Chapitre 1
Les musiciens vus par leurs contemporains
p. 25-79
Texte intégral
1Sous son apparente simplicité – une population divisée en trois ordres –, la société française d’Ancien Régime forme une structure complexe articulée autour de hiérarchies, de coutumes, de traditions et de privilèges maintenus par des jeux d’équilibre délicats. En théorie, chaque individu est classé dans un groupe par rapport à la fonction particulière qu’il occupe dans la société, contribuant par là à l’ordre global1. Comment les musiciens s’intègrent-ils à ce gigantesque édifice social aux yeux des autres ? Quel statut les contemporains leur attribuent-ils ? Comment les considèrent-ils ? Ce regard évolue-t-il ? Telles sont les questions que nous aborderons dans ce chapitre en examinant les musiciens à travers les regards de leurs contemporains et les caractéristiques que ces derniers leur prêtent. Dans le jeu mutuel des identifications, les opinions des autres forment des « miroirs de l’altérité » importants qui, s’ils sont déformants, permettent malgré tout de décrypter des identités vécues du groupe social visé2.
2Les représentations que l’on se fait alors des musiciens varient suivant un double prisme : celui de la personne qui les observe et celui du type de sujet observé. Nous commencerons ainsi par détailler les images renvoyées par les musiciens en général avant de nous intéresser aux stéréotypes attachés à chaque type de musicien. Enfin, nous interrogerons plus largement le statut du musicien au dernier siècle de l’Ancien Régime en nous demandant s’il s’agit, pour les contemporains, d’un artiste ou d’un artisan.
Des images plurielles
3Tout le monde ne se fait pas le même avis sur les musiciens des Lumières. Les discours et les comportements changent en fonction de la position sociale de l’observateur. Un ecclésiastique ne va ainsi pas avoir la même opinion qu’un philosophe ou qu’un agent de l’administration royale. Bien entendu, l’idée que chaque individu se construit sur ses semblables, musiciens ou non, reste profondément subjective et difficile à atteindre dans son intimité. Il convient par conséquent de se garder de toute généralisation. Il est cependant possible de dégager les lignes de force des images des musiciens chez leurs contemporains.
Une image négative en héritage
4La musique occupe beaucoup les esprits au XVIIIe siècle. En plus de tenir une place essentielle dans la sociabilité et la vie culturelle des élites, elle se retrouve régulièrement au cœur des débats passionnés qui agitent périodiquement la république française des lettres. Le dernier siècle de l’Ancien Régime connaît en effet de nombreuses querelles liées à la musique – les lullystes contre les ramistes, la guerre des Bouffons et les gluckistes contre les piccinnistes en sont les exemples les plus connus3. Ces querelles, qui se cristallisent autour du genre musical de l’opéra, mettent en jeu des questions d’identité nationale à travers la notion de goût, avec un tiraillement constant entre la fidélité inflexible au style français (symbolisé par Lully, puis Rameau) et l’ouverture aux influences extérieures, d’abord italiennes, puis germaniques4. Elles se teintent de politique en sous-tendant des oppositions à l’autorité royale versaillaise et n’ont alors plus rien de frivole5.
5Comment ne pas évoquer les philosophes en ce siècle des Lumières ? Ceux-ci écrivent énormément sur la musique. L’Encyclopédie comporte ainsi pas moins de 800 articles consacrés à cet objet sur environ 72 800, soit un peu plus d’un sur cent6. Le principal philosophe soucieux de cet art demeure bien entendu Jean-Jacques Rousseau, qui ravive la querelle des Bouffons en 1753 avec sa Lettre sur la musique française et propose une somme théorique monumentale dans son Dictionnaire de musique 11 ans plus tard. Lui-même se considérait avant tout comme musicien avant de bifurquer vers la philosophie à la suite du succès du Discours sur les arts et les sciences7.
6Encensée, critiquée, abondamment commentée, la musique ne laisse donc personne indifférent. Mais qu’en est-il des musiciens ? En dehors de quelques rares grands compositeurs ou virtuoses, les musiciens ordinaires ne jouissent pas d’une image des plus positives. Certains philosophes ne les estiment guère. Rousseau, surtout, a des mots très durs envers eux dans sa correspondance de 1754 : « Les musiciens ne sont point faits pour raisonner sur leur art : c’est à eux de trouver les choses ; au philosophe de les expliquer8. »
7Il renchérit dans le Dictionnaire de musique :
Les anciens musiciens étaient des poètes, des philosophes, des orateurs du premier ordre. Tels étaient Orphée, Terpandre, Stésichore, etc. Aussi Boèce ne veut-il pas honorer du nom de musicien celui qui pratique seulement la musique par le ministère servile des doigts et de la voix ; mais celui qui possède cette science par le raisonnement et la spéculation. Et il semble, de plus, que pour s’élever aux grandes expressions de la musique oratoire et imitative, il faudrait avoir fait une étude particulière des passions humaines et du langage de la nature. Cependant, les musiciens de nos jours, bornés, pour la plupart, à la pratique des notes et de quelques tours de chant, ne seront guère offensés, je pense, quand on ne les tiendra pas pour de grands philosophes9.
8On retrouve ici la dévalorisation de la pratique au profit du raisonnemen. Les musiciens formeraient ainsi des personnages grossiers et incultes qui, de toute manière, « lisent peu10 ».
9Aussi sévère que puisse paraître le jugement du philosophe genevois, son avis semble partagé par beaucoup de ses contemporains. Dans un dialogue célèbre avec le jeune André Grétry en 1766, Voltaire affirme par exemple qu’un musicien brille rarement par son esprit11. Ce même Grétry résume 35 ans plus tard la vision qui régnait parmi les élites de l’Ancien Régime au sujet des musiciens :
Sous l’Ancien Régime, les artistes étaient humiliés par le peu de considération dont ils jouissaient, non pas comme artistes, mais comme hommes. Dans ce qu’on appelait le beau monde, nous n’étions que de sublimes marionnettes dont les nobles daignaient s’amuser. […] Les musiciens exécutants n’étoient guère regardés que comme des instruments de musique, bons à déposer dans le même étui après qu’ils avaient joué leur sonate12.
10Ce témoignage rend assez bien compte du mépris aristocratique dans lequel baignaient généralement les musiciens. La comparaison peu flatteuse qui assimile les interprètes à leurs instruments est déjà effectuée à l’identique au début du siècle par un noble, le comte de Fiesque, auquel Grétry emprunte peut-être les propos :
On ne peut avoir tout en partage, les meilleurs musiciens bien souvent n’ont que cela par-devers eux. Monsieur le comte de Fiesque, qui avoit une très belle voix et qui faisoit souvent sa partie avec eux, me disoit que hors de leur chant c’étoient de sottes gens, qui n’avoient pas un grain de bon sens, pas même dans leurs propres affaires. Il disoit aussi qu’il faisoit d’eux, comme des instruments de musique qu’on met dans l’étui, le concert fini, c’est-à-dire, qu’il ne falloit les voir que quand on en avoit besoin13.
11Pour une partie des aristocrates, les musiciens ne représentent que des outils, de simples excroissances de leur voix ou de leur violon, qu’il convient de manier uniquement comme des objets, ne valant guère mieux. S’agit-il d’ailleurs réellement d’êtres humains ? On en viendrait presque à en douter, en lisant entre autres Grétry, selon qui les musiciens sont considérés comme « des bêtes qui ne savent que sentir14 ». L’origine le plus souvent populaire de ces derniers dessert en outre leur réputation auprès des nobles, qui lient leur extraction avec leur caractère supposé vulgaire. Comme il n’y a rien à attendre d’une pareille compagnie, les contacts entre aristocrates et musiciens doivent se limiter au strict cadre professionnel. Cette tendance nobiliaire à réduire l’homme à sa fonction en niant son humanité s’observe aussi dans le cas des domestiques, pour qui l’humiliation constitue la pitance quotidienne à la même époque15.
12Dans les deux situations, l’objectif est de signifier à l’inférieur le fossé social qui existe entre lui et le noble. Par ailleurs, pour beaucoup d’aristocrates, les musiciens attachés à leur service ne représentent rien d’autre qu’une catégorie particulière de serviteurs, aussi brillants soient-ils16.
13Il convient cependant de nuancer un tableau si sombre. Même s’il semble s’agir d’une opinion dominante, tous les membres du second ordre ne méprisent pas pour autant les musiciens. Des liens cordiaux peuvent parfaitement se nouer entre les deux groupes, parfois de véritables amitiés. L’organiste arlésien Jean-Baptiste Vallière et sa famille entretiennent ainsi une relation amicale suivie avec la maison des Nicolay, conseillers au parlement de Provence17.
14Raillés par les philosophes, méprisés par la noblesse, les musiciens ordinaires souffrent d’une image globalement négative dans la société, à un point tel que Michel Noiray parle d’un « péché originel » rattaché à la profession18. Quelles pourraient bien être les raisons qui justifieraient que les musiciens fussent un repoussoir ? D’où proviendrait leur péché originel ? L’ambiguïté morale qui frappe le statut du musicien existe dès l’Antiquité, où il est perçu comme « autre », différent du reste de la population19. À l’instar des acteurs et des danseurs, son association avec la scène le marque d’infamie dans la Rome ancienne ; n’ayant d’autre fonction que de donner du plaisir, il s’apparente plus ou moins à un prostitué qu’on relègue aux marges de la société en le privant de tous droits politiques, ce qui ne l’empêche pas de jouir parfois d’une certaine notoriété20. La situation s’avère cependant différente pour les musiciens militaires et civils au service de la cité, qui possèdent une réelle reconnaissance sociale de leur utilité publique21. Toujours est-il que domine l’idée selon laquelle les musiciens évoluent dans les franges de la société. Cette idée se double d’une dimension mystique à travers les cérémonies religieuses auxquelles les musiciens, notamment les tibicines (flûtistes)22, peuvent être associés. Intermédiaires indispensables entre les hommes et les dieux, détenteurs d’une forme de pouvoir sacré, ces derniers se voient alors investis d’une aura surnaturelle qui les place à part du monde des mortels.
15L’évolution des musiciens vivant en marge du reste de la population se renforce particulièrement au Moyen Âge avec la figure bigarrée et itinérante du jongleur. Ce dernier connaît son apogée au XIIIe siècle avant de décliner, puis disparaître au XIVe en faveur du ménétrier23. Les musiciens médiévaux ne possèdent pas encore de véritable organisation professionnelle où se regrouper et ils travaillent la plupart du temps seuls. Couplées à une fréquente mobilité, cette indépendance et cette relative liberté nuisent considérablement à leur image, car ils n’appartiennent de ce fait à aucun groupe clair et se situent en dehors de tout cadre social24. Les musiciens sont ainsi loin de partager la réputation honorable dont jouit la noble ars musica, branche à part entière du quadrivium. Le travail de celui qui s’occupe de cet ars, le musicus, consiste en une réflexion intellectuelle dont la finalité est de saisir les lois mathématiques qui gouvernent les propriétés de la musica. Ce théoricien académique de la musique dispose d’une respectabilité immense alors que, paradoxalement, il ne produit pas la moindre note. La préséance absolue conférée aux spéculations théoriques du musicus sur n’importe quelle performance praticienne rabaisse du même coup encore davantage le statut du simple musicien exécutant25. Ce gouffre de considération sociale entre l’art et l’usage tend à se perpétuer jusqu’au xviiie siècle. L’association des musiciens à la pratique les dessert énormément, le travail manuel étant considéré comme vil – au contraire de la théorie, qui concerne le domaine de l’esprit.
16Leur stigmatisation semble cependant provenir également de leur irréductibilité à toute tentative de classification sociale. Évoluant dans les franges de la société de manière insaisissable et incontrôlable, ils suscitent suspicion et méfiance, notamment les musiciens itinérants. Ces derniers sont traités comme de véritables figures antisociales inquiétantes, à l’instar des meurtriers ou des voleurs de grand chemin, subissant ainsi des discriminations : certaines villes, comme Montpellier, refusent de les laisser franchir leurs portes ; d’autres n’engagent aucune poursuite en cas d’agression d’un musicien (Sienne) ; à Lübeck, dans le Saint Empire, les guildes de marchands exigent même de quiconque souhaite les rejoindre une preuve qu’il ne possède pas d’ascendant musicien parmi les feuilles de son arbre généalogique26 ! Ce rejet atteint son paroxysme à mesure qu’avance le Moyen Âge. Il pousse les musiciens à se sédentariser et à se regrouper dans des organisations professionnelles afin de protéger leurs intérêts, d’affirmer leur savoir-faire et de s’intégrer à la vie de la cité. Ils normalisent leur situation sur des critères rassurants de stabilité en suivant le schéma corporatiste qui prend son essor à partir du XIIe siècle. Ainsi naissent, par exemple, la confrérie des jongleurs d’Arras en 1194 et celle des ménétriers de Paris en 132127.
