24
Les correctoires des ordres mendiants
p. 51-52
Texte intégral
1Cependant, parallèlement, les efforts pour parvenir à un texte fiable se poursuivaient activement ; le point de départ était désormais la Bible de Paris. Cette question intéressait particulièrement les ordres mendiants nouvellement fondés des Franciscains et des Dominicains. Les entreprises qu’ils ont menées à bien afin de doter les textes bibliques d’une base meilleure sont connues sous le nom de « correctoires de la Bible ». Les théologiens des ordres mendiants s’intéressaient au grec, et davantage encore à l’hébreu. Dans les deux ordres furent élaborés successivement des correctoires de plus en plus satisfaisants. Ces efforts ne furent pas couronnés de succès ; au demeurant, leurs auteurs n’avaient nullement l’intention de parvenir à une édition améliorée de la Bible de Jérôme. Les manuscrits – enrichis de commentaires – issus de ces entreprises constituent des compilations de leçons parallèles, réalisées à partir de la collation minutieuse de manuscrits bibliques, incitant ainsi implicitement à apporter des améliorations. Ils ont été divisés en treize groupes. Une importance particulière revient au correctoire élaboré par Hugues de Saint-Cher (vers 1190–1263) entre 1230 et 1237 au couvent dominicain Saint-Jacques à Paris. Le correctoire, rédigé probablement aux alentours de 1260 dans le même couvent, constitue une étape supplémentaire. L’idée fondamentale d’Hugues consistait à interroger de manière critique la traduction de Jérôme en s’appuyant sur ses commentaires, ainsi que sur les matériaux de la Vetus latina qu’ils contenaient, et en ayant recours à des manuscrits anciens, y compris à des manuscrits hébraïques. C’est une autre ligne directrice que privilégie Guillaume de la Mare, un Franciscain d’Oxford (vers 1230–vers 1285), dans son correctoire élaboré probablement entre 1260 et 1265. Il s’agit certes d’un bon connaisseur de l’hébreu ainsi que de l’exégèse rabbinique et du grec, cependant il renonce expressément à corriger la Bible de Jérôme suivant les manuscrits du texte originel dont il dispose, et par là à la contaminer. Un autre Franciscain, Gérard de Huy, souhaite si l’on en croit la préface de son ouvrage (vers 1285) éviter de déstabiliser le texte de Jérôme en ayant recours au texte originel ou à des éléments de la Vetus latina ; il préfère n’utiliser des versions du texte original primitif que lorsqu’il s’agit de choisir entre deux variantes latines de la traduction.
2Ces correctoires de la Bible montrent des amorces de critiques textuelles qui semblent très modernes ; en particulier, leurs prologues contiennent de vastes typologies d’erreurs. Toutefois, ils n’apportent pas autant de rectifications qu’on aurait pu l’imaginer (sans jugement de notre part sur ce qui aurait été désirable ou non). Là où l’on s’est consacré à ce type de travail, on ne disposait guère d’exemplaires de la Bible antérieurs à ceux du IXe et Xe siècle. Il se peut que des adaptateurs isolés aient interprété de manière erronée les leçons issues de la tradition textuelle alcuinienne comme « modernes », parce qu’ils les avaient rencontrées dans les bibles de Paris, dans lesquelles elles avaient été introduites par la Glossa ordinaria et ses citations des Pères de l’église. On comprend ainsi que Roger Bacon, dans sa critique, reproche aux correctoires de la Bible de n’avoir fait qu’ajouter à la confusion.
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