veut avant tout échapper à l’ennemi, mais aussi ne pas apparaître à ses soldats et à ses amis dans la position humiliante de quelqu’un qui est contraint de fuir45. Il s’agit en quelque sorte de ne pas être reconnu quand la situation est jugée infamante. Ce désir peut se manifester en dehors du contexte d’une défaite, bien que ce soit plus rare. Alors qu’il était à Apollonie, César voulut aller à Brindes pour voir ce que faisaient ses soldats et pourquoi ils ne traversaient pas pour le rejoindre. Il revêtit un habit d’esclave et monta dans une barque. Il fut contraint de dévoiler son identité devant l’attitude du pilote, qui voulait faire demi-tour en raison de la tempête, pour l’encourager à continuer, mais la tempête fut la plus forte46. Mais le commandant en chef peut avoir d’autres raisons : tromper l’ennemi par exemple. Dans ce cas, il choisit de ne pas se faire reconnaître, comme le roi Codrus. Lors d’une guerre entre Athènes et Sparte, un oracle avait assuré la victoire à Athènes si le roi était tué par un Péloponnésien, ce que ces derniers évitaient soigneusement de faire. Codrus, déguisé en bûcheron, sortit un soir des retranchements et se mit à couper du bois. Des Péloponnésiens sortirent dans le même but, Codrus les attaqua, en blessa quelques-uns, et les Spartiates finirent par le tuer. Les Athéniens gagnèrent la guerre47. César, quand il apprit qu’un de ses camps était assiégé, en Germanie, se déguisa en Gaulois, franchit les postes ennemis et parvint jusqu’aux siens48. Il faut enfin noter un cas particulier, celui d’Hannibal en butte aux embûches des chefs des Gaulois. Pour s’en protéger, il changeait souvent de vêtements et de perruques. Ces perruques correspondaient chacune à un âge, et les vêtements étaient assortis. Même ses familiers avaient du mal à le reconnaître49. Ou au contraire, le commandant en chef peut choisir de se faire reconnaître, précisément parce qu’il ne s’agit pas de lui. Alexandre fit revêtir à Attale ses vêtements royaux pour faire croire à l’ennemi qu’il commandait d’un côté de la rive et n’envisageait pas de traverser50.
10Toujours à propos des commandants en chef, il faut relever, pour certains, l’existence d’actes qui se rapprochent beaucoup du déguisement, sans en être vraiment, parce qu’il s’agit d’un acte qui n’est pas habituel. On choisit en effet de se déguiser pour ne pas être reconnu, alors que dans les cas envisagés le commandant en chef est identifié comme tel. Ce sont les cas où le commandant en chef, pour différentes raisons, souhaite se rapprocher des soldats ou obtenir quelque chose d’eux, et s’habille donc en conséquence. En plein hiver, Iphicrate, pour obtenir de ses hommes, qui n’étaient pas très enthousiastes, qu’ils combattissent, choisit de revêtir un habit plus léger que celui de ses soldats. Quand ces derniers virent leur général vêtu humblement et pieds nus, ils allèrent au combat51. La façon d’agir d’Iphicrate est différente de celle d’Hannibal, qui avait coutume de revêtir le sayon des simples soldats, et dormait ainsi à terre52. C’était une habitude chez Hannibal, qui était ainsi plus proche de ses hommes, car il partageait leur mode de vie, c’était un vêtement inhabituel pour le général athénien. Plutôt que de s’habiller comme de simples soldats, les commandants en chef romains, pour montrer qu’ils sont proches de leurs hommes, préfèrent pratiquer l’exercice avec eux, ou assister à ces exercices.
11Au-delà de ces raisons communes, des différences existent entre les soldats de l’armée romaine et les soldats des autres armées. Ce sont ces derniers qui se déguisent pour pouvoir entrer dans une ville. Ils revêtent pour cela soit des vêtements pris aux ennemis (c’est le cas le plus fréquent)53, soit des costumes civils, féminins (c’est aussi le cas le plus fréquent)54 ou de marchands55, de paysans56, de valets d’armée57, de prisonniers58 ou encore de chasseurs59. Les Romains ne recourent à ce stratagème que dans trois cas, l’un étant le fait de Sertorius alors tribun militaire dans la péninsule Ibérique sous les ordres de T. Didius60, Pompée étant l’auteur du deuxième61 et le dernier prenant place lors de guerres civiles62. Et encore, si dans le cas de Sertorius les soldats romains prirent bien les armes et les habits des barbares pour se faire ouvrir les portes de la cité d’origine de ces barbares, dans les deux autres cas le déguisement n’était pas celui de l’ennemi. Pompée, qui avait peur que les Chaucenses ne voulussent pas recevoir de garnison, leur demanda de loger ses malades. Il fit porter ses meilleurs soldats dans la ville et put ainsi en prendre possession63. Les soldats de Septime Sévère sont entrés dans Rome de nuit, par des chemins séparés, leurs armes cachées sous des vêtements civils64. De même, les Romains ne se déguisent pas pour tuer l’ennemi et le vaincre, ce que font les autres peuples, qui se déguisent alors soit comme l’ennemi65, soit en femmes66, soit en faux transfuges67, soit en valets d’armée68, soit en prêtres69, soit enfin comme ceux qui s’apprêtent à trahir70. Il n’y a que deux exceptions. Celle de M. Porcius Cato tout d’abord. Après s’être emparé de navires ennemis, il fit endosser à ses hommes les armes et les vêtements de l’ennemi, les Carthaginois en l’occurrence, et parvint à couler plusieurs navires, les ennemis étant trompés par la fausse apparence des Romains71. En 67 av. J.