VII – La faune du Ventoux
p. 153-159
Texte intégral
1Le massif du Ventoux abrite une faune nombreuse et très diversifiée, en partant des invertébrés pour aller jusqu’aux grands animaux mammifères1. Il ne peut être question ici de faire le recensement de l’ensemble des animaux qui colonisent le Ventoux. On se limitera à faire état des espèces significatives. Dans ce panorama, les ongulés occupent une place de choix, particulièrement depuis le reboisement (XIXe siècle) et les introductions volontaires réalisées au cours du XXe siècle.
Quelques insectes rares
2Il est impossible de citer tous les insectes présents sur le Ventoux. On y trouve par exemple des coccinelles2, des tiques3, ainsi que plusieurs espèces de criquets4 et de sauterelles. On fera toutefois mention des plus rares : l’Apollon, le Sympetrum Pedemontanum et le Grand paon de nuit (espèce de papillons), le Rhagium Inquisitor, la Synema Globosum, la Melasoma Populi, la magicienne dentelée, etc.
La chenille processionnaire du pin
3Très urticante pour l’homme et l’animal, la chenille processionnaire du pin provoque des défoliations sur les arbres attaqués, ce qui nuit à leur croissance et les expose à des attaques d’insectes5. Il est recommandé de couper la branche qui accueille le nid de cette chenille et de la brûler ensuite, pour éviter les contaminations.
Les oiseaux nicheurs, les oiseaux de nuit et les rapaces
4Quant aux oiseaux, on s’épuiserait à vouloir tous les citer. Plus de 38 espèces d’oiseaux nicheurs (mésange bleue, autour, chouette hulotte, fauvette, etc.) ont été identifiées dans les forêts du Ventoux. Le hibou grand-duc, le circaète Jean-le-Blanc, le pic noir et le grand corbeau y trouvent aussi leur place.
5Dans le versant nord du Ventoux, au lieu-dit de la Tête de l’Émine, un peuplement de genêts de Villars est devenu l’habitat privilégié de l’alouette Lulu, du Pouillot véloce et du Bruant fou.
La discrète gélinotte des bois
6Bien que discrète et rare, la gélinotte des bois a été repérée dans les forêts du Ventoux composées de résineux. Elle n’est pas une espèce de haute futaie. Sa répartition est située dans la zone Natura 2000, avec une dispersion géographique importante6.
Une forte diversité de reptiles et d’amphibiens
7Pas moins de treize espèces de reptiles ont été répertoriées dans le massif du Ventoux, dont la vipère aspic et la vipère d’Orsini. S’y ajoutent sept espèces de couleuvres : la couleuvre verte et jaune, la couleuvre d’Esculape, la couleuvre à échelons, la couleuvre de Montpellier, la couleuvre vipérine, la coronelle lisse et la coronelle girondine. Quatre espèces de lézards ont été également identifiées : le lézard o cellé, le lézard vert, le lézard des murailles et le lézard psammodrome.
8On trouve enfin dans le Ventoux pas moins de huit espèces d’amphibiens dont la salamandre tachetée, le crapaud commun, le crapaud calamite, la rainette méridionale, le pélodyte ponctué, l’alyte accoucheur et la grenouille rieuse. Le crapaud à couteau, dit également pélobate cultripède, a aussi été identifié, ce qui fait du Vaucluse un de ses derniers refuges.
La vipère d’Orsini, espèce remarquable mais fragile
9Cette vipère de petite taille se rencontre dans les Alpes méridionales. Elle est protégée en France depuis un arrêté du 22 juillet 1993. La population du Ventoux, qui est la seule sur le territoire du Vaucluse, évolue sur les prairies du Mont-Serein. La vipère d’Orsini7, qui est très peu dangereuse pour l’homme, se nourrit de sauterelles et de criquets. Parce qu’elle est exposée à un risque sérieux d’extinction, il convient de lui apporter les soins – notamment de préservation de son habitat – et la tranquillité nécessaire à sa reproduction8.