17Résumons-nous. Plusieurs facteurs expliquent l’image négative des musiciens. D’abord, la dévalorisation de l’exécution musicale ordinaire, jugée vulgaire et déshonorante suivant le principe que nous pourrions qualifier de « travail de mains, travail de vilains ». Ensuite la mobilité, qui fait du musicien un instable errant. Enfin, l’absence de cadre professionnel collectif jusqu’aux XIIe-XIVe siècles, qui renforce la mise au ban du musicien. Finalement, le musicien est rejeté parce qu’il fait peur, et il fait peur car il s’avère difficile à cerner, à identifier formellement. Il représente une figure inconnue, celle de l’étranger qui cristallise de nombreux fantasmes. Son véritable péché originel réside dans sa différence avec le reste de la société.
18Au XVIIIe siècle, la crainte entourant les musiciens s’est estompée, mais la méfiance et l’opprobre demeurent. De fait, ils restent compliqués à catégoriser. Ainsi n’apparaissent-ils pas en tant que tels dans le tarif de la première capitation de 1695-1696 – pas plus, d’ailleurs, que d’autres métiers d’art comme les peintres et les sculpteurs. Seuls ceux rattachés à l’armée y figurent (trompettes, timbaliers, tambours et fifres), ce qui n’a rien d’étonnant étant donné l’attention particulière portée aux gens de guerre par les administrateurs ayant établi la liste28. En dehors de l’appareil militaire, les musiciens restent insaisissables aux yeux des agents de l’État.
19Une certaine ambiguïté plane de manière générale sur le statut des musiciens. Alors que leur utilité sociale est pleinement reconnue, ils se trouvent le plus souvent dénigrés. Une institution incarne parfaitement cette dualité dans ses représentations du musicien : l’Église.
L’ambivalence de l’Église
20L’Église entretient depuis longtemps une relation particulière et étroite avec la musique. Cette dernière participe pleinement au lustre du culte et permet d’élever l’âme vers Dieu en exaltant la piété des fidèles, notamment au cours des cérémonies extraordinaires où se déploient tous les moyens sonores et visuels dont disposent les églises afin d’en marquer la solennité29. Elle s’insère également au sein du processus de reconquête spirituelle opérée par le catholicisme dans la veine du concile de Trente et de la Contre-Réforme. En outre, le chant se trouve intimement lié à l’Église en ce qu’il constitue l’essence même de la musique religieuse, qui est avant tout chantée30. Le plain-chant représente une part importante de cette musique, qui incorpore les fidèles à la cérémonie et s’inscrit dans le champ d’expérience sensible du laïc en lui remémorant, entre autres, les premiers savoirs qu’il a acquis à l’école paroissiale31. Il influence aussi fortement les pratiques chansonnières quotidiennes du peuple, comme le constate Charles Burney en traversant les Flandres françaises en 177232. Le chant est si profondément ancré dans la culture religieuse qu’il peut servir d’expression métonymique pour désigner un prêtre à la fin du XVIIe siècle33. De même, presque tous les exemples illustratifs du verbe « chanter » du dictionnaire de Furetière font référence à l’Église34.
21Les ecclésiastiques ne sont donc pas, a priori, hostiles à la musique. Au contraire, certains d’entre eux se bousculent pour assister à des concerts profanes comme ceux de l’académie de musique d’Aix, à un point tel que les académiciens de cette institution se retrouvent obligés de réguler leur flux avec des billets d’entrée afin d’éviter « que la salle soit remplie de tous les abbés de la ville35 » ! De même, l’Église offre de l’emploi à beaucoup de musiciens au sein de ses structures, lesquelles veillent scrupuleusement à se doter de brillants corps de musique pour servir au mieux le prestige de leur cathédrale ou de leur collégiale. Toutefois, le regard porté sur les musiciens par les chanoines n’est pas toujours complaisant. Le musicien d’Église est d’abord et avant tout considéré comme un serviteur par ses employeurs. Son talent musical constitue son unique intérêt, comme en témoigne cette remarque peu sympathique de l’administrateur de la cathédrale d’Aix au sujet du sieur Durand, chanteur à l’organe vocal faible, le 27 août 1729 : « Un musicien sans voix est un meuble très inutile36. » On retrouve ici aussi l’idée du musicien à ranger avec le lutrin une fois la messe terminée.
22Cela n’empêche pas les chanoines de rendre hommage à l’un de leurs serviteurs musicaux de temps à autre. Ceux de la cathédrale d’Avignon assistent ainsi en 1785 à l’enterrement de la basse de violon Jean-Baptiste Bigati et en assument tous les frais « du fait de son très long et bon service » – plus de 60 années37. La fidélité se voit de ce fait récompensée.
23Si la musique chante les louanges de Dieu et favorise le salut en encourageant la piété, elle peut également représenter la tentation du Diable aux yeux de l’Église38. Cette dernière se méfie des airs lascifs et profanes qui détournent les fidèles de leurs devoirs religieux et mettent leur âme en péril. L’opéra de Marseille, par exemple, est fustigé par les chanoines de la cathédrale qui y voient un « lieu corrompu39 ». Les cibles privilégiées des autorités ecclésiastiques sont cependant les tambourinaires, instrumentistes locaux typiques de la région. L’évêque de Vence recommande ainsi de bannir le tambour et le fifre des processions de la paroisse de Coursegoules après une visite pastorale en 172240. Le tambour semble particulièrement poser problème, car les danses qu’il entraîne durant la Fête-Dieu en marchant à la tête du Saint-Sacrement évoquent dangereusement celles des anciens païens41. Le prieur Ardisson, qui rapporte le fait à l’évêque de Vence en 1737, dénonce également l’amour immodéré des habitants de la commune du Bar pour cet instrument :
Monseigneur, on ne croit en Dieu, dans ce pays, que sous bénéfice d’inventaire, et, comme on y fait une espèce de divinité du tambour, il est inutile de demander si on fait marcher cet instrument du démon à la procession du Très-Saint Sacrement. On n’y a jamais manqué. Le tambour a ici plus d’amis et de protecteurs que le Seigneur des Seigneurs et le Roy des Roys ; il y a apparence qu’on tardera longtemps de revenir de cet égarement42.
24Nous y voilà. L’instrument du démon. Pour l’Église, ces musiciens locaux sentent le soufre. Déjà au Moyen Âge, elle pouvait considérer les musiciens comme d’infâmes suppôts de Lucifer indignes du paradis43. Au XVIIIe siècle, ces derniers concurrencent les curés en entraînant les paroissiens hors des lieux de culte et en les poussant à pratiquer une activité réprouvée : la danse. C’est là que se situe la véritable pierre d’achoppement entre les prêtres et les musiciens profanes. Les premiers accusent les seconds de dénaturer et de pervertir la musique, don de Dieu, en l’associant à la danse44. La danse suscite l’opprobre des autorités ecclésiastiques parce qu’elle incite à la luxure par le rapprochement des corps, surtout la nuit pendant les veillées, parfois même jusque dans les chapelles45. Danser le dimanche est également particulièrement condamnable, car cela enfreint le respect du jour du Seigneur46. En encourageant la danse par leurs mélodies, les musiciens contribuent à détourner les fidèles du droit chemin, surtout la jeunesse, influençable et toujours prompte à se divertir. Par conséquent, certains manuels destinés aux confesseurs recommandent de refuser l’absolution « aux joueurs d’instruments qui vont en jouer dans des assemblées où ils scavent qu’il se commet ordinairement des péchés à l’occasion de la danse47 ». Les attaques du clergé contre les musiciens populaires sont aussi alimentées par la réputation satanique qu’on leur prête, notamment aux cornemuseux du centre de la France48. Au XIXe siècle encore, George Sand fait dire à l’un des personnages de son roman champêtre Les maîtres sonneurs qu’« on ne peut devenir musicien sans vendre son âme à l’enfer, et qu’un jour ou l’autre, Satan arrache la musette des mains du sonneur et la lui brise sur le dos, ce qui l’égare, le rend fou et le pousse à se détruire49 ». De manière générale, le musicien passe souvent pour un être possédant des pouvoirs surnaturels. D’innombrables légendes content des histoires mettant en scène des musiciens aux instruments magiques tel le célèbre joueur de flûte de Hamelin. Les facultés occultes du musicien se révèlent également au cours des étranges rituels de transe, durant lesquels il contrôle les corps par sa musique et les fait entrer dans un état second spectaculaire pour les témoins oculaires50. Il se mue même en guérisseur lorsque l’Encyclopédie étudie très sérieusement les effets thérapeutiques de la musique dans un article très détaillé51. Le fameux tarentisme des Pouilles italiennes, réputé d’origine arachnéenne, offre l’illustration la plus pittoresque des pouvoirs supposés du musicien-médecin qui « soigne » la maladie en faisant danser, prétexte bien commode pour pratiquer un art sévèrement proscrit par les autorités ecclésiastiques dans la région52.
25Ainsi, deux images antithétiques des musiciens se croisent et se superposent aux yeux de l’Église. D’un côté, le musicien constitue un serviteur de Dieu – et des chanoines – indispensable à la solennité du culte. De l’autre, il représente un tentateur démoniaque flirtant avec le Diable, lequel lui accorde d’obscures facultés surnaturelles en échange de son âme. Cette vision ambivalente résume bien toute l’ambiguïté qui plane sur les représentations des musiciens au XVIIIe siècle. Elle met de plus en évidence un facteur discriminant dans la construction des appréciations des contemporains vis-à-vis des musiciens : celui de leur statut.
Les stéréotypes de musiciens
26De la même manière que le regard sur les musiciens fluctue en fonction de l’observateur, ce regard varie également suivant le type de musicien. Certains stéréotypes se rattachent en effet à une figure spécifique de musicien et non à d’autres. De la frivole chanteuse d’opéra au respectable organiste de la cathédrale, ces stéréotypes dessinent une hiérarchie de la profession bâtie par les regards extérieurs et forment une mosaïque d’appréciations diverses. Trois facteurs semblent jouer un rôle dans la construction des différents stéréotypes : l’instrument, l’employeur et la province d’origine.
Une influence instrumentale
27Aujourd’hui, l’imaginaire collectif lie le caractère du musicien à son instrument, comme si l’instrument façonnait le musicien ou, plutôt, comme si le second choisissait le premier en fonction de sa personnalité. L’instrumentiste ressemblerait ainsi à son instrument, par un curieux phénomène de capillarité. Par exemple, le hautboïste de l’orchestre classique posséderait systématiquement un mauvais caractère, tandis que le tromboniste se révélerait au contraire expansif et jovial, en accord avec le timbre de son instrument53. Qu’en était-il au siècle des Lumières ?
28Au Moyen Âge, les instruments de musique sont classés en deux catégories suivant le critère de l’intensité sonore : les instruments « hauts » et les instruments « bas ». Luc Charles-Dominique a montré de quelle manière cette répartition sous-tend des images symboliques différenciées en fonction des usages sociaux des instruments. Les instruments hauts – cor, trompette, trompe, hautbois, tambour, flûte, etc. – personnifient le pouvoir du roi, des princes ou encore de la municipalité, dont ils servent de blason sonore54. De l’autre côté, la discrétion des instruments bas les associe aux détenteurs du savoir en favorisant, par leur calme, la spéculation intellectuelle, la création poétique et la spiritualité en général55. Cette distinction dichotomique évolue au cours des Temps modernes pour aboutir au XVIIe siècle à une opposition entre instruments polyphoniques et instruments monodiques, la préférence des élites allant aux premiers du fait des esthétiques de la sagesse, de la raison et de la connaissance rattachées à l’harmonie56. Ce triomphe de l’harmonie, qui perdure et se poursuit au siècle suivant, place les instruments à clavier au sommet de la hiérarchie instrumentale et valorise fortement les musiciens qui en jouent. Le clavecin, en particulier, devient le symbole de l’aristocratie ; plus qu’un instrument, il constitue un véritable meuble d’ornement qui s’intègre parfaitement au décor des riches résidences nobiliaires57. C’est cependant l’organiste qui tire le mieux son épingle du jeu grâce à l’aura de son instrument, comme en témoigne Titon Du Tillet en 1732 :
« L’orgue doit être regardé comme le premier et le roi de tous les instruments, puisqu’elle seule les contient tous, et qu’elle peut fournir elle seule des chœurs de musique, qu’à peine vingt voix et vingt autres instruments ensemble pourraient remplir avec la même force et faire un aussi grand effet58. »
29En outre, il existe indubitablement un symbolisme social rattaché à chaque instrument, symbolisme que l’historien peut observer par exemple au début de la Révolution. L’imagerie de 1789 comporte en effet des estampes représentant des personnages des trois ordres, chacun jouant d’un instrument qui le caractérise dans un désir de conciliation sociale. Ces allégories de la concorde mettent un violon entre les mains du tiers état, un hautbois dans celles de la noblesse et un serpent dans celles du clergé. Le violon du tiers état évoque les ménétriers de ville, tandis que le hautbois fait référence à l’armée, dans laquelle fait carrière la noblesse, et que le serpent se trouve étroitement associé à l’Église59.
