Chapitre 3
Se faire engager : les employeurs des musiciens provençaux et comtadins
p. 129-172
Texte intégral
1Une fois sa formation achevée, son instrument de musique acquis et son répertoire maîtrisé, le nouveau musicien est prêt à se lancer sur le marché du travail afin de tenter d’atteindre l’ultime palier de la professionnalisation : gagner de l’argent grâce à son art. Il cherche pour cela à trouver une place ou un engagement quelque part, si possible en adéquation avec son parcours et ses compétences.
2Un certain nombre d’institutions et de personnes privées sont activement à la recherche de professionnels musicaux, que ce soit pour animer ponctuellement une occasion particulière ou pour intégrer un corps de musique permanent. Chacun de ces employeurs potentiels possède ses propres exigences musicales que le musicien doit impérativement connaître s’il désire être recruté. Ces exigences englobent par exemple le répertoire joué, la posture et l’attitude corporelle du musicien, ou encore son habillement. La satisfaction de ces exigences s’avère bien évidemment essentielle, car la rémunération, la réputation ou les engagements futurs du musicien en dépendent. Ce faisant, les employeurs façonnent directement les conditions de travail. Qui sont-ils et comment influent-ils sur les pratiques professionnelles des musiciens ?
Le musicien au service du pouvoir
3Traditionnellement, il existe au sein des villes et des villages des lieux de pouvoir qui marquent le paysage de leur empreinte. Les autorités investissent l’espace urbain et rural par le biais d’un bâtiment caractéristique immédiatement reconnaissable, qui assoie visuellement et symboliquement leur puissance – l’hôtel de ville, l’église, la caserne, l’arsenal, etc. Ces acteurs urbains dépositaires d’un pouvoir spirituel ou temporel constituent des piliers institutionnels qui sollicitent régulièrement la musique pour marquer leur prééminence et leur prestige1. À ce titre, ils offrent un emploi stable et solide aux musiciens, qui peuvent espérer y effectuer une bonne partie, voire la totalité de leur carrière. Ces employeurs traditionnels que nous allons maintenant étudier sont l’Église, la municipalité et l’armée.
L’Église
4L’Église représente le premier employeur de musiciens en Provence et dans les États pontificaux rhodaniens. Nous nous rappelons que les institutions ecclésiastiques entretiennent une relation étroite avec la musique. Cette dernière sert tout à la fois de lustre solennel aux offices et aux cérémonies, d’élévation de l’âme vers Dieu en excitant la piété et de moyen pour attirer les fidèles en nombre à l’église. Les structures ecclésiales mettent ainsi un point d’honneur à se doter de brillants corps musicaux afin de servir au mieux leur réputation.
5La musique rentre pleinement dans les jeux de concurrence entre les églises, en constituant un véritable critère de hiérarchisation. Les chanoines de Sainte-Anne d’Apt gémissent en 1745 de ce que le plain-chant est exécuté « avec tant de négligence et de précipitation » durant l’office divin que les « messieurs de la ville » qui assistent à des cérémonies dans d’autres cathédrales et les « étrangers » qui passent par dévotion « ne mettent point de différence entre notre église et celles de la campagne2 ». La distinction entre les églises rurales et urbaines passe aussi par la qualité du chant et de la musique aux offices.
6La Provence et les États pontificaux comptent en leur sein des évêchés parmi les plus petits et les plus pauvres du royaume de France. Les revenus des diocèses de Vence, Digne, Grasse, Apt, Toulon et Sisteron, notamment, n’atteignent même pas la moitié de ceux de la moyenne nationale en 17603. Pour autant, les limitations financières n’empêchent pas la plupart des institutions ecclésiastiques de la région d’entretenir des musiciens en proportion de leurs moyens économiques. Un corps de musique fixe constitue le noyau sonore de leurs cérémonies liturgiques quotidiennes. Les effectifs de ce corps permanent varient selon les lieux et les budgets des institutions concernées.
7Notre étude englobe quinze cathédrales, quatre collégiales, un hôpital et une abbaye, dont le point commun est de posséder une maîtrise formant trois à dix enfants de chœur chacune tout au long du siècle. Les effectifs des corps de musique des églises provençales, comtadines et avignonnaises oscillent en général entre 13 et 15 individus. La chapelle la plus nombreuse est celle de l’opulente cathédrale marseillaise, qui aligne un impressionnant bataillon d’une trentaine de musiciens. À l’inverse, le petit chapitre cathédral Saint- Véran de Cavaillon peine à rassembler plus de cinq individus à son service.
8La qualité de la musique ne dépend cependant pas toujours du nombre. Si la « nombreuse chapelle de musique » de la cathédrale phocéenne produit « ordinairement une très bonne musique », et si Saint-Sauveur d’Aix est l’un des centres musicaux les plus brillants de la Provence, qui influence jusqu’à l’Île-de-France grâce à ses célèbres compositeurs, certains petits chapitres tirent également leur épingle du jeu4. L’intendant Pierre Cardin Lebret estime ainsi qu’« il y a ordinairement une bonne musique » dans les églises d’Apt et de Digne en 1700, tandis qu’une publication avignonnaise indique que la collégiale Saint-Didier dispose d’« une bonne musique » 61 ans plus tard5.
9Les corps de musique ecclésiastiques sont dominés par la haute figure du maître de chapelle. Présent dans chaque église, ce personnage endosse de grandes responsabilités et de lourdes charges. Placé à la tête du chœur, il fait figure d’intermédiaire entre les chanoines et les musiciens. Il doit se charger avant tout de l’éducation et de l’entretien des enfants de chœur qui se trouvent sous son autorité. Il assure leurs leçons de musique et parfois d’instruments, les entraîne à former leur voix, leur fait répéter les récitatifs et copier des partitions pour le compte du chapitre. Il distribue également les parties à chaque garçonnet et musicien avant les offices. Il doit en outre régulièrement composer de nouveaux morceaux afin d’enrichir et de diversifier la musique de l’église, comme des messes, des motets ou des graduels6. Il veille à la conservation des papiers et des instruments de musique de la maîtrise, dont il reçoit l’inventaire avec celui des autres meubles et effets de la psallette au début de son engagement7. Il bat la mesure et dirige quotidiennement le chœur des adultes comme des enfants en coordonnant les performances de chacun, notamment au cours des cérémonies extraordinaires, tout en arbitrant les éventuelles plaintes et disputes entre les musiciens. Intendant et économe, il s’occupe enfin de toutes les dépenses liées à la maîtrise et s’emploie à recruter les musiciens externes pour les grandes occasions en musique. En bref, le maître de chapelle constitue véritablement « la cheville ouvrière de la psallette8 ». On le voit, son emploi du temps est particulièrement chargé.
10En dehors du maître de chapelle, les corps de musique comportent un certain nombre de choristes qui en représentent le noyau dur. Le plain-chant, rappelons-le, constitue l’essence même de la musique religieuse. Si la tessiture des chantres n’est malheureusement pas toujours connue avec précision, les chanoines veillent généralement à doter leur chapelle de voix complémentaires : haute-taille et basse-taille ; haute-contre et basse-contre.
11À côté des choristes officient des instrumentistes. Le rôle de ces derniers consiste principalement à accompagner le plain-chant en réalisant une basse continue en mesure de soutenir les voix. Parmi ces musiciens se distingue indubitablement l’organiste. Présent dans pratiquement toutes les institutions étudiées, l’orgue représente le pilier instrumental de la musique religieuse. Il joue globalement les dimanches, les veilles et jours des grandes fêtes du calendrier liturgique, les jours des fêtes des saints locaux et des patrons des églises, ainsi que dans le cadre de fondations financées par de riches paroissiens. Marqueur de solennité, il reste néanmoins coi pendant les périodes de contrition de l’Avent, du Carême ou de la liturgie des morts9.
12Complémentaire de l’organiste, bien que beaucoup moins prestigieux, le serpentiste soutient les voix des chantres en leur donnant le ton et en doublant la mélodie grégorienne. Il répond également à l’orgue dans les situations d’alternance10. Tout ce petit monde se produit aussi bien journellement aux offices quotidiens que pendant les grandes fêtes solennelles en musique du calendrier liturgique.
13La relative stabilité professionnelle dont jouissent les musiciens au service de Dieu vole en éclats au moment de la Révolution française. La suppression des chapitres et la fermeture des institutions ecclésiastiques en 1790 privent en effet brutalement de leur emploi l’ensemble des musiciens d’Église du royaume. Chacun essaie alors de s’adapter comme il le peut à la nouvelle société afin de subsister et de nourrir sa famille. La plupart des individus envoient des suppliques et des requêtes aux administrations des districts pour solliciter une pension ou une gratification, comme par exemple le maître de musique et serpentiste de la concathédrale de Forcalquier, Jean-Joseph Richaud, en novembre 1790, ou bien les musiciens de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille, qui adressent une pétition collective au directoire deux mois plus tard11. Certains continuent d’exercer leur métier en intégrant de nouveaux ensembles musicaux comme le théâtre ou les fêtes révolutionnaires12. D’autres choisissent enfin de se lancer dans une tout autre activité professionnelle, à l’image de l’organiste avignonnais Pierre Rolland, qui devient traiteur en 1793, ou encore du chantre l’islois Antoine Raphel, qui se reconvertit en régent des écoles à la même date13.
14À côté de l’Église, le deuxième pôle musical institutionnel de pouvoir qui emploie le plus de musiciens au siècle des Lumières est la municipalité, présente par nature dans chaque communauté.
La municipalité
15Au sein des villes, des bourgs et des villages d’Ancien Régime, le pouvoir municipal se concentre la plupart du temps entre les mains d’un petit groupe oligarchique accaparant les charges de la communauté en les répartissant parmi un nombre restreint de familles14. En Provence, l’organisation politique des communautés d’habitants s’articule autour d’un système de conseil municipal composé de membres choisis parmi les couches supérieures de la population locale, la sanior pars. Ces édiles occupent des rangs hiérarchiques en fonction de leur condition sociale ou de leur profession. Globalement, les nobles et les hommes de loi l’emportent sur les bourgeois et les marchands, alors que les artisans et les paysans occupent les derniers rangs du conseil, quand ils n’en sont pas tout simplement exclus à défaut d’y faire de la figuration15. Le conseil élit chaque année des consuls, entre deux et quatre selon les communautés, qui représentent le pouvoir exécutif de la municipalité. Marseille constitue une exception depuis sa rébellion contre Louis XIV en 1658-1660 ; ses premiers édiles endossent le titre d’échevin16. Les communautés d’Avignon et du Comtat Venaissin reproduisent sans grande variation la même structure politique que leurs voisines provençales17.