Le sanglier : un mammifère redouté par les promeneurs, les trufficulteurs et les viticulteurs
10Le sanglier était peu fréquent sur le massif du Ventoux au début du XXe siècle. Il s’est fait plus présent dans les années 30. Les sentiers du Ventoux sont pleins de leurs empreintes. Peu à peu, il a proliféré, mais il semble qu’il ait fait l’objet d’une diminution sensible9. Cet animal fait la joie du chasseur, bien qu’il soit redouté, à tort, par le promeneur : un sanglier attaque rarement ! Il ne se montre agressif que s’il est menacé, lui et sa progéniture. Il faut éviter de déboucher brusquement sur leur tanière ou de perturber la course d’un groupe en déplacement.
11Pour les ramasseurs de truffes, cet animal n’apporte rien de bon, puisqu’il peut, avec son groin doté de défenses redoutables, labourer un coin de terre en espérant y trouver des glands et des champignons.
12Se nourrissant occasionnellement de raisin, il est craint également des viticulteurs, qui se font aider financièrement pour entourer leurs vignes de fils électriques.
13Du côté scientifique, le sanglier laisse souvent indifférent. Ce n’est pas une espèce menacée en France, ni même véritablement menaçante. L’animal se reproduit en forte densité, ce qui plaît aux chasseurs, aux amoureux du Ventoux et … à la Fée qui l’habite.
Le chevreuil : la grâce alliée à l’agilité
14La mémoire des anciens révèle que le chevreuil avait sa place sur la plaine comtadine au XIIe et XIIIe siècle. Mais la désertification du territoire lui a été fatale. Il a été réintroduit sur le Ventoux dans les années 1980, particulièrement en 1988-1989 quand 102 animaux en provenance de la réserve ONC de Chizé et des réserves ONF de Pau et de Mimizan ont été lâchés sur les Monts de Vaucluse, et, dans une moindre mesure, sur le Ventoux à l’initiative de la Fédération départementale des chasseurs de Vaucluse et des chasseurs locaux, en collaboration avec l’ONF (Office National des forts) et de l’ONC (Office National de la Chasse). Cette réintroduction fut une réussite, comme l’ont montré les comptages ultérieurs.
15Outre sa belle harmonie avec les combes et les couleurs du Ventoux, le chevreuil, qui dépasse rarement 30 kilos, est une viande recherchée par le chasseur pour sa délicatesse et sa tendresse. Ma grand-mère aimait le cuisiner, en le faisant mariner dans une sauce au vin, puis on le dégustait savoureusement avec des marrons entiers et une bouteille de vin (Côtes du Rhône ou Bordeaux) que j’avais été cherchée avec mon grand-père dans la cave fraîche et voûtée.
Le cerf élaphe : le grand prince de la forêt
16Approchant les 200 kilos, le cerf élaphe est le plus grand mammifère du Ventoux, plantureux et solide comme la roche. Il avait disparu du Ventoux, mais seize cerfs et biches, en provenance de Chambord, ont été relâchés en 1954, 1955 et 1958. L’animal s’est peu à peu adapté et développé. Il descend parfois dans les cultures de la plaine, où certains ont remarqué son passage et déploré les dommages qu’il peut causer. Mais personne ne peut nier l’harmonie qui se crée entre ce grand prince de la nature et la majesté du Ventoux. À certains endroits, il est possible d’observer ses ébats amoureux et d’écouter son brame rauque et vociférant qui fait tressaillir la forêt – par exemple depuis la bergerie-pavillon de chasse du rat. Le gourmet apprécie sa chair plus ferme et sauvage que celle d’un chevreuil.
Le chamois : un montagnard fragile et agile
17Le chamois a refait surface sur le Ventoux de manière inattendue, bien que sa présence ait été décelée très tôt. Au début des années 1990, le Ventoux n’en comptait qu’une cinquantaine. On pense qu’il y en a 150 aujourd’hui. Fixé sur le versant nord, le chamois, qui pèse entre 35 et 50 kilos, se remarque sur les pentes abruptes en faisant corps avec elles. Il se rend parfois dès l’aube à la source de Fontfiole, pour s’y abreuver. De même couleur que la roche, il est difficile à observer, sauf lorsqu’il s’échappe devant le promeneur, souvent dans un bruit de pierres écroulées.
Le mouflon de Corse : un ongulé casanier et cornu
18Le mouflon de Corse a été introduit sur le Ventoux en 1961 et 1964 à partir de 17 individus originaires de Chambord.
19Le premier lâcher de mouflons – 10 animaux – a été réalisé le 21 novembre 1961 au lieu-dit Le Contrat, à 1 500 mètres d’altitude, dans un secteur recouvert d’arbres âgés : des pins sylvestre, des pins à crochets, des hêtres et des sapins.