30On le voit, l’instrument de musique est investi d’une charge symbolique forte. Il fait pleinement partie de la panoplie des outils de représentation des catégories sociales d’Ancien Régime. De plus, certaines familles instrumentales se révèlent diversement connotées. Les vents, notamment, appartiennent au domaine de l’érotisme, surtout la flûte, reliée grivoisement au sexe masculin. La cornemuse arrive également en bonne place des sous-entendus salaces et sexualisés, de même que le violon, instrument à cordes frottées60. Dans un registre plus courtois, la guitare et la mandoline sont associées à la galanterie. Ces instruments sont en effet particulièrement réputés « pour exprimer le douloureux martyr des amants sous les fenêtres d’une maîtresse », à un point tel qu’une méthode pour la mandoline de 1772 contient spécialement des morceaux « pour jouer la nuit61 ». D’autres instruments rappellent le domaine militaire. Les trompettes, les tambours, les hautbois et les fifres évoquent la brutalité des combats, comme en témoigne leur utilisation dans les opéras afin de figurer les champs de bataille62. Le tambour, notamment, « renforce le penchant naturel pour le métier des armes » selon les officiers supérieurs de l’armée piémontaise, tandis que la trompette sonne « principalement à la guerre63 ». Chaque instrument de musique convoque un imaginaire spécifique qui se déploie au sein des représentations des hommes et des femmes du XVIIIe siècle.
31Tout cela a un impact sur les musiciens. L’imaginaire associé à l’instrument influence l’image de son possesseur, ce dont ce dernier peut avoir pleinement conscience. Durant la période révolutionnaire, certains anciens musiciens d’Église se débarrassent de leur serpent en le vendant, sachant pertinemment que ce dernier les rattache un peu trop à une religion dont les nouvelles autorités se méfient64. L’instrument détermine en particulier le prestige rattaché à l’exécutant. La survalorisation de l’orgue à partir du XVIIe siècle profite ainsi largement à l’organiste, qui se voit systématiquement associé à l’excellence et à la virtuosité dans les exemples illustratifs des dictionnaires. À l’inverse, le violon jouit d’une si mauvaise image qu’il désigne une insulte dans le langage populaire, synonyme de sot et d’impertinent65. Une partie de la définition du Trévoux se révèle, à cet égard, particulièrement éclairante :
« Traiter un homme de violon, c’est comme si on le mettait au rang de ces ménétriers qui vont de cabaret en cabaret jouer du violon et augmenter la joie des ivrognes : c’est une expression populaire66. »
32La piètre réputation accolée au violon rejaillit directement sur les violonistes, qui dans l’esprit collectif sentent le vin et la débauche. Le statut de cet instrument évolue néanmoins au cours du siècle, lui permettant d’acquérir ses lettres de noblesse à partir des années 175067. Le même Trévoux atteste de ce timide début d’évolution en rapportant que le violon « a été nommé le Roi [des instruments] par quelques-uns68 ». Cette ascension graduelle va de pair avec celle des autres instruments de la famille du violon, notamment le violoncelle, au détriment de la basse de viole69.
33Un autre cas intéressant de valorisation instrumentale durant la période des Lumières concerne la vielle à roue. Traditionnellement, le stéréotype rattaché à la vielle est celui, peu avantageux, de l’aveugle musicien qui joue dans la rue70. Le Furetière déclare ainsi que « les aveugles sont ordinairement ceux qui gagnent leur vie à vieller71 ».
34Outre le handicap physique repoussant lié à l’instrument – la cécité –, la marginalité prêtée à son exécutant, qui s’en sert la plupart du temps pour mendier, dessert lourdement la réputation des deux. Pourtant, cet « instrument de gueux » connaît un engouement nobiliaire spectaculaire sous Louis XV. De nombreux aristocrates l’adoptent entre 1725 et 1765. Au-delà d’un incontestable effet de mode, le succès soudain de la vielle à roue s’explique par une autre de ses associations : celle avec un monde champêtre idéalisé, rempli de beaux bergers purs et naïfs qui aiment la simplicité et la musique, vivant librement loin de tout tracas, en dehors des contraintes sociales. Cette idéalisation villageoise se nourrit du mythe antique de l’Arcadie de Virgile, dans lequel la noblesse cultive une nostalgie du paradis perdu des origines et dont la vielle constitue l’un des emblèmes72. Les musiciens profitent de ce nouveau goût instrumental en adaptant leurs leçons en conséquence. Aix compte ainsi au moins trois maîtres de vielle à la fin des années 1760, les frères Melchior et Pierre Imbert, qui enseignent probablement à l’aristocratie parlementaire d’une ville soucieuse d’imiter Paris73.
35L’influence instrumentale sur la hiérarchie de prestige des musiciens est cependant déterminée de manière la plus prégnante par l’opposition entre chanteurs et instrumentistes. Cette dichotomie favorise clairement les premiers au détriment des seconds. Elle se justifie par la différence de traitement accordé à la musique vocale et à la musique instrumentale au siècle des Lumières. Dans l’esprit des auditeurs français de l’époque classique, la musique doit impérativement, pour être bonne, construire un discours en dépeignant une action ou une expression. Son appréciation dépend aussi de sa capacité à coller à un texte, qu’il soit sacré à l’église ou profane à l’opéra. Par conséquent, la musique instrumentale pure se voit décriée car considérée comme trop insignifiante en elle-même74. C’est cela qui explique la préséance du chanteur sur l’instrumentiste, de la même manière que la parole prévaut sur la musique. Cette dernière se trouve avant tout au service de la poésie et ne peut encore être pleinement indépendante75. La supériorité de statut des musiciens vocaux s’observe notamment à travers les rémunérations des membres des ensembles musicaux, comme le montre l’étude des engagements de musiciens à l’académie de musique d’Aix l’année de son établissement en 175676 :
Tableau n 1 : Rémunérations des musiciens engagés à l’académie de musique d’Aix en 1756

36Ce tableau met bien en valeur la place prépondérante des chanteurs ainsi que la ligne de fracture salariale qui existe entre eux et leurs collègues instrumentistes.
37Une situation analogue se constate à l’académie de musique de Carpentras, mais de façon plus atténuée, avec des différences de gages moins f lagrantes. Les premiers chanteurs touchent ainsi 900 livres annuelles en 1749, tandis que le salaire de l’instrumentiste le mieux rémunéré, le premier violon, se monte à 600 livres par an77.
38Une hiérarchie relativement similaire semble se dessiner chez les musiciens d’Église en comparant leurs appointements. Prenons pour exemple ceux de la cathédrale d’Avignon en 1777- 177878 :
Tableau n 2 : Appointements des musiciens de la cathédrale d’Avignon pour l’année 1777-1778 (du 1er mai au 30 avril)

39Nous retrouvons à l’église une échelle des rémunérations presque identique à celle de l’académie de musique, avec toutefois une différence de taille : l’organiste se situe à un niveau salarial équivalent au haute-contre, et il dépasse même certaines voix comme la basse- taille et le maître de chapelle – qui chante bien souvent au chœur tout en le dirigeant. Ceci illustre parfaitement son importance au sein de la liturgie, ainsi que sa primauté incontestée parmi les instrumentistes. En dehors de cela, la prédominance des chantres sur les joueurs d’instruments se confirme par des versements de gages supérieurs.
40Un autre indicateur de la hiérarchie symbolique des musiciens par instrument est le classement sur les listes de présentation des orchestres. La place sur ces listes reflète plus ou moins inconsciemment leur degré d’importance dans l’esprit de leurs contemporains. L’Almanach historique de Marseille constitue une bonne source pour tester cet angle d’approche. Ce périodique publie chaque année la composition de la troupe de la salle des spectacles de la cité phocéenne à partir de 1780. Nous disposons ainsi de la liste nominative détaillée du personnel de la Comédie pendant dix ans, jusqu’en 179079. Les musiciens du théâtre y figurent également, rangés selon leur instrument. Leur ordre ne varie jamais. Les premiers présentés sont les chanteurs et les chanteuses solistes, regroupés par sexe sous la rubrique « pour le chant », juste après les acteurs et les actrices « pour la tragédie et la comédie ». Viennent ensuite « les chœurs », une dizaine de personnes fondues pendant la représentation en un seul ensemble mélodieux. L’« orchestre » à proprement parler n’arrive qu’après les danseurs, solistes et figurants. Le maître de musique s’y trouve logiquement en tête. Il est suivi des violons, divisés entre « premiers dessus » et « seconds dessus ». Les autres instruments clôturent le personnel musical, à savoir successivement les « flûtes et hautbois », les « cors », les « bassons », les « altos », les « basses » (c’est-à-dire les violoncelles), les « contrebasses » et, enfin, les « timbales » – uniquement à partir de 1783 pour celles-ci. Cette liste révèle plusieurs choses. Elle confirme tout d’abord la préséance des chanteurs sur les instrumentistes, qui apparaissent bien avant ces derniers et se distinguent soigneusement de l’orchestre en général, avec lequel ils ne sont nullement confondus. Le classement met ensuite en valeur l’individualité. Les solistes vedettes se situent en premier, avant le collectif plus anonyme des chœurs dont la performance personnelle se dissout dans la masse vocale. La liste consacre également le triomphe du violon au sein de l’orchestre, présenté directement après le maître de musique. En cette fin de siècle, le violon a achevé sa conquête du public élitaire et ne sert plus seulement à faire danser le peuple. Le reste des musiciens se trouve classé selon un double critère : la famille instrumentale et la tessiture de l’instrument joué. Les vents sont placés avant les cordes, qui précèdent les percussions. À l’intérieur de chaque famille, les instruments sont rangés de l’aigu vers le grave – flûte, hautbois, cor et basson pour les vents ; alto, basse et contrebasse chez les cordes. Les instrumentistes situés le plus haut sur les portées de la partition, ceux qui tendent symboliquement en direction du ciel, sont ainsi mieux considérés que leurs collègues de la même famille qui jouent dans une tessiture plus basse, plus proche de la terre.
41Au final, l’instrument de musique représente un réel facteur discriminant dans le processus de construction et de distribution des stéréotypes rattachés aux musiciens. Il influence l’image sociale de son exécutant et détermine son prestige symbolique.
42L’instrument ne suffit cependant pas à expliquer en totalité les différences de réputation entre les musiciens. Un autre critère entre alors en jeu, celui du statut professionnel directement lié aux profils de l’employeur.
Des différences selon les employeurs
43Au cours de sa carrière, le musicien est amené à travailler au service de différentes personnes ou institutions au sein de lieux variés. De la même manière que son instrument influence le regard porté sur lui par la société, son employeur modèle en partie l’image que ses contemporains ont de lui. La notoriété de cet employeur rejaillit en effet directement sur la personne du musicien et détermine par une sorte de porosité sa réputation propre. Tout comme le roi de France se trouve au sommet de la hiérarchie sociale d’Ancien Régime, les musiciens attachés à sa maison constituent l’élite de leur profession ; ce sont eux qui sont principalement mis en avant à l’intérieur des exemples illustratifs des dictionnaires de langue, notamment dans ceux des ouvrages de l’Académie française80.
44Beaucoup de musiciens sont considérés par leurs employeurs comme de simples serviteurs, qu’il s’agisse, comme nous l’avons vu, des musiciens d’Église ou des membres des orchestres aristocratiques, mais aussi des trompettes travaillant pour les municipalités. Ainsi, le trompette de la communauté de Marseille est explicitement décrit comme le « domestique » des échevins au cours d’un contentieux de ces derniers avec le viguier en 173281. Par ailleurs, le trompette exerce souvent en parallèle la fonction de valet de ville dans les petites cités provençales, renforçant de ce fait son image de serviteur des édiles : ce cas s’observe, par exemple, à Apt, Grasse et Forcalquier82. Ce statut de domestique s’accompagne néanmoins d’un avantage indéniable pour les musiciens, celui de jouir symboliquement du prestige associé à l’institution ou au personnage qu’ils servent et dont ils récoltent une partie. Jouer dans l’orchestre d’un aristocrate et évoluer au sein de sa sphère de patronage représente pour un musicien une véritable manifestation extérieure de réussite sociale83. Le trompette municipal constitue quant à lui le porte-parole des consuls dont il transmet les avis et les ordonnances à la population ; il est, en quelque sorte, le représentant visuel et sonore de l’autorité publique, ce qui lui assure un prestige certain parmi ses concitoyens.
45Tournons-nous vers les musiciens de concert. L’académie de musique apparaît comme un vecteur important de valorisation. Placée sous la protection d’une haute personnalité, fréquentée par la meilleure société de la ville, cette honorable institution qui fournit un honnête délassement aux élites rayonne d’un prestige considérable. Ce rayonnement dépasse les frontières communales et participe à la réputation de la cité à l’échelle du royaume.