16La municipalité emploie à son service un certain nombre de personnes dans des domaines très divers de l’administration de la vie publique. On y trouve des valets de ville, des jardiniers, des fontainiers, des fossoyeurs et… des musiciens. Les consuls attachent en effet à leur personne des bandes de musique plus ou moins nombreuses. L’art musical leur sert à affirmer symboliquement leur autorité sur la communauté en dominant l’espace sonore public et en l’animant sous leur direction. En finançant des musiciens pour le plaisir de leurs concitoyens, ils prouvent également leur générosité et leur munificence, notamment par le biais de l’organisation de bals. Les échevins font ainsi disposer 24 tambourins et flûtes sur les places de Marseille « pour donner le bal aux nouveaux mariés et au peuple » à l’occasion d’une dotation de 70 filles de la ville par la municipalité afin de célébrer l’accouchement de la Dauphine en 175118.
17Les communautés des États enclavés de l’Église disposent souvent d’une bande de musique permanente à leur service, dès lors que leurs finances le leur permettent. Celle d’Avignon entretient par exemple une compagnie de violons et de hautbois. Composée de 15 ou 16 musiciens, elle joue lors des élections consulaires, de la fête de Saint-Clément et des processions de la Fête-Dieu et de la veille de l’Ascension19. Elle accompagne aussi les édiles en fanfare durant les fêtes publiques. Les consuls de la cité pontificale embauchent en outre une bande de huit instrumentistes à vent vêtus d’un uniforme bleu dans la seconde moitié du siècle. Ses fonctions ordinaires englobent dix événements qui scandent l’année20. Enfin, quatre tambours en uniforme battent la caisse pour le compte de la municipalité avignonnaise21. L’entretien communal d’une bande de violonistes et de hautboïstes se rencontre aussi à L’Isle et à Carpentras22.
18Les musiciens municipaux jouent périodiquement, à date fixe, pour les festivités ordinaires. Outre le feu de joie de la Saint- Jean, ils animent celui de la Saint-Jean-Baptiste dans la plupart des communautés, plus celui de la Saint-Louis à Marseille23. En plus des célébrations ordinaires, le conseil de ville organise régulièrement des réjouissances publiques extraordinaires. Ces dernières prennent place lors de chaque événement important lié à la monarchie, notamment les naissances, les sacres et les couronnements. À cela s’ajoutent les victoires militaires pour la Provence ainsi que les élections et les exaltations des papes pour les États pontificaux rhodaniens. Les musiciens exercent alors leur art en accompagnant les consuls et en animant les places, les messes et les fanfares.
19Les réjouissances publiques extraordinaires comportent bien souvent des bals auxquels se produisent les faiseurs de notes. Ces bals ne rassemblent toutefois pas toute la population au même endroit. Reflets des hiérarchies d’Ancien Régime, ils respectent les séparations sociales et se révèlent réservés à certaines catégories de personnes en fonction des lieux. Les bals de l’hôtel de ville, qui rassemblent un certain nombre de notables, n’ont pas pour vocation à être ouverts à tous. À Salon, la municipalité organise trois bals différents à l’occasion de la naissance du Dauphin en 1781. Le premier fait danser la fine fleur du bourg à la maison communale. Les deux autres amusent le peuple dans un « bal des paysans » et un « bal des artisans », animés notamment par des tambourins24. Cette logique de ségrégation sociale se rencontre aussi au Mans, où des violons sont placés « en trois endroits de la place » du Mail « pour faire danser les soldats et le peuple » en 1780, pendant que les notables se divertissent à l’intérieur de la Comédie située à quelques pas25.
20Parmi tous les musiciens qui mettent leurs talents au service des édiles, l’un d’entre eux se distingue en occupant un poste un peu particulier : le trompette et crieur public. Son rôle consiste principalement à proclamer à son de trompette tout ce qui concerne l’administration publique, au nom des consuls ou des échevins, sur les places et les carrefours de la ville – criées, enchères, ordonnances de police, arrêtés royaux, parlementaires et municipaux, etc. À Forcalquier, par exemple, le trompette Jean-Baptiste Eymieu puis son successeur Louis Balthazar Nicolas publient des enchères de fermes de 1745 jusqu’à la Révolution26. Surtout, le trompette municipal escorte les édiles dans tous leurs déplacements officiels, à pied ou à cheval. Il ouvre leur marche en sonnant de son instrument et annonce leur arrivée en un lieu. Il affirme ainsi la présence du pouvoir dans l’espace public et sanctionne le discours de l’autorité. Il s’inscrit en cela pleinement dans la filiation médiévale du crieur public chargé de diffuser l’information27. La fonction de trompette existe par exemple au moins depuis le début du XVe siècle à Toulon28. La symbolique du pouvoir associée à ce personnage s’étend au domaine judiciaire : le viguier en possède un à Salon, tandis qu’un « trompette de justice » exerce à Marseille29. De même, chaque procureur du pays en tournée peut prendre à son choix un trompette pour l’accompagner30.
21L’autorité municipale n’est pas la seule à user de musique afin de s’affirmer dans les rues de la cité. Les troupes militaires en font de même, parfois de concert avec les édiles et l’Église. L’armée représente effectivement les dernières institutions traditionnelles à pouvoir employer des musiciens au XVIIIe siècle.
L’armée
22Étroitement liés au pouvoir politique, l’armée et les organes policiers –maréchaussée, milice, guet, garde bourgeoise, etc. – quadrillent le territoire national afin de le défendre des menaces extérieures et d’y faire régner l’ordre à l’intérieur, que ce soit au nom du roi, du pape ou de la municipalité. En tant que province frontalière et côtière, la Provence se trouve particulièrement exposée aux coups de main. Par conséquent, le monarque veille à sa protection grâce à un gouvernement militaire. Placé à la tête de cette circonscription administrative, le gouverneur représente personnellement le souverain et s’occupe en théorie de la défense de la frontière et des côtes en résidant à Marseille. En pratique, toutefois, son titre s’avère purement honorifique et un lieutenant général supplée à ses fonctions. Comme le gouverneur et le lieutenant général, qui sont invariablement de grands nobles de cour, habitent de plus en plus souvent à Versailles, un commandant en chef assume leurs attributions31. Sur terre, les régiments qui stationnent en Provence ont leur garnison établie dans diverses places fortes comme la citadelle de Sisteron, le fort Saint-Jean et le château d’If de Marseille, le fort Carré d’Antibes ou encore celui de Saint-Martin à Colmars, près de la frontière savoyarde de la vallée de l’Ubaye. Sur mer, des gardes-côtes surveillent le large, divisés en capitaineries à Toulon, Hyères, Saint-Tropez et Fréjus et composés de bataillons à Antibes, Toulon, Marseille et Martigues32. Il ne faut bien entendu pas oublier la Marine royale. La flotte méditerranéenne de Sa Majesté se concentre dans les deux arsenaux des ports de guerre de Marseille et de Toulon. En ce qui concerne les États enclavés de l’Église, les troupes pontificales s’avèrent bien plusmaigres que leurs homologues françaises. Placées sous l’autorité du vice-légat et concentrées à Avignon, elles se réduisent essentiellement à une compagnie de chevau-légers et à une garde suisse. Les soldats du pape constituent des troupes de parade peu nombreuses et mal entraînées, dont les fonctions se limitent à garder Son Excellence et son palais, surveiller des portes de la ville et à rendre les honneurs. Une maréchaussée créée en 1750 par le vice-légat Pasquale Acquaviva assure le maintien de l’ordre et de la sécurité dans les enclaves. Elle se divise en six brigades : deux stationnées à Avignon et quatre dans le Comtat Venaissin, respectivement à Carpentras, Cavaillon, Valréas et Vaison. Lors de l’annexion des États par Louis XV en 1768, la maréchaussée se retrouve incorporée dans celle de Provence, tandis que les chevau- légers sont temporairement renvoyés – tout redevient comme avant six ans plus tard.
23En plus des soldats, des marins, des fournisseurs ou des intendants, l’armée compte des musiciens dans ses rangs. Contrairement à l’Église et à la municipalité, la musique militaire remplit un rôle avant tout utilitaire. Elle sert tout d’abord à transmettre les ordres sur les champs de bataille ; c’est ce qu’on appelle la céleustique. Il s’avère en effet difficile pour les généraux de diriger leurs troupes uniquement par la voix et des gestes en plein combat, notamment la cavalerie qui se porte facilement loin dans le feu de l’action. La distance, la fumée, les bruits de guerre et les explosions couvrent les cordes vocales et brouillent les signaux visuels. Afin de se faire entendre jusqu’au cœur de la mêlée, les officiers recourent à des moyens sonores dès l’Antiquité, et cela bien au-delà de l’Europe. Dans son traité de L’Art de la guerre, le légendaire Sun Tzu cite déjà l’utilisation de tambours pour orchestrer l’attaque et de gongs pour ordonner la retraite au Ve siècle avant J.-C.33. Les musiciens préparent l’affrontement en accompagnant par des sonneries les soldats de l’armée romaine depuis leur prise d’armes jusqu’à l’assaut, alors qu’ils excitent l’esprit patriotique des guerriers-citoyens de la Grèce ancienne34. D’abord objets sonores simples – tronc évidé, bambou creux, conque, corne d’animal, etc. –, les instruments militaires se perfectionnent et profitent des progrès de la métallurgie ; les cuivres intègrent l’instrumentarium de Mars au Moyen Âge35. Très répandu dès le XVe siècle, le tambour se trouve au centre du dispositif céleustique de l’infanterie française depuis le règne de François Ier. Ses batteries d’ordonnance indiquent aux troupes les manœuvres à effectuer pendant la bataille – charge, retraite, mouvements tactiques, etc.36 Chef du service des transmissions du régiment, le tambour-major est chargé de faire apprendre les batteries réglementaires à ses tambours. Au combat, il se tient auprès du commandant et en répercute les ordres par un ou plusieurs instrumentistes. Des chaînes de tambours relaient ensuite l’instruction sonore tout le long du terrain d’affrontement afin de pallier l’affaiblissement du son sur la distance. D’abord très diversifiées selon les corps, les batteries d’ordonnance sont unifiées et uniformisées par Louis XIV en 168337. 70 ans plus tard, l’officier des gardes-françaises Joseph Henri de Bombelles publie une Instruction pour les tambours qui rassemble 12 morceaux visant à préciser et à fixer l’usage de la céleustique. « Métronomes du régiment », les tambours scandent l’emploi du temps des soldats. Ils les rassemblent au réveil, à l’alarme ou à la prière. Surtout, ils rythment leur marche en les faisant avancer en ordre du même pas, plus ou moins rapidement selon qu’il s’agit d’un déplacement ordinaire ou sur le champ de bataille38. Si le tambour dirige l’infanterie avec le fifre, la cavalerie privilégie en revanche la trompette, moins encombrante et d’une portée supérieure, associée aux timbales. Les sonneries des trompettes remplissent des fonctions identiques à celles des tambours. Elles ne sont en revanche codifiées que vers 177039. Chaque régiment dispose en outre d’une batterie ou d’une sonnerie spécifique qui le distingue des autres, ce qui permet à ses hommes de retrouver leur drapeau au milieu de la nuit ou de savoir si un signal donné par caisses s’adresse à eux ; il s’agit de l’identification40.