20Le deuxième lâcher concernait trois mâles et quatre femelles. Il a eu lieu le 15 décembre 1964 dans la combe Roussel sur le versant sud à 1 200 mètres d’altitude dans un environnement de chênes pubescents, de pins noirs et de quelques pelouses.
21Vivant en groupe, le mouflon n’a pas connu l’essor du chevreuil ou du sanglier. En 1992, on en comptait une centaine, tant sur le versant sud que nord. Il y en aurait 200 aujourd’hui. Il donne souvent l’image d’un animal casanier et peu farouche, qu’une chasse inconsidérée pourrait menacer. Cet animal se reconnaît par la superbe de ses cornes.
Le loup revenu naturellement sur le Ventoux
22En 2011, les éleveurs de brebis n’avaient pas cessé d’exprimer leur inquiétude après deux attaques dont leur troupeau avait été victime. À Bédoin et à Monieux, plusieurs brebis avaient été retrouvées mortes en fin d’année dernière ; les analyses pratiquées par la Préfecture avaient conclu que « la responsabilité du loup ne pouvait être totalement exclue ».
23Le 30 janvier 2012, un chasseur qui progressait dans le secteur du Pavillon de Rolland découvrit les restes d’un loup10. Sa dépouille présentait deux orifices correspondant à l ’entrée d e d eux b alles de chasse. Les enquêteurs de la gendarmerie et les responsables vauclusiens de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ont été aussitôt alertés. Le corps de l’animal a été conduit dans un laboratoire des services vétérinaires en vue d’une autopsie, comme l’impose la procédure : « Nous procédons à des constats sur le terrain, sur la scène de crime. Une fois que le constat est établi, nous sommes chargés de transporter l’animal auprès des services vétérinaires pour l’analyser et pour déterminer à quelle espèce il appartient. Si la bête a été abattue, c’est forcément un acte de délinquance passible d’une sanction pénale et la procédure est transmise au parquet », indiquait Charles Gaudin, délégué régional adjoint de l’ONCFS, qui est en charge de la police de la chasse et de l’environnement.
24Interrogé après la découverte de ce cadavre de loup sur le territoire de sa commune, le maire de Bédoin, Luc Reynard, n’a pas montré d’étonnement, même s’il reste contre la réintroduction du loup sur le Ventoux : « C’est la preuve qu’il y en a. Jusqu’alors, il n’y avait pas de preuve. Ça ne m’étonne pas du tout compte tenu du fait que certains l’ont déjà vu ! Des chasseurs et des éleveurs l’ont aperçu (…). C’est donc à ma connaissance le premier loup qu’on aura retrouvé abattu dans le Mont-Ventoux. Ce qui m’étonne, en revanche, c’est la proximité avec les zones d’habitation. Il est descendu très bas ».
25Technicien forestier depuis trente-cinq ans, représentant de l’Office national des forêts en cas de risque incendie pour le Vaucluse, Lionel Kmiec connaît bien le massif du Ventoux, sans être surpris de cette découverte : « Ce n’est pas parce qu’on a trouvé un cadavre de loup qu’il est présent en permanence. C’est vrai que le triangle montagne de Lure/ Mont Ventoux/Monts de Vaucluse, c’est un endroit idéal dans lequel le loup pourrait s’installer. Il n’y a pas lieu d’affoler tant qu’il n’est pas là de façon permanente. Selon moi, le loup ne fait que passer. Si le loup ou plutôt une meute s’était installée, nous aurions noté des chutes de population dans les grands cervidés (chamois, mouflons). Or, ce n’est pas le cas d’après les comptages réguliers que nous effectuons ».
26Le loup est revenu naturellement sur le Ventoux, sans doute par des chemins venant du nord de l’Italie, où il est encore présent. Nul ne sait s’il s’y installera. Le 8 août 2012, huit brebis ont été retrouvées égorgées à Lagarde d’Apt, à la suite d’une attaque de loup. Il est évident qu’il ne sera pas l’ami des bergers, de leurs troupeaux et des mouflons.