46Dans ce cadre, l’académie musicale provençale la plus réputée nationalement est celle du port phocéen, unanimement célébrée par les contemporains comme l’une des meilleures de France. Le Dijonnais Jean-Baptiste Fleutelot la décrit en 1719 comme « une très belle académie de musique » où « la symphonie est très bien exécutée et [dont] les voix en sont les plus belles et des mieux choisies ». On le voit, les musiciens gagistes des académies profitent aussi du prestige de ces institutions. Les musiciens se révèlent pleinement conscients de la respectabilité que leur confère leur appartenance à un orchestre académique. Par exemple, bien qu’Hyacinthe Azaïs ne soit plus en fonction à l’académie phocéenne depuis cinq ans, il se présente toujours en qualité de « ci-devant maître et compositeur du Concert de Marseille » sur le frontispice des trios qu’il publie en 177784.
47Passons de la lumière à l’ombre et dirigeons-nous à présent en direction des salles de spectacle. L’immoralité censée régner au théâtre et à l’opéra constitue un topos au siècle des Lumières. Le parfum latent de scandale qui baigne continuellement le théâtre enveloppe également les musiciens qui y travaillent, et surtout les musiciennes. Ces dernières ne peuvent échapper à l’atmosphère de libertinage qui entoure la scène du fait des passions enflammées suscitées par leur voix et leur corps exposés sur les planches aux regards de la gent masculine. Ces fantasmes autour des chanteuses entraînent parfois de véritables clivages qui divisent le parterre et créent des partis qui s’affrontent littéralement pour leur favorite au cours de cabales. Les Affiches d’Aix rapportent ainsi la « discorde » qui sévit au théâtre de la capitale provençale entre les partisans de l’actrice Desbruyères et ceux de la chanteuse Cressent en 1777, à un point tel que le rédacteur du périodique se voit sommé par un lecteur de prendre position et d’annoncer s’il est « desbruyerien » ou « cressentin85 » !
48L’opéra est tellement associé à la débauche que, pour jouir des charmes d’une demoiselle, un aristocrate libertin peut choisir de la faire entrer dans cette institution afin de l’entretenir. La fiction s’inspirant souvent du réel, c’est la manœuvre qu’adopte le comte de Beaubourg pour tenter d’attirer la jeune Cécile dans ses filets dans les Mémoires de Cécile d’Éléonore Guichard (1751)86. De fait, nombre de chanteuses d’opéra servent de maîtresses à des membres du second ordre, et le monde du théâtre se confond allègrement dans l’imaginaire collectif avec celui de la galanterie et des courtisanes à la mode, surtout à Paris. Ces relations sont tantôt recherchées par les damoiselles soucieuses de faire carrière, parfois véritablement subies par les pauvres chanteuses dont les protecteurs exigent qu’elles passent par leur lit en échange d’un soutien financier87. L’exemple le plus célèbre est celui de la malheureuse madame Favart, poursuivie par les assiduités du puissant et redoutable maréchal de Saxe à la fin des années 1740, lequel n’hésite pas à employer la force brute en la faisant emprisonner et en pourchassant son mari pour qu’elle lui cède88.
49Voilà qui écorne nettement et durablement l’image des filles d’opéra, associées à la débauche et à la frivolité, qui attirent autant qu’elles repoussent89. Cette réputation sulfureuse peut par ailleurs entraîner l’ire des épouses légitimes des libertins entreteneurs, qui n’hésitent pas à se lancer dans de violentes altercations avec leurs rivales pour défendre leur honneur bafoué. En 1746, une marquise laboure violemment le visage d’une marchande de douceurs à coups d’ongles au beau milieu d’une représentation au théâtre d’Avignon car cette dernière remplissait la fonction d’entremetteuse entre son mari et une chanteuse venue de la capitale90. La chanteuse d’opéra se retrouve ici, souvent bien malgré elle, dans le rôle de la sirène tentatrice briseuse de ménage. De manière générale, le siècle des Lumières associe traditionnellement la pratique musicale féminine professionnelle à la légèreté de mœurs, l’opéra en représentant l’avatar le plus abouti91. La mauvaise réputation associée au théâtre pousse certains parents inquiets à intervenir pour extirper leur progéniture de cet univers mal famé de débauche sans limites. La mère de l’actrice Marie Joséphine Martin, séparée de biens du musicien marseillais Louis Martin, pousse ainsi sa fille à renoncer définitivement au théâtre, et ce devant notaire à Paris le 19 septembre 179192.
50Un autre employeur susceptible de ternir l’image des musiciens à son service pourrait bien être l’armée. Celle-ci ne bénéficie en effet pas d’un prestige remarquable dans la France des Lumières. Le comte de Guibert, célèbre tacticien, affirme par exemple en 1772 que « toutes les armées sont composées de la portion la plus vile et la plus misérable des citoyens93 ». En dehors des drapeaux, les soldats passent pour des soudards querelleurs, des séducteurs irresponsables, des voleurs invétérés et des brigands ou des contrebandiers en puissance, à l’image des compagnons du fameux Cartouche sous la Régence. De fait, nombre d’entre eux sèment le désordre en se battant en duel, en se reconvertissant dans des associations criminelles ou en laissant abondamment des filles-mères dans leur sillage94. Il est possible que les musiciens militaires partagent cette mauvaise réputation de l’armée. Les échevins de Marseille estiment par exemple « honteux » qu’un « soldat de galère » exerce les fonctions de trompette public en 172595.
51L’influence de l’employeur sur la réputation du musicien n’est pas toujours uniquement positive ou négative. L’Église en fournit une éloquente illustration. Nous avons constaté que l’organiste jouissait d’une grande estime sociale du fait de son instrument, estime qui se répercute directement sur ses émoluments. Outre cela, ce musicien bénéficie de l’aura mystique de son lieu de travail. Il représente la clé de voûte de la musique sacrée avec le plain-chant et incarne la grandeur du culte divin transcendé par les notes, comme en témoigne le prévôt de la cathédrale de Vence qui déclare en 1708 que l’office « se célèbre avec plus de solennité et de majesté lorsque l’orgue joue », notamment au cours des cérémonies extraordinaires où l’instrument est amené à se produire96. Cette association avec l’univers du religieux confère à l’organiste une respectabilité certaine auprès des fidèles. Cette respectabilité peut se mesurer à l’aune des épithètes accolées à son nom. L’organiste arlésien Jean-Baptiste Vallière bénéficie ainsi du terme de « sieur » à l’enregistrement de la capitation de 1761, tandis que son collègue Joseph Avy, lui aussi musicien à la cathédrale mais « seulement » joueur de violon –, n’a droit à aucun avant-nom alors qu’il paie une somme supérieure à celle acquittée par Vallière, indiquant une situation matérielle plus confortable que ce dernier97.
52Dans ces cadres religieux, le bas de l’échelle musicienne est représenté au mieux par le chantre, figure stéréotypée s’il en est au XVIIIe siècle. Celui-ci encaisse un feu nourri de critiques et de moqueries de la part de ses contemporains, qui lui bâtissent une image bien peu flatteuse. Les traités de chant ecclésiastique, par exemple, tirent unanimement à boulets rouges sur les chantres de village, qu’ils catégorisent impitoyablement comme ignorants et incompétents. Ces défauts se superposent en outre, selon ces ouvrages, à une laideur vocale, physique et morale, stigmatisant triplement les pauvres choristes ruraux98. Le manque supposé de talent musical des chantres se retrouve sous la plume des rédacteurs de dictionnaire, qui érigent ouvertement ces derniers en synonymes de mauvais musiciens : Furetière note que le « chantre est aussi un méchant musicien », tandis qu’un siècle plus tard, le prêtre lexicographe marseillais Jean- François Féraud indique qu’« on appelle par dérision, un mauvais musicien, chantre de lutrin99 ». La dévalorisation musicale du chantre est également liée au discrédit esthétique dont souffre le plain-chant religieux lui-même, dont la simplicité le fait mépriser par les élites et entraîne le rejet de son exécutant dans le domaine estimé médiocre de la musique populaire100. Le trait de caractère dominant du chantre ancré le plus solidement dans l’imaginaire collectif est toutefois un amour immodéré pour la boisson. « Nouvelliste et fainéant sont deux mots aussi étroitement mariés que chantre et buveur », lit-on ainsi dans le Trévoux101. L’ivrognerie du personnage du chantre constitue un leitmotiv partagé par la majorité des contemporains du XVIIIe siècle, qui le propagent et le répètent à l’envi. Ce penchant naturel pour le vin est à rattacher au stéréotype de l’ivresse accolé à l’ensemble du personnel du bas clergé à l’époque moderne, qui déteint ainsi sur le choriste au point d’en faire le buveur le plus prompt à lever le coude102. Le public pour lequel jouent les musiciens influence leur image.
53Si les musiciens du roi, des orchestres aristocratiques et académiques profitent d’un incontestable prestige, c’est d’abord – et surtout – parce qu’ils se produisent devant des gens de qualité qu’ils contribuent à divertir. Par un effet de miroir, ces derniers leur octroient un capital social symbolique qui fait partie intégrante de leur rémunération. À contrario, les musiciens qui font danser le peuple durant les fêtes ou les mariages ne récoltent que mépris et dédain de la part des couches supérieures de la société, car ils se révèlent, au fond, aussi anonymes que lui. Ce sont bien les tambourinaires qui subissent les foudres des autorités ecclésiastiques en osant régaler les petites gens du son de leurs instruments aux processions du Saint-Sacrement. Quant aux ménétriers qui font la joie des soirées des habitués et des voyageurs dans les auberges, ils se retrouvent littérairement cloués au pilori dans les dictionnaires. La réputation de l’employeur déteint en partie sur le musicien, dans un phénomène somme toute assez classique d’imprégnation sociale. Cette imprégnation trahit toutefois la difficulté qu’éprouvent les contemporains à cerner les musiciens. En liant l’image sociale du musicien à son employeur, ils clarifient en effet la position sociétale de celui-ci. L’employeur sert ainsi de clé de lecture aux hommes et aux femmes d’Ancien Régime afin de comprendre qui compose ce groupe étrange des musiciens, ensemble hétéroclite qui gravite en morceaux aux croisements des autres groupes sociaux. L’employeur détermine partiellement l’identité du musicien. En ce sens, il se révèle indispensable pour permettre au musicien d’exister socialement, et son absence entraîne un réel handicap pour ce dernier. Si les musiciens ambulants de rue sont les moins considérés parmi leurs confrères, c’est aussi parce qu’ils ne possèdent aucun véritable employeur ; à la manière des domestiques sans maîtres, cette situation accentue leur déclassement social.
54La grille de lecture utilisée par les contemporains pour se faire une idée des musiciens ne comporte pas que l’instrument de musique et l’employeur. L’origine géographique en fait également partie.
L’influence de la province : le cas des musiciens provençaux
55Caractériser des peuples par des clichés en fonction de leur région représente une habitude courante à l’époque moderne. Les stéréotypes nationaux y fleurissent103. Ils nourrissent la plume des voyageurs et se renforcent en se transmettant le long des lignes des récits de ces derniers104. À l’échelle infranationale, les habitants du royaume de France se voient coller des étiquettes toutes faites suivant leur province de provenance. Le Gascon est ainsi fréquemment assimilé à un hâbleur haut en paroles tandis que le Provençal se révélerait invariablement gai et festif105. Les musiciens n’échappent pas à cette influence de leurs racines sur les représentations dont ils font l’objet. Pour les Parisiens, les musiciens savoyards sont le plus souvent des personnages débraillés qui manient grotesquement la vielle dans la rue, tout comme les montagnards en général106. Les meilleures voix viendraient d’Italie, pays du bel canto, alors que la suprématie instrumentale serait plutôt aux mains des Allemands dans la seconde moitié de la période107.
56Quelle place occupent les musiciens provençaux et comtadins dans la collection de ces stéréotypes géographiques ? Comment leur province d’origine influence-t-elle leur image dans le reste du pays ? Il convient de préciser d’emblée que, de la même manière qu’Avignon et le Comtat se confondent couramment avec la Provence dans l’esprit des observateurs extérieurs, les musiciens pontificaux ne se distinguent guère de leurs confrères provençaux, avec lesquels ils sont le plus souvent allègrement mélangés. Nous n’avons ainsi relevé aucun exemple de caractérisation d’un musicien par rapport aux enclaves de l’Église, au contraire de leurs collègues méridionaux dont les origines sont fréquemment relevées. En dehors de sa zone géographique, la Provence évoque en effet un style musical particulier.