24Outre la transmission des ordres, la musique sert aussi à instiller du courage aux troupes en soutenant leurs actions en combat. Elle renforce de ce fait leur cohésion et leur identité de groupe tout en impressionnant l’ennemi d’en face41. Par conséquent, les musiciens se retrouvent bien souvent la cible privilégiée des tirs adverses. Leur élimination implique en effet autant la rupture de la chaîne de transmission des commandements qu’un impact certain sur le moral des soldats. Les orchestres militaires jouent ainsi au péril de leur vie, parfois au moment critique des batailles, afin d’encourager les hommes dans la mêlée. Sous la Révolution retentissent par exemple les airs de Ça ira et de La Marseillaise sous le feu croisé des canons42. Les musiciens représentent d’autant plus une proie tentante que leurs instruments constituent une prise de guerre au même titre qu’un drapeau ou un étendard, particulièrement les timbales. Ces dernières, ainsi que les tambours et les trompettes, sont exposées à l’arsenal de Marseille en qualité de « trophées d’armes » qu’admire Fleutelot en 171943.
25En dehors des champs de bataille, les musiciens martiaux rythment la vie militaire dans les campements, en garnison et lors des périodes de manœuvre. La musique ponctue le temps de service du soldat par des appels et des ordres qui le laissent le moins désœuvré possible en occupant son temps, ce qui, dans l’esprit des administrateurs royaux, permet de limiter pillage et brigandage sur le dos des populations civiles44.
26Église, municipalité et troupes militaires représentent autant d’acteurs urbains qui accueillent de la musique en Provence et dans les États pontificaux transalpins. Ces institutions constituent traditionnellement des pourvoyeurs d’emplois stables pour les musiciens. Il s’agit en effet de structures pluriséculaires solidement établies qui se rencontrent dans la totalité des villes étudiées. Elles représentent par conséquent des employeurs de choix pour les musiciens, qui s’y tournent en priorité à condition d’en intérioriser les usages et d’accepter, dans le cas de l’armée, de parfois risquer sa vie. À côté de ces employeurs traditionnels, la région voit émerger de nouvelles institutions culturelles dans lesquelles s’insèrent les musiciens.
Le musicien, l’académie et le théâtre
27Des acteurs culturels nouveaux s’implantent dans la ville provençale et comtadine au siècle des Lumières, souvent sur des initiatives privées. Deux d’entre eux retiennent notre attention car ils sollicitent particulièrement les musiciens : l’académie de musique et le théâtre. À l’instar des pouvoirs traditionnels, ces derniers marquent le paysage urbain de leur empreinte en investissant un bâtiment particulier – le théâtre, la salle de concert. Ces nouveaux employeurs à la recherche de musique permettent aux musiciens de diversifier leurs activités professionnelles et de multiplier leurs perspectives de carrière.
Les académies de musique
28Au XVIIe siècle apparaissent en France des institutions savantes se plaçant sous la houlette du pouvoir royal : les académies. Ce mouvement culturel, qui s’accentue sous le règne de Louis XIV et part essentiellement de Paris, se prolonge au siècle suivant tout en se développant en province. Les académies visent à rassembler et à structurer les élites éclairées autour d’activités spéculatives liées aux sciences et aux arts. Elles accompagnent l’essor des Lumières, auxquelles elles participent pleinement par le biais de la célèbre République des lettres, et répondent à un besoin de sociabilité organisée45. La musique fait partie des domaines couverts par le champ d’action des académies. Mieux encore, elle profite de ce mouvement par le développement de nouvelles formes d’organisation de concerts46. Les concerts publics s’autonomisent progressivement au cours de la période, dans la mesure où, comme le remarque David Ledent, « la musique devient l’objet central du spectacle », détaché de toute autre forme d’événement, qu’il soit religieux, politique ou théâtral. La fondation du Concert spirituel par Anne Danican Philidor dans la capitale en 1725 reflète cette autonomisation par laquelle s’expérimente le goût musical47. Au sein des régions françaises, ce processus se concrétise par la création d’académies de musique dans la première moitié du siècle des Lumières. Pas moins de 31 établissements de ce type apparaissent entre 1707 et 1747, dont la majorité dans le sud du royaume, Provence comprise48. Les académies de musique s’inscrivent ainsi dans le mouvement général d’institutionnalisation du champ culturel français, dont les contemporains notent la nouveauté et le dynamisme. Elles témoignent en outre de la place croissante prise par la musique au sein du loisir aristocratique. Ce dernier sert entre autres à consolider l’entre-soi des élites provinciales49.
29La structure et le fonctionnement général des académies de musique, ou Concerts – les deux termes s’équivalent sous la plume des contemporains –, sont bien connus des historiens et des musicologues depuis le début du XXe siècle50. La Provence et les États pontificaux rhodaniens comptent six académies. Elles se localisent, par ordre de fondation, à Arles (créée en 1715), Marseille (1717), Aix (1719), Carpentras (idem), Avignon (1723) et Toulon (avant 1742). Inégalement documentées, ces institutions ont déjà été étudiées en profondeur pour une partie d’entre elles51. Ces cités n’abritent toutefois pas la totalité des Concerts de la région. Une académie est ainsi recensée à Salon en 177352. Chacun de ces établissements est fondé par les membres de la noblesse locale, qui s’associent entre eux par souscription sur une initiative privée. Si la première moitié du siècle connaît une multiplication de créations de Concerts à la faveur d’une passion généralisée pour la musique, ces établissements peinent néanmoins souvent à se pérenniser dans le temps. Majoritairement soutenues par les cotisations de leurs membres, les académies rencontrent fréquemment des difficultés financières lorsque le nombre de ces derniers diminue. Lorsque le goût des notables pour l’art d’Euterpe s’émousse et que l’effet de mode s’estompe avec le temps, les académiciens négligent de s’acquitter de leur cotisation, ce qui plonge la compagnie dans la faillite. Il n’est pas rare de constater une existence des Concerts en dents de scie, au gré des fermetures et des renaissances. Avignon voit ainsi au moins deux académies de musique apparaître et disparaître dans ses remparts au siècle des Lumières, de même que Toulon et Arles53. Pas moins de trois Concerts différents se succèdent à Aix entre 1719 et la Révolution54. L’académie de Carpentras ferme quant à elle définitivement ses portes en 175555. Exception notable, le Concert de Marseille joue sans interruption pendant tout le siècle, de 1717 à 1793, ce qui témoigne de son ancrage solide au sein de la vie culturelle phocéenne. Les académies souffrent également fortement de la concurrence du théâtre à partir de la deuxième moitié du siècle des Lumières. Le succès grandissant de l’opéra-comique, qui nécessite d’être joué sur scène par de bons acteurs, incite en effet les académiciens à préférer la Comédie au Concert.
30Dans les académies de musique, contrairement aux institutions que nous avons étudiées jusqu’a présent, les musiciens se trouvent au cœur du dispositif. Nous n’avons malheureusement aucune idée précise des effectifs musicaux des académies d’Arles, de Toulon et de Carpentras. Les quelques contrats de recrutement de l’institution carpentrassienne retrouvés, datant du milieu du siècle, laissent cependant deviner une dizaine d’executants permanents, comme pour l’academie aixoise56. L’engagement d’un musicien fait en effet l’objet d’un acte notarié qui précise ses conditions d’exercice et la durée de son contrat. Cette dernière court généralement sur un an, le temps d’une saison. Les académiciens renouvellent ensuite l’engagement au terme de l’année écoulée si le professionnel donne satisfaction57. Les pupitres des académies provençales et pontificales comportent le plus souvent des instruments de la famille du violon alto, violoncelle, contrebasse –, des flûtes, des hautbois, des cors et des bassons. Ils comprennent également un clavecin pour la basse continue, ainsi qu’un serpent pour les concerts spirituels – au moins à Aix et à Marseille. En ce qui concerne les voix, des choristes assurent les chœurs tandis que des solistes hommes et femmes chantent les rôles de haute-contre ou de basse-taille.
31Parmi tous les musiciens recrutés au Concert, les chanteuses solistes sont indubitablement les plus importantes. Piliers de l’académie, véritables stars, leur talent vocal se mesure à l’aune de leur rémunération. Comme nous l’avons déjà constaté, elles sont les musiciennes les mieux payées de l’académie d’Aix – jusqu’à 25 fois plus que le bassoniste, musicien le moins bien rémunéré de l’institution.
