6
La consuetudo et sa rupture
p. 18-19
Texte intégral
1Avec ses traductions de la Bible hébraïque, Jérôme s’adressait à un public cultivé, et ce faisant ne poursuivait pas une mission de l’église ; aux yeux d’Augustin et d’autres, il agissait en solitaire. L’église institutionnelle n’a pas non plus pris en compte immédiatement les résultats de son activité, inaltérés et dans leur intégralité : au Ve et au VIe siècle, on a tout d’abord utilisé les textes établis par Jérôme de manière isolée. Ils ont été introduits en Italie du Sud, à Rome, sous Grégoire le Grand (590–604), puis également en Espagne, en Angleterre et en Gaule. Dans certains manuscrits bibliques ultérieurs se trouvaient des éléments issus de la Vetus Latina, – parfois abstraction faite des textes qui n’avaient pas été revus par Jérôme – ou bien certains y furent insérés. Ainsi l’histoire ancienne du texte de la Bible latine est vraiment troublante, et elle l’est restée par la suite. Cependant, une instance était déjà mise en avant afin de s’opposer aux apports de Jérôme, instance dont nous verrons qu’elle a été à l’œuvre sans relâche : la lectionis latinae consuetudo, le pouvoir de l’habitude, l’odeur d’écurie de ce qui est familier – instance du reste parfois prise en compte par Jérôme lui-même. Augustin privilégiait ses textes de l’Ancien Testament issus de la première période – c’est-à-dire la révision d’après la Septante – par rapport aux nouvelles traductions à partir du texte originel. Un intérêt pastoral et apologétique l’amena à regretter que Jérôme ait lui-même puisé aux sources. C’est que chez Augustin, ce n’est pas le point de vue scientifique, mais un point de vue pragmatique qui se trouve au premier plan : l’unité avec l’église de la moitié orientale de l’Empire, dont le texte biblique de l’Ancien Testament repose sur la Septante ; la confrontation avec des gens qui avaient des opinions différentes, avec des hérétiques. Sa crainte de voir l’église orientale et l’église occidentale s’éloigner l’une de l’autre ne relevait pas de la pure fantaisie. En effet, à partir de ce moment, grâce au travail de Jérôme, l’Occident put s’appuyer sur des fondements qui lui étaient propres en ce qui concerne les questions relatives au dogme biblique.
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