L’ours : une espèce sous forme fossile
27Depuis 1997, le Muséum Requien d’Avignon a entrepris, sous la direction scientifique d’Évelyne Crégut-Bonnoure, des fouilles paléontologiques dans un « aven » (cavité propre au milieu karstique) du flanc nord du Mont Ventoux – l’aven de René Jean à Brantes, d’une profondeur de 17 mètres. Des centaines de restes d’ours brun fossiles ont été exhumés, dont la majorité appartient à de jeunes oursons, pris au piège dans cet aven naturel. Ces restes sont en dépôt au Muséum Requien à la suite d’une convention établie avec l’État et son représentant, l’Office national des Forêts, le site étant en forêt domaniale.
28Ces ossements d’ours ont été retrouvés avec ceux d’autres espèces de mammifères : renard, fouine, chien, cerf, chevreuil, mouton, taupe, musaraigne et de nombreux autres petits rongeurs. Des ossements de chauve-souris étaient présents, de même que des restes de grand tétras.
Les lamas de la ferme expérimentale du Barroux
29Au pied du Ventoux, près du Barroux, une ferme expérimentale a été ouverte en 1984 par Pierre Scherrer pour tester chez les lamas leurs qualités de débroussailleurs et de producteurs de laine. Son idée était de les utiliser pour le débroussaillement de la forêt et l’entretien des terres en friche. Il s’adressa au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris où il fit l’acquisition de trois animaux. Depuis lors, le troupeau de camélidés andins s’est développé et entretient 33 hectares de forêts et de prés. Ils fournissent aussi de la laine qui est filée et tissée à la main dans l’atelier de tissage adjacent à la ferme : au printemps, les lamas sont tondus. Leur toison est destinée à être filée au rouet et au fuseau. Une fois lavé, le fil obtenu peut être teinté. Il est enfin tissé sur des métiers de haute et de basse lice, en vue de la confection de tapis, tapisseries, tentures, étoles ou écharpes.
Vers la reconnaissance d’autres espèces
30Chez les carnivores, le renard, le blaireau, la martre et la fouine n’ont jamais disparu. De récentes observations montrent la présence de la genette et le retour du lynx…
Notes de bas de page
1 Du Merle (P.) et Blondel (J.), « Bilan des études portant sur la faune du Ventoux », in Études Vauclusiennes, n° spécial Voyage autour du Mont Ventoux, Juillet 1987, p. 113.
2 Iperti (G.), « Les Coccinelles et le Mont Ventoux, réservoir pour l’agriculture », in Études Vauclusiennes, n° spécial Voyage autour du Mont Ventoux, Juillet 1987, p. 1.
3 Gilot (B.), « Notes préliminaires sur les tiques (Acarina, Ixodidae) du Mont Ventoux », in Études Vauclusiennes, n° spécial Voyage autour du Mont Ventoux, Juillet 1987, p. 15.
4 Luquet (G. Chr.), « Les Criquets du Mont Ventoux (orthoptères caelifères acridoïdes) », in Études Vauclusiennes, n° spécial Voyage autour du Mont Ventoux, Juillet 1987, p. 135.
5 Haurez (Jacques), « Les Chenilles processionnaires », Les Carnets du Ventoux, 2e trimestre 2007, p. 66 ; Demolin (G.), « La Processionnaire du pin, Thaumetopoea pityocampa SCHIFF., au Mont Ventoux », in Études Vauclusiennes, n° spécial Voyage autour du Mont Ventoux, Juillet 1987, p. 157.
6 Reyna (Ken), Verrechia (Marc), Roux (Denis) et Mugnier (Rémy), « La Gélinotte des bois au Mont Ventoux », Les Carnets du Ventoux, 1er trimestre 2001, p. 73.
7 Baron (Jean-Pierre), « La Vipère d’Orsini (Vipera ursinii Bonaparte, 1835), systématique, distribution géographique et habitat ; la population du Mont Ventoux (Vaucluse) », in Études Vauclusiennes, n° spécial Voyage autour du Mont Ventoux, Juillet 1987, p. 127.
8 Baron (Jean-Pierre), « Une espèce remarquable du Ventoux : la vipère d’Orsini », Les Carnets du Ventoux, 4e trimestre 1999, p. 91.
9 Gaudin (Jean-Charles), « Les Ongulés du Ventoux », Les Carnets du Ventoux, Nov. 1993, p. 71.
10 Mélanie Ferhallad, Article publié dans La Provence du mardi 31 janvier 2012.
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