32Les musiciens des académies exercent leurs talents une ou deux fois par semaine au cours de concerts généraux. Ces concerts hebdomadaires se déroulent le lundi et le vendredi à Marseille, le mardi et le vendredi à Carpentras58. À ces concerts réguliers s’ajoute en outre un jour de répétition qui permet aux gagistes de s’exercer sur les œuvres prévues au programme. Les musiciens exécutent des extraits d’opéra, des motets, des ariettes et des opéras-comiques qui suivent le goût musical du siècle.
33La grande particularité des orchestres académiques est d’abriter des amateurs en leur sein. Les statuts des Concerts prévoient en effet que chaque académicien peut, s’il le désire, chanter ou jouer d’un instrument parmi les musiciens professionnels59. Les gagistes interprètent donc les morceaux en compagnie d’un ou de plusieurs amateurs. Ils doivent par conséquent adapter leur jeu en tenant compte du niveau, pas toujours extraordinaire, de ces interprètes afin de leur permettre de suivre correctement le rythme. De plus, les musiciens ont également à faire attention à leur comportement vis- à-vis de leurs aristocratiques confrères. Ils doivent savoir demeurer à leur place en toutes circonstances, une place d’employé inférieur socialement. Cela ne s’avère pas toujours évident, d’autant plus que les musiciens professionnels se sentent légitimement supérieurs en musique. En 1765, le basse-taille Tourvielle se dispute ainsi avec l’un des académiciens au Concert d’Aix, peut-être sur un point d’exécution, et lui manque de respect. La réaction ne se fait pas attendre. Un autre sociétaire demande à ce que l’insolent chanteur soit emprisonné pendant huit jours « pour le punir et le contenir dans son devoir ». Grand seigneur, l’académicien lésé accorde finalement sa grâce à Tourvielle après l’avoir fait mander et « reconnaître ses torts60 ». Le basse-taille a dû faire amende honorable pour éviter la prison.
34Malgré ces désagréments, les conditions de travail dans une académie de musique se révèlent très attractives pour un musicien. Une place au Concert lui octroie un prestige social certain. Sans être toujours mirobolants, les émoluments sont plus que corrects, surtout pour les premières cantatrices. Les activités de l’académie avignonnaise nourrissent ainsi bon nombre de familles de musiciens selon l’assesseur du conseil de ville en 176261. Certains gagistes reçoivent en outre un logement de fonction, à l’image du maître de musique du Concert phocéen, qui habite à l’intérieur de « l’hôtel de l’académie62 ». À Aix, les musiciens obtiennent en 1772 des vacances pleines lors des mois estivaux sous la clause de ne toucher que la moitié de leurs gages63.
35En parallèle des académies de musique, élitistes par nature, se développe une autre institution culturelle demandeuse de musique au siècle des Lumières : le théâtre, potentiellement ouvert à tous, y compris au peuple et aux illettrés.
Le théâtre
36Comme pour les académies de musique, il n’existe pas de théâtre fixe au sein de toutes les cités de notre corpus. La construction coûteuse d’une salle de spectacle spécialisée implique la présence d’un public régulier et suffisamment nombreux pour permettre à l’administrateur de rentrer dans ses frais, sous peine de faillite. Une telle entreprise nécessite donc un certain seuil démographique. Par conséquent, il n’y a rien d’étonnant à ce que les quatre seules villes provençales et pontificales qui comportent un théâtre se situent au sommet de la hiérarchie urbaine régionale. Il s’agit de Marseille, d’Aix, d’Avignon et de Toulon.
37Les autres villes de la région ne possèdent pas de salle de spectacle permanente. Cela ne signifie pas qu’elles ne connaissent pas l’art dramatique. Les troupes théâtrales effectuent en effet régulièrement des tournées afin d’élargir leurs recettes en étendant leur champ d’action à une zone géographique plus large que leur cité d’attache64. En 54 années d’exploitation théâtrale, de 1685 à 1739, les troupes d’opéra de Marseille font au moins 20 tournées qui couvrent la Provence, mais aussi le Languedoc oriental et parfois l’Italie côtière occidentale. En leur absence, des compagnies de comédiens ambulantes viennent occuper la salle de théâtre65. Le passage de ces troupes permet à ces villes de profiter des spectacles dont elles ne disposent pas à demeure, si ce n’est dans le cadre privé de certains nobles. Arles, par exemple, voit des compagnies professionnelles l’égayer tout au long du siècle, en provenance de Marseille, d’Aix, d’Avignon et de Lyon. Des musiciens exécutent ainsi quelques opéras-comiques sous la direction du sieur Deval au mois d’avril 177466. De même, un petit théâtre est aménagé dans une salle de l’hôtel de ville de Carpentras en 1755, année de cessation d’activité de l’académie de musique, où se produisent les troupes de passage comme la troupe « de comédiens italiens » de Dominique Bassy, de Ferrare, en 175967.
38Les musiciens prennent une part active aux arts de la scène aux côtés des acteurs, des danseurs et des machinistes. La musique remplit plusieurs fonctions au théâtre. Avant tout au service d’un spectacle, elle sert de décor sonore. Elle soutient et accompagne des éléments visuels auxquels elle se rattache invariablement – les décors, le jeu des comédiens, les pas des danseurs, la valse des machines. Elle endosse également une fonction dramatique et contribue à la construction de l’action, notamment dans les comédies-ballets, le théâtre lyrique et les opéras-comiques68. Pour cela, elle participe à la constitution d’une atmosphère particulière qui aide à plonger les spectateurs dans l’univers et le lieu où se déroulent les péripéties. Le livret de l’ouverture de la comédie Azémia ou les Sauvages, de Nicolas Dalayrac (1786), indique par exemple en didascalie l’instruction suivante :
39« Une musique tranquille doit indiquer le calme et la solitude de ce lieu champêtre » – une île69. L’art d’Euterpe plante ici le décor, en collaboration avec les toiles de fond peintes et les accessoires. Enfin, elle contribue à dérouler le récit par l’intermédiaire du chant des comédiens.
40Les musiciens de théâtre se répartissent en trois grandes catégories qui découlent de ces fonctions. Les premiers et les plus importants sont, comme dans les académies, les chanteuses et les chanteurs solistes. Dans leur ombre évoluent sur scène les musiciens des chœurs, plus discrets mais tout aussi indispensables. Grappe humaine aux voix fondues en un seul ensemble harmonieux, le chœur illustre et contraste l’action des opéras, dont il commente la dramaturgie. Il met aussi les solistes en valeur en soulignant leurs actes. Le travail de choriste nécessite une bonne coordination collective ainsi qu’une capacité à gommer son individualité pour faire corps avec les autres chanteurs. Les instrumentistes de l’orchestre complètent la panoplie musicale des théâtres. Ordinairement installés dans la fosse entre la scène et le parterre, ils peuvent cependant exécuter leur répertoire à n’importe quel endroit de la salle, et parfois même se déplacer. Outre l’accompagnement musical de l’action scénique et l’instauration d’une atmosphère sonore particulière, l’orchestre joue une symphonie à l’ouverture du spectacle, entre chaque acte et entre chaque pièce à la Comédie d’Avignon, pratique probablement partagée par tous les théâtres de la région70.
41La période révolutionnaire profite grandement à l’art dramatique avec le développement d’un « théâtre patriotique » pensé comme moyen de promotion d’une transformation culturelle en faveur d’une « régénération civique du peuple ». Les planches servent alors de véritable « école primaire pour adultes », qui doit former le caractère national tout en s’adaptant aux changements politiques et sociaux71. Cette entreprise de propagande profite par contrecoup aux musiciens théâtraux grâce à la multiplication des scènes consécutive au décret Le Chapelier, qui autorise tout citoyen à élever un théâtre public le 13 janvier 179172. De fait, le deuxième théâtre de Marseille, celui de la Nation, ouvre ses portes deux mois plus tard en parallèle de la salle de la rue Beauvau. L’univers théâtral constitue à ce moment une bonne voie de reconversion pour les musiciens dont les charges ont disparu avec l’Ancien Régime, notamment ceux d’Église. L’ancien trompette des chevau-légers d’Avignon Jean-Joseph Hill, qui fuit la cité pontificale avec une partie de sa famille en 1791, retrouve ainsi du travail au théâtre des Variétés de Marseille73.
42Alors que leurs confrères s’engagent à servir la grandeur des autorités religieuses ou politiques, les musiciens académiques et théâtraux s’emploient au divertissement des élites ou du peuple. Institutions culturelles émergentes au XVIIIe siècle, l’académie de musique et la Comédie offrent de nouvelles perspectives intéressantes pour les musiciens, cela d’autant plus que ces derniers peuvent mieux négocier leurs appointements, voire espérer devenir de véritables vedettes adulées du public – surtout les femmes. Toutefois, au contraire des églises et des communautés, ces institutions ne se rencontrent que dans les villes les plus importantes, ce qui représente un inconvénient non négligeable pour les musiciens habitant dans les petites localités. Autre défaut, l’instabilité chronique de ces établissements, notamment les académies, expose les musiciens à perdre leur place en cas de faillite.
43Qu’il s’agisse d’institutions traditionnelles de pouvoir ou d’établissements culturels émergents, tous ces employeurs engagent les musiciens sur des périodes relativement longues, souvent des années. Ils tissent des liens durables avec eux, et un musicien passe parfois toute sa carrière au sein d’une même institution.
44Les opportunités professionnelles musicales ne se limitent cependant pas à ces employeurs fixes. Une multitude d’acteurs urbains sollicitent les musiciens pour des prestations occasionnelles, et ceux-ci se regroupent en bandes indépendantes afin de répondre à ces demandes fluctuantes.
Le musicien indépendant
45Tous les musiciens ne se mettent pas au service d’un employeur régulier. Certains choisissent de demeurer indépendants et d’exercer leur art ponctuellement auprès d’institutions ou de personnes privées. Seuls ou en groupe, ils jouent ici simplement le temps d’un engagement à l’occasion d’un événement particulier, et leur contrat se termine lorsque s’éteint la dernière note. Ils peuvent également se mettre eux-mêmes en scène dans la ville en animant les rues de leur propre chef dans l’espoir d’un pécule de la part des passants.