57Selon l’érudit Charles François Bouche, la Provence forme de grands musiciens. Citant André Campra dans sa Notice des Provençaux célèbres, il précise à propos de sa notoriété musicale que « la Provence a produit de grands hommes dans ce genre », avant de rajouter que « la capitale du royaume admire, depuis quelque temps, les talents d’un jeune musicien, natif d’Aix, dont les essais ont été des traits de maître108 ». Peut-être s’agit-il de Jean-Joseph Chateauminois, virtuose du galoubet dont nous reparlerons plus loin, ou bien du compositeur Étienne Joseph Floquet109. Quoiqu’il en soit, des musiciens pontificaux et provençaux montent à la capitale et parviennent à y faire carrière, parfois de façon très brillante. Une première vague se produit à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, dont les réussites les plus fameuses sont celles de Jean-Joseph Mouret, Jean Gilles, Claude Mathieu Pelegrin, Esprit Antoine Blanchard et surtout André Campra. Une deuxième s’amorce dans la seconde moitié du siècle, avec, par exemple, Floquet, Chateauminois, les frères Bèche, les frères Trial et Dominique Della Maria. D’autres musiciens se rendent célèbres dans tout le royaume sans forcément résider à Paris, comme Laurent Belissen ou l’organiste Laurent Desmazures110. La Provence et les États enclavés de l’Église ne se trouvent cependant pas représentés en totalité par tous ces musiciens. Les Provençaux qui parviennent à percer proviennent en effet exclusivement de la Basse-Provence, surtout de grandes villes parmi lesquelles Aix se taille la part du lion suivie, loin derrière, par Marseille. Quant aux sujets pontificaux, seuls les Avignonnais réussissent réellement à se distinguer dans la musique à l’échelle nationale, à l’image du« musicien des grâces » Mouret. Cette spatialisation déséquilibrée s’explique facilement par le fait que la plupart des individus cités ont été formés dans des maîtrises religieuses prestigieuses – notamment celle de la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix111 – où ils ont acquis des compétences musicales de haut niveau, ce qui leur permet, par la suite, de tirer leur épingle du jeu.
58Qu’est-ce qui différencie un musicien provençal de ses confrères originaires d’autres provinces ? Pour les Parisiens, la Provence dégage un certain parfum pittoresque. Lorsque l’illustre danseuse Marie Anne de Cupis Camargo se produit sur les planches de l’opéra au son de la musique d’un « joueur de tambourin de Provence », immortalisée par le pinceau de Nicolas Lancret vers 1730, son accompagnateur représente un véritable « exotisme franco- français112 ». La Camargo excelle justement dans le tambourin, qui constitue une danse populaire d’origine provençale sur une musique vive exécutée à deux temps par un tambourinaire – d’où son nom. Danse la plus rapide du répertoire de l’époque, elle atteint son apogée sur la scène grâce à Rameau, qui l’utilise fréquemment dans ses œuvres entre 1733 et 1760113. Le musicien provençal se reconnaîtrait donc à son tempérament, qu’il importe de sa province et qui transparaît à travers sa musique. À l’image du tambourin, les mélodies provençales se caractérisent en effet par des airs joyeux, brillants et sautillants qui invitent à la danse en s’inspirant d’allegros italianisants114. La personnalité gaie et festive des habitants de la Provence se transposerait ainsi dans les morceaux que jouent leurs musiciens, qui paraissent par leur exotisme rafraîchissants aux oreilles de la capitale. Commentant le succès d’un Te Deum de Floquet exécuté au Concert spirituel en 1777, l’abbé Frison, ancien sous-maître de musique à la cathédrale d’Arles, relève que le public parisien « y a remarqué des traits d’imagination qui n’appartiennent qu’à un Provençal115 ».
59Le second stéréotype rattaché au musicien provençal en dehors de son pays est son instrument. Il se reconnaît en effet à son jeu du duo typique galoubet-tambourin. Cette paire instrumentale porte l’empreinte méridionale et constitue l’identité sonore de la Provence en colorant aux oreilles de ses auditeurs chaque musique du sceau de cette province. Nous l’avons vu, l’une des danses provençales caractéristiques se nomme le tambourin, dont la mélodie est justement jouée par un tambourinaire. En outre, la « vivacité » du duo instrumental fait supposer à une relation avignonnaise de 1775 qu’il a été inventé « dans ces provinces méridionales de la France », aux côtés du fifre et du flageolet116. Le galoubet et le tambourin contaminent même les personnes qui les écoutent : « Ils rendent les airs gais et dansants, et déterminent ceux qui les entendent à les suivre et de la voix et par des gestes » ; leur harmonie « inspiroit la joie et l’allégresse, et forçoit les plus retenus à en donner des marques par des sauts involontaires117 ». L’Aixois Jean-Joseph Chateauminois, virtuose du galoubet, contribue à populariser son instrument à Paris en s’y produisant avec succès à partir de 1777, ce dont témoignent les Affiches de sa cité natale :
Monsieur Chateauminois, de cette ville, vient d’arriver à Paris. Il a porté le flutet ou galoubet de son pays à un degré de perfection que personne avant lui n’aurait cru possible. Il exécute avec cet instrument presque tout ce que peut exécuter un violon. Il joue seul des duos sur deux flutets à la fois, et exécute des concertos très brillants accompagnés de symphonies. Rien n’égale la précision, la netteté de son coup de langue et la vivacité de son jeu. Il a reçu les plus grands applaudissements des amateurs et des artistes, et le flutet dont les sons brillants et la gaieté folâtre conviennent si bien au caractère des Provençaux, sera bientôt naturalisé dans la capitale de la France118.
60C’est bien par le galoubet que Chateauminois se voit identifié comme un musicien provençal à la capitale. Plus encore, sa maîtrise exceptionnelle de cet instrument le fait devenir, en quelque sorte, le porte-étendard de la Provence. De la même façon, des compositeurs comme Campra, Gilles ou Pelegrin représentent leur territoire à l’extérieur en y « exportant » la musique méridionale et en l’adaptant au style national. Leur célébrité outre-province se mesure, entre autres, à la présence de leurs ouvrages sur les rayons des bibliothèques. L’opéra-ballet L’Union de l’amour et des arts, de Floquet, se recense ainsi dans pratiquement toutes les bibliothèques musicales aristocratiques parisiennes étudiées par David Hennebelle, tandis qu’y sont aussi massivement représentées les œuvres d’André Campra et de Jean-Joseph Mouret119. La renommée nationale de tous ces musiciens rejaillit par contrecoup sur la Provence, ce dont les notables de la région se rendent très bien compte. Ils savent manifester publiquement leur soutien à ces ambassadeurs culturels ; en 1785, les membres de l’académie de musique d’Aix délibèrent de faire chanter une messe de requiem pour le repos de l’âme d’Étienne Joseph Floquet, récemment décédé120.
61De la même manière que son instrument de musique et son lieu de travail, l’origine géographique du musicien pèse sur le regard que portent sur lui ses contemporains. L’influence des stéréotypes nationaux et provinciaux se mêle et se superpose à ceux déjà induits par l’instrument et l’employeur, ce qui permet d’aider les observateurs à identifier et à caractériser les musiciens. Dans le cas des musiciens provençaux – et, par extension abusive, dans celui des musiciens pontificaux transalpins –, leur pays de provenance les fait assimiler à de joyeux joueurs de galoubet-tambourin qui apportent la légèreté festive méridionale au reste du royaume. Tous ces stéréotypes influencent la perception qu’ont les hommes et les femmes d’Ancien Régime des musiciens. Ils instaurent du même coup des différenciations entre ces derniers selon leur profil. Les représentations des musiciens et leur place estimée au sein de l’édifice social dépendent en grande partie de ces différenciations. Une interrogation subsiste néanmoins : finalement, le musicien est-il considéré comme un artiste ou comme un artisan ?
Artiste ou artisan ?
62Qu’il compose ou qu’il interprète une mélodie, il ne fait guère de doute aujourd’hui que le musicien est un artiste. Cette reconnaissance ne va cependant pas forcément de soi au XVIIIe siècle. Le substantif artiste ne commence à prendre son sens moderne qu’au cours du siècle, avant de se stabiliser et d’étendre son champ lexical après la Révolution – il sert auparavant principalement d’adjectif afin de désigner quelqu’un d’habile et d’ingénieux121. Le passage de témoin de l’artisan à l’artiste est définitivement achevé pour le musicien au XIXe siècle. L’évolution légale du statut de ce dernier aux yeux de ses contemporains est-elle déjà perceptible durant le dernier siècle de l’Ancien Régime ? Jugeons sur pièces.
De la distinction entre artiste et artisan
63Différencier l’artiste et l’artisan n’est pas chose aisée. La frontière entre ces deux catégories demeure floue dans l’esprit même des contemporains. L’examen des dictionnaires dévoile des définitions flottantes, voire contradictoires, pour ce qui est de la distinction entre artiste et artisan. Après avoir été cantonné aux arts mécaniques jusqu’à la fin du XVIIe siècle, le terme d’artisan s’élargit aux arts libéraux alors que, de son côté, le mot artiste s’emploie de manière opposée selon les situations, conférant une dignité intellectuelle à une activité mécanique ou renvoyant à la sphère de la simple exécution dans un cadre libéral122.
64Les artistes ne forment pas encore une catégorie professionnelle proprement dite et identifiée comme telle par le reste de la société. En d’autres termes, au siècle des Lumières, être artiste ne représente pas un métier, au contraire de l’artisan. En revanche, l’artiste se trouve intimement lié à l’artisanat dans le sens où il s’agit pour ses contemporains d’un artisan ayant atteint un degré supérieur de maîtrise dans son art. Le terme contient par essence un jugement de valeur positif renvoyant à l’excellence et à la perfection123. De descriptif, il devient normatif en se chargeant de connotations extrêmement valorisantes124. L’artiste constitue ainsi en quelque sorte la promotion sociale de l’artisan. Il se différencie du second en s’élevant au-dessus de la masse artisanale par la qualité de son travail tout en se caractérisant par son individualité. Tandis que l’artisan reste le plus souvent anonyme, voire interchangeable, l’artiste se montre singulier en se dégageant de l’ordinaire. La notion délicate, complexe et subjective de génie rentre également en ligne de compte pour le qualifier, renforçant encore davantage sa position de singularité hors normes125.
65Comment cette distinction entre artiste et artisan se traduit- elle chez les musiciens ? Principalement – mais pas uniquement – par l’opposition créateur/interprète. Un musicien-artisan a plutôt tendance à se cantonner à un simple rôle d’exécutant. Il se borne à jouer les œuvres des autres, qu’il s’agisse de celles qu’exigent ses employeurs (comme à l’église ou à l’armée) ou de celles qu’il juge appropriées au sein d’un contexte particulier (à l’occasion de noces, par exemple). Son travail consiste alors à mettre les autres en avant en effaçant sa personnalité propre, le tout dans des situations où la musique ne représente souvent qu’un simple ornement – c’est le cas de la musique de ville, destinée à souligner la magnificence du pouvoir municipal126. Pour autant, cela ne signifie évidemment pas que l’exécutant ne peut pas se révéler inventif de temps à autre. Même s’il n’a pas composé le morceau qu’il joue, il se l’approprie au cours de sa performance ; il peut ainsi effectuer des variations, le moduler à sa manière ou encore improviser autour en ajoutant des ornementations telles que des trilles ou des fioritures. Il ne s’agit cependant pas du travail qu’on attend de lui, ce dont témoigne André Grétry dans ses Mémoires, où il plaide assez sèchement le strict maintien du musicien du rang à l’exécution et condamne toute tentative d’improvisation127.
66A contrario, grâce à son activité créatrice relevant du domaine de l’esprit, le compositeur constitue la figure de l’artiste la plus achevée parmi les musiciens. Ses partitions le placent au centre de l’attention. Bien sûr, sa musique continue à demeurer un ornement, notamment aristocratique, comme le prouvent les nombreuses dédicaces à des protecteurs. Toutefois, et c’est là que réside toute la différence avec l’exécutant, le nom de l’artiste est associé à son travail128. La messe de Jean Gilles sert à marquer la solennité des funérailles de Louis XV et de Stanislas Leszczyński, mais elle reste avant tout « le Requiem de Gilles », de la même façon qu’un motet est désigné « de Campra » ou un opéra « de Grétry ». Le musicien-artiste transcende le musicien-artisan-exécutant en ce que son travail le met en lumière en le nommant, ce qui contribue à l’individualiser129. Il se met ainsi autant en avant que les autres, si ce n’est plus dans le cas de la musique de théâtre : Floquet est, par exemple, réclamé en personne sur la scène de l’opéra par les « tumultueuses acclamations de l’assistance » à l’issue de la représentation triomphale de L’Union de l’amour et des arts le 7 septembre 1773130. Outre le compositeur, certains interprètes chanteurs et instrumentistes parviennent aussi à conquérir le qualificatif d’artiste par le biais de leurs positions de solistes – nous y reviendrons.
67Il existe finalement une réelle différence de statut entre l’artiste et l’artisan, le premier étant nettement plus valorisé que le second. Les musiciens bénéficient-ils globalement du passage de l’état d’artisan à celui d’artiste au siècle des Lumières ? Assiste-t-on à une promotion sociale collective durant cette période ?