‑C. d’autre part, un soldat de l’armée romaine prétendit faire partie des forces alliées de Mithridate. Il voulait tuer le roi, mais ne réussit qu’à le blesser72. Il ne se déguise pas à proprement parler, il n’en a pas besoin, dans la mesure où le roi a équipé une grande partie de ses troupes de la même manière que les Romains. Il se contenta de déguiser son identité. Il y a bien aussi le cas de C. Mucius Scaevola, qui se déguisa pour pouvoir entrer dans le camp de Porsenna et tuer ce dernier, mais Mucius Scaevola n’est pas un soldat73. De même, les Romains ne cherchent pas à attirer les ennemis dans une embuscade, ou encore à les tromper, en se déguisant, à quelques exceptions près. En 258, le consul C. Sulpicius Paterculus parvint à tromper un homonyme du grand Hannibal en lui envoyant de faux transfuges qui lui annoncèrent une fausse nouvelle74. Lors de la guerre des Gaules, un des légats de César, Q. Titurius Sabinus, utilisa un faux transfuge pour tromper les Unelles et leur faire croire que les Romains avaient peur75. Les cas concernant les autres armées sont du reste peu nombreux. Si certains d’entre eux ne sont pas très originaux (utilisation de faux bergers76 ou de faux transfuges77), deux autres sont plus intéressants, parce que plus élaborés ou plus rares. Le roi d’Épire Alexandre a envoyé une partie de ses soldats, habillés comme les Illyriens, contre lesquels il était en guerre, ravager son propre royaume. Les Illyriens suivirent ces faux Illyriens et, quand ils se furent suffisamment enfoncés dans le territoire, les soldats d’Alexandre les attirèrent dans une embuscade et les tuèrent78. Des soldats de Chios qui ont tué un éclaireur des Érythréens revêtirent de ses habits un des leurs, qui fit signe aux ennemis et les attira dans une embuscade79. En revanche, les Romains ont recours au travestissement pour espionner l’ennemi. Le cas des espions est un cas particulier. Cette question de l’espionnage ne va être que peu abordée, d’abord parce que d’autres l’ont déjà fait80, et ensuite parce que s’il est évident que les espions sont obligés de cacher leur véritable identité pour accomplir leur mission, les auteurs anciens, quand ils les mentionnent, n’indiquent pas l’identité qu’ils ont choisie. Ils le font cependant dans quelques cas, et ce sont ces cas sur lesquels nous allons nous attarder un peu. Dans deux des cas, les hommes concernés restent en soldats romains, si l’on peut dire. En 343 av. J.‑C., le tribun militaire P. Decius Mus choisit de se déguiser en simple soldat, comme les centurions qui l’accompagnaient, pour explorer le territoire occupé par l’ennemi81. Il s’agit donc de déguiser son grade, et la mission ne consistait pas à entrer dans la ville ou le camp ennemis, mais à reconnaître le territoire ennemi. En 46 av. J.‑C., lors de la guerre civile entre César et les partisans de Pompée, en Afrique, Scipion Nasica envoya deux faux transfuges gétules espionner le camp césarien82. Son plan échoua, dans la mesure où les faux transfuges se transformèrent en vrais transfuges. Dans d’autres cas, les soldats prennent des vêtements civils. Il peut s’agir des vêtements de ceux qu’ils sont chargés d’espionner. En 310 av. J.‑C., lors de la guerre contre les Étrusques, les Samnites et les Gaulois, le consul Q. Fabius Maximus Rullianus fit explorer par son frère (ou son demi-frère), Fabius Caeson ou C. Claudius, la forêt de Ciminia, qui séparait l’armée romaine des armées ennemies et inspirait une grande terreur aux Romains. Le frère partit de nuit pour sa mission de reconnaissance, habillé en berger selon Tite-Live et Florus, avec un habit étrusque selon Frontin83. Son déguisement lui permit d’emporter avec lui quelques outils qui pouvaient éventuellement lui servir d’armes. Lors de la guerre contre les Cimbres et les Teutons, Sertorius, alors sous le commandement de Marius, accepta de se rendre chez l’ennemi pour l’espionner. Il apprit les mots les plus courants des Celtes, pour pouvoir leur parler en cas de besoin, et revêtit leur costume84. Comme dans le cas de C. Claudius, ou encore dans celui de Decimus Brutus, on retrouve la nécessité de connaître, même de façon superficielle, la langue de celui dont on assume le déguisement, de façon à ne pas être trahi par son ignorance. Sertorius étant en Gaule depuis 106, il a très bien pu apprendre au moins quelques mots lors de ses contacts avec les Gaulois85. Les soldats peuvent aussi se déguiser en esclaves. En 203 av. J.‑C., Scipion l’Africain envoya dans le camp de Syphax, en même temps qu’une ambassade, quelques-uns de ses meilleurs tribuns et centurions. Ils étaient vêtus comme des valets d’armée86. Le centurion Bassus, chargé d’arrêter Flaccus à Alexandrie, apprit après avoir débarqué que ce dernier était invité à un banquet chez Stephanion. Désireux de connaître la situation, il envoya un des soldats de sa cohorte, déguisé en esclave, pour obtenir des précisions. Ce dernier se fit passer pour un des serviteurs des convives87. Dans ces quatre cas où des soldats romains prennent des vêtements civils, il s’agit de dissimuler leur qualité de soldats de l’armée romaine. En 203 av. J.‑C., les espions ne cachèrent pas leur appartenance à l’armée romaine, mais cela est lié aux circonstances : ils accompagnaient une ambassade romaine88. En revanche, ils dissimulèrent leur qualité, puisqu’ils prétendirent être des valets d’armée, des esclaves, des gens de peu d’importance89. On retrouve ce recours au travestissement en civil dans un papyrus, qui mentionne dans un état de service de la légion III Cyrenaica et de la légion XXII Deiotariana datant de 81 apr. J.‑C. un soldat, M. Antonius Crispus, pagano cultu, c’est-à-dire en civil90. Il doit s’agir d’un soldat envoyé en mission, soit pour espionner, soit pour une opération de police secrète91. C’est en quelque sorte un agent secret92. Ces allusions à des agents secrets appartenant à l’armée et déguisés en civils se trouvent aussi dans les textes littéraires, même si elles ne sont pas très nombreuses, et pour cause : le propre d’un bon agent secret est précisément de travailler sans être repéré. La mission qui revient le plus souvent est celle qui consiste à surveiller les habitants, en particulier de Rome : sont-ils de fidèles sujets de l’empereur93 ? Le déguisement endossé alors par les soldats n’est pas précisé, à une exception près. Dans une anecdote rapportée par Épictète, les soldats sont déguisés en hommes du peuple, de condition modeste. Il s’agit donc d’un vêtement passe-partout, qui leur permet de passer inaperçus. Ils sont à distinguer d’autres soldats qui se déguisent eux aussi en civils, mais dans un but différent : craignant une émeute, Ponce Pilate prit soin d’ordonner à ses soldats vêtus en hommes du peuple de se mêler à la foule ; sur un signe de lui, ces derniers frappèrent les émeutiers avec des gourdins94. Ponce Pilate a agi ainsi pour que la répression de l’émeute soit plus efficace. Les soldats de Septime Sévère qui entrent à Rome de nuit habillés en civils le font pour ne pas être repérés95.
