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Les bibles de Paris
p. 49-50
Texte intégral
1Au XIIIe siècle, les universités, principalement celles d’Oxford et de Paris, contribuèrent de manière de plus en plus décisive à faire évoluer le texte biblique. Les bibles de Paris sont remarquables par leur présentation du texte et surtout par leur forme externe. Ce type de texte – qui suit dans son ensemble les traditions alcuiniennes –, apparaît entre 1210 et 1230 dans l’entourage de l’Université de Paris, sans que cette dernière ait cependant procédé à une correction systématique. Les exemplaires distincts donnent une apparence d’unité, ne serait-ce qu’au plan formel : tandis que jusqu’alors les bibles complètes (pandectes), destinées essentiellement à l’usage des monastères et des communautés de chanoines1, se présentaient sous un grand format et étaient exhaustives et lourdes, des bibles de petit format, rédigées sur un parchemin extrêmement fin, furent mises en circulation, en lien avec les nouveaux usages de la Bible dans l’enseignement universitaire et dans les débats scientifiques, ou disputations. Cela ne signifie pas que les formes textuelles des écrits bibliques y étaient entièrement harmonisées, mais le simple fait que l’ordre des textes soit désormais normalisé rendait nettement plus aisé le travail commun de lettrés et d’étudiants de différentes régions d’Europe partout où il était pratiqué. Les diverses subdivisions apportées aux textes furent elles aussi abandonnées en faveur d’une nouvelle organisation en chapitres introduite par Étienne Langton (vers 1165–1228) qui est encore en vigueur aujourd’hui. Certains éléments plus anciens de l’appareil textuel ont disparu, tandis que de nouveaux matériaux explicatifs ont été ajoutés en annexe, par exemple un glossaire des noms hébraïques. En l’an 1267, un grand érudit et penseur non-conformiste de l’époque, le Franciscain Roger Bacon (vers 1219–vers 1292), condamne sévèrement ce type de Bible : pendant environ quarante ans, de nombreux théologiens et d’innombrables « libraires » à Paris auraient proposé un texte normalisé de moindre valeur. Cependant Roger Bacon fait ici, à ce qu’il semble, doublement erreur : selon toute probabilité, l’Université n’avait pas imposé officiellement un texte comme étant la norme – l’absence d’unité persistait. D’autre part, ces bibles n’étaient pas produites de manière professionnelle comme des marchandises de masse destinées à l’enseignement universitaire sur le modèle de certains exemplaires normalisés. Il est probable, simplement, qu’un texte qui était en usage se soit répandu. À cela s’ajoute qu’une partie des leçons qui y étaient disséminées étaient bien plus anciennes. On trouve également dans certains exemplaires les traces de collations textuelles2 ou d’améliorations du texte. Grâce à ses atouts pratiques – et peut-être également en raison de la renommée de l’Université de Paris – ce type de bible latine élaboré à Paris a été diffusé largement au bas Moyen Âge. C’est pourquoi on peut parler de « Vulgate », même si cette notion elle-même est beaucoup plus récente.
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