Les associations de musiciens
46En dehors d’une institution de rattachement, il peut s’avérer difficile de gagner sa vie seul sans réputation solidement établie. Beaucoup d’engagements musicaux nécessitent en outre la présence de plusieurs musiciens afin d’être menés à bien. Par conséquent, une solution intéressante consiste à s’associer librement entre musiciens. Dans un contexte où le cadre corporatif n’existe pas pour les métiers de la musique, qui sont des professions libres uniquement régulées par la loi du marché, les associations de musiciens apparaissent comme un moyen d’encadrement relatif des conditions de travail. Ces associations consistent à se regrouper entre musiciens afin de former une bande destinée à se produire à diverses occasions, au plus grand bénéfice de tous ses membres. Les musiciens jouent donc ensemble pour le compte d’un client ponctuel. L’argent récolté dans le cadre des activités de la bande est ensuite réparti équitablement entre tous.
47Les associations musicales concernent 311 individus de notre corpus, soit 15 % de l’ensemble. Il ne s’agit pas d’une proportion très élevée, ce qui n’a rien d’étonnant étant donné que la majorité de nos musiciens travaille au sein d’une institution fixe, notamment l’Église, et n’a donc pas besoin d’intégrer une bande pour gagner sa vie, sans oublier l’effet de source qui nous cache davantage les praticiens indépendants que les autres. Ces associations concernent exclusivement des joueurs d’instruments ; aucune troupe de chanteurs n’apparaît dans nos sources. Les bandes de musique se rencontrent plutôt dans les grandes cités comme Marseille, Aix, Arles et Avignon, qui concentrent à elles seules près des trois quarts des musiciens associés rencontrés – 230 personnes. L’abondante diversité des opportunités musicales de ces villes, susceptible de faire vivre plusieurs troupes à la fois, explique cette concentration. À l’inverse, les petites villes n’accueillent pas beaucoup d’associations pour deux raisons. D’une part, la polarisation de leur vie musicale autour des axes principaux de l’église et de la municipalité ne laisse pas beaucoup de place à d’autres employeurs susceptibles de nourrir une bande de musique. D’autre part, et plus simplement, le vivier local de musiciens, moins large, ne permet pas la formation de nombreuse troupes musicales. Il existe néanmoins une exception de taille en Provence : Apt. Pas moins de 52 musiciens différents y exercent leur art en bande, ce qui représente 39 % de l’échantillon musical aptésien, bien plus que la proportion générale. Ces bandes se mettent principalement au service de la municipalité et plusieurs de leurs membres forment des dynasties.
48Les associations de musiciens rassemblent en effet bien souvent des membres de la même famille. Sur les 66 personnes recensées dans les bandes de musique avignonnaises, 23 sont reliées entre elles par les liens du sang74. Il s’agit principalement de pères et de fils, mais aussi de frères. à Apt, quatre Eymard battent la caisse en même temps à des feux de joie en 1745 – trois frères et le fils de l’un d’eux –, tandis qu’à L’Isle, trois Bourran, le père, l’oncle et le fils, jouent du violon ensemble75. Se produire en famille fait partie, nous l’avons vu, du processus d’apprentissage du futur musicien et lui permet de s’initier aux arcanes du métier. André Eymard a ainsi 18 ans en 1745, alors que le jeune Joseph Bourran fête seulement ses 16 printemps en 1739. Privilégier les liens du sang au sein d’une association musicale renforce également la cohésion du groupe en mêlant intérêts familiaux et intérêts professionnels. Dans le même ordre d’idée, nous nous rappelons qu’un maître intègre fréquemment ses élèves dans sa bande, l’exemple le mieux documenté étant celui du Phocéen Antoine Caron à l’aube de la période. La présence dans une troupe de musiciens habitués à jouer ensemble du fait que l’un a appris son art aux autres augmente les chances de réussite de cette association, cela d’autant plus que les individus en question maîtrisent les mêmes techniques et manient leurs instruments de la même façon. Cela fonctionne aussi, bien sûr, dans le cas des savoirs transmis par la famille et prolongés par une pratique commune.
49Les musiciens associés officialisent juridiquement l’existence de leur troupe par la rédaction d’un acte notarié. Ce dernier détermine à l’avance la durée de l’association. En France, cette durée varie généralement de un à six ans, plus rarement de dix à douze ans, exceptionnellement au-delà. Non limitatif, le nombre de membres va de six à douze76. Le temps et l’effectif des bandes provençales et pontificales ne diffèrent guère. À Avignon, la durée moyenne d’une troupe se monte à six ans. Les rares contrats d’association retrouvés à Aix à la fin du XVIIe siècle laissent apparaître des engagements de deux ans, tandis que les documents marseillais montrent des durées s’étalant entre trois et cinq années77. À Carpentras, les violonistes Arnaud et Jean-Baptiste Meynard s’associent « tout le temps » qu’ils veulent, sans limites fixées à l’avance, ce qui constitue une originalité notable78. Cette clause fonctionne probablement du fait que les associés ne sont que deux, ce qui diminue les risques de mésentente future – ils peuvent toutefois s’adjoindre deux autres musiciens afin d’étoffer leur duo lors d’occasions importantes. À l’inverse, la bande de musique avignonnaise la plus éphémère – trois ans – rassemble le nombre impressionnant de 23 musiciens en 172279. De nombreux musiciens jouant ensemble entraînent indubitablement plus de problèmes d’organisation qu’un petit nombre, ce qui augmente les risques de tensions et de disputes au sein du groupe. Par conséquent, il n’est pas étonnant que cette société dure moins longtemps. Un point de la convention stipule même que les membres chargés d’aller se produire pour le compte de la bande doivent obligatoirement être tirés au sort80.
50Les contrats d’association délimitent strictement les modalités d’exercice de la troupe. Elle comporte un chef de bande, qui dirige l’ensemble et s’occupe de récolter les appointements auprès de l’employeur du jour avant d’en répartir le fruit entre les associés via une recette commune. Les musiciens n’ont pas le droit d’aller se produire dans une autre bande sans permission pendant toute la durée de l’association, sous peine d’amende. Ils peuvent par contre souvent jouer seuls à des bals privés et à des concerts particuliers, ou au sein de l’orchestre de la Comédie et de l’académie locale81. S’ils désirent quitter la troupe avant l’expiration du contrat, ils doivent également s’acquitter d’une somme d’argent, rendre leurs partitions et parfois même leur instrument, ce qui signifie que la bande leur en prête dans certains cas82. Une bande possède fréquemment un uniforme propre afin d’ajouter du lustre à ses prestations et de se différencier de la concurrence. Son champ d’action s’étend d’abord sur toute la ville où elle est implantée, mais elle ne se prive pas non plus de se rendre dans les localités voisines si les municipalités font appel à ses services. En 1761, la troupe avignonnaise de trompettes et de timbales du sieur Armand anime ainsi les cérémonies de l’entrée de l’évêque de Cavaillon en son siège épiscopal83. Les associés se mettent au diapason en s’exerçant ensemble hebdomadairement, soit chez l’un d’entre eux, soit dans un lieu spécialement loué à cet effet. Ceux de la « musique turque » se réunissent par exemple deux fois par semaine à Avignon dans l’habitation de l’un des deux directeurs, Pierre Ancel, en 1788 : le jeudi à 8 heures du soir l’hiver, 9 heures l’été, et le dimanche à 3 heures de l’après-midi84.
51Les troupes de musique rassemblent plusieurs types d’instrumentistes. Dans la lignée du Grand Siècle, la première moitié du XVIIIe siècle voit surtout des associations de violonistes et de joueurs de hautbois ou de violons seuls, que ce soit à Avignon, à Aix, à Arles, à Marseille ou à Carpentras85. Les bandes se diversifient au fur et à mesure que la période avance, notamment pour ce qui est des aérophones. La compagnie phocéenne de Pierre François Allaud compte ainsi un violon, des cors de chasse, des octaves, des bassons et des clarinettes en 1786. Trois ans plus tard s’y ajoutent des trompettes, des serpents, des cymbales et une grosse caisse86. Des troupes de tambourinaires, de tambours et de fifres travaillent également en Provence et dans le Comtat. Les bandes aptésiennes battent par exemple principalement la caisse et jouent du fifre, tandis qu’une troupe de tambourinaires basée à Pernes anime les communautés alentours comme Cavaillon dans les années 1760 et 177087.
52Toutes ces compagnies de musiciens se mettent au service de divers clients, les plus nombreux possibles. Il s’agit soit d’institutions, soit de particuliers. Si les municipalités constituent des employeurs de choix, surtout au moment des réjouissances publiques, les églises peuvent aussi faire appel à leurs prestations pour les cérémonies extraordinaires. L’octave de la Fête-Dieu représente une occasion importante avec ses processions après Pâques, à un point tel qu’une société avignonnaise interdit à ses membres de s’absenter sans permission à cette période88. Les confréries de métier engagent également des bandes de musique lors de la fête de leur saint patron. Celle des cordonniers de Saint-Crépin embauche annuellement des violonistes à L’Isle, alors que son homologue des bergers de Saint- Véran d’Arles rémunère des ménétriers pour ses processions tout au long de l’année89. Les troupes peuvent aussi jouer pour des collèges. En 1728, celui des Jésuites d’Aix fait appel à deux compagnies à l’occasion des canonisations de Saint-Louis-de-Gonzague et de Stanislas Kostka. Une bande de tambours et de tambourins accompagnés de leurs fifres « à la façon provençale » anime alors la cour du collège, pendant qu’une autre de trompettes et de timbales se produit dans une grande salle au-dessus de l’église90. En dehors des églises et des communautés, aucune des institutions urbaines que nous avons étudiées au cours de ce chapitre – armée, académie et théâtre – n’emploie de troupes musicales en dehors de son propre effectif. Les musiciens indépendants ne se limitent cependant pas aux institutions. Une part non négligeable de leurs engagements provient en effet d’une catégorie d’employeurs que nous avons jusqu’à présent laissée de côté : les particuliers.