12Les Romains utilisent aussi le travestissement pour entrer dans une ville assiégée (mais il ne s’agit pas dans ce cas de s’en emparer) ou encore négocier avec une partie de l’armée et la soudoyer. Ils s’habillent dans le premier cas comme l’ennemi : en 179 av. J.‑C., Cominius, préfet de la cavalerie, mit sur ses épaules un sagum à la mode ibère, se mêla aux fourrageurs ennemis, pénétra avec eux dans le camp, comme s’il était un Ibère, traversa le camp et pénétra dans Caravis96. En Germanie, César se déguisa en Gaulois pour pouvoir pénétrer dans un de ses camps, qui était assiégé97. Mais aussi en marchands98 ou en prostituées99. Reste un cas où il n’y a, semble-t-il, pas de déguisement à proprement parler. Pendant la guerre civile entre césariens et pompéiens, dans la péninsule Ibérique, en 45 av. J.‑C., lors du siège d’Ategua, un pompéien parvint à pénétrer dans la ville assiégée100. Frontin et Dion Cassius donnent des versions relativement différentes de l’épisode, mais tous deux écrivent que l’homme prétendit être un césarien, et qu’il fut cru. Cela met bien en lumière le cas particulier que constituent les guerres civiles, durant lesquelles, comme le soulignent les auteurs anciens, un frère combat contre son frère, un ami contre son ami. Un soldat pompéien ne diffère pas d’un soldat césarien. On ne peut néanmoins s’empêcher de penser que sur le champ de bataille, il fallait quand même des signes de reconnaissance : un soldat ne connaissait pas tous les soldats de l’armée à laquelle il appartenait. Pour négocier avec une partie de l’armée et la soudoyer, ce que les Romains ne sont pas les seuls à faire101, les soldats de l’armée romaine endossent le costume soit de marchands102, soit de prostituées103.
13Pour ce qui est du commandant en chef, là aussi les comportements ne sont pas tout à fait les mêmes. Les commandants en chef (ou les rois) se déguisent, aussi bien chez les Romains que chez les autres peuples. Il faut néanmoins noter que pour ces derniers, les exemples ne sont pas très nombreux et datent de l’époque hellénistique, à l’exception du cas du roi Codrus, qui est très particulier, nous l’avons vu (le contexte n’est pas celui d’une défaite). Les hommes concernés sont en effet Pairisadès, mais la phrase de Polyen est très générale, et ne fait pas référence à un exemple précis104. Lacharès, qui eut deux fois l’occasion de se déguiser, une première fois après la prise d’Athènes par Démétrius, et une seconde après la prise de Sestos par le même Démétrius105. La première fois, Lacharès se déguisa en esclave de la campagne, la seconde en femme. Les deux fois, il eut soin de dissimuler son visage, en le barbouillant de noir dans le premier cas, en se couvrant la tête d’un voile noir dans le second (il s’est joint à des pleureuses). Séleucus, lui, prit le vêtement d’un écuyer d’Hamactyon, le commandant de la cavalerie royale, à la suite d’une défaite. Il ne remit ses habits royaux que quand les cavaliers et les fantassins eurent réussi à se réunir en grand nombre106. Le dernier personnage est Antiochus, au moment où il s’est révolté contre son frère Séleucus et a été blessé lors d’une défaite107. Le déguisement des commandants en chef après une défaite est mentionné plus souvent chez les Romains. Ou plus exactement, il est mentionné durant des épisodes particuliers, les guerres civiles. Pendant la Guerre sociale, Lucius Scipion et Lucius Acilius, qui ont préparé Ésernie à rester fidèle aux Romains, quittèrent la ville en habits d’esclaves au moment où Vetius Scaton la menaçait108. Lors de Pharsale, Pompée, au moment où les césariens prirent le camp d’assaut, prononça les mots suivants : « Quoi ? Même dans le camp ? », quitta sa tenue de combat et ses vêtements de général pour prendre les habits qui convenaient à un fuyard109. Decimus Brutus, lors de sa fuite, a adopté la tenue des Gaulois au moment où il arriva au Rhin. Il connaissait très bien la langue des Gaulois, précise Appien110. Sex. Pompée, quand il apprit la défection de son infanterie, changea son habit de commandant en un habit de simple particulier111. Il fit la même chose alors qu’il se trouvait à Céphalonie, et ne reprit l’habit de général que lorsque la situation s’améliora112. Labienus, pressé par Ventidius, parvint à s’enfuir en changeant de vêtement113. En décembre 69 apr. J.‑C., au moment de la révolte de Civilis et à la fin de la guerre civile entre Vitellius et Vespasien, les troupes romaines de Germanie se mutinèrent et tuèrent M. Hordeonius Flaccus. C. Dillius Vocula parvint à quitter le camp de nuit, déguisé en esclave114. Lorsqu’il vit que ses troupes avaient le dessous, Macrin se dépouilla de sa chlamyde et de ses ornements impériaux et s’enfuit, après s’être coupé la barbe et avoir pris un vêtement de voyage115. Si les cas sont semblables, le déguisement n’est pas toujours le même : esclave, simple particulier, Gaulois. Parfois, il n’est pas précisé.