De l’artisan à l’artiste : une promotion sociale collective ?
68Le 24 septembre 1789, le Sénat de la Sérénissime reconnaît le statut d’« art libéral » à la corporation des musiciens de Venise, l’Arte di Sonadori, au même titre qu’à la corporation des peintres. La musique gagne ainsi là ses lettres de noblesse, à la fin de l’époque moderne, passant de l’état de savoir technique à celui d’art, ce qui consacre l’ascension sociale de ses patriciens131. Qu’en est-il cependant en France ? Nous avons constaté que le regard porté sur les musiciens s’avère globalement négatif. Ceux-ci passent-ils aussi, et malgré tout, du statut d’artisan à celui d’artiste au cours du siècle ?
69À première vue, rien ne paraît moins sûr. La sémantique du mot artiste n’enveloppe en effet que les arts visuels dans les dictionnaires du siècle des Lumières – peinture, sculpture, gravure. Les métiers de la musique en sont encore exclus, parfois de manière explicite : « On ne nomme pas ainsi le poète ni le musicien », déclare ainsi Claude- Henri Watelet à l’article « Artiste » de son Encyclopédie méthodique des Beaux-Arts132. Il faut attendre le début du XIXe siècle, 1808, pour que le terme s’élargisse officiellement aux interprètes du spectacle vivant, dont les musiciens et les comédiens133. Avant cette période, le musicien demeurerait du même coup un simple artisan, un artifex, position qu’il occupait déjà à l’époque de la Rome antique134. La seule exception au sein des professions musicales concerne le luthier, qualifié d’artiste dans au moins deux ouvrages de langue135. Il s’agit néanmoins de cas isolés ; l’auteur de l’un de ces dictionnaires, le chevalier de Meude- Monpas, se justifie assez longuement du choix d’accoler ce terme au luthier en 1787136.
70Le statut d’artiste accordé aux luthiers provient de leur savoir scientifique, savoir dont la possession leur permet d’acquérir progressivement une position socioprofessionnelle plus élevée137. Cette considération reste cependant marginale. En 1789, l’intendant de Provence Gallois de La Tour désigne par exemple à plusieurs reprises le luthier phocéen Jean Pedelupé sous le vocable d’« ouvrier » dans ses lettres aux échevins et députés du commerce de Marseille138. Ce terme, déjà employé par le chevalier de Meude-Monpas pour le réfuter, reflète probablement mieux l’opinion commune sur les fabricants d’instruments de musique139.
71Cela étant, le musicien semble conquérir à pas lents un meilleur statut social tout au long au siècle. Il acquiert par exemple progressivement sa place au sein des dictionnaires d’hommes illustres. La Notice des Provençaux célèbres de Bouche (1785) compte ainsi quatre musiciens : André Campra, Jean Gilles, Claude Mathieu Pelegrin et Joseph François Salomon140. Chaque descriptif insiste sur le talent du personnage en question ; Campra y est dépeint comme un « musicien célèbre », Gilles comme « grand musicien », Salomon en qualité de « musicien habile ». Bouche préfère toutefois clairement l’abbé Pelegrin, à qui il consacre un véritable panégyrique de trois pages, le considérant comme « l’un des plus grands musiciens du XVIIIe siècle », couplé d’un « excellent compositeur », en le comparant « à La Fontaine par ses distractions et sa rare candeur141 ». Deux ans plus tard, l’Histoire des hommes illustres de la Provence, du médecin érudit marseillais Claude François Achard, comporte sept musiciens, soit presque le double. Si Gilles et Campra y figurent bien, ce n’est pas le cas de Pelegrin ni de Salomon. Les deux premiers sont rejoints par Jean-Joseph Mouret, Laurent Belissen, Jean-Claude Trial, Laurent Desmazures et Étienne Joseph Floquet, des musiciens plus récents142. Par leur présence dans les dictionnaires d’hommes célèbres, les musiciens prouvent à leurs contemporains qu’ils commencent à mériter de passer à la postérité grâce à leur talent – du moins les plus renommés –, même si leur place demeure encore périphérique au sein de cette littérature.
72L’évolution du musicien de l’état d’artisan à celui d’artiste se révèle particulièrement perceptible à la fin du siècle, peu avant la Révolution. Dans sa Poétique de la musique, le comte de Lacépède parle bel et bien d’artistes en désignant les musiciens en 1785143.
73La même année, les Tablettes de renommée des musiciens, almanach regroupant les noms, adresses et spécialités des musiciens de Paris, qualifient élogieusement d’« artiste » un organiste ainsi qu’un facteur de harpes144. Dix ans plus tôt, c’est l’ensemble des musiciens de métier ayant pignon sur rue que l’Almanach musical enveloppe de ce terme145. En 1788, les musiciens jouant dans l’orchestre du Musée de Bordeaux sont réunis dans une « liste des artistes du concert146 ».
74Et pourtant, ces « nouveaux » musiciens de fin de siècle étaient-ils perçus avant tout comme autant d’artistes ou de virtuoses ? Virtuose : la question mérite d’être posée car, pour les contemporains, c’est avant tout ce dernier mot qui tend à caractériser le bon musicien et à le distinguer de la masse de ses semblables en valorisant ses capacités individuelles147. Venant de l’italien virtuoso, le terme émerge dans la langue française à l’aube du siècle des Lumières « pour marquer un homme de mérite, et même d’Italie », selon la définition du Richelet, qui précise qu’« il ne se dit que rarement et en parlant familièrement » et qu’« on commence à [s’en] servir en françois148 ». L’innovation s’ancre progressivement au sein du royaume et devient petit à petit une habitude linguistique. Le terme virtuose finit par s’accoler au musicien au mitan de la période, comme en témoigne le Dictionnaire portatif des Beaux-Arts du libraire Jacques Lacombe en 1752 :
Virtuoso. Terme italien qui se dit d’une personne distinguée par son goût et par ses connaissances dans quelqu’un des beaux-arts. On l’emploie surtout en parlant d’un habile musicien qui joue de quelque instrument d’une manière149.
75Si « artiste » s’applique à un panel varié de professions artistiques, « virtuose » se spécialise ainsi principalement dans le domaine de la musique, précisément pour reconnaître les talents d’un musicien soliste. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce terme vient d’Italie, pays unanimement reconnu pour sa supériorité musicale. Virtuose permet en outre de valoriser spécifiquement la pratique instrumentale en reconnaissant les prouesses techniques de certains solistes. Il pallie du même coup la réticence théorique de la qualification d’artiste au musicien150. Il contrebalance également la prééminence du compositeur au sein des métiers musicaux et rééquilibre les spécialisations ; virtuose ne s’applique en effet qu’à un instrumentiste praticien, le compositeur étant plutôt désigné comme artiste. L’apparition de la figure du virtuose va de pair avec, à la même époque, « la naissance du vedettariat » soulignée par Jean-Marie Duhamel, à savoir l’émergence au théâtre d’artistes adulés, solistes et « divas », dans le sillage du prodigieux succès de l’opéra151. Les Affiches d’Aix, par exemple, illustrent ce phénomène du vedettariat en rapportant les jugements du public sur chaque acteur de la troupe du théâtre et en insistant sur les talents nominatifs des chanteuses, ainsi que sur l’effet – souvent passionnel et démesuré – que leurs charmes suscitent sur le public152.
76Artistes ou virtuoses, les musiciens accèdent bien graduel- lement à un statut social plus élevé au cours du siècle des Lumières. Ils ne s’avèrent toutefois pas tous égaux face à ce changement de considération de la part de leurs contemporains. Certains en bénéficient davantage que d’autres. Le vedettariat profite ainsi largement aux musiciens de théâtre et d’opéra. La promotion artistique se ressent aussi pour une partie des musiciens d’Église, mais seulement « l’élite ». Elle concerne en effet avant tout les maîtres de chapelle ; la majorité des compositeurs provençaux et comtadins célèbres occupent cette fonction à un moment donné de leur existence. Elle vaut également pour certains organistes. Outre le fait que ces derniers se situent au cœur de la liturgie musicale catholique, leur instrument les sépare physiquement du reste du chœur en les plaçant la plupart du temps en hauteur, ce qui favorise leur individualisation. La position spatiale et la fonction de soliste de l’organiste le conduisent à émerger de la masse collective et anonyme des chantres et instrumentistes tuttistes, le mettant du même coup en valeur. Cela semble aussi être le cas d’une partie au moins des musiciens d’académie.
77La grande majorité des musiciens ordinaires ne semble cependant pas concernée par l’amélioration graduelle de l’image de leur profession. Les musiciens de ville, les musiciens militaires et les musiciens d’Église – hors quelques maîtres de chapelle et organistes –, qui produisent principalement de la musique fonctionnelle, ne sont vraisemblablement toujours vus que comme des artisans. Ils ne méritent pas mieux aux yeux de leurs contemporains qu’une ligne sur les livres de comptes de la municipalité ou du régiment. Parfois, leur nom n’y apparaît même pas, le scripteur se contentant de vagues
78« violons » ou « fifres et tambours » groupés153. Le processus de qualification d’artiste ne s’applique qu’aux meilleurs musiciens – ou en tout cas à ceux réputés tels –, comme l’implique le sens même du mot. La structure intrinsèque du terme virtuose le confirme ; seul l’« habile musicien », qui se démarque de ses semblables par sa maîtrise technique, peut prétendre à ce titre et non les autres, encore moins l’ensemble de la profession. Ces qualificatifs valorisants ne garantissent en outre pas nécessairement la considération sociale. Même un artiste aujourd’hui mondialement reconnu et célébré comme Mozart, archétype du génie musical, n’est encore considéré de son vivant que comme un serviteur – certes particulièrement brillant -par ses employeurs aristocrates154. L’ascension sociale artistique des métiers de la musique au XVIIIe siècle, réelle pour les professionnels les plus célèbres et certaines catégories de musiciens, ne se révèle finalement pas collective. En descendant dans la hiérarchie des talents bâtie par les contemporains – mérites individuels, supériorité des instruments harmoniques, suprématie de la musique vocale sur celle instrumentale, etc. –, le musicien ordinaire persiste à être considéré comme un simple artisan au siècle des Lumières.
79Malgré cela, l’émergence de la catégorie d’artiste permet progressivement aux contemporains de définir le musicien selon des critères intrinsèques à sa profession et non plus seulement en lui rattachant les caractéristiques des autres groupes sociaux autour desquels il gravite ; il acquiert de ce fait une identité sociale propre.
Notes de bas de page
1 D. Roche, La France des Lumières, Paris, Fayard, 1993, p. 352. La bibliographie est abondante en la matière, notamment entre le milieu des années 1970 et celui des années 1980 : voir par exemple R. Mousnier, Les institutions de la France sous la monarchie absolue (1598-1789), t. I, Société et État, Paris, Presses universitaires de France, 1974.
2 L. Fontaine, Pouvoir, identités et migrations dans les hautes vallées des Alpes occidentales (XVIIe- XVIIIe siècles), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2003, p. 145-146.
3 J.-M. Bardez, « Les débats sur la musique au siècle des Lumières », dans J.-J. Nattiez (dir.), Musiques. Une encyclopédie pour le XXIe siècle, t. IV, Histoire des musiques européennes, Arles, Actes Sud, 2006, p. 874-879 ; J. Arnold, Musical Debate and Political Culture in France, 1700-1830, Woodbridge, Boydell and Brewer, 2017.
4 J.-M. Duhamel, La musique dans la ville de Lully à Rameau, Lille, Presses universitaires de Lille, 1994, p. 141.
5 Bardez, « Les débats sur la musique au siècle des Lumières », art. cité, p. 877. Sur les rapports entre musique et politique, voir M. Traversier, Gouverner l’opéra. Une histoire politique de la musique à Naples (1767-1815), Rome, École française de Rome, 2009 ; M. Traversier, « Introduction. Revisiter l’histoire sociale et politique de la musique des années 1770-années 1830 », Annales historiques de la Révolution française, 379, 2015, p. 3-11.
6 A. Cernuschi, Penser la musique dans l’Encyclopédie. Étude sur les enjeux de la musicographie des Lumières et sur ses liens avec l’encyclopédisme, Paris, Honoré Champion, 2000, p. 103.
7 M. Stern, Jean-Jacques Rousseau, la conversion d’un musicien philosophe, Paris, Honoré Champion, 2012, p. 7.
8 Cité par M. Noiray, dans C. Burney, Voyage musical dans l’Europe des Lumières, Paris, Flammarion, 2010, p. 16.
9 J.-J. Rousseau, « Musicien », dans Dictionnaire de musique, Paris, chez la veuve Duchesne, 1768, p. 308.
10 Ibid., « Préface », p. VI.
11 « Vous êtes musicien, et vous avez de l’esprit ! Cela est trop rare, monsieur, pour que je ne prenne pas à vous le plus vif intérêt. » : A. Grétry, Mémoires ou Essais sur la musique, t. I, Bruxelles, chez Auguste Wahlen, 1829, p. 119.