Les occasions privées
53La musique accompagne les individus tout au long de leur existence. Ils chantent fréquemment au quotidien, que ce soit au travail, dans les champs, à l’atelier, dans les cafés ou sur le chemin du retour à la maison. Une simple promenade sur les quais peut suffire à délier les cordes vocales et pousser à fredonner, seul ou en groupe91. En l’absence de tout moyen d’enregistrement sonore, l’animation musicale de n’importe quel événement requiert la présence en chair et en os de véritables musiciens au siècle des Lumières. Les occasions privées, c’est-à-dire non organisées par une institution, représentent donc un marché très intéressant pour les professionnels de la musique, probablement l’un des plus importants malgré sa difficulté de documentation dans les sources.
54Parmi ces occasions privées se distinguent en premier lieu les fêtes qui rythment l’existence, surtout le mariage. Aucune noce ne peut en effet se concevoir sans musicien pour l’animer et faire danser, ne serait-ce qu’un simple joueur de violon. Les aristocrates offrent de fastueux concerts en leurs hôtels particuliers, tandis que le moindre hyménée de campagne donne lieu à un joyeux banquet animé en musique92. Les noces figurent ainsi explicitement sur la liste des événements couverts par les associations de musiciens93. Elles constituent des sources régulières, bien que ponctuelles, de revenus, tout comme vraisemblablement les baptêmes. Les musiciens accompagnent les jeunes mariés ou les nouveau-nés entourés de leur famille, entre leur domicile et l’église, en ouvrant le cortège de leurs notes à travers les rues de la ville. Ils jouent ensuite au lieu prévu pour la célébration festive en divertissant les invités et en les faisant danser joyeusement. Le 22 mars 1794, le conseil municipal de Toulon délibère d’interdire « les rassemblements ou promenades avec musique des différentes fêtes, soit pour les baptêmes et les mariages » afin de garantir la tranquillité publique en pleine Terreur94. Cette prohibition confirme l’implication des musiciens dans les réjouissances privées liées à la vie nuptiale.
55En dehors de ces événements exceptionnels, les musiciens prêtent la main à des concerts particuliers organisés par quelque citadin en sa demeure. Le joueur d’instruments aixois Jacques Colomby se produit par exemple devant une compagnie rassemblée chez le médecin Martelly le dernier jour du carnaval de 171595.
56Dans ce genre de rassemblement, les musiciens sont très souvent employés par la jeunesse locale pour la divertir en la faisant danser sur les places. À Vence, le joueur de fifre Élie Figuière et le tambour Jean-Honoré André font sautiller les jeunes gens sur la place du jeu de paume les 29 janvier et 1er février 1761, ce qui provoque l’ire du seigneur, le marquis Alexandre Gaspard de Villeneuve, qui ne leur en a pas accordé la permission96. Les musiciens encouragent en outre l’accroissement démographique de la société en participant aux opérations de séduction des jeunes hommes. Ils jouent en effet également des aubades et des sérénades à la demande de certains de leurs clients97. À Marseille, les musiciens peuvent se mettre au service de particuliers dans des fêtes nautiques. Ils embarquent alors à bord de chaloupes afin de divertir leurs clients. Le voyageur dijonnais Fleutelot mentionne cette musique sur l’eau, qui se pratique probablement dans tous les ports provençaux, en 1719 :
Nous apperçumes sur le soir en nous retournant, plus de quatre cent petits engins tant chalouppes, qu’autres barquettes, que des jeunes gens de la ville faisoient voguer eux mêmes à la voile et à la rame, pour se divertir ; la plûpart, y avoient fait porter la collation, les uns avec des violons d’autres des hautbois, d’aucuns avoient des tambourins et fifres, quelques uns y faisoient concert de voix, et tout cela etoit d’une variété qui formoit un spectacle fort divertissant et très récréatif tant à la vüe qu’a l’oüie98.
57À un échelon social supérieur, l’aristocratie provençale et comtadine aime se rassembler au sein d’associations privées ou semi-publiques, que ce soit dans des confréries de pénitents ou des loges maçonniques99. Ces clubs fermés organisent ponctuellement des concerts dans lesquels s’insèrent les musiciens. Arles compte un certain nombre de ces associations au siècle des Lumières, comme l’Ordre de la Grappe, fondé en 1698 et qui agrémente ses banquets de « concerts de musique » au début de la période, ou encore la Chambre Noire, « société épicurienne composée de gens de qualité » qui donne deux fêtes en musique en 1727100. Le séjour du duc de Cumberland à Avignon durant l’hiver 1784- 1785 donne ainsi lieu à de grandes célébrations en son honneur au palais des Papes, mais nous ne savons rien de la musique et des musiciens qui les animèrent101. De manière générale, les élites oisives qui se rendent dans le Sud pour se reposer et se refaire une santé constituent des employeurs occasionnels idéals pour les musiciens. Avignon préfigure en effet la Côte d’Azur dès le début du XVIIIe siècle, surnommée « le séjour des vieux ruinés » par le président de Brosses102. Toulon se trouve dans le même cas à partir de la deuxième partie de la période103. De son côté, la cité pontificale accueille notamment à bras ouverts de nombreux Britanniques catholiques. Aristocrates anglais, irlandais et écossais fuient les persécutions de leur île après l’échec des rébellions jacobites104. Ils représentent autant d’individus susceptibles d’organiser des concerts particuliers. Le vice-légat lui-même engage 12 violons et des hautbois pour quatre bals qu’il offre au palais pendant le carnaval, en l’honneur du prétendant en exil Jacques François Édouard Stuart en 1716105. De même, les obtentions de diplômes universitaires s’accompagnent de bals et de musiciens, autant à Aix qu’à Marseille. Les bacheliers et les licenciés de l’université aixoise se voient offrir par le recteur un dîner en musique, tandis que les docteurs sont accompagnés par des musiciens en allant prêter serment à l’église, avant de donner un repas et un bal à leurs frais le lendemain106. En 1767, une thèse de physique dédiée aux échevins phocéens donne aussi lieu à de la musique dans le collège de l’Oratoire107.
58Seuls ou en bande, les musiciens que nous avons observés jusqu’ici se produisent tous pour un employeur, qu’il s’agisse d’une institution ou d’un particulier. Il existe cependant une catégorie de musiciens qui ne dispose d’aucun client précis : les musiciens de rue.
La rue
59La rue constitue un lieu éminemment sonore. Les processions et les réjouissances publiques la parcourent. Le crieur municipal y débite ses annonces à grand renfort de trompette. Les marchands y haranguent leur clientèle. Cet espace est également le territoire du monde bigarré des professionnels de la rue : colporteurs, vendeurs ambulants, saltimbanques… et musiciens. Ces petits métiers, qui permettent d’échapper à la misère en gagnant sa vie de différentes façons, placent leurs titulaires aux marges de la société, dans cette catégorie pauvre, urbaine, floue et fluctuante que redoutent et surveillent étroitement les forces de police108. À Paris, les musiciens de rues sont considérés comme des gueux, des inutiles et des fainéants dont la musique martyrise les oreilles des observateurs tels que Louis- Sébastien Mercier109. Ils ne jouissent guère d’une image positive, mais ils représentent malgré tout des éléments essentiels du paysage sonore urbain en assurant l’animation quotidienne des places et des carrefours.
60À la différence des autres musiciens, qui s’adaptent à une demande musicale précise en fonction de l’exigence de leur employeur, ceux de rue produisent de la musique sans sollicitation préalable en s’imposant à un auditoire. Par conséquent, leur prestation musicale s’inscrit souvent dans un véritable spectacle visuel et sonore où tout est mis en œuvre pour retenir l’attention du passant et susciter une obole de sa part. Guillaume Beneuil bat ainsi la caisse sur les places d’Avignon tout en exhibant un ours en 1734, tandis que Conrad Fauguet fait danser sa progéniture au son de ses instruments en 1749110. Son aîné, âgé de 14 ans, véritable enfant-orchestre, joue de l’épinette avec le pied tout en battant le tambour en même temps qu’il touche le violon et sonne de la trompette.
61Beaucoup de musiciens de rue sont des artistes ambulants qui viennent de loin. Jean-Baptiste Grederol, qui chante et vend des chansons dans les ruelles de Carpentras en 1766, est natif de Paris, alors que le comédien et symphoniste Nicolas Thomazo, qui se produit quatre ans plus tôt, est originaire de Venise111. Fauguet et ses enfants arrivent quant à eux de Westphalie, en Allemagne. L’errance fait partie de leur métier.
62Résumons-nous : s’il veut réussir à se faire engager, le musicien doit intérioriser les demandes professionnelles inhérentes à chaque employeur. La musique qu’il produit sert à répondre à différents besoins qui tournent autour d’un triptyque prestige/utilité/ divertissement – ces fonctions pouvant évidemment se combiner entre elles. Cette musique peut se mettre au service d’institutions ou de particuliers. Dans le cas des institutions, qu’elles soient de pouvoir, comme l’Église, la municipalité et l’armée, ou culturelles, comme le théâtre et l’académie de musique, le musicien s’engage pour une durée plus ou moins longue et doit y adopter les usages internes en vigueur l’uniforme militaire ou le service cultuel, par exemple. Il demeure plus libre avec les particuliers, dans la mesure où sa prestation rentre dans le cadre limité d’une simple occasion passagère. S’il souhaite collaborer avec des institutions tout en restant entièrement indépendant, il peut y louer son art ponctuellement à l’occasion de célébrations extraordinaires qui nécessitent des renforts extérieurs. Les associations musicales constituent ainsi une solution idéale pour les musiciens indépendants, tandis que la rue représente un palliatif intéressant, bien qu’indubitablement plus précaire.
63Parmi tous ces employeurs, les plus prisés par les musiciens paraissent être les plus stables. Si les structures culturelles émergentes apportent de nouveaux débouchés musicaux bienvenus ainsi qu’un prestige social accru pour les musiciens qui y travaillent – particulièrement au théâtre avec l’opéra –, elles représentent aussi un choix un peu plus risqué au regard des nombreuses faillites de Comédies et d’académies qui ponctuent le siècle des Lumières. Elles ne sont, en outre, pas présentes dans toutes les villes. Les musiciens concentrent ainsi leurs efforts d’engagement sur les institutions de pouvoir les plus sûres, et surtout l’Église, qui octroie souvent un emploi à vie.