14Y a-t-il enfin des périodes privilégiées pour l’utilisation du travestissement par les soldats de l’armée romaine ? Il est difficile de donner une réponse certaine, dans la mesure où nous sommes loin d’avoir le total de tous les recours au déguisement opérés par les Romains. Si l’on se fonde sur ce que nous avons, nous pouvons cependant faire quelques remarques. La première est que de tels recours sont plus nombreux pendant les guerres civiles, qu’il s’agisse de celles du ier siècle av. J.‑C. ou de celles qui se produisirent sous l’Empire. Mais les guerres civiles sont des guerres particulières, et les auteurs anciens se plaisent à souligner qu’à cette occasion, les règles qui valent lors des autres conflits ne sont pas respectées. La deuxième est qu’ils apparaissent, si l’on ne tient pas compte du cas de Mucius Scaevola, au cours du ive siècle, en 343 plus précisément, avec P. Decius Mus116. C’est une apparition relativement tardive, surtout si l’on pense à ce qui s’est passé chez les Grecs : le roi Codrus, le dernier roi légendaire d’Athènes, passe pour avoir vécu au xie siècle av. J.‑C., et à la fin du viie siècle-début du vie, Solon eut recours aux déguisements. D’autre part, les cas de déguisement sont plus nombreux à l’époque républicaine qu’à l’époque impériale, et pour cette dernière les cas évoqués se produisent le plus souvent pendant les guerres civiles. Cela est peut-être lié aux sources, moins prolixes sur ce point pour l’époque impériale, mais peut correspondre aussi à un changement réel. Les cas sont également isolés, environ deux par siècle. Avec une mention spéciale pour Sertorius, qui apparaît deux fois : lors de la guerre contre les Cimbres et les Teutons, il se déguisa lui-même, pour espionner117 ; dans la péninsule Ibérique, il fit revêtir à ses soldats la tenue des ennemis. Les autres Romains qui utilisèrent ce type de stratagème sont : P. Decius Mus, Fabius Caeson ou C. Claudius, Scipion l’Africain, M. Porcius Cato, Cominius et César. Dans les trois premiers cas, il s’agit d’espionnage ou de mission de reconnaissance, M. Porcius Cato fit revêtir à ses hommes des tenues de l’ennemi, Cominius et César cherchaient à pénétrer dans une ville ou un camp assiégé. Enfin, ce n’est que pendant les guerres civiles que le commandant en chef change de tenue après une défaite. Ce sont les circonstances particulières liées à ces guerres qui expliquent un tel état de fait. Pour ce qui est de la chronologie des autres buts recherchés par les soldats qui se déguisent ou par ceux qui leur ordonnent de se déguiser, les différences sont moins évidentes, à une exception près. Les deux cas où un commandant en chef envoya des soldats déguisés dans le camp de son adversaire pour négocier avec l’armée de ce dernier ou la circonvenir prennent place pendant la guerre civile qui suivit la mort de César, en septembre 44 et en 43 av. J.‑C. Un dernier élément est à relever. Outre la période des guerres civiles, les soldats romains eurent recours au déguisement à l’occasion des conflits qui les opposèrent aux Étrusques, aux Samnites, aux Carthaginois et à leurs alliés, aux Ibères, aux Gaulois et aux Germains. En Orient, il n’y a que le cas du soldat qui voulait tuer Mithridate, et dont on ne sait s’il agit ainsi sur ordre de ses supérieurs.
15Lorsqu’il y a guerres entre les Romains et d’autres peuples, ces derniers ne recourent alors que très peu au déguisement, à l’exception des Carthaginois. Si l’on ne tient pas compte de ces derniers, il n’y a en effet que quatre mentions, dont deux, celles des Tarquiniens et des Falisques en 356 av. J.‑C. et celle des Étrusques en 301 av. J.‑C., sont sujettes à caution. Il ne reste que les Samnites en 319 av. J.‑C. et les Vaccéens en 179-178 av. J.‑C. En revanche, les Carthaginois, et Hannibal en particulier, recoururent souvent à ce stratagème au cours de la deuxième guerre punique. Cela correspond à leur réputation. Mais il est bien connu que l’on ne prête qu’aux riches.
16Les commandants en chef des armées romaines ne s’interdisent donc pas de déguiser leurs hommes, mais il semble bien qu’il y ait des règles. Certains déguisements sont d’abord interdits : un soldat de l’armée romaine n’endosse pas le costume d’un prêtre ou d’un commandant en chef. D’autres sont choisis plus rarement que dans d’autres armées. Les occasions où le commandant en chef choisit de se travestir lui-même sont elles aussi particulières, puisque les cas ne se rencontrent que pendant les guerres civiles. Enfin le recours au déguisement, si l’on suit ces règles et/ou quand les circonstances l’exigent, n’est pas honteux. Des hommes importants peuvent du reste l’utiliser. La situation est grave, la mission est délicate, ils sont les mieux à même de la réussir. Pour y recourir moins souvent, s’il faut du moins en croire les sources, les Romains n’en ont pas moins compris l’intérêt du déguisement et connaissent dans ce domaine un succès certain.