12 Cité par B. Brévan dans D. Hennebelle, De Lully à Mozart. Aristocratie, musique et musiciens à Paris (XVIIe-XVIIIe siècles), Seyssel, Champ Vallon, 2009, p. 305.
13 J.R. de Segrais, Œuvres diverses de monsieur de Segrais, t. I, Amsterdam, chez François Changuion, 1723, p. 232-233.
14 Grétry, Mémoires…, op. cit., t. I, p. 133.
15 C. Petitfrère, L’œil du maître. Maîtres et serviteurs de l’époque classique au romantisme, Bruxelles, Éditions Complexe, 1986, p. 74-75.
16 Hennebelle, De Lully à Mozart…, op. cit., p. 273-277.
17 17. BM Arles, ms. 379, p. 190, 2 mai 1780.
18 M. Noiray, « Introduction », dans Burney, Voyage musical dans l’Europe des Lumières, op. cit., p. 15.
19 A. Caubet, « Conclusions et prospective », dans S. Emerit (dir.), Le statut du musicien dans la Méditerranée ancienne. Égypte, Mésopotamie, Grèce, Rome, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 2013, p. 307.
20 V. Péché, C. Vendries, Musique et spectacles…, op. cit., p. 88-91.
21 A. Vincent, Les musiciens professionnels au service de la cité (fin de la République - Haut-Empire), thèse de doctorat (dir. C. Virlouvet), Aix-Marseille Université, 2011, p. 397-399.
22 22. Ibid., p. 163.
23 Charles-Dominique, Les Ménétriers français…, op. cit., p. 19-46.
24 W. Salmen, « The Social Status of the Musician in the Middle Ages », dans W. Salmen (ed.), The Social Status of the Professional Musician from the Middle Ages to the 19th Century, New York, Pendragon Press, 1983, p. 7.
25 Ibid., p. 18. Il existe toutefois des exceptions : les musiciens de cour jouissent ainsi d’un statut enviable. À ce sujet, voir par exemple G. Castelnuovo, M.-C. Deragne, « Peintres et ménétriers à la cour de Savoie sous Amédée VIII », dans N. Guidobaldi (dir.), Regards croisés. Musiques, musiciens, artistes et voyageurs entre France et Italie au xve siècle, Paris, Minerve, 2002, p. 31-59 ; D. Fiala, « Music and Musicians at the Burgundian Court in the Fifteenth Century », dans A. M. B. Berger, J. Rodin (ed.), The Cambridge History of Fifteenth-Century Music, Cambridge, Cambridge University Press, 2015, p. 427-445.
26 Salmen, « The Social Status… », art. cité, p. 25.
27 M. Clouzot, Images de musiciens (1350-1500). Typologie, figurations et pratiques sociales, Turnhout, Brepols, 2007, p. 156 ; Charles-Dominique, Les Ménétriers français…, op. cit., p. 52.
28 F. Bluche, J.-F. Solnon, La véritable hiérarchie sociale de l’ancienne France. Le tarif de la première capitation (1695), Genève, Droz, 1995, p. 99. Sur la préséance des guerriers dans le tarif de la première capitation, voir A. Guéry, « État, classification sociale et compromis sous Louis XIV : la capitation de 1695 », Annales. Économies, sociétés, civilisations, vol. 41, 5, 1986, p. 1 053-1 055.
29 B. Dompnier, « Conclusion. Les cérémonies, la piété et la culture », dans B. Dompnier (dir.), Les cérémonies extraordinaires du catholicisme baroque, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2009, p. 588.
30 A. Meunier, « La musique religieuse sous Louis XV », dans J. Duron (dir.), Regards sur la musique au temps de Louis XV, Versailles, Mardaga, 2007, p. 31. Sur la musique religieuse en général, voir D. Launay, La musique religieuse en France, du Concile de Trente à 1804, Paris, Klincksieck, 1993 ; C. Davy-Rigaux (dir.), La musique d’Église et ses cadres de création dans la France d’Ancien Régime, Florence, Olschki, 2014 ; T. Favier, S. Hache (dir.), Réalités et fictions de la musique religieuse à l’époque moderne. Essais d’analyse des discours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018.
31 X. Bisaro, Chanter toujours. Plain-chant et religion villageoise dans la France moderne (XVIe- XIXe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 19-20.
32 Meunier, « La musique religieuse sous Louis XV », art. cité, p. 34.
33 « On dit qu’un homme chante messe pour dire qu’il est prêtre » (A. Furetière, « Chanter », dans Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots français tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, Genève, Slatkine Reprints, 1970 [1690], t. I).
34 « Les paysans chantent au lutrin. Le diacre chante l’Évangile. Cette antienne se chante à deux chœurs. Chanter un Te Deum. Chanter en plain-chant, en musique, en faux-bourdon. Chanter sa partie. Chanter vêpres. Chanter matines. Chanter un salvé. Chanter des Noëls, des chansons. » (Ibid.).
35 BM Aix-en-Provence, ms. 1633 (1498), 3 novembre 1767.
36 Ibid., 29 août 1729.
37 AM Avignon, GG 200, 14 novembre 1785.
38 Sur cette dichotomie musicale, voir C. Charles-Dominique, Musiques de Dieu, musiques du Diable. Anthropologie de l’esthétique musicale française du Moyen Âge à l’âge baroque, Toulouse, thèse de doctorat (dir. D. Fabre), EHESS, 2001.
39 AD 13, 6 G 443, 24 septembre 1727.
40 AD 06, G 1265, 1722.
41 41. AD 06, G 1417, 1737.
42 Ibid.
43 Salmen, « The Social Status… », art. cité, p. 26.
44 Heintzen, Musiques discrètes et société…, op. cit., p. 303.
45 A. Cabantous, Histoire de la nuit (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, Fayard, 2009, p. 76-77.
46 Heintzen, Musiques discrètes et société…, op. cit., p. 305.
47 R.F. Daon, Conduite des confesseurs dans le tribunal de la pénitence, Paris, 1760, p. 49.
48 Heintzen, Musiques discrètes et société…, op. cit., p. 313.
49 G. Sand, Les maîtres sonneurs, Paris, Bookking International, 1996 [1853], p. 313. Ce roman est censé se dérouler vers 1755.
50 G. Rouget, La musique et la transe. Esquisse d’une théorie générale des relations de la musique et de la possession, Paris, Gallimard, 1990, p. 217-221.
51 J.-J. Menuret, « Effets de la musique », dans D. Diderot, J. l. R d’Alembert (dir.), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. X, Paris, chez Le Breton, 1765, p. 903-909.
52 Sur le tarentisme, voir Rouget, La musique et la transe…, op. cit., p. 296-308.
53 B. Lehmann, L’orchestre dans tous ses éclats. Ethnographie des formations symphoniques, Paris, La Découverte, 2005, p. 169.
54 Charles-Dominique, Les Ménétriers français…, op. cit., p. 238 ; « La couble des hautbois des capitouls de Toulouse (XVe-XVIIIe siècle). Rôle emblématique, fonction sociale et histoire d’un orchestre communal de musique ménétrière », dans F. Lesure (dir.), La musique dans le midi de la France, t. I, xviie-xviiie siècles, Paris, Klincksieck, 1996, p. 46.
55 Clouzot, Images de musiciens…, op. cit., p. 308.
56 Sur la symbolique instrumentale et son évolution, voir Charles-Dominique, Les Ménétriers français…, op. cit., p. 227-242 ; Musiques savantes, musiques populaires. Les symbolismes du sonore en France (1200-1750), Paris, CNRS Éditions, 2007.
57 Hennebelle, De Lully à Mozart…, op. cit., p. 187.
58 É. Titon Du Tillet, cité par M. Benoit, Versailles et les musiciens du roi, 1661-1733. Étude institutionnelle et sociale, Paris, Picard, 1971, p. 101.
59 F. Gétreau, « Les images du serpent d’Église en France : caractéristiques, usages, symbolismes », dans C. Davy-Rigaux, F. Gétreau, V. Hostiou (dir.), Le Serpent : itinéraires passés et présents, Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 27-28.
60 Charles-Dominique, Musiques savantes…, op. cit., p. 180-181.
61 M. Corrette, Nouvelle Méthode pour apprendre à Jouer en très peu de tems la Madoline, ou les principes sont demontrés si clairement, que ceux qui Jouent du Violon peuvent apprendre deux mêmes, Lyon, chez les frères Legout, 1772, préface. La citation précédente est également tirée de cet ouvrage.
62 A. Fiaschi, « “Bruit de guerre’’ : peindre les scènes de combat dans les musiques du XVIIe siècle et de la première moitié du XVIIIe siècle », Histoire et Défense, 36, 1997, p. 168.
63 S. Loriga, Soldats. Un laboratoire disciplinaire : l’armée piémontaise au XVIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2007, p. 135 ; Article « Trompette », dans Le dictionnaire de l’Académie françoise, 4e édition, Paris, chez la veuve Brunet, t. II, p. 883.
64 Granger, Les Métiers de la musique…, op. cit., p. 1 185.
65 « Violon. Est aussi un terme d’injure et de mépris qui signifie sot, impertinent. » (Article « Violon », dans Dictionnaire universel françois et latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, Paris, Compagnie des libraires associés, 1771, t. VIII, p. 416).
66 Ibid.
67 A. Pardailhe-Galabrun, La naissance de l’intime. 3 000 foyers parisiens, xviie-xviiie siècles, Paris, Presses universitaires de France, 1988, p. 422.
68 Article « Violon », dans Dictionnaire universel françois…, op. cit., t. VIII, p. 416.
69 Sur l’avènement du violoncelle en France et le développement de son répertoire au XVIIIe siècle, voir F. Yapp, Les Prétentions du Violoncelle : The Cello as a Solo Instrument in France in the pre-Duport Era (1700-1760), Christchurch, thèse de doctorat (dir. J. Le Cocq, B. Pritchard), université de Canterbury (Nouvelle-Zélande), 2012.
70 V. Milliot, « “Le Parisien n’a point l’oreille musicale […]’’ (L.-S. Mercier). Musique, musiciens et chanteurs de rues à Paris aux XVIIe-XVIIIe siècles », dans A. Croix, A. Lespagnol,
G. Provost (dir.), Église, Éducation, Lumières… Histoires culturelles de la France (1500-1830). En l’honneur de Jean Quéniart, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999, p. 413.
71 A. Furetière, « Vieller », dans Dictionnaire universel…, op. cit., t. II.
72 P. Fustier, La Vielle à roue dans la musique baroque française. Instrument de musique, objet mythique, objet fantasmé ?, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 387-389.
73 AM Aix, GG 64, 13 octobre 1767 ; AD 13, 302 E 1332, fol. 140, 28 avril 1774.
74 T. Picard, « Le méloscepticisme des penseurs et écrivains européens : proposition de typologie », dans C. Coste, B. Vibert (dir.), La Haine de la musique, Recherches et Travaux, 78, 2011, p. 16.
75 Ibid., p. 17.
76 BM Aix-en-Provence, ms. 1633 (1498), 8 janvier, 16 mars, 19 juin, 12 et 28 novembre 1756.
77 AD 84, 3 E 26/2233, 28 avril et 4 octobre 1749.
78 78. AD 84, 1 G 484, 1777-1778.
79 AD 13, EPSI 2, Almanach historique de Marseille, Marseille, ouvrages annuels imprimés chez Jean Mossy, années 1780 à 1790.
80 Articles « Musicien, enne » et « Musique », dans Le dictionnaire de l’Académie…, op. cit., p. 190.
81 AM Marseille, AA 112, 21 janvier 1732.
82 AM Apt, CC 150, mandat du 1er avril 1700 ; AM Grasse, AA 6, 16 septembre 1707 ; AM Forcalquier, CC 1, 1783. Voir aussi M. Derlange, Les communautés d’habitants en Provence au dernier siècle de l’Ancien Régime, Toulouse, Association des publications de l’université Toulouse– Le Mirail, 1987, p. 338.
83 Hennebelle, De Lully à Mozart…, op. cit., p. 360.
84 H. Azaïs, Six trio en quatre parties, un violon, un violoncelle et un cor, ou un violon, un violoncelle et une clarinette, dédiés à monsieur le comte de Durfort Civrac, Sorèze, chez l’auteur, 1777, page de garde.
85 BM Aix-en-Provence, F 1182, Affiches et annonces pour la Provence et la ville d’Aix, Aix, chez Bouteille, no 22, p. 163-164, 16 juin 1777.
86 M. Wåhlberg, La Scène de musique dans le roman du xviiie siècle, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 66-69.