64Institution ou personne privée, l’employeur modèle les pratiques professionnelles des musiciens. Il détermine le répertoire et les conditions de travail, parfois difficiles, de ces derniers. Le lieu dans lequel le musicien se produit revêt en particulier une importance capitale. Dans les espaces clos, il ne bouge en théorie jamais pendant sa prestation. Il demeure sur place dans un bâtiment fixe, reconnaissable, qui sert de marqueur dans la géographie et le paysage urbains. Que ce soit dans la fosse de l’orchestre du théâtre, au sein du chœur de l’église ou au milieu des instrumentistes de l’académie de musique, son corps reste statique à l’exception de sa voix ou de ses mains. À l’inverse, la pratique musicale se révèle bien plus mobile et dynamique lorsque le musicien passe de l’intérieur à l’extérieur. Celui au service de la municipalité escorte les édiles en cortège sonore durant leur parcours urbain lors des réjouissances publiques. Le musicien militaire parade en fanfare en compagnie de ses camarades soldats. Celui de rue change régulièrement d’endroit dans la ville au cours d’une journée, lorsqu’il estime avoir atteint le maximum de la générosité des passants d’une ruelle ou d’une place. Ne pas demeurer en place tout en jouant comme dans un lieu fermé demande une maîtrise accrue de soi-même. Tout le corps de l’exécutant est mis à contribution afin d’harmoniser le bas – la marche – et le haut – la production musicale.
65Les occasions privées (baptême, mariage, bal particulier, etc.), non prévues à l’avance car leur fréquence dépend d’une demande fluctuante, requièrent de la part du musicien une capacité d’improvisation certaine. Il sera amené à jouer dans des circonstances variées, en plein air ou à l’intérieur, en marchant ou en restant fixe. Souvent, il devra associer ces deux attitudes en les adoptant successivement – par exemple au cours d’un mariage en accompagnant les époux dans les rues puis en jouant à la noce –, faisant de ces occasions privées la synthèse entre les pratiques musicales des espaces clos et des espaces ouverts. Espaces clos et espaces ouverts induisent ainsi des exigences professionnelles différentes en fonction des employeurs. Le musicien s’en trouve autant façonné par la ville qu’il contribue à la modeler par sa musique.
Notes de bas de page
1 L. Gauthier, M. Traversier (dir.), Mélodies urbaines. La musique dans les villes d’Europe (XVIe- XIXe siècle), Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2008.
2 AD 84, 2 G 52, 12 juin 1745.
3 R. Bertrand, La Provence des rois de France (1481-1789), Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2012, p. 86-87.
4 AD 13, dépôt de Marseille, EPSI 2, Almanach historique de Marseille, 1770, p. 37 ; P. C. Lebret, L’Intendance de Provence à la fin du XVIIe siècle. Édition critique des mémoires pour l’instruction du duc de Bourgogne, Paris, Bibliothèque nationale, 1980 [1700], p. 178.
5 Lebret, L’Intendance de Provence…, ibid., p. 180 ; Calendrier et notice de la ville d’Avignon et du Comtat Venaissin pour l’année 1761, Avignon, chez Giroud, 1761, non paginé.
6 Ibid., 6 G 445, 5 janvier 1759.
7 AD 84, 2 G 89, fol. 12 v., fol. 20 et fol. 22, 1715-1733 ; 6 G 140, 10 octobre 1768.
8 Loupès, « Les psallettes aux XVIIe et XVIIIe siècles… », art. cité, p. 28-30.
9 É. Kocevar, « Le rôle de l’organiste dans la liturgie en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans C. Davy-Rigaud, B. Dompnier, D.-O. Hurel (dir.), Les cérémonies catholiques en France à l’époque moderne. Une littérature de codification des rites liturgiques, Turnhout, Brepols, 2009, p. 470.
10 C. Davy-Rigaux, « ’“Jouer le plain-chant’’ : le serpent à l’unisson de la voix des chantres dans la France d’Ancien Régime », dans Davy-Rigaux, Gétreau, Hostiou (dir.), Le serpent…, op. cit., p. 86.
11 AD 06, L 232, 30 novembre 1790 ; AD 13, L 952, 19 janvier 1791.
12 C. Triolaire, « Les musiciens d’Église à la fête et au théâtre, entre Révolution et Empire », Revue de musicologie, 94, 2008, p. 459-480. Voir aussi l’ensemble des articles de ce numéro thématique.
13 13. AD 84, 3 L 154, 24 et 26 janvier 1793.
14 Parmi une historiographie foisonnante, voir M. Derlange, Les communautés d’habitants en Provence…, op. cit. ; P. Guignet, Le pouvoir dans la ville au XVIIIe siècle. Pratiques politiques, notabilité et éthique sociale de part et d’autre de la frontière franco-belge, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990 ; S. Durand, Pouvoir municipal et société locale dans les petites villes de l’Hérault aux XVIIIe et XIXe siècles. Le cas de Mèze de 1675 à 1815, Lille, Atelier national de reproduction des thèses, 2002 ; L. Coste, Les lys et le chaperon. Les oligarchies municipales en France de la Renaissance à la Révolution, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2007 ; P. Hamon, C. Laurent (dir.), Le pouvoir municipal de la fin du Moyen âge à 1789, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
15 Coste, Les lys et le chaperon…, op. cit., p. 209-214.
16 Bertrand, La Provence des rois de France…, op. cit., p. 69.
17 M. David, De l’organisation administrative, financière et judiciaire du Comtat Venaissin sous la domination des papes (1229-1791), Aix-en-Provence, Tournel, 1912, p. 77-85 ; R. Moulinas, Histoire de la révolution d’Avignon, Avignon, Aubanel, 1986, p. 18.
18 AM Marseille, BB 227, fol. 114 v.-116, art. 8, 20 octobre 1751.
19 AM Avignon, BB 50, fol. 194, 1er juin 1753.
20 Ibid., BB 63, fol. 132, 8 juin 1784.
21 AD 84, archives déposées d’Avignon, BB 113, XVIIIe siècle, s. d.
22 AM L’Isle-sur-la-Sorgue, CC 61, fol. 30, no 29, 1705-1706 ; P. Achard, « Notes historiques sur l’origine et les progrès de la musique à Avignon et dans le département de Vaucluse », Annuaire de Vaucluse, Avignon, 1864, p. 266.
23 AM Cavaillon, CC 28, fol. 210, no 48, 4 juillet 1761 ; AM Arles, CC 722 et 785, mandats du 3 juillet 1700 et du 25 juin 1757 ; AM Marseille, CC 1394, mandats 159 et 160, 25 juin et 26 août 1749.
24 AM Salon-de-Provence, CC 477, mandat 111, 28 novembre 1781.
25 Granger, Musiciens dans la ville…, op. cit., p. 43-44.
26 AM Forcalquier, BB 45, 1745-an VI.
27 N. Offenstadt, « Les crieurs publics à la fin du Moyen Âge. Enjeux d’une recherche », dans C. Boudreau, K. Fianu, C. Gauvard, M. Hébert (dir.), Information et société en Occident à la fin du Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 205.
28 AM Toulon, BB 33, 24 juillet 1415.
29 AM Salon-de-Provence, BB 65, 1765 ; AD 13, EPSI 2, Almanach historique de Marseille, 1770, p. 151.
30 AD 13, C 102, fol. 22, 1er février 1788.
31 Bertrand, La Provence des rois de France…, op. cit., p. 46.
32 Bouche, Essai sur l’histoire de la Provence…, op. cit., t. I, p. 36-37.
33 R. Hervé, « La céleustique, la transmission des ordres par signaux sonores dans les armées françaises », Revue historique des armées, 279, 2015, p. 5.
34 Vincent, Les musiciens professionnels au service de la cité…, op. cit., p. 59 ; G. Devallet, « Modes musicaux, fonctions de la musique et formation du combattant dans l’Antiquité classique », Histoire et Défense, 36, 1997, p. 149.
35 Hervé, « La céleustique… », art. cité, p. 5. Sur la musique militaire médiévale, voir P. Contamine, « La musique militaire dans le fonctionnement des armées : l’exemple français (vers 1300-vers 1500) », Revue de la Société des amis du musée de l’armée, 124, 2002, p. 17-32.
36 M. Pardoen, « Arès et Terpsichore : quand la musique règle l’art de la guerre », Revue historique des armées, 279, 2015, p. 32-35.
37 P. Carle, « Sous la protection de sainte Cécile et de saint Gabriel : la musique militaire et la transmission des ordres », Histoire et Défense, 36, 1997, p. 154-155.
38 D. de Latour, « L’instruction pour les tambours de 1754, pierre blanche dans l’histoire céleustique française », Revue historique des armées, 279, 2015, p. 13-15.
39 Carle, « Sous la protection de sainte Cécile… », art. cité, p. 155-156.
40 Ibid., p. 157.
41 Devallet, « Modes musicaux, fonctions de la musique… », art. cité, p. 148.
42 Pardoen, Du sabre à la baguette…, op. cit., p. 252-253.
43 BM Dijon, ms. 982, 1719, p. 129.
44 Pardoen, « Arès et Terpsichore… », art. cité, p. 31.
45 Sur les académies, D. Roche, Le Siècle des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux (1680-1789), Paris, Mouton, 1978 ; sur la République des lettres dans notre aire géographique, voir D. Roche (dir.), La République des lettres dans le Midi rhodanien. Sociabilités savantes et réseaux de diffusion des savoirs au siècle des Lumières, Toulouse, Privat, 2014.
46 À ce sujet, voir au niveau européen H. E. Bödeker, P. Veit, M. Werner (dir.), Espaces et lieux de concert en Europe, 1700-1920. Architecture, musique, société, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2008 ; H. E. Bödeker, P. Veit, M. Werner (dir.), Organisateurs et formes d’organisation du concert en Europe, 1700-1920. Institutionnalisation et pratiques, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2008.
47 D. Ledent, « L’institutionnalisation des concerts publics. Enjeux politiques et esthétiques », Appareil, 3, 2009 (appareil.revues.org/809, consulté le 24 janvier 2015).