Notes de bas de page
1 Frontin en 84-88, Polyen dans les années 160. Voir E. L. Wheeler, « The Modern Legality of Frontinus’ Stratagems », Militärgeschichtliche Mitteilungen, 44/1, 1988, p. 12-13 ; E. L. Wheeler, « Polyaenus: Scriptor Militaris », dans K. Brodersen (éd.), Polyainos. Neue Studien, Berlin, Verlag Antike, 2010, p. 19. Il n’y a en revanche pas de travaux modernes sur le sujet, sinon en passant, à l’occasion de l’étude des stratagèmes dans l’Antiquité.
2 Frontin, Les Stratagèmes, III, 2, De fallendis his qui obsidebuntur, « De l’art de tromper ceux qui seront assiégés ».
3 Frontin, IV, 7, De uariis consiliis, « Conseils variés ».
4 Polyen, Stratagèmes, P. Krentz (éd. et trad.), E. L. Wheeler, vol. I, Chicago, Ares publishers, 1994, p. XX.
5 Polyen, 28 : Περὶ τῆς κατὰ τὴν ὁμοιότητα τῶν σχημάτων ἀπάτης.
6 Polyen, 52 : Φυγὴ ἑνὸς καὶ μιᾶς.
7 Pour l’utilisation du stratagème chez les Grecs et la conception qu’ils s’en faisaient, P. Krentz, « Deception in Archaic and Classical Greek Warfare », dans H. Van Wees (éd.), War and Violence in Ancient Greece, Londres, Duckworth, 2000, p. 167.
8 G. Achard, « Bellum iustum, bellum sceleratum sous les rois et sous la république », Bollettino di studi latini, 24/2, 1994, p. 482.
9 À propos de la missio, voir G. R. Watson, The Roman Soldier, Bristol, Thames and Hudson, 1969, p. 121 ; M. A. Speidel, « Honesta missio. Zu Entlassungsurkunden und verwandten Texten », dans M. A. Speidel, Heer und Herrschaft im römischen Reich der hohen Kaiserzeit, MAVORS XVI, Stuttgart, F. Steiner, 2009, p. 317-346.
10 S’il faut du moins en croire Strabon, Geographica, XIII, 1, 38, qui écrit qu’en 608-606, à Sigeion, Pittacos de Mytilène, un des Sept Sages, après avoir défié en combat singulier Phrynon, un général athénien, se porta à sa rencontre avec le costume et les instruments d’un pêcheur. Il le prit dans les mailles de son filet, le perça de son trident et l’acheva d’un coup de poignard. Pour Diogène Laërce, Vie et doctrines des philosophes illustres, 74, il avait simplement caché un filet sous son bouclier. Il en enveloppa Phrynon et le tua. Le stratagème ne consiste donc pas à se déguiser, mais à cacher une « arme » sous son bouclier alors qu’il devait lutter à armes égales avec son adversaire (Polyen, I, 25).
11 Frontin, II, 4, 6.
12 C. Daremberg et E. Saglio, s.v. « Agaso », dans Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Paris, Hachette, 1896, p. 131.
13 Daremberg et Saglio, s.v. « Lixa », dans Dictionnaire…, op. cit., p. 1279.
14 Par exemple Caelius et Milon lors du procès de ce dernier (Appien, BC, II, 3, 22). Ou encore Antoine, au moment de la fausse rumeur de la mort de César (Plutarque, Ant., X, 8 ; Cicéron, Phil., II, 31, 77, ne parle pas d’un vêtement d’esclave) ou après l’assassinat de César (Plutarque, Ant., XIV, 1 ; dans Brut., XVIII, 6, il parle d’un vêtement de plébéien). Ou bien les partisans de Vespasien après l’incendie du Capitole (Tacite, Hist., III, 73, 3).
15 Frontin, II, 1, 6 ; Polyen, Excerpta, III, 9, 52 ; 28, 2.
16 César, BG, VII, 20, 8-10.
17 Polyen, I, 27, 2.
18 Hérodote, Histoires, VI, 166-167 ; Diodore de Sicile, La Bibliothèque historique, XI, 21-22. Voir Krentz, « Deception… », art. cité., p. 199-200, n. 3.
19 Frontin, II, 4, 18.
20 Tite-Live, Histoire romaine, VII, 17, 3.
21 Tite-Live, IV, 33 ; Florus, Abrégé de l’histoire romaine, I, 12, 7.
22 Polyen, I, 27, 2.
23 Quinte-Curce, Hist., VIII, 13, 21.
24 Frontin, III, 2, 11.
25 Polyen, VII, 28, 2.
26 Plutarque, Ant., XVIII, 4.
27 Plutarque, Gal., XII, 2 ; Tacite, Hist., I, 48, 2. La femme est celle de Calvisius Sabinus, l’amant, celui qui l’a introduite dans le camp, Titus Vinius, qui est sous les ordres de Calvisius Sabinus.
28 Plutarque, Cras., XXXII, 2.
29 Polyen, II, 4, 3.
30 Plutarque, Sol., VIII, 4-6 ; Polyen, I, 20, 2 ; 28, 1 (voir Krentz, « Deceptione… », art. cité., p. 199, n. 1) ; II, 3, 1 (lorsque Thèbes est sous domination spartiate).