87 Duhamel, La musique dans la ville…, op. cit., p. 186-187. Sur les liens entre carrières féminines théâtrales et prostitution, voir E.-M. Benabou, La prostitution et la police des mœurs au xviiie siècle, Paris, Perrin, 1987.
88 R. Legrand, « Favart, Laruette, Trial et Dugazon : chanteuses à la Comédie-Italienne, mariées à des artistes », dans C. Giron-Panel, S. Granger, R. Legrand, B. Porot (dir.), Musiciennes en duo. Mères, filles, sœurs ou compagnes d’artistes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 98-99.
89 R. Legrand, « Libertines et femmes vertueuses : l’image des chanteuses d’opéra et d’opéra- comique en France au XVIIIe siècle », dans H. Marquié, N. Burch (dir.), Émancipation sexuelle ou contrainte des corps ?, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 157-175.
90 J. Girard, Évocation du vieil Avignon, Paris, Éditions de Minuit, 1958, p. 227-228.
91 C. Giron-Panel, Musique et musiciennes à Venise. Histoire sociale des ospedali, Rome, École française de Rome, 2015, p. 587.
92 AN, Minutier central des notaires de Paris, étude XX, minutes 751, 19 septembre 1791.
93 J. de Guibert, Essai général de tactique, t. I, Londres, chez les libraires associés, 1772, p. 20.
94 J. Chagniot, « Les rapports entre l’armée et la société à la fin de l’Ancien Régime », dans A. Corvisier (dir.), Histoire militaire de la France, t. II, De 1715 à 1871, Paris, Presses universitaires de France, 1992, p. 107-110.
95 AM Marseille, BB 226, p. 69-70, 27 février 1725.
96 AD 06, 1 G 36, 13 septembre 1708.
97 AM Arles, CC 109, fol. 408 v. et 440 v.
98 X. Bisaro, « Beauté du chant, laideur du chantre : esthétique du plain-chant et dressage vocal au XVIIIe siècle », Revue de l’histoire des religions, 227, 2010, p. 61-62.
99 Furetière, « Chantre », art. cité ; J.-F. Féraud, « Chantre », dans Dictionnaire critique de la langue française, t. I, Marseille, chez Jean Mossy, 1787, p. 409.
100 J.-L. Jam, « Images du chantre au xviiie siècle », dans B. Dompnier (dir.), Maîtrises et chapelles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Des institutions musicales au service de Dieu, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2003, p. 421-423.
101 101. Ibid., p. 417.
102 Ibid., p. 417-418. Dans la réalité, cependant, la propension des ecclésiastiques à l’ivrognerie paraît diminuer au XVIIIe siècle au sein d’une société largement affectée par ce phénomène (M. Lecoutre, Ivresse et ivrognerie dans la France moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 264).
103 J.-F. Dubost, « Les stéréotypes nationaux à l’époque moderne (vers 1500-vers 1800) », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 111-2, 1999, p. 667-682.
104 G. Bertrand, « Le discours des voyageurs. Quelques éléments pour une approche comparative des stéréotypes sur les peuples dans l’Europe des Lumières », dans M. Grandière, M. Molin (dir.), Le stéréotype, outil de régulations sociales, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 245-260.
105 V. Larcade, Les cadets de Gascogne. Une histoire turbulente, Bordeaux, Sud-Ouest, 2005, p. 349-362.
106 Milliot, « “Le Parisien n’a point l’oreille musicale’’… », art. cité, p. 413.
107 J. Gribenski, « Les voyages de Mozart en Italie du Nord (1769-1773). De la formation à la recherche d’un emploi », dans V. Meyer, M.-L. Pujalte-Fraysse (dir.), Voyage d’artistes en Italie du Nord (xvie-xixe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 182 ; Burney, Voyage musical dans l’Europe des Lumières, op. cit., p. 488.
108 C.-F. Bouche, Essai sur l’histoire de la Provence, suivi d’une notice des Provençaux célèbres, t. II, Marseille, chez Jean Mossy, 1785, p. 332.
109 Cette seconde hypothèse semble moins vraisemblable, car le jeune musicien décède justement à Paris l’année de la publication de la Notice, juste après l’échec retentissant de son dernier opéra.
110 B. Lespinard, « Belissen, Laurent », dans M. Benoit (dir.), Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 1992, p. 64-65 ; P. Geel, « Une famille d’organistes marseillais : les Desmazures », Provence historique, 30, 1980, p. 299-301.
111 I. Boghossian, « Les sources et l’esthétique du grand motet en Provence au XVIIIe siècle : les musiciens de la maîtrise Saint-Sauveur d’Aix et leur rayonnement », dans J. Mongrédien, Y. Ferraton (dir.), Le grand motet français (1663-1792), Paris, Presses de l’université de Paris- Sorbonne, 1986, p. 173-177 ; J. H. Heyer, « Poitevin, Campra et les compositeurs de la maîtrise Saint-Sauveur à Aix-en-Provence : quelques aspects stylistiques communs », dans C. Cessac (dir.), Itinéraires d’André Campra (1660-1744). D’Aix à Versailles, de l’Église à l’Opéra, Wavre, Mardaga, 2012, p. 311-325.
112 F. Gétreau, « Tableaux de musique. L’art de représenter la musique sous Louis XV », dans J. Duron (dir.), Regards sur la musique au temps de Louis XV, Versailles, Mardaga, 2007, p. 11-12.
113 F. Gétreau, « Tambourin », dans Benoit (dir.), Dictionnaire de la musique…, op. cit., p. 659-660.
114 J.-C. Maillard, « Tambourin (répertoire) », dans Benoit (dir.), Dictionnaire de la musique…, op. cit., p. 660.
115 BM Arles, ms. 379, p. 183, 21 décembre 1777.
116 Rélation des fêtes données par la ville d’Avignon, Les 7, 8, 9 et 10 mai 1775, pour l’exaltation de notre s. pere le pape Pie VI, Avignon, chez Joseph Blery, 1775, p. 9.
117 Ibid.
118 BM Aix-en-Provence, F 1182, Affiches et annonces…, op. cit., no 17, p. 122, 12 mai 1777.
119 Hennebelle, De Lully à Mozart…, op. cit., p. 247.
120 BM Aix-en-Provence, ms. 1633 (1498), 19 avril 1786.
121 N. Heinich, Du peintre à l’artiste. Artisans et académiciens à l’âge classique, Paris, Éditions de Minuit, 1993, p. 198-204.
122 Ibid., p. 202-203.
123 A. Graceffa, « Le statut de l’artiste en France depuis la fin du Moyen Âge : pluralité et fragilité », dans A. Graceffa (dir.), Vivre de son art. Histoire du statut de l’artiste (XVe-XXIe siècle), Paris, Hermann Éditeurs, 2012, p. 21.
124 N. Heinich, « À quoi servent les créateurs ? L’art et le compromis démocratique », dans A. Ducret (dir.), À quoi servent les artistes ?, Zurich, Seismo, 2011, p. 16.
125 N. Heinich, Être artiste. Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris, Klincksieck, 2005, p. 113-114.
126 La simple animation d’événements où la musique n’est qu’un épiphénomène constitue encore aujourd’hui le pain quotidien d’un grand nombre de musiciens instrumentistes ordinaires, pour qui il s’agit d’une source importante d’emploi, même si peu avouable symboliquement : M. Perrenoud, « Formes de la démultiplication chez les ’’musicos’’ », dans M.-C. Bureau, M. Perrenoud, R. Shapiro (dir.), L’artiste pluriel. Démultiplier l’activité pour vivre de son art, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2009, p. 86.
127 Grétry, Mémoires…, op. cit., t. I, p. 37-38.
128 Davantage que celui à qui son œuvre est adressée. Comme le note David Hennebelle, c’est de Mozart et de Leclair dont la postérité se souvient, plus que des ducs de Guines ou de Gramont : Hennebelle, De Lully à Mozart…, op. cit., p. 11.
129 Le nom joue également une grande importance chez les peintres et les sculpteurs, dont la signature devient de plus en plus fréquente à la même époque : Heinich, Être artiste…, op. cit., p. 26-27.
130 M. Briquet, « À propos de lettres inédites d’Étienne Joseph Floquet (1748-1785) », Revue de musicologie, t. XX, 69, 1939, p. 1.
131 C. Giron-Panel, « Entre art et technique. L’apprentissage de la musique en famille et en dehors des familles à Venise (xvie-xviiie siècle) », dans A. Bellavitis, I. Chabot (dir.), La justice des familles. Autour de la transmission des biens, des savoirs et des pouvoirs (Europe, Nouveau Monde, XIIe-XIXe siècle), Rome, École française de Rome, 2011, p. 327.
132 C.-H. Watelet, « Artiste », dans Encyclopédie méthodique des Beaux-Arts, t. I, Paris, Panckoucke, 1788, p. 39.
133 Heinich, Du peintre à l’artiste…, op. cit., p. 203-204.
134 Péché, Vendries, Musique et spectacles…, op. cit., p. 91.
135 « Luthier ou facteur de violons. C’est l’artiste qui fait tous les instruments de musique qu’on joue avec l’archet, comme violons, quintes ou alto, violoncelles, contre-basses, basses et dessus de violes, violes d’amour, etc. » : P. Macquer, Dictionnaire portatif des arts et métiers, t. II, Paris, chez Lacombe, 1766, p. 109.
136 Chevalier de Meude-Monpas, cité par F. Gétreau dans É. Martin, « Faiseur, facteur, luthier : terminologie d’un métier », Musiques, images, instruments, 8, 2006, p. 134.
137 Ibid., p. 130.
138 138. AD 13, C 3401, 28 avril et 6 juin 1789.
139 « Luthier. Ouvrier qui fait des violons, des violoncelles, et autres instruments semblables. » : Rousseau, « Luthier », Dictionnaire de musique, op. cit., p. 269. Il est possible que le chevalier de Meude-Monpas se justifie du choix du terme d’artiste notamment en réaction au dictionnaire de Rousseau.
140 Bouche, Essai sur l’histoire de la Provence…, op. cit., t.II, p. 332, p. 355, p. 404-406 et p. 418. Compositeur toulonnais ayant notamment collaboré avec Pelegrin, Salomon (1649-1732) faisait partie de la Chapelle royale.
141 141. Idid., p. 404-405.
142 C. F. Achard, Histoire des hommes illustres de la Provence, t. I, Marseille, chez Mossy, 1787, p. 486-494.
143 « Cet ouvrage est destiné aux jeunes artistes qui désirent de marcher sur les traces des grands musiciens, et à ceux qui, sans connaissance de l’art de la musique, cherchent à distinguer les beautés des ouvrages des grands maîtres » : B. G. de Lacépède, La poétique de la musique, t. I, Paris, imprimerie de Monsieur, 1785, avant-propos.
144 D. Hennebelle, « Un paysage musical de Paris en 1785. Les Tablettes de renommée des musiciens », Histoire urbaine, 26, 2009, p. 102.
145 Almanach musical, 1775, p. 95, cité par Hennebelle, « Un paysage musical de Paris… », art. cité, p. 97.
146 P. Taïeb, « Amateurs et professionnels aux concerts du Musée », dans P. Taïeb, N. Morel- Borotra, J. Gribenski (dir.), Le Musée de Bordeaux et la musique 1783-1793, Mont-Saint-Aignan, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2005, p. 82.
147 Sur l’évolution de l’image du virtuose, voir J. Deaville, « L’image du virtuose aux xviiie et xixe siècles : de Tartini à Paganini, et de Bach à Liszt », dans Nattiez (dir.), Musiques…, op. cit., p. 759-780.
148 P. Richelet, « Virtuoso », Dictionnaire françois contenant generalement tous les mots tant vieux que nouveuax. Nouvelle edition, Amsterdam, chez Jean Elzevir, 1706, p. 880.
149 J. Lacombe, « Virtuoso », Dictionnaire portatif des Beaux-Arts, Paris, chez la veuve Estienne, 1752, p. 688.
150 Le mot virtuose n’entre dans le dictionnaire de l’Académie française qu’à partir de sa quatrième édition de 1762. Cet ouvrage met aussi la musique en première position de l’application du terme : « Mot emprunté de l’Italien, pour signifier un homme ou une femme qui a des talens pour les beaux Arts, comme la Musique, la Peinture, la Poësie, etc. » : « Virtuose », Le dictionnaire de l’Académie…, op. cit., t. II, p. 943. Il est à noter dans cette définition l’égale présence du poète, à qui est précisément aussi dénié le qualificatif d’artiste par Watelet.
151 Duhamel, La musique dans la ville…, op. cit., p. 178-186.
152 BM Aix-en-Provence, F 1182, Affiches et annonces…, op. cit., no 14 et no 6, p. 94 et p. 113-114, 21 avril et 5 mai 1777.
153 AM Grasse, AA 6, 8 mai 1785 ; AM Digne-les-Bains, EE 20, 10 août 1787.
154 N. Élias, Mozart. Sociologie d’un génie, Paris, Seuil, 1991, p. 30-35.
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