48 F. Lesure, « Introduction », dans F. Lesure (dir.), Dictionnaire musical des villes de province, Paris, Klincksieck, 1999, p. 17.
49 T. Favier, « Nouvelles sociabilités, nouvelles pratiques : les concerts sous le règne de Louis XV », dans Duron (dir.), Regards sur la musique…, op. cit., p. 128.
50 M. Bobillier, sous le pseudonyme de M. Brenet, Les concerts en France sous l’Ancien Régime, Paris, Fischbacher, 1900 ; H. Burton, « Les Académies de musique en France au XVIIIe siècle », Revue de musicologie, 37, 1955, p. 122-147 ; F. Lesure, « Musical Academicism in France in the Eighteenth Century. Evidence and Problems », dans A. Atlas (dir.), Music in the Classic Period. Essays in Honor of Barry S. Brook, New York, Pendragon Press, 1985, p. 159-180 ; P. Taïeb, « Le Concert de Reims (1749-1791) », Revue de musicologie, 93, 2007, p. 17-52.
51 Signorile, « L’Académie de musique d’Arles… », art. cité, p. 439-446 ; Cheilan-Cambolin,
« L’Académie de musique ou le Concert de Marseille… », art. cité, p. 57-70 ; Jeanselme, « L’Académie de musique d’Aix-en-Provence… », art. cité, p. 71-105 ; J. Scherpereel, « Une académie de musique à Carpentras au XVIIIe siècle », Mémoires de l’Académie de Vaucluse, 8, 2017, p. 123-133.
52 AM Salon-de-Provence, BB 17, fol. 217-218, 14 mars 1773.
53 Signorile, « L’Académie de musique d’Arles… », art. cité, p. 440 ; Lesure (dir.), « Avignon » et « Toulon », dans Dictionnaire musical…, op. cit., p. 77 et 288.
54 Jeanselme, « L’Académie de musique d’Aix-en-Provence… », art. cité, p. 72-73.
55 Scherpereel, « Une académie de musique à Carpentras… », art. cité, p. 131.
56 AD 84, 3 E 26/2233 et 2235, 1749 et 1751.
57 Ibid. ; BM Aix-en-Provence, ms. 1633 (1498), 18 juillet et 1er octobre 1765, 30 décembre 1773.
58 AM Marseille, GG 189, 1786, art. 3, 1786 ; BM Carpentras, A 322, 1719, p. 14.
59 AM Marseille, GG 189, 1786, art. 28.
60 BM Aix-en-Provence, ms. 1633 (1498), 9 octobre 1765.
61 L. Duhamel, « La vie avignonnaise aux XVIIe et XVIIIe siècles. Musique, jeux, exhibitions, dentistes, oculistes, charlatans et enseignes », Annuaire de Vaucluse, Avignon, 1910, p. 19.
62 AD 13, EPSI 2, Almanach historique de Marseille, 1784, p. 272.
63 BM Aix-en-Provence, ms. 1633 (1498), 29 juin 1772.
64 Voir à ce sujet C. Triolaire, « Structures théâtrales et itinérance en province au XVIIIe siècle », dans N. Dion, G. Marot-Mercier (dir.), Diversité et modernité du théâtre du XVIIIe siècle, Paris, Hermann, 2014, p. 357-380.
65 Cheilan-Cambolin, Un aspect de la vie musicale à Marseille…, op. cit., p. 466-468.
66 Signorile, Musique et société…, op. cit., p. 196-197.
67 H. Dubled, Histoire du Comtat Venaissin, Carpentras, CREDEL, 1981, p. 167 ; AM Carpentras, FF 116, fol. 96 v., 14 mai 1759.
68 B. Louvat-Molozay, X. Bisaro, F. March, « Prologue. L’autre paradoxe du comédien », dans X. Bisaro, B. Louvat-Molozay (dir.), Les sons du théâtre. Angleterre et France (XVIe-XVIIIe siècle). Éléments d’une histoire de l’écoute, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 12-13.
69 P. Taïeb, « L’ouverture pantomime d’Azémia (1786/1787), un hommage à ’’notre grand Rameau’’ », dans J. Waeber (dir.), Musique et geste en France de Lully à la Révolution. Études sur la musique, le théâtre et la danse, Berne, Peter Lang, 2009, p. 239.
70 AD 84, B Rote 204, fol. 1404 à 1409, 28 mars 1786, art. 11.
71 P. Bourdin, « Introduction », dans P. Bourdin, G. Loubinoux (dir.), Les Arts de la scène et la Révolution française, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2004, p. 24.
72 C. Triolaire, Le théâtre en province pendant le Consulat et l’Empire, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2012, p. 45.
73 AD 84, 3 E 6/589, no 34, 21 octobre 1795.
74 AD 84, 3 E 5/1642, fol. 6, 7 janvier 1715 ; 3 E 10/1135, fol. 539, 18 novembre 1722 ; 3 E 5/1750, fol. 65, 7 avril 1729 ; 3 E 6/327, fol. 386, 29 juillet 1733 ; 3 E 6/198, fol. 54, 26 février 1740 ; 3 E 10/1308, fol. 755, 3 octobre 1778 ; 3 E 12/1683, fol. 329, 14 mai 1786 ; 3 E 6/261, fol. 617, 28 avril 1787 ; 3 E 6/262, fol. 967, 16 juillet 1788.
75 AM Apt, CC 189, 25 juillet 1745 ; AM L’Isle-sur-la-Sorgue, fonds Joannis, vol. 19, pièce II, p. 340, XIXe siècle.
76 M. Benoit, « Association de joueurs d’instruments », dans Benoit (dir.), Dictionnaire de la musique…, op. cit., p. 30.
77 Jeanselme, Deux cents cinquante ans de vie musicale…, op. cit., p. 49 ; AD 13, 353 E/138, fol. 449 v., 19 février 1709 ; fol. 450, 19 février 1709.
78 AD 84, 3 E 29/258, fol. 176, 20 janvier 1727.
79 Ibid., 3 E 10/1135, fol. 539, 18 novembre 1722.
80 Ibid., fol. 540.
81 AD 84, 3 E 10/1135, fol. 539, 18 novembre 1722 ; 3 E 12/1683, fol. 329, 14 mai 1786.
82 Idem, 3 E 12/1683, fol. 329, 14 mai 1786 ; 3 E 6/261, fol. 617, 28 avril 1787.
83 AM Cavaillon, CC 28, fol. 210 v., no 52, 6 juillet 1761.
84 AD 84, 3 E 6/262, fol. 967, 16 juillet 1788.
85 Robert, « Contrats d’apprentissage… », art. cité, p. 531-540 ; AM Arles, CC 757, mandat du 13 octobre 1729.
86 AM Marseille, GG 189, 3 novembre 1786 ; EE 65, 28 octobre 1789.
87 AM Apt, CC 210, 24 avril 1775 ; AM Cavaillon, CC 28, fol. 210, 6 juillet 1761 ; CC 405, no 194, 2 août 1777.
88 AD 84, 3 E 5/1750, fol. 65, 7 avril 1729.
89 AM L’Isle-sur-la-Sorgue, fonds Joannis, vol. 20, pièce XXIX, p. 281 et p. 287, 1764, 20 octobre 1767 et 27 octobre 1768 ; BM Arles, ms. 1438, fol. 20, 1723-1724.
90 C. Jeanselme, « Les représentations d’écoliers au Collège Royal Bourbon d’Aix-en- Provence », Provence historique, 160, 1990, p. 131.
91 Burney, Voyage musical dans l’Europe des Lumières, op. cit., p. 305.
92 S. Melchior-Bonnet, « De la réforme au siècle des Lumières. Le monopole de l’Église contesté », dans S. Melchior-Bonnet, C. Salles (dir.), Histoire du mariage, Paris, Robert Laffont, 2009, p. 508-512.
93 AD 84, 3 E 12/1683, fol. 329, 14 mai 1786.
94 AM Toulon, D 9, p. 13, 22 mars 1794.
95 AM Aix-en-Provence, FF 69, fol. 137, 27 mai 1715.
96 AD 06, 7 B 943, 6 mars 1761.
97 AD 84, 3 E 26/2131, fol. 135, 5 avril 1718.
98 BM Dijon, ms. 982, p. 123-124, 1719.
99 Sur ces sociabilités, voir M. Agulhon, Pénitents et francs-maçons de l’ancienne Provence. Essai sur la sociabilité méridionale, Paris, Fayard, 1968.
100 Signorile, Musique et société…, op. cit., p. 198.
101 A. F. Moszyński, Journal de voyage, t. I, La France (1784-1785), Paris, Alain Baudry, 2010, p. 68.
102 C. de Brosses, Lettres d’Italie, t. I, Plan de La Tour, Éditions d’Aujourd’hui, 1976 [1739-1740] t. I, p. 22.
103 À ce sujet, voir M. Boyer, L’Invention de la Côte d’Azur. L’hiver dans le Midi, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2002 ; D. Hervier (dir.), Villes de villégiature, numéro thématique d’Histoire urbaine, 41, 2014.
104 P. Denizot, « Anglais en Provence et Anglais d’Aix au XVIIIe siècle », XVII-XVIII. Bulletin de la société d’études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles, 26, 1988, p. 69-70. Sur les jacobites exilés, voir aussi P. Clarke de Dromantin, Les réfugiés jacobites dans la France du XVIIIe siècle. L’exode de toute une noblesse « pour cause de religion », Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2005.
105 ASV, fondo Salviati 38, liasse no 51, 11 février 1716.
106 C. Jeanselme, « Quelques aspects de la ’’Musique dans la rue’’ à Aix-en-Provence du début du XVIe siècle à la deuxième moitié du XVIIIe », Provence historique, 121, 1980, p. 253.
107 AM Marseille, CC 1533, no 242, 4 août 1767.
108 A. Farge, Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1992, p. 164-171.
109 Milliot, « “Le Parisien n’a point l’oreille musicale”… », art. cité, p. 414.
110 AD 84, B Rote 199, fol. 355 v., 22 juin 1734 ; B Rote 201, fol. 122, 19 octobre 1749.
111 AM Carpentras, FF 116, fol. 140 v., 2 décembre 1762 ; FF 117, fol. 14, 12 mars 1766.
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