31 Frontin, III, 2, 7.
32 Polyen, II, 3, 1 ; 4, 3.
33 Plutarque, Pélop., XI, 2.
34 Cicéron, Phil., II, 31, 77 ; Plutarque, Ant., X, 8 ; Cor., XXII, 4. Les personnages concernés, Antoine et Coriolan, sont des civils. Hérodien, V, 4, 7, décrit Macrin, qui a fui après la défaite de ses troupes. Il a pris un vêtement de voyage, après avoir coupé sa barbe pour ne pas être reconnu, et marche la tête toujours couverte. Il est accompagné de centurions qui pressent les chars et se disent envoyés en mission par Macrin. Dion Cassius, LXXVIII, 39, 2-3, est plus précis. Il indique en effet que Macrin quitta d’abord Antioche de nuit, à cheval, la tête et le menton rasés, revêtu d’un vêtement sombre, afin de ressembler autant que possible à un simple particulier. Une fois arrivé à Aeges de Cilicie, il monta sur un char comme s’il était un soldat chargé d’un message. Pour R. M. Sheldon, Renseignement et espionnage dans la Rome antique, Paris, Les Belles Lettres, 2009, p. 326-327, ce déguisement, qui est celui d’un frumentarius, lui permit d’avoir accès au réseau routier sans qu’on lui posât de questions.
35 Frontin, II, 4, 6.
36 Plutarque, Sol., VIII, 4-6 ; Polyen, I, 20, 2 ; Exc., 28, 1 : le poignard est caché, sans doute sous la robe. Plutarque, Pélop., XI, 2 : la cuirasse est cachée sous la robe. Frontin, IV, 7, 33 : bien que l’auteur ne le précise pas, les soldats vaccéens d’élite déguisés en femmes ont dû cacher leurs armes.
37 Polyen, V, 19.
38 Frontin, III, 3, 7.
39 Polyen, V, 44, 5 ; Exc., 28, 3. Diodore de Sicile, XVII, 7, 8, écrit simplement que Memnon tomba à l’improviste sur Cyzique et faillit la prendre. Après son échec, il pilla la campagne alentour. Il n’est pas question de déguisement.
40 Tite-Live, X, 4, 10.
41 Tite-Live, XXVI, 6, 11.
42 Tite-Live, XXVI, 12, 15 et 18.
43 Polybe, Histoires, IX, 5, 1-6 ; Tite-Live, XXVI, 7, 6.
44 Tite-Live, XXVII, 28, 4-12 ; Appien, Han., LI, 218-222.
45 Polyen, VII, 37, 1 : Pairisadès, roi du Pont, utilisait un costume pour déployer ses soldats, un costume pour lutter contre l’ennemi et un autre encore pour fuir. Dans le premier, il voulait être visible de tous, dans le deuxième, aucun des ennemis ne devait le distinguer et pendant la fuite il ne devait être reconnu ni par ses amis ni par ses ennemis.
46 Valère Maxime, Des faits et des paroles mémorables, IX, 8, 2 ; Appien, BC, II, 9, 57 (un vêtement de simple particulier) ; Plutarque, Cés., XXXVIII, 2. César n’évoque pas l’épisode.
47 Polyen, I, 18, 1 ; Maurus Servius Honoratus, In Vergilii Buc., V, 11, est moins précis dans la désignation du déguisement (habitu humili). Pour les autres références, voir Krentz, « Deceptione… », art. cité., p. 176.
48 Suétone, Iul., 58, 2.
49 Polybe, III, 78, 1-4 ; Tite-Live, XXII, 1, 4.
50 Quinte-Curce, VIII, 13, 21.
51 Polyen, III, 9, 34.
52 Tite-Live, XXI, 4, 7 ; Silius Italicus, Les Guerres puniques, I, 247-248 ; Frontin, IV, 3, 8.
53 Frontin, III, 2, 3 ; 4 (les Arcadiens s’habillent comme les soldats ennemis, ils ne leur prennent pas leurs vêtements) ; 11 (l’Étolien Timarque) ; IV, 7, 23 (Iphicrate) ; Polyen, I, 34, 1 (Cimon. Plutarque, Cim., XIII, 3, n’évoque pas ce stratagème de Cimon) ; VI, 27, 2 ; Exc., 28, 4 (les Laconiens). Les hommes qu’Hannibal envoie pour prendre des villes en Italie, après les avoir habillés à la romaine, sont sans doute choisis parmi ses soldats. Ils parlent latin, grâce à l’expérience qu’ils ont acquise pendant la guerre ; Wheeler, art. cité., p. 17-18.
54 Frontin, III, 2, 7 (Épaminondas) ; Plutarque, Pelop., XI, 2 (des Thébains) ; Polyen, II, 3, 1 (Épaminondas) ; II, 4, 3 (Pélopidas).
55 Frontin, III, 2, 8 (le Spartiate Aristippe pour s’emparer de Tégée) ; 10 (les Thébains pour s’emparer de Sicyon en 369 av. J.‑C.). Polyen, V, 16, 3, attribue cette dernière ruse à Pammenes.
56 Plutarque, Pelop., IX, 1 (Pélopidas).
57 Frontin, III, 2, 9 (Antiochus).
58 Frontin, III, 3, 7 ; Polyen, V, 19 (Lysimaque, le roi des Macédoniens).
59 Polybe, VIII, 26 ; Tite-Live, XXV, 8-9 ; Frontin, III, 3, 6 ; Appien, Han., VI, 32. Les quatre versions de cet épisode (la prise de Tarente par Hannibal en 212 av. J.‑C.) peuvent être regroupées par deux : la version de Polybe et celle de Tite-Live, la version de Frontin et celle d’Appien. C’est Polybe qui offre le récit le plus circonstancié. La figure du traître en est absente, tout comme Tite-Live n’indique pas que les soldats d’Hannibal se déguisent en chasseurs ; Sheldon, Renseignements et espionnage, op. cit., p. 101.
60 Plutarque, Sert., III, 8. L’épisode prend place en 97/96 av. J.‑C., alors que Sertorius hivernait avec une partie des troupes à Castulo. F. Cadiou, Hibera in terra miles. Les armées romaines et la conquête de l’Hispanie sous la République (218-45 av. J.‑C.), Madrid, Casa de Velázquez, 2008, p. 365 et p. 367 ; Sheldon, Renseignements et espionnage, op. cit., p. 394, indique que cette pratique devait être si inhabituelle chez les Romains qu’elle valut à Sertorius le prix du courage.
61 Frontin, II, 11, 2. La date de l’épisode est inconnue.
62 Hérodien, Histoire romaine, II, 12, 2 (guerre civile entre Didius Julianus et Septime Sévère).
63 Frontin, II, 11, 2.
64 Hérodien, II, 12, 2. Le mot utilisé par Hérodien est ἰδιότης, donc un simple particulier, un homme de condition modeste, un homme du peuple.
65 Diodore, XI, 61 et Frontin, II, 9, 10 (Cimon) ; Polyen, V, 44, 5 ; VII, 11, 6 ; Exc., 28, 3 ; 5.
66 Frontin, II, 9, 9 (dans la version présentée par Justin, II, 8, 1-5 et Énée le Tacticien, IV, 8-11, Pisistrate ne déguise pas les soldats en femmes, il emmène des femmes avec les soldats) ; IV, 7, 33 ; Plutarque, Sol., VIII, 4-6 ; Polyen, I, 20, 2 ; Exc., 28, 1.
67 Tite-Live, XXII, 48, 2 ; XXXV, 29, 8 ; Plutarque, Sol., VIII, 4-6 ; Polyen, I, 20, 2 ; Exc., 28, 1. Polyen, I, 46 et V, 33, 4 (ruse d’Agis et de l’Arcadien Pompiscus). Frontin, III, 16, 2, pour Hamilcar qui envoya de faux transfuges pour tuer des soldats romains. Plutarque, Luc., XVI ; Frontin, II, 5, 30 ; Appien, Mithr., 79, 353-354, pour Olthacos ou Adathas ou Ocalba qui voulait assassiner Lucullus. Frontin, II, 5, 28, pour de faux transfuges iapydes qui se retournèrent contre les Romains pendant la bataille.
68 Frontin, II, 1, 6 ; Polyen, III, 9, 52 ; Exc., 28, 2.
69 Frontin, II, 4, 18 ; Polyen, I, 27, 2.
70 Polyen, VII, 28, 2.
71 Frontin, IV, 7, 12.
72 Dion Cassius, XXXVI, 13, 1.
73 Tite-Live, II, 12 ; Denys d’Halicarnasse, Les Antiquités romaines, V, 27, 4 ; 28, 1 et 3-4 ; Valère Maxime, III, 3, 1 ; Plutarque, Publ., XVII, 2-7 ; Florus, Abrégé de l’histoire romaine, I, 4 (I, 11), 6 ; Polyen, VIII, 8 ; De uir. ill., 12, 1-4 ; Zonaras, Épitomé des histoires, VII, 12.
74 Dion Cassius, XI, 43, 32b ; Zonaras, VIII, 15.
75 César, BG, III, 18, 1, 3 ; Frontin, III, 17, 7 ; Dion Cassius, XXXIX, 45, 3. Y. Le Bohec, César chef de guerre. César stratège et tacticien, Monaco, Éditions du Rocher, 2001, p. 205-206.
76 Tite-Live, IX, 2, 2 (C. Pontius, un général samnite) ; X, 4, 10 (les Étrusques). Pour l’épisode concernant C. Pontius, voir Sheldon, Renseignements et espionnage, op. cit., p. 69.
77 Par exemple pour attirer Crassus loin de l’Euphrate (Plutarque, Cras., XXI-XXII) ; Florus, I, 46 (III, 11), 6 ; Dion Cassius, XL, 20 ; Festus, Breu., 17, 1. Sheldon, ibid.
78 Frontin, II, 5, 10.
79 Frontin, II, 5, 15. Le mot est speculator.
80 N. J. E. Austin, B. N. Rankov, Exploratio. Military and Political Intelligence in the Roman World from the Second Punic War to the Battle of Adrianople, Londres, Routledge, 1995.
81 Tite-Live, VII, 34, 15.
82 Pseudo César, BAfr., 35, 1-5.
83 Tite-Live, IX, 36, 6 ; Frontin, I, 2, 2 ; Florus, I, 12 (17), 4. Tite-Live comme Frontin précisent que le frère connaît la langue étrusque. Tite-Live, qui offre le récit le plus long, justifie cette connaissance par le fait qu’il a été élevé à Céré, chez des hôtes. L’historien précise également que C. Claudius était accompagné pour cette mission par un esclave, élevé à Céré avec lui. Leur connaissance de la langue ne les empêcha pas de se renseigner sur le pays qu’ils allaient explorer et sur les peuples qui l’habitaient ; Sheldon, op. cit., p. 61-62.
84 Plutarque, Sert., III, 8 ; Sheldon, Renseignements et espionnage, op. cit., p. 409.
85 P. O. Spann, Quintus Sertorius and the Legacy of Sulla, Fayetteville, University of Arkansas Press, 1987, p. 15.
86 Polybe, XIV, 1, 13 (εἰς δουλικὰς ἐσθῆτας) ; Tite-Live, XXX, 4 (seruili habitu) ; Frontin, I, 1, 3 (per speciem seruitutis ac ministeri) ; I, 2, 1 (seruorum habitu). Les versions des trois auteurs sont relativement semblables, celle de Tite-Live étant plus longue que celles des deux autres. Ils sont tous d’accord pour écrire que les hommes ainsi envoyés en mission étaient des hommes importants et avisés, des officiers, et qu’ils étaient chargés de reconnaître les deux camps de l’adversaire. Frontin privilégie deux anecdotes. S’il faut en croire la première, les envoyés de Scipion purent accomplir leur tâche en laissant s’échapper un cheval et en le poursuivant à travers tout le camp. Selon la seconde, l’un des espions, L. Statorius, faillit être reconnu par des soldats ennemis. C’est C. Lelius qui sauva la situation en lui donnant des coups de bâton, une punition digne d’un esclave, mais pas d’un soldat romain. Sheldon, Renseignements et espionnage, op cit., p. 106-107, souligne qu’en ce qui concerne l’utilisation des espions, Scipion fait figure d’exception parmi les commandants en chef romains. Voir aussi pour cet épisode J. F. Lazenby, Hannibal’s War, Norman, University of Oklahoma Press, 19982, p. 206-207.
87 Philon, In Flacc., 109-112.
88 Les ambassadeurs sont souvent accusés d’être aussi des espions. Voir par exemple Denys d’Halicarnasse, VI, 15, 3 ; Appien, Ill., II, 9.
89 Cyrus utilisa également des espions déguisés en esclaves, et qui se présentaient en outre comme des transfuges (Xénophon, Cyr., VI, 2, 11).
90 CPL, 106 ; S. Daris, Documenti per la storia dell’esercito romano in Egitto, Milan, Vita e Pensiero, 1964 ; R. O. Fink, Roman Military Records on Papyrus, Princeton, Press of Case Western Reserve University, 1971 ; Chartae Latinae Antiquiores, I, 7. Voir J. Nicole et C. Morel, Archives militaires du ier siècle. Texte inédit du papyrus latin de Genève no 1, Genève, Kündig, 1900, p. 26-27; J. F. Gillian, « Paganus in B.G.U., 696 », AJPh 73, 1952, p. 75-78 ; Watson, The Roman Soldier, op. cit., p. 222-223 et p. 226-227.
91 P. Cosme, « Le soldat romain entre identification et camouflage », dans C. Moatti et W. Kaiser (dir.), Gens de passage en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et d’identification, Paris, Maisonneuve & Larose, 2007, p. 304 ; Sheldon, Renseignements et espionnage, op. cit., p. 204.
92 A. von Premerstein, « Die Buchführung einer ägyptischen Legionsabteilung », Klio, 3, 1903, p. 41 ; M. Gichon, « Military Intelligence in the Roman Army », dans H. E. Herzig et R. Frei-Stolba (éd.), Labor omnibus unus. Gerold Walser zum 70. Geburtstag dargebracht von Freunden, Kollegen und Schülern, Stuttgart, F. Steiner, 1989, p. 168.
93 Tacite, Hist., I, 85, 2 : en 69, alors qu’Othon venait d’arriver au pouvoir, et juste après une mutinerie des prétoriens, les soldats allaient dans les maisons des gens importants sous un déguisement (occulto habitu) pour les espionner. Épictète, Ent., IV, 13, 5 : des soldats habillés en hommes du peuple (ἐν σχήματι ἰδιωτικῷ) venaient s’asseoir auprès des gens et se mettaient à dénigrer l’empereur, ce qui encourageait leurs interlocuteurs à dire ce qu’ils pensaient. Ils étaient alors arrêtés. Pour M. Gichon, « Military Intelligence », art. cité, p. 168, n. 62, ce sont des agents provocateurs.
94 Flavius Josèphe, BJ, II, 9, 175-176.
95 Voir ci-dessus, n. 62 et n. 64.
96 Appien, Iber., 43, 176.
97 Suétone, Iul., LVIII, 2.
98 Appien, BC, III, 5, 31, 1.
99 Plutarque, Ant., XVIII, 4.
100 Frontin, III, 14, 1 ; Dion Cassius, XLIII, 34.
101 En 203 par exemple, Hannon envoya un faux transfuge auprès des Ibères de l’armée romaine pour les soudoyer (Appien, Pun., 29, 122-30, 125).
102 Appien, BC, III, 5, 31, 1.
103 Plutarque, Ant., XVIII, 4.
104 Polyen, VII, 37, 1.
105 Polyen, III, 7, 1 ; 3 ; Exc., 52, 3.
106 Polyen, IV, 9, 6.
107 Polyen, IV, 17, 1 ; Exc., 9, 2.
108 Appien, BC, I, 5, 41.
109 César, BC, III, 96, 3 ; Plutarque, Cés., XLV, 8 ; Pomp., LXXII, 3.
110 Appien, BC, III, 14, 97, 404.
111 Appien, BC, V, 12, 122.
112 Dion Cassius, XLIX, 17, 3.
113 Dion Cassius, XLVIII, 40, 5.
114 Tacite, Hist., IV, 36, 2.
115 Hérodien, V, 4, 7.
116 Et donc avant les guerres contre les Carthaginois, période au cours de laquelle les Romains, pour répondre à la perfidia punique, recoururent de façon plus systématique aux stratagèmes. Pour l’importance des guerres puniques dans ce domaine, voir G. Brizzi, I sistemi informativi dei Romani : principi e realtà nell’età della conquiste oltremare (218-168 a. C.), Wiesbaden, F. Steiner, 1982 ; Achard, « Bellum iustum… », art. cité., p. 480-481. Pour un avis contraire, E. L. Wheeler, Stratagem and the Vocabulary of Military Trickery, Leyde/New York/Copenhague/Cologne, Brill, 1988.
117 Marius aurait pu envoyer quelqu’un d’autre, par exemple un auxiliaire gaulois. Le fait qu’il ait choisi Sertorius montre l’importance de la mission qui lui a été confiée. Marius n’avait peut-être pas une confiance absolue dans les auxiliaires gaulois. P. O. Spann, Quintus Sertorius, op cit, p. 15-16.
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